Your cart is currently empty!
Tag: Nouvelles technologies
-
[DOSSIER] « Derrière nos écrans de fumée » : Médias sociaux, addiction et capitalisme

Comme des millions d’autres personnes, j’ai regardé le docudrame de Netflix, The Social Dilemma (« Derrière nos écrans de fumée » en français). Comme des millions d’autres personnes, j’ai trouvé qu’il s’agissait au départ d’une critique virulente et effrayante des médias sociaux et de leur rôle déstabilisant dans notre société. Comme des millions d’autres personnes, j’ai vérifié mon téléphone pour voir s’il y avait des notifications au moins toutes les minutes pendant que je le regardais.
Par Dan K, Socialist Alternative (Alternative Socialiste Internationale – Angleterre, Pays de Galles et Ecosse)
Le fait que mon attention était constamment tournée vers ces “coups de dopamine” virtuels, même en écoutant une explication de ce processus exact, pourrait être considéré comme une preuve de l’une des affirmations centrales du documentaire, à savoir que les médias sociaux créent une énorme dépendance. Il serait difficile de contester cette affirmation, tout comme l’affirmation selon laquelle la nature addictive de ces applications est une conception délibérée de Big Tech (les entreprises les plus grandes et les plus dominantes de l’industrie des technologies de l’information aux États-Unis, à savoir Amazon, Apple, Google, Facebook et Microsoft).
« Derrière nos écrans de fumée » décrit comment les médias sociaux exploitent le besoin psychologique primaire d’acceptation sociale et le relie à une représentation visuelle, où les “j’aime” sont une forme de monnaie à chasser. Le capital social est un concept compris par les sociologues, les spécialistes du marketing et les politiciens, et il est antérieur de plusieurs décennies à l’avènement des médias sociaux. Le documentaire affirme que les médias sociaux exploitent ce concept pour créer une dépendance et, en fin de compte, un profit. Encore une fois, c’est une conclusion raisonnable et crédible.
La dépendance
« Derrière nos écrans de fumée » compare la dépendance aux médias sociaux à la dépendance à la drogue, mais tombe dans le même piège que la prohibition des drogues : blâmer les substances (ou dans ce cas, les applications pour smartphones) uniquement pour les problèmes qu’elles causent tout en ignorant les problèmes sociaux, psychologiques et émotionnels que la substance ou le logiciel permettent de résoudre.
Depuis le début de la pandémie, nous avons constaté une augmentation des diverses dépendances, de l’alcool aux médias sociaux. Ces choses elles-mêmes sont-elles devenues d’une manière ou d’une autre plus addictives au cours des derniers mois ou est-il plus probable que nous nous tournons simplement de plus en plus vers le soulagement à court terme parce que le monde brûle, l’économie s’effondre et que nous sommes tous socialement isolés ?
Les documentaires et les articles d’opinion similaires nous encouragent à cesser d’utiliser les médias sociaux pour apaiser nos angoisses et à nous tourner vers le monde réel et “beau”. “Regardez, c’est génial là-bas”, dit l’informaticien Jaron Lanier à la fin du film. Pas nécessairement pour tout le monde, Jaron !
L’idée selon laquelle des facteurs sociaux et politiques puissent eux-mêmes pousser les gens à se tourner vers les médias sociaux, ou tout autre comportement de dépendance, est à peine évoquée dans ce documentaire et dans beaucoup de discours sur la technologie et la dépendance. Chaque génération a ses paniques morales – télévision, jeux vidéo, musique rap, etc. S’il serait en effet dangereux d’ignorer certains des véritables inconvénients de l’utilisation des médias sociaux, le plus important est d’aller directement à la source et de déchiffrer les causes directes de la dépendance des gens.
Par exemple, alors que « Derrière nos écrans de fumée » mentionne des “normes de beauté irréalistes” poussées par les médias sociaux au détriment de la santé mentale des jeunes, il néglige d’explorer l’origine de ces normes. Les sociétés de médias sociaux utilisent certainement ces normes à leur avantage, mais elles ne les ont pas inventées !
Les causes profondes
Il semble évident que la cause profonde de nombre de ces problèmes est la société dont les médias sociaux ne sont qu’un aspect. Le capitalisme – et le sexisme profondément ancré en son sein – a fortement promu les normes de beauté (en particulier au XXe siècle, mais pas seulement) afin qu’elles profitent à diverses industries (cosmétiques, mode, loisirs,…). Les programmes “perdez une taille” n’avaient aucun problème à circuler largement à l’ère des DVD d’exercices physiques et des magazines féminins, bien avant l’avènement d’Instagram ou de TikTok.
Les sociétés de médias sociaux utilisent nos peurs et nos insécurités pour favoriser l’addiction à leurs profits, comme le souligne avec justesse « Derrière nos écrans de fumée ». Ce que le documentaire n’explore par contre pas, c’est la façon dont le capitalisme utilisait déjà ces mêmes tactiques des siècles auparavant. Bien que le documentaire mentionne le “capitalisme de surveillance”, il l’utilise simplement comme un mot à la mode, sans explorer suffisamment le rôle et le fonctionnement du système capitaliste.
Non seulement la recherche du profit capitaliste pousse à la création d’applications visant à développer une dépendance, mais cela contribue également de manière incommensurable à l’augmentation du taux de suicide et des problèmes de santé mentale dont les médias sociaux sont souvent les seuls responsables. Si les sociétés de médias sociaux doivent être tenues pour responsables de la diffusion de contenus préjudiciables et du harcèlement (les différents scandales liés à TikTok ont montré à la fois la complexité et la gravité de ces problèmes), des solutions externes sont également nécessaires.
Les médias sociaux jouent clairement un rôle important dans la santé publique. Mais dire que l’augmentation des problèmes tels que l’anxiété et la dépression – en particulier chez les jeunes – ces dernières années est uniquement due à l’utilisation des médias sociaux est franchement assez insultante. Cela n’aurait rien à voir avec le changement climatique, l’austérité, la pauvreté croissante, l’inégalité des richesses, les frais de scolarité, l’endettement, la hausse des loyers et la stagnation des salaires ?
Un enseignement modernisé et disposant de suffisamment de moyens pourrait enseigner aux jeunes l’impact des médias sociaux sur la santé mentale et comment minimiser ces risques. Des services d’aide à la jeunesse correctement financés pourraient offrir aux jeunes une plus grande variété d’activités, de loisirs et des possibilités de créer des liens sociaux hors ligne.
L’austérité et l’aliénation ont transféré le contrôle d’une grande partie du développement social et émotionnel des jeunes à un secteur privé amoral qui exploite à des fins lucratives les insécurités existantes des adolescents.
La polarisation politique
La manière dont « Derrière nos écrans de fumée » explique comment les médias sociaux affectent nos positions politiques est une autre position qui comporte à la fois un certain niveau de vérité et quelques omissions flagrantes. Sa thèse centrale est que les médias sociaux ont accru la “polarisation” – en particulier politique. Bien que cela soit très probablement vrai et qu’il en résulte toute une série de conséquences néfastes, il ne fait aucun doute que les médias sociaux permettent également d’exposer des points de vue non traditionnels, notamment les idées de gauche et les idées socialistes.
Si de nombreux points de vue non traditionnels sont néfastes, de nombreuses croyances autrefois considérées comme radicales ont aujourd’hui été démontrées par l’histoire. Pour chaque Pizzagate, QAnon ou négation de l’Holocauste, il y a un #MeToo, une Greta Thunberg. L’argument selon lequel la polarisation est toujours mauvaise est souvent utilisé par des gens qui restent favorable au statu quo et sont réfractaires au changement. En réalité, la polarisation provient de gens ordinaires qui cherchent une alternative à la l’état des choses tel qu’il est sous le système capitaliste.
« Derrière nos écrans de fumée » touche au fait que la polarisation n’a pas été inventée ou déterrée par les médias sociaux. Justin Rosenstein, ancien employé de Google et de Facebook, déclare ainsi que les problèmes de polarisation “existent à profusion à la télévision câblée”. Les médias ont exactement le même problème… Internet n’est qu’un nouveau moyen, encore plus efficace, de le faire”.
Il est quelque peu ironique que le film utilise ensuite directement des images tirées des reportages des médias câblés américains sur les dangers de la polarisation. Un présentateur décrit comment “la coalition centriste traditionnelle de l’Europe a perdu sa majorité alors que les partis populistes d’extrême droite et d’extrême gauche ont gagné du terrain”. Le film rejette la responsabilité de la croissance du populisme sur les médias sociaux, sans mentionner d’autres facteurs tels que le changement climatique ou la récession économique, et oublie que la popularité du centre politique diminue constamment en période de difficultés financières.
Le film utilise ensuite des images du meurtre de la manifestante antifasciste Heather Heyer en 2017 à Charlottesville, en Virginie, pour étayer son point de vue selon lequel “la polarisation est mauvaise”, ce qui semble impliquer que la suprématie blanche et la protestation contre la suprématie blanche sont deux “extrêmes” et les deux faces d’une même médaille.
Diagnostic et solution
La fin du documentaire s’approche de façon alléchante du diagnostic du capitalisme comme étant la racine des maux des médias sociaux, mais ne parvient pas à s’engager dans une position ferme et définie.
Alex Roetter, ingénieur sur Twitter, admet que les entreprises technologiques et les actionnaires ne réduiront pas volontairement le fonctionnement de ces applications car “au bout du compte, vous devez augmenter les revenus et l’utilisation, trimestre après trimestre”. Tristan Harris, ancien responsable du design chez Google, affirme que “l’incitation économique et la pression des actionnaires” rendent “impossible de faire autre chose”.
Diverses autres personnes interrogées s’accordent à dire que l’incitation financière à une croissance sans fin est à blâmer, et Justin Rosenstein va même jusqu’à s’attaquer à la “religion du profit à tout prix”. Tristan Harris affirme que “nous pouvons exiger de ne pas être traités comme une ressource extractible”, mais il ne dit pas comment cela peut se traduire concrètement. Peut-être que si le film n’avait pas déjà rejeté les mouvements de gauche comme le revers toxique de leurs homologues de droite, les solutions à ce problème pourraient être explorées de manière adéquate…
Rosenstein affirme même que “notre attention peut être minée” car son exploitation a plus de valeur financière pour la classe capitaliste que nous ne le sommes en tant qu’êtres vivants : nous serions tels des arbres abattus valant plus une fois morts que vivants. Tout cela est vrai, bien sûr, mais remplacez le mot “attention” par le mot “travail” et vous verrez que cela remonte à des siècles avant l’avènement des médias sociaux ! La récolte de données des médias sociaux n’est que la dernière mutation de l’extraction capitaliste du profit.
Les seules solutions que chacun peut trouver à l’écran dans « Derrière nos écrans de fumée » sont la réglementation, la fiscalité, les lois sur la protection de l’identité numérique et la retenue des consommateurs (éteindre son téléphone une heure avant de se coucher est présenté comme une solution possible à cette exploitation systématique à grande échelle !) Il est reconnu que les entreprises ont besoin “d’une raison fiscale pour ne pas acquérir toutes les données de la planète”.
Jaron Lanier déclare : “Je ne veux pas faire de mal à Google ou à Facebook. Je veux juste les réformer pour qu’ils ne détruisent pas le monde”. Mais nous ne pouvons pas “réformer” ce qui ne nous appartient pas. Les entreprises privées prendront toujours des décisions reposant sur leurs profits au détriment des besoins de l’humanité.
Les médias sociaux : un outil d’oppression ou de libération ?
Les problèmes qui conduisent à l’aliénation et à l’anxiété de la société et, par conséquent, à l’addiction, ne sont pas neufs. Les médias sociaux ne sont que le dernier remède que nous vend la classe capitaliste pour “guérir” les maux qu’elle a elle-même engendrés, tout en poursuivant ses propres objectifs.
On peut établir un parallèle entre les médias sociaux et toute autre avancée technologique, de l’automatisation à l’intelligence artificielle. La question n’est pas la technologie en elle-même, mais plutôt de savoir à qui elle appartient et comment elle est utilisée dans ce cadre. Être “remplacé par des robots” conduit à la pauvreté sous le capitalisme (le fait que votre travail ne soit plus nécessaire n’est un problème que lorsque vous dépendez de votre travail pour survivre !), mais cela pourrait être utilisé au profit des masses populaires dans une société socialiste. Il en va de même pour les médias sociaux. S’ils étaient conçus et utilisés pour servir les intérêts de l’humanité dans son ensemble plutôt que ceux d’une petite classe de chercheurs de profit, nombre de leurs inconvénients disparaîtraient très probablement. Cependant, cela ne serait possible qu’avec le contrôle et la gestion démocratiques par les travailleurs de l’infrastructure des grandes plateformes de médias sociaux et de leurs algorithmes.
Les médias sociaux présentent de nombreux dangers, mais il serait également fallacieux d’ignorer leurs avantages. De nombreuses personnes isolées ont réussi à trouver des groupes de personnes partageant les mêmes idées, ce qui n’aurait probablement jamais été possible auparavant. Les limites géographiques peuvent être considérablement réduites par les médias sociaux, ce qui est particulièrement important alors que de nombreuses personnes vulnérables s’isolent d’elles-mêmes en raison de la pandémie, sans possibilité d’interaction en face à face.
Si les médias sociaux ont été créés – ou du moins détournés – par la classe capitaliste, il n’y a aucune raison que ce soit la seule façon pour eux de fonctionner. Bien qu’il y ait certaines limites, le potentiel d’utilisation des médias sociaux pour diffuser des idées anticapitalistes est vaste. La résurgence, ces dernières années, des opinions de gauche chez les jeunes a souvent été amplifiée par l’utilisation de diverses formes de médias sociaux.
Karl Marx a déclaré que le capitalisme “produit ses propres fossoyeurs”. L’utilisation des médias sociaux pour l’organisation anticapitaliste, la lutte pour le socialisme et la solidarité entre les membres d’une classe ouvrière divisée et atomisée est un excellent exemple de l’utilisation des machines de nos oppresseurs. L’arrivée de géants des médias sociaux comme Facebook et Twitter dans le giron de la démocratie a également le potentiel de nous permettre de conserver ces liens sociaux tout en nous débarrassant des aspects les plus manipulateurs de la technologie.
L’abolition du capitalisme et l’introduction d’un système socialiste démocratiseront véritablement toutes les formes de société, y compris les médias sociaux, au profit de toutes et tous, et pas seulement de quelques personnes avides de profits.
-
Nouvelles technologies: sauveur ou fossoyeur du capitalisme ?
La plupart des gens dans la société, qu’ils soient anticapitalistes ou pas, considèrent que, malgré tous ses défauts et la nécessité qui va de paire de les faire disparaitre, le capitalisme a au moins pour lui qu’il a permis l’émergence de nouvelles technologies. C’est un lieu commun de plus. A y regarder de plus près, on peut très vite s’apercevoir que le rôle innovateur de ce système tend à s’amenuiser voir à disparaitre. Aujourd’hui, le capitalisme est même devenu un réel obstacle aux avancées technologiques.Par Max (Mons), article rédigé sur base d’une des discussions organisées à l’école d’été du Comité pour une internationale Ouvrière
La logique d’exploitation qui mène le monde capitaliste est le premier des problèmes, la première limite qui empêche l’émergence de nouvelles avancées scientifiques en matière de technologie. Pour mieux comprendre ce raisonnement, il suffit de pousser à l’extrême le phénomène de robotisation de l’industrie. Si les usines étaient toutes automatisées au point de n’avoir plus besoin de main d’œuvre
pour produire les biens alors qui achèterait ces mêmes biens ? Ce sont les salaires versés aux travailleurs qui leurs permettent d’acheter les produits d’usines. Il ne s’agit pas ici de mettre en garde contre la robotisation de l’industrie, cette avancée est bénéfique pour l’homme car elle permet de libérer du temps de travail pour s’atteler à autre chose. Le problème vient de la façon même d’utilisation de ce potentiel qui est faite aujourd’hui. Les capitalistes ne voient que le profit, les retombées possibles pour eux et ce seulement sur le court terme.Dès lors, le remplacement du travail manuel par la technologie ne se fait pas avec le soucis de retrouver du travail pour les travailleurs remplacés ni non plus dans l’optique d’une diminution du temps de travail, sans perte de salaire, qui permettrait très certainement d’augmenter le bien-être de chaque être humain.
L’exploitation de la majorité au profit de la minorité possédante est la raison qui pousse ces détenteurs de la grande industrie à réclamer toujours plus quand bien même le niveau de richesses produites par la majorité serait doublement suffisant pour combler les besoins de la population mondiale. Les richesses, au lieu d’être réinvesties dans le développement social, culturel ou technologique, sont stockées dans des paradis fiscaux et servent, par exemple, à spéculer sur le prix des denrées alimentaires ou bien dorment sur des comptes en banque pour générer des intérêts. Ceci est la conséquence directe de l’économie de marchés capitaliste lorsque la gestion des secteurs clés de l’économie est laissée dans les mains du privé. Sans contrôle démocratique de la base de la société – la classe des travailleurs – sur ces secteurs il est impossible d’orienter ces fonds dans des investissements qui seraient bénéfiques pour la majorité.
Ce à quoi nous assistons plutôt aujourd’hui, c’est une orientation des investissements dans le développement de la robotique de guerre… avec la création de machines à tuer qui sont à la pointe de la technologie et dont la durée de vie est certainement plus longue que celle d’un être humain alors que nos sèche-linges, nos téléphones et autres outils du quotidien lâchent au bout de quelques années grâce à une obsolescence programmée… Le seul moyen d’en finir avec l’exploitation; de produire de façon intelligente, écologique et durable ainsi que de réorienter les investissements dans d’autres secteurs que celui de l’armement, c’est de rompre avec le capitalisme et de transformer la société en une société où les richesses seront mieux réparties. Cela nécessite la construction d’un mouvement de masse pour que le pouvoir change de mains.
Si la propriété privée physique des moyens de production représente un obstacle au changement et par là donc à l’apparition des nouvelles technologie durables dans l’intérêt de la population, la propriété privée intellectuelle en est un autre. Nous ne remettons pas ici en cause la propriété littéraire et artistique mais bien la propriété industrielle.
Le fait que le résultat des recherches scientifique faites par des entreprises privées ne soit pas collectivisé amène les entreprises concurrentes à refaire ces recherches avec le risque évident de refaire les erreurs de la première. C’est un gaspillage complet de temps, d’énergie et d’argent. Ce non-sens n’est justifiable que par la logique de profit et la concurrence du secteur privé. Cette logique agit comme un frein au progrès: retient des nouveaux brevets, refus de produire de nouveaux médicaments tant que les anciens stocks ne sont pas écoulés, production polluante car moins coûteuse, etc.
Le meilleur exemple de cette absurdité est certainement l’utilisation de l’énergie fossile. La majeur partie des problèmes écologiques que sont la pollution et le réchauffement climatique proviennent de l’emploi cette forme d’énergie. Aujourd’hui l’homme est capable d’envoyer des sondes sur des comètes et dans des coins reculés de l’espace et, pour ce faire, il utilise l’orbite des planètes sur le chemin de la sonde pour que celle-ci, utilisant la force de gravité, gagne en vitesse pour atteindre des vitesses folles de 31000Km/h. Mais lorsque tous les scientifiques, les écologistes et les masses s’alarment de la situation climatique et environnementale de la planète sur laquelle nous vivons et qu’ensemble ils réclament une sortie des énergies fossiles et une transition vers un mode de production qui respecte la nature, à ce moment, les dirigeants du monde entier clament qu’il n’y a pas d’alternative possible et que cette transition ne peut se mettre en place tout de suite. L’urgence est pourtant bien présente, les études nous donnent 30 ans pour rectifier le tir ou bien ce sera la catastrophe écologique.
La nature doit-elle être aussi considérée comme une source de profit potentiel jusqu’à épuisement ? Ou bien avons-nous plus d’intérêts à la préserver d’une surexploitation ? Pour nous et, semble-t-il, pour la majorité de la population, la réponse à cette question est évidente mais, malheureusement, ceux qui dirigent le monde n’ont pas le même avis. Leur avidité les entraine à réclamer toujours plus, peu importe les conséquences. Mais lorsque ces conséquences sont des guerres à répétition faites avec le sang des pauvres et des innocents, nous avons le devoir de nous révolter. Les périodes de conflit ne sont pas des périodes prolifiques pour les avancées technologiques. Sauf, encore une fois, du point de vue de l’armement et des secteurs militaires mais nous n’y avons aucun intérêt.
Le PSL et ses organisations-sœurs présentes dans d’autres pays au sein du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) autour des mêmes idées luttent pour une rupture avec le capitalisme, notamment pour les raisons évoquées plus haut.
Marx expliquait déjà au XIXe siècle que le capitalisme jouait un rôle de moteur de progrès dans la mesure où il développaient les forces productives mais qu’une fois ces forces en place, il n’avait plus de raison d’être et que de moteur, il devenait frein au progrès.
Comme les aristocrates se sont accrochés au pouvoir alors que le féodalisme était obsolète face au nouveau système naissant, la bourgeoise qui possède les moyens de production autant que les aristocrates possédaient les terres à l’époque, s’accrochera aussi au pouvoir malgré la preuve évidente que son système est dépassé. Des mouvements de masses menant directement à des révolutions ont été nécessaires pour arracher le pouvoir à la vieille aristocratie, il est à penser qu’il en sera de même pour arracher le pouvoir des mains des capitalistes. Mieux la classe des opprimés sera organisée et préparée à ce changement, mieux elle se fera comprendre et étendre. Il en va de notre avenir commun.
-
[DOSSIER] Uber et l’émergence de l’économie du partage
L’ascension fulgurante de l’application Uber et les conflits qu’elle a provoqué avec les chauffeurs de taxis « traditionnels » ces derniers mois a relancé une nouvelle fois le débat sur les évolutions économiques engendrées par internet. L’hebdomadaire Trends-Tendances titrait à la mi-août « L’invasion des barbares numériques : ils vont dynamiter l’économie, ils sont au-dessus des lois, aucun secteur ne leur résistera ». Mais au-delà de l’affaire Uber, les médias mainstream nous parlent de plus en plus souvent d’ « économie du partage ».
Un secteur en pleine expansion
Uber est cette entreprise qui propose de mettre en relation un conducteur souhaitant gagner quelques euros avec un particulier qui souhaite se déplacer. N’importe qui peut ainsi, en s’enregistrant sur l’application, devenir taximen temporaire pour arrondir ses fins de mois. Ce système a directement mis sous pression le secteur des taxis, très réglementé et plus cher. La situation a parfois dégénéré jusqu’à des bagarres physiques entre taximen et chauffeurs Uber dans les rues de Bruxelles et de Paris. De chaque côté, on défendait son droit à un revenu décent.
Mais Uber – qui prévoit 2 milliards de dollars de chiffre d’affaire cette année – n’est que la pointe de l’iceberg de ces « entreprises numériques » qui montent. Airbnb permet par exemple à tout un chacun de louer une chambre de son habitation pour une à quelques nuits, en concurrence avec les hôtels. Postmastes propose quant à lui d’effectuer de petites livraisons dans la ville de son choix pour une poignée d’euros. Pour beaucoup, Google, Amazon et Facebook font partie du quotidien depuis longtemps. Mais les entreprises comme Uber amènent cette nouveauté qu’elles sont « consumer to consumer (CtoC) » : elles organisent un échange de service entre particuliers et tirent leur chiffre d’affaire d’une commission sur le prix de cet échange. Dans la plupart des cas, elles permettent de se passer des intermédiaires professionnels historiques (taximen, hôteliers, transporteurs,…), qui voient trembler le chiffre d’affaire de leur secteur. Les porte-paroles d’Uber &cie accourent alors pour assurer qu’ils sont créateurs d’emplois.
Tous indépendants ?
Uber n’engage pas réellement ses chauffeurs : ils ont le statut d’indépendants. Cela leur permettrait d’être libres, autonomes et d’avoir des horaires à la carte. En fait, il s’agit surtout pour l’entreprise d’économiser des millions d’euros de charges sociales (1). En ne salariant pas ses travailleurs, elle ne leur assure aucun revenus en cas de maladie, ne rembourse pas leurs frais d’essence, les laissent seuls responsables en cas d’accident, et évite les syndicats… Cette méthode est au cœur de son business.
La fin de la sécurité sociale et du droit du travail conquis par les immenses luttes des travailleurs : voilà le modèle que nous proposent ces entreprises de l’ « économie du partage ». Ce serait le prix à payer pour pouvoir « travailler quand on veut, le temps qu’on veut » (2).
La crise capitaliste a aggravé le chômage de masse et le phénomène des emplois précaires. C’est le terreau fertile sur lequel a grandi Uber : quel chômeur, quel salarié à bas salaire ne serait pas tenté d’aller chercher un petit revenu complémentaire en effectuant quelques courses au soir (pour autant qu’il puisse se payer une voiture) ? L’entreprise profite de la crise, elle n’y apporte aucune solution. Derrière les beaux discours, Uber organise la précarité généralisée et le grand retour de la rémunération à la tâche (3).
Mais l’utilisation de faux-indépendants a ses limites. Le 17 juin 2015, après que la Commission de travail de San Francisco ait décidé d’obliger Uber à reconnaître comme employée l’une de ses conductrice (4), plusieurs milliers de chauffeurs ont lancé des recours en justice. Il s’agit d’un danger grandissant pour Uber et d’un premier signe que, même face aux multinationales du net et malgré les difficultés, il est possible et nécessaire d’organiser les travailleurs.La récupération capitaliste de l’économie du partage
L’émergence du web dans les années ’90 a fait croître le mouvement du logiciel libre. Ses partisans militaient pour un partage libre, gratuit et collaboratif des avancées logicielles. Au-delà de l’aspect technique, c’est sur base de ces principes que sont nés plus tard des projets comme Wikipédia puis, dans les années 2000, ce qui a été désigné comme l’économie du partage. Derrière ce concept aux frontières floues, on retrouvait un ensemble de services construits sur base de la solidarité et de l’échange : covoiturage, couchsurfing (se loger gratuitement en voyage), achats groupés, monnaies alternatives, SEL (systèmes d’échange locaux, où l’on peut s’échanger des petits services), financement participatif, etc.
S’ils ne sont pas tous nés avec lui, c’est le web qui a permis à ces systèmes de prendre de l’ampleur. Certains intellectuels ont alors publié de nouvelles perspectives (5). Un nouveau type d’économie allait apparaître, fondée sur la prise de conscience écologique, l’échange et les communications presqu’infinies que permettent internet. Cette économie du futur allait phagocyter le capitalisme (6).
Basées sur de bonnes intentions mais sur une mauvaise compréhension du système capitaliste, ces théories n’ont à aucun moment abordé sérieusement la nature de classe du capitalisme et la nécessité d’y mettre fin avec un programme de rupture clair. Les entrepreneurs, eux, n’ont pas manqué de voir le potentiel qu’il y avait là-derrière. Ils ont commencé à s’approprier progressivement ces services et les ont développés en fonction de leurs intérêts. Airbnb a par exemple recyclé l’idée du couchsurfing. Le crowdfunding – ou financement participatif – a été conçu pour financer les projets du monde associatif mais sert de plus en plus à financer les entreprises (7). Fiverr, site américain à succès, propose comme les SEL de s’échanger des services, mais a remplacé la gratuité par le « tout à 5 euros ». Le leader français du covoiturage, Blablacar, est quant à lui devenu une entreprise au taux de croissance exponentiel depuis sa conversion au modèle payant en 2012 (8).
L’organisation des gens en réseaux et la mutualisation des informations est toujours là, mais les échanges sont devenus payants. Marginaux, ces secteurs pouvaient être gérés de manière alternative, devenus grands la logique du système s’est imposée. L’économie du partage est passée aux mains des capitalistes : elle partage tout, sauf les bénéfices.
L’ascension des nouvelles technologies ouvre ainsi de nouvelles opportunités aux capitalistes. Ils incluent progressivement dans le monde du profit des domaines de la vie qui leur échappaient encore largement. Ils peuvent désormais marchandiser le covoiturage, les services entre voisins, le financement solidaire, les données concernant nos goûts et notre vie privée (9), la discussion et la rencontre (10),…
La technologie, au service de qui ?
Les premiers développements du web ont été le plus souvent conduits par une communauté geek qui n’était pas guidée par l’appât du gain. Celle-ci a entrevu l’énorme potentiel que la mise en réseau pouvait apporter aux systèmes d’entraide et au genre humain en général. Mais elle a sous-estimé la capacité du capitalisme à s’adapter aux circonstances et à récupérer les idéologies qui n’entrent pas directement en conflit avec lui.
Les algorithmes, le « big data », la démocratisation des PCs et smartphones toujours plus performants, « l’internet des objets », les imprimantes 3D,… sont des outils d’une puissance fascinante qui pourraient nous permettre d’organiser la société de manière réellement démocratique. Nous pourrions utiliser ces technologies pour décider collectivement ce que nous voulons produire et avec quels moyens. Nous pourrions plus facilement que jamais dans l’histoire de l’humanité permettre à chacun d’exprimer son opinion et ses intérêts. Nous pourrions profiter de l’automatisation pour diminuer notre temps de travail tout en partageant les richesses. Chauffeurs Uber et taximen ne seraient plus entraînés dans une concurrence absurde. C’est ce à quoi nous pensons lorsque nous parlons de société socialiste.
Mais cela nécessite que la majorité sociale soit aux commandes, et non plus une minorité (11). Nous ne pourrons pas bâtir un tel système sans prendre possession des grands moyens de production et de l’industrie technologique des mains de la classe capitaliste au pouvoir.
Les changements économiques engendrés par la propagation d’internet et le développement des dernières technologies provoquent des débats importants et légitimes. Ceux qui veulent en finir avec ce système doivent discuter et tenir compte de ces évolutions. Mais le capitalisme ne s’effondrera pas par lui-même : nous devons organiser le combat avec un programme et des méthodes qui l’attaquent en son cœur.
NOTES:
1) D’après le magazine américain Fusion, Uber économiserait ainsi 10 000 $ par chauffeur chaque année.
2) 12,5 millions d’Américains occupent aujourd’hui ce genre d’emploi « non traditionnel » à temps partiel.
3) « Le travail à la demande est un retour au XIXe siècle quand les travailleurs n’avaient pas de pouvoir, prenaient tous les risques et travaillaient des heures interminables pour pratiquement rien. » Robert Reich, ex-ministre américain du travail pendant l’ère Clinton, parle de ces entreprises comme d’une « économie du partage des restes ».
4) http://www.latribune.fr/entreprises-finance/chauffeurs-uber-des-employes-en-devenir-485337.html
5) Le terme d’ « économie du partage » est utilisé ici dans un sens large et regroupe plutôt un ensemble de théories et de courants. Si les partisans du logiciel libre se sont le plus souvent revendiqués apolitiques, les théoriciens de l’ « économie collaborative » ont abordé sa compatibilité avec le système capitaliste de différentes manières. De leur côté, les auteurs des « communs » parlent d’un modèle émergent qui remplacerait progressivement, dans une période de transition que nous serions en train de vivre, le système capitaliste mondial. Enfin, avec l’ascension d’Uber, les médias américains parlent de l’ « Uber-economy » ou encore de la « Gig economy ».
6) Dans son livre « Sauver le monde. Vers une économie post-capitaliste avec le peer-to-peer » (2015), le belge Michel Bauwens met en avant l’« économie du peer-to-peer (P2P) ». Quelques mois plus tôt, l’essayiste américain Jeremy Rifkin annonçait lui aussi l’arrivée du modèle des « communs » dans son livre « La nouvelle société du coût marginal zéro : L’internet des objets, l’émergence des communaux collaboratifs et l’éclipse du capitalisme » (2014). Lire à ce propos la critique de Peter Taaffe publiée par Socialist Alternative (CIO, USA) http://www.socialistalternative.org/2014/11/03/third-industrial-revolution-review-the-marginal-cost-society-jeremy-rifkin/ et son interview par le SSM (CIO, Israël-Palestine) http://www.socialistworld.net/doc/7301. Peter Taaffe fait un parallèle entre ces théoriciens et les socialistes utopiques du XIXe siècle qui pensaient que des « îlots socialistes » baignant dans un monde capitaliste pourraient mener à sa fin.
7) http://www.lefigaro.fr/argent/2015/03/02/05010-20150302ARTFIG00005-le-crowdfunding-connait-un-essor-fulgurant-en-europe.php
8) http://blogs.mediapart.fr/blog/evenstrood/200614/blablacar-le-covoiturage-tue-par-la-finance-et-l-appat-du-gain
9) http://www.slate.fr/story/105693/facebook-devrait-tous-nous-payer
10) http://www.journaldumauss.net/?Les-sentiments-du-capitalisme
11) http://www.slate.fr/story/95111/numeros-deux-internet