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  • [VIDEO] Violences faites aux femmes : c’est tout le système qui est coupable !

    Dans le cadre de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes (25 novembre) et à la veille de la Journée de commémoration du féminicide de Polytechnique (6 décembre), nos camarades québécois d’Alternative socialiste et des Étudiant·e·s socialistes UQAM ont organisé une rencontre publique virtuelle pour aborder le sujet et discuter des perspectives de luttes à venir.

    Les violences faites aux femmes ont de multiples facettes: violences conjugales, harcèlement et agression physique et sexuelle, violences psychologiques et violences économiques. Ce n’est pas une mince affaire et s’organiser pour y faire face est plus que nécessaire!

    La vidéo ci-dessous reprend ce débat, qui a notamment donné la parole à Émily Perrier Gosselin, membre d’Alternative socialiste (Québec), Allie Pev, membre de Socialist Alternative (Canada, qui a abordé la situation des femmes autochtones) et Celia Ponce Vicencio,
    membre du Parti socialiste de Lutte et de la campagne ROSA Belgique.

  • Québec. « Relance économique » en pandémie : un projet de loi démasque l’austérité à venir

    Le gouvernement conservateur et nationaliste de François Legault a échoué son coup de force législatif visant à « relancer » l’économie du Québec. Il n’a pas réussi à faire adopter son projet de loi 61, qui vise à lui donner des pouvoirs extraordinaires afin d’accélérer des projets d’infrastructures qui seront réalisés par le privé. Le premier ministre promet de revenir à la charge cet automne. D’ici là, il continuera de diriger la province canadienne la plus éprouvée par la COVID-19 à coup de décrets austères, tout en bénéficiant de l’aide financière historique d’Ottawa.

    Par Julien D., Alternative Socialiste (section d’Alternative Socialiste Internationale au Québec)

    Déposé le 3 juin, le projet de loi omnibus sur la relance de l’économie québécoise visait a « accélérer » la réalisation de 202 projets publics d’infrastructures en octroyant des pouvoirs exceptionnels au gouvernement. Ces projets étaient toutefois déjà prévus par le Plan québécois des infrastructures des 10 prochaines années, un plan mis au point avant la pandémie de la COVID-19. Les projets visés par le projet de loi 61 (PL61) concernent surtout la construction de nouvelles autoroutes ainsi que la rénovation et la construction de CHSLD1, de « maisons des aînés » et d’hôpitaux. Certains projets prévoient aussi la rénovation et l’agrandissement d’écoles.

    La réalisation d’une bonne partie de ces travaux est essentielle pour maintenir l’offre de services publics. Toutefois, le gouvernement de la CAQ2 propose d’accélérer leurs travaux en ouvrant une nouvelle boite de pandore néolibérale.

    La première mouture du PL61 donnait au gouvernement des droits d’exproprier des terrains sans contestation possible. Les octrois de contrats publics pouvaient se faire sans appel d’offres. La reddition de compte était restreinte à une fois l’an et les ministres concernés pouvaient être placés hors d’atteinte des tribunaux. Le gouvernement provincial pouvait contourner plusieurs lois relatives à la qualité de l’environnement, à l’aménagement du territoire ainsi qu’à la protection des espèces menacées pour faire construire plus vite. Enfin, le PL61 étendait l’état d’urgence sanitaire pour une durée indéfinie, permettant ainsi au gouvernement de continuer à décréter les conditions de travail dans le secteur public.

    Sauvé par la fin de session parlementaire

    Comme le gouvernement a déposé le PL61 de manière tardive, il devait obtenir l’accord unanime des partis d’opposition pour l’adopter. Il a dû mettre de l’eau dans son vin pour faire avancer le projet. Autrement, il aurait tout simplement pu l’adopter grâce à sa majorité parlementaire.

    Dans la nouvelle mouture du projet gouvernemental, les promoteurs ne peuvent plus simplement détruire un milieu naturel contre de l’argent. Ils devront d’abord chercher à éviter, puis à minimiser les impacts environnementaux avant de compenser financièrement. Ensuite, seules les villes pourront passer un contrat sans respecter les normes prévues par la Loi sur les contrats des organismes publics.

    Le gouvernement a aussi convenu de limiter l’état d’urgence jusqu’au 1er octobre, période durant laquelle la 2e vague de la COVID-19 devrait déferler. Il a aussi acquiescé à supprimer l’article qui lui aurait permis d’échapper aux poursuites judiciaires dans l’exercice de cette nouvelle loi.

    Le jeu des procédures a permis aux partis d’opposition de modifier puis de freiner l’adoption du PL61 à la clôture de la session parlementaire. Le gouvernement aura néanmoins les coudées franches pour faire adopter son projet de loi cet automne, à la reprise des travaux parlementaires. Les concessions de surface qu’il a accordées n’ont pas fondamentalement altéré la raison d’être du PL61.

    La raison d’être du PL61, c’est compenser le plus rapidement possible les pertes de profits des grandes compagnies privées grâce à l’argent public.

    L’accélération, une politique au service du privé

    Le premier ministre Legault a répété en conférence de presse vouloir « accélérer pour les aînés ». Or, il semble que sa volonté de ne « pas perdre de temps » découle surtout des pressions du milieu des affaires.

    Le Conseil du patronat estime depuis la fin avril que l’ensemble des activités économiques aurait dû reprendre, alors que le Québec connaissait son pic de décès au coronavirus. De son côté, la Fédération des chambres de commerce souhaite que les mesures du PL61 « puissent devenir permanentes » et qu’elles deviennent applicables à l’ensemble du secteur privé. L’alliance de l’immobilier, formée par les quatre plus importantes associations de l’industrie de la construction et de l’immobilier commercial, partage la même position.

    Soyons clairs, le PL61 n’est pas un plan de sortie de crise. Il n’implique aucun investissement supplémentaire pour les secteurs publics qui en ont immédiatement besoin: la santé et les services sociaux, le logement abordable et le transport collectif. Peu importe sa mouture, le PL61 bénéficie d’abord et avant aux firmes privées de génie-conseil qui s’occuperont des travaux et aux grandes compagnies de construction qui les réaliseront.

    L’accélération des projets d’infrastructure vise à sécuriser le plus rapidement possible leurs contrats et leurs profits, même si cela signifie nuire à notre santé, polluer notre environnement et gérer l’argent public de manière arbitraire et opaque.

    Opportunité de corruption et de collusion

    La plupart des organismes de surveillance – de la protectrice du citoyen au comité de suivi de la commission Charbonneau – ont reconnu que le PL61 ouvre la porte au crime organisé, à la corruption et à la collusion.

    Les décennies de coupures dans les services publics, en particulier dans le personnel d’ingénierie du Ministère des Transports du Québec (MTQ) et des municipalités, ont conduit à une perte d’expertise interne en termes d’évaluation de projet. Cette situation est à l’origine des scandales de corruption ayant touché le secteur de la construction durant les dernières années.

    La journée même où le président du Conseil du trésor, Christian Dubé, présentait le PL61 en conférence de presse, la vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, publiait un rapport estimant que le MTQ est trop souvent incapable d’évaluer correctement la valeur des contrats qu’il octroie.

    Les « allègements » de procédures du PL61 risquent de replonger le Québec dans un nouveau cycle de collusion. Le premier ministre lui-même a reconnu la partisanerie derrière son projet de loi: les projets d’infrastructures choisis l’ont été en fonction du poids électoral de la CAQ au Québec!

    Contourner les lois pour rétablir le profit privé

    La CAQ tente de profiter de la crise actuelle pour en revenir aux belles années du néolibéralisme, voire à celles du libéralisme sauvage des années 30 sous Maurice Duplessis. Ce type d’économie « libérée » au maximum des contraintes de l’État ne sert ultimement qu’à une chose: garantir la profitabilité des grandes compagnies.

    La tentative du gouvernement québécois de contourner les lois environnementales en temps de pandémie s’inscrit dans une tendance canadienne. À titre d’exemple, le gouvernement fédéral de Justin Trudeau a annoncé au début juin qu’il exempte tous les forages d’exploration pétrolière réalisés en milieu marin, au large de Terre-Neuve, du processus d’évaluation environnementale. Même approche en Alberta où le gouvernement a suspendu sa réglementation environnementale, dont la reddition de compte des compagnies privées.

    L’austérité n’est pas une sortie de crise

    Du côté des secteurs public et parapublic, l’État du Québec est actuellement en négociation avec les syndicats représentant leurs employé·es en vue du renouvellement des conventions collectives 2020-2025. Le maintien de l’État d’urgence sanitaire jusqu’au 1er octobre permettra au gouvernement de garder le contrôle total sur leurs conditions de travail. La politique d’arrêtés ministériels pourra se continuer d’ici là.

    La ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, pourra aller de l’avant dans ses plans de régime minceur. Que ce soit la modulation des primes de risques ou le recalcul des horaires du personnel, tout est bon pour minimiser les dépenses gouvernementales en temps de pandémie!

    Le 1er juin dernier, le ministre des Finances, Éric Girard, a d’ailleurs dévoilé en entrevue à Radio-Canada qu’après les déficits importants causés par la crise actuelle, son gouvernement « va rapidement se mettre sur une trajectoire de déclin de la dette ». En clair, la CAQ prépare le grand retour de l’austérité, celle-là même qui est à l’origine de la catastrophe de la COVID-19 au Québec.

    Épicentre de la COVID-19 au Canada

    En date du 14 juin, plus de 5 222 personnes sont mortes de la COVID-19 au Québec, soit 64% de tous les décès au Canada. Le Québec compte pour plus de 54% de tous les cas d’infections au pays (53 952/98 787), bien qu’il ne compte que pour 23% de sa population. Plusieurs facteurs ont été avancés pour expliquer la plus grande prévalence de la COVID-19 au Québec: retour des vacances de la relâche, âge de la population, santé de la population, etc.

    D’autres, à commencer par le directeur de la Santé publique du Québec, Horacio Arruda, tentent de masquer la gestion catastrophique de la crise en personnifiant le coronavirus comme une bête qui rôde et peut frapper à tout instant.

    Mais l’hécatombe dans les CHSLD a forcé tout le monde à se rendre à l’évidence. Des décennies d’austérité budgétaire et de course au profit effrénée ont engendré un manque de personnel critique, des conditions de travail et des salaires minables, une désuétude des infrastructures, un manque de place, des services dysfonctionnels et même la présence de criminels notoires comme propriétaires de CHSLD privés.

    Au moins 85% des personnes décédées de la COVID-19 au Québec résidaient dans un CHSLD (privé ou public) ou une résidence privée pour aîné·es. Plus de 200 de ces établissements sont toujours touchés par l’épidémie. Les conditions de travail des personnes préposées aux bénéficiaires (PAB) – responsables des soins de base – sont si basses que seulement 38% d’entre elles font toujours ce travail après 5 ans. Avant la pandémie, le réseau de santé et des services sociaux connaissait déjà un manque à gagner d’environ 6 400 PAB par année.

    Appelées en renfort, les Forces armées canadiennes ont produit un rapport le 27 mai sur l’action de leurs 1 350 militaires ayant œuvré dans 25 CHSLD québécois. Le rapport pointe du doigt les politiques désastreuses des gestionnaires. Il souligne leur difficulté à gérer les zones de contamination, leur laxisme à implanter une utilisation correcte des équipements de protection et leur manque de personnel.

    L’hécatombe du privé

    Ce n’est pas un hasard si le nombre de décès et d’infections à la COVID-19 se concentre dans les CHSLD complètement privés. Même si ces derniers ne représentent que 9,7% de tous les CHSLD, ils constituent près du tiers des établissements présents sur la « liste rouge » gouvernementale, c’est-à-dire les endroits où plus de 25% des résidents et résidentes sont infectés.

    Déjà en 2012, le vérificateur général du Québec a sonné l’alarme quant à la gestion catastrophique des CHSLD. Malgré les rapports accablants, les plaintes étouffées et les grèves pour de meilleures conditions de travail en CHSLD, le gouvernement caquiste a tout misé sur la préparation de places en hôpital pour affronter le coronavirus. Cette stratégie s’est avérée catastrophique.

    Avec le nombre de cas et de décès qui diminue en juin, le gouvernement Legault fait passer le déconfinement en vitesse supérieure. Le PL61 soulève l’enjeu d’un retour général et sécuritaire au travail, autrement dit d’un véritable plan de sortie de crise sanitaire, écologique et économique.

    Davantage vulnérables à une 2e vague

    Bien que la courbe d’infections a été aplatie et que le nombre de cas et de décès reliés à la COVID-19 diminue, les travailleurs et les travailleuses n’ont toujours pas de données fiables sur la contagion ni sur les stocks d’équipements de protection individuelle. La pénurie de personnel en santé est pire qu’avant: 5 000 travailleurs et travailleuses sont infectées et de nombreux autres sont en arrêt de travail pour épuisement. Les urgences de la plupart des hôpitaux de Montréal demeurent dangereusement près de leur capacité maximale ou au-dessus.

    La stratégie du gouvernement nous dirige tout droit vers une 2e vague d’infections, probablement en automne. Ottawa vient tout juste de prolonger la durée de la Prestation canadienne d’urgence à 24 semaines. Or, il y a fort à parier que les différents paliers de gouvernement soutiendront que les coffres « sont vides » cet automne. Sans les programmes publics de stimulation de la consommation privée, les gouvernements capitalistes n’auront qu’une seule option pour « relancer » l’économie: couper dans les salaires, les conditions de travail et les emplois.

    Entre l’austérité et l’argent de l’État

    Le gouvernement Legault a le beau jeu pour maintenir la ligne de l’austérité. L’essentiel de l’aide financière octroyée depuis le début de la pandémie aux entreprises et aux personnes ayant perdu leur revenu provient d’Ottawa. Déjà à la mi-mai, le gouvernement fédéral a annoncé 154 milliards de $ en aide directe. Il s’agit du programme de sauvetage économique le plus colossal de l’histoire du pays.

    Lors de la crise financière de 2008, le gouvernement conservateur de Stephen Harper s’était contenté d’injecter 40 milliards de $ sur deux ans. Quant à lui, le gouvernement québécois s’en est essentiellement tenu à des investissements en infrastructure.

    Douze ans plus tard, la nouvelle crise économique – accélérée par la pandémie – présente une gravité inégalée dans l’histoire. Avec le confinement, le taux de chômage au Québec est passé de 4,5% en février à 17% en avril. La province a enregistré la baisse de l’emploi la plus prononcée au Canada (-18,7% ou -821 000) durant la même période. La fermeture de tous les chantiers de construction le 23 mars a eu un impact significatif sur ces données.

    Retour au travail hâtif

    Cela n’a pas empêché le gouvernement Legault d’opter pour le même type de stratégie de relance que Jean Charest en 2008, mais en la bonifiant d’une aide indirecte de 2,5 milliards de $ aux entreprises. La CAQ a surtout misé sur des politiques agressives de retour au travail, sans consultation des travailleurs et des travailleuses concernées.

    Les premières mesures de reprise des activités économiques ont été décrétées à la mi-avril, en pleine ascension du nombre de cas de COVID-19, et malgré les recommandations de plusieurs scientifiques.

    Les mines ont redémarré le 15 avril tandis que la construction résidentielle a repris 5 jours plus tard. Début mai, le commerce de détail a repris ses activités graduellement à l’extérieur de la grande région de Montréal. Déjà 90% des travailleurs et travailleuses de la construction étaient de retour à la mi-mai, soit une semaine avant la réouverture complète des chantiers. Les écoles primaires, les services de garde et le secteur manufacturier ont aussi repris leurs activités à la mi-mai.

    Selon l’Institut de la statistique du Québec, la reprise a effectivement permis au taux de chômage de baisser à 13,7% et à l’emploi de grimper en mai, mais à quel prix? Commentant les mesures de déconfinement de la fin avril, le Dr Arruda a déclaré espérer que « pas trop de gens vont mourir ». Depuis, plus de 2 700 décès se sont rajoutés au funeste bilan.

    Sortir du cycle de l’austérité

    Il existe une alternative au cycle austérité/sauvetage par l’État/austérité. Renflouer les poches du privé avec l’argent public à chaque crise n’est pas une solution durable, bien que cela semble être le seul horizon des parlementaires et des directions des centrales syndicales.

    Certes, une sortie de crise passe par des réinvestissements massifs en santé et dans les services sociaux. Toutefois, pour sortir définitivement de la crise actuelle, l’État doit créer des emplois écologiques et de qualité par la prise de contrôle de toutes les compagnies privées liées à la production de matériel et de services médicaux essentiels. Ces compagnies, tout comme celles des autres secteurs clés de l’économie, doivent être placées sous la gestion des travailleurs et des travailleuses qui y œuvrent. Une planification démocratique générale de la production est la seule manière de répondre durablement aux vrais besoins de la population.

  • Changements climatiques : l’équilibre fragile de l’extrême Nord

    Durant les dernières années, voire les derniers mois, différents phénomènes météorologiques inusités – que ce soit par leur force ou leur manifestation plus fréquente qu’à l’accoutumée – se sont produits. Que ce soit les tornades, les crues printanières, les canicules à répétition ou les trop nombreuses périodes de gel-dégel, tout le monde est affecté à divers degrés. Et ça, c’est juste pour le Québec. Ou plutôt, juste pour la partie la plus au sud du Québec.

    Par Alexandra L., Alternative Socialiste (CIO-Québec)

    L’extrême Nord canadien est pourtant un écosystème fragile dont nous dépendons toutes et tous. L’Inuit Nunangat est cette partie de l’Arctique canadien qui est composée de 51 collectivités réparties sur 4 territoires : l’Inuvialuit, le Nunavut, le Nunavik et le Nunatsiavut. Le mot inuit Nunangat sert à désigner la terre, l’eau et la glace. Les Inuits considèrent que leur terre natale fait partie intégrante de leur culture et de leur mode de vie.

    Un équilibre fragile

    Selon certaines sources, on évalue que dans un peu plus de 10 ans, la température annuelle moyenne du Nunangat sera proche de 2°C. La température annuelle moyenne est actuellement de -4,4°C à Kuujjuarapik. Le réchauffement climatique fait fondre des glaces éternelles causant une augmentation du niveau de la mer. Aujourd’hui, pas loin de 40% de la couverture de glace de mer a pratiquement disparu dans le Nunangat.

    Dans une région où règne l’insécurité alimentaire, la chasse et la pêche sont des moyens de subsistance essentiels à la survie des communautés. Les personnes autochtones aînées ont constaté des changements dans les vents et les nuages, rendant difficile de prévoir la météo selon l’expertise traditionnelle. Certaines routes traditionnelles sont maintenant inaccessibles. Maintenant que les lacs et les rivières fondent plus vite, les routes sont dangereuses au printemps et le dégel du pergélisol rend les déplacements en VTT plus laborieux l’été.

    L’insécurité alimentaire

    De nos jours, 7% de la population canadienne vit dans l’insécurité alimentaire contre plus de 25% des Inuits, voire jusqu’à 70% selon certaines sources. Le coût des denrées de base est souvent de deux à trois fois plus élevé que dans les grands centres urbains. Les moyens de subsistance traditionnels sont donc essentiels pour la survie des Inuits. Malheureusement, les changements climatiques affectent aussi les animaux et les plantes. Les changements dans les courants marins apportent des contaminants. Les changements dans la végétation affectent la survie du gibier.

    Le passage du Nord-Ouest

    Depuis le début de la colonisation, on rêve de ce passage du Nord-Ouest qui aurait permis aux commerçants européens d’arriver en Asie plus rapidement. Pour les États impérialistes que sont les États-Unis, la Russie et le Canada, il est essentiel d’assurer le contrôle des eaux et des terres arctiques. Que ce soit dans le but de prospecter et d’extraire des ressources naturelles ou encore d’assurer sa prédominance militaire, la région est stratégique. La délocalisation forcée de familles d’Inukjuak à Grise Fiord et à Resolute dans les années 50 témoigne de cette volonté du gouvernement canadien d’occuper ces terres nordiques.

    L’exploitation des ressources naturelles dans ces régions est potentiellement nuisible aux communautés y vivant. Elle a aussi un impact environnemental certain. Par exemple, l’exploitation par Baffinland Mining du secteur de Milne Inlet pourrait avoir un impact négatif sur les narvals qui fréquentent les lieux. L’augmentation du trafic maritime qui sera généré aura, elle aussi, un impact sur les écosystèmes de l’Arctique.

    Il ne faut pas non plus négliger l’impact social, culturel et communautaire que pourrait avoir l’arrivée massive d’entreprises capitalistes sur les territoires Inuit. Le mode de vie des peuples inuits est basé sur des traditions ancestrales, la chasse et la pêche. Les ressources alimentaires traditionnelles se font plus rares et le coût du transport de denrées provenant du sud accentue l’insécurité alimentaire de plusieurs familles.

    Dans le respect de la communauté

    Il ne faut pas refuser d’emblée tout changement dans le Nunangat et les autres régions nordiques. La création d’emplois ainsi que le développement économique écologiquement responsable peuvent être profitables à toutes les communautés, à condition que celles-ci soient impliquées démocratiquement dans les décisions et qu’elles rompent avec la logique du libre marché. Il en va du droit fondamental de ces peuples à l’autodétermination. Personne ne connaît mieux qu’eux les enjeux de leurs territoires. Personne n’est mieux placé qu’eux pour les gérer.

    Les États capitalistes comme le Canada rechignent à reconnaître le droit à l’autodétermination des peuples autochtones, car ils veulent contrôler les ressources pour les exploiter en toute impunité. Leurs profits en dépendent. Dans ce contexte, la lutte pour l’indépendance politique et économique du Nunangat est une lutte contre les intérêts des capitalistes canadiens et québécois.

  • Québec. Entrevue avec un travailleur de la construction

    Baisse des conditions de travail, ferment du racisme

    Entrevue réalisée par Carlo Mosti, Alternative Socialiste (CIO-Québec)

    La grève des travailleurs et travailleuses de la construction de 2017 s’est achevée abruptement par une loi spéciale. Cette loi a entraîné l’abdication des directions syndicales au bout de seulement trois jours, malgré la volonté de combattre des employé·e·s. Alternative socialiste a alors réalisé une entrevue avec le soudeur spécialisé Carl Contant. Aujourd’hui, Carl constate que la situation s’est dégradée. Les conditions de travail baissent, tout comme la conscience politique et sociale de ses collègues de travail. Avec la montée de la droite populiste au Québec – qui a culminé avec la prise du pouvoir de la CAQ en octobre 2018 – Carl a été témoin du développement d’attitudes ouvertement racistes et assumées dans les milieux où il travaille.

    CM : Pourrais-tu nous parler des conditions de travail depuis les deux dernières années dans le monde de la construction?

    CC : Ça se détériore. Il y a un manque de personnel et les employeurs ne donnent pas plus d’incitatifs, au contraire. Des jobs qu’on est supposé être huit à faire, on est rendu trois. C’est hallucinant. Le lien humain est complètement coupé. La majorité des travailleurs et travailleuses ont peur de perdre leurs jobs, de ne pas performer. Je prédis que dans pas long, il va y avoir plus de blessures, d’accidents et de cas de CNESST. Moi, j’en ai vu deux mourir sur les chantiers. C’est vraiment pas drôle là.

    On a perdu le pouvoir aussi parce que la bureaucratie syndicale ne fait plus rien pour nous. Pour connaitre les bons éléments dans l’appareil syndical, il faut que tu t’impliques. Sinon, tu ne sais pas à qui tu as affaire et en qui tu peux avoir réellement confiance. Les réunions sont devenues une perte de temps. Le monde pose des questions superficielles. Il y a des propos racistes, en plus. Ce n’est vraiment plus comme avant. Tant que le crédit financier est facile à avoir, le monde se préoccupe bien plus de leur apparence et de cirer leur gros truck. C’t’une mentalité qui est pratiquement devenue la norme.

    J’ai travaillé pour la compagnie Petrifond, et je n’ai pas peur de la nommer. On faisait des murs berlinois (lagging) nécessaires à l’excavation. Et moi je devais souder des pieux pour les monter. Pour faire face à la compétition toujours plus grandissante dans le domaine, mais pour continuer à soutirer le maximum de profit malgré tout, on prenait des planches de lagging plus longues pour couvrir plus de terrain avec moins de pieux.

    Les planches pesaient 115 lb. On était en plein hiver. C’était gelé. On risquait de s’écraser les mains, les doigts. On faisait ça à quatre avant, là on tombait à trois, à deux. On coupe le personnel en plus. T’as beau être fort, lever des planches de 115 lb à deux, toute la journée pour faire tes murs, ça vient te chercher toute ton énergie assez vite. Ce n’est pas seulement Petrifond qui fait ça. Beaucoup d’autres font ça. À un moment donné, j’étais sur une job, pis quatre gars ont sacré l’camp à 10h en même temps. Les conditions étaient juste trop dures.

    CM : Est-ce que les employé·e·s parlent des risques au travail à leur syndicat et portent plainte?

    CC : Ils ont peur. Les boss leur faisaient des peurs sur le chantier en disant : « si tu te fais mal, tu ne seras plus engagé nulle part ». Quand j’entends des choses de même, j’interviens pour leur dire que ce n’est pas vrai, c’est juste des peurs qu’ils essaient de vous faire. Mais des fois, je suis tout seul à m’insurger. Je suis épuisé d’aller constamment au bat tout seul et de ne pas être appuyé. Je trouve ça de plus en plus lourd.

    Il y a des compagnies au Québec qui t’exploitent au max, qui profitent des personnes qui ne se battent pas. À Montréal, un soudeur spécialisé comme moi, ça fait 37$/h. Je suis déjà allé à Malartic, travailler dans une mine d’or – je répète, une mine d’OR – à l’autre bout du monde. Je dormais dans un shack à patates et ils me donnaient 20$/h. Quand je monte à Raglan, je suis logé, nourri et mon transport est payé. Je suis payé pratiquement le triple! Quand t’es un employé enragé, frustré, qui a de la colère en toi, dès que tu as une situation sur laquelle te défouler, la solution facile c’est de taper sur les musulmans, sur les noirs, les Autochtones, etc.

    CM : Lors de notre 1ère entrevue, il est ressorti que face à des grèves avortées et des syndicats pas assez militants, la colère des travailleurs et des travailleuses allait se canaliser sur les mauvaises cibles. Pourrais-tu nous expliquer comment le racisme a fini par s’installer davantage parmi les travailleuses et les travailleurs de la construction?

    CC : Il y a toujours eu un certain racisme dans la construction. On le voit dans certains milieux plus que d’autres. Mais, ce qui est troublant, c’est que ça s’est répandu même dans les hautes sphères syndicales. Je le voyais moins avant. Maintenant, c’est flagrant. On émet des propos racistes ouvertement, sans aucune retenue. Et là, je ne vise pas un syndicat en particulier. C’est dans tous les syndicats de la construction. Personnellement, je suis dans Inter. Je le constate depuis les deux dernières années. Je ne parle pas du petit délégué en bas de l’échelle. Je parle de beaucoup plus haut dans la bureaucratie. Pas tout le monde, évidemment. Mais, comme je l’ai dit, il faut savoir à qui parler.

    Lorsque j’allais prendre ma pause, j’ai arrêté d’aller à la roulotte. Les propos étaient si insupportables que je n’étais plus capable de m’asseoir à la même place que mes collègues pour dîner. Quand t’entends un casque blanc (un contremaître) dire « qu’avec un automatique, Bissonnette aurait dû en tuer bien plus », c’est hallucinant. Et ça ne fait que parler de ça! Lorsqu’il y a eu la tuerie à Christchurch, il y a du monde qui rentrait dans la roulotte en applaudissant.

    CM : Est-ce que les commentaires ne concernent que les personnes musulmanes?

    CC : Non. Je travaille avec un Congolais. Il travaille super bien, un excellent travailleur. J’entends les autres faire des commentaires comme: « travaillent pas vite les crisses de n… ». Ça me répugne. Je ne suis plus capable. C’est dégueulasse comme ambiance. J’ai dénoncé ça au syndicat. J’ai demandé: « Est-ce qu’on peut faire de quoi pour stopper ça? Au moins, donner des avertissements, une lettre, quelque chose ». Je me suis fait répondre que c’est ma perception, que pour certains propos, ils avaient raison.

    Je travaille sur un chantier proche d’Atwater. Il y a beaucoup d’Autochtones dans l’coin. J’entends des gars avoir des propos racistes contre les Autochtones. Même une fois dans une job, j’ai défendu un immigrant. Ils m’ont envoyé travailler dans un trou de bouette pour la journée: la job la plus crasse pour avoir eu un propos contraire aux leurs. C’est rendu grave là. Il y a aussi des gars du syndicat qui publient des propos xénophobes sur les réseaux sociaux. Je trouve ça épeurant, sérieux.

    CM : Pourquoi de tels propos sont maintenant tolérés?

    CC : Une partie du problème, c’est la désinformation et/ou le manque d’information. Avant, je me disais « les gars font 40h et plus par semaine. Ils sont épuisés. Ils n’ont pas l’temps de s’informer ». Bullshit! Moi, je fais ben des heures aussi, pis j’arrive à m’informer. Ce n’est plus une excuse tant qu’à moi. C’est une question de volonté aussi.

    C’est pour ça je suis allé travailler quelques semaines dans le Grand Nord à Raglan. Là-bas, il n’y a pas de choses de ce genre. Les conditions là-bas sont extrêmes. Les fendants qui lustrent leur pickup ne vont pas dans ces coins-là. Les racistes sont filtrés. Ce n’est absolument pas toléré. Beaucoup à cause de la présence des Autochtones. Mais, t’as toute sorte de monde qui vient de partout: des Jamaïcains, des Allemands, des Belges. On a besoin de s’entraider tout le temps sur les chantiers. On n’a pas l’temps de parler contre les musulmans.

    Le pire, c’est qu’on était 1 000 employés là-bas. Et on va être 1 500 bientôt. Il n’y a pas chicanes, pas de polices, pas de racistes. Il y en a sûrement quelques-uns, mais ça reste tranquille pis ça s’en permet pas comme dans les grosses villes et sur les réseaux sociaux. Là-bas, c’est très bien géré à ce niveau-là. Comme je l’disais, il y a une question de volonté là-dedans.

    En tout cas, si on continue de même, ça va devenir comme dans les années trente, avec la montée du nazisme, aujourd’hui c’est pareil avec l’islamophobie. Faut arrêter d’alimenter des groupes comme la Meute et compagnie, avec des médias comme Québecor, des partis comme la CAQ et le PQ qui flattent les nationaleux dans le sens du poil pour avoir des votes. J’en vois plein d’ignorants dans la construction qui se promènent avec la patte de loup sur leur linge, casquettes, manteaux, il se prennent pour des toughs avec leur patch. S’il y aurait une guerre civile, ce serait les premiers à brailler pis appeler leur mère pour se cacher. Faut pas attendre que ça devienne pire, faut les confronter.

    CM : D’après toi, quelle est la solution pour virer la société de bord?

    CC : Il faut se réveiller. Prendre conscience, prendre sa place pour défendre ses conditions de travail et ses conditions de vie, s’organiser. Moi, j’ai 50 ans. Je suis grand-papa. Je trouve ça tough de me battre, mais je le fais pareil. On n’a pas le choix si on ne veut pas succomber comme les autres. Faut se tenir debout tout le temps. Malheureusement, l’appui extérieur ne change pas grand-chose. Il faut que ça se passe de l’intérieur. Faut que le monde s’insurge pour les vrais enjeux qui nous touchent, comme l’augmentation des loyers, un salaire minimum de misère, la santé et sécurité au travail, etc. Je dirais même qu’il faut s’organiser en dépit des syndicats.

  • Québec : Grosse victoire pour les bas salariés des services publics

    Une campagne de 6 mois des travailleurs de la santé d’Alternative socialiste (section québécoise du Comité pour une Internationale Ouvrière) a permis de remettre à l’avant-plan deux revendications historiques du mouvement syndical : l’échelle mobile des salaires et le montant fixe.

    Par Bruno G., membre du SECHUM (Syndicat des Employé(e)s du Centre Hospitalier de l’Université de Montréal) et d’Alternative socialiste

    L’échelle mobile des salaires avait «disparue» de nos conventions collectives de travail au début des années 90. Ce qui a eu pour effet de creuser un écart important pour les bas salariés du public depuis deux décennies. Pour tenter de combler l’écart entre les hauts et les bas salariés, il fallait également ramener l’idée du montant fixe, soit de fixer nos demandes salariales en argent et non plus en pourcentage.

    La différence est importante. Une augmentation de 1,5% pour un salarié qui gagne 40 000$/an représente 600$. Elle constitue le double, soit 1 200$, pour une personne qui gagne 80 000$/an. Une offre acceptable pour un titre d’emploi peut ainsi être un scandale pour un autre. Une acceptation large du montant fixe par les travailleurs et travailleuses des services publics permettrait de maintenir la solidarité entre les titres d’emploi et de favoriser l’unité des alliances syndicales. Rendant encore plus difficile pour le gouvernement d’utiliser la tactique du «diviser pour mieux régner» qui est sa marque de commerce lors de chaque négociation avec les travailleurs des services publics.

    Suite à notre campagne, ces deux revendications sont dans la proposition salariale officielle de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) qui sera discutées tout l’été dans les assemblées générales de plus de 148 000 travailleurs.

    La bataille est loin d’être terminé. Nous devons maintenant défendre ces revendications dans les autres organisations syndicales nationales.

    Pour en savoir plus, nous vous invitons à vous rendre sur le site d’Alternative socialiste afin de lire le dernier article concernant cette question : Salaires dans les services publics : Une hausse juste pour tout le monde!

  • Canicules, inondations, feux de forêt : changeons le système, pas le climat!

    Près 90 personnes sont mortes au Québec en raison de la canicule de juin et juillet 2018. Cette vague de chaleur extrême est la pire depuis 2010. La population du Québec a vécu un autre phénomène exceptionnel l’an dernier lors des inondations printanières. L’été 2018 est aussi celui où les feux de forêt en Colombie-Britannique et en Californie ont été les plus dévastateurs. Ces crises environnementales sont des symptômes locaux d’un réchauffement climatique global. De la Sibérie jusqu’en Algérie, on enregistre des records de chaleur partout sur la planète.

    Par Julien D., Alternative Socialiste (section québécoise du Comité pour une Internationale Ouvrière)

    Le marché est incapable de résoudre la crise environnementale

    Aucune personne sensée ne peut nier le rôle que joue le secteur des combustibles fossiles, axé sur le profit, dans la crise environnementale actuelle: 90 sociétés sont à l’origine de 2/3 des changements climatiques d’origine humaine! Les profits très élevés qui proviennent de l’exploitation des mines et des combustibles fossiles agissent comme un frein dans la recherche et le développement de sources d’énergie alternatives. Pourquoi ces compagnies qui, dans la pratique, dictent la marche des politiques énergétiques nuiraient-elles à leur profitabilité en développement des énergies vertes?!

    Certaines le font tout de même. Or, si l’investissement dans les énergies renouvelables paraît profitable pour certaines entreprises, le développement de ces énergies ne s’est pas accompagné d’une baisse des émissions de CO2. Selon le Global Carbon Project, ces émissions ont plutôt augmenté de 2% en 2017, après une période de stabilisation de trois ans due en partie au ralentissement de l’économie chinoise. Si la situation actuelle perdure, plusieurs équipes de scientifiques prédisent que la Terre pourrait franchir un point de rupture. Elle se transformerait en « étuve » incontrôlable d’ici quelques décennies.

    Pourquoi sommes-nous incapables de régler ce problème? Parce que le capitalisme et l’économie de marché constituent les véritables obstacles à la réduction des émissions de CO2 et à la lutte aux changements climatiques.

    La majorité écope

    Qui écope le plus des changements climatiques? Qui doit migrer parce que leur coin de pays devient invivable? Qui ingèrent ou respirent les produits chimiques que rejette l’usine en face de chez eux? Qui décède davantage durant les canicules? Qui se retrouvent à tout perdre tout lors d’inondations ou de feux de forêt? Les travailleurs, les travailleuses et les personnes les plus vulnérables.

    L’histoire des luttes nous montre que seuls des mouvements de masse qui demandent des actions concrètes et immédiates sont en mesure d’arrêter les plans polluants des entreprises et des gouvernements qui les défendent. La résistance populaire partout au Canada, en particulier en Colombie-Britannique, contre la construction du pipeline Kinder Morgan montre comment la solidarité des militant·e·s, des syndiqué·e·s et des peuples des Premières Nations peut faire reculer les multinationales. Les libéraux de Justin Trudeau ont toutefois montré leur vrai visage – celui de la soumission aux intérêts pétroliers et du mépris des droits des peuples autochtones – en achetant le pipeline pour 4,5 milliards $ (avec un coût supplémentaire de construction estimé à 9,3 milliards $). Cet achat du gouvernement retire tous les risques pour Kinder Morgan et les transfère sur le dos des Canadiens et des Canadiennes sans leur avoir demandé leur avis.

    Tous ces milliards investis dans le réchauffement climatique ne garantiront que 90 emplois permanents. Imaginez combien d’emplois durables et de qualité un tel investissement dans les énergies renouvelables, les transports en commun, la construction de logements abordables et la rénovation écologique des habitations pourrait garantir!

    Pour un contrôle démocratique des ressources

    Les capitalistes et les gouvernements qui les défendent évitent habituellement les investissements publics pour lutter contre les émissions de CO2. Dans le meilleur des cas, ils s’appuient sur des systèmes d’échange de droits d’émission (bourse du carbone) et des incitations privées. Ils finissent néanmoins par abandonner ces mesures à l’instant où ils le peuvent, comme le gouvernement ontarien de Doug Ford vient de le faire.

    L’alternative au gaspillage et à la pollution capitaliste réside dans le contrôle public et démocratique des ressources naturelles. L’énorme richesse contrôlée par les investisseurs capitalistes ainsi que les commandes de l’industrie de l’énergie doivent être mises sous contrôle public et démocratique si nous voulons qu’elles prennent le chemin des énergies propres. Une planification socialiste est nécessaire pour orienter la production sur la base des besoins humains et non du profit. Seule une telle planification peut orienter la production sur la base des intérêts de la collectivité et non d’une poignée d’individus. De cette manière, les communautés qui dépendent des emplois dans le secteur des combustibles fossiles pourront reconvertir ces emplois selon leurs besoins.

    Pour éviter d’autres morts inutiles ou pour empêcher d’autres déversements pétroliers, bâtissons des mouvements de lutte massifs contre les projets pétroliers et pour des services publics verts, gratuits et de qualité!

  • Polarisation politique au Québec : une période de lutte s’annonce

    Le paysage politique québécois s’est brutalement polarisé lors des élections du 1er octobre 2018. Les libéraux et les péquistes — qui se sont alterné au pouvoir depuis plus de 40 ans — ont connu les pires résultats de leur histoire. La CAQ, un parti de droite affairiste et identitaire, a remporté une majorité absolue des sièges avec 37 % des votes. Ce fort appui de surface cache toutefois une situation très volatile. De l’autre côté du spectre politique, la formation de gauche Québec solidaire a connu un formidable essor, passant de 3 à 10 député·e·s. Ce parti constitue la seule opposition parlementaire sur laquelle pourront compter les mouvements de lutte pour répliquer aux attaques néolibérales à venir.

    Par Julien D., Alternative Socialiste (section québécoise du Comité pour une Internationale Ouvrière)

    Désaveux des libéraux

    Comme dans tous les pays du G7, les partis de la bourgeoisie sont en crise. Le parti traditionnel du grand Capital au Québec, le Parti libéral du Québec (PLQ), a souffert d’une saignée de vote vers la Coalition avenir Québec (CAQ) et Québec solidaire (QS). À la tête du gouvernement depuis 2003, outre un court interlude péquiste de 2012 à 2014, le PLQ a récolté son plus bas pourcentage de vote depuis la fondation du Canada en 1867.

    Ces réformes néolibérales ont permis d’adapter la législation aux exigences de la concurrence capitaliste internationale. Les libéraux ont également subventionné à coups de milliards de dollars l’industrie privée de l’aéronautique, de l’éolien et des mines. Le gouvernement a dépensé cet argent au moment même où il coupait 4 G$ dans les services publics. Les années d’austérité libérales ont permis de dégager le plus important surplus budgétaire de toutes les provinces canadiennes en 2017 (4,5 G$). Ce surplus a essentiellement servi à réduire la dette publique.

    Les libéraux ont toutefois profité des élections pour saupoudrer des subsides aux secteurs de la santé et de l’éducation. Cela n’a pas suffi à faire taire la colère des employé·e·s épuisé·e·s et des usagers et usagères dégouté·e·s par la dégradation des services. Ces manœuvres électoralistes n’ont également pas réussi à faire oublier les scandales de corruption, de nominations partisanes et d’agressions sexuelles qui ont éclaboussé le PLQ durant les dernières années.

    La question nationale éludée

    La quasi-absence de l’enjeu de la question nationale durant la campagne a empêché les libéraux d’utiliser la peur de la séparation du Québec comme arme de dissuasion contre les autres partis nationalistes. Le chef de la CAQ, l’ex-ministre péquiste François Legault, a déclaré que jamais son parti ne tiendrait de référendum sur la souveraineté. Il réclame toutefois plus d’autonomie pour le Québec. De son côté, le Parti québécois (PQ) a abandonné l’idée de tenir un référendum dans un premier mandat. Chez QS, le projet d’indépendance facultative, dépendant de la volonté d’une éventuelle assemblée constituante à faire l’indépendance ou non, l’a également épargné d’une critique trop prononcée des libéraux. La fusion d’Option nationale (ON) — scission de jeunes nationalistes du PQ — à l’intérieur de QS en 2017 a jusqu’ici participé à mettre en sourdine les ardeurs nationalistes d’une partie de cette jeunesse. La mise au rencard de la question nationale a ainsi libéré une partie du vote libéral pour la CAQ et QS.

    L’effondrement du PQ

    Le PQ a perdu le 2/3 de ses député·e·s au profit de la CAQ et de QS. Il a été complètement éjecté de l’île de Montréal. Le PQ a fait élire 10 député·e·s à travers la province, le même nombre que QS. Avec 17 % des votes, 1 % de plus que QS, le PQ a connu sa pire performance depuis 1970. Comme le PLQ, le PQ a été incapable de proposer des solutions aux problèmes générés par la crise du capitalisme.

    Avec l’arrivée de Jean-François Lisée comme chef en 2016, le PQ a mis de côté son discours souverainiste ainsi que sa volonté de tenir un référendum durant un premier mandat. Le PQ s’est ainsi démasqué comme le parti d’une bourgeoisie québécoise qui s’accommode de sa place dans le capitalisme fédéral canadien. Plus que jamais, le projet nationaliste bourgeois du PQ a échoué à convaincre de larges couches de la population.

    Depuis 1981, l’appui du PQ auprès de sa base historique composée de travailleurs et de travailleuses est en baisse constante. C’est durant ces années que le parti a inauguré l’ère néolibérale au Québec avec une série de lois antisyndicales et un appui à la mondialisation néolibérale. Ce programme s’est consolidé durant les années 1990 et 2000, notamment avec les coupures en santé et l’appui aux différents traités de libre-échange. L’éphémère gouvernement de Pauline Marois en 2012-2014 a pour sa part conclu des contrats secrets avec Pétrolia à l’île d’Anticosti, opéré une accélération des mesures d’austérité et poursuivi le projet minier du Plan Nord hérité du précédent gouvernement libéral.

    Le programme opportuniste de la direction du PQ a aussi participé à discréditer le parti aux yeux de centaines de milliers de personnes. Durant les dernières années, le parti est ainsi passé d’un appui aux mouvements populaires de 2012 à leur trahison par l’austérité budgétaire, d’une rhétorique de gauche à un tournant identitaire avec sa charte des « valeurs québécoises » en 2014 puis à l’élection de l’antisyndical magnat de la presse Pierre-Karl Péladeau comme chef.

    Après sa démission et son remplacement par Lisée, le PQ a proclamé avec arrogance la nécessité de conclure un pacte électoral avec QS dans l’intérêt de la «?grande famille souverainiste?». Le refus de cette alliance par le congrès de QS en 2017, suivi de la montée fulgurante de QS dans les sondages en 2018 a finalement poussé Lisée à paniquer. Les ami·e·s d’hier sont devenus les ennemi·e·s d’aujourd’hui.

    Pendant les élections, Lisée a tenté de dépeindre QS comme un parti de conspirateurs contrôlé par des « marxistes ». Cette campagne de peur a révélé des dissensions internes au PQ, en particulier avec sa tendance plus progressiste incarnée par Véronique Hivon. Les tensions ont abouti à la démission de Lisée à l’issue des élections et de sa défaite écrasante aux mains de QS dans sa propre circonscription.

    La question des alliances PQ-QS risque de refaire surface à moyen et long terme. Une telle alliance de classes sur des bases nationalistes est défendue par la direction de QS depuis la création du parti. L’élection du ou de la nouvelle chef·fe du PQ donnera le ton aux pourparlers. L’élaboration d’ententes électorales entre le PQ et QS pousserait QS sur la pente glissante du capitalisme nationaliste. À long terme, QS pourrait se retrouver à occuper l’espace politique du PQ.

    La CAQ, incarnation du «?changement?»

    Comme ailleurs dans le monde, le sentiment anti-establishment présent parmi la population du Québec a pris la forme d’une polarisation du vote partisan. Fini le vote pour le moins pire! La CAQ a grimpé de 14 % pour s’établir à 37 % des voix, passant de 22 à 74 député·e·s. L’appui populaire à la CAQ découle principalement du discours de « changement » martelé par Legault, c’est-à-dire sa volonté présumée de rompre avec les politiques des deux « vieux partis ».

    Cet appui populaire ne doit toutefois pas être interprété comme un tournant à droite de la société québécoise. Le vote pour la CAQ repose sur le plus bas taux de participation aux élections provinciales depuis la Deuxième Guerre mondiale (66,5 %). Seules les élections de 2008 présentent un résultat encore plus bas (57,4 %) explicable par l’effondrement de l’ADQ. Considérant le taux de participation, environ 25 % des personnes inscrites sur la liste électorale ont voté pour la CAQ, ce qui lui permet de dominer complètement le parlement.

    La CAQ a récolté tout particulièrement l’appui d’une couche inférieure de capitalistes québécois. Cette couche est composée pour l’essentiel d’entrepreneur·e·s francophones basé·e·s hors de Montréal. Ces derniers subissent les contrecoups de la mondialisation économique et sont hostiles aux revendications des salarié.e·s. Le métier des élu·e·s de la CAQ reflètent cet appui. Ce sont principalement des gens d’affaires, des gestionnaires et des personnes de professions libérales. Comme les autres avant lui, le « gouvernement de patrons » caquiste déroulera le tapis rouge au grand Capital, même au détriment des intérêts de cette base petite-bourgeoise. Le conseil des ministres compte d’ailleurs trois anciens gestionnaires de banques ainsi que des ex-lobbyistes prohydrocarbures.

    Le lendemain des élections, Legault a immédiatement manifesté sa volonté d’interdire le port de signes religieux aux employé·e·s de l’État en position d’autorité (ex. juges, corps policier, enseignant·e·s). Ce projet hypocrite concerne peu ou pas les symboles religieux catholiques. Il vise plutôt les femmes musulmanes portant le voile. Désormais une priorité du gouvernement, ce projet de laïcité de l’État à deux vitesses n’a pas été abordé durant la campagne électorale.

    Legault défendait alors une baisse des quotas d’immigration de 50 000 à 40 000 personnes dès 2019. Ces politiques de division xénophobes servent à masquer ce que défend réellement la CAQ : le fédéralisme canadien et les intérêts des compagnies privées. Malgré son discours, la CAQ risque de diluer son projet de baisse des quotas d’immigration, considérant la pénurie de main-d’œuvre et l’opposition au projet des villes de Québec, de Montréal ainsi que de la Chambre de commerce de Montréal.

    La faible légitimité du programme politique de la CAQ n’empêchera toutefois pas Legault d’aller de l’avant dans son programme de division sociale et d’austérité budgétaire. Il n’hésitera pas à utiliser sa position de force pour prétendre « avoir été élu pour ça ». Cet appui politique instable pourrait rapidement changer selon les circonstances. L’éventualité d’une récession mondiale à court terme doublée de la faible légitimité politique de la CAQ laisse entrevoir une accélération de la lutte des classes. De nouvelles couches de personnes seront précipitées dans la lutte, comme l’a démontré la manifestation contre le racisme et la CAQ ayant regroupé 5 000 personnes à Montréal le 7 octobre.

    Ce premier mandat de la CAQ sera déterminant pour que ce parti soit reconnu comme le nouveau véhicule politique de la bourgeoisie québécoise. Ce mandat sera plus facile à réaliser que celui d’améliorer les conditions de vie de sa base populaire. Face à la casse sociale qui s’en vient, de nombreuses personnes pourraient en revenir à appuyer le PLQ ou le PQ, dont le programme serait jugé plus modéré. Dans le cas où la polarisation politique s’exacerberait, la CAQ consoliderait une partie de ses appuis populaires, tandis qu’une autre passerait à QS.

    QS, seule opposition à l’austérité

    La polarisation politique qui a porté la CAQ au pouvoir s’est aussi exprimée par l’essor des appuis à QS. Ce parti a vu son taux de vote plus que doubler depuis les dernières élections, le faisant passer de 3 à 10 député·e·s. L’appui à QS a augmenté dans toutes les circonscriptions du Québec, en particulier dans les villes. Deux députées ont été élues en région et deux autres dans la ville de Québec, au cœur du château fort caquiste. QS s’est hissé en 2e position dans 14 circonscriptions, dont dans l’Assomption, celle de François Legault. Ces résultats confirment ceux obtenus lors du pointage téléphonique des solidaires : plusieurs personnes ont hésité entre voter pour la CAQ ou QS.

    L’essor de QS constitue la plus importante percée de la gauche politique au Québec depuis les 20 dernières années. Le parti est sorti de la marginalité, notamment grâce à une vigoureuse campagne de relations publiques menée par ses deux charismatiques porte-paroles, Manon Massé et Gabriel Nadeau-Dubois. Les tournées, l’utilisation des médias sociaux, les revendications concrètes du parti ainsi que les visites de piquets de grève et de lock-out ont eu un impact, en particulier parmi la jeunesse et les femmes. Les porte-paroles ont toutefois évité d’avoir un discours de classe ou des pratiques trop polarisantes. Cela explique en partie le vote massif des travailleurs et des travailleuses pour la CAQ.

    En tant que formation large de gauche, QS est traversée de contradictions ce qui rend sa pratique politique ambiguë. QS n’est ni un parti de la petite-bourgeoisie ni un parti de la classe travailleuse. Ces contradictions se dévoilent à plusieurs niveaux. Les revendications de classe — comme les nationalisations, l’indépendance nationale ou encore le Plan de transition économique et écologique — sont restreintes au cadre capitaliste. La rupture avec le capitalisme n’est ainsi pas posée, malgré la perspective précaire et inapplicable à long terme de la grande majorité des réformes proposées par QS. La lutte des classes au sein de QS se constate également en observant la liberté politique croissante dont faire preuve l’aile parlementaire par rapport aux décisions du parti. Ses privilèges nouvellement acquis (ex. salaire) l’éloignent de plus en plus des conditions de vie de la majorité.

    Malgré les limites de l’approche réformiste de QS, l’action du parti renferme un potentiel énorme pour élever la conscience politique de larges couches de la population. QS ne sera pas capable de gagner des batailles en se basant uniquement sur sa position de voix morale anti-austérité au parlement. Il lui faudra mobiliser les travailleurs et les travailleuses à l’extérieur du parlement, sur la base des revendications de son programme politique.

    C’est précisément pour cette raison que la bourgeoisie a peur de QS. Les pressions de la population peuvent pousser ce parti à refuser le programme capitaliste de l’élite. Toutefois, et en dépit de ce potentiel, les partis de gauche à travers le monde ont plutôt canalisé la colère des travailleurs et des travailleuses sur le plan institutionnel seulement. À défaut de donner une expression de classe aux mouvements de lutte et de baser leur action sur un programme socialiste, les partis de gauche restreignent les luttes au cadre capitaliste et à ses institutions. La trahison de SYRIZA met en évidence l’échec de cette stratégie.

    Pour défaire le gouvernement Legault et contrer ses attaques, l’organisation de mouvements de masse à l’image de ceux de 2012 sera nécessaire. C’est l’action militante de masse, prête à la désobéissance civile, qui a été en mesure d’infléchir le rapport de force et de contraindre le gouvernement libéral majoritaire d’alors à précipiter des élections générales.

    Pour remporter des victoires durables, les mouvements de lutte devront toutefois aller au-delà des limites des ceux de 2012. La proposition positive de société alternative, d’une société québécoise socialiste, devra s’élaborer au sein des organisations de travailleurs et de travailleuses. Durant les années 70, les centrales syndicales ont réussi à mobiliser des centaines de milliers de personnes, partout au Québec, autour d’un projet de Québec socialiste et indépendant. Leurs stratégies victorieuses demeurent pertinentes aujourd’hui.

    La récession mondiale qui s’annonce aura un effet sur la conscience politique de milliers de personnes. QS peut en tirer profit en développant une alternative politique pour la classe travailleuse. Sinon, la CAQ aura tout le loisir de présenter son projet de division sociale comme le meilleur moyen de répondre aux besoins de la majorité blanche catholique.

    Bien que QS ne soit pas un parti de la classe travailleuse proprement dit, son développement constitue une étape dans la construction d’un tel parti. Le mouvement syndical occupe une place fondamentale dans l’organisation d’un rapport de force en faveur de cette classe.

    Bras de fer avec les directions pro-PQ

    Fidèles à leurs habitudes des dernières décennies, les directions des centrales syndicales ont eu recours à la stratégie de la non-partisanerie durant les dernières élections. Cette stratégie du « vote stratégique » pour « le moins pire » revient à appuyer implicitement le PQ. Sans condamner ou opter pour un parti, les directions ont déployé différents outils d’information pour leurs membres.

    Une coalition de six syndicats affiliés à la FTQ a organisé la campagne d’affichage ciblé « C’est du pareil au même… On mérite mieux » afin de contrer le vote pour la CAQ ou le PLQ. La campagne d’affichage n’a toutefois pas été élaborée avec la participation des membres de la base. De plus, elle n’a pas servi à organiser des discussions politiques entre les membres sur la nature de leurs intérêts par rapport à ceux défendus par les différents partis. De telles discussions auraient permis de déboulonner les faux espoirs placés dans la CAQ ainsi que de démasquer la traîtrise systématique du PQ envers les syndiqué·e·s. Dans la région de Sherbrooke, la coalition a appelé à voter pour le candidat péquiste Guillaume Rousseau. Il a toutefois terminé 4e. La candidate de QS, Christine Labrie, a remporté l’élection avec plus du double des votes du PQ.

    Les directions syndicales québécoises ont été incapables de prendre conscience et d’agir sur le phénomène de polarisation politique ayant affecté les syndiqué·e·s du Québec. Cette situation s’explique notamment par l’appui indéfectible d’une partie des dirigeant·e·s syndicaux au PQ. Cette tendance constitue le principal frein au projet de construction d’un nouveau parti de classe des travailleurs et des travailleuses.

    La CAQ prévoit une vague d’attaque, notamment contre les syndicats. Cette nouvelle période ouvre la voie à une exacerbation des antagonismes de classe et à la radicalisation politique des syndiqué·es de la base. Leur organisation politique pour une réappropriation du contrôle de leurs syndicats contre la vieille garde péquiste est essentielle pour remettre à l’ordre du jour la construction d’un véhicule politique autonome de la classe travailleuse.

  • Québec. Entrevue au sujet de la lutte pour les 15$/heure

    Il y a un peu plus d’un an que les travailleurs du Vieux-Port de Montréal ont entamé une grève pour obtenir un salaire à 15 $/heure ainsi que des journées de maladie et des jours de congés rémunérés. Durant les 5 mois de grève, de mai à octobre 2016, les travailleurs ont rejeté à trois reprises les offres faites par la direction, galvanisant l’opinion publique et s’attirant le soutien des groupes de gauche.

    Si les travailleurs n’ont pas réussi à obtenir un salaire de base à 15 $/heure, ils et elles ont tiré beaucoup d’enseignements concernant la sensibilisation du public.

    Michèle Hehn s’entretient avec Konrad Lamour, président du Syndicat des employés de la Société du Vieux-Port de Montréal, de l’Alliance de la fonction publique du Canada, laquelle est affiliée à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ). Durant la grève, Lamour était le porte-parole et le coordinateur de l’équipe de négociation.

    Michele Hehn : Les travailleurs du Vieux-Port ont commencé la grève dans un contexte très difficile, étant donné qu’ils sont assujettis à une structure d’emplois fédérale à deux paliers. Ils se sont trouvés sous-traitants de la Société Immobilière du Canada, qui se décrit elle-même comme étant «?une société d’État fédérale autofinancée qui se spécialise en immobilier?». Votre employeur a pu faire appel à des briseurs de grève, alors que le Québec s’est doté de lois anti-briseurs de grève.

    Comment avez-vous réagi face à ces défis et conservé l’élan lors de cette longue grève? Vous avez fait appel aux groupes de gauche. Quel rôle ont-ils joué dans votre stratégie?

    Konrad Lamour : Les membres de notre local ont commencé à se préparer bien avant du début de la grève alors que nous étions encore en négociation de contrat. Nous avons commencé à organiser des événements de solidarité au Vieux-Port de Montréal dès le mois de novembre 2015, six mois avant le début de la grève. Par exemple, lorsque le Vieux-Port ou le Centre des Sciences de Montréal a organisé un événement visant à discuter de l’avenir du Vieux Port, nous avons manifesté pour rappeler à nos employeurs que les travailleurs exploité·e·s du Vieux-Port faisaient également partie de son avenir. C’était également une façon pour nous de faire savoir à ceux et celles qui participaient à l’événement que, à nos yeux, le Vieux-Port était devenu une entreprise employant de la main-d’œuvre à bon marché.

    À l’ouverture de la patinoire, nous étions présent·e·s également, patinant avec nos casquettes du syndicat et nos bannières. Durant cette période, nous avons également communiqué avec des groupes de gauche : Alternative socialiste, les International Workers of the World et le Centre des travailleuses et travailleurs immigrants. Nous avons harmonisé nos négociations contractuelles avec la lutte plus générale pour le 15 $/heure, étant donné que 40 % de notre effectif gagne moins.

    Nous avons de plus procédé au lancement de notre journal local. En plus de publier nos propres articles, nous avons encouragé nos partisan·e·s et nos allié·e·s à écrire aussi des articles, ce qui a permis de consolider le lien que nous partagions sur la question d’un salaire décent pour tou·te·s.

    Au Vieux-Port et au Centre des Sciences, les membres du syndicat se composent d’un mélange de personnes, notamment des personnes très militantes et d’autres qui sont plus hésitantes. Toutefois, le soutien d’allié·e·s ne faisant pas partie du syndicat a eu un effet unificateur sur nos membres, tout particulièrement sur ceux et celles qui avaient été quelque peu ambivalent·e·s au début.

    En bref, ce travail de préparation a porté fruit, puisque 80 % des membres ont voté pour la grève et rejeté l’offre finale de l’employeur.

    Ainsi, nous avons reçu une injonction une semaine après le début pour nous être trouvé·e·s sur les lieux du Vieux-Port, qui est un des sites les plus visités par les touristes au Canada. Dans les jours qui ont précédés l’injonction, nous avons fait des lignes de piquetage au Vieux-Port, et manifesté dans le Vieux Montréal pour faire savoir aux touristes que nous étions en grève, et surtout que des briseur·euse·s de grève occupaient désormais nos emplois. Notre colère était vive et nous l’avons fait savoir au public par nos actions. Nous avons également maintenu le dynamisme de notre mouvement en ciblant le gouvernement fédéral, car malgré le fait que nous soyons des sous-traitant·e·s de la Société Immobilière du Canada, nous sommes officiellement des employé·e·s du gouvernement fédéral travaillant dans un lieu historique fédéral.

    C’est pourquoi nous avons organisé des piquets de grève devant les bureaux de Justin Trudeau à Montréal, distribuant plus de 35 000 tracts dans sa circonscription. Nous nous sommes également rendu·e·s devant le parlement à Ottawa où nous avons rencontré des députés libéraux, notamment Mark Miller, Anju Dhillon et Nicolas Di Lorio. Nous avons organisé des manifestations devant les bureaux de plusieurs députés qui n’avaient pas tenu leur promesse de campagne électorale d’aider la classe moyenne. Au nom des travailleurs du local 10333, une équipe composée de quelques membres de notre syndicat et d’autres travailleurs du Canada, s’est présentée au parlement canadien avec les député·e·s Karine Trudel et Thomas Mulcair, qui était le chef du Nouveau Parti démocratique, pour présenter à la Chambre des Communes une loi anti-briseurs de grève. Même si, en tant que travailleurs du gouvernement fédéral, nous n’étions pas en fin de compte protégé·e·s par les lois anti-briseurs de grève du Québec, nous avions le sentiment que ces protections étaient importantes et devaient exister au niveau fédéral. Les travailleurs du Vieux-Port sont conscient·e·s de la dette que nous devons à René Lévesque, qui a joué un rôle essentiel pour faire passer des lois anti-briseurs de grève dans le sillage des gains de la Révolution tranquille.

    Nous avons également pris part à des manifestations avant et pendant la grève pour exiger l’instauration du salaire minimum à 15 $/heure au Québec. Au fil du temps, nous avons obtenu le soutien de nombreux groupes communautaires et d’organisations syndicales, non seulement au niveau local et provincial, mais également à l’échelle fédérale. Des syndicats situés en Alberta ont même soutenu notre grève en nous faisant des dons en argent.

    Dans l’ensemble, notre stratégie a consisté à être courageux et persévérant·e·s et à faire preuve de patience. Si nous n’avons pas été capables de surmonter tous les défis, en particulier la présence de briseurs de grève, nous sommes toutefois parvenu·e·s à mobiliser nos membres à long terme, et créer des liens avec des allié·e·s.

    MH : Étant donné que certains des travailleurs du Vieux-Port, y compris certains membres de votre équipe de négociation, étaient déjà payés 15 $/heure avant la grève, comment les travailleurs du Vieux-Port ont pu garder tout le monde unis face à la demande 15 $/heure?

    KL : Une de nos principales priorités, en tant que dirigeants de la grève, était d’obtenir l’appui de nos membres qui gagnent moins que 15 $/heure, ou à peine le salaire minimum, c’est-à-dire les travailleurs d’entretiens pour la plupart. Il est important de leur faire savoir le sérieux de notre engagement envers le mouvement que nous voulions créer. Nous devions les convaincre qu’il ne s’agissait pas uniquement de quelques travailleurs choisis qui se battaient pour 15 $/heure, mais que tout le monde appuyait la lutte. Nous sommes parvenus à notre objectif. L’équipe d’entretien s’est jointe à nous et est devenue la base de notre lutte.

    Nous avons également fait de l’éducation sur la question du 15 $/heure. Convaincu·e·s que le savoir donne le pouvoir, nous avons informé nos membres sur la façon dont leurs conditions de travail se comparent à celles d’autres personnes faisant le même travail. À cette fin, nous avons utilisé les études de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques, ainsi que d’autres études indépendantes sur les avances déjà obtenues aux États-Unis concernant le salaire minimum à 15/heure. Ceci a permis d’informer nos membres qu’il était possible de gagner.

    Nous avons fait nous-mêmes des recherches et communiqué les résultats à nos membres lors d’assemblées générales qui sont devenues la salle de classe pour la mobilisation de notre grève. Nous avons distribué des tracts informatifs sur les tables à dîner des travailleurs et les avons publiés sur Facebook. Nous avons organisé des ateliers de la campagne 15 and Fairness (15 et l’équité) afin que les travailleurs puissent avoir accès à de l’information provenant d’autres sources que celles de leurs propres dirigeant·e·s. Le message était le suivant : tous les prix augmentent, sauf les salaires! Le fait d’entendre cela de plusieurs sources a convaincu les gens que le gouvernement ne faisait pas tout son possible dans l’intérêt des travailleurs. Nous avons également demandé aux membres de nous dire comment ils parvenaient à survivre avec leurs salaires, de nous parler de leurs difficultés pour acheter le nécessaire. Certains devaient même avoir recours aux banques alimentaires pour avoir assez à manger. Les membres ont pu voir qu’ils n’étaient pas seul·e·s.

    MH : Si les travailleurs du Vieux-Port n’ont pas pu obtenir un salaire minimum à 15 $/heure dans le cadre de leur nouveau contrat, ils et elles ont continué à s’organiser de diverses façons depuis leurs retours au travail. Par exemple, vous êtes allés voir récemment, en groupe, un film sur Karl Marx réalisé par Raoul Peck. Pouvez-vous nous décrire ces initiatives?

    KL : Pendant la grève, nous avons été étonné·e·s de voir comment les gens nous admiraient, nous les travailleurs du Vieux-Port, et de chercher des réponses à leurs questions et être une source d’inspiration. Cela a contribué à un grand sentiment d’humilité. Par conséquent, nous avions le sentiment qu’il était important de continuer à nous mobiliser après la fin de la grève. À cette fin, nous avons mis sur pied une campagne afin de pouvoir garder le lien avec nos nouveaux·elles allié·e·s et poursuivre l’excellent travail que nous avons commencé ensemble. Par la suite, nous avons également négocié, dans le cadre de notre négociation collective, la création d’un comité paritaire employeur/employé ayant pour mandat d’embaucher une firme de recherche pour effectuer une analyse de marché, qui indiquera comment les travailleurs se comparent en termes de salaire avec ceux et celles qui occupent les mêmes fonctions ailleurs. Si l’étude de marché prouve que nos salaires sont inférieurs à ceux de la moyenne du marché, nous recevons alors une augmentation pour couvrir la différence. Dans ce cas, nous rouvrirons la convention collective pour y apporter immédiatement des ajustements de salaire avant le début des nouvelles négociations de contrat. Dans ce cas, nous n’avons pas à attendre 4 ans, qui est la durée de notre convention. Nous avons continué à travailler avec les allié·e·s que nous nous sommes faits durant la grève, au sein du comité intersyndical de Québec Solidaire, qui a obtenu plus de 2 000 signatures pour une pétition réclamant un salaire minimum à 15 $/heure, pétition qui a été par la suite à l’Assemblée nationale. Nous avons également été actifs au sein de la coalition 15maintenant du Centre de travailleuses et travailleurs immigrants. Les principales confédérations syndicales et les campus universitaires ont également mis sur pied leurs propres campagnes. Ces alliés étaient à nos côtés lors des manifestations de l’été 2016. Et nous n’avons jamais arrêté. Nous poursuivons selon un rythme soutenu.

    Cela a pris du temps, mais certains des syndicats ont finalement embarqué dans la campagne 15maintenant. Nous avons également rencontré ces syndicats. De plus, nous avons pris part à toutes les manifestations pour 15 $/heure, avec nos bannières qui annonçaient qui nous étions. Certains de nos membres se sont également impliqué·e·s dans des comités de quartier militants pour l’obtention du 15 $/heures. Le travail se poursuit et il est en bonne voie.

    MH : L’Ontario vient d’annoncer récemment qu’il y aura une augmentation du salaire minimum en janvier 2019, et une augmentation à 14 $/heure en janvier 2018. En Alberta, le salaire va augmenter à 15 $/heure, en octobre 2018. À votre avis, pourquoi le Québec accuse-t-il du retard pour obtenir le salaire minimum à 15 $/heure?

    KL : C’est une bonne question. On pourrait s’attendre à ce que le Québec, avec son historique de démocratie sociale, soit au-devant le l’Ontario, qui est une province généralement plus conservatrice. Pourtant le gouvernement a déjà annoncé le salaire minimum à 15 $/heure, et l’Alberta l’obtiendra en 2018. La Colombie-Britannique est la province qui a fait la promesse la plus récente en termes de salaire à 15 $/heure. Notre travail est donc de rappeler aux politicien·ne·s québécois·es les valeurs démocratiques sociales pour lesquelles on s’est battu lors de la Révolution tranquille. C’est notre tâche. Instaurer une société juste basée sur l’équité et le soutien mutuel.

  • Québec. Retour sur la grève au Vieux-Port de Montréal

    Nous avons déjà abordé sur ce site la grève des travailleurs du vieux port de Montréal en faveur d’un meilleur salaire (voir notamment ici). L’article suivant a été écrit par Bruno, membre d’Alternative Socialiste (section québecoise du Comité pour une Internationale Ouvrière). Il y revient sur ces cinq mois de lutte et leur signification.

    Après 5 mois de conflits, la grève des employé-e-s du Vieux-Port de Montréal (SEVPM) s’est terminée le 27 octobre 2016.

    Ils/elles auront une augmentation salariale de 12% sur cinq ans, le salaire d’entrée passera de 10,67$ à 12,38$ et certains auront droit à des congés mobiles sous certaines conditions. Cette entente fut acceptée en assemblée générale par une mince majorité de 52%. Ils/elles ont essentiellement accepté les propositions initiales de l’employeur, il n’y a donc pas eu de gain significatif dans cette négociation.

    Malgré tout, ce fut une grève exemplaire dès le départ. Ce conflit a été le moteur de la lutte pour le 15$ pendant des mois, a réussi à mobiliser plusieurs secteurs de la communauté et a mené des actions locales pratiquement toutes les semaines avec une forte implication des membres.

    Malheureusement, cela n’a pas débouché sur les gains escomptés. Plusieurs facteurs extérieurs l’expliquent et témoignent du climat défavorable dans lequel s’exerce aujourd’hui le droit de grève dans plusieurs secteurs.

    Sur la nécessité d’un syndicat de masse

    Mais avant de voir les facteurs négatifs, il faut tout de même souligner que ce conflit n’aurait jamais duré 5 mois, si le SEVPM n’avait pas été affilié à une fédération syndicale nationale, dans le cas présent l’AFPC, un syndicat de 170 000 membres à travers le pays. Sans cela, les travailleurs-euses n’auraient jamais pu tenir économiquement aussi longtemps sans salaire.

    Il faut donc couper court à toute prétention sectaire de créer des syndicats à l’extérieur des syndicats de masse existants. Ce n’est que par l’unité la plus vaste possible des travailleurs-euses dans les organisations existantes que nous sommes le plus aptes à vaincre.

    Pour le droit de faire grève quand nous le voulons

    C’est vrai pour le Vieux-Port, mais également pour l’ensemble du mouvement syndical : il faut gagner le droit de faire grève quand nous le voulons, pas uniquement dans les limites très étroites de la négociation de nos conventions collectives. Les patrons ont déjà la majorité des juges et des arbitres dans leurs poches, il ne faut pas en plus leur laisser le temps de se préparer!

    Nous devons mener des campagnes énergiques pour forcer les directions syndicales à élargir le droit de grève.

    Une grève, c’est toujours politique

    À deux reprises pendant la grève, le gouvernement de Justin Trudeau aurait pu mettre un terme au conflit, mais il ne l’a pas fait. Premièrement, en refusant d’élever le salaire minimum fédéral à 15$/H. Deuxièmement, en votant contre le projet de loi anti-scabs. Les travailleurs-euses du SEPVM étant sous juridiction fédérale, l’employeur pouvait utiliser des scabs (briseurs de grève, NDLR).

    Sur ces deux questions, les libéraux fédéraux ont voté, comme les conservateurs, dans l’intérêt des grands patrons. Cela démontre clairement que dans n’importe quel conflit économique se trouve la question politique.

    Le mouvement ouvrier ne peut pas lutter comme si la question politique n’existait pas. LE SEVPM l’avait clairement compris et, dès le début, il a démasqué les prétentions «progressistes» de Trudeau et cherché des alliés politiques du côté du NPD et de QS.

    Cela ne fut pas suffisant, mais démontre clairement la nécessité, pour les syndicats locaux, de bâtir des relais pour leurs revendications, autant au niveau politique, que dans la communauté.

  • La lutte pour les 15 dollars se poursuit au Québec!

    Campagne principale d’Alternative Socialiste (section du Comité pour une Internationale Ouvrière au Québec), la question de l’obtention d’un salaire viable À 15$/H pour tous et toutes est désormais mise de l’avant par les centrales syndicales et deux des quatre partis présents À Assemblée nationale.

    Par André-Philippe (Québec)

    Néanmoins, les dirigeants syndicaux ne mènent pas de campagne de terrain pour l’obtention de ce salaire à 15$/h. Le Parti Québécois qui était contre pendant des mois, a finalement adopté la revendication de façon opportuniste sans vraiment la défendre sur la place publique. Seuls Québec Solidaire, plusieurs syndicats locaux, le centre des travailleurs-euses immigrants et Alternative Socialiste font un réel travail de terrain sur cet enjeu.

    La campagne 15+, campagne lancée par Alternative socialiste en collaboration avec des syndicats et d’autres organisations de gauche, sert donc à pousser cet enjeu social dans la classe ouvrière, grâce à des actions concrètes de mobilisation comme la manifestation du 15 novembre à Québec, première manifestation pour le 15$/H à l’extérieur de Montréal. Vous trouverez ci-dessous une vidéo reprenant les diveres prises de parole qui ont eu lieu à cette occasion.

    De l’affichage, du tractage et des séances de signature de pétition nous aident aussi à joindre ceux et celles qui en ont besoin et veulent un salaire minimum à 15$/h. Jusqu’à maintenant plus de 22.000 personnes ont signé la pétition.

    • Pour des comité d’action démocratiques dans les quartiers et les syndicats locaux pour le 15$/H
    • Continuons les journées nationales d’action pour le 15$/H
    • Pour l’unification des campagnes pour le 15$/H dans un mouvement de masse démocratique
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