Tag: Médias

  • Voeux de mai 2014 : Soutenez nos médias de gauche !

    Contre les médias dominants et la propagande de l’establishment, placez votre message de voeu de mai dans ‘Lutte Socialiste’ et ‘socialisme.be’

    Le mensuel Lutte Socialiste offre chaque mois des articles, des rapports et des analyses des luttes du mouvement des travailleurs et de la jeunesse radicalisée. Aucun média traditionnel n’offre réellement l’opportunité de faire entendre la voix de la résistance sociale, d’où l’importance d’un mensuel tel que Lutte Socialiste, et de notre site web socialisme.be. Vous y trouvez des analyses sur l’actualité syndicale et politique et des rapports de luttes de travailleurs, de la jeunesse, des mouvements sociaux, tant au niveau international, national que communal, où l’austérité bat son plein.

    Mais nous ne nous limitons pas à donner une information alternative – issue de la base de la société, des travailleurs et de leurs familles – nous voulons également discuter publiquement de la meilleure manière de construire un rapport de forces contre l’austérité et les pertes d’emplois et pour un changement de société. Lutte Socialiste et socialisme.be fourmillent donc d’arguments destinés non seulement à contrer la logique néolibérale dominante mais également à organiser et renforcer la solidarité internationale des luttes des travailleurs et de la jeunesse, et à en finir avec le syndicalisme de négociation ou de concertation pour en revenir à un syndicalisme de combat, un syndicalisme de lutte anticapitaliste.

    Soutenez les médias alternatifs !

    Pour être capables de publier un tel mensuel et alimenter notre site web, nous avons besoin de vous et de votre solidarité. Nous ne comptons pas sur de riches sponsors, mais sur le soutien enthousiaste de nos lecteurs et sympathisants. En premier lieu, si ce n’est pas encore le cas, nous vous invitons à prendre un abonnement à Lutte Socialiste pour, chaque mois, lire votre ration d’analyses anticapitalistes et socialistes tout en soutenant notre travail politique.

    Mais aussi, en vue du 1er mai 2014 et comme c’est la tradition depuis des décennies, nous ouvrons les pages de notre mensuel du mois de mai et de notre site web à des messages de voeux de mai afin de récolter une solidarité financière pour développer des médias alternatifs et réellement socialistes.

    En pratique :

    Envoyez votre voeu de mai pour le 15 avril, ainsi qu’un logo ou une image, si nécessaire, par courrier à PSL, 45 rue du Jardinier, 1080 Molenbeek, par email à redaction@socialisme.be

    TARIFS

    – 1/128e page = 12 euros
    – 1/64e page = 25 euros
    – 1/32e page = 50 euros
    – 1/16e page = 100 euros
    – 1/8e page = 200 euros

    Vous pouvez payer la somme correspondante à la taille choisie sur le numéro de compte BE48 0013 9075 9627 de ‘Socialist Press’, avec “voeu de mai” en communication.

  • Soutenez les médias socialistes!

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    L’objectif de ce nouveau site est de nous rendre plus à même de saisir les opportunités qui s’offrent à nous pour la diffusion de nos analyses, de nos points de vue, de nos propositions et de nos activités. Mais cela n’est bien entendu réellement possible que grâce au soutien de nos lecteurs.

    Ce site ainsi que notre mensuel, Lutte Socialiste, se distinguent fortement des médias dominants prétendument « neutres » et « objectifs » qui ne font en réalité que colporter la propagande néolibérale. Nous prenons quant à nous résolument le côté du mouvement des travailleurs et des jeunes. Nous ne prétendons pas  être de simples spectateurs « neutres » face aux évènements, nous sommes actifs au sein des luttes, nous participons activement  au mouvement social.

    A l’occasion du lancement de ce site, nous vous demandons de nous soutenir, nous et nos médias. Peut-être n’êtes-vous pas totalement en accord avec ce que nous défendons, peut-être ne lisez-vous pas toujours ce que vous désirez lire. Vous ne pouvez toutefois pas nier que nos médias occupent une place bien particulière dans le débat politique. Nous vous encourageons bien sûr en premier lieu à suivre nos publications et à les diffuser, ainsi qu’à nous faire part de vos remarques. Mais au-delà de ça, il vous est possible de nous aider de façon plus active en effectuant une contribution financière.

    Comme vous l’aurez remarqué, ce site n’a aucun article masqué par des annonces publicitaires. Un tel projet n’est pourtant pas gratuit (location du domaine, services Internet,…), et ces couts vont croissant. Actuellement, ces frais sont supportés par la vente de notre journal et d’autres publications. Prenez donc un abonnement à Lutte Socialiste ! Pour 20 euros (ou en soutien 30 ou 50 euros) vous recevrez 12 numéros, mais vous pouvez également effectuer un ordre permanent bancaire mensuel d’au moins 2 euros. Faites votre versement sur le n° de compte BE48 0013 9075 9627 de « socialist press » avec pour mention « abonnement ».

  • Manning : Le Soir a choisi son camp

    ‘‘A peine condamné à 35 ans de détention’’ : c’est ainsi que commence le principal article du Soir consacré aujourd’hui à Bradley/Chelsea Manning, qui a dévoilé des preuves concernant les crimes de guerre commis par l’armée américaine. Mais de ces crimes, l’article n’en fait nulle mention, et ce n’est pas le seul problème…

    Selon le journaliste, Bradley Manning (qui désire dorénavant être appelé Chelsea et a décidé de changer de sexe) devrait déjà s’estimer heureux de ne pas avoir été condamné à la peine maximum de 135 ans de détention ! Pour le reste, l’article fourmille d’erreurs et d’imprécisions qui – c’est étrange – caressent toutes dans le sens du poil les autorités américaines.

    Ainsi, Manning aurait ‘‘exprimé des regrets’’ à l’issue du procès. Cela tendrait à dire que la leçon est comprise et que, si l’occasion se présentait à nouveau, aucune information ne serait divulguée. C’est faux. Dans sa lettre publiée à l’issue de sa condamnation, Manning déclare effectivement : ‘‘Si mes actions ont nui à quelqu’un ou aux Etats-Unis, je le regrette.’’ Mais la suite précise très clairement que Manning ne regrette en rien d’avoir dévoilé les crimes de guerre dont sont coupables les autorités américaines ! On peut ainsi lire dans ce même texte : ‘‘En toute conscience, nous avons choisi de dévaluer le coût de la vie humaine en Irak et en Afghanistan. En combattant ceux que nous percevions comme nos ennemis, nous avons parfois tué des civils innocents. Chaque fois que nous avons tué des civils innocents, au lieu d’en assumer la responsabilité, nous avons décidé de nous retrancher derrière le voile de la sécurité nationale et des informations classifiées afin de ne pas avoir à rendre de comptes publiquement.’’ (Lettre de Bradley Manning à Obama: “Je suis prêt à payer le prix pour vivre dans une société libre”) C’est pour cette raison que Manning a décidé de dévoiler des informations classifiées.

    Sortir une phrase de son contexte de cette manière pour lui faire dire son exact contraire, c’est visiblement considéré comme étant du journalisme à la rédaction du Soir.

    Dans le reste de ‘‘l’article’’, Manning en est réduit au simple rang d’espion avec un type de comportement qui est ‘‘susceptible de mettre en danger la vie d’agents en opération ou de militaires engagés sur le terrain.’’ De la vie de civils innocents, il n’est par contre absolument pas question. Son cas est comparé à celui d’un militaire belge ayant vendu des informations aux services secrets de l’armée russe en 1989 pour 4 millions de francs belges. Le parallèle est d’ailleurs grassement souligné par le fait qu’Edward Snowden et Julian Assange (de WikiLeaks) sont qualifiés de ‘‘complices et ‘‘clients’’ du soldat Manning’’. Encore une fois, ce ne sont pas des motivations financières qui ont motivés les divulgations de Manning.

    Par ailleurs, nous sommes heureux de pouvoir apprendre au ‘‘journaliste’’ du Soir que Snowden n’a rien à voir avec les documents publiés par WikiLeaks… Edward Snowden est un informaticien qui avait travaillé pour la CIA et la NSA et qui a rendu public diverses informations fracassantes concernant les programmes de surveillance de masse des autorités américaines et britanniques.

    Le travail de journaliste n’est pas facile aujourd’hui. A la rapidité de circulation de l’information s’ajoutent, comme ailleurs, les compressions de personnel et l’augmentation de la charge de travail. Il est parfois difficile de traiter correctement d’un sujet dans ces conditions, et nous voyons ici ce que cela peut concrètement signifier en termes de qualité de l’information. Il est toutefois bien plus probable que l’orientation scabreuse de cet article scandaleux n’ait rien à voir avec cela et ait été parfaitement volontaire. Si tel est le cas, nous espérons au moins que la rédaction du Soir et le journaliste directement responsable seront invités au prochain cocktail de l’ambassade américaine. Ce serait un minimum pour ‘‘service rendu’’.

  • Ecole d’été du CIO : Le rôle révolutionnaire des médias

    Lors de l’édition 2012 de l’école d’été du Comité pour une Internationale ouvrière s’est tenue une discussion sur le rôle des médias et la manière de les utiliser pour les militants marxistes afin de diffuser nos idées le plus possible. Voici ci-dessous un bref rapport de cette commission.

    Par Tiphaine, Gauche révolutionnaire (CIO-France)

    Il nous faut utiliser toutes les méthodes pour entrer en dialogue avec la classe des travailleurs, comme avec les nouvelles méthodes que sont internet, facebook et tweeter. Les réseaux sociaux comme facebook permettent de populariser nos évènements et de contourner la presse bourgeoise. Des débats publics se mènent à petite échelle,… Parfois, certains journaux peuvent d’ailleurs reprendre des informations sur les comptes de nos sections car, à cause des coupes budgétaires, les journalistes des journaux bourgeois utilisent de plus en plus souvent facebook et tweeter pour obtenir des infos. En Grande Bretagne, il existe plusieurs exemples de prise de contact avec l’organisation par l’intermédiaire de facebook et tweeter. Bien entendu, tout cela ne peut en aucun cas remplacer le rôle d’une discussion face à face, mais ce sont des aides utiles.

    On peut aussi utiliser des vidéos sur youtube et appeler à rejoindre à la fin de la vidéo. Mais les vidéos ne sont pas un support pour les analyses, à moins de mettre des vidéos de discours.

    Contourner la presse bourgeoise a été utile dans les révolutions en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, où facebook permettait de faire circuler l’info plus directement et à l’étranger en contournant la censure. Les réseaux sociaux ont été mis en avant par les journalistes bourgeois presque comme une cause de ces révolutions ; mais ces réseaux ne changent pas la conscience, ce n’est qu’un instrument pour la révolution.

    Les sites internet ont l’avantage de la rapidité, de pouvoir mettre beaucoup de contenu, de ne pas être cher et de permettre de cliquer pour nous rejoindre ou être en contact avec nous. Ils permettent aussi de diffuser la théorie marxiste parce que les vieux stocks de classiques disparaissent. Nos camarades belges par exemple ont un site spécial pour la théorie marxiste et ils traduisent chaque mois environ la moitié de socialism today (revue théorique des camarades Anglais et Gallois) en français et en flamand. Mais il faut faire attention aussi à ce que le site ne devienne pas qu’un site international.

    Dans l’internationale, il y a des sites des sections des pays mais aussi des sites des sections locales. Le site socialistworld.net a à un certain degré un rôle organisateur, par exemple pour les campagnes de solidarité.

    On peut faire des liens entre le journal et le site internet, par exemple les camarades Russes mettent dans le journal des versions courtes des articles de leur site avec l’adresse de l’article sur le site internet, ce qui permet d’avoir plus d’articles dans leur journal. Les moyens de communication électroniques ne s’opposent pas à la presse papier, et surtout ne remplacent pas les meetings, les discussions etc. La vente de la presse permet de rester en contact physique avec les jeunes et les travailleurs en leur proposant notre journal. Cela est non seulement extrêmement formatif pour els camarades, mais cela permet aussi de tâter le pouls de la société en quelques sortes. Souvent, nous devons convaincre de la nécessité d’acheter notre journal. Un des principaux arguments à mettre en avant est que nos publications ne sont pas que des analyses de gauche, ils comportent également des propositions concrètes pour faire avancer la lutte, des propositions de plans d’actions, de méthodes destinées à construire un rapport de force favorable à la classe des travailleurs,…

    Les journaux capitalistes sont différents des journaux révolutionnaires en ce que les journaux sont pour les capitalistes une production privée qui permet de faire du profit. Ces journaux connaissent un certain déclin, les coupes budgétaires sont nombreuses (avec un impact sur la qualité de l’information) et le manque d’investissements est important. Même dans la presse de qualité, 60% des articles sont de simples reprises de communiqués de presse. Un des rôles parmi les plus fondamentaux de a presse bourgeoise est d’attaquer le mouvement des travailleurs, de critiquer les grèves, les luttes sociales,…

    Les journaux révolutionnaires ont un but complètement différent. Par exemple en Angleterre et au Pays de Galles, notre journal (qui est un hebdomadaire) a été un élément important pour diffuser largement l’idée d’une grève générale de 24h, avec les principaux arguments à reprendre pour en parler autour de soi. En Irlande, notre journal a été crucial dans le cadre de la lutte contre la household tax afin de parler en profondeur de la stratégie et des tactiques de la lutte. Les ventes ont explosé pendant ces mouvements. Dans cette période de crise sociale, le potentiel pour le développement de notre presse révolutionnaire est véritablement gigantesque. Mais il est important de maintenir les ventes militantes également dans les périodes creuses, au risque de ne plsu être préparés aux périodes de lutte.

    Chaque camarade doit lire, s’abonner au journal et le vendre, mais également s’impliquer dans l’écriture. Il est important de discuter en section du contenu du dernier journal, de faire des remarques pour améliorer nos publications, de discuter de ce qu’il faut développer dans de nouvelles éditions,… En Suède, malgré le fait qu’un nouveau journal sort chaque semaine, cela est systématiquement discuté dans les réunions de section.

    La rédaction d’un article ne s’effectue pas de la même manière si on s’adresse à une personne lambda que l’on rencontrera lors d’une activité en rue, à un syndicaliste qui cherche à s’opposer de la meilleur manière à sa bureaucratie syndicale coincée dans un syndicalisme de conciliation ou encore à un membre du parti, ancien ou nouveau. Quand on écrit un article, il faut se poser les questions cruciales suivantes : que veut on dire et à destination de qui ? Nous devons varier les approches.

    Notre presse peut donner confiance aux travailleurs en lutte en reprenant leurs propos afin de diffuser leur combat, parce qu’ils n’ont pas leur mot à dire dans la presse bourgeoise, parce que leurs bureaucrates ne les écoutent pas, etc. Lénine disait aussi ‘‘si une lutte est victorieuse mais n’est pas rapportée, elle perd 90% de sa valeur parce que les masses n’en tirent pas de leçons.’’ Ce travail doit être au centre de notre attention.

    Les endroits où effectuer les ventes militantes n’ont rien d’automatique. Il faut discuter avec soin, collectivement, en section, où vendre, quand et à qui. Au lieu de se dire simplement ‘‘on va faire une vente tel jour à tel endroit’’, on peut plutôt se dire ‘‘tel jour, on va faire campagne sur tel sujet à tel endroit’’ en utilisant plus spécifiquement un article du journal.

    Nous devons défendre la tradition de la vente militante et d’une presse payante, car le prix du journal représente une petite contribution politique. L’argent de la vente des publications sert à produire d’autres publications, et toujours dans le but de répandre nos analyses, news etc., mais cela permet aussi de concrétiser l’intérêt politique de la personne à qui on parle.

    De petites forces, avec de grandes idées, peuvent faire de grandes choses en touchant les masses. C’est le défi auquel est confronté notre travail sur les publications.

  • Le NON irlandais et la propagande des médias

    Rien que des mensonges

    Dans la presse, depuis vendredi dernier, c’est à qui qualifiera le plus les Irlandais d’égoïstes pour avoir rejeté le Traité de Lisbonne. Dans ce cadre, l’éditorial de l’édition du Soir du week-end dernier (“Référendum irlandais et roulette russe”, samedi 14 et dimanche 15 juin 2008) a réussi le tour de force d’être le pire que ce quotidien ait publié depuis l’époque du Pacte des Générations. Un grand bravo à son auteur, Maroun Labaki, à qui nous voulons expliquer l’une ou l’autre chose. Rions un peu…

    Nicolas Croes

    De la part du journaliste principalement chargé des affaires européennes au Soir, certains auraient peut-être attendu quelque chose de différent des habituelles diatribes contre les “Irlandais qui n’ont rien compris”. Et pourtant non. Mr Labaki enchaîne dans son billet des critiques qui ne font que confirmer son attachement aux valeurs chères à l’establishment: la mauvaise foi et l’arrogance.

    Un traité pour faire quoi ?

    “Depuis le début, l’Europe avance par à-coups. Avec le “non” irlandais, la prochaine embardée a été remise à plus tard. Mais face aux défis, pouvons nous encore attendre ?” Car, visiblement, c’est d’urgence qu’il s’agit ici. Mais urgence pour faire quoi ? Là est la vraie question à laquelle Mr Labaki, sans se distinguer de ses collègues, n’apporte aucune précision. Le fil conducteur entre tous les articles de la presse traditionnelle sur l’Europe est qu’il lui faut avancer. Dans quelle direction ? Et à quel prix en termes de lest jeté par-dessus bord ? L’Union Européenne apparaît sous la plume des journalistes comme un absolu abstrait contre lequel toute critique est mauvaise simplement du fait d’exister.

    “Pour nos beaux yeux, Chinois et Indiens vont-ils appuyer sur leur touche “pause” ? Les glaciers vont-ils se remettre au garde-à-vous ? La flambée des prix de l’énergie va-t-elle tourner au feu de paille ? La vague islamiste va-t-elle retomber en d’aimables clapotis ?” Cela en surprendra plus d’un, mais le Traité de Lisbonne permettait de faire tout ça. S’il était sincère en écrivant ces lignes, Mr Labaki sera honteux d’apprendre que plutôt de sauver le monde d’une multitude de problèmes (bien mal posés de cette manière d’ailleurs), le Traité de Lisbonne avait pour vocation de participer activement à la détérioration des conditions de vie de la majorité de la population. Explications :

    • L’article 188c.4 du traité de Lisbonne supprime le droit de veto, excepté dans des “circonstances exceptionnelles”, que peut exercer chaque pays membre contre le fait de pouvoir être forcé d’ouvrir la Santé, l’Education, et les services sociaux, de même que les services culturels et audiovisuels à l’intervention des multinationales, si une telle proposition émerge d’un accord de l’OMC. En clair, avec un vote à la majorité, cela signifie la possibilité pour le patronat de privatiser les parties les plus rentables de ces services. Avec les conséquences que l’on a déjà pu voir dans plusieurs domaines : nombreux sont ceux qui se rappellent que l’énergie devait être moins chère après la libéralisation du secteur…
    • Le protocole n°6 du Traité de Lisbonne déclare : “le marché intérieur comme établi dans l’article 1-3 doit assurer un système où la concurrence n’est pas faussée”. Et l’article 189 mandate l’UE pour assurer “l’abolition progressive des restrictions sur le commerce international et l’investissement direct étranger”. Cela veut dire que le droit pour les capitalistes du privé de commercer, faire du profit et exploiter devient un droit supérieur à tous les autres. Cool.
    • L’article 27.3 du Traité stipule que “chaque Etat membre doit s’efforcer de progressivement augmenter ses capacités militaires”. Il demande également plus de recherche et l’extension de l’industrie d’armement. Sans commentaires.

    Vive la démocratie !

    Mr Labaki, qui ne se rend pas bien compte de ce qu’il écrit ou n’a vraiment pas peur du ridicule, continue ensuite en déclarant : “«L’imagination au pouvoir»: plus que jamais, il faut espérer que nos dirigeants et nos experts en droit rivalisent de créativité. Pour que le Traité de Lisbonne, mort juridiquement ce vendredi 13, survive politiquement.” On se demande quelque peu à quoi cela sert de faire un référendum si c’est pour s’assoir dessus juste après. Mais bon, ce n’est pas la première fois que le respect de l’avis de la population est sacrifié par l’Union européenne. En 2001, le Traité de Nice avait été rejeté en Irlande, puis avait été soumis une nouvelle fois au référendum en 2002, sous prétexte que la participation n’avait pas été suffisante la fois précédente (35%). Manque de bol, vendredi 13 aidant peut-être, l’argument ne vaut plus cette fois-ci: le taux de participation a été de 53%.

    “Les Irlandais avaient évidemment le droit de dire «non».” Précision utile, parce que cela ne ressortait pas limpidement des quelques dernières lignes… “C’est démocratique.” C’est bien vrai. “La démocratie est cependant relative quand moins d’un million de citoyens imposent leur véto à un demi-milliard d’autres.” Patatras! Chassez le naturel et il revient au galop! Il faudrait quand même expliquer une bonne fois pour toute aux zélés (et fêlés) défenseurs du traité – dont une des caractéristiques principales est une mauvaise foi digne du Guinness Book – que les Irlandais n’ont pris en otage personne. Ils ont juste été les SEULS à qui on a demandé leur avis (et encore, sous obligation constitutionnelle et pas de gaité de cœur). Donc, pour être vraiment clair, sur la totalité des personnes qui ont été impliquée dans la décision, une majorité c’est prononcée contre. Point. Une majorité. Dans les autres pays, ce sont les parlementaires qui ont imposé leur vue à la population, en se gardant bien de susciter un véritable débat public. L’argument de la “minorité d’Irlandais contre le reste de l’Europe” n’a de valeur que comme exemple révélateur de la malhonnêteté intellectuelle de ceux qui y ont recours. Mais la vérité est, comme la démocratie, toute relative…

    “Au demeurant, c’est surtout la manière qui heurte. Bien sûr, l’Europe a ses défauts et le traité de Lisbonne est un chef d’œuvre de complexité. Tous, nous le voudrions plus glamour.” En termes de complexité, les 3 points repris ci-dessus expliquent très facilement la nature du Traité. La complexité n’apparaît que quand on veut faire avaler le texte en masquant sa finalité. Mais alors, le truc du “glamour”, ça, c’est pas mal. Une expression pareille, ça veut dire quoi ? “Qui possède un charme sensuel.” Que Mr Labiki ne s’en fasse cependant pas, pour le patronat, ce texte avait du charme à revendre. L’image des euros tombant par centaines de milliers, par millions, sur leurs comptes en banque est tout à fait sensuelle aux yeux des capitalistes. Mais rien ne sait être charmant à la fois aux yeux des travailleurs et à ceux des patrons qui les exploitent. Il faut choisir. Mr Labaki, lui, a choisi.

    “Mais à quoi les Irlandais ont-ils vraiment dit «non»? Nous devons à l’évidence chercher la réponse dans l’hétérogénéité du «non». Comme s’il s’agissait d’un grand défoulement collectif, ils ont dit «non» : à la mondialisation, à l’Europe bruxelloise, aux étrangers, aux pouvoirs, à la vie chère, à la vie moderne, à tout.” On pourrait rajouter “non” aux médias, qui tous étaient derrière le “oui” et qui, comme ici, ne servent que de collection de courroies de transmissions à la classe dirigeante. Certes, le camp du “non” n’était pas homogène. Mais, comme en France et aux Pays-Bas en 2005, c’est des quartiers ouvriers et des populations les plus pauvres que le “non” a surgit, de ces fondements de la société qui créent les richesses sans pouvoir en profiter. C’est ce genre de vol légal, basé sur la propriété privée des usines, entreprises, etc. qui a été rejeté. Se masquer derrière les gugusses nationalistes que les médias ont instrumentalisés pour cacher l’expression de classe du “non”, c’est tomber dans une facilité qui semble plaire particulièrement à Mr Labaki, tout au long de son article en tout cas.

    “Il y a un vrai problème avec ces référendums occasionnels, qui permettent les plus extravagants parasitages du débat public.” Eh oui, grande découverte : lorsqu’on demande son avis à la population, elle le donne, et pas nécessairement dans le sens qu’aimerait le pouvoir en place. “On se souvient que, en 2005, les Français et les Néerlandais avaient envoyé le projet de Constitution Européenne par le fond. A l’époque, on avait déjà dit qu’ils avaient voté sur le contexte davantage que sur le texte.” C’est que ce genre de texte détermine le contexte ; le contexte de privatisation, de néolibéralisme, de pauvreté croissante et de richesse accaparée par une minorité arrogante dont Le Soir, entre autres, s’érige en défenseur.

    On en arrive enfin à la conclusion, qui vaut de l’or et qui serait en droit de rejoindre la mauvaise foi susmentionnée au livre des records, dans la section consacrée au grotesque. “La politique et l’Europe sont choses sérieuses. Sauf le respect dû aux Irlandais, cessons de jouer à la roulette russe des référendums – dès lors qu’ils n’appartiennent pas réellement à nos traditions démocratiques. Et laissons nos parlementaires faire ce pour quoi nous les avons élus.” Merveilleux. Voilà une belle vision de la démocratie, voilà le portrait d’un défenseur du traité de Lisbonne. Cela est en soi un argument supplémentaire pour le “non”.

    Note : Aussi incroyable que cela puisse paraître, rien n’a été changé dans le texte de Mr Labaki, repris dans cet article intégralement et dans l’ordre.


    Histoire d’en savoir un peu plus:

  • Les médias bourgeois (ou : pourquoi la nécessité d’une presse ouvrière s’impose)

    « La presse bourgeoise tire un énorme profit des crimes et des empoisonnements, en misant sur la curiosité malsaine et sur les plus vils instincts de l’homme. » Léon Trotsky.

    Un dossier de Cédric Gérôme

    Marx affirmait que l’idéologie dominante n’est rien d’autre que l’idéologie de la classe dominante. En effet, le rôle de la presse bourgeoise dans la société capitaliste ne peut être détaché du rôle qu’y joue la bourgeoisie elle-même. Sans tomber dans la caricature qui consiste à prétendre que les médias sont une sorte de « quatrième pouvoir », il est clair que les classes dirigeantes, historiquement, ont toujours tenter de contrôler le flux de l’information et de s’en servir comme moyen de relayer leur discours et de défendre leur idéologie.

    Historiquement, beaucoup d’exemples montrent à quel point la presse et les médias en général, sous le capitalisme, ont toujours servi à défendre servilement la politique et les intérêts de la bourgeoisie. Des chercheurs ont par exemple démontré qu’entre 1921 et 1968, les médias britanniques avaient pratiquement ignoré l’existence de l’Irlande du Nord !

    Mais il existe évidemment bon nombre d’exemples plus récents. Il est incontestable qu’avant même le début de la guerre en Irak, la presse américaine a servi à relayer les mensonges de la Maison-Blanche et fut par conséquent un excellent relais de propagande. Rien d’étonnant à cela lorsque l’on sait qu’entre 1993 et 2000, l’industrie des médias a versé 75 millions de dollars au financement des campagnes électorales des candidats des deux principaux partis américains. Ou quand on sait que la FCC (Federal Communications Commission), sensée fixer la réglementation des médias aux USA, était jusqu’en janvier 2005 dirigée par Michael Powell – le fils de Colin Powell. David Smith, le PDG du groupe Sinclair (le principal propriétaire de stations de télévisions aux USA) déclarait ouvertement : « Nos élus ont décidé que la guerre était dans notre intérêt. Une fois qu’ils ont pris cette décision, à tort ou à raison, je crois que nous avons l’obligation de soutenir nos troupes et qu’il faut que les Américains aillent se battre. » En avril 2004, le groupe a interdit à ses stations de programmer une émission spéciale appelée « Ceux qui sont tombés », au cours de laquelle un journaliste lisait un par un les noms des soldats américains morts en Irak.

    A l’inverse, quand il y a des informations qui peuvent s’avérer compromettantes ou tendancieuses, tout est fait pour empêcher qu’elles soient révélées. Le meilleur exemple à ce sujet est sans doute l’interdiction imposée aux médias américains de filmer les cercueils des soldats morts en Irak qui sont rapatriés vers les USA.

    Le rôle vicieux de la presse bourgeoisie a merveilleusement été illustré lors du débat autour du traité constitutionnel européen ; en gros, le message qui passait dans les médias était le suivant : tout ce qui va bien, on le doit à l’Europe, tout ce qui va mal, à l’absence de constitution. « Moi je suis pour le oui, je ne devrais pas le dire, mais je suis pour le oui. Mais je suis objectif ! » annonçait avec fierté un intervieweur d’Europe 1, le 8 février 2005. Pour la période comprise entre le 1er janvier et le 31 mars 2005, on a dénombré à la télévision 29% d’intervenants favorables au non toutes émissions confondues (journaux télévisés, débats politiques,…), et 71% de favorables au oui…

    Plus tôt, en France, lors des élections présidentielles de 2002, tout était fait pour pousser l’opinion à voter pour Jacques Chirac. « Abstention, piège à cons » était le titre de couverture du magazine Télérama. Sur tous les journaux français, sur 83 tribunes libres consacrées au scrutin présidentiel, 2 seulement remettait vaguement en question le vote pour Chirac. De même en France, pendant les mouvements de grève contre la réforme des retraites, les médias se sont acharnés pour dénoncer les nuisances des grèves. Le soir de la journée nationale d’action du 10 juin 2003, TF1 consacra 3 minutes et 47 secondes aux grévistes et manifestants contre 14 min et 5 sec à ceux qui les dénonçaient. Même topo sur France 2 : le journal télévisé du 14 mai octroyait une minute et demie aux grévistes, et 8 min 50 sec à ceux qui s’y opposaient. En réalité, dans chaque grève, les médias tentent d’amener une opposition entre les salariés en mettant en scène, d’un côté, les gêneurs (= les grévistes), de l’autre, les travailleurs « normaux » (= ceux qui ne font pas grève) qui sont « pris en otage » et essaient par tous les moyens de se rendre sur leur lieu de travail.

    Les médias peuvent donc être un allié plus qu’utile pour la bourgeoisie dans la défense de ses intérêts et de son idéologie. Le rédacteur en chef du « Time » affirmait : « Les événements ne doivent pas leur naissance à des forces historiques ou à des gouvernements ou à des classes sociales , mais à des individus » : on retrouve très clairement dans cette déclaration la vision bourgeoise de l’histoire, qui consiste à expliquer le monde à travers la vie des grands hommes. Effectivement, les médias tentent toujours de réduire les causes des événements à des personnalités, des ministres, des présidents,…Pour exemple, les deux guerres du Golfe se sont traduites en un duel entre Georges Bush et Saddam Hussein. Cette vision mène à une individualisation des luttes collectives. Un bon exemple est celui de la fameuse photo prise pendant les événements de Tien-Anmen en 1989, photo qui a fait le tour du monde : un homme seul stoppant la progression d’une colonne de chars ; les milliers de manifestants massés autour de lui ont été volontairement exclus du cadre de la photo.

    Tous les préjugés de l’idéologie bourgeoise trouvent un écho dans les médias. Les préjugés nationalistes et racistes : pendant la catastrophe du tsunami en Asie du Sud-Est, tout le monde a pu constater avec écoeurement le souci prioritaire manifesté envers les ressortissants étrangers (les touristes) et la relativisation des victimes locales (pourtant au moins cent fois plus nombreuses). Ce phénomène est particulièrement marqué dans les médias américains : avant le 11 septembre 2001, les articles consacrés à l’actualité internationale ne représentaient que 2% du total de la presse écrite américaine. Certains soirs, les journaux télévisés se concluaient sans jamais être sortis une seule fois des Etats-Unis. Après le 11 septembre, le reste du monde a tout à coup « ressurgi » dans les médias américains. La presse américaine a consacré davantage de temps à l’Afghanistan entre septembre et décembre 2001 qu’elle ne l’avait fait pendant les quatre décennies précédentes !

    Naturellement, la crise économique du système capitaliste touche également le secteur des médias. On peut ainsi voir un phénomène de concentration extrême dans le secteur des médias depuis une vingtaine d’années, qui a entraîné la disparition d’une quantité innombrables de quotidiens. Un signe révélateur est le fait que le plus jeune quotidien belge francophone est le journal « Vers l’avenir »…qui date de 1918 ! Dans le Nord du pays, il s’agit de « Het nieuwsblad » (datant de 1932). L’évolution qui se manifeste a donc pour corollaire un taux de mortalité extrêmement élevé et un taux de natalité quasiment nul, à travers une concurrence de plus en plus sévère.

    En outre, la presse est de plus en plus sous le contrôle d’un petit nombre de groupe industriels et financiers. Traditionnellement, la presse écrite était la propriété d’éditeurs purs (souvent des entreprises familiales). Depuis quelques années, on voit une accentuation de la prise de contrôle de nombreux médias par des magnats de l’industrie et/ou des finances : aujourd’hui, une poignée de multinationales contrôlent l’information. En 2001, Clear Channel possédait aux USA 1202 radios. L’homme le plus riche de Belgique, Albert Frère, est actionnaire de RTL-TVI. En Flandre, « Het Laatste Nieuws » ou « De Standaard » appartenaient à des familles d’éditeurs ; à présent, ces journaux sont sous le contrôle de groupes financiers. A la fin de l’année dernière, le quotidien français « Libération » a subi une prise de contrôle de 37% de son capital par le banquier Edouard de Rotschild. Le groupe Socpresse (qui possède 70 titres dont « Le Figaro », « L’Express » ainsi que des dizaines de journaux régionaux) a été récemment racheté par un fabricant d’armes, Serge Dassault. Dès sa prise de fonctions, celui-ci déclarait aux rédacteurs : « Je souhaiterais dans la mesure du possible, que le journal mette plus en valeur nos entreprises. » Le groupe Hachette est quant à lui déjà détenu par un autre industriel de l’armement : Arnaud Lagardère. Sur les 15 premières fortunes françaises, 5 ont des intérêts dans les médias et tirent évidemment profit de cette situation pour consolider leur position. En Italie, « Il Corriere della Sera » et « La Stampa » sont désormais contrôlés par Fiat. Silvio Berlusconi a construit un véritable « empire télévisuel » et contrôle aujourd’hui 90% de l’audience et 87% des recettes publicitaires de la télévision italienne. Il n’a pas eu de scrupules à modifier la loi afin qu’à partir de janvier 2006, la RAI puisse être totalement privatisée.

    Et c’est sans compter la reconversion technologique (notamment l’informatisation) qui demande des investissements de plus en plus lourds ; cette logique fait en sorte qu’en définitive, seuls les plus gros groupes sont capables de supporter de tels coûts.

    Le revers de la médaille de cette tendance s’exprime à travers des compressions de personnel, des fermetures d’agences, l’emploi d’un groupe le plus restreint possible de reporters et de journalistes, des licenciements de masse, la disparition de nombreux points de vente. Pour exemple, en France, depuis 1990, 4500 kiosques à journaux ont été supprimés. Aux USA, entre 2000 et 2004, plus de 2000 postes ont été supprimés dans la presse écrite. L’agence de presse Reuters a procédé au début de l’année à une réduction de ses effectifs de 4500 salariés. Le groupe Sinclair (USA) a procédé à 229 suppressions d’emplois dans ses stations en une seule année : le fait de détenir plus de 60 stations locales permet de diffuser tel quel les mêmes programmes d’une région à une autre et d’ainsi réduire fortement les coûts salariaux. Le patron s’explique : « Ce n’est pas que nous n’aimons pas les monteurs ou les cameramen. Mais la technologie a tellement évolué que les réalisateurs estiment pouvoir réaliser un travail encore meilleur en automatisant certaines de ces tâches. On peut désormais assembler un studio d’informations, avec, disons, un producteur de moins, un journaliste de moins, pas de monteur, 2 cameramen qui disparaissent, et la liste ne fait que commencer… »

    Il importe également de casser un mythe largement répandu : les journalistes bien payés sont une exception. Mis à part les journalistes vedettes et les stars du show-business comme Patrick Poivre D’Arvor, les journalistes sont en général mal payés et travaillent dans des conditions déplorables. Aux USA, les entreprises qui détiennent différents médias (presse, radio, télévision, internet,…) dans une même ville recherchent des journalistes à tout faire capables de fournir un contenu immédiatement adapté aux différents supports. Selon un professeur de journalisme de la Columbia University, « ces journalistes travaillent de 16 à 20 heures par jour et deviennent complètement fous à force d’exercer plusieurs métiers de presse à la fois ». Les mauvaises conditions de travail dans ce métier ont encore été illustrées par la récente grève à la RTBF. On ne compte plus les intérimaires ou les faux stagiaires qui travaillent gratuitement, malléables et corvéables à merci. On voit ainsi un peu partout la multiplication des CDD (contrats à durée déterminée). Selon les syndicats de France 3, en moyenne 8 des 12 reportages du journal de 19h sont réalisés par des CDD. Voici le témoignage révélateur d’un jeune CDD : « Un précaire pose moins de question. Il est plus disponible, plus docile. Il ne conteste pas les choix éditoriaux. Il ne rechigne pas à travailler les jours fériés, à traverser la France en une nuit pour rejoindre une autre station de radio. »

    Sur le plan de la formation, la situation n’est pas plus rose. Dans les écoles de journalisme, on apprend aux étudiants à être le moins critique possible, à respecter la hiérarchie,…en d’autres termes, à fermer sa gueule et à accepter la logique du marché. Au CFJ (Centre de Formation des Journalistes- Paris), le responsable « presse écrite » dit à ces étudiants : «Dans la profession, il y a un certain nombre de journalistes qui ne sont pas dans la ligne. Ici, on vous demande de suivre la ligne, de rester dans la norme. Eh oui, il y a un moule CFJ, et il faudra bien vous y couler ».Une étudiante attaque : « Pour mercredi, avec la sortie du film sur les travailleurs de chez Michelin, on aurait voulu faire un retour sur la condition ouvrière ». Le rédacteur en chef réplique aussitôt : « Ca c’est pas de l’actu. Il faut espérer qu’on aura autre chose comme actu, de l’actu qui parle un peu plus. Mercredi, je vois qu’il y a PSG-OM. Ca, ça ne peut pas être moins d’une page. »

    Le seul souci dans la formation des journalistes est de répondre aux besoins du marché. Un enseignant de l’école le dit lui-même : «Ce que vous êtes naïfs ! Les médias, c’est une industrie. On vend du papier comme d’autres vendent des poireaux. Le seul critère, c’est le résultat : l’audience ou la vente». Dans un guide pour les étudiants de l’école appelé « Pour devenir journaliste », on peut lire que le CFJ « trouve une solution à l’inadéquation de l’offre et de la demande, sait répondre aux évolutions du marché, afin de livrer des étudiants immédiatement opérationnels. », etc. La directrice de l’école conclut en beauté: « on étudie en ce moment comment se tourner pleinement vers le management. »

    Les conditions de production de l’information sont bien sûr soumises aux lois de l’économie capitaliste : productivité, maximum de rendement, … L’information est une marchandise comme les autres : le but est de faire du profit avant toute autre considération. Il faut produire un maximum d’informations en un minimum de temps, et surtout, de produire de l’information qui se vend. Le critère premier n’est donc pas le souci de l’information objective, de la pertinence des sources, etc, mais bien le marketing. Le choix, la mise en valeur et l’importance accordée aux informations est donc complètement tronquée et disproportionnée par rapport à la réalité, voire complètement fausse. En juillet 2004, de jeunes Maghrébins et Africains sont accusés d’avoir fait une agression antisémite dans le RER, à Paris. Le lendemain, le journal « Libération » concluait : « Antisémitisme, antisionisme, anticapitalisme mêlés comme aux pires heures de l’histoire ». En fait, cette agression n’a jamais eu lieu et se révèlera être un pur mensonge inventée par la soi-disante victime.

    Mais quelques chiffres valent parfois mieux qu’un long discours : depuis l’affaire Dutroux en 1996, le nombre d’articles et de reportages consacrés aux affaires sexuelles touchant des enfants a explosé. Les mots « pédophile » et « pédophilie » apparaissent 4 fois dans le journal « Le Monde » en 1989, 8 fois en 1992. On passe à 122 fois en 1996, 199 fois en 1997, 191 en 2001, 181 fois en 2002 ! Du 5 mai au 5 juillet 2004, on dénombre, dans les quatre grands quotidiens nationaux français, 344 articles sur le procès d’Outreau (affaire de pédophilie en France). Pendant la même période, ces mêmes quotidiens consacrent 3 articles sur la sortie d’une étude de l’OMS établissant que la pollution tuait chaque année plus de 3 millions d’enfants de moins de 5 ans. En 1998, les trois principaux journaux télévisés américains ont consacré plus de temps à l’affaire Monica Lewinsky qu’au total cumulé de plusieurs dossiers tels que la crise économique et financière en Russie, en Asie et en Amérique Latine, la situation au Proche-Orient et en Irak, la course au nucléaire dans le sous-continent indien !

    Dans ce contexte, il est clair que les journalistes ne peuvent pas dire ce qu’ils veulent, et doivent rester dans un cadre de pensée qui respecte le souci des actionnaires et des propriétaires du média en question. Le directeur de l’International Herald Tribune (qui appartient au groupe New York Times, coté à Wall Street) disait : « Souvent, ceux qui doivent prendre une décision journalistique se demandent si celle-ci fera baisser ou monter de quelques centimes la valeur boursière de l’action de l’entreprise éditrice. Ce genre de considérations est devenu capital, les directeurs de journaux reçoivent constamment des directives dans ce sens de la part des propriétaires financiers du journal. »

    De plus, le simple fait d’être journaliste et d’avoir sa carte de presse ne donne pas accès partout. Le journaliste doit se faire accréditer auprès de certains services de presse (UE, ministères,…). Les journalistes accrédités ne peuvent divulguer que les informations qu’on les autorise à divulguer : s’ils ne respectent pas les règles du jeu, on leur retire l’accréditation. Sans compter que la plupart du temps, les journalistes se font « acheter »: par des réceptions, des déjeuners en tête-à-tête, des voyages de presse pour accompagner le ministre ou l’homme d’affaires en déplacement à l’étranger, des voyages exotiques,…

    L’ancien journaliste du Guardian (rubrique Energie) nous donne un témoignage intéressant à ce sujet: « La compagnie de gaz britannique British Gas s’intéressa à mon travail. Chaque jour, elle dépêcha un nouvel attaché de presse avec la panoplie complète allant de la voiture tape-à-l’oeil au téléphone mobile. Le premier m’introduisit dans l’entreprise et calcula ce que mon article représenterait pour la compagnie en termes de gains ou de pertes potentiels. Le deuxième fit survoler la baie de Morecambe en hélicoptère pour me conduire sur la plateforme de forage que British Gas avait fait construire. Le troisième m’invita à un dîner arrosé de bon vin, au cours duquel il m’abreuva de considérations sur la stratégie de l’entreprise. Et le quatrième m’accompagna pour rencontrer le président de la compagnie. Après avoir été traité de la sorte, j’ai dû déployer des efforts considérables pour mordre la main qui m’avait nourri en me fournissant toutes ces informations. Et mordre signifiait dire au revoir à tout ce que British Gas pouvait m’offrir de bon ».

    On en arrive vite à ce qu’on peut appeler le « journalisme promotionnel », très bien résumé par cette phrase de Patrick Le Lay, patron de TF1 : « Le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola à vendre son produit. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. ». En Italie ou aux USA, il n’est désormais plus rare de voir des spots publicitaires insérés à plusieurs reprises en plein milieu du journal télévisé.

    Comme on l’a déjà vu, les politiques de privatisation n’on pas épargné le secteur des médias. Ce phénomène de désengagement public implique que les médias sont de plus en plus dépendants de leur budget publicitaire. Le média qui fait une appréciation négative sur un produit court le risque de se voir retirer le budget publicitaire du fabricant. En Belgique, le numéro un des investissements publicitaires dans les médias est le secteur automobile. Ce dernier élément explique les nombreux suppléments « auto » dans les quotidiens. Lors de l’ouverture du dernier salon de l’auto, « La Libre Belgique » a ainsi consacré 5 pages à ce grand événement…

    Pendant l’été 2005, la direction du groupe automobile Volkswagen lança à travers la presse la rumeur d’une fermeture du site de Forest. Cela fit naître un meilleur état d’esprit au sein de l’entreprise pour faire passer d’autres mesures moins « radicales », mais néanmoins tout aussi désavantageuses pour les travailleurs de l’usine. En janvier 2001, la multinationale Danone a fait la même chose grâce à la complicité des médias français. La presse annonçait le licenciement de 1700 travailleurs chez Danone ; il s’en suivit un large mouvement de contestation. Au coeur du mouvement, la direction annonça qu’il n’y aurait finalement « que » 500 pertes d’emplois. Conclusion : réaction de soulagement de la part d’une bonne partie du personnel et arrêt du mouvement. La presse sert ainsi souvent, pour le patronat et les politiciens bourgeois, de « ballon d’essai », de moyen destiné à tester un projet, une hypothèse de travail et mesurer quelles en seront les réactions. Il ne faut donc pas se leurrer : quand on parle de « fuite » dans la presse, il s’agit dans bien des cas de fuites volontaires.

    Ces dernières années, les chiffres montrent une baisse particulièrement significative de diffusion de la presse écrite. A l’échelle mondiale, la diffusion de journaux chute en moyenne, chaque année, de 2%. Le quotidien américain « International Herald Tribune » a vu ses ventes baisser en 2003 de 4,16% ; au Royaume-Uni, le « Financial Times » a chuté de 6,6 % ; en Allemagne, au cours des 5 dernières années, la diffusion a baissé de 7,7 %, au Danemark de 9,5%, en Autriche de 9,9%, en Belgique de 6,9%. Même au Japon (dont les habitants sont les plus gros acheteurs de journaux), on compte un recul de 2,2%. Au sein de l’UE, au cours des huit dernières années, le nombre de quotidiens vendus a diminué de 7 millions d’exemplaires. Il existe à cela certaines raisons externes tels que la montée d’internet, ou l’apparition des quotidiens gratuits (« Metro »,…). L’augmentation importante du prix des journaux cumulée à une baisse du pouvoir d’achat pour la majorité de la population n’y est sans doute pas pour rien non plus.

    Mais la raison première est sans aucun doute la perte de crédibilité de la presse écrite, tout comme des médias au sens large ; non seulement du fait que la qualité des journaux ne fait que se détériorer (les mensonges, les manipulations, et autres distorsions de l’information ne cessent d’augmenter), mais aussi parce la période dans laquelle on se trouve aujourd’hui se caractérise par une remise en question croissante de l’idéologie bourgeoise et du discours néo-libéral relayé par les médias. La confiance dans les institutions bourgeoises et dans ses relais idéologiques, dont les médias font partie, ne cesse de s’effriter. Cela renforce d’autant plus l’importance de diffuser une presse ouvrière, une presse de gauche qui défend les intérêts des travailleurs et des jeunes.

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