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Tag: Maison Blanche
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Quelle pacification?
Irak et Afghanistan
D’après le rapport annuel de l’Institut international de recherche pour la paix à Stockholm, les dépenses militaires mondiales ont atteint le record de 1.118 milliards de dollars en 2005, soit une hausse de 3,4% par rapport à 2004. Les Etats-Unis s’y taillent la part du lion avec 48% du total, loin devant la Grande-Bretagne, la France, le Japon et la Chine. Les cyclones Katrina et Rita et, surtout, les guerres en Irak et en Afghanistan sont à l’origine de cette hausse substantielle. Vu la dégradation de la situation dans ces deux pays, on peut prévoir sans crainte de se tromper que l’année 2006 surpassera l’année passée…
Afghanistan: fuite en avant de la Coalition
Jusqu’à très récemment, l’Afghanistan pouvait donner l’illusion d’une pacification réussie à côté du chaos irakien. En réalité, les Américains et leurs alliés ne contrôlaient que Kaboul et ses environs.
De larges portions du territoire afghan échappaient à leur contrôle et les médias n’y allaient pas. Les Talibans ont mis à profit cette situation pour se réorganiser dans le Sud du pays. Ils ont lancé une série d’attaques meurtrières contre les troupes et les villes afghanes. Quelque 400 personnes, civils et militaires, ont été tuées depuis le début du printemps.
Les Talibans ont reçu le renfort d’éléments qui étaient partis se battre en Irak et qui utilisent maintenant les techniques de guérilla qu’ils ont apprises dans ce pays.
La coalition internationale s’apprête à lancer une offensive de grande ampleur dans le Sud afghan. « Mountain Thrust » mobilisera des milliers de soldats occidentaux et afghans et durera tout l’été. Elle ne sera que la première d’une longue série…
Cette opération militaire est censée s’accompagner de projets de reconstruction pour obtenir l’adhésion de la population.. Mais il y a fort à parier que les dépenses militaires mangeront les marges budgétaires pour la reconstruction.
De plus, les destructions que cette opération entraînera dépasseront de loin les maigres efforts de reconstruction. Rien qu’au cours des derniers mois, les frappes aériennes américaines étaient déjà deux fois plus nombreuses qu’en Irak…
Irak : retrait en bon ordre ou débandade ?
L’Administration Bush a eu le triomphe modeste après l’annonce en juin de la mort d’Abou Moussab Al Zarkaoui, le chef d’Al Qaeda en Irak. Il faut dire que le cap symbolique des 2.500 soldats américains tués en Irak a été franchi le même mois. Bush a d’ailleurs prévenu qu’il ne fallait pas s’attendre à une diminution de la violence.
Les attentats et les opérations militaires de grande ampleur sont le lot quasi quotidien de la population.
Si les attentats sectaires du groupe de Zarkaoui contre la population chiite y ont une large part, les massacres et autres exactions commis par les troupes d’occupation ont tout autant contribué au climat de violence actuel.
Plusieurs cas de massacres et d’exécutions sommaires de civils ou de prisonniers ont été révélés, plongeant la Maison-Blanche dans l’embarras.
Pour ne rien arranger, l’Italie et le Japon ont décidé de retirer leurs troupes. S’ils s’opposent à tout calendrier de retrait contraignant, Bush et les Républicains savent que la situation est intenable.
Ils ont décidé de retirer les troupes d’une première province et d’y confier le maintien de l’ordre aux forces irakiennes. Si le test s’avère concluant, ils l’étendront progressivement à d’autres provinces.
Mais ce début de retrait pourrait être interprété comme un lâchage du régime par la population.
Les opposants à l’occupation redoubleraient alors d’ardeur tandis que les hésitants et même une partie des alliés irakiens des Etats-Unis, sentant le vent tourner, basculeraient dans la résistance. Le retrait en bon ordre voulu par Bush risquerait alors de se transformer en débandade…
Les Etats-Unis et autres puissances impérialistes sont incapables de restaurer un semblant d’ordre en Afghanistan comme en Irak.
Leur situation y serait encore pire si le caractère extrêmement réactionnaire d’une partie de la résistance ne dissuadait des couches plus larges de la population d’entrer en action.
D’où la nécessité, là-bas aussi, de reconstruire des organisations du mouvement ouvrier capables d’organiser les larges masses contre l’occupation impérialiste et la politique antisociale de leurs alliés locaux.
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Les lois anti-terroristes nous touchent tous!
La classe dirigeante en Belgique comme ailleurs se dote de nouveaux moyens pour renforcer la lutte contre le terrorisme. Les dirigeants capitalistes instrumentalisent à outrance la remontée des attentats terroristes pour instaurer un climat de peur et renforcer leur appareil répressif. Au-delà de l’inefficacité de telles mesures et de leur coût exorbitant, c’est bien d’une vague d’attaques contre nos droits démocratiques dont il s’agit.
Stéphane Delcros et Cédric Gérôme
Suite au récent attentat kamikaze perpétré par une Belge en Irak, la Ministre de la Justice Onkelinx tente de faire passer un avant-projet de loi renforçant les moyens policiers et judiciaires face à une menace terroriste. Le gel de certains comptes bancaires sera facilité, des perquisitions à toute heure et des écoutes par téléphone ou micro caché seront autorisées. Toutes les données récoltées par la police seront en outre confinées dans un dossier secret auquel ni l’accusé, ni l’avocat n’auront accès.
La Belgique est loin d’être le seul pays à adopter des lois antiterroristes; le Parlement européen a adopté récemment une directive permettant la conservation des données téléphoniques et électroniques pour une durée de 6 à 24 mois et donnant plein droit à la police de les consulter.
Après le 11 septembre 2001, les Etats-Unis avaient adopté le Patriot Act, loi antiterroriste d’exception qui décuple les pouvoirs de la justice et de la police. Adopté initialement pour une durée de quatre ans, le Patriot Act était en passe d’être reconduit indéfiniment, mais cette dernière proposition a été -temporairement, du moins- rejetée par le Sénat, suite aux nombreux scandales qui ont éclaboussé la Maison-Blanche et la mettes dorénavant sur une position défensive. On ne compte plus les abus policiers et judiciaires basés sur cette loi, notamment en matière de surveillance de la population. La mise sur écoutes de la population américaine et les pratiques d’espionnage du Pentagone ne sont cependant pas nouvelles: ce genre de mesures furent largement utilisées contre des groupes hostiles à la guerre du Vietnam et des organisations de défense des droits civiques dans les années ’70.
En Grande-Bretagne, les lois antiterroristes prennent une ampleur démesurée. Plusieurs millions de caméras filment désormais les faits et gestes de la population. Après les attentats de Londres en juillet dernier, le gouvernement de Blair a encore durci son programme avec une nouvelle loi qui prévoit notamment la prolongation de la garde à vue à 3 mois pour les personnes suspectées de terrorisme.
A la suite de l’explosion des banlieues, la classe dirigeante française a adopté puis prolongé pour 3 mois l’état d’urgence, se référant à une loi qui n’avait pas été invoquée depuis un demi siècle dans l’Hexagone. Le gouvernement peut ordonner à la police de procéder à des arrestations massives, interdire les manifestations et censurer les médias. La police est autorisée à perquisitionner et restreindre les mouvements des personnes sans devoir fournir de preuves ou de raisons justifiant de telles actions. Ainsi, 11 des 24 propositions du Front National en matière de justice et de police ont déjà été mises en application par le gouvernement français.
Brandissant le prétexte de la menace terroriste, partout les gouvernements capitalistes consolident leur appareil de répression et restreignent les libertés publiques. L’interprétation des lois anti-terroristes étant extrêmement large, ces mesures s’avèrent très utiles afin de museler les mouvements sociaux.
Dans les années 80 déjà, Margaret Thatcher s’était servi d’une loi antiterroriste pour réprimer une grève de mineurs. On se souvient également des déclarations de plusieurs dirigeants européens n’hésitant pas à assimiler les militants anti-mondialisation à des terroristes. Cette année, en France, les unités antiterroristes du GIGN sont intervenues deux fois contre des actions syndicales. En Belgique, l’actuel procureur fédéral en charge de la lutte contre le terrorisme est Daniel Bernard, qui avait mené l’accusation dans le procès contre les syndicalistes de Clabecq.
Tout comme les actes de terrorisme servent de justification à la politique répressive de la bourgeoisie, cette dernière alimente le terrorisme et ne résoud rien. Les énormes moyens développés par la Grande-Bretagne dans son arsenal anti-terroriste n’ont pas empêché les attentats de Londres. Quant aux centaines de milliards de dollars investis par Bush dans sa " lutte contre le terrorisme ", ils n’ont pas permis d’endiguer le terrorisme mais ont au contraire stimulé son développement à travers le monde. Il est temps de sortir de ce cercle vicieux en construisant une véritable opposition qui combat le terrorisme en s’en prenant à sa racine : le système capitaliste qui le génère.
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Pas d’issue en Irak. Bush profondément affaibli
Début novembre, la cote de popularité du gouvernement Bush n’était plus que de 39%. La plupart de la population estime qu’il est temps d’un retrait des troupes hors d’Irak, tandis que sur place le rêve d’un "modèle stable et démocratique pour le Moyen-Orient" est devenu cauchemar. Un sondage récent, commandé par le ministère britannique de la défense, a révélé que 45% des Irakiens approuvent les attaques contre les troupes d’occupation, que 82% de la population est fortement opposée à la présence de troupes étrangères, et que 67% juge que leur présence a rendu la vie "moins sûre".
Peter Delsing
Bush était déjà affaibli à cause de sa réaction, ou plutôt son absence de réaction, face à l’ouragan Katrina. A cette occasion furent démontrés l’énorme clivage entre riches et pauvres aux USA et l’extrême insensibilité de l’élite dominante à Washington. Entretemps, les cadavres de soldats américains s’empilent en Irak: récemment, le chiffre de deux mille morts fut dépassé, avec 15 milles blessés supplémentaires. Les estimations du nombre de victimes irakiennes vont elles de 25 à 100 milles!
Bush comptait sur les élections et le référendum sur la Constitution pour illustrer le " progrès politique " réalisé en Irak. Mais les conflits interethniques et la menace d’une guerre civile s’amplifient.
A l’aube du référendum sur la Constitution, 570 attaques par semaine contre les troupes étrangères étaient recencées. Cela aboutit " à la démoralisation et à la désertion des soldats ", selon l’ancien membre de l’Etat-Major américain Lawrence Wilkerson, qui fait référence à la guerre du Vietnam, où l’impérialisme américain connu une défaite sanglante.
78,6% de la population irakienne auraient voté pour la Constitution, et 21,4% contre. Dans les territoires kurdes et chiites, le vote fut massivement favorable. Les illusions manifestement présentes envers les droits d’autonomies de ces ethnies seront testé par l’expérience de l’exploitation capitaliste. Les sunittes se sont largement abstenu, et soupçonnent les résultats d’être falcifiés pour les adapter aux " besoins politiques ". Ce sentiment est peut-être justifié, les premiers résultats du vote de la province sunitte de Ninive, largements défavorables, furent d’abord retirés, puis ensuite revus à la baisse.
Entretemps, la situation de Bush s’est détériorée. Sa candidate à la Cour Suprême, élue pour sa loyauté envers le président, Harriet Miers, a fait preuve d’incapacité au Sénat, et s’est ensuite retirée. Même l’aile d’extrême-droite du Parti Républicain ne lui accorda pas son soutien.
Qui plus est, Lewis Libby, bras droit du vice-président Cheney, est inculpé de parjure, d’obstruction à la justice, de faux témoignages, etc… Il serait impliqué dans la révélation de l’identité d’un ancien agent de la CIA afin de nuire à son mari. Ce dernier est un ancien ambassadeur des USA très critique envers la Maison Blanche et l’invention de preuves pour intervenir en Irak.
La résistance contre Bush aux USA autour de la guerre et de la colère face à la repartition inégale des richesses s’amplifiera. Les travailleurs devront mener bataille pour leurs propres organes syndicaux et politiques, indépendants de la classe dominante et avec un programme socialiste s’ils veulent stopper le nivellement par le bas qu’engendre le capitalisme, et y répondre par une alternative socialiste.
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La paix et la démocratie en Irak?
Le 30 janvier, les Irakiens doivent normalement élire un nouveau parlement. Nombre d’Irakiens ont fuit entre-temps dans la Jordanie voisine et regardent avec des sentiments mélangés ces élections et, plus généralement, l’avenir de l’Irak. Dans le pays même, il n’y a pas non plus de confiance dans les élections.
Katrijn Zaman
A l’approche du 30 janvier, les attentats et la violence sont devenus une réalité quotidienne. Beaucoup d’Irakiens ne pourront ou n’oseront aller voter à cause de la situation chaotique. En tout cas, les élections ne mèneront pas à une sortie de crise. Le seul but est d’avoir un résultat conforme aux vœux des occupants américains et de leur gouvernement fantoche.
Celui qui ira quand-même voter aura de bonnes raisons de douter de l’honnêteté du scrutin. Un porte-parole de la Maison-Blanche a déjà expliqué « qu’il y a la volonté d’être flexible avec les résultats ». Un certain nombre de sièges seraient réservés à des candidats sunnites, quand bien même les élections seraient boycottées dans les régions sunnites.
L’envoi de troupes britanniques supplémentaires démontre que les forces d’occupation ont de plus en plus de mal à maintenir « l’ordre » en Irak. Les nombreuses victimes irakiennes ou américaines et les enlèvements indiquent une situation très instable qui ne permet pas d’organiser des élections sûres et honnêtes. Les quatre derniers mois de 2004 ont vu 1300 policiers irakiens tomber sous les coups de la résistance. Les forces de sécurité locales ne sont pas capables de contenir la violence alors qu’elles sont justement chargées de la protection des bureaux de vote !
Un certain nombre d’attaques ont été revendiquées par les radicaux sunnites qui veulent perturber le déroulement des élections et qui sèment la division entre les différents groupes ethniques ou confessionnels. Le fait que Rumsfeld ait envoyé un général américain en Irak pour faire une évaluation des opérations militaires trahit l’inquiétude de l’Administration Bush. La situation est d’autant moins réjouissante que certaines estimations évaluent maintenant le nombre de rebelles à 200.000, ce qui est plus que les forces d’occupation.
Les élections risquent d’être un fiasco. Des responsables irakiens ont dit que la situation était trop instable dans 4 provinces (sur 18) pour pouvoir y tenir des élections. Même si elles devaient y avoir lieu, les électeurs devront faire face à la violence et à l’intimidation. Les deux plus grands partis sunnites ont appelé à boycotter les élections pour protester contre la prise de Fallujah par les troupes américaines.
Le fait que nombre d’électeurs soient empêchés de participer aux élections et que beaucoup d’autres refusent d’y participer sera évidemment dommageable à la légitimité et à la stabilité du gouvernement. Les Chiites, qui constituent la majorité de la population, vont devenir la force dominante. D’après Scowcroft, un conseiller à la sécurité de Bush, les élections pourraient aggraver le conflit interne et mener à une guerre civile. L’impérialisme américain est prêt à s’appuyer sur les forces chiites et kurdes pour battre la résistance sunnite et maintenir leur propre domination. Le ministère américain de la Défense envisage d’utiliser des escadrons de la mort contre les rebelles, ce qui ne ferait que jeter de l’huile sur le feu.
L’opposition en Irak va continuer à croître après le 30 janvier. Certaines sources américaines évoquent une occupation de 10 à 15 ans pour mettre fin au chaos qu’ils ont créé.
Seule l’unité dans la lutte permettra à la population irakienne de se débarrasser des forces d’occupation et de décider elle-même de son avenir. Il faut une alternative indépendante, par-delà les divisions ethniques et confessionnelles, qui lutte pour les intérêts des travailleurs et des jeunes d’Irak. Cela pourrait être le début d’un vrai mouvement pour l’édification d’un Irak socialiste et d’une fédération socialiste du Moyen-Orient.
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L’Irak au cœur des élections américaines
La situation en Irak aujourd’hui évoque de plus en plus celle qui existait au Vietnam au début des années 70: une population massivement opposée à la présence d’une armée US, un pouvoir local incapable de faire face aux escarmouches et aux attaques de la guérilla, une armée américaine incapable de former une relève locale et forcée de rester en première ligne, un gouvernement fantoche qui, jour après jour, annonce des victoires partielles devant mener à une victoire totale proche… qui s’éloigne pourtant de jour en jour! La principale différence, c’est que l’intervention américaine au Vietnam a duré dix ans, avec un effectif qui a atteint 500.000 soldats, et que la déroute risque d’arriver beaucoup plus vite en Irak.
Jean Peltier
La situation n’a en effet pas cessé de se dégrader pour les USA et leurs marionnettes au cours des derniers mois. Les actions de commando s’intensifient dans la plupart des villes, l’armée US a perdu le contrôle de très nombreuses régions du pays, le gouvernement installé par les Américains n’a aucune autorité, la coordination grandit entre les diverses fractions engagées dans la résistance armée, les bombardements massifs de l’aviation US en riposte aux attentats frappent durement la population civile et augmentent la haine envers les Américains et le soutien à la résistance armée.
Il est certain qu’une fois n’est pas coutume, les questions internationales, et en particulier le terrorisme et l’Irak, joueront un rôle important dans la campagne électorale américaine. Mais il n’est pas encore clair dans quel sens elles feront pencher la balance. Car les Américains semblent très partagés sur le sujet. La domination des chaînes radio et télévision conservatrices – la grande majorité des chaînes radio et de télévision sont propriétés de quelques groupes financiers hyper puissants, dont les dirigeants sont étroitement liés aux cercles conservateurs à la tête du parti républicain – fait que la moitié au moins des Américains sont toujours persuadés qu’il y avait des armes de destruction massive en Irak, que Saddam Hussein était lié à Al Qaïda et que l’armée américaine est en train de gagner la partie en Irak.
Bush joue à fond la carte de la peur, se présentant comme le seul dirigeant capable d’en finir avec le "terrorisme international". Kerry, par contre, peine à trouver une ligne claire. Il n’est évidemment pas simple pour lui d’avoir soutenu Bush dans son escalade contre Saddam, voté pour la guerre l’an dernier et dire aujourd’hui que cette guerre était une erreur et qu’il avait été "trompé" par les informations trafiquées données par Bush ce qui ne fait pas très sérieux pour un candidat à la présidence de la première puissance mondiale.
Mais, au delà de ses petits problèmes personnels, les difficultés de Kerry viennent de ce qu’il est pris dans le dilemme qui étreint toute la classe dirigeante US. Bush est intervenu en Irak, avec le soutien de toute la bourgeoisie américaine, pour restaurer le prestige des USA ébranlé par le 11 septembre et pour prendre le contrôle des richesses pétrolières de l’Irak. Mais, un an et demi après, passée l’euphorie de la chute de Saddam, gagner la guerre apparaît de plus en plus impossible. Mais devoir quitter ce pays en l’abandonnant au chaos ou, pire encore, à un nouveau régime ennemi est une option encore plus impossible à envisager pour les dirigeants américains. D’où les propositions avancées par Kerry pour "internationaliser" le conflit et impliquer l’ONU dans la gestion de la crise, ce qui ouvrirait peut être une porte de sortie honorable aux Etats Unis. Mais les pays qui ont soutenu Bush rechignent à en faire plus et ceux qui s’opposaient à la guerre: France, Allemagne, Russie, Chine, Brésil, Inde,… n’ont aucune envie d’aller s’embourber dans les sables irakiens et de devenir des cibles ouvertes pour la ré&sistance irakienne.
Bush et la victoire rapide impossible. Kerry et le désengagement progressif tout aussi impossible. Nuits blanches et avenir noir sont au programme des futurs stratèges de la Maison Blanche.
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IRAK: Le fantôme du Vietnam revient hanter Bush
Le 30 juin est la date retenue pour le passage symbolique du pouvoir en Irak à une nouvelle autorité. Ce changement sera évidemment de pure façade: une autorité non élue et choisie par l’occupant américain sera remplacé par une nouvelle autorité… non élue et choisie par l’occupant américain. Mais, demain comme hier , le pouvoir réel appartiendra toujours à l’armée américaine.
Jean Peltier
Car le fait le plus marquant de ces dernières semaines est la montée du nombre d’attaques contre l’armée US et surtout contre ceux qui collaborent avec elle. Les postes de recrutement pour la police et l’armée sont devenues les cibles quotidiennes des groupes de résistants, tandis que l’organisation liée à Al-Qaïda multiplie les enlèvements de militaires et de civils étrangers, de manière à faire monter la pression sur les gouvernements de ces pays pour qu’ils se retirent du pays.
Quinze mois après le début de la guerre, le bilan est désastreux pour Bush. L’Irak devait devenir un « modèle » pour l’instauration de la démocratie « à l’américaine » au Moyen-Orient ; aujourd’hui, le pays est dans un état chaotique et le nouveau régime installé par l’armée américaine ne dispose d’aucune base populaire en dehors du Kurdistan. La chute de Saddam Hussein devait représenter un coup fatal au terrorisme ; l’Irak est devenu une base d’accueil pour les militants des mouvements intégristes radicaux de tout le monde musulman. La mainmise sur l’Irak devait assurer aux compagnies américaines le contrôle de l’appareil de production pétrolier et surtout des énormes réserves enfouies dans le sol du pays .
Aujourd’hui, la production reprend à grand peine, les actes de sabotages dans les raffineries et les pipelines se multiplient et le cours du pétrole s’envole sur les marchés internationaux. Et, cerise sur le gâteau, la guerre devait assurer à Bush une réélection dans un fauteuil. Au lieu de quoi sa cote de popularité baisse avec régularité.
Bush est maintenant confronté à un dilemme extrêmement douloureux. Soit il opte pour un gouvernement fantoche et une administration reconstruite et soumise aux USA. Mais, pour cela, vu l’impopularité énorme de l’occupation parmi la population et la multiplication des attentats, l’administration américaine sera obligée d’envoyer de plus en plus de troupes en Irak. Soit le gouvernement US essaie d’échapper à l’enlisement et retire peu à peu ses troupes d’Irak, laissant ses partisans se débrouiller sur place. Mais cela paraîtrait aux yeux du monde entier comme l’aveu d’un échec colossal…. avec le risque, en plus, de voir l’Irak basculer dans un chaos complet.
Trente ans après, le fantôme du Vietnam revient hanter le pensionnaire de la Maison Blanche : soit l’enlisement pendant des années, soit le retrait sans gloire et lourd de conséquences, soit l’un puis l’autre !
Mais, quoiqu’il arrive en Irak, un mythe s’est déjà effondré : celui de la superpuissance américaine que, depuis la chute du mur de Berlin et l’accélération de la mondialisation, rien ne pourrait plus arrêter. La résistance de la population irakienne, comme auparavant celle du Vietnam, montre les limites de la puissance US : elle peut, grâce à son énorme potentiel technologique et militaire, gagner sans trop de difficultés une guerre conventionnelle – surtout contre un régime dictatorial du Tiers- Monde. Mais elle ne peut imposer sa volonté face à la résistance massive d’un peuple.
« Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage » (Jean Jaurès)
Le vingtième siècle a été un siècle de guerres d’une ampleur jamais égalée jusque là : 10 millions de morts lors de la Première Guerre Mondiale, 55 millions lors de la Deuxième, 2 millions dans les guerres successives d’Indochine et du Vietnam et des dizaines de millions d’autres au cours de la centaine d’autres guerres locales ou régionales qui ont ravagé un grand nombre de pays depuis 1945.
Certes, les guerres font partie de l’histoire de l’humanité depuis des millénaires mais le passage au capitalisme a donné une nouvelle ampleur à cellesci. Dès le 16e siècle, les premières bourgeoisies marchandes ont largement assis leur fortune sur la conquête du continent américain, qui a entraîné l’extermination d’une grande partie des populations indiennes d’Amérique, et sur la colonisation de l’Afrique, où le pillage des richesses s’est accompagné de la déportation de millions d’Africains vers les Amériques. Dans ce monde colonial, les grandes puissances européennes, l’Espagne, puis la France et la Grande-Bretagne, ont utilisé continuellement la guerre pour accroître leurs richesses et leur empire.
Ces guerres de rapines et de pillages menées par les Etats ne diffèraient encore des anciennes guerres féodales que par leur ampleur. Mais il est un autre type de guerre plus propre au capitalisme qui va ensuite se développer : celle qui prolonge directement la concurrence économique entre les entreprises.
Au cours des cent cinquante dernières années se sont constituées dans les pays économiquement les plus avancés de grandes entreprises ne visant plus seulement un marché national devenu trop étroit mais aussi une expansion internationale qui les pousse à l’affrontement avec leurs concurrents d’autres pays. Dans ce jeu, chaque Etat national exerce toute la pression dont il est capable – y compris au plan militaire – pour aider ses propres capitalistes à prendre l’avantage sur leurs rivaux étrangers. Aussi longtemps que l’économie est en expansion, la plupart des multinationales peuvent espérer réaliser des profits suffisants pour continuer à se développer. Mais quand une crise économique survient et s’approfondit, la concurrence économique devient une véritable guerre économique et la lutte pour la vie des capitalistes peut devenir une lutte pour la vie entre Etats, chacun disposant de moyens de destruction grandissants.
Les deux grandes guerres mondiales ont été des guerres impérialistes, c’està- dire des conflits entre des alliances d’Etats capitalistes pour le contrôle des ressources et des marchés et pour la domination du monde. Par la suite, la grande majorité des guerres ont eu comme toile de fond les luttes entre les multinationales et leurs Etats pour s’emparer du contrôle de positions économiques et stratégiques décisives.
Les deux guerres du Golfe avaient évidemment pour enjeu le contrôle du pétrole. Mais des guerres beaucoup plus locales n’échappent pas à cette logique. Ainsi, dans les multiples conflits qui ensanglantent l’Afrique, derrière les luttes entre chefs locaux pour le pouvoir se dessinent les manoeuvres des USA pour élargir leur emprise au détriment des anciennes puissances coloniales anglaises et françaises.
La concurrence et la guerre sont inséparables et elles sont toutes deux au coeur même de l’existence du capitalisme. Ce n’est qu’en renversant ce système barbare et en construisant un système réellement socialiste – remplaçant la concurrence et la course effrénée au profit par une planification démocratique permettant d’orienter la production vers la satisfaction des besoins de la majorité de la population – que nous pourrons instaurer une véritable paix mondiale.
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Élections américaines: Les travailleurs n’ont pas de candidat
Élections américaines:
LES DEVELOPPEMENTS économiques et politiques aux Etats-Unis ont de lourdes conséquences au niveau mondial. D’où l’attention particulière qui se focalise sur les élections présidentielles américaines. Bush a incarné la politique agressive de l’impérialisme américain. C’est pourquoi on envisage avec beaucoup d’anxiété l’issue du scrutin présidentiel du début novembre. Une défaite de Bush ne manquerait pas de réjouir les opprimés du monde entier. Aux Etats-Unis, une grande partie de la population pousserait un soupir de soulagement. Ils espèrent qu’un autre président accordera plus d’attention aux problèmes des travailleurs américains et de leur famille et qu’il parviendra à faire reculer la vague montante d’anti-américanisme.
Bart Vandersteene
Les Etats-Unis, un géant économique aux pieds d’argile!
La guerre en Irak a semblé confirmer l’idée que le monde évoluerait vers un système unipolaire où une seule grande puissance, les Etats-Unis, jouerait le rôle de gendarme du monde. La base économique d’une telle politique n’existe pourtant pas et repose, comme nous l’avions déjà dit auparavant, sur la création de différentes bulles condamnées à éclater un jour ou l’autre.
La croissance économique exceptionnellement longue des années nonante était essentiellement due à la stimulation de la consommation intérieure, avec un endettement colossal à la clé. Il y a d’abord eu l’effervescence boursière qui a répandu le sentiment de richesse dans la société américaine. L’Américain moyen voyait enfin le «Rêve américain» devenir réalité en achetant les actions d’entreprises de haute technologie, dont les cours montaient en flèche. Il ressort d’un sondage d’opinion paru fin 1999 que 19% des Américains croyaient alors appartenir au cercle privilégié du 1% le plus riche. Une autre tranche de 20% croyaient pouvoir y accéder un jour.
Cette bulle a entretemps éclaté et nombre d’Américains sont retombés sur terre. Ceci n’a évidemment pas été sans conséquences pour l’économie américaine. D’un seul coup, la richesse des Américains s’est trouvé ramenée à de plus justes proportions. Nombreux sont ceux qui avaient emprunté pour pouvoir acheter ces actions. Pour différer le plus possible la crise économique, les autorités ont décidé de faire baisser les taux d’intérêt à un niveau historiquement bas de 1%. Cela signifie qu’il fallait éviter coûtequecoûte que les Américains cessent de consommer et commencent à épargner. Le taux d’épargne s’élevait à 1,3% en décembre 2003. Cela signifie que les Américains n’épargnent que 1,3% de leur revenu total. En Belgique, il se situe entre 14 et 15%. Les familles américaines ont donc accumulé des montagnes de dettes. Il y a déjà làbas des jeux télévisés où le gagnant remporte… la suppression de ses dettes.
Outre la baisse des taux, l’Administration a encore utilisé d’autres moyens pour maintenir cette consommation aussi longtemps que possible. D’un côté, il y a eu l’énorme baisse d’impôts pour les riches ainsi que la baisse d’impôts des entreprises. Mais cela n’a créé que très peu d’emplois. Pas moins de 3 millions d’emplois ont été perdus dans l’industrie sous la présidence de Bush. Les baisses d’impôts pour les patrons ne créent pas d’emplois. Le monde entier en fait au-jourd’hui la dure expérience. Un bureau d’étude a calculé que Bush aurait tout aussi bien pu affecter l’argent de ces baisses d’impôts au recrutement de 2,5 millions d’Américains pour creuser des puits et de 2,5 millions d’autres pour les reboucher. Du moins cela auraitil donné un revenu décent à 5 millions d’Américains. L’administration a évidemment compensé le manque à gagner en recettes fiscales par des coupes sombres dans les dépenses sociales qui ont encore accru l’écart entre riches et pauvres.
Les Etats-Unis essayent maintenant d’exporter leur crise en laissant chuter le cours du dollar. Cela rend leurs produits meilleur marché à l’exportation leur valeur est libellée en dollars. Chacune de leurs manoeuvres ne fait qu’aggraver les problèmes de l’économie mondiale. Toute cette bulle éclatera tôt ou tard.
Kerry contre Bush/Edwards contre Bush?
C’est toujours l’élite qui gagne
Il semble que John Kerry sera le candidat démocrate qui fera face à Bush en novembre. Les électeurs démocrates qui ont voté pour lui n’ont pas vu dans Kerry le candidat qui avait les meilleures idées, mais bien celui qui avait le plus de chances de battre Bush.
D’après un sondage d’opinion de la chaîne TV ABC, Kerry obtiendrait 52% des voix contre 43% pour Bush si les élections présidentielles avaient lieu maintenant. Mais toute la question est de savoir si l’élection de Kerry changerait quoi que ce soit à la politique américaine. Elle présentera sans doute une façade moins agressive, mais rien ne changera sur le fond. Kerry n’atil pas voté pour la guerre en Irak?
John Kerry est devenu multi-millionnaire en épousant la veuve du magnat du ketchup Heinz. Comme Bush, il a étudié à l’université de Yale et, comme Bush encore, il est membre du club élitiste «Skull and Bones», une association fondée en 1832 par des esclavagistes. C’est devenu depuis lors une société secrète dont les membres sont triés sur le volet sur base de leurs liens familiaux, de leur hérédité et de leur fortune. Elle n’admet dans ses rangs que 15 nouveaux membres par an. John Kerry était l’un d’eux en 1966, Bush l’a suivi en 1968. Les heureux élus jurent fidélité éternelle à la Société et à ses membres, les «Bonesmen».
Kerry a été sénateur du Massachusetts pendant 20 ans. On cherchera en vain dans les annales du Sénat la moindre initiative de Kerry en faveur de la population laborieuse. Bien au contraire, il n’a manqué aucune occasion de défendre l’économie de marché, la libéralisation,… Son nom est de plus en plus associé à des scandales de corruption impliquant de grosses firmes du secteur de la construction et à la défense constante des intérêts du big business.
La majorité de la population mondiale n’a rien de bon à attendre de ces élections. Ou comme l’a écrit Michael Colby du magazine Wild Matters: «Lorsqu’on tend l’oreille, on se rend compte qu’on n’est pas seul en entendant les rires étouffés qui s’échappent de derrière le rideau qui dissimule les élites politiques aux yeux des masses. Il y a une fête qui se déroule et nous n’y avons pas été conviés. (…) Un duel Bush/Kerry est un scénario de rêve pour ces gens qu’on appelle l’élite dominante, ce club fermé de leaders économiques, politiques et militaires qui tiennent réellement entre leurs mains les rênes de la nation».
Il a d’abord semblé que Howard Dean l’emporterait en tant que démocrate «plus radical» affichant des positions en flèche contre Bush et la guerre. Mais Dean a fini par casser sa propre image. Il est apparu comme un membre de l’élite politique et économique au même titre que les autres candidats. Mais un candidat démocrate pourratil faire la différence? Ou pour le dire autrement: les travailleurs et les jeunes américains peuventils utiliser le Parti démocrate comme instrument pour défendre leurs intérêts?
Michael Moore répond à cette question dans son livre Mike contre-attaque: «Y atil une différence entre les démocrates et les républicains? Oui. Les démocrates disent une chose et font l’inverse serrer la main en coulisses aux salopards qui rendent ce monde plus dégoûtant et plus sordide. Les républicains ne s’embarrassent pas de fauxsemblants et donnent aux salopards une officine dans l’aile ouest de la Maison Blanche. C’est ça la différence. Tant qu’à faire, il vaut encore mieux dépouiller quelqu’un sans crier gare plutôt que de le faire après lui avoir promis protection».
On peut dire que le Parti démocrate est en passe de devenir le cimetière des mouvements sociaux. En imposant la logique du «moindre mal» (voter pour les démocrates pour battre les républicains), ils étouffent dans l’oeuf tous les mouvements qui tentent de forcer le changement par la mobilisation. Car toute critique des démocrates affaiblit leur position électorale. Et vous ne voudriez tout de même pas qu’un républicain soit élu!
Il faut briser ce cercle vicieux. On ne peut y arriver qu’en construisant un mouvement de masse dans la rue, un mouvement indépendant des démocrates. Un tel mouvement ne tardera pas à arriver à la conclusion qu’il lui faut son propre prolongement politique pour pouvoir remporter la lutte.
Aussi Nader est candidat
Lors des élections présidentielles de 2000, Nader avait obtenu 2,8 millions de voix en tant que candidat indépendant sur la liste des Verts. Après beaucoup d’hésitations Nader a décidé de se presenter en novembre 2004. Les Verts vont probablement appeler à voter pour les démocrates; il faudra donc mettre sur pied de nouveaux comités pour soutenir un candidat indépendant. Mais il y a certainement un espace aux Etats-Unis pour une politique radicale qui défende les intérêts des travailleurs et des jeunes. La moitié de la population n’ira sans doute pas voter. Ils n’ont pas le moindre espoir qu’un président démocrate puisse améliorer leurs conditions de vie ou de travail.
Nader a beaucoup de faiblesses. Il ne choisit pas clairement entre les travailleurs et les patrons. Il a disparu de la scène depuis les dernières élections. Mais une candidature indépendante serait à même de rassembler ces forces éparses dans la société comme étape préparatoire à la création d’un nouveau parti. Les socialistes ont un rôle de catalyseur à jouer dans ce type de processus tout en avançant un programme socialiste. C’est la double tâche que s’assigne aujourd’hui Socialist Alternative, notre organisationsoeur aux Etats-Unis.
A lire:
- Michael Moore: Mike contre-attaque (Ed. 10-18)
- Suzy Hendrikx: Une Bosse dans le Rêve américain
- Thomas Friedman: Longitudes and Attitudes
Disponible auprès du MAS/LSP:
- Howard Zinn, Une Histoire populaire des Etats-Unis de 1492 à nos jours (Ed. Agone)
- Why we need a Labor Party (brochure de Socialist Alternative)