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Tag: Moyen-Orient
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Les dirigeants israéliens sèment carnage et terreur pour servir leurs propres intérêts
‘‘Nul pays au monde ne tolérerait que des missiles pleuvent sur ses citoyens de par delà les frontières’’, a déclaré Obama, en soutien à Israël pour le bombardement de Gaza, des paroles qui déformaient délibérément la réalité qui est que la bande de Gaza est sous l’occupation brutale du régime israélien.
La situation est pire encore que ce que le mot ‘‘occupation’’ laisse présager. Gaza n’a absolument aucun contrôle sur ses frontières ou sur son commerce extérieur. Le territoire tout entier a été condamné à une pauvreté terrible suite à son blocage par l’armée et la flotte israélienne depuis six ans maintenant. La bande de Gaza a été victime d’incursions militaires régulières, de meurtres, d’agressions et d’emprisonnements arbitraires.
Dans le reste des territoires palestiniens occupés (essentiellement la Cisjordanie), le gouvernement israélien a poursuivi une politique de destruction des maisons et des vergers palestiniens afin de faire de la place pour les colons juifs et pour l’infrastructure d’État israélienne ainsi que pour empêcher la création d’un État palestinien.
Alors qu’ont estime que les milices palestiniennes à Gaza représentent 35.000 personnes équipés d’armes et de missiles de contrebande, Israël possède une armée de 175.000 soldats, avec 45.000 autres en réserve, avec une aviation, des hélicoptères, des drones, des tanks, et d’autres armes et bombes hypersophistiquées. Israël possède également des intercepteurs de missile ‘‘Iron Dome’’ qui identifient et détruisent en plein vol la plupart des missiles palestiniens.
Nous ne voulons pas fermer les yeux sur les attaques portées contre Israël. Elles causent parfois la mort de victimes innocentes, et en blessent d’autres. Certaines attaques ont presque atteint les zones de Tel Aviv et de Jérusalem, et elles ne servent en rien la cause palestinienne. Mais utiliser ces attaques pour justifier le massacre d’envergure contre les habitants de Gaza à l’aide d’armes high-tech est une tentative de cacher les véritables intentions des dirigeants israéliens et celles de leurs amis des classes dirigeantes du monde entier.
Le cessez-le-feu
L’opération ‘‘Pilier de défense’’ a semé la mort et la terreur à Gaza. Elle a mobilisé plus de troupes que l’opération ‘‘Plomb durci’’ de 2008-2009. Le ministre des affaires étrangère Avigdor Lieverman a expliqué que ‘‘cette fois’’, l’invasion terrestre devrait être menée ‘‘jusqu’au bout’’, contrairement à la dernière fois. Les puissances mondiales et régionales ont toutefois fait pression pour l’instauration d’un cessez-le-feu afin d’éviter une invasion terrestre. Obama s’est juste contenté de dire qu’il serait ‘‘préférable’’ d’éviter une invasion terrestre. Mais la décision du premier ministre israélien Benjamin Netanyahu d’accepter un cessez-le-feu n’est pas venue des suites des pressions internationales, mais d’un sondage israélien qui indique que même si 80% de la population approuve les bombardements, seuls 30% d’entre elle cautionnerait une invasion.
Le gouvernement déclare qu’il est de son devoir de stopper les attaques de missiles de Gaza. C’était aussi le but déclaré du massacre de 2008-2009, mais cela a échoué, et cette offensive est vouée au même sort. Nulle démonstration de force n’empêchera les habitants de Gaza de résister à l’occupation et à lutter pour rendre leurs vies plus tolérables. En plus de l’échec de la brutalité militaire, si les choses se poursuivent ainsi, les victimes en Israël vont se faire plus nombreuses, ce qui conduira à une remise en question et à une opposition à la guerre au sein même d’Israël.
De plus, la colère et la condamnation du massacre de la part de la population de tout le Moyen-Orient et à travers le monde va croître en parallèle avec le nombre de victimes en Palestine. Certains stratèges occidentaux craignent qu’une conséquence au désir des dirigeants israélien de détruire le Hamas soit le soutien indirect à d’autres milices palestiniennes, comme la Jihad Islamique, le partenaire favori du régime iranien à Gaza.
En réalité, bien que le Hamas lance de manière périodique des missiles sur Israël, et continue de le faire actuellement, il a à plusieurs reprises tenté d’imposer un cessez-le-feu à ses propres milices et à d’autres, afin de consolider son contrôle de la bande de Gaza en négociant avec Israël une certaine relâche de la répression et de la privation.
Peurs et objectifs de Netanyahu
Peu après la chute de missiles israéliens le 14 novembre, qui a tué le dirigeant militaire du Hamas Ahmed Jabari lors des premiers assauts, un accord de cessez-le-feu avait été conclu par Jabari. Mais Netanyahu et sa clique avaient d’autres plans en tête. Cela ne veut pas dire que la stratégie de Netanyahu est soutenue par toute la haute société israélienne, car il y a eu de nombreux avertissements du contraire et des dissensions ouvertes. Efraim Halevy, ancien dirigeant de l’agence d’information du Mossad, s’est ainsi distancé des attaques et a écrit : ‘‘Il est impératif qu’Israël contribue a un plan décidé par l’Egypte et soutenu par les Etats-Unis pour la région’’.
Mais Netanyahu a depuis longtemps préparé la voie à une possible attaque militaire contre l’Iran et est maintenant délibérément passé à la vitesse supérieure dans le conflit national. De la pure folie, menée avec au cœur la volonté de servir intérêts de l’impitoyable classe capitaliste. Cette dernière craint que le Hamas aient de nouveaux alliés dans la région suite à la victoire des islamistes en Egypte et en Tunisie, et au soutien croissant de la Turquie. Il y a quelques semaines l’émir du Qatar avait aussi visité Gaza et y a investi 400 millions de dollars, ce qui a renforcé la position du Hamas. L’élite du Qatar tente de développer sa propre influence régionale, notamment en profitant de la détresse des Palestiniens. Cela a été encouragé par le dirigeant du Hamas, Khaled Meshaal, qui s’est soustrait à l’aide du régime d’Assad en Syrie où il était basé, afin de s’installer à Doha, au Qatar.
Le président égyptien Mohamed Morsi, des frères musulmans, ne veut pas faire ouvertement affronter l’élite égyptienne et veut garder le soutien des Etats-Unis et de l’Union Européenne et donc éviter tout conflit avec Israël. Il a donc collaboré avec des agences de sécurité israéliennes au blocage de Gaza et du Sinaï. Mais la population égyptienne en colère fait pression sur lui pour soutenir Gaza. Les dirigeants israéliens sont très inquiets à propos d’autres évènements dans la région, particulièrement concernant la Syrie et ses répercussions au Liban.
Il y a également eu des grèves, des manifestations et des émeutes contre le régime jordanien, un autre voisin d’Israël. Les capitalistes israéliens ne veulent pas que cette rébellion et les précédents soulèvements dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord n’inspirent les palestiniens des territoires occupés, ou ceux d’Israël, à se battre massivement aux côtés de la classe ouvrière israélienne. De plus, la réélection d’Obama n’a pas été de bon augure pour Netanyahu, qui ne veut pas se voir forcé d’entamer un processus de paix avec les Palestiniens. Il y a encore la tentative d’adhésion à l’ONU de la part de l’Autorité Palestinienne.
Mais la véritable raison du timing de cette attaque réside dans la tenue des prochaines élections en janvier, si elles ne sont pas reportées. Les deux partis de droite menés par Netanyahu et Lieberman veulent accroître leur nombre de sièges à la Knesset (le parlement). Ces deux partis ont donc joint leurs forces, mais des sondages après l’attaque sur Gaza n’ont pas révélé le soutien auquel ils s’attendaient. Cette attaque leur est toutefois bénéfique dans la mesure où elle distrait les Israéliens en leur faisant penser à autres choses qu’aux coupes budgétaires et à la diminution de leurs conditions de vie. De plus, elle donne une impression de consolidation de la Défense. La population d’Israël est sujette à une propagande massive de la part du régime, qui développe qu’il s’agit de la seule manière d’améliorer la sûreté du pays. Mais une minorité importante se rend bien compte que l’armée ne garantit pas sa sécurité, et une partie de cette minorité participe à des manifestations anti-guerre au sein même de l’Etat d’Israël.
Des organisations pour les travailleurs
Le cessez-le-feu, même s’il est un soulagement, ne répond pas aux aspirations des Palestiniens, pas plus que toute autre négociation de paix. Les dirigeants capitalistes des deux côtés de la frontière n’ont aucun programme allant dans cette direction, ni aucune solution pour mettre fin aux bains de sang.
Pour les Palestiniens, ni le Hamas, une organisation islamique de droite, ni la direction du Fatah en Cisjordanie n’ont une stratégie viable pour mettre fin à l’occupation ou fournir des conditions de vie décentes. Au lieu de cela, les masses palestiniennes ont besoin de construire leurs propres organisations démocratiques pour organiser la défense et prendre des mesures offensives basées sur la lutte de masse, contre le blocus et la privation de terres.
En Israël, suite au mouvement social sans précédent ayant impliqué des centaines de milliers de personnes en 2011, il faut un nouveau parti des travailleurs pour concrétiser les attentes du mouvement – des services, salaires et logements décents, etc.
C’est par la construction de nouveaux partis de masse des travailleurs dans la région que les capitalistes pourront être jetés dehors, et que des idées socialistes pourront prendre racine. Telle est la route vers la construction de deux États socialistes : une Palestine socialiste et un Israël socialiste en tant que partie d’une confédération socialiste de Moyen-Orient, pour jeter les bases d’un futur libéré de la guerre, de la terreur et de la pauvreté.
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La Côte d'Ivoire s'engage sur le chemin de la lutte
La Côte d’Ivoire, ancien joyau de l’impérialisme français en Afrique de l’Ouest, considéré comme la “locomotive” de toute la sous-région, semble doucement se remettre de la grave crise politique et militaire qui l’a ravagé pendant une dizaine d’années. Cette crise avait vu le territoire partagé entre deux camps adverses de l’élite ivoirienne : d’une part le gouvernement mafieux de Laurent Gbagbo, ancien syndicaliste, qui avait instrumentalisé la soif de changement des jeunes ivoiriens afin de se constituer une grande base de milices semi-fascistes, les “Jeunes Patriotes”, tout en détournant lui-même des sommes considérables directement prélevées sur le dos des planteurs et en accueillant à bras ouvert l’impérialisme et le FMI ; de l’autre, les “Forces nouvelles” qui prétendaient défendre les intérêts des populations du nord du pays, longtemps considérées comme citoyens de seconde zone par ceux du Sud, et poussant devant elles le candidat Alassane Ouattara, dont la candidature à la présidence avait été à plusieurs reprises refusées pour incertitude quant à son “ivoirité”.
Par Gilles (Hainaut)
Les élections, longtemps reportées par le camp Gbagbo – qui a ainsi outrepassé sa présidence de cinq ans –, ont finalement été organisées en 2010, menant à un nouveau tour de violences électorales. Les deux candidats avaient en effet chacun obtenu un score quasi identique, d’autant plus que les comptages divergeaient en fonction des institutions et que des irrégularités avaient été observées de part et d’autres. Mais la “communauté internationale” avait fait son choix en la personne d’Alassane. Aucune négociation ne portant de fruits, il a fallu l’intervention de l’ONU pour aller chercher Gbagbo, qui s’était enfermé dans la présidence, et l’expulser du territoire. Mais ne nous leurrons pas : si Gbagbo a attiré sur lui tellement d’opprobre de la part de la “communauté internationale”, ce n’est pas pour avoir menacé leur système. Il n’a rien d’un chantre de l’anti-impérialisme, malgré certains de ses discours, et est bien loin d’un Chavez ou d’un Sankara ! Simplement, l’impérialisme l’a à juste titre perçu comme un individu trop imprévisible pour le poste qu’il occupait, et dont la personnalité instable menaçait les intérêts de leurs investissements dans le pays. Alassane au contraire est un candidat zélé de l’impérialisme : ancien haut cadre du FMI, époux d’une riche colonialiste française, il a déjà fait ses preuves en tant que premier ministre de Côte d’Ivoire, poste créé pour lui en 1990 par le président Félix Houphouët-Boigny qui l’avait chargé d’appliquer les plans d’“ajustement structurel” (austérité) imposés par le FMI.
Depuis lors, la situation semble s’être bien calmée. Gbagbo croupit aujourd’hui en prison à La Haye au Pays-Bas – son procès auprès de la Cour pénale internationale vient de commencer –, la plupart de ses cadres sont en exil au Ghana ou en Afrique du Nord. Les investisseurs se suivent, dans le sillage des nombreuses visites officielles à l’étranger accomplies par le président. On annonce une croissance de 8 % pour cette année et pour l’an prochain, avec l’objectif de faire de la Côte d’Ivoire un “pays émergent” pour 2020. Il reste cependant des menaces. Beaucoup d’armes demeurent parmi la population. Le nouveau pouvoir a été obligé de composer avec divers chefs de guerre des deux camps, fusionnant les deux armées rivales et accordant des postes bien juteux des deux côtés ; sa sécurité repose donc en partie sur d’anciens ennemis. En outre, pas une semaine ne se passe sans qu’on entende parler d’attaques ici et là : des centrales électriques, des casernes, des prisons seraient visées. Bien que ces attaques soient sporadiques et n’aient jusqu’ici fait quasiment aucun mort, elles jettent un doute sur la stabilité du pays. Cependant, aucune n’ayant été revendiquée, les rumeurs vont bon train sur qui pourrait se trouver à leur tête : une conspiration pro-Gbagbo télécommandée de l’étranger (la frontière avec le Ghana a été temporairement fermée le mois passé à la suite d’une escarmouche, le pouvoir craignant la possibilité d’un regroupement des forces pro-Gbagbo dans ce pays voisin) ? Des anciens militaires pro-Gbagbo déçus de l’attribution de postes par le nouveau pouvoir ? Des militaires pro-Outtara déçus ? Des mercenaires (on sait que les Forces nouvelles ont fait grand usage des “dozos”, confréries de chasseurs traditionnels, qui n’ont eux non plus pas obtenu tout ce qu’ils désiraient) ? De vulgaires bandits ? Ou bien y a-t-il réellement une préparation en vue d’un coup d’État ? Beaucoup de questions restent posées. Mais selon de nombreux rapports, le camp Gbagbo est bel et bien désarmé : la plupart de ses cadres ont été dispersés dans des pays différents, sont sans le sou et vivent de transferts de Western Union en provenance de famille en France, ou bien sont en prison sous étroite surveillance, comme c’est le cas entre autres de la femme de Gbagbo, Simone.
Et donc, dans ce contexte d’euphorie en bémol, la population, qui pour la plupart n’avait pas véritablement pris part aux combats, relève la tête pour faire l’état des lieux après l’orage. Les bonnes nouvelles se succédant sur le plan économique, tout le monde est confiant dans l’avenir : ne parle-t-on pas de “pluies de milliards” provenant des nombreux contacts de Ouattara à l’étranger ? Pourtant, la reprise tarde un peu. Les grands projets sont reportés à “après les élections” (communales et régionales, en février), les nombreux subsides accordés par l’étranger ne quittent pas le cercle dirigeant ou vont en priorité aux ONG créées par eux (comme la fondation “Children of Africa” de la première dame, Dominique Ouattara). La police continue ses exactions, l’administration est peuplée de gens qui se prennent très au sérieux, la corruption est toujours là, et on ressent partout l’arrogance du nouveau pouvoir. Cette arrogance peut notamment se ressentir avec la nouvelle politique d’“urbanisme” dans tout le pays, qui vise à nettoyer, parfois au bulldozer, les trottoirs des petits commerces pourtant installés là légalement !
La population, qui était jusqu’ici en attente, soucieuse de ne pas déstabiliser le nouveau gouvernement, commence à grogner et à reprendre le chemin de la lutte des classes. La voie a déjà été ouverte par les enseignants des lycées au printemps dernier, mais cet automne, ce sont les chauffeurs de taxi d’Abidjan et les étudiants qui font beaucoup parler d’eux.
Le mouvement des chauffeurs de taxi repose surtout sur les jeunes chauffeurs, dont la revendication en ce moment est la fin des rackets policiers, et des contrôles plus sévères sur les taxis clandestins qui nuisent à leurs bénéfices. Il faut savoir que les taxis appartiennent en général à des petits patrons qui prélèvent un montant fixe sur chaque taxi chaque jour, laissant ensuite au chauffeur le soin de payer le carburant utilisé, avant de garder le maigre bénéfice qui reste éventuellement. La grève des taxis à Abidjan est organisée par des meetings de masse des chauffeurs qui se réunissent à la gare routière, en-dehors de toute structure syndicale officielle. Il existe certes un syndicat des taxis, mais celui-ci a dans les faits dégénéré en une mafia qui se contente de prélever des “taxes” sur les autres chauffeurs. Les taxis étant les seuls transports “en commun” réellement disponibles dans la ville, ce mouvement met à chaque journée de grève à l’arrêt l’ensemble de la capitale économique du pays.
Les étudiants quant à eux sont confrontés à toutes sortes de problèmes graves. Mis à part le fait que le système universitaire dans son ensemble se trouve dans un état déplorable, tant au niveau des salles de classe que des logements étudiants et du nombre d’enseignants, il y a aussi le problème d’arriéré des bourses, qui bien souvent n’ont pas été payées depuis presque un an, et le problème encore plus sérieux de la hausse subite des frais d’inscription à l’université, qui sont passés sans prévenir de 6000 FCFA à 30 000 pour les licences, 60 000 pour les masters et 90 000 pour les doctorats (respectivement 10, 45, 90 et 135 €) ! On veut ainsi faire “participer” les étudiants au cout réel de leur formation. Et tout cela dans une ambiance de chaos complet : vu que plusieurs années d’université ont été perdues à cause de la crise, plusieurs générations d’étudiants se retrouvent contraintes de s’inscrire en même temps, ce qui démultiplie la surpopulation sur le campus, et qui mène à un grand retard au niveau de la reprise des cours, qu’on attend depuis plusieurs mois malgré l’annonce officielle du premier septembre. Des manifestations ont été organisées, directement réprimées par la police à coups de gaz lacrymo et autres joyeusetés. Mais les meetings se poursuivent dans les auditoires avec les diverses organisations syndicales estudiantines.
Les étudiants ne sont en fait pas les seuls à ne pas reprendre le chemin de la lutte, puisque le corps enseignant est lui aussi en grève, à nouveau pour des raisons d’arriérés salariaux. La rentrée risque d’attendre encore un peu.
À côté de ça, on voit d’autres mouvements comme les balayeuses de Yamoussoukro en lutte pour récupérer des arriérés salariaux, les employés de l’usine Olhéol de Bouaké, en chômage technique depuis plusieurs mois et qui exigent la reprise du travail et le payement, à nouveau, des arriérés salariaux.
La population de Côte d’Ivoire n’a aucune tradition révolutionnaire, n’a jamais connu aucun dirigeant historique aux déclarations radicales. Elle a été gâtée par un système clientéliste où tout lui était offert sur simple demande (ou flatterie) auprès de l’échelon supérieur. La conscience a de plus été fortement repoussée en arrière pendant la crise, avec dix années de divisions, de lutte fratricide, d’instabilité, de violence et pendant lesquelles toute l’attention était focalisée sur le grand soap opéra des politiciens, les rumeurs et les intrigues parmi l’élite nationale. Elle a été de plus quasi coupée du monde et des développements politiques à l’échelle régionale. Aujourd’hui cependant, les travailleurs sont à la recherche de solutions. La croissance dont on parle tous les jours est loin de se refléter dans les assiettes, d’autant plus qu’on annonce de nouvelles hausses des prix de l’alimentation au niveau mondial.
Dans ce contexte, il est crucial que la population de Côte d’Ivoire relève la tête et se remette à jour sur ce qu’il se passe dans les autres pays. Beaucoup d’événements se sont produits depuis l’année passée, à commencer par la révolution en Afrique du Nord, qui a déclenché de gigantesques mouvements de résistance en Europe et en Amérique. La Côte d’Ivoire, sortie de sa propre crise politique, réalise qu’elle se trouve aujourd’hui au beau milieu d’une crise économique et politique de portée mondiale. La reprise du militarisme dans l’océan Pacifique, les menaces de déstabilisation et de guerre au Moyen-Orient, la crise de la zone euro, le ralentissement de la croissance chinoise, sans parler du réchauffement planétaire, ne présagent rien de bon pour l’avenir, malgré toutes les déclarations sur le “nouvel eldorado africain”.
La crise mondiale a ses répercussions sur le continent africain, tout comme le mouvement des Indignés européens. S’il est vrai que de lourdes menaces pèsent sur la stabilité du Sahel avec la crise malienne, beaucoup de leçons sont par contre à tirer du mouvement “Y en a marre” au Sénégal qui a fait dégager le président Wade en mobilisant la nation tout entière, de la grève générale au Nigeria contre la hausse du prix des carburants, qui a été le plus grand mouvement de masse de toute l’histoire du Nigeria, et de la grève des mineurs en Afrique du Sud, à la suite du massacre de Marikana, qui débouche aujourd’hui sur la décision de mettre sur pied un nouveau parti de masse des travailleurs. D’autres mouvements peuvent encore survenir dans la sous-région, au Burkina par exemple pour faire dégager l’usurpateur Compaoré, ou au Togo contre le président Eyadéma Junior.
La Côte d’Ivoire peut reprendre son rôle de “locomotive” de la sous-région, plus seulement en termes économiques, mais aussi sur le plan de la lutte sociale. Le peuple de Côte d’Ivoire doit tirer les leçons de toutes ces expériences, et développer une alternative à la misère néolibérale, une alternative unitaire qui regroupe l’ensemble de la population laborieuse, au-delà des clivages communautaires, religieux et ethniques, contre les politiciens blagueurs, contre l’arrogance des patrons colons, contre ce système pourri qu’on cherche à nous imposer, en lien avec la population de toute l’Afrique de l’Ouest. En bref, une alternative socialiste.
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Tandis que coût de la vie s’envole, les patrons chargent l’index
Ces derniers mois, les patrons, les partis traditionnels et les médias dominants n’ont pas tari d’idées pour ‘‘réformer’’ le mécanisme de l’index, le mécanisme d’adaptation automatique des salaires à la hausse des prix. Ces diverses propositions ont pour objectif de créer un climat défavorable aux travailleurs dans le cadre des négociations entre syndicats et patrons portant, entre autres, sur nos salaires pour les deux prochaines années. Avec l’indexation et l’adaptation partielle des salaires aux prix, les travailleurs peuvent encore sauvegarder une partie de leur niveau de vie. Mais pour les grandes entreprises, cette protection est de trop dans une situation d’insécurité économique et de crise de l’euro.
Par Peter Delsing
Les propositions patronales visent à vider l’index de sa substance, alors que cet outil pour les travailleurs est déjà considérablement affaibli. Syndicats, le journal de la FGTB, a calculé que le prix des produits compris dans le panier qui sert à calculer l’index a augmenté de 15,66% entre 2005 et 2010. Cela ne tient pas compte de l’augmentation des prix de l’essence qui, depuis l’introduction de l’index-santé, n’est plus compris dans l’index, au contraire du gaz et de l’électricité. Et heureusement ! Mais l’essence, c’est quand même important pour les ménages belges : depuis début septembre, les prix battent les records. Certains à droite veulent aller plus loin et retirer tous les prix de l’énergie, donc également le gaz et l’électricité.
Hausse des prix, instabilité, crise et nature chaotique du système
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500 millions de livres de profits grâce à la spéculation alimentaire
Ces deux dernières années, la banque britannique Barclays a réalisé un profit de 500 millions de livres (626 millions d’euros) grâce à la spéculation sur l’alimentation. Goldman Sachs, Morgan Stanley et Barclays forment le trio de tête de la spéculation alimentaire. Alors que, chez les gens normaux, on apprend aux enfants en bas âge à ne pas jouer avec la nourriture, les choses sont différentes pour les grands banquiers. Eux, ils jouent avec des stocks astronomiques de nourriture, poussent les prix vers le haut et réalisent de gigantesque profits en condamnant des millions de personnes à la faim.
Les grandes banques parient sur les prix alimentaires et font de la nourriture un produit financier. La faim et la pauvreté deviennent ainsi des ‘opportunités d’affaires’. Un système peut-il être plus cynique que ça ? En 2010, Barclays a réalisé un profit de 340 millions d’euros grâce à la spéculation alimentaire, contre ‘seulement’ 189 millions en 2011, une diminution expliquée par la diminution du prix du maïs et du soja. Les prix élevés de 2010 étaient de très bonnes affaires. Depuis 2000, les institutions financières ont misé plus de 200 milliards de dollars sur le marché des “ressources agricoles”.
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Les hausses des prix se font sentir sur plusieurs domaines. En 2011, en Belgique, l’inflation était de 3,49%, et elle sera probablement autour des 3% pour l’année 2012. Dans une période de crise, certains prix ont tendance à augmenter – à cause de pénuries consécutives à la nature non-planifiée de la production capitaliste ou à cause des quasi-monopoles tels qu’Electrabel. Mais d’autres prix ont aussi tendance à diminuer quand l’économie entre dans une récession sévère. Lors de l’année de crise 2009, l’économie belge s’est contractée de -2,7% et les prix n’ont augmenté que de 0,26% cette année-là, un chiffre historiquement faible.
Mais aujourd’hui, alors que nous entrons dans une nouvelle phase de récession, la tendance reste à l’augmentation des prix. Le prix des logements n’a ainsi commencé que très récemment à diminuer en Belgique (-2% durant le premier trimestre de 2012 comparé au dernier trimestre de 2011). Mais d’après l’OCDE et le magazine ‘The Economist’, les prix des logements belges restent surévalués de 50% à 56%. Cette bulle n’a pu grandir qu’à cause du refus des gouvernements successifs de mener une politique sociale d’investissements dans la construction de logements sociaux abordables et convenables.
En plus, le coût réel du logement est consciemment sous-estimé dans le calcul de l’index. Le loyer d’une maison ne compte par exemple que pour 6,23% du budget d’un ménage d’après le nouveau panier de l’index instauré en 2004. Pour beaucoup de familles, la réalité est pourtant plus proche des 25 à 30% (voire plus).
La hausse des prix de l’énergie – électricité et gaz – a été stimulée par la politique irresponsable de libéralisation et par la cupidité d’entreprises comme Electrabel et GDF-Suez. Le gaz et l’électricité doivent être protégés de la soif de profits, cela doit être un service à la collectivité placé sous le contrôle démocratique de celle-ci. Quant à la hausse du prix de l’essence, elle résulte de la spéculation boursière et de l’instabilité provoquée au Moyen-Orient par le capitalisme sénile. L’ensemble du secteur de l’énergie doit être planifié de façon démocratique en fonction des besoins de la population et dans le respect de l’environnement.
Depuis 2007, les marchés alimentaires ont connu deux chocs qui ont fait augmenter les prix de plus de 50% (Wired, 6 mars 2012). Dans les pays occidentaux, cela a entraîné des prix plus élevés dans les supermarchés et une grande pression sur le budget familial mais dans le monde néocolonial, il a été question de véritables famines.
Les conditions météorologiques plus extrêmes, dans ce système capitaliste incapable de gérer la crise écologique, ont conduit à de plus fréquentes sécheresses. Cela a par exemple eu un impact sur les récoltes de maïs aux Etats-Unis et en Russie, avec en conséquence des pénuries et une hausse des prix. L’utilisation de certaines céréales pour des biocarburants a aussi contribué à ce processus. Plus fondamentalement, la situation résulte d’un système non planifié où seul domine le profit à court terme, sans prendre en considération l’homme ou l’environnement. Les hausses de prix alimentaires sont aussi stimulées par la spéculation des fonds d’investissements privés et des banques d’investissements (Goldman Sachs, Barclays,…) Le ‘soutien aux banques’ et à leurs profits ont ainsi volé le pain de la bouche de 115 millions de personnes à travers le monde néocolonial depuis 2008 (chiffre de la Banque Mondiale).
Pas touche à l’index !
Les propositions des patrons et de leurs politiciens pour réformer l’index sont diverses et variées. On parle notamment d’indexer uniquement le salaire net, après imposition, ce qui mine notre sécurité sociale (nos pensions, nos soins de santé, nos allocations,…). On parle aussi de n’adapter que les salaires les plus bas. Mais l’index n’est pas un instrument de redistribution des richesses, seulement un instrument d’adaptation des salaires à la hausse des prix.
Les salaires des grands managers doivent être limités par une taxe plus élevée sur les hauts revenus, ou – pourquoi pas – en introduisant une différence maximale entre les grands salaires et les autres, sur base d’une décision politique impulsée par le mouvement syndical puisqu’on ne peut s’en remettre à l’Etat capitaliste. La Fédération des Entreprises Belges (FEB) a aussi émis l’idée de négocier sur base de l’estimation d’un taux d’inflation sur deux années, ce qui revient à être dépendants de la décision arbitraire du patronat ou de ce que ce patronat essaie de vendre aux directions syndicales tous les deux ans lors de l’Accord Interprofessionnel. Bien sûr, Karel Van Eetvelt (de la fédération patronale Unizo) n’a pas pu s’empêcher d’aller plus loin : si on ne peut pas toucher à l’index, il faut laisser les travailleurs bosser deux heures de plus par semaine, sans la moindre adaptation du salaire !
Les travailleurs et leurs familles doivent lutter pour la restauration complète de l’index afin que les adaptations des salaires et des allocations représentent réellement l’augmentation du coût de la vie rencontrée ces 30 dernières années. Chaque bricolage de l’index doit être rejeté. Les patrons et les politiciens établis veulent essentiellement que le pouvoir d’achat et le niveau de vie des travailleurs et de leurs familles se détériore plus vite que dans les pays voisins (la ‘‘compétitivité’’). Obtenir des salaires décents et disposer d’une bonne sécurité sociale, cela se heurte au capitalisme et à sa crise sans issue. Les richesses sont pourtant suffisantes dans la société : entre 1970 et 2011, la croissance économique moyenne fut de l’ordre de 2,3%, bien que ce rythme diminue. Le capitalisme assure que cette richesse soit répartie de manière sans cesse plus inégale. Les travailleurs et les jeunes doivent s’opposer à ce système. Lutter pour la défense de droits sociaux fondamentaux comme l’index, cela signifie lutter pour une autre société, une société socialiste.
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Tunisie: Stop au blâme des victimes de viol!
Indignation à travers le pays suite à l’accusation d’ «immoralité publique» contre une victime de viol par des policiers
La campagne ‘Rape Is No Joke’ déclare son entière solidarité avec toutes celles et tous ceux qui protestent aujourd’hui en Tunisie contre l’accusation scandaleuse d’«atteinte aux bonnes mœurs» à l’égard d’une jeune femme ainsi que de son fiancé, tous deux menacés d’une peine d’emprisonnement de six mois.
Déclaration de la campagne ‘Rape Is No Joke’
Cette accusation est un acte évident de représailles contre leur courage d’avoir porté plainte ouvertement après que la jeune femme ait été violée par deux policiers. Par la suite, les déclarations du Ministère de l’Intérieur affirmant que cette jeune femme et son fiancé ont été trouvés dans une «position immorale» dans leur voiture avant l’attaque est une tentative pathétique de suggérer que la victime méritait ce qui s’est passé.
Malheureusement les femmes, en Tunisie ainsi que dans tout le Moyen-Orient et dans le monde, sont confrontées à ce genre d’abus et de condamnation en tant que victimes tous les jours. La campagne ‘Rape Is No Joke’ se bat contre la banalisation du viol et soutient la lutte internationale des femmes revendiquant l’égalité réelle pour les femmes et la fin du sexisme sous toutes ses formes.
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Occupy souffle sa première bougie. Nous tenons l'allumette pour la suite !
Ce lundi 17 septembre 2012, le mouvement Occupy souffle sa première bougie. Et si en cette période, il semble s’être justement éteint, il ne faut pas crier à la défaite et se laisser bercer par la nostalgie. Tout reste à faire ! Retour en arrière…
Par Elodie (Liège)
Apogée
Le 17 septembre 2011 marque le début officiel du mouvement Occupy. Né au États-Unis, il a tout d’abord regroupé quelques centaines de jeunes, organisés en campement dans le Zucotti Park de New-York, autour de la constatation des inégalités économiques et sociales croissantes qui émanent du système capitaliste actuel. Très rapidement, ce mouvement s’est vu renforcé par l’adhésion de plusieurs milliers de personnes, jeunes et travailleurs. Le 17 septembre, une manifestation est organisée dans le quartier de Wall Street, véritable fleuron du capitalisme financier. Un millier de personnes y participent. Il ne faut pas attendre longtemps pour voir ce mouvement de protestation s’étendre et dépasser les frontières new-yorkaises. Seulement deux semaines plus tard, le 5 octobre, une seconde manifestation s’organise à Wall Street rassemblant cette fois 12000 personnes ! Le 9 octobre, l’occupation s’empare de 900 villes à travers le monde : Sydney, Chicago, Boston, Paris, Hong Kong, Madrid, Berlin pour n’en citer que quelques unes. Aucun continent n’est épargné ! A la date du 15 octobre, on dénombre des manifestations dans pas moins de 1500 villes de 82 pays. De ce mouvement colossal mondial émane un slogan : « We are the 99 % » !
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Liège: MEETING des Etudiants de Gauche Actifs
Un an après Occupy Wall Street
- Un an après, où en est-on ?
- Comment les ‘’99%’’ peuvent-ils lutter contre les ‘’1%’’ ?
- Les mobilisations de masse peuvent-elles changer les choses ?
- Quelle alternative aux partis de Wall Street ?
- Comment renverser le système capitaliste ?
- Par quelle alternative le remplacer ?
Mardi 25 septembre, 19h00, Université de Liège, place du XX Août, Salle Wittert
Page Facebook du meeting
[/box]Inégalités, précarisation, la logique capitaliste
La crise économique de ces dernières années a révélé de façon encore plus manifeste les contradictions et les inégalités inhérentes au système capitaliste. Les 1% les plus riches de la population, qui détenaient déjà dans leur mains la plus grosse part de richesse mondiale avant la crise, ne cessent de voir leur capital augmenter. Le régime est différent pour les 99% restants de la population. La crise ne fait pas que des heureux. Elle a laissé une ardoise considérable qui doit être résorbée… L’austérité sous le vocable d’ « effort collectif » devient alors l’apanage des différents gouvernements à travers le monde pour la sortie de crise. Coupes budgétaires, licenciements, chômage, attaques sur les conditions et les droits sociaux, le « collectif » devient une notion relative, épargnant les mieux lotis véritables responsables de la crise. L’effort sera donc uniquement fourni par ceux qui luttaient déjà bien souvent pour leur survie économique. A la clé ? La promesse d’un futur heureux sous un capitalisme moral rendu possible grâce à un retour de l’intervention étatique et à la sacro-sainte régulation qui empêcherait toute réitération de la crise.
Au début de celle-ci, la présence de l’État fut en effet rendu directement perceptible par les opérations de nationalisation de nombreuses institutions bancaires et financières à travers le monde. Mais le terme de « nationalisation » utilisé lors de ces opérations diffère bien de celui que nous entendons en tant que révolutionnaires socialistes. Sitôt renflouées par l’argent public, ces institutions furent aussitôt rendues au privée. La question de la dette publique et des plans d’austérité a vite remplacé celle de la nationalisation et de l’intervention étatique. C’est que l’économie de marché et le système capitaliste sont, de l’avis de nos politiciens traditionnels (qu’ils soient libéraux ou sociaux-démocrates !), les meilleurs qui soient. Seulement voila, si le slogan « there is no alternative » a pu trouvé auditoire pendant un certain temps, plus question pour la population et les travailleurs d’y recourir. Le système montre, de façon presque risible, ses contradictions par la montée des inégalités sociales et économiques. Les uns trinquent, les autres déboursent ! Les conditions qui ont donné un terreau à la crise, loin d’avoir été écartées et abolies, ont été renforcées. C’est à partir de cette constatation que s’est constitué le mouvement Occupy. Le mouvement des indignés espagnols mais surtout le processus révolutionnaire en Afrique du Nord et au Moyen-Orient qui s’étaient déroulés auparavant ont certainement ouvert la voie en illustrant qu’une mobilisation peut payer ! L’ensemble de ces mouvements de protestation ont eu pour mérite d’inaugurer un nouveau terrain idéologique. Non, Monsieur Fukuyama, le capitalisme n’est pas la fin de l’histoire ! Il ne faudra cependant pas se contenter de le regarder s’auto-décomposer, car le capitalisme s’est muni de nombreux moyens économiques et politiques pour survivre. Il faudra donner une impulsion à sa perte, une impulsion qui ne peut passer que par une mobilisation et surtout une organisation de masse !
La force de la mobilisation
Le mouvement Occupy a eu le mérite de pointer du doigt les véritables responsables de la crise. Aux États-Unis, les politiciens de droite du Parti Républicain et du Tea Party, surfant sur la vague de la désillusion suite à la présence d’Obama et du Parti démocrate au gouvernement, n’avaient de cesse de s’en prendre au service public et aux syndicats comme initiateurs de la crise. Les démocrates n’opposaient pas une grande résistance face à ces déclarations et à cette logique. Un terrain idéologique de droite se démarquait au sein de l’ensemble du monde politique américain. Le gouverneur républicain du Wisconsin, Scott Walker avait d’ailleurs proposé une législation détériorant les conditions de travail des enseignants et d’autres fonctionnaires. Celle-ci fut adoptée dans plusieurs États républicains après que les dirigeants syndicaux aient démobilisé la lutte contre ces mesures.
Le début du mouvement Occupy a marqué une rupture avec ces politiques réactionnaires. Plus question de s’en prendre au secteur public et aux syndicats. Il était temps de remettre les pendules à l’heure en s’attaquant aux véritables responsables de la crise désignés comme les banquiers de Wall Street et les actionnaires millionnaires. Ayant rejoint les constatations du mouvement, de nombreux militants syndicaux se sont organisés et ont initié des actions concrètes telles que la grève générale à Oakland (Californie) en novembre 2011. La ville portuaire avait alors décidé de fermer cinq écoles pour raisons budgétaires. La population est alors entré en lutte. Une première manifestation fut organisée le 25 octobre 2011. Celle-ci fut brutalement réprimée. Mais les travailleurs ne se sont pas laissé faire : une grève générale fut votée en assemblée. La première aux États-Unis depuis 1946 ! La ville, qui abrite le 5ème plus grand port américain, s’est vu bloquée par des milliers de citoyens.
Cette action, qui ne fut pas la seule, a véritablement démontré aux participants la nécessité de s’organiser en tant que classe des travailleurs contre le système capitaliste. Face à la force de cette protestation et de ces mouvements qui trouvaient du soutien global au sein de la population américaine, les politiciens, et plus particulièrement les démocrates, furent contraints d’adapter leur discours en conséquence afin d’y insérer (en surface du moins) les revendications des « 99% ».
La lacune de l’organisation
Malgré son immense potentiel, le mouvement Occupy s’est laissé dépassé par ses faiblesses. La plus grande de celle-ci était la volonté de ce mouvement de s’établir comme « a-politique ». Aucune revendication concrète n’a pu alors émerger. De par cette lacune, peu sont les citoyens ayant participé activement au mouvement. Le soutien fut majoritairement passif. Cela est sans aucun doute dû à une absence de visée, de programme et par conséquent de plan d’action.
La question du ras-le-bol était bien présente, mais celle de l’alternative à apporter à la société actuelle était beaucoup plus floue. Beaucoup se focalisaient sur le maintien des campements, y voyaient des embryons d’une société plus égalitaire. En plus de rester fortement éloigné de la question immédiate de l’emploi qui était la préoccupation majeure des travailleurs, ceux-ci ont rapidement été dispersés par les forces de l’ordre. Les actions et mobilisations du mouvement sont restés trop souvent dans le domaine du symbolique pour négliger les actions concrètes.
Selon nous, un changement de société doit passer par une organisation politique de masse capable de porter et d’organiser un plan d’action concret favorable aux travailleurs et à la majorité de la population. Le problème est qu’actuellement, plus aucun parti traditionnel ne représente les intérêts des travailleurs et ne portent leur revendications. Il ne tient qu’à nous de nous réorganiser autour d’un véritable projet politique favorable à la majorité de la population qui puisse tendre vers une société véritablement égalitaire : une société socialiste !
Si aujourd’hui le mouvement Occupy semble s’être éteint, son souvenir restera une étincelle dans la mémoire de la population et des travailleurs. Il a montré que le dégoût de cette société capitaliste inégalitaire et remplie de contradictions est partagé par un grand nombre de citoyens qui sont prêts à se mobiliser et cela à travers le monde. Ne laissons pas cette étincelle s’éteindre définitivement ! Donner à cette mobilisation une visée et un plan d’actions concret ! Il ne tient qu’à nous d’allumer le feu ! Contre le capitalisme ! Pour une société socialiste !
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Révolution & socialisme. Un autre monde est possible – Lequel et comment y parvenir ?
Les révolutions qui ont fait chuter les dictateurs Ben Ali et Moubarak ont été un véritable tremblement de terre idéologique. Ainsi donc, révolutions et irruptions des masses sur le devant de la scène politique n’avaient pas sombré avec le vingtième siècle ! Ces admirables mobilisations ont suscité un extraordinaire enthousiasme aux quatre coins du globe, non seulement parmi les militants révolutionnaires, mais plus largement aussi, parmi ces millions d’opprimés et d’exploités aux prises avec les terribles conséquences de la crise du système capitaliste et qui, jusque là, n’avaient pas encore rejoint le camp de la lutte.
Dossier par Nicolas Croes
A partir du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord, le souffle de la révolte des masses a déferlé sur le monde avec le mouvement des Indignés, le mouvement Occupy Wall Street, l’explosion de grèves générales historiques dans des pays aussi divers que le Nigeria ou l’Inde, le ‘‘printemps érable’’ québecquois,… Tous ces gens ont découvert l’incommensurable force qui est la leur une fois leur colère collectivement exprimée. La question essentielle est toutefois celle-ci: comment, à partir de là, transformer la contestation de masse en une énergie capable de renverser ce système haï ?
Pendant toute une période, cette question a été étouffée par l’offensive idéologique de la classe dominante. L’effondrement du stalinisme avait été saisi pour dire qu’aucune alternative au capitalisme n’était viable. C’était la ‘‘fin de l’Histoire’’, pour reprendre l’expression du philosophe américain Francis Fukuyama. Mais la réalité est plus forte que la propagande et, aujourd’hui, même les partisans les plus acharnés du capitalisme ne parviennent pas à cacher qu’ils n’ont aucune réelle solution capable de restaurer la stabilité du système. Face à cette faillite systémique, tout tourne pour eux autour de l’austérité (teintée ou non d’un soupçon de rhétorique de croissance), un peu à la manière de ces médecins des temps jadis qui avaient pour remède universel de saigner leurs patients, parfois jusqu’à la mort. De la même manière, combien d’économies ne succombent-elles pas actuellement sous les coups des ‘‘remèdes’’ imposés par la dictature des marchés ? Nulle part la cure d’austérité, à plus ou moins forte dose, n’a conduit à une sérieuse convalescence économique.
Fort heureusement pour le bien de l’humanité, la médecine a progressé et a tourné le dos à la pratique destructrice de la saignée. Le reste de la société doit suivre cette voie, et baser sa gestion des ressources sur une méthode rationnelle, diamétralement opposée au dogme de la ‘‘main invisible automatiquement régulatrice’’ des marchés, dont les extrêmes limites ont dramatiquement été dévoilées par la crise économique.
Reprendre le contrôle de l’économie
Fondamentalement, la solution réside dans la collectivisation démocratique des moyens de production. Impossible d’obtenir une démocratie réelle en Afrique du Nord et au Moyen Orient sans retirer les leviers économiques des mains de ceux à qui bénéficiaient les dictatures de Ben Ali et de Moubarak. Impossible aussi d’éviter le naufrage des conditions de vie de la population tant que les pertes des banques, des spéculateurs et des grands actionnaires sont épongées par les ressources de la collectivité. Impossible toujours, dans un registre tout récemment remis à la une de l’actualité avec le sommet RIO+20 (20 ans après le sommet de la Terre de Rio), de sortir de la destruction systémique de l’environnement tant que la soif de profit constitue l’alpha et l’oméga de l’extraction des ressources naturelles et de leur utilisation.
Si les secteurs-clés de l’économie étaient placés sous contrôle démocratique de la collectivité, il serait possible de démocratiquement planifier l’activité économique. Ainsi, une véritable guerre pourrait être menée contre la pauvreté et pour l’élévation de l’humanité au niveau que permettrait la technique actuelle libérée de la camisole de force de l’économie de marché et de concurrence. C’est cela que nous appelons le socialisme. Actuellement, l’énergie créatrice de millions de personnes est gâchée par le chômage et la misère alors que les nécessités sociales sont gigantesques. Hôpitaux, écoles, logements sociaux, transport en commun et autres besoins de base manquent ou sont même détruits par les réductions budgétaires, tandis que des sommes faramineuses dorment sur des comptes, les capitalistes craignant comme la peste de ne pas pouvoir faire suffisamment de profit en les investissant. Une force sociale est capable de s’approprier ces moyens : la classe des travailleurs.
La classe ouvrière n’a pas disparu
Le terme suscite de grandes controverses. Pour certains, la population des pays capitalistes avancés est essentiellement composée de consommateurs, la vieille classe ouvrière aurait été annihilée et avec elle ses possibilités. C’est faux. La classe ouvrière, une catégorie sociale forcée de vendre sa force de travail puisqu’elle ne dispose pas de la propriété des moyens de production, constitue aujourd’hui une force sociale de centaines de millions de personnes. En ce 21e siècle, elle est plus puissante qu’elle ne l’a jamais été, et plus dans les pays dits développés seulement. C’est ce qu’ont illustré la grève générale de janvier au Nigeria et les deux grèves générales quasiment continentales qu’a connu l’Inde en cette première moitié de 2012.
En fait, le potentiel de la classe ouvrière n’a cessé d’être révélé ces derniers mois. Le rôle joué par l’OTAN et l’impérialisme dans la chute de Kadhafi ne peut pas occulter le soulèvement de Benghazi. Mais l’impérialisme occidental craignait surtout la contagion dans la région des exemples tunisiens et égyptiens, où la classe ouvrière avait joué un dangereux rôle indépendant en bloquant l’économie entière. Ce n’est aucunement un hasard si Ben Ali et Moubarak ont quitté le pouvoir qu’ils occupaient depuis plusieurs décennies le jour de grèves générales. Pas de hasard non plus dans le silence des médias traditionnels, eux aussi sous l’étroit contrôle du capital, à ce sujet. D’autre part, en Belgique et ailleurs, les travailleurs ont pu se rendre compte que la hargne des médias dominants ne s’étale jamais si fortement que lorsque les ‘‘syndicats dépassés’’ composés de ‘‘grévistes preneurs d’otages’’ partent en action ‘’irresponsable’’ contre ‘’l’intérêt économique du pays’’. C’est en soi également une très bonne indication de là où se trouve la grande peur de la classe dominante.
Le danger de l’électoralisme
Récemment, en Grèce ainsi qu’en France (bien que dans une moindre mesure), nous avons pu voir cette résistance s’exprimer également par le biais des urnes, ce qui est une source d’encouragement. Cela rend d’autant plus crucial d’accorder une attention particulière à la relation entre les luttes concrètes, surtout syndicales, et les élections. Au début du vingtième siècle, le militant socialiste allemand Karl Kautsky soutenait que la clé de la stratégie à adopter pour renverser le capitalisme était une “accumulation passive” de forces basée sur une non-participation gouvernementale jusqu’à atteindre la majorité électorale et pouvoir ainsi gouverner seul. Les élections sont un moyen à utiliser pour faire entendre la voix d’une alternative politique, mais cette optique unilatéralement électorale – qui a déchaîné les critiques des révolutionnaires socialistes (notamment de Lénine) mais a été à la base de l’action de la social-démocratie – fut un échec tout au long du vingtième siècle. Des éléments de cette analyse persistent toutefois parmi ceux qui considèrent comme essentiel de se concentrer uniquement sur la construction d’une force électorale.
En Égypte et en Tunisie, nombreux ont été les militants, y compris parmi la gauche dite révolutionnaire, qui ont désigné la voie électorale comme la manière de poursuivre le combat entamé avec les débuts des révolutions. Le temps laissé à leur organisation a offert un espace à la contre-révolution pour se réorganiser et a permis à une couche de la population d’être gagnée par la lassitude face au désordre social, politique et économique. Cela, les réactionnaires ont bien compris qu’ils pouvaient l’instrumentaliser. Pourtant, au moment de la chute des dictateurs, des éléments de double pouvoir étaient présents dans la situation. En Égypte, de grandes divisions étaient également apparues parmi les Frères Musulmans, sur base de contradictions sociales entre une direction définitivement pro-capitaliste et une base touchée par les revendications sociales hardies portées par le mouvement révolutionnaire.
Des comités de quartiers et de défense s’étaient organisés dans le cadre de la lutte, tout comme des comités de grève et des comités d’entreprise qui ont même été placés devant le contrôle de sites désertés par les patrons liés aux dictateurs. Sur base de ces assemblées de travailleurs et de jeunes et de la méthode de la grève générale, il était possible de commencer à poser la question d’une autre société, avec une activité politique et une production démocratiquement gérée par des comités de base coordonnés entre eux, avec l’élection de représentants révocables à tout moment et ne disposant pas de privilèges. Un tel système est à l’opposé de la sanglante caricature de socialisme que fut le stalinisme.
C’est en ce sens que la gauche aurait dû orienter ses efforts, avec audace et confiance envers les capacités révolutionnaires des masses. Trotsky, un révolutionnaire marxiste qui fut l’un des dirigeants de la révolution russe, a souligné dans son ouvrage consacré à cette révolution que ‘‘plus le prolétariat agit résolument et avec assurance, et plus il a la possibilité d’entraîner les couches intermédiaires, plus la couche dominante est isolée, plus sa démoralisation s’accentue ; et en revanche, la désagrégation des couches dirigeantes apporte de l’eau au moulin de la classe révolutionnaire.’’ Hélas, c’est une certaine timidité qui l’a provisoirement emporté, héritée des années de dictature et du poids de la pensée unique néolibérale consécutive à la chute du Mur de Berlin.
Des partis de lutte
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Le programme de transition
Aujourd’hui, la compréhension des tâches exigées par la situation de crise économique (la “conscience politique” de la classe des travailleurs) est en retard sur cette situation objective. Cela s’est déjà présenté et c’est à cet effet que Trotsky avait élaboré le Programme de transition, en tant qu’aide pour que les révolutionnaires touchent d’abord les couches de la classe ouvrière les plus politiquement avancées, puis les masses de travailleurs par la suite.
Dans ce texte écrit en 1938 en prévision de la Seconde Guerre Mondiale, on peut notamment lire que ‘‘Le chômage croissant à son tour approfondit la crise financière de l’État et affaiblit davantage le système monétaire instable’’. N’est-ce pas là une description presque parfaite de la crise qui se développe actuellement autour de la soi-disant “dette souveraine” ? Cela illustre l’extraordinaire actualité de ce texte.
Le fossé entre la situation objective qui ne fait qu’empirer et la conscience de la classe ouvrière va se refermer au cours de la prochaine période. Les événements vont dans ce sens. Au bord du gouffre, la masse des travailleurs va se retourner contre le système capitaliste, parfois sans une idée claire de ce qui pourrait être mis à la place. La route vers une conscience socialiste et révolutionnaire peut cependant être considérablement raccourcie si la classe ouvrière devait s’approprier la méthode transitoire et un programme transitoire qui lie les luttes quotidiennes à l’idée du socialisme.
Ainsi, concernant la lutte contre le chômage, le programme de transition développe la revendication de la répartition du temps de travail nécessaire en fonction des forces disponibles, avec embauches compensatoires et sans perte de salaire. Cette approche somme toute des plus logiques remet en fait puissamment en question le contrôle de l’embauche et, in fine, de la production par les capitalistes. Liée aux autres revendications du Programme de transition, notamment la nationalisation des monopoles, elle pose directement la question du contrôle et de la gestion des principaux leviers économiques par les travailleurs eux-mêmes.
Les adversaires du marxisme dépeignent les revendications transitoires comme étant “impossibles”, “utopiques”, “irréalistes”, etc. Trotsky a précisé à ce titre : “La “possibilité” ou l’ “impossibilité” de réaliser les revendications est, dans le cas présent, une question de rapport des forces, qui ne peut être résolue que par la lutte.’’ Allant un peu plus loin, il a ajouté que : “Les révolutionnaires considèrent toujours que les réformes et acquisitions ne sont qu’un sous-produit de la lutte révolutionnaire. Si nous disons que nous n’allons demander que ce qu’ils peuvent donner […] alors la classe dirigeante ne donnera qu’un dixième ou rien de ce que nous demandons. Le plus étendu et le plus militant sera l’esprit des travailleurs, le plus sera revendiqué et remporté.’’
[/box]Même si la pression vers la tenue d’assemblées constituantes sur le modèle parlementaire bourgeois était trop forte, une agitation conséquente sur ce thème de la prise du pouvoir économique et politique aurait trouvé un écho et un soutien conséquents sur lesquels un puissant outil politique aurait pu être développé. Car il reste bel et bien nécessaire pour les luttes de disposer d’un prolongement politique. Nous ne parlons pas ici d’un ramassis de politiciens, mais bien d’un instrument de combat social visant à organiser le plus grand nombre vers un même objectif. Trotsky, toujours dans son Histoire de la révolution russe, disait que ‘‘Sans organisation dirigeante, l’énergie des masses se volatiliserait comme de la vapeur non enfermée dans un cylindre à piston. Cependant le mouvement ne vient ni du cylindre ni du piston, mais de la vapeur.’’
La tâche cruciale aujourd’hui pour ceux qui aspirent à un changement de société fondamental est de construire de tels partis révolutionnaires, avec un programme qui lie les attentes quotidiennes du plus grand nombre à la lutte pour une société réellement socialiste, basée sur la propriété collective des moyens de production. Cette approche ne saurait pas directement être saisie à une échelle de masse et des partis révolutionnaires comme les sections du Comité pour une Internationale Ouvrière à travers le monde auront encore à argumenter en défense de ce point de vue avec acharnement. Mais la nécessité de s’organiser s’impose d’elle-même, de nouvelles formations politiques de gauche se développent, et elles constituent autant de laboratoires idéologiques pour les militants politiques, des lieux où les révolutionnaires peuvent participer au débat et à l’analyse de l’expérience concrète du combat politique.
En Grèce, Syriza a démontré que de telles formations larges peuvent rapidement évoluer sous la pression des évènements. Même si le programme de cette coalition de la gauche radicale comporte encore selon nous de nombreuses faiblesses, son évolution vers la gauche a été réelle ces derniers mois. Cela peut se poursuivre pour autant que le débat démocratique soit plus favorisé en son sein, afin que l’expérience et les discussions des militants de la base puissent s’épanouir et être réellement reflétées dans la politique du parti. Il est également crucial que l’activité de celui-ci soit orientée vers les luttes et qu’elle ne considère pas l’activité électorale comme le moyen unique d’assurer l’arrivée d’une autre société.
Le début d’une nouvelle ère
Le développement de la situation actuelle n’est pas linéaire, la révolution y est à l’œuvre de même que la contre-révolution. Mais les bases matérielles qui poussent à la lutte pour un changement de société restent présentes. En Égypte, lors du premier tour des élections présidentielles, le candidat le plus identifié aux idéaux de la révolution du 25 janvier 2011 a obtenu 22%, à peine 2 et 3% derrière le candidat des Frères Musulmans et celui de l’armée et sans disposer de leurs solides réseaux. De plus, les Frères Musulmans avaient perdu près de 20% des voix qu’ils avaient obtenues aux élections législatives de janvier 2012. Cela illustre, en plus du développement de nouvelles structures syndicales et des grèves, le développement de la révolution vers le reversement du système économique qui soutenait la dictature. Mais l’armée est décidée à garder son pouvoir, raison pour laquelle elle avait sacrifié Moubarak en espérant ainsi freiner la colère des masses.
Lénine disait notamment qu’une situation révolutionnaire pouvait s’épanouir quand ‘’ceux d’en bas ne veulent plus être gouvernés comme avant, et quand ceux d’en haut ne peuvent plus gouverner comme avant’’. Il ajoutait : ‘’La révolution ne surgit pas de toute situation révolutionnaire, mais seulement dans le cas où, à tous les changements objectifs énumérés vient s’ajouter un changement subjectif, à savoir la capacité pour la classe révolutionnaire de mener des actions assez vigoureuses pour briser complètement l’ancien gouvernement qui ne tombera jamais, même à une époque de crise, si on ne le fait choir’’.
Aujourd’hui, si le poids des années ‘90 est certes encore très grand en termes de recul de la conscience des masses et de faiblesse au niveau des organisations de luttes politiques et syndicales des travailleurs (notamment en raison du rôle joué par des directions syndicales qui ne croient pas en un changement de système), l’évolution peut être rapide. La sévérité de la crise économique fait tomber les masques et les occasions de construire un outil révolutionnaire de masse seront nombreuses.
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Egypte : Quelle issue pour les Frères Musulmans ?
Pour des millions d’égyptiens pour qui la chute de Moubarak par les mouvements de masse fut une première expérience, la révolution était une voie à sens unique. Un peu plus d’une année plus tard, le processus de révolutions et contre-révolutions apparaît comme plus compliqué que prévu. S’il est clair que la classe dirigeante n’est pas en mesure de restaurer son programme comme jadis, de son côté la classe ouvrière n’a pas encore pu s’armer d’un programme pour aboutir à un gouvernement de la classe ouvrière et des pauvres.
Rapport d’une discussion tenue à l’école d’été du CIO, par Baptiste L.
Les Frères Musulmans contre le CSFA : deux représentants pour les classes dirigeantes
De nombreux changements brusques ont pris place dans la dernière période. Parallèlement à l’élection de Morsi (Frères Musulmans, de droite, se réclamant de l’islam politique) le Conseil Suprême des Forces Armées (CSFA) a dissout le parlement et s’est de fait octroyé le pouvoir législatif, provoquant le rassemblement d’un million de personnes place Tahrir à l’appel des Frères Musulmans. C’est une situation très complexe qui s’est développée avec la lutte entre les Frères Musulmans et le CSFA pour le pouvoir. Fondamentalement, ces deux forces représentent les classes dirigeantes, les travailleurs et les pauvres se retrouvent quant à eux spectateurs de cette lutte.
Depuis la chute de Moubarak, le mouvement a clairement été dévié vers les élections, avec pas moins de 6 échéances en 7 mois. L’évolution des résultats électoraux est riche en enseignements. Les Frères Musulmans sont ainsi passés de 45 % à 22 %, tandis que les Nasseristes sont passés de 4 % à 22 %, auxquels résultats il faut encore ajouter la percée des salafistes à 18%. Ces scores expriment la volatilité omniprésente dans la situation, avec d’une part la déjà perte de crédit des Frères Musulmans suite à leur inaction, et d’autres part le potentiel et la marge de progression que possèdent les Nasseristes, qui apparaissent comme les seuls représentants à ce niveau des intérêts des travailleurs et pauvres. S’il est clair que leur programme comporte son lot de confusions, il est clairement ancré à gauche. Pour Morsi, il est désormais clair que sa victoire ne signifie pas une adhésion mais avant tout le rejet de l’ancien régime.
Aucune illusion à avoir dans l’islam politique de Morsi
Pendant 30 ans, Moubarak a pu s’octroyer l’appui des impérialistes sur base de la rhétorique « moi ou l’aventure islamiste ». Ce soutien considérable se chiffrait par exemple à hauteur d’1 milliard $ chaque année de la part des USA, uniquement pour ce qui est du soutien militaire. Les islamistes représentaient une « menace » surtout dans le sens où l’équilibre régional, essentiellement la relation avec Israël, aurait pu voler en éclat. Ce qui est compromettant pour les nombreux enjeux stratégiques pour les impériales dans le Moyen-Orient.
Pourtant, l’élection de Morsi a été largement saluée aussi bien par Hillary Clinton que par les marchés financiers à Londres. Tout simplement parce qu’une victoire de Morsi était préférable par rapport une victoire d’un ancien de la clique de Moubarak qui aurait à coup sûr jeté de l’huile sur le feu de la révolte. Dans ce sens, Morsi incarne un candidat idéal pour les capitalistes car lui et les Frères Musulmans peuvent jouir d’une certaine tolérance (dans un premier temps en tout cas) vis-à-vis du mouvement de masse qui secoue le pays depuis des mois. En outre, Morsi n’a d’ailleurs en rien changé la relation avec Israël, et sa recherche de l’appui des impérialistes ne devrait pas le faire dévier de cette attitude.
Cette lune de miel vis-à-vis des masses ne devrait pas durer étant donné le caractère néolibéral de la politique de Morsi. Un de ses axes n’est autre que de s’attaquer à la législation du travail. Récemment, le FMI a exigé de son côté du gouvernement de Morsi des coupes dans les aides alimentaires, ce qui pourrait raviver encore un peu plus la colère de la population. Il y a quelques années, les émeutes de la faim ont démontré à quel point ce sujet pouvait être brûlant.
Le processus de révolution et contre-révolution est à l’œuvre
Au même titre qu’en Tunisie, le processus révolutionnaire est loin d’être terminé. Néanmoins, quel chemin prendra-t-il ? Ce 7 juillet, la coalition des jeunes révolutionnaires a annoncé sa dissolution. Leur argument était que la lutte était finie maintenant que des élections avaient pu prendre place après Moubarak. Cet exemple illustre les clarifications nécessaires. Parallèlement, des pas en avant ont été faits à travers cette école qu’est la lutte de masse. Les syndicats libres se sont considérablement développés : on y comptabilise aujourd’hui 2,5 millions de syndiqués, contre 50 000 avant la chute de Moubarak ! Cela illustre le pôle d’attraction que représente le mouvement ouvrier organisé dans une telle période, mais aussi la force potentielle entre les mains de ces organisations.
Malgré la chute de Moubarak et la concession des élections, le cœur du régime est toujours là, et le coup d’Etat latent du CSFA durant le déroulement des élections en est une preuve. L’omniprésence de l’armée restreindra systématiquement la marge de manœuvre politique de Morsi, et cette situation pourrait se cristallisé en une forme d’Etat comme au Pakistan, où c’est en dernière instance l’armée qui tire les ficelles.
C’est une forme de contre-révolution qui a pu s’exprimer par l’absence de l’intervention décisive d’une classe ouvrière armée de son programme. Comme dans tout processus, cette situation n’est pas une situation finale mais temporaire, qui sera soumise aux prochains développements. Le tournant vers la droite qu’imprime cette avancée de la contre-révolution impulsera inévitablement des explosions avec ses éléments de renforcement de la révolution.
La classe ouvrière doit s’organiser de manière indépendante autour de son programme
Face à l’armée, aux salafistes et à l’ancien régime, il serait erroné de croire que les Frères Musulmans soient un rempart plus progressiste pour les travailleurs, les jeunes et les pauvres. La gauche ne doit pas tomber dans ce piège et prendre à bras le corps la tâche cruciale qui est d’organiser le mouvement ouvrier autour de son programme. C’est la seule manière de continuer la lutte pour de meilleures conditions de vie et de travail.
