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Tag: Patrick Janssens
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Ensemble, résistons pour le droit de grève.
Personnel en solde, droit de grève en liquidation.
Alors que la lutte ouvrière d’Alost, fin du 19e siècle, constitue l’arrière-plan de la comédie musicale Daens, l’agression patronale de l’époque redevient actuelle. Malheureusement pas sous la forme d’une comédie musicale mais bien dans le monde réel des huissiers, des piquets de grève et des directions qui économisent sur leur personnel.
Par Bart Vandersteene, porte-parole du MAS (LSP)
L’histoire de Daens raconte comment les directeurs d’usines se sont entendus entre eux pour effectuer une pression commune sur les salaires et augmenter la flexibilité (entre autres, en faisant tourner le même nombre de machines avec moins d’ouvriers). Cela doit sembler très actuel pour les travailleurs de Carrefour dont la direction veut diminuer les salaires de 30% et augmenter la flexibilité, via le précédent brugeois. A l’époque de Daens, il était demandé de travailler plus pour un salaire moindre et ceux qui protestaient recevaient une raclée. La différence aujourd’hui ? La gendarmerie de l’époque n’existe plus ; maintenant, on retourne à la tradition des shérifs (comme celui de Nottingham que Robin des Bois combattait), sous la forme d’huissiers.
L’arrestation de 30 militants syndicaux à un piquet de grève de Ninove est alléede pair avec une interdiction d’actions. Toute une série d’«experts», parmi lesquels des représentants d’organisations patronales et d’autres libéraux mais aussi le professeur Blanpain, ont proclamé que des piquets de grève empêchant l’accès à une entreprise seraient «illégaux» car ils compromettraient «la liberté de travail et d’entreprise».
Ceci rappelle quasi littéralement l’argumentation de la loi anti syndicale Le Chapelier et le décret D’Allarde (datant tous deux de 1791 et importés chez nous pendant la période napoléonienne) : «Tout attroupement d’artisans, d’ouvriers, de domestiques, de journaliers ou de ceux qui, suite à leurs incitations, s’opposent au libre exercice de l’industrie et du travail de qui que ce soit… sera considéré comme attroupement séditieux et sera, en tant que tel, dispersé par la force publique…». L’envoi d’huissiers sur base de requêtes unilatérales et avec astreintes est une application actuelle de cela. Les Napoléons patronaux déplorent encore toujours la suppression en 1919 de la législation susmentionnée.
Il y a tout un tas de bases légales pour le droit à des actions collectives, piquets de grèves inclus. Ceci est garanti par la Charte Sociale Européenne et les règles de l’Organisation Internationale du Travail. Différents tribunaux, dont la Cour de Cassation, ont confirmé que les piquets de grève et/ou les barrages routiers font partie du droit de grève. Il y a quelques années encore, le Comité Européen des Droits Sociaux a jugé que des astreintes contre un piquet de grève sont inacceptables. Il n’a jamais été question d’un projet de loi pour confirmer cela : ce n’était pas une priorité pour les membres du parlement.
Les juges aussi ont leurs priorités. L’enquête judiciaire suite à la méga fraude du géant du textile Roger De Clerck (Beaulieu) traîne depuis plus de 18 ans et il ne semble pas que cela aboutira à une condamnation, étant donné que le « délai raisonnable » est dépassé. Toutefois, lors d’une grève sur l’implantation-Beaulieu de Wielsbeke, tout a pu aller très vite : en un rien de temps, des huissiers ont été mobilisés pour casser la grève. Il est frappant de voir comme la justice belge peut se montrer rapide et efficace lorsqu’il s’agit de casser une grève.
Auparavant, les matraques des gendarmes s’occupaient de la dispersion des piquets. Il semble que cela n’était pas assez douloureux et c’est sans doute pourquoi, à présent, les grévistes se voient infliger des astreintes astronomiques. C’est ainsi que les patrons foulent aux pieds des accords pris par le passé… En 2002, un soi-disant «accord de parole» a été conclu, dans lequel les employeurs s’engageaient à ne plus procéder à des requêtes unilatérales contre les grévistes. Ces dernières semaines, nous avons malheureusement constaté de nombreuses fois que les patrons sont loin d’être des «gens de parole».
Pour défendre le droit à l’action collective et s’opposer à la détérioration des conditions de travail et de salaires, nous ne pouvons évidemment pas compter sur le patronat, ni sur les politiciens traditionnels, ni sur la justice. A un moment où l’on ressort Marx pour analyser la crise des capitalistes et où Daens (sponsorisé par Fortis) chante l’agression patronale, nous devons tirer une leçon : une opposition commune des syndicalistes rouges et verts peut offrir un contrepoids.
Nous ne pouvons compter que sur nos propres forces. Au niveau syndical, sous forme d’actions de protestation massives, il est possible d’arrêter 30 personnes mais 300 ou 3000 ? Au lieu d’engager le combat entreprise par entreprise, il est nécessaire de faire preuve de solidarité. Pour construire un rapport de force, il nous faut aussi mener le combat sur le terrain politique. L’expérience que nous tirons de la politique gouvernementale ainsi que du manque d’opposition nous apprend qu’il ne faut pas compter sur le PS ou le Spa ni sur Ecolo ou Groen. Aujourd’hui, ce n’est pas aux piquets de grève que l’on trouve les « socialistes » mais bien dans les conseils d’administration de Carrefour (Willy Claes), Ethias (Steve Stevaert), Dexia (Patrick Janssens et Frank Beke), BIAC (Luc Van Den Bossche)… Il y a nécessité d’un nouveau parti politique qui reprenne, défende et soutienne les exigences syndicales pour engager le combat aux côtés des travailleurs.
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Comment lutter contre le racisme après la condamnation de Hans Van Themsche ?
Beaucoup de gens ont été légitimement soulagés de voir confirmée la culpabilité du meurtrier anversois Hans Van Themsche, qui avait commis deux meurtres et une tentative de meurtre racistes. Nous sommes satisfaits de cette condamnation car il est important que l’aspect raciste du crime ait été reconnu.
Le point de vue de Blokbuster
La défense a plaidé la maladie mentale (une forme d’autisme) afin d’éviter la prison. Il est vrai que ces dernières sont surpeuplées faute de moyens, ce qui créé inévitablement des problèmes liés à la déficience de l’encadrement. D’un autre côté, laisser un tel crime impuni aurait été injuste (c’est le moins qu’on puisse dire).
Mais une série de questions doit être posée : et après l’emprisonnement ? Van Themsche sera-t-il encore un danger pour la société avec beaucoup de risques de récidive ? Les réponses nous renvoient directement à l’importance de l’accompagnement individuel et à la question des moyens.
Pendant que les médias crient victoire pour la condamnation de cet assassin, la dénonciation de la politique répressive envers les sans-papiers suscite moins d’engouement. Les travailleurs « illégaux » bon marché sont les bienvenus pour être utilisés afin de faire pression sur les salaires vers le bas, pour louer des maisons délabrées et pour servir de boucs émissaires, ce sur quoi joue surtout l’extrême-droite. Dans ce sens, le VB porte aussi la responsabilité des des meurtres horribles commis en mai 2006 à Anvers.
L’extrême droite n’a pas été vaincue à Anvers et l’administration actuelle ne fait rien pour cela. Au contraire, les propos tenus sur le port du voile par le bourgmestre Patrick Janssens (SP.a) démontrent clairement qu’il est favorable à une politique de discrimination. De même, les projets de prestige de la ville coûtent les yeux de la tête et empêchent d’utiliser ces sommes pour résoudre les problèmes de la société sur lesquels le VB peut gagner du soutien.
La meilleure réponse face à la violence gratuite et au racisme est une VRAIE politique sociale.
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Les partis traditionnels se mettent en ordre de bataille pour faire encore un peu plus de la même politique
La campagne pour les élections fédérales de cette année est désormais lancée. Les préparatifs des partis traditionnels vont de pair avec une série de propositions antisociales, le tout nappé d’une sauce communautaire. Le Premier ministre Verhofstadt (VLD) a pondu un “nouveau” Manifeste du Citoyen. Son possible successeur Yves Leterme (CD&V) y est allé d’une petite phrase sur la nécessité d’une politique d’austérité pure et dure comme aux Pays-Bas.
Geert Cool
Le Manifeste du Citoyen de Verhofstadt est moins innovateur que son auteur voudrait nous le faire croire. Verhofstadt y propose de calculer davantage le temps de travail plutôt en termes d’heures de carrière. Des horaires individuels permettent d’augmenter la flexibilité, bien entendu parce que les travailleurs demanderaient « des horaires de travail souples », et aussi de remettre en cause l’âge de la pension.
Sauce hollandaise…
Pour les chômeurs, Verhofstadt a repris une idée de son collègue de parti Rik Daems. Il s’agit d’imposer aux chômeurs des “emplois de proximité” à temps partiel en échange de leur allocation de chômage. Les fossoyeurs néolibéraux du service public ne précisent évidemment pas que cela se fera au détriment d’emplois qui étaient auparavant prestés par du personnel statutaire.
Le candidat le plus souvent cité à la succession de Verhofstadt, Yves Leterme (CD&V), est politiquement proche des propositions de Verhofstadt. Leterme se prononce aussi pour accentuer… la même politique. Au début du mois de décembre, lors d’un déjeuner-débat avec de petits entrepreneurs à Gand, il a dit qu’il voulait mener une politique similaire à celle de son homologue hollandais Balkenende: une politique néolibérale pure et dure avec de graves atteintes à la sécurité sociale et aux salaires. Balkenende et son parti chrétien-démocrate sont même allés aux élections avec la « promesse » d’allonger la durée du travail hebdomadaire de 38 heures à 40 heures sans augmentation de salaire.
Leterme ne semble pas se soucier de la résistance que vont susciter de telles atteintes aux conditions de travail et de salaire ainsi qu’aux droits des chômeurs. « Mieux vaut une adaptation en profondeur que laisser les choses suivre leur cours » (…) Même si ça doit susciter quelques remous en septembre et octobre. »
De son côté, Frank Vandenbroucke (SP.a), ministre de l’enseignement flamand et promoteur de la chasse aux chômeurs, trouve lui aussi qu’il faut régionaliser l’emploi. Cela aboutira immanquablement à des différences dans les conditions d’accès au chômage, les critères d’ “emploi convenable”,…
Tout cela doit remplir d’aise Karel Van Eetvelt, porte-parole de l’Union des Classes Moyennes flamandes (UNIZO) qui s’indigne qu’ “actuellement seuls 10% des milliers de chômeurs qui n’ont pas suffisamment cherché d’emploi ont été sanctionnés. Il y a obstruction au niveau national.”
Régionaliser l’emploi servira donc à exclure plus de chômeurs en Flandre d’abord, en Wallonie ensuite.
… et goût de l’effort
Un autre candidat Premier ministre, c’est Elio Di Rupo. Il a surtout insisté sur le fait qu’il était peut-être temps qu’un francophone devienne Premier ministre. Malgré toutes les chamailleries et les problèmes internes, il ne ménage pas ses efforts pour former un front de tous les partis francophones.
Le profil très flamand du CD&V lui facilite la tâche à tel point que la présidente du CDH Joëlle Milquet a déclaré : « sur le plan institutionnel, le CD&V n’est absolument pas notre parti frère, (…) les partis francophones sont ma famille politique. » En même temps, elle propose un “contrat collectif” qui obligerait chaque chômeur inscrit à suivre une formation.
Le ministre wallon de l’emploi et de l’économie, Jean-Claude Marcourt, lui emboîte le pas avec son nouveau contrat de gestion pour le FOREm. Il y prône une « culture de l’effort » et une individualisation accrue de l’accompagnement des chômeurs, un doux euphémisme qui dissimule une pression accrue à accepter n’importe quel emploi.
L’une et l’autre présentent leurs propositions, qui augmentent la concurrence entre salariés sur le marché du travail sans créer d’emplois, comme des alternatives aux revendications flamandes de régionalisation accrue de la politique de l’emploi. Di Rupo était satisfait du Manifeste du Citoyen de Verhofstadt parce qu’il y évitait toute surenchère communautaire. Verhofstadt y parle d’emploi, d’économie et du climat. « Nous sommes donc sur la même longueur d’onde », a déclaré di Rupo.
Que Verhofstadt se succède à lui-même ou qu’il soit remplacé par Leterme ou di Rupo, il est déjà certains que les prochaines années seront encore marquées du sceau de la politique néolibérale qui consiste à économiser sur le dos des travailleurs et de leurs familles pour augmenter les profits des entreprises.
Tests de popularité
Vu que les partis traditionnels convergent sur l’essentiel, ils vont de nouveau mettre l’accent sur la forme. Les publicistes dominaient déjà la campagne pour les élections communales. Patrick Janssens a donné l’exemple. Le publiciste Noël Slangen lui a emboîté le pas en rejoignant le bureau du VLD. Mais les autres partis n’accordent pas moins d’importance à la perception.
Michel Daerden (PS) a accédé à la renommée mondiale avec sa fameuse interview où il n’était manifestement pas en possession de tous ses moyens. Il a suffit de cette prestation comique à la télévision pour faire grimper en flèche la cote de popularité de Daerden. D’après un sondage de La Libre Belgique, il est maintenant le sixième politicien le plus populaire du côté francophone. Daerden s’appuie maintenant là-dessus pour revendiquer la tête de liste à Liège.
C’est ainsi qu’on fait de la politique actuellement. L’image prime tout sans qu’elle ait besoin de la politique pour être façonnée. La popularité ne repose pas sur une politique, mais sur une image.
Besoin d’une autre politique
Face aux partis traditionnels et à l’extrême droite, nous avons besoin d’une autre politique. D’une politique qui rompe avec le néoliberalisme et qui soit du côté des travailleurs et de leurs familles. Après le mouvement contre le Pacte des Générations, c’est la conclusion qu’a tirée un groupe de militants syndicaux et politiques, de travailleurs, … Le Comité pour une Autre Politique (CAP) a été créé sur cette base.
Le CAP présentera ses propres listes aux élections. Des pourparlers avec le PTB sur la possibilité d’un cartel dans la province d’Anvers ont buté sur la condition du PTB que Jef Sleeckx y soit lui-même candidat malgré ses 70 ans. Le PTB n’était intéressé que par le nom de Sleeckx. Nous pensons pourtant qu’on a besoin d’une autre politique qui parte de la base.
Quand Jef Sleeckx a dit dans une interview qu’il y avait eu des discussions avec des militants de Groen !, certains médias ont aussitôt annoncé que le CAP négociait avec Groen !. Il n’y a pas de discussions prévues avec Groen !. La motion qui a été votée le 28 octobre dit clairement que le CAP ne collaborera pas avec des forces politiques qui participent ou ont participé à la politique néolibérale ou qui ont approuvé la Constitution européenne. Dans un cas comme dans l’autre, Groen ! peut se sentir visé à juste titre selon nous. Cela n’empêche pas que beaucoup de membres de Groen ! montrent de l’intérêt pour le projet du CAP.
Ce type de réaction médiatique fait partie intégrante de la politique actuelle : beaucoup d’attention aux personnalités et aux petits jeux politiciens à visée électoraliste. Il ne manque plus que les demandes de participation à toutes sortes de programmes de divertissement à la télévision.
Le CAP rompt avec cette politique avec un programme et une campagne où la solidarité occupe la place centrale. Solidarité avec toutes les victimes du système néolibéral: les ouvriers de VW qui doivent travailler plus dur ou pour moins cher, les usagers des bureaux de poste qui vont disparaître, les chômeurs qui se font radier, les travailleurs déjà financièrement exsangues à cause des prix élevés du logement et qui doivent payer plus cher leur électricité suite à la libéralisation,…
Le MAS/LSP apportera sa pierre à la campagne électorale. Nous voulons nous atteler avec le CAP à la construction d’un large réseau de solidarité qui puisse renforcer la résistance à la politique néolibérale. Nous livrons en pages 6 et 7 des interviews sur l’état des lieux de la campagne du CAP : le programme, la campagne électorale, la construction d’une organisation nationale, …
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Analyse des élections communales. Un recul masqué de la coalition violette
Quelques tendances principales se dégagent des élections communales et provinciales du 8 octobre. Les partis chrétiens-démocrates en sortent victorieux dans les trois régions du pays. C’est aussi le cas de l’extrême droite en Flandre et, dans une moindre mesure, en Wallonie, mais pas à Bruxelles. Le VLD et les écologistes sont en net recul, à l’une ou l’autre exception locale près. Le MR équilibre les gains et les pertes.
Par Els Deschoemacker, Thierry Pierret et Jean Peltier
Le SP.a progresse fortement dans les grandes villes, surtout à Anvers où il reprend au Vlaams Belang la position de premier parti. Une réussite qu’il faut néanmoins tempérer par le fait qu’il n’a pris des sièges qu’à ses partenaires de coalition, mais aucun au VB. Le PS recule significativement là où des scandales ont éclaté (Charleroi, La Louvière, Namur, Mons, Huy,…) mais il reste le principal parti en Wallonie où il maintient, voire conforte, nombre de majorités absolues.
Les chrétiens-démocrates: retour au “bon vieux temps” de l’Etat-CVP
Le CD&V a reconquis la majorité des cantons flamands et dépasse à nouveau la barre des 30%. Il n’avait plus engrangé une telle victoire depuis 20 ans. Du côté francophone, le CDH poursuit lui aussi sa remontée et a conquis 10 cantons de plus qu’aux élections régionales de 2004.
Cela signifie-t-il pour autant un retour au « bon vieux temps » où la famille CVP-PSC (les anciens noms du CD&V et du CDH) était le parti-pivot de toute coalition gouvernementale grâce à une base stable dans toutes les couches de la société ? Loin de là !
D’une part, parce qu’au fil des ans et quels que soient leurs scores électoraux, tous les partis traditionnels ont perdu de leur autorité dans la société. D ‘autre part, parce que, s’il reviennent au pouvoir national en 2007 (ce qui est probable), le CD&V et le CDH ne pourront pas compter sur une grande stabilité politique dans leur propre zone d’influence. Du côté francophone, les liens sont nettement plus distendus aujourd’hui entre la CSC et le CDH. En Flandre même, une partie des membres de la CSC ont participé aux grèves contre le Pacte des Générations du gouvernement violet, contre l’avis de la direction de la CSC et surtout contre l’avis du CD&V qui trouvait que ce pacte n’allait pas assez loin !
En outre, tant le CD&V que la N-VA (un petit parti autonomiste flamand de droite issu de l’éclatement de la Volksunie) ont jusqu’ici tiré profit du cartel qui les unit. Mais pour combien de temps ? Le nationalisme flamand risque à terme de devenir une véritable épine dans le pied des chrétiens-démocrates flamands. Le fait qu’une majorité de petits patrons flamands prônent plus d’indépendance pour la Flandre va sans doute inciter le parti à aller plus loin dans cette direction. Une attitude qui est en porte-à-faux par rapport aux positions du CDH et surtout aux aspirations de la base syndicale comme l’a encore rappelé le congrès national de la CSC il y a quelques jours…
La coalition violette en sursis?
La coalition violette a perdu ces élections. Elle n’aurait plus de majorité en Flandre avec un VLD – le parti du Premier ministre – qui plafonne à 16%. Du côté francophone aussi , la violette est en recul. Si on extrapole le résultat des élections provinciales au niveau fédéral, tant le MR (-5) que le PS (-2) perdraient des sièges par rapport aux élections de 2003. La coalition libérale-socialiste passerait de 98 à 79 sièges à la Chambre en 2007, soit une majorité de seulement 4 sièges.
La défaite globale de la violette est pourtant reléguée à l’arrière-plan par la victoire de l’une ou l’autre de ses composantes dans quelques grandes villes comme Bruxelles, Liège, Gand et surtout Anvers.
Dans ces élections, le vote pour le moindre mal a de nouveau joué en faveur de la social-démocratie. Bien qu’ils soient les architectes et les maîtres d’oeuvre de la politique néolibérale au niveau national, PS et SP.a ont encore réussi à présenter leurs réformes antisociales comme un mal nécessaire pour préserver notre sécurité sociale ou assurer une bonne gestion communale.
Poursuivre dans cette voie mène pourtant à une impasse. L’augmentation de la pauvreté, le bradage des services communaux, la disparition des emplois correctement payés, … ne feront que nourrir le terreau de l’extrême-droite. La seule digue qui puisse tenir contre l’extrême-droite, c’est aussi une digue contre ce genre de politique. Ces élections ont de nouveau démontré la nécessité d’une opposition de gauche sous la forme d’un nouveau parti des travailleurs.
Flandre: un coup d’arrêt au Vlaams Belang?
Une des principales questions de cette campagne était : le Vlaams Belang peut-il encore progresser à Anvers et arriver au pouvoir dans certaines communes flamandes ? Le verdict est tombé : le Vlaams Belang recule à Gand ainsi que dans les districts d’Anvers-Centre et de Borgerhout. Et les commentateurs de proclamer aussitôt que « un SP.a fort peut stopper la montée du VB ». Au lieu d’être vu comme l’une des causes de la marée noire montante depuis 1991, le SP.a est maintenant présenté comme le sauveur et le bourgmestre d’Anvers et ex-président du SP.a Patrick Janssens fait figure de héros !
Qu’en est-il réellement ? Pour l’ensemble de la Flandre, le Vlaams Belang progresse de 6,6% par rapport aux élections communales de 2000. Il a augmenté d’un tiers le nombre de villes où il se présentait, passant de 459 à 794 conseillers communaux. Ce qui ne peut que renforcer l’implantation du parti. Dans ce sens, le triomphalisme ambiant est totalement déplacé.
A Anvers, grâce à la campagne médiatique centrée sur « Patrick », le SP.a a pu présenter l’enjeu du scrutin comme un duel entre Patrick (Janssens) et Filip (Dewinter). Patrick Janssens a récolté un peu plus de 70.000 voix de préférence, Filip Dewinter un peu plus de 60.000. Le parti de Janssens a progressé de 16% et devient du même coup – mais de peu – le premier parti d’Anvers à la place du VB.
Mais le grand soupir de soulagement à Anvers ne doit pas empêcher de voir la réalité en face : personne n’a réussi à prendre un siège au VB ! Comme Dewinter l’a fait remarquer, le SP.a a « cannibalisé » ses propres partenaires dans la coalition. Le VLD perd 5 sièges, Groen ! 4 et le CD&V 1. Le SP.a en gagne 10 avec un score de 35%.
Pour expliquer la victoire des coalitions au pouvoir à Anvers et Gand, les commentateurs mettent en avant la « bonne gouvernance » de ces villes, et en particulier les opérations de rénovation urbaine. Mais celles-ci ont surtout été mises en oeuvre dans l’intérêt de la classe moyenne qui a réinvesti certaines portions du centre-ville au détriment de toute une population fragilisée qui y vivotait depuis des années et qui avait offert au Vlaams Blok sa première percée électorale à la fin des années ‘80 et au début des années ‘90. La composition sociale de certains quartiers a changé parce que les pauvres en ont été chassés.
Ceci explique les progrès successifs du SP.a, le champion de la nouvelle classe moyenne et le maître d’oeuvre de ce type de « rénovation urbaine ». Mais la valeur des logements a tellement grimpé que les moins nantis ont dû quitter certains quartiers de Borgerhout et d’Anvers-Centre… pour s’établir dans les quartiers plus périphériques où le Vlaams Belang continue à se renforcer.
Bruxelles: une politique “proche des gens”?
A Bruxelles, le PS conforte sa position de premier parti régional qu’il avait déjà ravie au MR en 2004. C’est d’autant plus remarquable que le MR – sauf à Bruxelles-Ville où il s’effondre – et le CDH progressent également. Le PS progresse dans les grosses communes de la première ceinture comme Schaerbeek (où il fait plus que doubler son score mais où Onkelinx rate le poste de bourgmestre grâce à la nouvelle alliance entre MR et Ecolo), Molenbeek ou Anderlecht et il franchit pour la première fois la barre des 30% à Bruxelles-Ville. C’est surtout Ecolo qui fait les frais de cette progression. L’extrême-droite (FN et VB) stagne, sauf à Schaerbeek où la Liste Demol, apparentée au VB, perd la moitié de ses voix et 3 de ses 4 élus. Est-ce à dire que les politiciens bruxellois ont su rester « proches des gens et de leurs préoccupations » comme ils aiment à le dire? Rien n’est moins vrai.
Le vote des Belges d’origine immigrée et des étrangers non européens, qui pèse lourd dans certaines communes, a certainement fait barrage à l’extrême-droite. Les partis, surtout le PS, ont joué à fond la carte du vote communautaire en ouvrant largement leurs listes à des candidats d’origine turque, marocaine et africaine. Le principal, sinon le seul critère de sélection était leur capacité à récolter des voix dans leur communauté. Nombre d’entre eux ont été élus le 8 octobre. Ils vont rapidement être associés à la politique néolibérale. Ils vont sans doute essayer d’en atténuer les effets dans leur quartier ou leur communauté en aidant leurs électeurs à surmonter individuellement les problèmes sociaux qu’ils auront contribué à créer par leur soutien à des mesures antisociales. Mais le clientélisme – ce que les politiciens appellent « être proche des gens » – se heurtera à ses limites et ceux-ci devront tôt ou tard rendre des comptes sur leur attitude au Conseil communal ou au Collège.
Wallonie: le PS en équilibre instable
Une marée noire était parfois annoncée le 8 octobre. Les résultats sont beaucoup plus diversifiés. Mais le lien est clair entre les résultats du PS et du FN. Dans le Hainaut, là où les scandales à répétition ont ébranlé le PS, celui-ci connaît des reculs parfois impressionnants (13% à Charleroi, 14% à La Louvière, 10% à Mons) et le FN refait une percée. Par contre, là où le PS a échappé (pour le moment ?) aux scandales, comme dans la région liégeoise, il maintient ses résultats, voire les améliore, après avoir réussi à se présenter comme le rempart contre le libéralisme agressif du MR et de Reynders. Et le FN ne perce pas (1 seul siège à Liège).
Si le PS n’a pas été envoyé au tapis lors de ces élections, ses résultats mitigés et la reprise des inculpations (le bourgmestre de Charleroi Van Gompel en tête) minent quand même sa position tant au sein du gouvernement Verhofstadt qu’à la Région wallonne. Cela explique certainement sa volonté d’ouvrir ses majorités dans plusieurs villes au MR ou au CDH. Mais le résultat en sera immanquablement une politique encore plus néolibérale. Et un espace encore plus grand pour le développement du FN dans les prochains scrutins.
Le PTB triple le nombre de ses sièges
La gauche se souviendra de ces élections en raison du « décollage électoral » du Parti du Travail de Belgique. Le PTB progresse un peu partout et triple le nombre de ses sièges qui passe de 5 à 15. En Wallonie, il conserve ses 2 sièges à Herstal et en gagne 1 à Seraing et La Louvière ; par contre, il n’obtient pas de siège à Bruxelles. Mais 11 de ces 15 sièges sont gagnés par des « Médecins pour le Peuple » est révélateur. Autour de ses Maisons médicales, le PTB a construit une intervention locale et mené des actions contre les sacs-poubelles payants, pour le logement social, pour plus de facilités pour les jeunes, … qui, avec sa participation active à la lutte contre le Pacte des Générations, a pu convaincre une partie des électeurs.
Ce résultat démontre en tout cas le potentiel pour une politique d’opposition au néolibéralisme. Un nouveau parti, défendant réellement les travailleurs et reposant sur une forte base syndicale, pourrait obtenir de tels scores dans toute la Belgique. C’est ce qui fait toute l’importance de l’initiative du Comité pour une autre politique (CAP)…