Tag: Patrick Janssens

  • USA : les électeurs ont rejeté le programme de la droite

    Le 9 novembre, un soupir de soulagement a parcouru le monde à l’annonce de la réélection d’Obama. Mitt Romney n’allait pas devenir le nouveau président américain. Les républicains avaient réussi à terrifier le monde avec leur rage d’ultra-droite. Mais l’enthousiasme pour ce nouveau mandat d’Obama est considérablement plus faible qu’en 2008. Ces 4 dernières années, Barack Obama a été vu tel qu’il est : une marionnette de Wall Street et de l’élite américaine, avec un agenda simplement plus doux que celui des républicains.

    Par Bart Vandersteene

    De ‘l’espoir’ de ‘changement’ au ‘moindre mal’

    Par rapport aux élections de 2008, il y a eu 12 millions d’électeurs en moins. Cela déjà en dit long sur le déclin de l’enthousiasme de la population américaine. En 2008, on considérait Obama tel un sauveur qui apportait ‘‘espoir’’ et ‘‘changement’’. Bien des choses se sont passées depuis lors, et il ne représente plus aujourd’hui que le ‘‘moindre mal’’. Il a finalement remporté ces élections malgré son propre bilan présidentiel. Les banques se sont vu offrir des centaines de milliards de dollars, les services sociaux ont été amputés et des millions de familles ont perdu leurs maisons. De nombreux militants anti-guerre avaient voté pour Obama, même s’il a poursuivi l’œuvre guerrière de Bush, et la prison de Guantanamo n’est toujours pas fermée, en dépit de toutes ses promesses.

    Près de la moitié de la population (146 millions d’Américains) vit sous le seuil de pauvreté, ou se situe à peine au-dessus. Ce nombre était moindre avant l’arrivée d’Obama. Les riches, par contre, sont devenus encore plus riches. En 2010, 93% de l’augmentation du revenu a été empochée par les 1% les plus riches.

    Austérité

    La crise a déjà fait de sérieux ravages aux États-Unis, mais le pire est encore à venir. De dramatiques programmes d’assainissement ont jeté à la rue des centaines de milliers de travailleurs des services publics et de l’enseignement en particulier. Mais malgré tous ces efforts budgétaires, le déficit pour 2012 représente environ 7% du PIB du pays. Le gouvernement fédéral a donné toutes sortes de cadeaux fiscaux aux riches, mais n’a pas encore osé présenter toute la facture à la population. Chaque année, les dépenses excèdent les recettes à hauteur de plus de 1.000 milliards de dollars. Obama ne sera plus en mesure de continuer à jouer à cache-cache, il devra appliquer l’austérité et l’agenda de Wall Street, et essayera de faire passer la pilule avec quelques mesures contre les riches, essentiellement de l’ordre de la symbolique. Cela ne suffira toutefois pas pour éviter des manifestations, de larges mouvements sociaux et la radicalisation.

    Obama était-il le meilleur à élire ?

    Le large soutien dont Obama a encore pu bénéficier est dans une large mesure comparable à celui sur lequel les sociaux-démocrates européens peuvent encore compter, encore et encore, mais avec un succès de moins en moins éclatant. Leur argument principal est la peur de la brutalité de la droite dure. Cette logique a été poussée à son paroxysme aux USA, où l’establishment laisse le choix entre voter pour Pepsi ou pour Coca-Cola, deux variantes d’une seule et même politique. Accepter cette logique aurait signifié à Anvers de mener campagne pour Patrick Janssens afin d’éviter l’élection de Bart De Wever. L’argument porte constamment moins loin.

    Tout comme chez nous, il existe aux USA des positions politiques qui pourraient rassembler un très large soutien, mais qui ne sont défendues par aucun grand parti. Il suffit de penser à la défense des soins de santé, de l’augmentation des taxes sur les riches, de la réduction des dépenses en matière de défense ou d’un véritable programme de création d’emplois. Pas moins de 72% des Américains ont déclaré qu’ils envisageraient de voter pour un troisième parti si ce parti reprenait ces questions à son compte, 22% se sont déclarés certains de voter pour lui. Les syndicats ont dépensé environ 500 millions de dollars pour la campagne d’Obama. Ce montant rendrait capable de réaliser une campagne gigantesque pour un candidat qui défendrait réellement le programme des syndicats. Les Démocrates, fossoyeurs du mouvement social

    Toutes les réformes majeures obtenues dans l’Histoire américaine n’ont pas été le fruit de l’activité des Démocrates, mais bien le résultat de mouvements de masse. Le Parti Démocrate est devenu un obstacle pour les réformes progressistes de grande envergure et, concrètement, il tente de faire taire les protestations sociales à la première occasion.

    Il suffit de comparer le bilan des gouvernements du républicain Richard Nixon et du démocrate Bill Clinton. La politique appliquée par le premier serait considérée comme une politique de gauche aujourd’hui. Il a pris des mesures de protection de l’environnement (création de l’Environmental Protection Agency) et de la sécurité au travail, a mis un terme à l’intervention américaine au Vietnam, a étendu la sécurité sociale et a mis fin à la ségrégation raciale dans les écoles publiques du sud. Le second, quant à lui, s’est attaqué à la sécurité sociale, a laissé carte blanche au secteur financier, a signé une loi défavorable aux homosexuels, a refusé de ratifier de Protocole de Kyoto,…

    Ce n’est pas que Richard ‘‘Watergate’’ Nixon était un bon gars comparativement à Clinton. La différence est entièrement due au climat politique et social du moment. Nixon était sous la pression constante et gigantesque d’un mouvement de masse. Clinton, par contre, est devenu président dans les années 90, à l’époque du règne incontesté et sans partage du néolibéralisme. Les conséquences de ses politiques et la déception qui en a résulté constituent la raison par excellence qui explique l’élection de Bush en 2000 et sa réélection par la suite. La logique de soutien au candidat du ‘‘moindre mal’’ entraîne souvent de devoir taire ses critiques, chaque opposition étant de nature à affaiblir la position du ‘‘moindre mal’’ pour ouvrir la voie au ‘‘plus grand mal’’. Cette logique musèle tous les mouvements sociaux. Par conséquent, notre organisation-sœur aux USA, Socialist Alternative, défend le rassemblement de toutes les forces de gauche afin de bâtir un instrument politique indépendant de Wall Street et défendant les intérêts des travailleurs et de leurs familles.


    29% pour un candidat marxiste à Seattle !

    Kshama Sawant était la candidate de Socialist Alternative dans l’État de Washington. Elle a atteint un résultat réellement historique aux USA en étant capable de regrouper sous son programme 29% des voix de son district au cours d’une âpre lutte électorale pour un siège au parlement de l’Etat.

    Sawant a défendu un programme explicitement socialiste, et s’est attiré plus de 20.000 voix. Aux USA, il s’agit du meilleur résultat obtenu depuis de très nombreuses années par un candidat de gauche indépendant. Son résultat constitue une base sur laquelle construire. Après les élections, Socialist Alternative a lancé un appel à tous les militants de gauche (militants du mouvement Occupy, des syndicats, des mouvements sociaux,…) afin de se regrouper sur une liste unitaire dans le cadre des élections municipales de 2013.

    Le résultat de Sawant est aussi une réponse fantastique face à l’argument selon lequel les Américains seraient tous de droite et allergiques au socialisme. Nos camarades américains ont réussi à concrétiser les idées du socialisme démocratique et à les populariser en défendant un programme de lutte contre les coupes budgétaires et contre les cadeaux fiscaux pour les riches, la revendication de la nationalisation de Boeing, Microsoft et Amazon (dont les sièges sont à Seattle), etc.

    Le journal local The North Star a déclaré le 11/8/12. “Ne nous trompons pas: Sawant et Socialist Alternative ont écrit l’Histoire à Seattle.”

    Les autres candidats à ces élections n’ont pas fait le poids face à la machine à fric électorale des Démocrates et des Républicains. Jill Stein du Parti Vert a obtenu 400.000 voix. Le populiste de droite Gary Johnson, candidat du Parti libertarien, a reçu un million de voix. Tout comme les victoires du Tea Party en 2010, ce dernier résultat illustre le potentiel également présent pour les idées populistes de droite.

    La polarisation est croissante dans la société. Les contradictions entre classes sociales sont de plus en plus ouvertes et le désespoir est explosif parmi des dizaines de millions de familles de travailleurs. En l’absence d’alternative, il est à craindre que l’extrême droite ne puisse obtenir plus de soutien au cours de la prochaine période. Mais si une initiative de gauche conséquente se développe, alors la polarisation peut aussi conduire à un plus grand soutien pour les solutions réellement socialistes.

    www.socialistalternative.org

  • Elections du 14 octobre : la crise politique n'est pas finie

    Les bonnes nouvelles ont dominé jusqu’aux élections du 14 octobre. Personne n’a parlé d’assainissements et, dans tous les partis, de beaux visages souriants ont tenté de nous convaincre de leur dévouement et de leur engagement. Mais la crise économique, politique et sociale est loin d’être finie, et cela a été confirmé par les résultats de ces élections. Les partis traditionnels ont perdu du terrain, particulièrement en Flandre au profit de la N-VA. Mais on constate aussi une plus grande ouverture pour une gauche conséquente.

    Mécontentement à l’égard des partis établis

    Une période de crise conduit à l’érosion des partis établis ainsi qu’à la recherche d’alternatives. A titre d’exemple, les résultats des élections provinciales dans la ville d’Anvers ont donné aux trois principaux partis traditionnels moins d’un tiers des voix (18,1% pour le SP.a, 7,9% pour l’Open-VLD et 5,9% pour le CD&V). Aux communales, un certain nombre de bourgmestres ont tenu le coup, mais les partis au pouvoir ont en général perdu du terrain. La casse a été limitée par le caractère local des élections, les choses auraient pu être bien pires pour des élections nationales. L’espace est là pour une plus grande instabilité politique avec des changements rapides et importants dans les résultats électoraux.

    En Flandre, l’attention était concentrée sur la N-VA et sa capacité à s’implanter localement. Avec ses 37,7% obtenus à Anvers, le parti de De Wever est passé de un siège à 23 et a littéralement balayé les précédents records électoraux de ses prédécesseurs, tant du Vlaams Belang que de Patrick Janssens. Dans la plupart des autres villes flamandes, la N-VA a également engrangé des scores impressionnants (d’une ampleur similaire à Alost, Turnhout, Roeselare et Sint-Niklaas et au-dessus ou autour des 20% à Ostende, Bruges, Hasselt, Malines et Louvain), tout comme dans de nombreuses petites communes. Dans la banlieue d’Anvers, à Brasschaat ou Schoten, la N-VA obtient près de 40%.

    Le résultat de la N-VA indique à quel point la situation politique est instable et combien est large le mécontentement éprouvé envers la politique actuelle. La question reste maintenant de savoir dans quelle mesure la N-VA sera apte à profiter de cette lune de miel en arrivant au pouvoir. De Wever a envahi l’Hôtel de ville tel un empereur, mais il devra y mener une politique d’austérité héritée de l’administration précédente (à laquelle a également participé De Wever) et en accélérant le rythme des attaques.

    Le mécontentement contre la politique en place se manifeste également à gauche. A Anvers, le PTB a obtenu 8% et quatre élus. Dans différents districts d’Anvers, ce parti obtient même des résultats supérieurs aux listes du CD&V et de l’Open-VLD mises ensemble. Ailleurs également, le PTB a progressé (et possède aujourd’hui dans tout le pays 31 conseillers communaux, 17 conseillers de district et 4 conseillers provinciaux) tandis que d’autres listes de gauche ont connu des résultats respectables et généralement meilleurs qu’en 2006.

    Là où nous avons participé à des listes de gauche, nous avons pu remarquer l’ouverture croissante qui se marque dans la société pour la gauche. En 2006, nous n’avions obtenu que 1% à Saint-Gilles, et des scores à décimales ailleurs. Maintenant, Gauches Communes a pu remporter 3,65% des voix à Saint Gilles et des liste unitaires de gauches ont généralement pu obtenir plus de 1%. À Saint-Gilles, un front unitaire entre Gauches Communes et le PTB aurait permis d’obtenir deux élus. A Gand, une dynamique similaire aurait permis de faire entrer une voix d’opposition de gauche au conseil communal.

    A première vue, la situation semble plus stable en Wallonie et à Bruxelles. Des changements aussi majeurs qu’en Flandre ne s’y rencontrent pas (il suffit de penser au 23% perdus par le Vlaams Belang à Anvers aux communales, aux 29,4% perdus dans le district de Deurne et aux 37% réalisés par la N-VA à Anvers). A Charleroi, le MR perd son bonus de 2006 (après les scandales liés au PS) pour le PS. A Liège, le PS se maintient. Ecolo et le CDH sont au coude-à-coude, sauf dans le Luxembourg. A Bruxelles, le FDF maintient sa position malgré la rupture avec le MR.

    Mais du côté francophone, on assiste aussi à une croissance du mécontentement contre la politique dominante. A Charleroi et Liège, des élus de gauche radicale sont désormais élus, avec 2 élus pour le PTB et 1 pour la liste VEGA (verts et à gauche) à Liège. En dépit de sa grande division, l’extrême-droite obtient 2 élus à Charleroi et plus de 10% (en réunissant les six listes qui se sont présentées). A Bruxelles, la gauche conséquente a réalisé des progrès avec l’obtention d’élus pour le PTB à Molenbeek et Schaerbeek. À Saint-Gilles, Gauches Communes atteint les 3,65%, mais sans remporter d’élu.

    La Question nationale n’a pas disparu…

    Concernant l’essence même de la politique d’austérité, les partis établis savent s’accorder. Ce constat est évident au vu de la formation des diverses coalitions où règne l’interchangeabilité des partis établis, y compris concernant la N-VA et les verts. A Courtrai, l’Open-VLD, la N-VA et une partie du SP.a figurent dans une coalition anti-CD&V. A Malines le cartel du VLD, des verts et d’indépendants constitue une coalition de droite avec la N-VA et le CD&V. A Gand, le bourgmestre Termont avait adopté une rhétorique de gauche avec son cartel ‘‘progressiste’’, mais pour former une coalition, il frappe à la porte du VLD alors que ce parti avait adopté une approche bien plus à droite que le CD&V. Ecolo n’a pas hésité à former ou poursuivre des coalitions avec la droite, notamment à Schaerbeek où Ecolo rempile avec le FDF et le CDH tandis que le parti participe à une coalition anti-PS à Molenbeek.

    Un certain nombre de patrons flamands (qui éprouvent généralement de la sympathie pour la N-VA) se sont plaints durant la campagne électorale de la politique soi-disant ‘‘marxiste’’ de Di Rupo, au moment-même où les patrons français sont attirés par le paradis fiscal belge. Afin de parvenir à vendre la politique d’austérité du côté francophone, le PS doit tenir compte des fortes traditions du mouvement ouvrier. De cette nécessité proviennent parfois quelques paroles de gauche, sans toutefois connaître de concrétisation (ce en quoi n’est pas différent Termont et le SP.a à Gand). Pour être capable de soutenir cette rhétorique, le PS doit jouer sur les contradictions communautaires afin de se faire passer comme le rempart érigé contre la droite flamande de la N-VA, alors qu’il applique lui-même une politique d’austérité. Compte tenu de la faiblesse des partis traditionnels flamands et du renforcement de la N-VA, les négociations de 2014 seront très difficiles.

    Maintenant que les élections sont derrière nous, l’avalanche d’austérité peut se poursuivre. Le gouvernement fédéral annoncera bientôt un nouveau budget et les attaques antisociales frapperont à tous les niveaux de pouvoir. Le fait que sept communes flamandes sur dix termineront cette année dans le rouge, tout comme six sur dix à Bruxelles et quatre sur dix en Wallonie, indique suffisamment que la marge dont bénéficiera la politique communale sera limitée. Pour réussir à vendre d’impopulaires mesures d’austérité au niveau local, le grand jeu communautaire va être ressorti. La N-VA aura besoin de couvrir sa propre politique locale et le PS saisira la menace de la ‘‘droite flamande’’ pour se parer de la cape du ‘‘moindre mal’’.

    De Wever bourgmestre

    Avec 37,7% et 23 sièges, Bart De Wever est le nouveau bourgmestre d’Anvers. Il a directement décrit l’évènement comme un ‘‘dimanche noir et jaune’’, une référence directe au ‘‘dimanche noir’’ de 1991, lorsque le Vlaams Blok avait réalisé une grande percée. Il n’a guère de choix pour son partenaire de coalition. A l’exception d’une ‘‘grande coalition’’ avec le Stadspartij (le parti de la ville, composé du SP.a et du CD&V) de Patrick Janssens (SP .a), il reste la possibilité d’une coalition avec le CD&V (ce qui signifierait une rupture avec le SP.a et laisserait les chrétiens démocrates avec 5 siège), ou avec le Vlaams Belang, ou encore avec les verts et le PTB. De Wever a déclaré qu’il discutait avec tout le monde, en précisant toutefois qu’une coopération avec le Vlaams Belang n’est pas à l’ordre du jour.

    Qu’attendre de De Wever ? Les programmes de Bart De Wever et de Patrick Janssens se sont rapprochés et tous les deux sont basé sur la politique de manque de moyens pour les besoins sociaux. De Wever a déjà annoncé qu’aucun nouveau logement social ne sera construit, et que le manque de crèches et d’autres services devra être comblé en étant laissé à la soif de profits d’entreprises privées. Concernant le personnel communal, De Wever veut réaliser d’importantes économies, le vieillissement étant à ses yeux une ‘‘opportunité’’ pour réaliser des économies sur le dos du personnel de façon relativement indolore en évitant de remplacer des départs en pension et donc en exerçant une grande pression sur les travailleurs restants, de même que sur la qualité du service. La N-VA veut aussi mettre en œuvre son approche répressive.

    Patrick Janssens et son SP.a ont semé avec leurs politiques ce que De Wever peut désormais récolter. La défaite du Stadspartij de Janssens n’est pas due au désaveu de la gauche, mais au manque de véritables éléments de gauche dans la politique menée à Anvers (et même au niveau de la rhétorique). Il ne semble pas que cela puisse changer si le parti entre dans une grande coalition. L’opposition serait divisée entre trois partis de force à peu près égale : le Vlaams Belang, le PTB et Groen. La Ministre Turtelboom (Open-VLD) s’est faite élire, accompagnée d’un unique second élu libéral. Le Vlaams Belang s’est fait remarquer dans la campagne par sa rhétorique radicale, qui ne va pas s’améliorer maintenant que le parti d’extrême-droite a été décimé dans son bastion. Selon l’ancien président du Vlaams Belang Frank Vanhecke, l’élément fort du parti était constitué de la fraction du conseil communal anversois, qui ne comprend dorénavant plus que cinq membres (les trois chefs de groupe du VB, au Parlement Flamand, à la Chambre et au Sénat accompagnés par le président du parti et un illustre inconnu élu suite à un problème rencontré par le vote électronique…). Groen a tenté de se présenter comme étant plus à gauche durant la campagne, tout en restant très vague concernant des questions cruciales comme celles du logement, de l’emploi, de l’enseignement ou encore des soins de santé.

    Avec quatre sièges, le PTB a fait une entrée remarquée au conseil communal. Le PTB a mené une vaste campagne à Anvers et a également pu compter sur une bonne présence dans tous les médias (De Morgen a ainsi calculé que Peter Mertens, président du PTB et candidat à Anvers, était 14e en termes de temps de parole à la chaîne VRT). Le PTB a surtout réalisé un grand bond en avant à Borgerhout, en passant de 2,4% à 17,1%. Dans son bastion de Hoboken, le PTB a réalisé le score de 16%. Cette progression du PTB illustre l’ouverture qui existe pour une opposition de gauche. Cela élargit l’espace dans la société pour des discussions portant sur les alternatives à la politique dominante actuelle (ce qui, inévitablement, nécessitera aussi d’avoir une clarté sur le passé et les réalisation du socialisme) et offre à l’opposition de la rue une opportunité de s’exprimer au conseil communal. Nous espérons que le PTB ne cherchera pas à se présenter comme un parti comme les autres, mais comme une réelle force d’opposition avec une approche ouverte envers tous ceux qui s’opposent aux politiques néolibérales.

    Résistance contre la politique d’austérité

    La surenchère communautaire correspond à de véritables aspirations nationales et à la l’espoir de réalisations à long terme, mais il s’agit aussi d’éviter d’avoir une opposition unifiée contre la politique d’austérité. C’est une tentative de diviser les travailleurs, ce face à quoi la meilleure riposte est faite de l’unité des travailleurs et d’une opposition constante à l’austérité, à tous les niveaux de pouvoir. Un certain nombre de questions importantes sont à l’ordre du jour, tels que le budget fédéral, l’accord interprofessionnel (AIP) et la norme salariale, l’austérité aux niveaux régional et communal et de nouveaux carnages sociaux qui arriveront inévitablement en conséquence de la crise du capitalisme.

    Les résultats obtenus par la gauche conséquente lors de ces élections communales sont un premier aperçu, relativement faible, du potentiel d’une opposition conséquente de la part du mouvement syndical. Cela permettra d’accroître l’espace disponible pour la gauche, et offrira de nouvelles opportunités pour toutes les formations de gauche. Le test consistant à savoir si les forces de gauche peuvent véritablement faire une différence se trouve principalement dans les luttes. La profondeur de la crise capitaliste laisse peu d’espace à la tergiversation politique et aux compromis. Cela signifie de disposer d’un programme de rupture anticapitaliste et de redistribution des richesses basé sur propriété collective et publique des principaux leviers de l’économie – des secteurs clés tels que l’énergie, la finance, la sidérurgie,… – sous le contrôle démocratique et la gestion du mouvement ouvrier. Les critiques portant sur le capitalisme et sa faillite sont aujourd’hui plus largement acceptées, et cela ouvre également la porte à des discussions plus pointues sur ce qu’une alternative socialiste signifie ainsi que sur ce qu’ont représenté les diverses expériences historiques que nous avons connu et en quoi elles nous concernent aujourd’hui.

    Les liens entretenus entre les dirigeants syndicaux et les partis traditionnels constituent un obstacle dans la direction d’un plan d’action cohérent sur le plan syndical afin de défendre les intérêts des travailleurs et de leurs familles. Le monde syndical, le pan le plus fort du mouvement ouvrier, doit aussi investir le champ politique. La rupture de ces liens pourrait constituer la base de la fondation d’un nouveau parti des travailleurs où chaque opposant à la politique néolibérale pourrait trouver sa place.

    Nous avons franchi une étape dans cette direction en participant à ces élections locales en collaboration avec toutes les forces de gauche qui y étaient disposées. Avec Rood ! (Rouge !), côté flamand, une base électorale a pu être rapidement constituée et partout les résultats ont été supérieurs à 1%, y compris à Anvers où la pression était grande pour voter contre De Wever et où le PTB était vu comme un vote efficace contre les partis établis. A Gand, Rood ! a également obtenu 1% et d’autres scores ne se limitent pas à une décimale après zéro (comme 5% à Niel ; 1,4% à Oostkamp, 1,1% à Ostende et 1,8% pour LSP-Rood! à Keerbergen). À Herzele, LEEF a obtenu 9,2% et 1,7% à Zottegem. A Bruxelles, Gauches Communes a réalisé 3,7% à Saint-Gilles (soit un meilleur score qu’avec le Front des Gauches lors des élections de 2010) et 1,4% à Ixelles. A Jette, le résultat de 1,3% a été obtenu et celui de 0,62% à Anderlecht. La liste Gauche à Etterbeek a obtenu 2,48%. En Wallonie, des campagnes enthousiastes de ‘‘Front de Gauche’’ ont été menées à Charleroi et La Louvière et la liste VEGA a obtenu un siège à Liège. Enfin, le Front des Gauches a obtenu 6,12% et un siège à Courcelles. Le nouveau ‘‘Mouvement de Gauche’’ constitué autour de l’ancien membre d’Ecolo Bernard Westphael n’avait pas participé à ces élections locales.

    Un nombre croissant d’électeurs se dirige vers la gauche et la première (relativement) grande progression a été rencontrée. Le danger est que les formations de gauche, dans leur impatience électorales, accordent des concessions sur leur programme et virent à droite (relativement parlant bien entendu), et ne représentent ainsi pas l’outil politique que désirent les électeurs qui vont dans l’autre direction. Le résultat de Gauches Communes obtenu à Saint-Gilles illustre qu’il est possible de défendre un programme ouvertement socialiste (comprenant par exemple la question de la nationalisation des secteurs clés de l’économie) et d’obtenir un score électoral.

    Les résultats électoraux indiquent que l’espace pour la gauche s’élargit, y compris sur le plan électoral. Dans nos pays voisins, cet espace ne s’est pas limité à une seule formation et nous avons pu constater que les collaborations entre partenaires politiques avec une attitude ouverte réalisaient généralement de meilleurs résultats. Nous allons poursuivre la construction d’une force marxiste révolutionnaire avec le PSL, tout en poursuivant parallèlement notre collaboration constructive avec ceux qui ont été nos partenaires dans ces élections, autour de la nécessité de construire un large front de gauche composé de tous les opposants aux politiques d’austérité.

  • Elections communales du 14 octobre : Choisir entre ‘‘rigueur’’ et austérité ? Un seul mot : Résistance !

    Pour ces élections, le PSL participe à diverses initiatives unitaires locales ouvertes regroupant des syndicalistes, des militants politiques ou associatifs et diverses organisations de gauche. L’approche que nous avons adoptée est basée sur la nécessité de construire aujourd’hui un relais politique pour les luttes des travailleurs et de leurs familles à la gauche du PS et d’Ecolo. Dans ce cadre, une coordination unitaire de la vraie gauche pour les élections législatives de 2014 serait un sérieux pas en avant. En même temps, nous avons voulu profiter de cette campagne pour avertir de l’arrivée de la prochaine vague d’austérité et propager la nécessité d’un syndicalisme de combat lié à la lutte contre les politiques antisociales de tous les niveaux de pouvoir.

    Nous avons déjà largement abordé nos campagnes à Bruxelles avec les listes unitaires ‘‘Gauches Communes’’ (soutenues par le PSL, le Parti Humaniste et le Comité pour une Autre Politique) ainsi qu’à Gand avec la liste Rood! (Rouge!). Voici un petit tour d’horizon d’autres initiatives auxquelles nous participons.

    Liège : Verts et à gauche (VEGA)

    VEGA est une initiative politique qui a vu le jour au début de l’année 2012. Son manifeste précise : ‘‘contre les ravages du capitalisme, il faut lutter à tous les niveaux et VEGA se présente d’abord comme un lieu de résistance et d’action au niveau communal.’’ Trois mots d’ordre sont au cœur des préoccupations de ses membres : écologie, socialisme et démocratie. Durant l’été, VEGA est entré en discussion avec le PSL afin que ses membres renforcent la liste déposée. Trois camarades du PSL figurent au final parmi les 49 candidats, auprès de membres de VEGA et de divers indépendants, avec l’idée de poursuivre après les élections communales les discussions portant sur le relais politique dont nous avons besoin au-delà du niveau communal pour faire face à l’austérité qu’acceptent tous les partis traditionnels. Sur cette liste se retrouvent d’ailleurs différents militants avec lesquels nous avons déjà pu mener campagne sur cette question, comme avec la liste du Front des Gauches en 2010, aux côtés de l’ancien porte-parole du Parti Communiste Wallonie-Bruxelles Pierre Eyben ou encore de Christine Pagnoulle.

    “Aujourd’hui, à Liège comme ailleurs, seule manque la volonté politique pour réquisitionner les dizaines d’immeubles inoccupés qu’on laisse pourrir pour spéculer et qui pourraient très bien abriter les nombreuses familles en attente d’un logement social. Faute de responsables politiques qui défendent nos intérêts, c’est nous, travailleurs, qui devons nous mobiliser pour imposer une politique qui réponde à nos besoins.”

    Charleroi : Prenons le pouvoir !

    Cette liste, c’est la ‘‘gauche dure’’, comme l’a expliqué un journaliste de la RTBF suite à la première conférence de presse du Front de Gauche – Charleroi, une liste complète de 51 candidats combatifs avec des militants du Parti Communiste, du PSL et de nombreux indépendants, des militants syndicaux ou associatifs ou simplement des travailleurs qui en ont marre de subir la politique du camp d’en face.

    L’un d’entre eux, Thomas Hericks, expliquait à Vers l’avenir : ‘‘Je ne me suis jamais retrouvé dans aucun grand parti. Mais la pertinence du programme du Front de Gauche français m’a enthousiasmé. Et j’adhère à cette forme de structure qui permet à chacun de partager les valeurs de la véritable gauche tout en gardant son indépendance d’esprit.’’ C’est le défi posé par le Front de Gauche – Charleroi : populariser l’idée d’une nouvelle force de gauche qui ne verra pas les idées divergentes comme des faiblesses, même lorsqu’elles sont consciemment organisées au sein de structures, mais comme une opportunité de débat constructif. C’est dans ce sens que la tête de liste pour les communales, l’ancien délégué syndical communiste René Andersen, a déclaré à la presse : ‘‘L’enjeu pour nous, au final, n’est pas de savoir si nous récolterons 300 ou 3.000 voix mais bien d’être présents sur l’échiquier local pour vivifier le débat et trouver de nouveaux partenaires pour solidifier ce Front de Gauche.’’

    Pour le Front de Gauche, tous ensemble, on peut :

    • réaliser un plan de construction et de rénovation massive de logements sociaux !
    • accorder plus de moyens publics pour l’enseignement (7% du PIB) pour davantage d’enseignants, des classes plus petites et une rénovation massive des bâtiments scolaires !
    • multiplier massivement le nombre de crèches publiques et élargir différents types de services qui permettent de combiner famille, travail et loisirs.
    • créer des milliers d’emplois statutaires en nommant les agents et en introduisant la semaine de 32 heures sans perte de salaires avec embauches compensatoires.
    • construire une vaste coalition anti-austérité ainsi qu’un relais politique large véritablement de gauche, dans le respect de chaque tendance.
    • mettre en place une société guidée par les principes de la planification écologique.
    • prendre le pouvoir et construire une démocratie réelle en vue d’établir la justice sociale.

    Un programme impayable ?

    Nous rejetons le diktat de la pensée néolibérale. Nous devons abolir la dette et les cadeaux fiscaux aux grandes entreprises. Nous pouvons régler la facture en imposant les grandes fortunes et les profits. Nous avons besoin d’un refinancement massif des communes et des budgets pour satisfaire les besoins de l’ensemble de la population et non pas d’une logique d’austérité. Jamais les richesses, le potentiel technique et scientifique n’ont été aussi importants qu’aujourd’hui. Nous devons nous libérer du carcan de l’économie de marché qui ne profite qu’à quelques-uns.

    Et ailleurs ?

    Une de nos camarades est également présente sur la liste Front de Gauche à La Louvière, et nous soutenons cette initiative emmenée par le conseiller communal communiste Jean-Pierre Michiels (voir photo ci-dessous). A Etterbeek, nous soutenons la liste ‘‘Gauches’’ à l’initiative de militants du Parti Communiste. Là où nous n’avons pas de candidats, nous appelons à soutenir des candidats combatifs issus du mouvement ouvrier.

    Rouge de colère en Flandre

    En Flandre, nous soutenons l’initiative Rood! (Rouge), issue d’un groupe de militants du SP.a (l’équivalent flamand du PS) qui a quitté ce parti et veut rassembler des forces en vue de créer un nouveau mouvement politique. Anvers : Notre ville n’est pas à vendre !

    A Anvers, Rood ! dépose une liste pour la conseil communal et une autre pour le district de Deurne. Voici ci-dessous quelques mots de notre camarade Jarmo Van Regemorter, 5e candidat pour la ville et 3e pour le district de Deurne.

    “Les deux grands partis ne veulent pas lutter contre les pénuries qui frappent tous les secteurs (place d’accueil pour enfants, logements sociaux,…). Le bourgmestre sortant Patrick Janssens considère cette situation sociale inacceptable comme une réalisation, tandis que son principal opposant Bart De Wever considère le maintien de ces pénuries comme un changement! Chou vert et vert chou comme on dit…

    “Rood! a déposé une liste de 55 candidats emmenée par Ivo Janssen, délégué syndical dans la chimie. Contrairement aux autres listes, il s’agit d’un travailleur, d’un véritable homme de la rue. Erik De Bruyn, qui fut à l’initiative de la sortie du groupe Rood! hors du SP.a, pousse la liste, et la tire à Deurne.

    “Nous sommes ravis de pouvoir nous engager dans cette campagne afin de défendre la nécessité de construire une organisation politique de gauche démocratique et large, où les différents courants de pensées, organisés ou non, peuvent se côtoyer et travailler ensemble dans le respect mutuel. La campagne illustre que le potentiel est énorme, et cela augure de grandes possibilités pour l’après-14 octobre !”

    Keerbergen, Dendermonde, Zottegem, Ostende,…

    A Keerbergen, notre camarade Christophe De Brabanter tire une liste LSP-Rood!, seule liste de gauche à côté du cartel du SP.a et des libéraux. Nous sommes également présents avec une liste LSP à Termonde et sur la liste LEEF à Zottegem (LEEF dépose aussi une liste à Herzele). Même si nous n’y avons pas de candidats, nos camarades mènent les campagnes des listes locales de Rood! à Oostende, Oostkamp, Niel et à Edegem, sous le nom de DemocratiEdegem.

  • Des listes rouges à Gand et à Anvers

    Les prochaines élections communales aborderont d’autres thèmes que ceux du fédéral et des régions, mais constitueront toutefois une indication des rapports de forces existants entre partis politiques, et plus particulièrement dans les grandes villes. En Flandre, on regardera particulièrement les villes d’Anvers et de Gand, et nous sommes heureux que Rood! (une initiative large à laquelle participe le PSL) y dépose des listes.

    Par Jarmo Van Regemorter, candidat de Rood! à Anvers

    La politique qui y a été menée ces dernières années a été caractérisée par le marketing urbain et les projets de prestige, tandis que les problèmes sociaux ont été ignorés. Cela ne surprendra personne de lire que l’augmentation du chômage et de la pauvreté est alarmante dans les deux villes, mais les conseils communaux ont refusé d’investir dans le personnel communal, les services sociaux et le logement. Ce qui compte, c’est que ces villes donnent de l’extérieur l’image de petits paradis où règnent l’harmonie et la tranquillité.

    A Anvers, Patrick Janssens (SP.a) et Bart De Wever (N-VA) seront les deux grandes figures en lice. Mais même s’ils s’opposent, leur programme reste similaire : faire supporter à la population le coût de la mise en liquidation du Holding communal, qui a fait naufrage dans le sillage de Dexia. Pendant ce temps, 20.000 personnes sont sur liste d’attente pour un logement social tandis que l’enseignement communal rencontre problème sur problème.

    A Gand, un premier pas a été posé vers l’organisation active de la résistance avec la création des ‘‘Gantois contre les assainissements’’, qui ont notamment organisé une manifestation de plus de 400 personnes dans le centre ville pour protester contre les attaques qui frappent les transports en commun. Rood! a été la cheville ouvrière de l’initiative, et a démontré en pratique ce que doit être une réelle opposition de gauche. Rood ! a également initié une campagne exigeant l’augmentation du nombre de places dans les crèches publiques.

    Pour un front de gauche ouvert

    Le PSL soutient activement Rood !. Ces élections sont une opportunité pour l’initiative de se profiler comme une formation politique ouverte défendant les intérêts des travailleurs et de leurs familles. Rood ! rassemble des personnes issues d’horizons fort différents, qui collaborent dans le respect mutuel, avec une place réelle pour la diversité d’opinions. Mais un véritable front de gauche réunissant toutes les forces à la gauche du SP.a et des Verts aurait été un signal encore plus puissant. Hélas, au PTB, les esprits ne sont pas encore prêts pour une véritable coopération visant à combler le vide politique à gauche. Mais les appels pour un véritable front de gauche vont aller en s’amplifiant.

    Parmi les syndicalistes, tant de la FGTB que de la CSC, ainsi que chez chaque personne de gauche grandit le désir d’enfin disposer d’un élu de gauche au Parlement après les élections de 2014. La meilleure manière d’atteindre cet objectif est de rassembler toutes les forces aujourd’hui dispersées, dans le respect de l’autre et de ses spécificités.

  • ELECTIONS 2009: recherche de stabilité et peur d’un bain de sang social

    Ce texte a pour objectif de mettre en lumière les processus sous-jacents qui ont conduit aux résultats électoraux des élections de 2009 en Belgique. Ce texte ne développe pas réellement les développements de la situation économique, mais nous devons être bien conscients que la crise économique est à la base de ces résultats. Une crise économique se développe en différentes étapes, il en va de même pour ses répercussions sur la conscience. De plus, la phase actuelle de la crise a des conséquences différentes pour les diverses couches de la population, ce qui produit également des réactions différentes.

    Texte du Comité National du PSL/LSP du 13 juin 2009

    Il n’y a pas, non plus d’espace dans ce texte pour une véritable évaluation des résultats électoraux pour le reste de l’UE. Le Comité pour une Internationale Ouvrière a publié une première réaction sous la forme de l’article de Robert Bechert, à lire sur le site du PSL (voir ici). Dans les jours et semaines à venir arriveront des analyses plus profondes des différentes sections. Ici, seuls quelques éléments généraux de l’analyse sont cités, ceux qui servent également à l’analyse des résultats électoraux en Belgique.

    Différents processus se croisent

    Pour le moment, la crise économique continue à s’approfondir, bien que certains commentateurs (de la FEB entre autres) mettent actuellement en avant, de façon prudente, l’idée que le «fond» de la crise serait atteint pendant ou après cet été. Ils ajoutent néanmoins de suite qu’il n’y aura pas d’amélioration rapide du marché du travail et que le chômage va continuer à grimper. La Banque Nationale s’attend à la suppression de 140.000 emplois entre fin 2008 et fin 2010. Combiné à la croissance prévue de la population active de 60.000 personnes (avec notamment deux années de jeunes quittant l’enseignement), cela signifie 200.000 chômeurs en plus. La FEB suit également cette analyse car elle ne s’attend pas une montée rapide du niveau d’investissement. De plus, aucun des optimistes n’attend de relance rapide de l’économie, mais seulement une sortie du rouge.

    Chaque mois arrive un nombre record de faillites. La petite bourgeoisie, mais aussi toute une série de PME’s – qui travaillent surtout comme sous-traitants pour des multinationales et d’autres grandes entreprises – sont fortement touchées par la crise. Le nombre de pertes d’emplois continue à monter et l’angoisse est profonde pour l’avenir d’entreprises comme Opel à Anvers. Quand on regarde les conséquences sur la région qu’a eu la fermeture de Boelwerf à Tamise (1994), conséquences qui perdurent encore aujourd’hui, nous savons déjà quels drames sont provoqués par ce type de fermetures. La direction syndicale ne met aucune stratégie en avant, aucun plan, pour éviter ce à quoi la plupart des travailleurs s’attendent maintenant: des licenciements massifs, une montée du chômage et de la pauvreté,… en d’autres termes; un appauvrissement collectif alors que l’austérité d’Etat supprime encore plus de services et d’interventions sociales.

    La presse bourgeoise parle déjà depuis des mois de l’impasse dans laquelle se trouvent les partis sociaux-démocrates en Europe. «Ils devraient toutefois pouvoir profiter de la crise», ont dit les journalistes dans leur pensée mécanique, quelques uns ont même dit que comme cela ne se produisait pas, c’était la preuve de la faillite de Marx (entre autre Frank Vandenbroucke!) Les marxistes ont toutefois une vision plus développée à ce sujet. Ils apprennent de l’histoire que les crises peuvent aussi avoir un effet paralysant sur la classe ouvrière et qu’il est possible que les travailleurs se réactive massivement seulement aux premiers signes de relance économique. Aujourd’hui, le mot paralysie est une expression trop forte, mais il y a néanmoins un élément de cela renforcé par la démotivation consciemment organisée par la direction syndicale.

    Mais les grandes claques reçues par la social-démocratie dans différents pays européens dans ces élections n’ont, en soi, rien à voir avec cela. Ces claques sont arrivées dans les pays où les partis sociaux-démocrates bourgeoisifiés ont été les architectes d’un grand nombre d’attaques contre le mouvement ouvrier au cours des dix dernières années. Le fait de gérer le capitalisme, dans une période de détérioration systématique des conditions de vie de la classe ouvrière depuis le début de la période de dépression en 1974, a de plus en plus vidé ces partis. Le Labour en Grande-Bretagne, le SPD en Allemagne, le PvdA aux Pays-Bas,… sont, tout comme le SP.a en Flandre, sanctionnés pour leur politique. Il reste à peine de quoi se souvenir encore des partis ouvriers qu’ils ont été jadis. Certains partis sociaux-démocrates échappent à une telle punition brutale dont le PSOE en Espagne et le PS en Belgique francophone.

    Dans un certain nombre de pays, la crise s’exprime dans un vote de protestation élevé, le plus souvent sous la forme de votes pour des formations populistes de droite, plus ou moins euro-sceptiques, comme l’expriment la montée de Wilders aux Pays-Bas ou celle de l’UKIP en Grande-Bretagne. Ces formations récoltent un pourcentage de voix plus important que la social-démocratie. Là où ils l’ont pu, ces populistes ont utilisé le large mécontentement qui existe contre l’Europe. Cela n’est en soi pas un nouveau phénomène: depuis le milieu des années ’80 déjà, nous observons la montée de partis (souvent néo-fascistes) qui se servent du populisme et qui se construisent sur le mécontentement social en se basant sur la dégradation générale du standard de vie et des conditions de travail – notamment des salaires, de la pression au travail,… – qui se poursuit systématiquement, y compris en période de croissance économique.

    Aujourd’hui, la palette des partis populistes est plus variée qu’il y a vingt ans. Ce sont toutes des formations petite-bourgeoises qui vivent du vide créé par la disparition des partis ouvriers en tant qu’organisations ouvrières. Le manque de luttes collectives qui stimulent la conscience de classe et qui peuvent offrir de véritables perspectives conduit à la recherche de solutions individuelles ainsi qu’à des éléments de division qui semblent d’autant plus importants que la division de la société en classes a disparu de la scène politique. Dans certains pays, les partis d’extrême-droite et néofascistes ont eu à faire face à une perte de voix comme en Flandre (le FN en France n’est également plus que l’ombre de ce qu’il a été à son sommet). Le Vlaams Belang a perdu des votes car les populistes plus «modérés» ont commencé à viser son électorat. Ces formations n’ont pas l’étiquette du fascisme et d’un racisme «indécent» et ont, à première vue, plus de chance d’être un jour réellement présentes au pouvoir. Pour la même raison, il a perdu une partie de ses votes flamingants au profit de la NVA.

    Mais cela ne doit pas nous tromper. Il est probable que le Vlaams Belang ne chute pas plus profondément. Des trois partis de la petite-bourgeoisie de droite, le Vlaams Belang est celui qui a les structures les plus fortes, le cadre le plus grand et l’implantation la plus large. Des partis comme la LDD, qui dépendent d’un dirigeant charismatique, peuvent disparaître aussi rapidement qu’ils sont arrivés comme la LPF l’a démontré aux Pays-Bas (mais la base sous-jacente à leur montée peut conduire ensuite à ce que de nouveaux phénomènes semblables arrivent). Et des partis flamingants comme la NVA ont dans le passé souvent été mis hors jeu suite à leur participation au pouvoir, quand ils se brulent les ailes avec des compromis.

    Une autre tendance importante de ces élections européennes est la victoire de partis conservateurs de centre-droit ou de droite qui sont, avec plus ou moins d’écart, redevenus les plus grands: les Tories en Grande-Bretagne, le CDU/CSU en Allemagne, l’UMP en France, le PP en Espagne, Berlusconi en Italie, le CD&V en Flandre. L’insécurité créée par la crise peut mener à la polarisation et à l’éparpillement politique (cela se développe presque partout) mais peut également pousser certaines couches de la population (y compris dans une partie de la classe ouvrière) à un désir de stabilité, de vieilles recettes, de politiciens de qui «émane la confiance». Il y a une peur des «aventures» qui se développe maintenant que les choses ne vont pas bien. Ce n’est qu’une phase, vu que ces partis n’ont pas de réponse à offrir face à la crise si ce n’est, au mieux, un accompagnement de la dégradation sociale. Mais la profondeur de la crise a comme conséquence de limiter les moyens pour un tel «accompagnement». Une fois que cela se clarifiera aux yeux de larges couches, le centre politique recommencera à se déplacer.

    Cette tendance a sans doute aussi fait des dégâts parmi les formations et les listes de gauche dans différents pays. Aussi bien en Allemagne qu’aux Pays-Bas, Die Linke et le SP ont fait des scores en-dessous des attentes. En nombre de voix, le SP se fait même dépasser par la formation de «gauche modérée» Groen-Links. En France, la percée attendue du NPA ne s’est pas produite, le NPA obtenant moins de votes que le Front de Gauche (autour le PC) et aucun élu. En Italie, où les dernières élections nationales ont mis fin à la présence conséquente de la gauche radicale au parlement depuis la Deuxième Guerre Mondiale, il n’y a cette fois-ci non plus pas eu d’élu pour la gauche radicale au Parlement Européen. A côté de cet élément objectif, il y a aussi dans ce processus des éléments subjectifs forts sur lesquels on ne peut pas s’étendre dans ce texte. L’élection de Joe Higgins en République Irlandaise – frappée par le développement rapide d’une crise économique profonde après une longue période de croissance élevée – montre qu’un parti de lutte réellement impliqué dans la directions de luttes et de mouvement de la classe ouvrière, armé d’un programme correct et socialiste conséquent, avec des revendications et des campagnes qui rejoignent la conscience et qui met une perspective en avant,… peut obtenir des victoires dans une période de crise.

    En Belgique, la bourgeoisie reçoit un puzzle compliqué

    En Flandre

    La première réaction de la presse – remarquablement unanime dans les différentes parties du pays – était claire: «La Flandre a voté flamand et à droite». Ce discours a un air de déjà-vu: cela semble être une réédition des dernières élections fédérales de 2007. Le PSL/LSP y a déjà répondu à l’époque. Tout comme en 2007 les sondages à la sortie des urnes et autres recherches sur les élections montrent que la question communautaire n’est pas vue comme un thème important par les électeurs (selon une recherche inter-universitaire faite pendant la campagne, il semble que seulement moins de 10% des électeurs flamands choisissent leur vote pour des raisons communautaires). Tout comme en 2007, ce thème était à peine présent et même encore moins durant la campagne proprement dite. Le CD&V a obtenu sa victoire en 2007 avec son image de «bon père de famille» dans un moment de recherche de stabilité et de repos après une coalition violette agitée. Il avait notamment convaincu sa base CSC avec des promesses de 2 milliards d’investissements en plus dans la politique sociale, avec une rhétorique qui tournait autour des soins de santé, de l’aide aux familles, etc. Le CD&V, aidé par son passage dans l’opposition, a beaucoup moins un profil néolibéral que les partis libéraux. Il se profile plus sur la «vieille» politique de conciliation de classes qui était dominante dans la période de croissance des années ’50-’75. Bien que ses liens avec le mouvement ouvrier chrétien soient devenus bien plus faibles et que ce dernier opère de manière indépendante beaucoup plus que par le passée, l’absence d’un vrai parti ouvrier (et donc avec la bourgeoisification de la social-démocratie) défendant réellement les intérêts de la classe ouvrière a pour conséquence que ces liens ne sont pas réellement cassés. La victoire du CD&V ne représente pas dans le paysage politique actuel un vote à droite, mais bien un vote pour un parti qui se profile au centre et lance un message «social».

    Vu l’attitude “réaliste” et plus modérée prise par le CD&V au sujet de la question communautaire, sa volonté publique d’arriver à un accord par les négociations, il est difficile de prétendre que le vote pour le CD&V ait pu être attirant pour les flamingants les plus durs. Dans ces élections, le vote flamingant – les sondages montrent depuis déjà quelque temps qu’un pourcentage stable de plus ou moins 11% de la population se déclare pour l’indépendance de la Flandre – s’est surtout dirigé vers la NVA. Même pour le Vlaams Belang, qui vient historiquement de l’aile d’extrême-droite du Mouvement flamand, le flamingantisme ne constitue pas la raison principale de sa progression électorale. Sa rhétorique anti-establishment et surtout le thème de l’immigration ont joué un rôle beaucoup plus important. Des recherches ont déjà montré que le Vlaams Belang avait même le public électoral le plus monarchiste de tous les partis flamands. Pour la LDD, le communautaire est un élément utilisé de temps à autre, mais ce n’est pas non plus le thème principal sur lequel elle cherche à gagner des votes.

    Après presque trois années de constante surenchère communautaire, la NVA – le seul parti flamand qui a un public électoral attiré par ses positions communautaires de façon si dominante – a réussi à canaliser ce vote flamand au cours de ces élections et à le tirer hors des eaux dangereuses du «flamingantisme antidémocratique», comme la presse bourgeoise l’a écrit. La NVA s’est même fait féliciter pour cela par, entre autres, Patrick Janssens et Caroline Genez (du SPa). La presse bourgeoise dit que la NVA commence à «regagner la position qu’avait la Volksunie dans le temps». La NVA se retrouve néanmoins encore bien loin de cette position: la VU a obtenu 20% des votes à son apogée et était capable de construire une stabilité relative. La NVA n’a pas pu obtenir un tel résultat après trois années de surenchère communautaire, trois années qui pourtant pouvaient faire rêver les partis de la petite-bourgeoisie de «solutions faciles». Le parti a reçu un soutien pour être soi-disant sans concession et en évitant (provisoirement) un deuxième scénario d’Egmont (compromis accepté par la VU qui lui avait fait perdre son soutien) en retirant à temps son soutien aux gouvernements fédéral et flamand. De cette manière, la NVA a retiré à la LDD l’image de «mains propres» que cette dernière ne pouvait de toute façon plus maintenir à cause de l’affaire Vijnck et des bagarres publiques autour de la formations de ses listes. Des recherches sur les élections montrent que, sur base d’une image de «politicien pur», la NVA a obtenu des postes qui n’ont rien a voir avec leur flamingantisme. La grande personnalisation de la politique dans les médias, y compris sur les chaînes publiques, et l’absence de débats vraiment contradictoires conduisent à faire des jeux tels que «l’homme le plus intelligent» (un jeu sur la chaîne publique qui s’est déroulé juste avant la campagne électorale officielle et dans lequel Bart De Wever est apparu comme une star). Cela a donné un énorme forum à des hommes comme De Wever et Dedecker. Comme Dedecker a déjà pu le voir, cet effet peu rapidement diminuer dès qu’une meilleure «figure» est trouvée. La NVA a eu une victoire électorale importante, mais un passage dans le gouvernement, où un compromis sur une réforme d’Etat doit être conclu, ou encore un scénario dans lequel la NVA est mise en avant comme responsable de l’instabilité, peuvent briser ce soutien, dont une partie reviendra alors au Vlaams Belang.

    En ce qui concerne le Mouvement flamand, il faut en plus observer la disparition du SLP (ancien Spirit). Cela confirme notre analyse du nationalisme flamand «progressiste» ou «de gauche», qui n’a plus de base dans la situation objective présente. Les figures provenant de Spirit qui se trouvaient sur d’autres listes ont à peine pu compter sur des partisans à l’exception de Bert Anciaux, qui a finalement pu encore rassembler un nombre raisonnable de votes de préférence. Dans la région de Bruxelles il a une certaine popularité malgré ses nombreux zigzags politiques. C’est d’ailleurs la seule région de Flandre où un certain sentiment d’oppression des flamands demeure, essentiellement à cause de l’expulsion sociale engendrée par les hauts prix des logements. 16. Ce qui a également été remarquable dans ces élections, c’est le sprint très tardif du SP.a pour sortir de la zone de danger de moins de 15% pour les élections régionales. Tout comme le PS en Wallonie, le SP.a a reçu l’aide consciente de la presse bourgeoise. La peur d’un «gouvernement de droite» a été mise en avant avec l’élément de «rien ne va plus aller» ni sur le plan social ni sur le plan de la réforme d’Etat. Au dernier moment, une partie de son public électoral a finalement et par désespoir accordé son vote à se parti qui s’est compromis à mort aux gouvernements. Cela a certainement joué un rôle dans le résultat plus bas que prévu de Groen (qui, contrairement au SP.a, a plus de voix au Parlement Européen comparé aux élections régionales). Groen n’a pas réussi à se présenter comme une force crédible avec de vraies réponses. Cela a peut-être aussi joué un rôle dans le fait que le PvdA n’a même pas fait un semblant de percée. Nos militants avaient fait état de discussions dans le cadre syndical inférieur, où certains pensaient cette fois-ci voter pour le PvdA (mais il était clair que cette tendance ne descendait pas parmi la base et était limité à des individus spécifiques dans l’appareil).

    Mais le parti qui a probablement le plus souffert du sprint final du SP.a au niveau régional est l’Open VLD. Alors que le «VLD flamand» maintenait un profil néolibéral bien dur, Verhofstadt a réussi à se donner une image plus social-libérale pour les européennes. Le SP.a n’a en effet réussi à sortir de la «zone de danger» des 15% qu’au niveau régional puisque sur le plan européen il fait 13,23%. Le VLD a obtenu plus de 5% de plus sur sa liste européenne que sur sa liste régionale. Il y a – sous l’influence de la bourgeoisification totale du SP.a et de l’épisode des gouvernements violets – un certain public qui vacille au niveau électoral entre le VLD et le SP.a. Une partie de cette couche que Verhofstadt a pu convaincre sur le plan européen a finalement voté pour le SP.a à cause du profil de la liste flamande et de la peur, stimulée par les médias, d’un gouvernement totalement de droite sans le SP.a. C’est un élément de plus qui illustre la bourgeoisification totale de ce parti: une bonne part des votes qui l’ont sauvé au dernier moment d’une chute totale ne provient pas du tout de la classe ouvrière. Plus de précisions sur l’analyse du VLD suivra dans la partie du texte consacrée aux résultats du MR.

    Wallonie et Bruxelles

    A la différence de Groen, en Belgique francophone, Ecolo a réussi à faire une très grande percée. Cela a constitué le phénomène le plus important de ces élections, avec le fait que la lourde punition annoncée du PS n’a pas eu lieu, surtout en Wallonie. Mais pour pouvoir estimer correctement le nouveau phénomène – la percée d’Ecolo – il faut premièrement analyser le «vieux» – la puissance durable du PS wallon. Les différences régionales pour les deux phénomènes sont d’importance.

    Malgré toute une série de scandales sur lesquels le MR a beaucoup joué et malgré des sondages terribles, le PS est redevenu le plus grand parti de Wallonie. Il a obtenu 32,77% des votes, ce qui signifie un recul de 4,14% par rapport aux élections régionales précédentes de 2004 et une légère progression par rapport à ses votes aux élections fédérales de 2007. Il faut donc replacer le combat du MR pour faire changer le «centre de gravité de la Wallonie» dans une perspective correcte: le MR n’a obtenu que 23,41%. En sièges, c’est 29 pour le PS et 19 pour le MR.

    Une des raisons de ces résultats est le fait que le MR de Reynders est puni pour son profil néolibéral dur. Des discussions à ce sujet se développent dans le MR également. C’est ce qui est ressorti de la brève période où Aernoudt pouvait se dire membre du MR. Ce n’était pas seulement Deprez (MCC, ex-PSC) mais également le FDF qui voulaient à ce moment-là une rhétorique «social-libérale». Il est probable que le MR commence à réaranger certaines choses après les élections. Le double mandat de Reynders et sa stratégie d’attaque dure contre le PS vont certainement être remis en question. Il va falloir laisser un espace pour que l’aile plus «social-libérale» puisse venir à l’avant du parti. Le très bon résultat de Louis Michel sur la liste européenne face au très mauvais résultat de Reynders à Liège en donne également l’occasion. Nous avons dit en 2007 que les ambitions de Reynders en Wallonie arrivaient trop tard, le néolibéralisme en tant qu’idée étant totalement discrédité par la crise bancaire. Aujourd’hui, ce constat reste correct et joue aussi dans la punition que le VLD a reçu. Celle-ci n’avait pas comme première base «l’affaire Vijnck», mais surtout le maintien d’une rhétorique de diminution des charges et d’autres cadeaux au patronat. «L’affaire Vijnck» n’a été que la dernière goutte qui a montré que dans ce parti, ce sont les postes qui comptent et non pas les idées. Plus important que cela, les plaidoyers du VLD pour la privatisation de De Lijn et pour la commercialisation d’une partie du secteur des soins de santé notamment étaient en retard par rapport à la conscience existante parmi les couches larges, qui ne croient plus aux recettes néolibérales d’hier.

    Pour “changer le centre de gravité en Wallonie”, une campagne anticorruption ne suffit pas. La population part de l’idée – au vu de la confiance très basse accordée aux politiciens montrée par des sondages d’opinion (seulement 17% de confiance) – que chaque personne au pouvoir magouille d’une manière ou d’une autre. Des populistes partout dans le monde se basent sur cette idée. Le scandale des remboursements de frais des parlementaires en Grande-Bretagne a ainsi été la base pour une défaite si humiliante et si profonde pour le Labour. Mais le PS échappe à ce sort. Pourquoi? Premièrement parce que l’alternative du MR fait plus peur qu’elle n’attire. Deuxièmement parce que le PS, grâce au soutien dans les journaux par des messages de panique au sujet des gouvernements sans le PS en pleine crise économique profonde, a de nouveau pu faire appel à tous ses réseaux. Dans ses bastions – où le PS fait localement des scores jusqu’à et même au-dessus de 40% (scores obtenus en Flandre uniquement par le CD&V), toutes les structures et les réseaux qui tournent autour du PS (et comme pour le CD&V en Flandre, cela représente beaucoup) ont été mis en jeu dans un dernier rush avant les élections. Le PS n’a pas obtenu une punition comme la plupart des partis sociaux-démocrates. Il y a même eu un certain élément de «bonus de chancelier» comme pour le CDU en Allemagne ou le CD&V en Flandre. La peur d’un bain de sang social sous un possible gouvernement du MR a toutefois été l’élément dominant pour le score élevé du PS.

    Cela ne change en soi rien dans notre analyse de la bourgeoisification du PS. Il est clair que, de nouveau, beaucoup de gens n’ont pas voté pour ce parti par enthousiasme, mais seulement contre une alternative de droite face au PS. Les médias ont exprimé que le PS avait du soutien parmi la population mais surtout parmi une couche importante de la bourgeoisie elle-même qui reconnaît au PS le mérite de savoir imposer l’austérité à la base de la FGTB et qui craint l’attitude provocatrice du MR contre le mouvement ouvrier. Le PS a joué de façon habile sur cette bipolarisation durant les dernières semaines avec la déclaration de Di Rupo de refuser de gouverner avec le MR. De cette manière, il a clarifié que la seule manière de garantir que le MR reste en dehors du pouvoir était un vote PS. Une autre raison est qu’avec sa campagne «antilibérale», le PS a pu mettre au travail – pour une dernière fois? – tout son réseau de maisons du peuple, etc. La FGTB a joué un rôle dans ce processus avec sa campagne «le capitalisme nuit gravement à la santé». C’était clairement une campagne de soutien à la campagne «antilibérale» de Di Rupo. Cela montre l’importance de notre revendication de «cassez les liens» entre les syndicats et les partis traditionnels. Dans les dernières deux semaines de campagne, ce ne sont d’ailleurs pas seulement la FGTB et l’ABVV qui ont exprimé la nécessité que la social-démocratie soit dans le gouvernement, mais également la CSC/MOC et l’ACV/ACW.

    A Bruxelles, le PS tient une place raisonnable par rapport à la punition annoncée dans les sondages. Il perd quand même la première place au profit du MR. Le VLD devient, lui, le plus grand parti flamand à Bruxelles. La tradition libérale est très forte à Bruxelles. Le pouvoir y était, dans le passé, occupé alternativement par les libéraux et les socialistes. Les scandales du PS ont joué, mais aussi le fait que le MR de Bruxelles a, par son lien avec le FDF, un visage plus «social». D’autre part, le fait que la coalition Olivier sortante n’a pas eu de solution pour les grands problèmes de Bruxelles – un chômage et une pauvreté colossale – a très certainement joué un rôle dans ce résultat.

    La grande percée d’Ecolo ne peut, selon nous, pas être vue comme un «virage à gauche». Ecolo est, en effet, dans son programme et sa rhétorique clairement moins «à gauche» que le PS, certainement en ce qui concerne les thèmes sociaux-économiques classiques. Ecolo profite partiellement de l’acceptation grandissante que quelque chose doit être fait face à la crise environnementale, y compris parmi les cercles gouvernementaux et dans toute sorte d’institutions internationales. Cela rend le message des verts moins utopique et plus crédible. Mais Ecolo n’a pu faire ce score que parce qu’il a pu se profiler comme la seule «alternative sociale et pas de droite» au PS. Les différences régionales sont importantes aussi dans ce processus : les résultats d’Ecolo étaient les plus forts dans le «nouvel axe économique» Bruxelles-Namur-Luxembourg, régions dans lesquelles un tas de nouveaux emplois ont été créés essentiellement dans des entreprises de haute technologie. La population y est moyenne bien plus aisée que dans les bastions du PS, souvent de vieux bassins industriels.

    Il faut aussi remarquer que le nombre de votes pour les partis flamands dans la région de Bruxelles-Capitale a encore diminué. En 2004, il y en avait encore 62.516. Aujourd’hui, cela a diminué jusqu’à 51.811. Dans les médias, notamment sur la chaîne locale flamande-bruxelloise, ils parlent de la fuite de la ville. Mais la raison principale est selon nous le fait que les flamands de Bruxelles se sentent mal à l’aise avec la rhétorique flamingante dure de tous les partis flamands. Cet élément joue aussi dans la victoire du VLD à Bruxelles, un parti qui joue relativement peu sur l’élément communautaire. Le SP.a fait mieux qu’espéré à cause de cela, tout comme Groen.

    Perspectives pour les gouvernements

    Aujourd’hui, il est difficile d’opter avec certitude pour l’un ou l’autre scénario. Il y a maintenant, dans les coulisses, des négociations animées pour mettre en place le puzzle que la classe dirigeante a reçu de la population. Comme nous l’avons dit avant les élections, il est presque exclu qu’un des partis syndicaux (sociaux- et chrétiens-démocrates) tombe dans l’opposition. La nécessité d’un sévère plan d’austérité dans le budget de 2010 et 2011 au niveau fédéral, mais certainement aussi au niveau régional, oblige au maintien de cet axe dans le gouvernement. C’est important également pour réussir une réforme de l’Etat – qui sera surtout financière, avec un changement de la loi de financement qui permettra qu’une bonne part des assainissements puissent être délégués au niveau des régions et des communautés, même si la question plus symbolique de BHV doit aussi être réglée. Cette réforme est considérée comme nécessaire par tous les partis bourgeois pour sortir du blocage actuel et de l’impasse dans laquelle se trouve tout un tas de dossiers sociaux-économiques, mais il faut au moins aussi l’axe libéral. Néanmoins, avoir un partenaire fiable dans le MR au niveau fédéral n’est pas du tout évident si ce parti ne se retrouve dans aucun pouvoir régional.

    Si, en Flandre, une tripartite est mise sur pied, cela sera probablement sans la NVA. Il y a alors la possibilité que le SP.a entre aussi au gouvernement fédéral. Pour cela, il faut premièrement obtenir un score crédible dans les élections mais surtout être préparé et avoir la capacité d’appliquer le programme de la bourgeoisie. Les deux grands syndicats et l’ACW ont déjà dit qu’ils n’accepteraient pas une tripartite de droite (CD&V, VLD, NVA), mathématiquement possible. La nécessité d’assainissements lourds au niveau régional (notamment en transférant des compétences sans transférer de moyens supplémentaires, en diminuant le nombre de fonctionnaires régionaux, en démantelant des services publics, en augmentant les revenus des régions par toutes formes de TVA,…) semble exclure une telle coalition. Seule l’idée d’arriver dans l’opposition en Flandre a poussé certaines grosses têtes du VLD à dire qu’ils se retireraient alors aussi du gouvernement fédéral. Verhofstadt, qui, à cause du grave manque de personnel politique chez les libéraux flamands, doit à nouveau jouer le «numéro un», a déjà corrigé cela. Cependant, il est clair que la stabilité du gouvernement est menacée par la punition des libéraux partout dans le pays (sauf à Bruxelles, où la première position du MR est plus la conséquence d’une punition plus forte du PS que d’une victoire électorale remarquable de la droite).

    La tripartite classique en Flandre va donc le plus probablement survivre bien que les médias mettent maintenant aussi en avant «la grande coalition» : la tripartite classique, complétée de la NVA. De cette manière, le CD&V pourrait se couvrir sur son aile flamingante et tirer la NVA avec lui. Il mettrait ainsi sous pression de façon relativement plus subtile la Belgique francophone pour arriver à un compromis au lieu d’une guerre ouverte et constante, qui n’a rien donné ces dernières années. La faisabilité de ce scénario dépend totalement de la volonté de la NVA d’appliquer le programme de la bourgeoisie (belge): une réforme d’Etat afin que les régions soient responsables du démantèlement social. Pour cela, il va falloir laisser des os à ronger à la NVA, au minimum la scission de BHV sur base négociée (c’est-à-dire avec des concessions aux francophones dans la périphérie).

    Une telle “grande coalition” serait difficilement gérable mais offre en même temps l’avantage que la chute du gouvernement fédéral devient presque impossible. Cela offre au CD&V un énorme avantage face à ses plus petits partenaires : chacun d’eux peut sortir sans que le gouvernement perde sa majorité. Que tous les partenaires soient préparés à y entrer n’est absolument pas certain, mais les avantages du pouvoir sont attractifs, également pour la NVA et certainement pour le SP.a et le VLD qui s’y sont déjà bien habitués.

    Tout compte fait, la formation d’un gouvernement régional en Belgique francophone semble plus difficile. Bien qu’une coalition avec seulement deux partis soit mathématiquement possible (ce qui est totalement exclu en Flandre par l’effritement de tous les partis traditionnels au profit des partis moyens-grands, le CD&V étant le plus grand parti avec 22%), l’éparpillement y est aussi présent mais dans un stade moins avancé. En Wallonie, le marché politique se compose aujourd’hui d’un axe fondamental, le PS, à côté duquel il y a trois partis moyens-grands dont un a voulu lancer défi au PS et le pousser de son trône, mais a échoué. Toutes les petits listes – également celles qui jouaient entièrement sur la question nationale comme des listes régionalistes en Wallonie ou Pro-Bruxsel à Bruxelles – ont fait des scores négligeables et le FN a été totalement écarté de la carte. Mais la percée d’Ecolo montre que le processus d’éparpillement a clairement bien commencé – en Flandre aussi, la montée d’Agalev (l’ancien Groen, après la Volksunie qui a précédé le Vlaams Blok) a été un des premiers signes de l’éparpillement du soutien pour les partis traditionnels.

    La formation des gouvernements à Bruxelles et en Wallonie n’est pas difficile à cause des niveaux régionaux mêmes – Ecolo et CDH, qui font maintenant une tentative de lier leur sort et leurs revendications pour être plus forts dans leurs négociations avec aussi bien le PS que le MR, se sont déclarés en faveur de formules symétriques dans toute la Belgique francophone. Mathématiquement, cela est possible avec une coalition Olivier mais également avec une coalition jamaïcaine. Mais l’entrée du MR dans le gouvernement wallon semble cependant totalement exclu. Derrière les écrans, on cherche sans doute désespérément une possibilité de lier quand même le MR, mais cela semble très difficile. Théoriquement, il serait excellent pour la bourgeoisie qu’Ecolo et le CDH se déclare d’accord de gouverner à Bruxelles avec le MR et en Wallonie et dans la Communauté francophone avec le PS. On va voir si ce scénario est possible, mais cela ne semble pas, à première vue, vraiment probable.

    Si ce sont des coalitions Oliviers sur tous les niveaux (et donc pour un développement où le «centre-gauche» va prendre toute la responsabilité du recul social en Belgique francophone, avec plus tard une punition des électeurs), la question de garantir la stabilité du gouvernement fédéral se pose. Le MR n’a pas déclaré qu’il quitterait le gouvernement fédéral s’il ne peut pas arriver au pouvoir au niveau régional – aujourd’hui aucun parti ne veut être vu comme le responsable de l’instabilité fédérale – mais il est évident que la coopération devient dès lors très difficile et que le menace que le MR s’en aille à un moment qui lui va bien serait fortement présente.

    Écarter les libéraux de tous les niveaux de pouvoir a comme seul avantage le fait qu’un des grands partis traditionnels peut potentiellement se renforcer dans l’opposition. Les désavantages à court terme semblent néanmoins plus grands. En réalité, la nécessité d’une réforme financière de l’Etat comme méthode d’assainissement fait que la disparition d’un des axes fait revenir le spectre du «malgoverno» de la fin des années ’70 – début des années ’80, avec des gouvernements qui tombent tout le temps alors que la bourgeoisie essaie de s’adapter à une nouvelle situation économique et cherche une nouvelle stratégie pour pouvoir imposer son programme. Cette période d’adaptation nécessaire mène à des divisions dans les forces bourgeoises elle-même par rapport à la stratégie à suivre. L’instabilité politique est alors inévitable, mais cela peut alors être l’occasion pour la population, qui a peur des conséquences de la crise, d’attaquer toute la caste politique.

    Nous allons probablement vers une période de formation de gouvernements régionaux un peu plus longue que d’habitude. En Flandre, il n’y a que deux coalitions qui sont mathématiquement possible: la tripartite classique ou une «grande coalition» avec la NVA (comme partenaire non-nécessaire et donc faible). En Belgique francophone, Ecolo va très probablement être présent au pouvoir à tous les niveaux, ce qui amène le risque de brûler rapidement leur soutien (cfr son passage précédent au gouvernement). Il va recevoir un tas de petites concessions sur le plan de l’économie durable, ce marché devenant potentiellement très rentable; des assainissements et l’augmentation de moyens pour l’Etat vont recevoir une couleur verte; sur la question du droit d’asile, les libéraux vont faire les difficiles après leur forte défaite, mais l’élaboration des nouveaux critères plus clairs pour les régularisations semble difficilement évitable à plus long terme,… Mais Ecolo va aussi devoir avaler des concessions dont la plus grande pour elle va être l’ajournement de la fermeture des centrales nucléaires. Peut-être que cela ne va pas se passer explicitement: les dates actuelles de fermetures peuvent être utilisées par le gouvernement belge pour avoir encore une carte en main contre Suez français. Mais en réalité, la dépendance énergétique de la Belgique et l’impossibilité en temps de crise (et donc un Etat avec des moyens limités) de construire un secteur assez fort pour les énergies alternatives vont conduire à l’ajournement de la fermeture.

    En Flandre, notre parti va devoir offrir une réponse aux thèses selon lesquelles la Flandre a voté “à droite et flamand”. La disparition des contradictions de classes sur la scène politique fait qu’il n’y a, en Flandre – par son développement historique spécifique – aucun parti qui n’est pas de droite et flamingant. La rhétorique plus modérée de la NVA, maintenant que la participation gouvernementale est en vue, ne diffère pas fondamentalement de la pratique dans laquelle tous les partis traditionnels flamands ont été impliqués dans la dernière période: utiliser de façon maximale ses propres compétences (comme par exemple une allocation familiale supplémentaire du gouvernement flamand, partie intégrante de l’idée d’une assurance de soins flamande), utiliser la dominance flamande comme un instrument dans les conflits d’intérêts pour forcer l’Etat fédéral ou encore l’imposition de conditions linguistiques, etc. Vandenbroucke (Spa), après les élections, a déclaré à propos de Bart De Wever que c’était comme s’il «s’entendait parler lui-même». La NVA va devoir se plier à moins de violences verbales et à un flamingantisme très modéré pour gagner sa place dans le gouvernement et la garder. Un scénario-Egmont reste alors une menace constante. Mais le parti peut aussi se retirer sans être vu comme le responsable de l’instabilité, comme le gouvernement flamand n’a pas mathématiquement besoin de la NVA.

    En Wallonie et ç Bruxelles, si l’Olivier devient partout la réalité, notre parti va certainement devoir offrir une réponse sur le caractère soi-disant “de gauche” des gouvernements. Nous allons devoir avertir que les résultats d’une tentative de gestion d’un capitalisme en crise sont qu’il est impossible de défendre les intérêts de la classe ouvrière. Nous devons dénoncer le rôle du PS comme la formation la plus importante pour la bourgeoisie – et le fait qu’elle utilise cyniquement les votes de la classe ouvrière. Nous devons aussi dénoncer Ecolo, formation petite-bourgeoise qui, avec sa soif de pouvoir, est une fausse alternative, et – comme en Flandre – mener la propagande autour de l’idée d’un nouveau parti des travailleurs. La seule chose que l’on peut attendre des «coalitions de gauche» est une détérioration emballée, masquée et accompagnée des conditions de vie et de travail de la majorité de la population.

    Partout, nous devons montrer l’éparpillement causé par la détérioration économique qui se développe depuis déjà le début de la dépression de ’74. Tous les partis traditionnels ont perdu une grande partie de leur crédibilité dans ce processus. La crise actuelle de l’économie mondiale a aussi mis en question le néolibéralisme comme stratégie pour la bourgeoisie ce qui cause une division dans les forces bourgeoises. Mais l’éparpillement à gauche a surtout comme base la bourgeoisification de la social-démocratie. La construction d’un vrai parti de gauche, qui défend bec et ongles les intérêts du mouvement ouvrier est la seule solution permanente face à cet éparpillement. Le discrédit ultérieur de chaque parti impliqué dans le pouvoir, combiné au développement des licenciements massifs, des faillites, du chômage structurel massif etc – et au fait que les dirigeants politiques ne savent rien y changer – vont préparer le chemin pour la pénétration de l’idée de la nécessité d’un nouveau parti des travailleurs dans des couches encore plus larges de la population.

  • Flandre: A droite toute?

    Flandre: A droite toute?

    La première réaction de la presse – remarquablement unanime dans les différentes parties du pays – était claire: «La Flandre a voté flamand et à droite». Ce discours a un air de déjà-vu: cela semble être une réédition des dernières élections fédérales de 2007. Le PSL/LSP y a déjà répondu à l’époque. Tout comme en 2007 les sondages à la sortie des urnes et autres recherches sur les élections montrent que la question communautaire n’est pas vue comme un thème important par les électeurs (selon une recherche inter-universitaire faite pendant la campagne, il semble que seulement moins de 10% des électeurs flamands choisissent leur vote pour des raisons communautaires). Tout comme en 2007, ce thème était à peine présent et même encore moins durant la campagne proprement dite. Le CD&V a obtenu sa victoire en 2007 avec son image de «bon père de famille» dans un moment de recherche de stabilité et de repos après une coalition violette agitée. Il avait notamment convaincu sa base CSC avec des promesses de 2 milliards d’investissements en plus dans la politique sociale, avec une rhétorique qui tournait autour des soins de santé, de l’aide aux familles, etc. Le CD&V, aidé par son passage dans l’opposition, a beaucoup moins un profil néolibéral que les partis libéraux. Il se profile plus sur la «vieille» politique de conciliation de classes qui était dominante dans la période de croissance des années ’50-’75. Bien que ses liens avec le mouvement ouvrier chrétien soient devenus bien plus faibles et que ce dernier opère de manière indépendante beaucoup plus que par le passée, l’absence d’un vrai parti ouvrier (et donc avec la bourgeoisification de la social-démocratie) défendant réellement les intérêts de la classe ouvrière a pour conséquence que ces liens ne sont pas réellement cassés. La victoire du CD&V ne représente pas dans le paysage politique actuel un vote à droite, mais bien un vote pour un parti qui se profile au centre et lance un message «social».

    2e partie du texte d’évaluation du Comité National du PSL/LSP

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    Reste du texte:

    • Différents processus se croisent
    • Wallonie et Bruxelles: percée d’Ecolo, mais le PS se maintient
    • Perspectives pour les gouvernements
    • Texte intégral en version PDF
    • [/box]

      Vu l’attitude “réaliste” et plus modérée prise par le CD&V au sujet de la question communautaire, sa volonté publique d’arriver à un accord par les négociations, il est difficile de prétendre que le vote pour le CD&V ait pu être attirant pour les flamingants les plus durs. Dans ces élections, le vote flamingant – les sondages montrent depuis déjà quelque temps qu’un pourcentage stable de plus ou moins 11% de la population se déclare pour l’indépendance de la Flandre – s’est surtout dirigé vers la NVA. Même pour le Vlaams Belang, qui vient historiquement de l’aile d’extrême-droite du Mouvement flamand, le flamingantisme ne constitue pas la raison principale de sa progression électorale. Sa rhétorique anti-establishment et surtout le thème de l’immigration ont joué un rôle beaucoup plus important. Des recherches ont déjà montré que le Vlaams Belang avait même le public électoral le plus monarchiste de tous les partis flamands. Pour la LDD, le communautaire est un élément utilisé de temps à autre, mais ce n’est pas non plus le thème principal sur lequel elle cherche à gagner des votes.

      Après presque trois années de constante surenchère communautaire, la NVA – le seul parti flamand qui a un public électoral attiré par ses positions communautaires de façon si dominante – a réussi à canaliser ce vote flamand au cours de ces élections et à le tirer hors des eaux dangereuses du «flamingantisme antidémocratique», comme la presse bourgeoise l’a écrit. La NVA s’est même fait féliciter pour cela par, entre autres, Patrick Janssens et Caroline Genez (du SPa). La presse bourgeoise dit que la NVA commence à «regagner la position qu’avait la Volksunie dans le temps». La NVA se retrouve néanmoins encore bien loin de cette position: la VU a obtenu 20% des votes à son apogée et était capable de construire une stabilité relative. La NVA n’a pas pu obtenir un tel résultat après trois années de surenchère communautaire, trois années qui pourtant pouvaient faire rêver les partis de la petite-bourgeoisie de «solutions faciles». Le parti a reçu un soutien pour être soi-disant sans concession et en évitant (provisoirement) un deuxième scénario d’Egmont (compromis accepté par la VU qui lui avait fait perdre son soutien) en retirant à temps son soutien aux gouvernements fédéral et flamand. De cette manière, la NVA a retiré à la LDD l’image de «mains propres» que cette dernière ne pouvait de toute façon plus maintenir à cause de l’affaire Vijnck et des bagarres publiques autour de la formations de ses listes. Des recherches sur les élections montrent que, sur base d’une image de «politicien pur», la NVA a obtenu des postes qui n’ont rien a voir avec leur flamingantisme. La grande personnalisation de la politique dans les médias, y compris sur les chaînes publiques, et l’absence de débats vraiment contradictoires conduisent à faire des jeux tels que «l’homme le plus intelligent» (un jeu sur la chaîne publique qui s’est déroulé juste avant la campagne électorale officielle et dans lequel Bart De Wever est apparu comme une star). Cela a donné un énorme forum à des hommes comme De Wever et Dedecker. Comme Dedecker a déjà pu le voir, cet effet peu rapidement diminuer dès qu’une meilleure «figure» est trouvée. La NVA a eu une victoire électorale importante, mais un passage dans le gouvernement, où un compromis sur une réforme d’Etat doit être conclu, ou encore un scénario dans lequel la NVA est mise en avant comme responsable de l’instabilité, peuvent briser ce soutien, dont une partie reviendra alors au Vlaams Belang.

      En ce qui concerne le Mouvement flamand, il faut en plus observer la disparition du SLP (ancien Spirit). Cela confirme notre analyse du nationalisme flamand «progressiste» ou «de gauche», qui n’a plus de base dans la situation objective présente. Les figures provenant de Spirit qui se trouvaient sur d’autres listes ont à peine pu compter sur des partisans à l’exception de Bert Anciaux, qui a finalement pu encore rassembler un nombre raisonnable de votes de préférence. Dans la région de Bruxelles il a une certaine popularité malgré ses nombreux zigzags politiques. C’est d’ailleurs la seule région de Flandre où un certain sentiment d’oppression des flamands demeure, essentiellement à cause de l’expulsion sociale engendrée par les hauts prix des logements. 16. Ce qui a également été remarquable dans ces élections, c’est le sprint très tardif du SP.a pour sortir de la zone de danger de moins de 15% pour les élections régionales. Tout comme le PS en Wallonie, le SP.a a reçu l’aide consciente de la presse bourgeoise. La peur d’un «gouvernement de droite» a été mise en avant avec l’élément de «rien ne va plus aller» ni sur le plan social ni sur le plan de la réforme d’Etat. Au dernier moment, une partie de son public électoral a finalement et par désespoir accordé son vote à se parti qui s’est compromis à mort aux gouvernements. Cela a certainement joué un rôle dans le résultat plus bas que prévu de Groen (qui, contrairement au SP.a, a plus de voix au Parlement Européen comparé aux élections régionales). Groen n’a pas réussi à se présenter comme une force crédible avec de vraies réponses. Cela a peut-être aussi joué un rôle dans le fait que le PvdA n’a même pas fait un semblant de percée. Nos militants avaient fait état de discussions dans le cadre syndical inférieur, où certains pensaient cette fois-ci voter pour le PvdA (mais il était clair que cette tendance ne descendait pas parmi la base et était limité à des individus spécifiques dans l’appareil).

      Mais le parti qui a probablement le plus souffert du sprint final du SP.a au niveau régional est l’Open VLD. Alors que le «VLD flamand» maintenait un profil néolibéral bien dur, Verhofstadt a réussi à se donner une image plus social-libérale pour les européennes. Le SP.a n’a en effet réussi à sortir de la «zone de danger» des 15% qu’au niveau régional puisque sur le plan européen il fait 13,23%. Le VLD a obtenu plus de 5% de plus sur sa liste européenne que sur sa liste régionale. Il y a – sous l’influence de la bourgeoisification totale du SP.a et de l’épisode des gouvernements violets – un certain public qui vacille au niveau électoral entre le VLD et le SP.a. Une partie de cette couche que Verhofstadt a pu convaincre sur le plan européen a finalement voté pour le SP.a à cause du profil de la liste flamande et de la peur, stimulée par les médias, d’un gouvernement totalement de droite sans le SP.a. C’est un élément de plus qui illustre la bourgeoisification totale de ce parti: une bonne part des votes qui l’ont sauvé au dernier moment d’une chute totale ne provient pas du tout de la classe ouvrière. Plus de précisions sur l’analyse du VLD suivra dans la partie du texte consacrée aux résultats du MR.

  • Ensemble, résistons pour le droit de grève.

    Personnel en solde, droit de grève en liquidation.

    Alors que la lutte ouvrière d’Alost, fin du 19e siècle, constitue l’arrière-plan de la comédie musicale Daens, l’agression patronale de l’époque redevient actuelle. Malheureusement pas sous la forme d’une comédie musicale mais bien dans le monde réel des huissiers, des piquets de grève et des directions qui économisent sur leur personnel.

    Par Bart Vandersteene, porte-parole du MAS (LSP)

    L’histoire de Daens raconte comment les directeurs d’usines se sont entendus entre eux pour effectuer une pression commune sur les salaires et augmenter la flexibilité (entre autres, en faisant tourner le même nombre de machines avec moins d’ouvriers). Cela doit sembler très actuel pour les travailleurs de Carrefour dont la direction veut diminuer les salaires de 30% et augmenter la flexibilité, via le précédent brugeois. A l’époque de Daens, il était demandé de travailler plus pour un salaire moindre et ceux qui protestaient recevaient une raclée. La différence aujourd’hui ? La gendarmerie de l’époque n’existe plus ; maintenant, on retourne à la tradition des shérifs (comme celui de Nottingham que Robin des Bois combattait), sous la forme d’huissiers.

    L’arrestation de 30 militants syndicaux à un piquet de grève de Ninove est alléede pair avec une interdiction d’actions. Toute une série d’«experts», parmi lesquels des représentants d’organisations patronales et d’autres libéraux mais aussi le professeur Blanpain, ont proclamé que des piquets de grève empêchant l’accès à une entreprise seraient «illégaux» car ils compromettraient «la liberté de travail et d’entreprise».

    Ceci rappelle quasi littéralement l’argumentation de la loi anti syndicale Le Chapelier et le décret D’Allarde (datant tous deux de 1791 et importés chez nous pendant la période napoléonienne) : «Tout attroupement d’artisans, d’ouvriers, de domestiques, de journaliers ou de ceux qui, suite à leurs incitations, s’opposent au libre exercice de l’industrie et du travail de qui que ce soit… sera considéré comme attroupement séditieux et sera, en tant que tel, dispersé par la force publique…». L’envoi d’huissiers sur base de requêtes unilatérales et avec astreintes est une application actuelle de cela. Les Napoléons patronaux déplorent encore toujours la suppression en 1919 de la législation susmentionnée.

    Il y a tout un tas de bases légales pour le droit à des actions collectives, piquets de grèves inclus. Ceci est garanti par la Charte Sociale Européenne et les règles de l’Organisation Internationale du Travail. Différents tribunaux, dont la Cour de Cassation, ont confirmé que les piquets de grève et/ou les barrages routiers font partie du droit de grève. Il y a quelques années encore, le Comité Européen des Droits Sociaux a jugé que des astreintes contre un piquet de grève sont inacceptables. Il n’a jamais été question d’un projet de loi pour confirmer cela : ce n’était pas une priorité pour les membres du parlement.

    Les juges aussi ont leurs priorités. L’enquête judiciaire suite à la méga fraude du géant du textile Roger De Clerck (Beaulieu) traîne depuis plus de 18 ans et il ne semble pas que cela aboutira à une condamnation, étant donné que le « délai raisonnable » est dépassé. Toutefois, lors d’une grève sur l’implantation-Beaulieu de Wielsbeke, tout a pu aller très vite : en un rien de temps, des huissiers ont été mobilisés pour casser la grève. Il est frappant de voir comme la justice belge peut se montrer rapide et efficace lorsqu’il s’agit de casser une grève.

    Auparavant, les matraques des gendarmes s’occupaient de la dispersion des piquets. Il semble que cela n’était pas assez douloureux et c’est sans doute pourquoi, à présent, les grévistes se voient infliger des astreintes astronomiques. C’est ainsi que les patrons foulent aux pieds des accords pris par le passé… En 2002, un soi-disant «accord de parole» a été conclu, dans lequel les employeurs s’engageaient à ne plus procéder à des requêtes unilatérales contre les grévistes. Ces dernières semaines, nous avons malheureusement constaté de nombreuses fois que les patrons sont loin d’être des «gens de parole».

    Pour défendre le droit à l’action collective et s’opposer à la détérioration des conditions de travail et de salaires, nous ne pouvons évidemment pas compter sur le patronat, ni sur les politiciens traditionnels, ni sur la justice. A un moment où l’on ressort Marx pour analyser la crise des capitalistes et où Daens (sponsorisé par Fortis) chante l’agression patronale, nous devons tirer une leçon : une opposition commune des syndicalistes rouges et verts peut offrir un contrepoids.

    Nous ne pouvons compter que sur nos propres forces. Au niveau syndical, sous forme d’actions de protestation massives, il est possible d’arrêter 30 personnes mais 300 ou 3000 ? Au lieu d’engager le combat entreprise par entreprise, il est nécessaire de faire preuve de solidarité. Pour construire un rapport de force, il nous faut aussi mener le combat sur le terrain politique. L’expérience que nous tirons de la politique gouvernementale ainsi que du manque d’opposition nous apprend qu’il ne faut pas compter sur le PS ou le Spa ni sur Ecolo ou Groen. Aujourd’hui, ce n’est pas aux piquets de grève que l’on trouve les « socialistes » mais bien dans les conseils d’administration de Carrefour (Willy Claes), Ethias (Steve Stevaert), Dexia (Patrick Janssens et Frank Beke), BIAC (Luc Van Den Bossche)… Il y a nécessité d’un nouveau parti politique qui reprenne, défende et soutienne les exigences syndicales pour engager le combat aux côtés des travailleurs.

  • Comment lutter contre le racisme après la condamnation de Hans Van Themsche ?

    Beaucoup de gens ont été légitimement soulagés de voir confirmée la culpabilité du meurtrier anversois Hans Van Themsche, qui avait commis deux meurtres et une tentative de meurtre racistes. Nous sommes satisfaits de cette condamnation car il est important que l’aspect raciste du crime ait été reconnu.

    Le point de vue de Blokbuster

    La défense a plaidé la maladie mentale (une forme d’autisme) afin d’éviter la prison. Il est vrai que ces dernières sont surpeuplées faute de moyens, ce qui créé inévitablement des problèmes liés à la déficience de l’encadrement. D’un autre côté, laisser un tel crime impuni aurait été injuste (c’est le moins qu’on puisse dire).

    Mais une série de questions doit être posée : et après l’emprisonnement ? Van Themsche sera-t-il encore un danger pour la société avec beaucoup de risques de récidive ? Les réponses nous renvoient directement à l’importance de l’accompagnement individuel et à la question des moyens.

    Pendant que les médias crient victoire pour la condamnation de cet assassin, la dénonciation de la politique répressive envers les sans-papiers suscite moins d’engouement. Les travailleurs « illégaux » bon marché sont les bienvenus pour être utilisés afin de faire pression sur les salaires vers le bas, pour louer des maisons délabrées et pour servir de boucs émissaires, ce sur quoi joue surtout l’extrême-droite. Dans ce sens, le VB porte aussi la responsabilité des des meurtres horribles commis en mai 2006 à Anvers.

    L’extrême droite n’a pas été vaincue à Anvers et l’administration actuelle ne fait rien pour cela. Au contraire, les propos tenus sur le port du voile par le bourgmestre Patrick Janssens (SP.a) démontrent clairement qu’il est favorable à une politique de discrimination. De même, les projets de prestige de la ville coûtent les yeux de la tête et empêchent d’utiliser ces sommes pour résoudre les problèmes de la société sur lesquels le VB peut gagner du soutien.

    La meilleure réponse face à la violence gratuite et au racisme est une VRAIE politique sociale.

  • Les partis traditionnels se mettent en ordre de bataille pour faire encore un peu plus de la même politique

    La campagne pour les élections fédérales de cette année est désormais lancée. Les préparatifs des partis traditionnels vont de pair avec une série de propositions antisociales, le tout nappé d’une sauce communautaire. Le Premier ministre Verhofstadt (VLD) a pondu un “nouveau” Manifeste du Citoyen. Son possible successeur Yves Leterme (CD&V) y est allé d’une petite phrase sur la nécessité d’une politique d’austérité pure et dure comme aux Pays-Bas.

    Geert Cool

    Le Manifeste du Citoyen de Verhofstadt est moins innovateur que son auteur voudrait nous le faire croire. Verhofstadt y propose de calculer davantage le temps de travail plutôt en termes d’heures de carrière. Des horaires individuels permettent d’augmenter la flexibilité, bien entendu parce que les travailleurs demanderaient « des horaires de travail souples », et aussi de remettre en cause l’âge de la pension.

    Sauce hollandaise…

    Pour les chômeurs, Verhofstadt a repris une idée de son collègue de parti Rik Daems. Il s’agit d’imposer aux chômeurs des “emplois de proximité” à temps partiel en échange de leur allocation de chômage. Les fossoyeurs néolibéraux du service public ne précisent évidemment pas que cela se fera au détriment d’emplois qui étaient auparavant prestés par du personnel statutaire.

    Le candidat le plus souvent cité à la succession de Verhofstadt, Yves Leterme (CD&V), est politiquement proche des propositions de Verhofstadt. Leterme se prononce aussi pour accentuer… la même politique. Au début du mois de décembre, lors d’un déjeuner-débat avec de petits entrepreneurs à Gand, il a dit qu’il voulait mener une politique similaire à celle de son homologue hollandais Balkenende: une politique néolibérale pure et dure avec de graves atteintes à la sécurité sociale et aux salaires. Balkenende et son parti chrétien-démocrate sont même allés aux élections avec la « promesse » d’allonger la durée du travail hebdomadaire de 38 heures à 40 heures sans augmentation de salaire.

    Leterme ne semble pas se soucier de la résistance que vont susciter de telles atteintes aux conditions de travail et de salaire ainsi qu’aux droits des chômeurs. « Mieux vaut une adaptation en profondeur que laisser les choses suivre leur cours » (…) Même si ça doit susciter quelques remous en septembre et octobre. »

    De son côté, Frank Vandenbroucke (SP.a), ministre de l’enseignement flamand et promoteur de la chasse aux chômeurs, trouve lui aussi qu’il faut régionaliser l’emploi. Cela aboutira immanquablement à des différences dans les conditions d’accès au chômage, les critères d’ “emploi convenable”,…

    Tout cela doit remplir d’aise Karel Van Eetvelt, porte-parole de l’Union des Classes Moyennes flamandes (UNIZO) qui s’indigne qu’ “actuellement seuls 10% des milliers de chômeurs qui n’ont pas suffisamment cherché d’emploi ont été sanctionnés. Il y a obstruction au niveau national.”

    Régionaliser l’emploi servira donc à exclure plus de chômeurs en Flandre d’abord, en Wallonie ensuite.

    … et goût de l’effort

    Un autre candidat Premier ministre, c’est Elio Di Rupo. Il a surtout insisté sur le fait qu’il était peut-être temps qu’un francophone devienne Premier ministre. Malgré toutes les chamailleries et les problèmes internes, il ne ménage pas ses efforts pour former un front de tous les partis francophones.

    Le profil très flamand du CD&V lui facilite la tâche à tel point que la présidente du CDH Joëlle Milquet a déclaré : « sur le plan institutionnel, le CD&V n’est absolument pas notre parti frère, (…) les partis francophones sont ma famille politique. » En même temps, elle propose un “contrat collectif” qui obligerait chaque chômeur inscrit à suivre une formation.

    Le ministre wallon de l’emploi et de l’économie, Jean-Claude Marcourt, lui emboîte le pas avec son nouveau contrat de gestion pour le FOREm. Il y prône une « culture de l’effort » et une individualisation accrue de l’accompagnement des chômeurs, un doux euphémisme qui dissimule une pression accrue à accepter n’importe quel emploi.

    L’une et l’autre présentent leurs propositions, qui augmentent la concurrence entre salariés sur le marché du travail sans créer d’emplois, comme des alternatives aux revendications flamandes de régionalisation accrue de la politique de l’emploi. Di Rupo était satisfait du Manifeste du Citoyen de Verhofstadt parce qu’il y évitait toute surenchère communautaire. Verhofstadt y parle d’emploi, d’économie et du climat. « Nous sommes donc sur la même longueur d’onde », a déclaré di Rupo.

    Que Verhofstadt se succède à lui-même ou qu’il soit remplacé par Leterme ou di Rupo, il est déjà certains que les prochaines années seront encore marquées du sceau de la politique néolibérale qui consiste à économiser sur le dos des travailleurs et de leurs familles pour augmenter les profits des entreprises.

    Tests de popularité

    Vu que les partis traditionnels convergent sur l’essentiel, ils vont de nouveau mettre l’accent sur la forme. Les publicistes dominaient déjà la campagne pour les élections communales. Patrick Janssens a donné l’exemple. Le publiciste Noël Slangen lui a emboîté le pas en rejoignant le bureau du VLD. Mais les autres partis n’accordent pas moins d’importance à la perception.

    Michel Daerden (PS) a accédé à la renommée mondiale avec sa fameuse interview où il n’était manifestement pas en possession de tous ses moyens. Il a suffit de cette prestation comique à la télévision pour faire grimper en flèche la cote de popularité de Daerden. D’après un sondage de La Libre Belgique, il est maintenant le sixième politicien le plus populaire du côté francophone. Daerden s’appuie maintenant là-dessus pour revendiquer la tête de liste à Liège.

    C’est ainsi qu’on fait de la politique actuellement. L’image prime tout sans qu’elle ait besoin de la politique pour être façonnée. La popularité ne repose pas sur une politique, mais sur une image.

    Besoin d’une autre politique

    Face aux partis traditionnels et à l’extrême droite, nous avons besoin d’une autre politique. D’une politique qui rompe avec le néoliberalisme et qui soit du côté des travailleurs et de leurs familles. Après le mouvement contre le Pacte des Générations, c’est la conclusion qu’a tirée un groupe de militants syndicaux et politiques, de travailleurs, … Le Comité pour une Autre Politique (CAP) a été créé sur cette base.

    Le CAP présentera ses propres listes aux élections. Des pourparlers avec le PTB sur la possibilité d’un cartel dans la province d’Anvers ont buté sur la condition du PTB que Jef Sleeckx y soit lui-même candidat malgré ses 70 ans. Le PTB n’était intéressé que par le nom de Sleeckx. Nous pensons pourtant qu’on a besoin d’une autre politique qui parte de la base.

    Quand Jef Sleeckx a dit dans une interview qu’il y avait eu des discussions avec des militants de Groen !, certains médias ont aussitôt annoncé que le CAP négociait avec Groen !. Il n’y a pas de discussions prévues avec Groen !. La motion qui a été votée le 28 octobre dit clairement que le CAP ne collaborera pas avec des forces politiques qui participent ou ont participé à la politique néolibérale ou qui ont approuvé la Constitution européenne. Dans un cas comme dans l’autre, Groen ! peut se sentir visé à juste titre selon nous. Cela n’empêche pas que beaucoup de membres de Groen ! montrent de l’intérêt pour le projet du CAP.

    Ce type de réaction médiatique fait partie intégrante de la politique actuelle : beaucoup d’attention aux personnalités et aux petits jeux politiciens à visée électoraliste. Il ne manque plus que les demandes de participation à toutes sortes de programmes de divertissement à la télévision.

    Le CAP rompt avec cette politique avec un programme et une campagne où la solidarité occupe la place centrale. Solidarité avec toutes les victimes du système néolibéral: les ouvriers de VW qui doivent travailler plus dur ou pour moins cher, les usagers des bureaux de poste qui vont disparaître, les chômeurs qui se font radier, les travailleurs déjà financièrement exsangues à cause des prix élevés du logement et qui doivent payer plus cher leur électricité suite à la libéralisation,…

    Le MAS/LSP apportera sa pierre à la campagne électorale. Nous voulons nous atteler avec le CAP à la construction d’un large réseau de solidarité qui puisse renforcer la résistance à la politique néolibérale. Nous livrons en pages 6 et 7 des interviews sur l’état des lieux de la campagne du CAP : le programme, la campagne électorale, la construction d’une organisation nationale, …

  • Analyse des élections communales. Un recul masqué de la coalition violette

    Quelques tendances principales se dégagent des élections communales et provinciales du 8 octobre. Les partis chrétiens-démocrates en sortent victorieux dans les trois régions du pays. C’est aussi le cas de l’extrême droite en Flandre et, dans une moindre mesure, en Wallonie, mais pas à Bruxelles. Le VLD et les écologistes sont en net recul, à l’une ou l’autre exception locale près. Le MR équilibre les gains et les pertes.

    Par Els Deschoemacker, Thierry Pierret et Jean Peltier

    Le SP.a progresse fortement dans les grandes villes, surtout à Anvers où il reprend au Vlaams Belang la position de premier parti. Une réussite qu’il faut néanmoins tempérer par le fait qu’il n’a pris des sièges qu’à ses partenaires de coalition, mais aucun au VB. Le PS recule significativement là où des scandales ont éclaté (Charleroi, La Louvière, Namur, Mons, Huy,…) mais il reste le principal parti en Wallonie où il maintient, voire conforte, nombre de majorités absolues.

    Les chrétiens-démocrates: retour au “bon vieux temps” de l’Etat-CVP

    Le CD&V a reconquis la majorité des cantons flamands et dépasse à nouveau la barre des 30%. Il n’avait plus engrangé une telle victoire depuis 20 ans. Du côté francophone, le CDH poursuit lui aussi sa remontée et a conquis 10 cantons de plus qu’aux élections régionales de 2004.

    Cela signifie-t-il pour autant un retour au « bon vieux temps » où la famille CVP-PSC (les anciens noms du CD&V et du CDH) était le parti-pivot de toute coalition gouvernementale grâce à une base stable dans toutes les couches de la société ? Loin de là !

    D’une part, parce qu’au fil des ans et quels que soient leurs scores électoraux, tous les partis traditionnels ont perdu de leur autorité dans la société. D ‘autre part, parce que, s’il reviennent au pouvoir national en 2007 (ce qui est probable), le CD&V et le CDH ne pourront pas compter sur une grande stabilité politique dans leur propre zone d’influence. Du côté francophone, les liens sont nettement plus distendus aujourd’hui entre la CSC et le CDH. En Flandre même, une partie des membres de la CSC ont participé aux grèves contre le Pacte des Générations du gouvernement violet, contre l’avis de la direction de la CSC et surtout contre l’avis du CD&V qui trouvait que ce pacte n’allait pas assez loin !

    En outre, tant le CD&V que la N-VA (un petit parti autonomiste flamand de droite issu de l’éclatement de la Volksunie) ont jusqu’ici tiré profit du cartel qui les unit. Mais pour combien de temps ? Le nationalisme flamand risque à terme de devenir une véritable épine dans le pied des chrétiens-démocrates flamands. Le fait qu’une majorité de petits patrons flamands prônent plus d’indépendance pour la Flandre va sans doute inciter le parti à aller plus loin dans cette direction. Une attitude qui est en porte-à-faux par rapport aux positions du CDH et surtout aux aspirations de la base syndicale comme l’a encore rappelé le congrès national de la CSC il y a quelques jours…

    La coalition violette en sursis?

    La coalition violette a perdu ces élections. Elle n’aurait plus de majorité en Flandre avec un VLD – le parti du Premier ministre – qui plafonne à 16%. Du côté francophone aussi , la violette est en recul. Si on extrapole le résultat des élections provinciales au niveau fédéral, tant le MR (-5) que le PS (-2) perdraient des sièges par rapport aux élections de 2003. La coalition libérale-socialiste passerait de 98 à 79 sièges à la Chambre en 2007, soit une majorité de seulement 4 sièges.

    La défaite globale de la violette est pourtant reléguée à l’arrière-plan par la victoire de l’une ou l’autre de ses composantes dans quelques grandes villes comme Bruxelles, Liège, Gand et surtout Anvers.

    Dans ces élections, le vote pour le moindre mal a de nouveau joué en faveur de la social-démocratie. Bien qu’ils soient les architectes et les maîtres d’oeuvre de la politique néolibérale au niveau national, PS et SP.a ont encore réussi à présenter leurs réformes antisociales comme un mal nécessaire pour préserver notre sécurité sociale ou assurer une bonne gestion communale.

    Poursuivre dans cette voie mène pourtant à une impasse. L’augmentation de la pauvreté, le bradage des services communaux, la disparition des emplois correctement payés, … ne feront que nourrir le terreau de l’extrême-droite. La seule digue qui puisse tenir contre l’extrême-droite, c’est aussi une digue contre ce genre de politique. Ces élections ont de nouveau démontré la nécessité d’une opposition de gauche sous la forme d’un nouveau parti des travailleurs.

    Flandre: un coup d’arrêt au Vlaams Belang?

    Une des principales questions de cette campagne était : le Vlaams Belang peut-il encore progresser à Anvers et arriver au pouvoir dans certaines communes flamandes ? Le verdict est tombé : le Vlaams Belang recule à Gand ainsi que dans les districts d’Anvers-Centre et de Borgerhout. Et les commentateurs de proclamer aussitôt que « un SP.a fort peut stopper la montée du VB ». Au lieu d’être vu comme l’une des causes de la marée noire montante depuis 1991, le SP.a est maintenant présenté comme le sauveur et le bourgmestre d’Anvers et ex-président du SP.a Patrick Janssens fait figure de héros !

    Qu’en est-il réellement ? Pour l’ensemble de la Flandre, le Vlaams Belang progresse de 6,6% par rapport aux élections communales de 2000. Il a augmenté d’un tiers le nombre de villes où il se présentait, passant de 459 à 794 conseillers communaux. Ce qui ne peut que renforcer l’implantation du parti. Dans ce sens, le triomphalisme ambiant est totalement déplacé.

    A Anvers, grâce à la campagne médiatique centrée sur « Patrick », le SP.a a pu présenter l’enjeu du scrutin comme un duel entre Patrick (Janssens) et Filip (Dewinter). Patrick Janssens a récolté un peu plus de 70.000 voix de préférence, Filip Dewinter un peu plus de 60.000. Le parti de Janssens a progressé de 16% et devient du même coup – mais de peu – le premier parti d’Anvers à la place du VB.

    Mais le grand soupir de soulagement à Anvers ne doit pas empêcher de voir la réalité en face : personne n’a réussi à prendre un siège au VB ! Comme Dewinter l’a fait remarquer, le SP.a a « cannibalisé » ses propres partenaires dans la coalition. Le VLD perd 5 sièges, Groen ! 4 et le CD&V 1. Le SP.a en gagne 10 avec un score de 35%.

    Pour expliquer la victoire des coalitions au pouvoir à Anvers et Gand, les commentateurs mettent en avant la « bonne gouvernance » de ces villes, et en particulier les opérations de rénovation urbaine. Mais celles-ci ont surtout été mises en oeuvre dans l’intérêt de la classe moyenne qui a réinvesti certaines portions du centre-ville au détriment de toute une population fragilisée qui y vivotait depuis des années et qui avait offert au Vlaams Blok sa première percée électorale à la fin des années ‘80 et au début des années ‘90. La composition sociale de certains quartiers a changé parce que les pauvres en ont été chassés.

    Ceci explique les progrès successifs du SP.a, le champion de la nouvelle classe moyenne et le maître d’oeuvre de ce type de « rénovation urbaine ». Mais la valeur des logements a tellement grimpé que les moins nantis ont dû quitter certains quartiers de Borgerhout et d’Anvers-Centre… pour s’établir dans les quartiers plus périphériques où le Vlaams Belang continue à se renforcer.

    Bruxelles: une politique “proche des gens”?

    A Bruxelles, le PS conforte sa position de premier parti régional qu’il avait déjà ravie au MR en 2004. C’est d’autant plus remarquable que le MR – sauf à Bruxelles-Ville où il s’effondre – et le CDH progressent également. Le PS progresse dans les grosses communes de la première ceinture comme Schaerbeek (où il fait plus que doubler son score mais où Onkelinx rate le poste de bourgmestre grâce à la nouvelle alliance entre MR et Ecolo), Molenbeek ou Anderlecht et il franchit pour la première fois la barre des 30% à Bruxelles-Ville. C’est surtout Ecolo qui fait les frais de cette progression. L’extrême-droite (FN et VB) stagne, sauf à Schaerbeek où la Liste Demol, apparentée au VB, perd la moitié de ses voix et 3 de ses 4 élus. Est-ce à dire que les politiciens bruxellois ont su rester « proches des gens et de leurs préoccupations » comme ils aiment à le dire? Rien n’est moins vrai.

    Le vote des Belges d’origine immigrée et des étrangers non européens, qui pèse lourd dans certaines communes, a certainement fait barrage à l’extrême-droite. Les partis, surtout le PS, ont joué à fond la carte du vote communautaire en ouvrant largement leurs listes à des candidats d’origine turque, marocaine et africaine. Le principal, sinon le seul critère de sélection était leur capacité à récolter des voix dans leur communauté. Nombre d’entre eux ont été élus le 8 octobre. Ils vont rapidement être associés à la politique néolibérale. Ils vont sans doute essayer d’en atténuer les effets dans leur quartier ou leur communauté en aidant leurs électeurs à surmonter individuellement les problèmes sociaux qu’ils auront contribué à créer par leur soutien à des mesures antisociales. Mais le clientélisme – ce que les politiciens appellent « être proche des gens » – se heurtera à ses limites et ceux-ci devront tôt ou tard rendre des comptes sur leur attitude au Conseil communal ou au Collège.

    Wallonie: le PS en équilibre instable

    Une marée noire était parfois annoncée le 8 octobre. Les résultats sont beaucoup plus diversifiés. Mais le lien est clair entre les résultats du PS et du FN. Dans le Hainaut, là où les scandales à répétition ont ébranlé le PS, celui-ci connaît des reculs parfois impressionnants (13% à Charleroi, 14% à La Louvière, 10% à Mons) et le FN refait une percée. Par contre, là où le PS a échappé (pour le moment ?) aux scandales, comme dans la région liégeoise, il maintient ses résultats, voire les améliore, après avoir réussi à se présenter comme le rempart contre le libéralisme agressif du MR et de Reynders. Et le FN ne perce pas (1 seul siège à Liège).

    Si le PS n’a pas été envoyé au tapis lors de ces élections, ses résultats mitigés et la reprise des inculpations (le bourgmestre de Charleroi Van Gompel en tête) minent quand même sa position tant au sein du gouvernement Verhofstadt qu’à la Région wallonne. Cela explique certainement sa volonté d’ouvrir ses majorités dans plusieurs villes au MR ou au CDH. Mais le résultat en sera immanquablement une politique encore plus néolibérale. Et un espace encore plus grand pour le développement du FN dans les prochains scrutins.

    Le PTB triple le nombre de ses sièges

    La gauche se souviendra de ces élections en raison du « décollage électoral » du Parti du Travail de Belgique. Le PTB progresse un peu partout et triple le nombre de ses sièges qui passe de 5 à 15. En Wallonie, il conserve ses 2 sièges à Herstal et en gagne 1 à Seraing et La Louvière ; par contre, il n’obtient pas de siège à Bruxelles. Mais 11 de ces 15 sièges sont gagnés par des « Médecins pour le Peuple » est révélateur. Autour de ses Maisons médicales, le PTB a construit une intervention locale et mené des actions contre les sacs-poubelles payants, pour le logement social, pour plus de facilités pour les jeunes, … qui, avec sa participation active à la lutte contre le Pacte des Générations, a pu convaincre une partie des électeurs.

    Ce résultat démontre en tout cas le potentiel pour une politique d’opposition au néolibéralisme. Un nouveau parti, défendant réellement les travailleurs et reposant sur une forte base syndicale, pourrait obtenir de tels scores dans toute la Belgique. C’est ce qui fait toute l’importance de l’initiative du Comité pour une autre politique (CAP)…

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