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  • Les villes britanniques explosent – Un mouvement de masse des travailleurs est nécessaire pour vaincre le gouvernement

    “Les images de désespoir et d’explosions de colère, comme celles de 1981, seront de retour dans nos rues. Les zones défavorisées des grandes villes –si pas les quartiers centraux alors les banlieues comme en France – seront le terrain de nouveaux incendies.” C’est l’avertissement que le ‘Socialist Party’ (section du CIO en Angleterre et Pays de Galles) avait donné il y a quatre mois dans un article à l’occasion de l’anniversaire des émeutes de Brixton en 1981. Cette semaine, des milliers de personnes ont été confrontées à la dévastation de leur quartier.

    Dossier par Hannah Sell, Socialist Party. Photos de Paul Mattson

    C’est une tragédie pour les petits commerçants dont le magasin a été pillé ou incendié, pour les travailleurs dont la voiture a été brûlée et peut-être encore pire pour ceux qui ont vu leur maison partir en fumée. Les pompiers ont été confrontés à des difficultés terribles dans leur tentative d’éteindre les incendies alors qu’autour d’eux il y avait des émeutes. Ces explosions de colère dans la rue sont les plus fortes que la Grande-Bretagne ait connu depuis le milieu des années 80. Les ministres se sont dépêchés de quitter leurs lieux de vacances pour tenter de “rétablir l’ordre”. Le Parlement a été rappelé jeudi [hier]. Jusqu’à présent, la seule réponse des politiciens bourgeois a consisté en des déclarations tapageuses sur la “racaille”, les “criminels” et la “violence aveugle”.

    Les travailleurs qui habitent dans les quartiers touchés sont évidemment en colère contre les destructions qui ont eu lieu, mais ils seront également furieux des tentatives du gouvernement de se décharger de toute responsabilité par rapport à la situation. La réponse du “New Labour” est essentiellement la même que celle des conservateurs. Ed Miliband a simplement qualifié les émeutes de“comportement criminel scandaleux” et a exigé que David Cameron donne l’ordre “d’une intervention policière la plus forte possible.” Diane Abbot, députée du Hackney Nord et historiquement de l’aile gauche du Labour Party, a appelé à établir un couvre-feu. La direction du New Labour n’a à aucun moment mentionné les raisons pour lesquelles les jeunes ont pris part aux émeutes. Et ce n’est pas surprenant.

    Le chômage de masse, les coupures dans les services publics et la violence policière ont tous augmentés lorsque le New Labour était au pouvoir. Malgré toutes les tentatives des politiciens capitalistes d’ignorer la réalité, ce n’est pas par hasard que la Grande-Bretagne soit en feu en ce mois d’août 2011. Ceci est le résultat des circonstances sociales auxquelles est confrontée une génération de jeunes dans les villes.

    Pendant les troubles des années 1980 le gouvernement conservateur de l’époque définissait les manifestants comme des "hooligans". Maintenant que ces émeutes appartiennent à un passé lointain, Edwina Currie et d’autres conservateurs admettent que les préoccupations des émeutiers, telles que le chômage de masse et les préjugés des policiers étaient légitimes. Bien entendu, ils ont immédiatement déclaré que la situation aujourd’hui est complètement différente. En réalité, rien n’a fondamentalement changé pour les jeunes dans les grandes villes. Les évènements actuels sont un cri de rage et de désespoir d’une génération qui est jetée au rebut. Ce ne sont pas des émeutes raciales, il s’agit de gens pauvres de toutes origines ethniques dans les grandes villes.

    En colère et défavorisés

    Les motivations des personnes impliquées varient, mais certains éléments reviennent souvent. Ils ont été résumés par une femme interviewée à la radio: "Je ne suis pas une voleuse, mais je suis en colère." D’autres ont pris part aux pillages des magasins. Les magasins d’électronique et de vêtements de sport ont été la cible principale, mais les supermarchés aussi y sont passés. À Tottenham, l’Aldi a été vidé et à Lewisham, ce fut le cas pour le supermarché Morrisons. Ce ne sont pas uniquement les produits de luxe qui ont été fauchés mais aussi les produits de première nécessité.

    Qu’est-ce que cela nous dit sur la Grande-Bretagne, un pays capitaliste «développé», si tant de gens sont suffisamment désespérés pour ne pas penser aux conséquences à prendre part aux pillages massifs de magasins ? Des jeunes ayant un travail décent et des perspectives d’avenir ne participeraient normalement pas à de telles actions. Mais en Grande-Bretagne, il y a aujourd’hui près d’un million de jeunes chômeurs qui s’entendent effectivement dire qu’ils n’ont aucune perspective pour l’avenir. Les bourses sont en chute libre dans le monde entier, et l’idée que le capitalisme n’a rien à offrir à cette «génération perdue» gagne du terrain. Le chômage des jeunes à Londres est de 23%, dans certains milieux, il est encore beaucoup plus élevé.

    Hackney et Tower Hamlets ont le taux de chômage des jeunes le plus élevé du pays, Tottenham suit pas très loin derrière. Ces jeunes vivent très près des millionnaires et des milliardaires de la ‘City de Londres’ (quartier financier), mais ils n’ont presque aucune chance d’avoir un salaire minimum, et encore moins de trouver un job décent. Les véritables pilleurs sont les requins de la finance qui font des milliards de bénéfices en spéculant sur les marchés boursiers et en pillant l’économie de pays entiers, conduisant parfois une population entière – comme en Grèce – à la pauvreté extrême.

    Est-il surprenant que dans une société qui encourage les entrepreneurs privés à utiliser tous les moyens possibles pour faire du profit, les jeunes chômeurs décident de se procurer un certain nombre de produits avec tous les moyens dont ils disposent ?

    Minorités ethniques

    Ces émeutes ne sont pas des «émeutes raciales» et incluent des jeunes de tous les groupes ethniques, mais il est vrai que beaucoup d’entre eux sont Noirs. Les politiciens capitalistes essaient de nous faire croire que le racisme n’existe plus en Grande-Bretagne, mais c’est faux.

    Toutes les minorités ethniques gagnent encore toujours moins que les Blancs en moyenne. La différence de revenu est de 10% inférieur pour les hommes Chinois et de 27% pour les hommes du Bangladais. Même les minorités ethniques avec un haut niveau de compétences et d’éducation ont généralement des salaires plus bas. Le taux de pauvreté est au-dessus de la moyenne parmi toutes les minorités ethniques. Il y a beaucoup de pauvreté particulièrement parmi les Bangladais (deux Bangladais sur trois sont pauvres), les Pakistanais et les personnes originaires d’Afrique sub-saharienne. De plus les minorités ethniques sont à peine représentées parmi les cadres des grandes entreprises. Aucun des 98 juges de la Cour suprême n’est originaire d’une minorité ethnique et parmi les 563 autres juges, il n’y en a que quatre. Moins de 1% de l’armée vient d’une minorité ethnique. Il n’y a que quelques députés Noirs ou Asiatiques. Le capitalisme britannique a été incapable d’améliorer les conditions de vie des Noirs et des Asiatiques, seule une petite minorité s’élève.

    La colère face à la brutalité policière est un facteur majeur dans l’explosion. À Tottenham, les émeutes ont commencé après que Mark Duggan ait été abattu par la police. L’IPCC, l’organisme des plaintes de la police, a déjà du admettre que la balle qui se trouvait dans la radio de la police et qui avait été attribuée à M. Duggan provenait en fait d’une arme de police. La population à Tottenham est en droit de ne pas avoir confiance en l’IPCC pour mener une enquête indépendante. Les syndicats doivent se battre pour obtenir une enquête véritablement indépendante dirigée par des représentants élus des syndicats locaux, des organisations de quartier et en particulier des jeunes.

    Une telle enquête est nécessaire pour les émeutes qui ont eu lieu et leurs causes. Beaucoup de jeunes qui ont été interviewés lors des émeutes expriment une colère contre la politique de la police de les arrêter et de les contrôler en permanence. Entre 2005 et 2009, le contrôle des Asiatiques a augmenté de 84% et celui des Noirs de 51%. L’Etat veut maintenant aller plus loin en utilisant la ‘Section 60’ pour étendre la possibilité d’arrêter et de fouiller les gens sans la moindre raison de les suspecter.

    Il y a eu plusieurs manifestations pacifiques contre cela, mais cela n’a rien donné. Cela a donné le sentiment qu’il fallait en faire «plus». À Tottenham, la famille et les amis de Mark Duggan ont défilé vers le poste de police où ils ont attendu en vain pendant des heures un porte-parole de la police. Ce n’était pas un événement isolé. Un jeune de Tottenham a déclaré dans les médias: "Vous ne voudriez pas me parler maintenant s’il n’y avait pas d’émeutes. Il y a deux mois, nous avons défilé vers Scotland Yard, nous étions plus de 2000, tous Noirs. C’était une manifestation pacifique et vous savez quoi ? Il n’y a pas eu un seul mot dans la presse. Hier soir, il y a eu quelques protestations et des pillages et regardez maintenant autour de vous."

    Coupes dans les services publics

    Le chômage de masse et le harcèlement de la police ont conduit à une situation explosive. Pour beaucoup, la décision de supprimer les dernières miettes du budget qui tentaient de diminuer l’effet du chômage massif des jeunes a été la goutte qui a fait déborder le vase. Le gouvernement a décidé de supprimer les bourses d’études, malgré les protestations massives. C’était pour beaucoup de jeunes des milieux ouvriers la seule possibilité de continuer des études. On demande toujours aux jeunes de s’élever en suivant une formation. Mais c’est désormais beaucoup plus difficile. Par ailleurs, les frais d’inscription seront augmentés à 9 000 £ par an. L’accès à l’enseignement supérieur pour de nombreux jeunes d’origine modeste est donc devenu très limité.

    Cela s’ajoute aux coupes du gouvernement dans des services publics déjà saturés. Ces économies sont effectuées par les administrations communales des travaillistes, des conservateurs et des libéraux-démocrates. Au lieu de défendre leur communauté locale et de refuser les coupes budgétaires, comme le Socialist Party l’exige et comme l’a fait l’administration communale de Liverpool dans les années 80, chaque administration Labour procède aux coupes substantielles dans les services publics. Les services de la jeunesse à Tottenham se sont vus supprimés 75% de leurs ressources. Au niveau national, Connexions, un service pour conseiller les jeunes sur l’emploi et les allocations, a été supprimé. De nombreuses autorités locales n’offrent pas de conseils aux jeunes. Et ce n’est que la première année de l’austérité annoncée, les prochaines années iront encore beaucoup plus loin.

    Le gouvernement fait tout pour nier la relation entre les coupes budgétaires et les émeutes. Mais il y a seulement quelques semaines, avant les dernières élections parlementaires, le leader du Lib-Dem, Nick Clegg, a déclaré que les économies des conservateurs conduiraient à des émeutes. N’est-ce la preuve de la vue à court terme d’un gouvernement qui encourage des économies dans des services qui formaient un certain élément de «contrôle social» sur la jeunesse ? Il faudra désormais plusieurs fois les sommes qui ont été économisées grâce aux coupes pour s’attaquer aux conséquences des émeutes.

    Dans la foulée des émeutes, des campagnes locales sont nécessaires pour la réouverture immédiate de tous les établissements pour jeunes qui ont été fermés et de Connexions. Le gouvernement doit prévoir les moyens pour cela.

    Les émeutes ne sont pas une solution

    Les émeutes ne sont pas la façon dont nous pouvons infliger une défaite au gouvernement. Au contraire, elles n’apportent que des dommages dans les quartiers où vivent les travailleurs. Cela donne de plus une excuse aux capitalistes pour renforcer l’appareil répressif de l’État. Le Socialist Party n’est pas d’accord avec ceux qui tolèrent les émeutes. Comme le ‘Socialist Workers Party’, qui distribue des affiches dans les quartiers touchés présentant les émeutes comme un pas vers la révolution (« des émeutes à la révolution »).

    Les troubles actuels sont une indication de la rage aveugle contre le système. Sans doute certains de ces jeunes ont été inspirés par les révolutions qui ont renversé les dictatures du Moyen-Orient et les mouvements sur les places en Grèce et en Espagne. Mais ces mouvements avaient un caractère différent de ces émeutes. La situation était évidemment différente dans chaque pays, mais toutes les occupations des places – de l’Espagne à l’Égypte – étaient des actions de masse relativement disciplinées qui réagissaient préventivement contre les actes de violence à l’encontre des commerces de proximité, etc. C’est la raison pour laquelle le mouvement qui avait commencé en grande partie parmi les jeunes a pu s’élargir et gagner le soutien de couches plus larges.

    Les émeutes ont reçu une large attention des médias, mais ont surtout été saisies par ces médias et le gouvernement pour continuer de diaboliser les jeunes et pour insérer un élément de division dans la lutte contre le gouvernement. Le gouvernement ne sera vaincu que si nous construisons un mouvement massif et uni de tous ceux qui sont touchés par les coupes budgétaires. La classe ouvrière organisée dans les syndicats devrait jouer un rôle clé.

    En Égypte, Moubarak a dû finalement démissionner quand la classe ouvrière a organisé une grève générale. En Grande-Bretagne, la ‘Poll Tax’ de Thatcher n’a pas été mise à bas par les émeutes de mars 1990, mais par les campagnes massives de ‘non-paiement’ organisées auxquelles ont participé 18 millions de personnes.

    Actions syndicales

    Cette année, le jour qui a effrayé le plus le gouvernement britannique était le 30 juin. 750 000 employés du secteur public se sont mis en grève. Malheureusement, cela représentait seulement un cinquième des membres du personnel du secteur public, les autres appartenaient à des syndicats qui n’avaient pas fait appel à la mobilisation. Les dirigeants des plus grands syndicats du secteur public étaient contre une participation, en dépit de la pression de la base. L’échec des dirigeants syndicaux britanniques pour mener une lutte sérieuse contre toutes les économies est l’une des raisons principales pour laquelle les émeutes ont éclaté.

    Brendan Barber, secrétaire général du TUC, la fédération syndicale, avait averti que les économies conduiraient à des émeutes. Mais il n’a rien fait à travers l’action collective pour les éviter. Si le TUC, comme nous l’avions demandé, avait organisé une lutte sérieuse contre le gouvernement et de surcroît, avait mobilisé ses sept millions de membres, le gouvernement aurait déjà été chassé du pouvoir. Si en octobre de l’année dernière, le TUC avait organisé une manifestation nationale contre les coupes, avait mobilisé pour des actions conjointes avec les étudiants en novembre, puis avait appelé à une grève générale de 24 heures dans le secteur public, il aurait pu compter sur un large soutien. Il aurait aussi exercé une force d’attraction sur les couches les plus opprimées de la jeunesse.

    Après que toutes les actions aient été reportées, le TUC doit maintenant agir rapidement. Un appel immédiat à une manifestation nationale contre toutes les économies et pour un avenir pour les jeunes doit venir tout de suite. Cela doit être une étape vers des actions de grèves coordonnées en automne, avec cette fois un appel aux quatre millions des travailleurs du secteur public, combinées à une grève des écoliers et des étudiants.

    Une manifestation syndicale doit indiquer clairement que les syndicats veulent, ensemble avec les jeunes, défendre une alternative. Le soutien très large des syndicats cet automne à la campagne ‘Youth Fight for Job’ (jeunes en lutte pour l’emploi) et à la ‘Jarrow Mars’ (Marche de Jarrow), protestations contre le chômage élevé des jeunes, a démontré le potentiel.

    Il est cependant important que la manifestation soit organisée autour de revendications claires. Parmi celles-ci, la réintroduction de la bourse d’étude doit être exigée, ainsi que la suppression des frais d’inscriptions dans les universités.

    Les syndicats doivent également résister à toute tentative du gouvernement de saisir les émeutes comme une occasion supplémentaire de persécuter les jeunes. Nous devrions au contraire nous lever pour que cessent les fouilles arbitraires des jeunes et nous opposer aux tentatives d’élargir l’appareil répressif de l’Etat. La Ministre Teresa May a déclaré précédemment qu’elle introduirait en Grande-Bretagne les canons à eau et des gaz lacrymogènes. L’utilisation immédiate de balles en caoutchouc est à l’étude. Si cela arrive réellement, ce sera utilisé à l’avenir contre les manifestations de travailleurs et d’étudiants. L’année dernière, nous avons vu comment la police a réagi avec violence aux manifestations d’étudiants. Les syndicats doivent exiger que le contrôle de la police soit dans les mains de comités locaux élus démocratiquement.

    L’éruption de colère dans les rues britanniques est une condamnation du capitalisme qui est incapable d’offrir à la prochaine génération ne serait-ce que le niveau de vie faible qu’ont connu les travailleurs au cours des vingt dernières années. Les syndicats doivent agir maintenant pour montrer qu’ils sont du côté des jeunes. Pour être pleinement efficace, ceci doit être couplé à la lutte pour la construction d’un nouveau parti de masse des travailleurs et des jeunes. Un tel parti devrait prôner une société socialiste.

    Rien qu’en passant sous une propriété publique et démocratique les grandes entreprises qui dominent l’économie britannique, il serait possible d’offrir aux jeunes un véritable avenir. Le capitalisme ne peut même pas offrir à la prochaine génération les besoins de base tels que l’emploi, le logement et l’éducation. Le socialisme démocratique signifierait que la production soit planifiée pour répondre aux besoins de chacun et pas au profit d’une petite minorité.

    Le Socialist Party exige:

    • Une étude indépendante menée par les syndicats sur la mort de Mark Duggan, sur la façon dont les émeutes ont été abordées et sur les causes des émeutes. La suppression de l’IPCC. Nous avons besoin d’une responsabilisation de la police par un contrôle démocratique de comités locaux.
    • Stop aux fouilles. Non à la section 60.
    • Pour un contrôle démocratique de la police par des comités locaux élus comprenant des représentants des syndicats, des conseillés communaux, des associations de locataires et des comités de quartiers.
    • Le gouvernement doit prendre immédiatement en charge les pertes et les frais des petits commerçants et des propriétaires de logement encourus suite aux émeutes.
    • Les communes doivent offrir un nouveau logement à ceux qui ont perdu leur maison au cours des émeutes. Pour un investissement dans les logements sociaux et la rénovation, créant ainsi des emplois et une amélioration de la santé.
    • Pour un retour en arrière immédiat sur les décisions visant à supprimer les services locaux d’aide à la jeunesse et Connexions. Le gouvernement doit mettre les moyens en place.
    • Non à toutes les coupes sur le plan de l’emploi et des services publics. Enseignement gratuit et de qualité, une formation pour tous. Réintroduction des bourses d’études et suppression des droits d’inscription. Nous exigeons de gros investissements publics dans l’emploi et les services publics.
    • Pour une campagne massive qui défende ces exigences et qui prône aussi un changement socialiste de la gestion de la société. Pour une planification démocratique de la richesse et des moyens de la société et ce sous le contrôle et la gestion de la classe des travailleurs et non sous celui des millionnaires.
  • Grande-Bretagne: Nationalisation du groupe Murdoch !

    Le ‘Murdochgate’, c’est le Watergate de Grande Bretagne. En politique existe également ‘‘l’effet papillon’’, tout comme dans la nature. Un tout petit événement – un battement d’ailes de papillon selon la célèbre métaphore – peut entraîner toute une chaîne d’évènements jusqu’à des conséquences jamais vues. Dans le cas de l’affaire du Watergate, cela a conduit jusqu’à la chute et au discrédit total de Richard Nixon, le président du pays le plus puissant sur terre, les Etats-Unis. Cameron et son gouvernement pourri et corrompu font face au même processus aujourd’hui.

    Editorial du Socialist, hebdomadaire du Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    Le Watergate a exposé la pourriture présente au Cœur même de l’administration américaine et a menacé le système social sur lequel il est basé : le capitalisme. La classe dirigeante américaine a été prise d’effroi et en particulier le régime quasiment hors de contrôle et semi-dictatorial de Nixon et de ses acolytes, qui avaient notamment poursuivi et amplifié l’aventure US au Vietnam, guerre qui n’était pas encore terminée lors de son éviction de la Maison Blanche. Le Watergate a exposé la toile complexe de mensonges et de conspirations qui entremêle les politiciens capitalistes, les criminels et l’Etat. Ce n’est que grâce au travail de quelques journalistes et que Nixon avait lié ses crimes les uns aux autres que la vérité a finalement pu éclater au grand jour. Il est maintenant question de révélations similaires. Cameron, l’empire Murdoch et la police sont impliqués dans une tentative de renverser les droits démocratiques du people britannique.

    Au départ, il y a eu l’émoi suscité par la divulgation du numéro de portable de Milly Dowler, une écolière assassinée, par un employé du journal News International, qui fait partie de l’empire Murdoch. L’outrage de masse qui s’est développé a bouleversé les projets de Murdoch et d’autres comme Cameron et son gouvernement, qui n’ont pas réussi à stopper le scandale. Quelques jours plus tôt, il était clair que le Secrétaire à la Culture, Jeremy Hunt, était prêt à accepter de céder à Murdoch la majorité de la propriété du satellite BSkyB, ce qui lui aurait livré le contrôle de 40% des moyens de communication britanniques. Il est maintenant fort peu probable, voire clairement exclu, que Cameron puisse ratifier cet accord face à la colère de masse qui se développe contre l’empire Murdoch et ses acolytes. Une campagne de masse destinée à s’opposer au contrat, largement organisée par les nouveaux medias tels que les réseaux sociaux, a très vite mobilisé 170.000 objections à la prise de contrôle de BSkyB par Murdoch!

    D’autres révélations d’accès illégal à des systèmes de messagerie vocale personnels, en particulier ceux de victimes et de leurs proches, n’ont par la suite fait qu’amplifier l’atmosphère de colère. Politiciens, journalistes et chroniqueurs capitalists ainsi que la police, qui a remis les preuves aux employés de Murdoch, ont ainsi été pris dans la tourmente, y compris la dirigeante de News International, Rebekah Wade, et le fils de Murdoch, James. Tous se sont chargés les uns les autres de façon extrêmement hypocrite et nauséabonde pour se distancer de leur ancien patron.

    Tous ceux qui ont lutté contre le capitalisme ont été impitoyablement vilipendés par Murdoch et par les médias de droite en général. Ainsi, Tony Benn (une des principales figures de l’aile gauche du parti travailliste dans les années 1970 et 1980) a été comparé à Hitler lorsqu’il s’est présenté comme candidat pour la présidence du parti, tout comme avant lui Arthur Scargill (ancien dirigeant du syndicat des mineurs) durant la longue grève des mineurs de 1984-85. La tendance Militant de Liverpool ainsi que ceux qui ont remporté une victoire contre Thatcher dans la lutte épique contre la Poll-tax (la tendance Militant étant le nom du Socialist Party lorsqu’il était encore l’aile marxiste du parti travailliste) n’ont pas reçu un autre traitement. Tommy Sheridan (militant de gauche radicale écossais, ancien parlementaire et fondateur du SSP, puis de Solidarity) est aujourd’hui en prison à cause de la vendetta personnelle de Murdoch pour ‘virer ce petit communiste’. Dernièrement, il a été démontré que ce sont Murdoch et ses témoins qui ont menti et qui ont même fait disparaître des preuves qui auraient aidé Tommy Sheridan lors de son procès.

    Maintenant, le Premier Ministre David Cameron et le reste du gang qui domine la Coalition au pouvoir ne peut pas tout simplement se distancer de Murdoch. Cameron et sa femme ont des relations étroites avec Rebekah Wade et James Murdoch faites de soupers, d’équitation,… ‘Dis moi qui tu fréquentes et je te dirai qui tu es’

    Mais le plus important est bien entendu que cette affaire démontre la poigne d’acier virtuelle de Murdoch qui a pesé sur la politique des différents gouvernements britanniques et sur les principaux aspects de la vie de la population au cours de ces dernières décades. Un des responsables de Murdoch avait été jusqu’à dire à John Major – ancien Premier Ministre Tory (le parti conservateur) – qu’il recevrait un ‘gros seau de merde sur la tête’ s’il ne se pliait pas aux ordres de Murdoch. Tony Blair avait vole jusqu’en Australie pour quémander le soutien de Murdoch avant les élections de 1997. Une fois que Blair a été élu, on parlait parfois de Murdoch comme du ‘24e membre du cabinet du Premier Ministre’ ! Murdoch a personnellement visité Blair à trois reprises dans le but de faire pression sur lui au nom de George Bush afin de soutenir l’invasion de l’Irak. Ce n’est pas que Blair avait tellement besoin d’être persuadé, mais c’est un fait que la masse de la population britannique avait démontré sa claire opposition à cette guerre. Mais les diktats de l’impérialisme américain par l’intermédiaire du magnat de la presse Murdoch passaient largement devant cela. Il a aussi été publiquement révélé que lorsque Blair se préparait à quitter le 10 Downing Street en 2007 (le logement de fonction du Premier Ministre Britannique), Murdoch était déjà dans sa Bentley, attendant l’arrivée du nouveau Premier Ministre Gordon Brown pour déjà faire pression sur lui !

    Quelle honte pour les dirigeants ‘travaillistes’ que ce soit à des personnalités des medias comme Hugh Grant ou Steve Coogan de dire les meilleures choses à propos de News of the World et de l’empire Murdoch. Coogan a ainsi déclaré le 8 juillet dernier: “Les gens dissent que c’est une mauvaise journée pour la presse. Mais c’est une journée merveilleuse pour la presse: une petite victoire pour la décence et l’humanité…’’

    Encore maintenant, le dos au mur, Murdoch a prévenu le nouveau dirigeant travailliste Ed Miliband que News Corporation ‘va s’engager contre lui et son équipe’ pour avoir eu la témérité de demander la démission de Rebekah Wade tout en s’opposant au contrat BSkyB. Mais Miliband n’a adopté cette position qu’après que le scandale ait éclaté.

    Précédemment, il avait siroté du champagne aux soirées de Murdoch, jusqu’à quelques semaines avant le scandale. Il affirme maintenant qu’une simple ‘‘occasion sociale’’, mais rien ne saurait être plus éloigné de la vérité. Tout démontre que les invites de Murdoch le sont pour que ce dernier puisse s’assurer que les dirigeants politiques des principaux partis restent en accord avec sa ligne. Si ce n’est pas le cas, les contrevenants doivent s’attendre à une campagne de dénigrement. Murdoch a même tenté d’utiliser Tony Blair sur Gordon Brown quand il était Premier Ministre afin de faire taire le depute travailliste Tom Watson, qui avait courageusement été en première ligne avec le journaliste Nick Davies pour exposer le scandale au grand jour.

    Tout cela en dit long sur le caractère de la ‘démocratie’ britannique. Comme l’a déclaré le quotidien The Observer : “Durant 40 ans, Murdoch a convaincu l’establishment qu’il était capable de faire et défaire les réputations politique et de garantir les succès électoraux, ou de leur barrer l’accès. De cette façon, il s’en est pris aux droits des citoyens et a miné la démocratie.” Tout le monde peut voter ce qu’il veut tant que les grands capitalistes et les menteurs de la presse peuvent décider de ce qui doit arriver. Murdoch n’est pas le seul à exercer un contrôle dictatorial sur l’opinion publique en Grande Bretagne. Paul Dacre, du groupe Mail, est exactement le même genre de personnage dégoûtant, dont la plume est remplie de rage contre le mouvement des travailleurs.

    La concentration des medias a entraîné une situation où 10 entreprises contrôlent 75% des médias du Royaume-Uni. Les pertes d’emplois nt été nombreuses dans ce processus. 200 journalistes et autres travailleurs ont perdu leur emploi avec la fermeture de News of the World. Nous pouvons très honnêtement dire que nous ne regrettons pas la fin de ce journal. Mais personne ne peut soutenir que, particulièrement dans une période de chômage de masse, des gens puissent ainsi être jetés à la porte de façon aussi arbitraire. Combien de capitalistes ont pensé aux 1.400 travailleurs qui ont perdu leur emploi quand Murdoch avait déplacé ses stocks à Wapping en 1986?

    Cependant, l’actuelle situation antidémocratique de la presse et des medias en Grande Bretagne ne peut pas être résolue avec quelques mesures domestiques comme le ‘renforcement du comité de plaintes de la presse’. Nous ne pouvons pas non plus demander, comme certains à gauche l’ont fait, à la division de l’empire Murdoch. Nous ne voulons pas de mini-Murdochs pour remplacer l’ancien monstre. Tous les responsables de violations de droits individuels doivent être jugés et, s’ils sont jugés coupables, doivent recevoir un châtiment approprié. Mais même dans ce cas, cela ne serait pas suffisant pour contrôler les forces antidémocratiques présentes dans les médias.

    De nouveaux medias alternatifs et socialistes doivent être construits par les syndicats et les travailleurs. Mais cela doit être accompagné de la revendication de la nationalisation de la presse, de la télévision et de la radio sous le contrôle et la gestion démocratiques de la population – en commençant par l’expropriation par l’Etat des avoirs de News Corporation, qui a largement démontré qu’elle constituait un danger pour la démocratie. Mais nous n’avons pas besoin de reprendre les feuilles de choux que sont le Sun ou le Daily Mail.

    Nous nous opposons toutefois au monopole d’Etat sur l’information qui prévalait dans les Etats staliniens. La réelle alternative est le contrôle démocratique et populaire de la classe des travailleurs sur la presse et les médias en général. Cela ne signifierait pas un monopole d’Etat ou d’un parti, mais donnerait un accès aux médias en proportion du soutien politique. Le capitalisme et le stalinisme défendent un contrôle antidémocratique des médias par une minorité alors que nous voulons retirer la ‘production d’informations’ des mains d’une minorité pour les placer dans les mains de la majorité, avec liberté totale de discussion et de prise de décision.

  • La lutte britannique contre l’austérité

    Le Royaume-Uni aussi est frappé de plein fouet par la crise financière et économique. Peu de personnes s’étonneront du fait que l’on propose ici les mêmes mesures que dans les autres pays : pertes d’emplois et assainissements. Mais tout comme dans les autres parties du monde, la lutte contre cette politique se développe.

    Par Jarmo (Anvers), Article tiré de l’édition de mars de Lutte Socialiste

    A côté des importantes actions étudiantes contre la hausse du minerval (à 10.500 euros par an), au niveau local, toute une série d’actions de protestation ont pris place. La casse sociale va très loin : tous les services publics devront économiser un quart de leur budget. Partout dans le pays des comités anti-austérité (anti-cuts) voient le jour : ils organisent des campagnes et des actions pour lutter contre les coupes d’austérité.

    Les délégués combatifs qui se sont réunis dans le NSSN (National Shop Stewards Network) ont décidé lors d’une conférence nationale de prendre en main l’organisation et la coordination des protestations contre les économies budgétaires. C’est un bon pas dans la direction d’une lutte unifiée et généralisée. A la conférence du NSSN, le débat fut intense et a finalement décidé à 305 voix contre 89 de mettre sur pied une campagne nationale contre les coupes afin de rassembler les militants syndicaux et les comités locaux dans une lutte commune.

    Il est important de s’opposer à toute forme de coupes, y compris au niveau local, souvent appliquées par des conseillers communaux du parti travailliste. Ce parti d’opposition ne représente aucune alternative. Le NSSN est en faveur du refus des conseillers d’appliquer les coupes, tout comme l’a fait le conseil communal socialiste de Liverpool dans les années quatre-vingt. Il est aussi question de lancer une campagne nationale similaire à celle des années ’90 contre la Poll Tax (un impôt qui était le même pour tout le monde) : 18 millions de personnes avaient alors refusé de payer, ce qui a fait reculer Thatcher, la dame de fer.

    Il est positif que les syndicalistes de lutte prennent le devant dans le mouvement ouvrier britannique. Ces dernières années, le mouvement ouvrier était tel un géant endormi. En prenant le devant, les syndicalistes combatifs peuvent le réveiller afin de faire face aux attaques les plus dures de ces 20 dernières années, avec un appel pour une grève nationale de 24 heures des services publics après la manifestation syndicale qui est prévue le 26 mars, par exemple. Il faut préparer le terrain pour une grève générale de 24 heures impliquant également le secteur privé.

    Afin d’exploiter ce potentiel, il est important d’organiser la résistance, une campagne nationale comme celle du NSSN peut y jouer un rôle central. Des négociations prendront place avec d’autres organisations afin de renforcer la coordination nationale.

    Si les syndicalistes combatifs restent à la marge, ils perdront leur crédibilité. Ils doivent organiser la lutte et poser ainsi les bases des traditions du syndicalisme de lutte parmi les couches plus larges.

    En même temps, il faut une discussion concernant un prolongement politique pour le mouvement ouvrier afin de s’en prendre au gouvernement Con-Dem (conservateurs et libéraux) qui impose les mesures d’austérité. Le Socialist Party collabore à la campagne TUSC (Trade Union and Socialist Coalition) où des candidats ouvriers se présentent aux élections. Cette initiative est limitée au niveau électoral, mais illustre bien l’idée de la nécessité d’élus du mouvement des travailleurs.

  • 2011 : Une année de luttes qui se durcissent

    2010 – L’année la plus turbulente depuis deux décennies

    Peter Taaffe, secrétaire général du Socialist Party, passe en revue les développements et événements de 2010 au Royaume-Uni et dans le monde, et anticipe les luttes à venir en 2011.

    Sur le plan social et politique, 2010 était méconnaissable par rapport à 2009. Cette année a très certainement été l’année la plus tumultueuse depuis plus de deux décennies, surtout au Royaume-Uni. Les élections générales au Royaume-Uni ont eu lieu il y a à peine sept mois et pourtant, telle est la vitesse et l’ampleur des événements, que maintenant nous vivons presque dans un “autre pays”. Dès le moment de leur installation, les Con-Dem (coalition des Conservateurs et des “Libéraux-Démocrates” qui ont bradé leurs beaux principes en échange de postes au gouvernement) ont subi un état de siège.

    Peter Taaffe, secrétaire général du Socialist Party (CIO-Angleterre et pays de Galles)

    Si les dirigeants syndicaux avaient ne serait-ce que levé leur petit doigt et appelé rapidement à l’action – et organisé cette action méthodiquement – alors le gouvernement aurait pu être submergé sous des protestations de masse. Mais, en trainant des pieds comme toujours, “menant à partir de l’arrière”, la seule politique de l’aile droite des syndicats est une politique d’indécision et de pratiques corrompues, en plein milieu du massacre de nos emplois, de nos services publics et de notre niveau de vie.

    Le rôle dirigeant a donc été repris par les étudiants qui, dans leur bataille contre le triplement des frais d’inscription aux études et le retrait criminel de l’allocation de maintien de l’éducation, sont parvenus à percer une faille dans l’apparente “intransigeance” du gouvernement. Remplissant par là le rôle historique des étudiants lors des périodes critiques en tant que “cavalerie légère” du mouvement ouvrier, ils se sont mobilisés d’une manière audacieuse, hautement originale et improvisée afin de briser les défenses du gouvernement. C’est cela qui a ouvert la brèche à travers laquelle les bataillons lourds de la classe ouvrière – les syndicats – peuvent maintenant s’engouffrer en un mouvement de masse pour vaincre ce gouvernement.

    Le degré de liberté par rapport aux structures bureaucratiques qui a été affiché – le Syndicat national des étudiants ayant été complètement poussé de côté, de l’aveu même de son président Aaron Porter – montre que les étudiants ont ouvert un nouveau chapitre dans le manuel de comment défier et terrifier un gouvernement “fort”. Leurs mots d’ordre ont parfaitement résumé le sentiment qui vit non seulement parmi les étudiants, mais parmi l’ensemble de cette génération, révélant son énorme mécontentement par rapport à des décennies de marginalisation et de répression, et contre le système qui leur ôte tout espoir d’un avenir sous le capitalisme. "Whose streets? Our streets!", "No ifs, No buts, No education cuts!" (« Les rues de qui ? NOS rues ! », « Pas de SI, pas de MAIS, pas de coupes dans l’éducation ! »). Ils ont réaffirmé le droit de manifester, et l’intransigeance de cette génération, qui se dresse contre toutes les coupes, contre la perte de chaque emploi et des services. La manière dont les jeunes ont ridiculisé le New Labour et d’autres, même à gauche, qui étaient prêts à hisser le drapeau blanc avant même que la bataille ne commence et à accepter “certaines” coupes.

    La répression de l’État

    Et quelle est la réaction du gouvernement et de la classe dirigeante en général ? C’est menacer le droit de protester et de manifester lui-même – le Commissaire de la Police métropolitaine Paul Stephenson a laissé entendre que les manifestations pourraient être interdites. La Secrétaire à l’Intérieur Theresa May a appelé à l’usage de canons à eau, mais le lendemain elle a été forcée de revenir sur cette motion à cause de l’outrage. Il a même été suggéré que des “drones” comme on en utilise en Afghanistan soient utilisés pour espionner les prochaines manifestations au Royaume-Uni et que des voitures blindées soient déployées en cas de conflit social.

    Par-dessus tout, dans une démonstration crasse de ce que Karl Marx avait appelé le ”crétinisme parlementaire”, les Con-Dems pensent qu’en faisant passer de force le vote sur la hausse des frais d’inscriptions au parlement, cela mettra un terme au mouvement. Tout comme les Bourbons en France, ils n’ont rien appris et rien oublié de l’Histoire. La poll tax était déjà devenu une “loi” en 1988 mais a été supprimée en 1991 après la campagne de désobéissance de masse qui a été menée par la fédération panbritannique contre la poll tax, dirigée par Militant – qui est maintenant le Socialist Party –, lorsque 18 millions de gens ont refusé de payer cette taxe. De la même manière, le CPE en France a été annulé en 2006 à la suite d’un mouvement de masse de la jeunesse, même alors qu’il était devenu loi. La pression et le pouvoir des masses contre l’injustice ne peuvent pas être supprimés d’un simple trait de stylo, quand bien même il s’agirait d’un stylo sanctifié par la “loi”.

    La révolte des étudiants au Royaume-Uni a eu des répercussions dans le monde entier. De Rome, où les étudiants ont revendiqué le renversement du gouvernement Berlusconi tant détesté et qui s’accroche au pouvoir par le bout des doigts, aux États-Unis en passant par l’Asie, etc. Par exemple, il y a eu une large couverture médiatique au Pakistan et ailleurs des événements qui se déroulent au Royaume-Uni, précisément parce qu’ils se déroulent au Royaume-Uni. Jusqu’à présent, elle était censée être le bastion de la “tranquille démocratie parlementaire” où les protestations et l’opposition est en général contenue dans des canaux sécurisés. Le fait que cette opposition ait débordé de ses digues et ait transformé le centre de Londres en une “zone de guerre” est en soi un facteur qui a attiré l’attention et fait vibrer l’imagination du monde entier, en particulier des jeunes, des travailleurs et des pauvres.

    La crise mondiale du capitalisme

    La toile de fond et l’élan de ces événements et de ceux qui vont se produire en 2011, sont ceux de la crise mondiale du capitalisme qui, depuis qu’elle a commencé en 2007, a dévasté des économies entières et a ravagé la vie de la population laborieuse. L’OCDE a estimé que 17 millions de travailleurs et travailleuses ont été expulsés des usines depuis le début de la crise rien que dans les pays capitalistes “avancés”. Neuf millions de travailleurs américains ont été jeté à la rue au cours de la même période. Cela aurait été encore pire si ce n’avait été les plans de sauvetage des banques par les gouvernements capitalistes. Selon des documents qui ont récemment été divulgués au grand jour, le gouvernement américain a à lui seul fait des crédits pour 3300 milliards de dollars – ce qui équivaut à un quart du PIB américain – aux banques et aux firmes en détresse ! Ceci a sauvé un million d’emplois, mais c’est tout de même neuf fois ce nombre qui ont été virés. Qui plus est, ce sera aux travailleurs américains de payer la facture pour ce sauvetage.

    Cependant, comme tentent de l’expliquer les économistes capitalistes, la délivrance est à portée de main, sous la forme de la “reprise”. Mais ces déclarations ne résistent pas à l’épreuve des faits. Ne serait-ce que pour commencer à faire diminuer le chômage, 300.000 emplois devraient être créés chaque mois aux États-Unis. Mais dans le troisième trimestre de 2010, on n’a vu la création que de 150.000 nouveaux emplois. En plus, la plupart d’entre eux sont maintenant ouvertement décrits comme étant des emplois “de survie”. Incapables de trouver des emplois semblables à ceux qu’ils avaient autrefois, c.à.d relativement bien payés et permanents, des millions de travailleurs sont à présent forcés de prendre le premier boulot qui passe afin d’éviter de se retrouver à la rue et la famine, dans le pays le plus riche de la planète. Une existence “précaire”, l’insécurité massive et la spirale du déclin du niveau de vie et des opportunités futures, voilà les perspectives pour des millions de gens au Royaume-Uni et dans le monde entier.

    C’est cependant le caractère “inattendu” et soudain du changement brutal du mode de vie qui alimente une révolte colossale au niveau européen en particulier. Selon le Guardian, 17,5 millions de gens, sont descendus dans les rues en l’espace de trois semaines (certains participant à plus d’une manifestation) lors de la récente révolte de masse contre le gouvernement Sarkozy en France. Des grèves générales ont ébranlé l’Espagne, la Grèce, le Portugal, la France, la Roumanie, l’Inde et l’Afrique du Sud. Nous sommes véritablement entrés dans une ère de participation et d’implication de masse, de lutte et de tentatives de changer la situation et le cours de l’Histoire.

    L’Irlande résume toute la situation. Il y a six ans, un “indice du bonheur” révélait que ses habitants se déclaraient les “plus heureux” parmi les 100 pays interrogés. Plus maintenant. Le niveau de vie a dégringolé d’au moins 15% à cause des dernières coupes draconiennes dans les budgets. Le plan d’austérité annoncé reviendra à diminuer de 25% le train de vie du peuple irlandais. Cela est comparable à la dépression aux États-Unis dans les années ‘1930. Et l’Irlande est le miroir du futur des autres pays d’Europe – y compris du Royaume-Uni – qui leur est réservé sur base de la continuation du système capitaliste.

    En fait, la crise irlandaise est en réalité une crise européenne ; il s’agit en particulier d’une crise potentiellement dévastatrice pour le système bancaire européen. Le chancelier Tory George Osborne, dans une personnification de la “froide cruauté” de la classe dirigeante britannique, lance l’assaut contre les étudiants, les allocataires sociaux et les chômeurs, mais vole au secours des banques irlandaises. Il ne faut pas être astrophysicien pour comprendre ce qui est en train de se passer. Si les banques irlandaises devaient crouler, elles emporteraient avec elles des pans entiers du système bancaire britannique, ce qui à son tour serait le détonateur de toute une série de nouvelles crises dans les banques européennes et ferait s’effondrer l’ensemble du système bancaire du continent.

    L’austérité pour toujours

    La faillite complète du capitalisme se reflète dans l’avenir qui s’étend à présent devant le peuple irlandais. C’est un avenir fait d’une austérité éternelle, d’un retour à l’émigration de masse, et de basse croissance ou croissance nulle de l’économie, et par conséquent également du niveau de vie de la population irlandaise pour le futur prévisible. Ceci pourrait en outre s’appliquer au monde capitaliste dans son ensemble. Les organes du monde des affaires tels que le Financial Times admettent maintenant ouvertement que d’autres pays pourraient souffrir de “contagion” de la part des banques irlandaises. Le Portugal, la Grèce, l’Italie, l’Espagne, et même le Royaume-Uni et l’Allemagne sont menacés d’une attaque de ceux qu’on appelle les “bond vigilantes” – des spéculateurs milliardaires – qui cherchent à s’engraisser sur base du pillage de différents pays. Dans cette crise de la dette “souveraine”, la Grèce représente ce que l’effondrement de Bear Stearns était pour le secteur bancaire, et l’Irlande est l’équivalent de la chute des Lehman Brothers.

    Mais la dette de l’Espagne est tellement grande – c’est la quatrième plus grande économie de l’UE – qu’elle pourrait se révéler “trop grosse pour être sauvée”. Ceci pourrait être le déclencheur d’une autre crise bancaire, cette fois-ci pour l’UE toute entière, qui pourrait avoir pour conséquence un effondrement total de l’euro, qui ne tient déjà plus qu’à un fil à cause des crises d’Irlande et de Grèce.

    La crise a déjà détruit des quantités énormes de forces productives – l’organisation du travail, de la science et de la technique – qui dans le cas du Royaume-Uni ont connu leur plus forte chute depuis 1945. En tout c’est 10% de l’industrie qui a été détruite, juste pour qu’un système basé sur la production pour le profit et non pour satisfaire aux besoins soit maintenu pour le bénéfice d’une poignée de millionnaires et de milliardaires. La perte de foi palpable en leur système auprès des classes dirigeantes se manifeste dans l’incapacité des patrons à réinvestir dans la production le surplus extrait du travail de la classe ouvrière. Les promesses de “lendemains meilleurs”, par conséquent, seront mortes-nées. Une crise bancaire à l’échelle européenne serait similaire à la crise bancaire qui s’est produite en Europe deux ans après le crash de Wall street et qui a renforcé la dépression.

    Dans cette situation, un expédient désespéré après l’autre est déployé par les gouvernements capitalistes. Les plans de relance n’ont pas fonctionné assez bien que pour éviter le chômage de masse. Maintenant, un nouveau tour de “facilitation quantitative” – càd l’injection de cash, de “liquidités” dans le secteur bancaire – a été entrepris par la Réserve fédérale aux États-Unis, et la Bank of England est sur le point de l’imiter. Toutefois, les problèmes qui se sont accumulés ces dernières trente années à partir de l’énorme bulle financière sont tels que ces mesures n’ont aucune garantie de fonctionner. Dans cette situation qui est celle d’une dette excédentaire massive, l’injection de capital n’a aucune garantie de fonctionner parce que, comme l’économiste capitaliste Keynes l’avait fait remarquer, ça reviendrait au même que de “pousser sur une ficelle”.

    La stagnation économique

    La propension des banques à prêter plus à leurs emprunteurs, ou pour les investisseurs à investir, est non-existante, ce qui a pour conséquence un paradoxe de non dépense. Au mieux, cela signifie la stagnation économique, au pire, un approfondissement de la crise. Le chômage s’est graduellement accru au Royaume-Uni jusqu’à toucher un million de jeunes. À Liverpool, 34% des ménages n’ont pas un seul membre de leur famille au travail. Ceci va être accentué avec la destruction en gros des emplois dans les secteurs public et privé qui va suivre les énormes coupes dans les dotations des communes qui sont effectuées par le Ministre tory Eric Pickles. Malgré des hauts et des bas temporaires, le caractère général du capitalisme mondial en cette période est fait de stagnation et de déclin. La politique déflatoire du gouvernement – des coupes dans le niveau de vie par le gel des salaires ou par les coupes dans le budget d’État (ou les deux) – qui est en ce moment suivie par le gouvernement de David Cameron au Royaume-Uni va aggraver la crise et provoquer des convulsions de masse, d’une ampleur jamais vue depuis des générations.

    C’est pourquoi, en coulisses, un “plan B” est déjà en cours de préparation – si pas par le gouvernement lui-même, alors certainement par les hauts responsables de l’administration non élus – afin de couvrir l’échec du programme d’austérité de ce gouvernement. Au fur et à mesure que le chômage montera, la fureur autour des frais d’inscription universitaires aura l’air d’un pique-nique champêtre comparé à la vague d’opposition massive qui va se dresser. Les SDF et les allocataires sociaux dont le revenu est en train d’être passé à la hache ajouteront eux aussi leurs voix enragées dans ce vacarme.

    Tout comme le gouvernement Heath qui avait été menacé d’une grève générale dans les années ’70, ce gouvernement va être forcé de modifier sa trajectoire ou de s’effondrer. Certains analystes, par exemple Steve Richards dans The Independent, admettent maintenant ce que le Socialist Party explique depuis le début : que la façade d’“unité” du gouvernement va se fissurer. Les Libéraux-Démocrates en particulier, qui sont déjà en train de scissionner, vont encore plus se décomposer en diverses factions et se voir contraints de quitter le gouvernement. Nick Clegg et l’aile du “Livre orange” des Libéraux-Démocrates, qu’on reconnait déjà comme étant des Tories déguisés, seront absorbés dans les rangs du parti de Cameron. Les autres sur la “gauche” vont rejoindre le New Labour – encouragés par la cour que leur fait Ed Miliband. Il ne restera plus qu’un moignon de ce parti. Il pourrait se voir réduit à une secte capitaliste.

    Toutefois, Ed Miliband ne représente pas une “remise au gout du jour” réussie de cette marchandise de seconde main qu’est le New Labour. Avec quelques différences mineures, il représente plus un New Labour rafistolé à la va-vite. Lorsque les étudiants étaient en train de faire le siège du parlement, il a “considéré” les rencontrer, mais a préféré rejeter une telle mesure “audacieuse”, pour lui en tous cas. Sur la question du programme, et en particulier des coupes budgétaires, il n’y a en substance aucune différence avec le gouvernement, mais seulement une question de timing : une mort prolongée par mille blessures plutôt que la grosse hache un peu trop directe qui se trouve entre les mains de Cameron. Ce qui est scandaleux, c’est qu’il a clairement fait un appel du pied aux conseils communaux Labour pour qu’ils n’organisent pas la moindre résistance contre le gouvernement, comme cela avait été fait par la commune de Liverpool dans les années ’80, mais au contraire d’appliquer les coupes dans leurs dotations par le gouvernement tory, sans oublier de s’en plaindre bruyamment bien entendu. Au mieux, les conseillers New Labour joueront le rôle de Ponce Pilate, et y a-t-il figure plus méprisable dans l’Histoire !

    Une nouvelle perspective socialiste

    Une nouvelle route doit être ouverte par le mouvement ouvrier, une toute nouvelle perspective socialiste, pour tous ceux qui sont affectés par cette nouvelle crise du capitalisme qui ne va que s’approfondir, et pour tous ceux qui attendent la riposte. La résistance doit être centrée sur les syndicats. Nous accueillons chaleureusement la nouvelle génération d’étudiants dans notre combat, bon nombre d’entre eux remplissent aujourd’hui les rangs du Socialist Party. Nous acclamons et encourageons leur flair, leur spontanéité et leur détermination. Mais il est entièrement faux, comme certains groupes de gauche l’ont fait, de donner l’impression que c’est à travers le soi-disant “pouvoir étudiant” qu’ils seront capables de vaincre ce gouvernement par eux-mêmes. Ils peuvent jouer une fonction auxiliaire extrêmement importante, mais ce sont les bataillons lourds de la classe ouvrière, dont les éléments les plus conscients sont rassemblés au sein des syndicats, qui ont le réel potentiel de briser le programme de ce gouvernement et de l’expulser du pouvoir.

    2011 va probablement excéder dans l’ampleur de la lutte tout ce que nous avons vu en 2010, au Royaume-Uni comme partout ailleurs dans le monde. À travers l’expérience des batailles qui ont eu lieu jusqu’ici, une nouvelle génération est en train de recevoir son “premier sang”, presque littéralement, et de s’entrainer dans les réalités de la société capitaliste. Cette nouvelle couche est à la recherche d’une alternative, nombre d’entre eux sont dégoutés par le capitalisme et reprennent les idées du socialisme. Beaucoup sont en train de rejoindre le Socialist Party, qui a connu sa meilleure période de croissance depuis deux décennies, grâce à l’implication de cette nouvelle génération. Cette dernière a rencontré beaucoup de représentants de la vieille génération, qui maintenant reviennent à la lutte et au Socialist Party à travers ce processus. Cela jette les bases pour une croissance encore plus spectaculaire et soutenue des forces du marxisme authentique et du socialisme au Royaume-Uni au cours de la prochaine période. Une force socialiste puissante est maintenant la précondition pour la réalisation de l’étape cruciale d’un nouveau parti des travailleurs de masse.

    Des processus similaires sont en train de se développer à une échelle mondiale, comme cela a été démontré par lors du formidable Congrès mondial du Comité pour une Internationale Ouvrière qui s’est déroulé en décembre. De nouvelles forces sociales à une échelle de masse, liées à la construction d’une véritable internationale démocratique de masse peuvent être amenées un pas plus loin dans ce qui promet d’être une année fructueuse et pleine de rebondissements.

  • [VIDEO] “Socialism on trial”, l’histoire de “Militant” à Liverpool

    De 1983 à 1987, les socialistes de lutte organisés dans le Labour Party (le Parti Tavailliste) au sein de la tendance "Militant" ont obtenu la majorité à Liverpool. Ils ont donc contrôlé l’administration d’une ville et ont refusé d’appliquer une politique d’austérité telle que celle que Thatcher voulait imposer. A Liverpool, la tendance "Militant" s’est opposée à la politique néolibérale et a au contraire instauré tout un tas de mesures sociales : la construction de logments sociaux, l’amélioration de l’infrastructure, des écoles,… Dans la lutte contre ces militants marxistes, la meilleure arme de Thatcher était la direction du parti travailliste elle-même, qui s’est opposée à "Militant". Voici une vidéo (en anglais) de 35 minutes qui relate les évènements de Liverpool, avec images d’époque et interviews. Pour en savoir plus sur ce qui s’est produit à Liverpool, vous pouvez aussi lire cet article.

  • Grande-Bretagne – ‘C’est seulement le commencement’ : Une manifestation étudiante massive exprime la colère face à l’austérité

    La colère des étudiants et des jeunes face aux propositions de coupes budgétaires dans l’enseignement et à la vicieuse augmentation des minerval est impossible à ignorer suite à la manifestation du 10 novembre dernier. Plus de 50.000 manifestants étaient présents, ce qui était la plus grande mobilisation de jeunes en 30 ans, et il était clair que, pour eux, il ne s’agissait là que d’un début.

    Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    Des cars étaient venus des coins les plus reculés d’Ecosse, où l’augmentation des minerval n’a pas encore été introduite, et de partout en Grande Bretagne. Les slogans se déclinaient aux accents cockney, de Liverpool, Newcastle, Birmingham et Cockney. Parmi les quelques 52,000 étudiants présents, des délégations des plus importantes universités étaient présentes, avec t-shirts, pancartes et drapeaux officiels de leur université.

    Mais on notait aussi la présence de hautes écoles qui s’étaient organisés pour venire, certains se déclarant malades, d’autres séchant simplement les cours pour participer à la manifestation, et au moins un groupe est venu à la faveur d’un voyage scolaire qui a été en quelque sorte ‘détourné’ pour aller à la manifestation.

    La pourriture Tory

    Un groupe d’étudiants issu d’une haute école de l’Est de Londres a rejoint le cortège principal en criant en bloc "Pourriture Tory (la parti des conservateurs, NDLT), nous voilà!" Autour d’eux et à bien des endroits, on pouvait voir des banderoles artisanales. Souvent, la colère contre les projets du gouvernement s’exprimait en termes haut en couleur…

    Les Tories, les conservateurs, sont clairement considérés comme les ennemis. Si la menace d’un retour au Thatchérisme ne signifiait pas grand chose pour les jeunes qui n’avaient pas connu l’impact de la politique de la Dame de Fer (Margaret Thatcher a été Premier Ministre de Grande-Bretagne de 1979 à 1990), maintenant, c’est beaucoup plus concret. Une pancarte faisait référence aux slogans des années ’80 : "David Thatcher – education snatcher" (‘‘David Thatcher – braqueur de l’enseignement, en référence à David Cameron, Premier Ministre actuel). D’autres slogans illustraient encore que le discours de la coalition gouvernementale des conservateurs et des libéraux démocrates selon lequel ‘‘nous sommes tous dans le même bain’’ ne fonctionne pas. On pouvait ainsi voir des slogans comme "Classrooms not class war" (des salles de classe, pas la guerre des classes). Nick Clegg et les libéraux-démocrates étaient particulièrement le sujet d’attaques, comme ils avaient mené campagne avant les élections contre toute augmentation du minerval étudiant. On pouvait ainsi voir des pancartes portant: "Mr Clegg – you stole my vote" (M. Clegg – vous avez volé mon vote),…

    ‘La réponse la plus dramatique’

    Six mois seulement après les élections, le Guardian a qualifié la mobilisation de "plus large et plus dramatique réponse à l’austérité du gouvernement’’. Seuls les supers-riches ne seront pas affectés par ces mesures brutales.

    Les mesures concernant les logements sociaux menacent de mettre à la rue des centaines de milliers de locataires tandis que les restrictions dans les budgets des gouvernements locaux pour l’aide sociale aux adultes pourraient signifier que des centaines de milliers de personnes âgées n’auraient plus accès aux soins qu’elles méritent.

    Mais dans tout le paquet de mesures d’austérité, les coupes dans le budget de l’enseignement sont parmi les plus brutales et cruelles : le minerval va augmenter de 3.290 livres (3.874 euros) à environ 9.000 livres (10.500 euros) et 80% des dépenses dans la prestation des cours vont être supprimées.

    Ces attaques sont particulièrement lourdes de conséquences, même si la voie vers un enseignement à deux vitesses – un pour les riches, un autre pour les pauvres – avait été déjà clairement trace par le précédent gouvernement travailliste. Le précédent gouvernement du New Labour avait chargé Lord Browne, un ancien haut cadre de la multinationale pétrolière BP, pour revoir les fonds alloués à l’enseignement supérieur. Ces propositions étaient acceptables pour les millionnaires qui soutiennent le gouvernement de Con-Dem, mais pour peu d’autres personnes. Même un journaliste du journal pourtant pro-Tory London Evening Standard avait été forcé de condamner l’approche présentée dans le rapport Browne.

    Richard Godwin avait ainsi écrit: "Les politiciens semblent avoir difficile à concevoir que l’enseignement est une valeur en soi. Selon le rapport Browne, l’enseignement n’a de la valeur que parce que cela apporte ‘‘l’innovation et la transformation économique. L’enseignement supérieur aide à produire de la croissance économique, ce qui en retour aide la prospérité nationale’’."

    L’enseignement supérieur

    Dans ce contexte, les membres du Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles) et les autres militants qui ont fait campagne pour cette manifestation n’ont pas été surpris de l’affluence massive. Une grande variété d’opinions existe quant au type d’enseignement que nous devons avoir, mais les étudiants sont ouverts à la discussion. Une jeune femme a ainsi saisi une pancarte du Socialist Party (Fight the cuts – luttons contre les coupes) en disant ‘‘Je veux celui-là, il faut se battre contre ces coupes’’ tout en ajoutant directement ‘‘Mais je ne vois pas comment payer le budget de l’enseignement". Quand nous lui avons expliqué qu’environ 120 milliards de livres (140 milliards d’euros) disparaissent chaque année dans les poches des riches à cause de la fraude fiscale, elle était encore plus heureuse de défendre les slogans combatifs.

    Beaucoup d’étudiants considéraient également à la manifestation que cela n’était qu’un premier pas, la confiance rehaussée par la large participation à la manifestation.

    Les Socialist Students (les étudiants de nos camarades du Socialist Party, l’équivalent des Etudiants de Gauche Actifs en Belgique) ont distribué environ 10.000 tracts appelant à préparer des grèves et des protestations pour le mercredi 24 novembre, quand le gouvernement discutera du minerval.

    Malheureusement, le National Union of Students (NUS, un syndicat étudiant) n’a donné aucune stratégie de campagne pour la suite. Même s’il a coorganisé la manifestation, en sachant parfaitement que des cars arrivaient de tout le pays pour la manifestation, la direction du NUS, liée aux travaillistes du New Labour, ne semble pas prête à organiser une réponse de masse face aux attaques dans l’enseignement. Le site internet du NUS espérait que la marche serait terminée en 30 minutes, sans réaliser le moins du monde que des dizaines de milliers de manifestants, cela ne disparait pas comme ça des rues…

    Encadrement

    Cela a aussi signifié que l’encadrement à la manifestation était loin d’être adéquat – particulièrement à la fin. Comme ils n’ont pas levé le petit doigt pour lutter contre les attaques introduites par le précédent gouvernement travailliste, ils se retrouvent aujourd’hui avec bien peu d’expérience dans la façon d’organiser de grandes manifestations et d’y participer. D’autre part, les structures démocratiques du NUS ont été érodées, et les liens entre la direction et la base étudiante sont très ténus. Le président du NUS, Aaron Porter, qui a déclaré qu’il n’était pas fondamentalement opposé à une augmentation du minerval, a qualifié ‘‘d’ignobles’’ certaines manifestants à la Millbank Tower. Il a appelé les étudiants à "aller de l’avant", mais la stratégie du NUS se limite à dire aux dizaines de milliers de manifestants de simplement retourner derrière leurs ordinateurs et d’envoyer des emails à leurs parlementaires et à les visiter ‘‘en personne’’. Ce n’est pas encore de la protestation virtuelle, mais on n’en est pas loin!

    Au vu de l’ampleur des attaques, de la faillite de la direction du NUS à donner la moindre stratégie pour construire le mouvement et la campagne et de l’absence quasi-totale d’encadrement à la fin de la manifestation, il n’a pas été surprenant de voir certains trouver séduisante l’idée d’une occupation du QG des tories. Le Socialist Party considère les occupations comme une action légitime et comme un moyen important de construire le mouvement contre les assainissements, au côté d’autres tactiques. Pour être pleinement efficaces, ces occupations doivent être basées sur des décisions démocratiques et être organisées et encadrées autour d’une liste de revendications claires.

    Des décisions démocratiques

    Cela préviendrait l’arrivée d’actions comme celle d’étudiants jetant des objets du toit du QG des tories, ce qui était potentiellement très dangereux. De telles actions individuelles seraient stoppées par la volonté de la majorité, comme cela a été exprimé par les centaines d’étudiants qui ont demandé en criant d’arrêter de lancer des objets dans la rue. Cette occupation n’était pas une occupation organisée mais une protestation spontanée. De Chine où il était en visite, David Cameron a déclaré: "Ceux qui attaquent la police où brisent les vitrines et sassent la propriété enfreignent la loi et, oui, je l’espère, ces gens seront poursuivit. Ils doivent l’être." Les médias ont choisi de se concentrer sur l’occupation bien plus que sur l’action de masse de ces dizaines de milliers de manifestants en rue. Certains étudiants pensent qu’avec les medias capitalistes, c’est seulement l’occupation qui a permis d’assurer un minimum de couverture médiatique. Après tout, les 125.000 Tamouls qui ont manifesté contre le massacre de leurs pairs au Sri Lanka en 2009 n’avaient quasiment rien reçu comme attention dans la presse.

    Des millions de travailleurs et de jeunes qui font face à la violence des tories vont penser que les étudiants ont été ‘‘un peu trop loin’’, mais que quelques fenêtres cassées, c’est tout de même de la petite bière en comparaison des attaques du gouvernement, qui vont affecter la vie de centaines de milliers de personnes.

    La réelle violence

    Le Socialist Party approuve la déclaration des lecteurs de l’université Goldsmiths qui dit: "La réelle violence dans cette situation ne revient pas à ceux qui brisent des fenêtres, mais à l’impact destructeur des coupes budgétaires et des privatisations qui vont suivre si le minerval est augmenté et si les coupes budgétaires sont introduites."

    Dès l’élection de ce gouvernement, plusieurs commentateurs avaient prédit que ce gouvernement serait profondément impopulaire dans les six mois. Tout comme le Socialist Party l’avait lui-aussi déclaré, cette colère allait devoir trouver une expression dans la rue. Aux attaques, les travailleurs et leurs familles vont répondre par un appel à passer à l’action.

    Les étudiants ont ouvert la voie et ont permis à la colère largement ressentie dans la société de pouvoir s’exprimer. Le prochain pas requis est de construire un mouvement de masse déterminé et capable de stopper les attaques des Con-Dem en joignant à la jeunesse la puissance des organisations de la classe ouvrière.

    Une idée du potentiel dont dispose la classe ouvrière a été illustré par la récente grève des travailleurs du métro initiée par les syndicats RMT et TSSA à Londres : la capitale était à l’arrêt.

    Les étudiants doivent continuer à développer leur propre mouvement, sur base démocratique, mais doivent aussi le relier au mouvement syndical afin de construire la force qui sera suffisamment capable de stopper le gouvernement.

    Le Socialist Party déclare:

    • Le NUS doit fixer une prochaine date pour une nouvelle manifestation si aucun changement n’est observe dans la politique du gouvernement.
    • Soutenez la proposition du Socialist Students et de la campagne Youth Fight for Jobs day pour une journée d’action le 24 novembre.
    • Aucune attaque contre le droit de protester et aucune victimisation des étudiants impliqués dans les mobilisations !
    • Les dirigeants syndicaux doivent coordonner les actions des syndicats avec les organisations étudiantes pour appeler à une manifestation commune le plus vite possible, en tant que pas vers une grève générale de 24h du service public

  • L’histoire du Comité pour une Internationale Ouvrière

    Le capitalisme est un système mondial et il doit être combattu à la même échelle. C’est pourquoi le Parti Socialiste de Lutte fait partie d’une organisation marxiste internationale: le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), un parti mondial actif sur tous les continents. Notre lutte en Belgique s’inscrit dans le cadre d’une lutte des travailleurs du monde entier pour un société socialiste car si la révolution socialiste éclate sur le plan national, elle se termine sur l’arène internationale. La démocratie ouvrière et la planification socialiste de la production ne peuvent se limiter à un seul pays. C’est d’ailleurs l’isolement de la Russie soviétique qui a conduit à sa dégénérescence à partir de 1924.

    Le CIO est une organisation socialiste internationale qui comprend des sections dans environ quarante pays sur tous les continents.

    Lors du Congrès de fondation du CIO en avril 1974, quatre sections existaient alors (Grande-Bretagne, Allemagne, Irlande et Suède) et des membres étaient présents de Belgique, d’Inde, d’Espagne et du Sri Lanka, des pays où aucune section n’existait encore.

    Au moment de notre neuvième Congrès Mondial (en janvier 2007), des représentants de sections du CIO de tous les continents étaient là : d’Allemagne, d’Angleterre et Pays de Galles, d’Australie, d’Autriche, de Belgique, du Brésil, du Cachemire, du Chili, de Chypre, d’Ecosse, des Etats-Unis, de France, de Grèce, d’Inde, d’Irlande, d’Israël, d’Italie, du Kazakstan, de Malaisie, du Pakistan, des Pays-Bas, de Pologne, du Portugal, de Russie, du Sri Lanka, de Suède, de Tchéquie, d’Ukraine et du Venezuela.

    Les origines du CIO sont ancrées dans la lutte menée par Léon Trotsky contre la progression du Stalinisme. L’isolement de l’Union soviétique combinée à l’arriération du pays héritée du tsarisme a permis l’émergence du régime totalitaire stalinien. La lutte de Trotsky et de ses partisans contre ce régime a conduit à la fondation de la Quatrième Internationale, organisation internationale créée pour la défense de la démocratie ouvrière et du socialisme. Peu de temps après la fondation de la Quatrième Internationale a éclaté la seconde guerre mondiale et de nombreux militants, dont Trotsky lui-même, ont été assassinés tant par les fascistes que par les staliniens.

    La dégénérescence de la Quatrième Internationale

    Après la guerre, les dirigeants de la Quatrième Internationale survivants ont été confrontés à d’énormes difficultés dans la compréhension des changements qui étaient survenus dans la situation mondiale. Ils n’ont pas réussi à saisir le caractère de la croissance économique d’après-guerre en Occident, ni à comprendre les raisons du renforcement du stalinisme en Russie et en Europe de l’Est. Cette incompréhension s’est également vue dans l’analyse des révolutions du monde néo-colonial ainsi que dans l’analyse du rôle décisif de la classe ouvrière dans le changement de société.

    En effet, la longue croissance économique exceptionnelle de l’après-guerre amena de substantielles améliorations dans le niveau de vie de la classe ouvrière, tout au moins dans les pays capitalistes développés. Beaucoup de ‘marxistes’ en tirèrent un peu vite la conclusion que les travailleurs salariés s’étaient ‘embourgeoisés’, et ne pouvaient dès lors plus constituer le moteur d’un changement socialiste de société. Ce fatalisme les poussa vers la recherche de nouvelles forces sociales pouvant se substituer au mouvement ouvrier.

    Sous l’impulsion des mouvements de libération nationale qui explosèrent dans le monde colonial et semi-colonial (Asie, Afrique, Amérique Latine) dans les années’50 et ’60, les dirigeants de la Quatrième Internationale glissèrent vers un soutien acritique à la direction – souvent fortement influencée par le stalinisme – de ces mouvements. Les mouvements à prédominance paysanne et les méthodes de guérilla furent ainsi érigés en modèles, tandis que l’épicentre de la révolution mondiale fut déplacé vers le monde colonial et semi-colonial. Mao Zedong (en Chine), Fidel Castro (à Cuba) ou Hô Chi Minh (au Vietnam) furent ainsi présentés comme des «trotskistes inconscients», pendant que le réveil de la classe ouvrière en Europe, exprimé à merveille par l’immense grève générale des travailleurs français en mai’68, prit de court les dirigeants de la Quatrième Internationale, aveuglés par des perspectives erronées.

    Une série d’erreurs politiques de ce type eurent comme conséquence l’effondrement de l’organisation et un fractionnement de celle-ci dans des dizaines de groupes différents.

    Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) puise quant à lui ses racines chez des troskistes britanniques qui n’ont pas ignoré la nouvelle situation, mais n’ont pas cherché à l’exploiter de façon opportuniste pour obtenir des succès faciles ou chercher des raccourcis. Nous ne nous sommes pas non plus limités à l’analyse de la situation, mais avons cherché sans cesse à intervenir autant que possible dans les luttes pour diffuser les idées du marxisme parmi les travailleurs et la jeunesse.

    Notre organisation a pendant longtemps été très petite et uniquement active en Grande-Bretagne ; pour autant, nous avons toujours conservé et exprimé sur le terrain une attitude internationaliste intransigeante. Dès ses débuts, notre journal anglais «The Militant» consacrait un nombre significatif de ses colonnes à la couverture des luttes au niveau international. Nous avons ainsi gagné davantage de militants, établi des contacts successifs dans d’autres pays, et à la fin des années ‘60, la possibilité de mettre en place les fondations qui ont été à la base de la création et de la croissance ultérieure du Comité pour une Internationale Ouvrière.

    L’entrisme

    Pour construire ses forces, le CIO a appliqué différentes tactiques à différents stades de son évolution, en fonction des conditions objectives du moment, tout en maintenant à tout moment une orientation consciente vers le mouvement ouvrier, en particulier vers ses couches les plus combatives.

    Avant que la vague néo-libérale des années ’80, puis le tournant majeur représenté par la chute du stalinisme dans les années ’90, ne viennent affecter durablement la composition et le programme des partis sociaux-démocrates, ces derniers exerçaient encore une grande attraction sur un nombre important de travailleurs et de jeunes. Les partis sociaux-démocrates correspondaient typiquement à la définition que donnait Lénine de «partis ouvriers bourgeois» : des partis ouvriers de masse, bien que dominés par une direction réformiste et bureaucratique. A la base, les rangs de la social-démocratie comprenaient encore beaucoup de travailleurs activement engagés pour le parti, et étaient encore traversés de vifs débats politiques. Celui qui voulait être actif dans le mouvement ouvrier pouvait difficilement passer à côté de cette réalité.

    La tâche des révolutionnaires demande d’être en contact le plus étroit possible avec les travailleurs. Par conséquent, les militants du CIO étaient d’avis qu’il était préférable de militer à l’intérieur même de la social-démocratie, en défendant conséquemment et ouvertement un programme marxiste, plutôt que de s’isoler en dehors de ces partis. A l’inverse d’autres groupes, cette tactique d’«entrisme» dans la social-démocratie n’a jamais été pour nous une panacée, ou un prétexte pour succomber aux idées réformistes et masquer le programme révolutionnaire. Bien au contraire, nous avons toujours mené notre travail drapeau déployé, défendant nos positions marxistes dans le but de combattre l’influence exercée par la direction bureaucratique sur ces partis d’une part, afin de gagner les travailleurs et les jeunes organisés dans ces partis à nos positions d’autre part. C’est ainsi que nous avons par exemple acquis une solide base de soutien au sein des Jeunesses Socialistes du Labour Party en Angleterre dans les années ‘70, ou de celle du SP en Flandre dans les années ‘80.

    Pourtant, dès le milieu des années ’80, mais surtout après la chute du mur de Berlin, la situation a commencé à tourner. La chute des régimes staliniens a ouvert la voie à une offensive idéologique majeure de la part des représentants du capitalisme, et a servi d’excuse aux dirigeants des organisations de la social-démocratie pour retourner définitivement leurs vestes. Les idées de lutte, de solidarité et de socialisme furent mises de côté au profit d’une adhésion aux principes du libre-marché. La trahison des directions ouvrières traditionnelles a laissé place à un vide et à la confusion politique.

    Dans ces conditions, l’idée selon laquelle les travailleurs et les jeunes en lutte se dirigeraient en premier lieu vers la social-démocratie devenait de plus en plus invraisemblable. C’est pourquoi petit à petit, la plupart des sections du CIO ont opté pour la création d’organisations révolutionnaires indépendantes et ouvertes, tout en appelant, dès le début des années ’90, à la formation de nouveaux partis larges des travailleurs, sur base de l’analyse de cette bourgeoisification des anciens partis ouvriers.

    Liverpool et la lutte contre la Poll Tax

    Un élément important dans le développement de quasiment toutes nos sections est notre engagement dans les différentes formes de lutte. Notre rôle n’a d’ailleurs pas seulement été limité à une participation active aux luttes car dans beaucoup de cas, notre organisation a su jouer un rôle crucial.

    Les mouvements de lutte les plus importants que nous avons eu à diriger jusqu’à présent se sont déroulés en Grande-Bretagne, notamment contre Margaret Thatcher lorsqu’elle était Premier ministre. Au milieu des années ‘80, nos camarades (dont l’organisation s’appelait à ce moment-là Militant) ont dirigé la lutte de la commune de Liverpool contre les plans d’assainissement, une lutte accompagnée d’actions de grève et de manifestations massives. Plus tard, nous avons aussi été fortement impliqués dans la campagne contre la Poll Tax (un impôt introduit par Thatcher mais rejeté en masse par la population). Une campagne massive de désobéissance civile avait été organisée à tel point que 18 millions de personnes n’ont pas payé la Poll Tax. Les manifestations ont rassemblé jusqu’à 250.000 personnes. Grace à cela Thatcher a été contrainte de retirer cette taxe et même de prendre la porte.

    Cette lutte avait été organisée en opposition à la direction du Labour Party (le parti travailliste) et à la plupart des dirigeants syndicaux. A Liverpool, ils ont même appelé les Conservateurs en soutien pour combattre la protestation. Avec la Poll Tax, ils n’ont pas réussi à en faire autant. Notre lutte contre les dirigeants pro-capitalistes du mouvement ouvrier a toujours été une donnée importante dans le développement de notre organisation.

    Mais ce genre de lutte est bien plus difficile dans beaucoup de pays tels que la Grèce, l’Espagne, l’Afrique du Sud et la Suède. La direction des organisations ouvrières établies avait peur d’une répétition du succès rencontré en Grande Bretagne où, durant plus de 15 ans, nous avons pu diriger les sections jeunes du parti travailliste et où, dans les années ’80, nous avons pu faire élire trois camarades au parlement sous le slogan : «un parlementaire ouvrier à un salaire d’ouvrier».

    Le Comité pour une Internationale Ouvrière a toujours été impliqué dans différents domaines des luttes. Parfois, nous avons même été les précurseurs autour de nouveaux thèmes, comme pour une campagne contre la violence domestique. D’autres initiatives ont également été très importantes, comme la fondation de «Youth against Racism in Europe» («Jeunes contre le racisme en Europe», en Belgique : «Blobuster» et «Résistance Internationale»), une organisation anti-fasciste internationale qui avait organisé une manifestation européenne à Bruxelles en octobre 1992 à laquelle 40.000 manifestants avaient participé.

    À côté de nos campagnes sur les lieux de travail et dans les quartiers, les membres du CIO participent aussi aux élections. Dans se cadre là, nous insistons sur le fait que les élus du CIO participent activement aux mouvements de lutte et gagnent un salaire identique à celui des travailleurs qui les ont élus. En ce moment, différents membres du CIO sont élus dans des conseils communaux en Grande Bretagne, en Irlande, en Suède et en Allemagne. Jusqu’il y a peu, nous avons également eu un député au parlement irlandais, Joe Higgins.

    Lutter contre les dictatures et la division de la classe ouvrière

    Dans d’autres pays, nous avons activement contribué à la lutte contre les dictatures, comme lorsque nous nous sommes impliqués pour la construction de syndicats combatifs en Afrique du Sud à l’époque du régime de l’apartheid. D’autres camarades ont clandestinement milité au Chili contre le régime de Pinochet. Au Nigéria, après l’annulation des élections présidentielles de 1993 par les généraux, l’opposition démocratique a soutenu l’appel de nos camarades pour une grève générale.

    Dans certains pays, nous avons été confrontés à des situations extrêmement difficiles. Ainsi nos camarades d’Irlande du Nord et du Sri Lanka ont dû s’opposer à la division nationale ou religieuse. Nous avons toujours défendu la nécessité de l’unité des travailleurs dans les luttes et la résistance contre la répression d’Etat. Nous avons été les seuls dans la gauche à défendre une position constante et principielle à propos de la question nationale en partant des intérêts de la classe ouvrière dans son ensemble.

    La chute de l’Union Soviétique a conduit à une situation mondiale fondamentalement différente et a eu d’énormes répercussions sur toutes les organisations politiques. Face à ces évènements, bon nombre d’organisations et d’individus ont été désorientés, confus, et ont abandonné la lutte pour le socialisme en capitulant face à l’idéologie de la classe dominante. Le CIO a analysé et tenté de comprendre la signification de la chute du bloc de l’Est : entre autres le renforcement de la position de l’impérialisme américain et le virage à droite de nombreuses organisations ouvrières. Mais nous avons toujours défendu la nécessité du socialisme comme seule alternative au capitalisme et avons toujours cherché à l’expliquer le plus largement possible.

    Le CIO a utilisé la méthode d’analyse marxiste pour approfondir la compréhension des événements et des processus qui se sont développés depuis les années ‘90. Contrairement à beaucoup d’autres groupes de gauche, nous avons ainsi non seulement pu conserver nos membres au cours des très dures années ’90, mais nous avons en outre beaucoup renforcé nos organisations ainsi que gagné de nouvelles forces dans différentes régions du monde. La nouvelle période qui se trouve face à nous aujourd’hui va nous permettre de mettre bien plus en avant le précieux héritage que nous avons préservé dans ces années bien difficiles.

    Rejoignez le CIO !

    Mais la construction de nos propres forces ne nous a pas empêché d’avoir des discussions avec d’autres groupes pour, si possible, mener des actions en commun. Si ces discussions conduisent à un accord politique sur les principes fondamentaux, une organisation commune peut alors naître, comme cela s’est passé notamment en Belgique ou en France au cours des années ‘90.

    Le CIO est ouvert à toute personne qui veut lutter pour un monde meilleur, un monde socialiste, et qui est ouverte à discuter de nos idées. Nous avons toujours été préparés à discuter avec différents groupes et individus qui ont acquis une autre expérience que la nôtre dans les différentes luttes et qui veulent construire un mouvement socialiste.

    Alors si vous êtes intéressés par les idées du CIO, n’hésitez pas à nous contacter et à nous rejoindre!


  • II. PERSPECTIVES, TÂCHES ET OBJECTIFS

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    "Le PSL – LSP, un parti pour changer de société"

    Préface

    I. Histoire du PSL/LSP

    – III. Notre programme

    – IV. Notre fonctionnement interne

    Cette brochure peut être commandée via redaction@socialisme.be et revient à 3 euros (que vous pouvez verser sur le n° de compte 001-2260393-78 du PSL/LSP avec la mention "brochure PSL").
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    MARX et les lois générales du développement du capitalisme

    Le PSL/LSP ne travaille évidemment pas à partir de rien. Marx avait défi ni les lois générales du développement du capitalisme: la concentration continuelle du capital dans de moins en moins de mains (l’accumulation du capital), la tendance de la production à sortir des frontières (ce qui conduit inévitablement à des conflits commerciaux et des guerres), la tendance à la diminution du profit par unité de capital et, par conséquent, le besoin de plus en plus de capital (baisse tendancielle du taux de profit), les crises de surproduction ou la capacité de surproduction (entre autres à cause de l’exploitation de la classe ouvrière et de la partie de notre journée de travail qui n’est pas rémunérée au bénéfice des capitalistes); la création d’une couche grandissante de travailleurs qui ont pour seule source de subsistance la vente de leur force de travail (en fonction des conditions sociales rencontrées).

    Concentration de capital et croissance des profits Le pourcent le plus riche de la population mondiale contrôle 24% de la richesse globale. Aujourd’hui, ces riches capitalistes viennent aussi d’Amérique Latine, du Moyen Orient et d’Afrique (qui a récemment connu la plus grande croissance du nombre de riches) à cause de l’augmentation des prix des matières premières. Ces augmentations ont en fait disparu dans les poches d’un petit groupe de super riches dans le monde néo-colonial. De la même manière, la croissance des pays capitalistes développés a surtout enrichi les milliardaires.

    En 1960, il était estimé que les 20% les plus riches sur le plan mondial possédaient 30 fois ce dont disposaient les 20% les plus pauvres. Vers 1997, cette proportion était de 74/1 tandis que pour la fi n 2005, le rapport était de 150 pour 1. Selon une étude de l’université américaine de Michigan, les 2% les plus riches des Etats-Unis ont depuis 1984 doublé leurs revenus pour atteindre une moyenne de 2,1 millions de dollars en 2005. Quant au 1% le plus riche, leur revenu moyen est de 4,9 millions de dollars par an.

    Le salaire moyen d’un manager américain est maintenant 300 fois supérieur au salaire moyen, différence 10 fois plus grande que durant les années ‘70. En 2007, le revenu cumulé de tous les milliardaires à travers le monde avait augmenté de 35% en une année seulement ! Le capital se retrouve concentré auprès de moins en moins de personnes mais – à cause de la super exploitation du néo-libéralisme – celles-ci sont de plus en plus riches. Il s’agit d’un phénomène mondial.

    En Belgique également, l’élite dominante n’a pas trop de difficultés. Les 10% les plus riches possèdent 50% de la richesse totale. En 2006, les valeurs financières des Belges ont connu un record en atteignant 793,4 milliards d’euros, c’est-à-dire 80.000 euros par Belge (compte d’épargne, actions boursières,…) Beaucoup de travailleurs se demandent sur quel compte se trouve leurs 80.000 euros… Sur celui de leur patron? Ou sur ceux des actionnaires principaux de l’entreprise qui les emploie ? Ou encore sur le compte des politiciens bourgeois ? C’est vrai que ces derniers se sont bien servis avec leurs sièges dans les conseils d’administration des grandes entreprises (entreprises qu’ils ont d’ailleurs toujours bien soigné au cours de leurs carrières politique).

    Au regard du développement des profits, l’origine de cette inégalité sociale n’est pas difficile à trouver. Ces dernières 30 années, depuis le début de la politique néolibérale sous le gouvernement Martens – Verhofstadt de 1981, ont été une véritable « ruée vers l’or » pour les capitalistes et leurs partisans. Une ruée vers l’or en direction de moyens initialement prévus pour la sécurité sociale (pensions et autres allocations) et en direction de notre pouvoir d’achat. En Belgique, les profits des entreprises étaient en 1980 de 241 milliards de francs belges. En 1985, ce chiffre avait déjà augmenté jusqu’à 484 milliards FB, jusqu’à 821 milliards FB même en 1994. Cependant, en 2005, les profits des entreprises avaient atteint… 41 milliards d’euros (environs 1.640 milliards d’anciens FB). Même en tenant compte de l’augmentation des prix, les richesses d’une petite élite ont énormément grandi. L’objectif de la politique néolibérale est limpide. La classe dominante a par ce moyen tenté de rétablir le taux de profit face à la compétition sur un marché qui connaissait depuis 1974- 75 une croissance plus faible ou des périodes de stagnation. Un nouveau développement était seulement possible sur base d’une répartition différente des richesses. Les salaires (directs ou indirects à travers les allocations sociales) – que les travailleurs avaient arraché au cours de leurs luttes – ont alors chuté. C’est sur cette base qu’ont pu exploser les profits de la classe capitaliste. Les super-profits permettent d’ailleurs aussi de comprendre la taille appréciable des salaires des managers : un manager d’une entreprise du Bel 20 empoche chaque année en moyenne 1,5 million d’euros brut.

    La politique néolibérale a signifié un transfert gigantesque de richesse de la classe ouvrière vers un groupe de super-riches tel que jamais encore l’histoire n’en avait connu. Ces capitalistes ne savent que faire de leur prospérité, beaucoup d’entre eux se sont même lancés dans la charité. Probablement veulent ils ainsi «redistribuer» une part de ce qu’ils ont extorqué aux travailleurs, aux bénévoles,… Plus sérieusement, il s’agit là d’un moyen commode pour redorer son blason dans la société au moment où les capitalistes à la richesse indécente sont de plus en plus perçus comme nuisibles pour la société.

    Les riches deviennent plus riches tandis que la classe ouvrière s’appauvrit.

    Il n’est pas ici question d’un d’une paupérisation relative face à une minorité « qui a eu de la chance ». La majorité des travailleurs et des employés auraient d’ailleurs soi-disant eux aussi fait des pas en avant vers de meilleurs conditions de vie ces dernières 25 à 30 années. Les statistiques du gouvernement démontrent pourtant le contraire. D’abord, il ressort clairement que la plupart des allocataires (pensionnés, chômeurs,…) a connu un appauvrissement absolu. 21% des pensionnés sont officiellement sous le seuil de pauvreté et 39% des pensionnés ont une pension inférieure à 750 euros. En 1980, l’allocation moyenne de chômage représentait 41,6% du salaire brut moyen ; en 1999, cela avait diminué jusqu’à 27,9%. L’allocation d’invalidité moyenne était équivalente à 43,9% d’un salaire brut moyen en 1980, tandis qu’en 1999, ce chiffre avait baissé jusqu’à 33,3%.

    Il n’est donc pas surprenant que la pauvreté touche – malgré la croissance des richesses – de plus en plus de personnes. Aujourd’hui, elle représente 15% de la population alors que dans les années ’80, on parlait de quelques 6%. Une situation pareille est honteuse pour un pays soi disant « prospère ». Il faut y voir le résultat direct des attaques sur la protection sociale des divers gouvernements néo-libéraux, avec ou sans le PS, le SP.a ou les verts.

    Mais n’y a-t-il tout de même pas une couche aisée de familles avec deux revenus ayant quand même progressé?

    Les médias nous resservent régulièrement cette soupe. Le fait est qu’aujourd’hui, deux travailleurs sont nécessaires dans une famille pour préserver un certain niveau de vie, et cela en dit déjà beaucoup. En réalité, le pouvoir d’achat des salariés normaux a fortement reculé. Les coûts d’une maison ou les loyers, par exemple, ne se reflètent pas dans les augmentations salariales ou dans l’indexation. «L’index-santé» actuel est devenu une caricature face aux augmentations réelles des prix de beaucoup de produits. Comme le remarquent correctement beaucoup de gens : «Tout devient de plus en plus cher, mais nos salaires ne suivent pas».

    Déjà au début des années 1980, le gouvernement néolibéral de Martens a forcé une dévaluation de la monnaie et l’index a alors subi des manipulations. Entre 1981 et 1985, les salaires réels ont diminué de 13% à 21%, en fonction de leur catégorie. Depuis ce temps, le coût du logement a pris énormément plus de place dans le budget des ménages – parfois jusqu’à 1/4 ou plus du total – et le pétrole, les cigarettes,… ont été retirés de l’index.

    Il n’y a pas beaucoup d’études concrètes sur la chute du pouvoir d’achat de nos salaires, mais ce n’est probablement pas exagéré de l’estimer autour de 30 à 40%. Ceci correspondrait à l’expérience concrète de beaucoup de ménages qui ont besoin de 2 emplois ou d’un emploi et un temps partiel pour préserver un certain niveau de vie. En 1981, les salaires représentaient 59,2% de la production nationale. En 2006, cette partie était arrivée sous la barre des 50%. Et encore, les patrons trouvent que le coût salarial est trop élevé pour leur soif de profit insatiable !

    Le néolibéralisme a conduit à une augmentation énorme de la pression au travail et du stress, en combinaison avec une insécurité d’emploi croissante. Beaucoup de ces problèmes – en fait des problèmes sociaux, liés au capitalisme – se retrouvent au sein de la famille et n’ont certainement pas aidé à développer des relations harmonieuses entre partenaires ou entre parents et enfants. Mais quand un nouveau «drame familial» prend place, tout l’establishment jette les mains dans l’air. On les entend beaucoup moins parler des 17% de Belges qui, à un certain moment de leurs vies, sont confrontés à une dépression. Quant à la responsabilité de la politique néo-libérale dans tout cela (avec la disparition de la protection sociale,…), les médias n’en parlent pas.

    En Amérique Latine comme en Afrique ou encore dans les ex-pays du bloc de l’Est et même dans les pays capitalistes développés, la crise économique commencée au milieu des années ’70 a conduit à une paupérisation de la population. Toutefois, certains idéologues libéraux ont persisté jusqu’à aujourd’hui à affirmer que le marché «libre» a diminué la pauvreté dans le monde. Ils se basent sur des rapports des Nations Unies qui clament qu’en Asie «des centaines de millions de paysans» sont sortis de la pauvreté. Mais cet exemple Asiatique peut être critiqué. En fait, cette prétendue diminution de la pauvreté en Asie est seulement basée sur l’Inde et la Chine. En ce qui ce concerne l’Inde, la méthode de calcul a été modifiée dans les années ‘90. La soi-disante baisse du nombre de pauvres est un point fortement contesté, même entre «économistes du développement» qui ne remettent pas en doute le «libre» marché.

    La Chine est un cas spécial. Sur base de l’économie bureaucratiquement planifiée, le développement de l’agriculture a atteint ses limites dans les années ‘70. La bureaucratie en Chine a commencé à augmenter les prix pour les denrées produites par les paysans, ce qui a entraîné une croissance de la productivité. Beaucoup de paysans sont devenus un peu moins pauvres et sont tombés hors des statistiques des Nations Unies. Mais le fait que la Chine reste essentiellement dépendante des exportations pour sa croissance économique démontre qu’un marché interne n’a pas été créé. Officiellement, les campagnes chinoises sont un peu moins pauvres qu’auparavant. Mais la transition vers le capitalisme a signifié la mort du «bol de riz d’or» (la protection sociale chinoise) sur les plans de l’éducation, des soins de santé, de l’espérance de vie,… Si en Chine également les lois du capitalisme vont de plus en plus jouer, cela ne va que mettre encore plus en évidence – pour ceux qui n’en étaient pas encore convaincus – que combattre la pauvreté dans ce système est une illusion.

    La Chine a connu une forte croissance, précisément parce Le PSL/LSP, un parti pour changer de société 27 qu’elle est devenue «l’usine du monde». Cette position a seulement pu être acquise sur base d’une super-exploitation, du manque de législation sociale et de conditions qui rappellent le 19e siècle en Europe (ou pire encore).

    En conclusion: devenir riche aujourd’hui n’est en rien une question de chance ou d’intelligence. Dans la plupart des cas, cela veut simplement dire que, sur base de sa position de classe comme grand actionnaire ou propriétaire privé, il est possible de manœuvrer pour obtenir des parties sans cesse plus grandes de «travail gratuit». Dans ce processus, les gouvernements – qui aident à miner les salaires et les allocations, vident les contrats de travail et privatisent les services publics – sont les gentils petits toutous du capital.

    Avec leurs salaires, les politiciens sont certains de ne pas ressentir les conséquences de leur politique de casse sociale. L’insécurité croissante et l’absence de perspectives pour l’avenir ont favorisé l’arrivée d’une énorme méfiance vis-à- vis de «la politique» précisément parce qu’il ne s’agit pas d’une politique en faveur des travailleurs et de leurs familles. Ce développement amène aussi une plus grande volatilité lors des élections. La classe dominante possède beaucoup moins d’instruments stables pour pouvoir mener sa politique comparativement à la période de croissance extraordinaire qui a suivi 1945.

    Surproduction et crise économique

    Karl Marx a expliqué dans «Le Capital» comment la classe ouvrière reçoit une valeur (son salaire) qui ne correspond qu’à une partie de la valeur qu’elle produit elle-même (en biens et en services). Ce travail non-rémunéré est la base de la plusvalue des capitalistes. Les capitalistes peuvent acheter une partie des voitures, des machines à laver, des télévisions,… que les travailleurs produisent pendant la partie non-rémunérée de leur journée de travail et qu’ils ne consomment pas, mais ils ne peuvent acheter toute la production. Donc, à un certain moment, une surproduction ou capacité de surproduction survient inévitablement.

    Un autre facteur doit être pris en compte. Sous pression de la compétition, les capitalistes ont une tendance à investir de plus en plus dans de meilleures et de plus modernes machines. De cette façon, ils espèrent augmenter la productivité du travail, diminuer leurs prix et ainsi acquérir une plus grande part de marché. Le problème, c’est que seule la force de travail peut engendrer la plus-value. Les machines se déprécient pendant un nombre d’années calculable. En elles-mêmes, elles ne produisent pas de plus-value, uniquement représentée par le travail non-rémunéré de la classe ouvrière. Quand la plus-value reste égale, tandis que les coûts pour les machines et nouvelles technologies grandissent, le taux de profit (le profit par unité de capital investi) commence à baisser.

    Ces deux éléments ont été à la base, vers les années ‘70, de la fi n de la période de forte croissance économique. Les profits ont aussi été amoindris par un autre développement. Dans les ans ‘60 et jusqu’au milieu des années ’70, les travailleurs ont, dans la plupart des pays industrialisés, livré un combat acharné pour de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail, mais souvent également avec des revendications portant sur un changement radical de société, avec les sommets atteints par mai ‘68 en France, la révolution des œillets au Portugal et la lutte contre le régime des colonels en Grèce. Le patronat et les gouvernements ont donc dû faire des concessions. En Belgique, par exemple, les salaires réels ont augmenté pendant plusieurs années durant cette période. Évidemment, cela a d’autant augmenté la pression sur les bénéfices de la classe dominante.

    Ces développements ont conduit à un point tournant fondamental pour l’économie capitaliste mondiale. Le taux de profi t était miné et la crise économique a causé, en 1974, une forte augmentation du chômage. Le chômage structurel de masse a dès ce moment été un élément permanent, malgré les diverses tentatives des gouvernements pour masquer et manipuler les statistiques. A ce moment, les bourgeois ont opté pour une politique néolibérale, après une première réaction qui a consisté à de nouveau injecter de l’argent dans l’économie, ce qui n’avait seulement produit que des augmentations de prix et de l’inflation.

    Le problème avec les solutions néolibérales pour rétablir le taux de profit, c’est elles conduisent toutes à terme à une crise plus profonde. Faire baisser le pouvoir d’achat des salaires directs et indirects (allocations de chômage, pensions,…), faire travailler les travailleurs plus durement et plus longuement pour le même salaire ou pour un moindre,… tout cela aggrave au final le fossé entre la production et le pouvoir d’achat des masses. Ce phénomène explique pourquoi les économies capitalistes ont également une tendance à connaître des crises de plus en plus graves depuis les années ‘70. Les montagnes de dettes que les gouvernements ont construit dès les années ‘80 ont d’ailleurs été autant de tentatives d’éviter une crise plus profonde et plus rapide. De même, ces dernières années, on a poussé les travailleurs à dépenser les salaires qu’ils n’avaient pas encore gagné (sur base de dettes, d’hypothèques, de différentes formes de crédits,…).

    Le problème n’est pas qu’il n’existe pas assez de richesses dans la société. Par contre, cette richesse est constamment plus invisible pour une majorité de travailleurs. Le taux de dettes des ménages belges a augmenté en 2005 vers le record de 43,1% du PIB. Il y a vingt années, il ne s’agissait encore que de 28,1%. Là où dans le passé une important portion des revenus pouvaient encore être épargnée – aux environs de 20% dans les années ‘80 – cela a également beaucoup diminué dans la période néolibérale. Pourtant, c’est avec cette épargne que de nombreux retraités évitent de sombrer dans la pauvreté.

    Ces dernières années, on remarque même que les capitalistes ont moins investi dans de nouvelles machines et technologies pour augmenter la productivité. Où pourraient-ils encore vendre tout ces produits sur un marché miné ? Ils tentent, au travers d’assainissements, de rassembler ou de garder des fonds chez les grands actionnaires ou alors les prêtent aux banques, ce qui est à la base d’une stratégie de fusions et de reprises. Ils veulent «devenir plus grands» en achetant d’autres entreprises, puis y faire plus de profits avec moins de gens en effectuant des économies d’échelle. Jan Marijnissen, le président du SP hollandais (à la gauche de notre PS) a convenablement qualifié ce phénomène de «capitalisme prédateur». Malheureusement, en tant que politicien réformiste, il croit encore qu’il peut domestiquer «l’animal prédateur».

    L’importance accrue des bourses et de la spéculation financière illustre la dégénérescence du capitalisme qui – à cause de la surproduction – investi moins dans la production réelle. A titre d’exemple, aux Etats-Unis, la part des institutions purement financières dans les profits a grandit de 10 à 15 % dans les années ’50 et ’60 jusqu’à 30 à 40% aujourd’hui.

    A son époque, Marx a mené une vive et intense polémique contre les socialistes utopiques et les anarchistes qui attaquaient les phénomènes visibles du capitalisme, mais ne voulaient pas mener une analyse approfondie du système pour voir quelles forces contradictoires étaient présentes.

    Marx a ainsi polémiqué contre ceux qui plaidaient pour des îlots «socialistes» dans un océan capitaliste comme les entreprises «socialistes» autogérées et les coopératives et/ou communes autogérées par des socialistes ou des anarchistes. Au contraire, il a démontré que le capitalisme engendre sa propre déchéance avec la création d‘un groupe croissant de travailleurs rassemblés dans de grandes unités de production.

    La bourgeoisie a, depuis le début de la crise au milieu des années ‘70, détruit une grande partie de l’industrie. En Belgique, elle a essayé de partiellement remplacer ces emplois en créant des emplois dans «le secteur tertiaire des services». Mais même dans des call-centers ou des PME’s, ces travailleurs ont vu leurs salaires et conditions de travail se détériorer. Les syndicats devraient considérer leur présence et les élections sociales dans les PME’s comme d’une importance majeure.

    Ignorer cela équivaut à laisser l’opportunité à la bourgeoisie d’affaiblir notre lutte. De plus, cela pousse les couches non-organisées de notre classe en direction de solutions individuelles – de fausses solutions – et les rend plus perméables à la vague de propagande droitière contre les grèves.

    Concurrence capitaliste… ou socialisme mondial ?

    En 1848, quand Marx a écrit le «Manifeste du Parti Communiste», la classe des travailleurs salariés n’était même pas encore une majorité dans la société sur le continent européen. Ce qui est particulièrement brillant dans le «Manifeste du Parti Communiste», c’est que l’estimation de la tendance générale du mode de production capitaliste était correcte. Le capital était destiné à conquérir le monde à cause de sa soif d’accumulation et de production de profits.

    Observons la situation telle qu’elle se présente actuellement. En septembre 2007, Janssen Pharmaceutica a annoncé le licenciement de 688 de ses travailleurs. Parmi eux se trouvaient aussi 194 de chercheurs hautement qualifiés. Un délégué syndical du Setca a fait remarquer dans la presse: «Janssen Pharmaceutica a réalisé l’année passé un profit de 250 millions d’euros. Tous ces licenciements sont-ils nécessaires? Ou est ce que Johnson & Johnson (l’entreprise mère, NDLR) veut prendre un chercheur en Inde pour chaque place perdue ici ?»

    En 2006, un autre géant belge, Inbev, a décidé de délocaliser une partie de son administration vers des pays meilleur marché: la Tchéquie et la Hongrie. L’année précédente, Inbev avait fait un profit de 1 milliard d’euros. Les grandes entreprises sont aujourd’hui des «joueurs mondiaux» à la recherche de la production la plus rentable partout à travers le monde. De grandes parties du monde néo-colonial sont trop instables pour cela, à cause du niveau d’instruction très bas et des structures gouvernementales corrompues. Mais, heureusement pour les maîtres du monde capitalistes, il y a encore les nouveaux Etats membres de l’Union Européenne, l’Inde ou encore la Chine où ce qui reste de la bureaucratie stalinienne garde un oeil sur les travailleurs.

    La délocalisation révèle de façon aiguë de quelle manière les systèmes de productions capitalistes, depuis le temps de Marx et du «Manifeste du Parti Communiste», sont inter-connectés sur le plan mondial. En même temps, on ne saurais mettre en avant un meilleur argument en faveur de la nécessité de l’organisation internationale des travailleurs. Le PSL/LSP et son organisation internationale, le Comité pour une Internationale Ouvrière, perpétuent une tradition de solidarité internationale. Sinon, quelle est la norme? Les salaires et conditions de travail de Pologne? Ou alors ceux de Chine? Les travailleurs doivent résister et s’organiser contre cette spirale négative.

    Les besoins de la classe ouvrière se heurtent à la dictature des grands actionnaires. Pour ce club, beaucoup de profits ce n’est pas encore assez. La rentabilité est relative et la concurrence renforce ce processus. Des actions baissent de valeur ? Les «assainissements» sont, dans ce système concurrentiel, la seule réponse. Ce ne sont pas seulement les ouvriers industriels qui ont à craindre la «logique» folle du capitalisme, mais aussi des employés et de chercheurs hautement qualifiés.

    Comme Marx l’avait déjà démontré, le marché capitaliste traverse les frontières et mène à des tensions commerciales et à des guerres. Si, grâce à la force potentielle du mouvement ouvrier en Europe ou aux Etats-Unis, les pays capitalistes développés sont aujourd’hui épargnés, ce n’est pas le cas du monde néo-colonial.

    Regardons l’intervention de Bush en Irak. Même Alan Greenspan, l’ancien chef de la FED (la Banque centrale américaine), admet maintenant que le motif de la guerre en Irak était «principalement la protection du transfert du pétrole». La seule «moralité» du capital est son chiffre d’affaires. La «lutte pour la démocratie» est seulement une façade pour l’impérialisme, derrière laquelle se cachent les profits des grandes entreprises. Seul le mouvement ouvrier a un intérêt à maintenir et à élargir les droits démocratiques.

    Un conflit commercial existe aussi entre les Etats-Unis et la Chine qui importe des produits bon marché aux Etats-Unis. De leur côté, plusieurs pays d’Amérique Latine essaient de faire des accords de commerce entre eux afin de contrer quelque peu l’influence de l’impérialisme, surtout américain. En Europe, les bourgeoisies nationales ont tenté de limiter la compétition entre elles par l’introduction de l’euro et la création de la Banque Centrale Européenne. Une crise fondamentale du système liée à des révoltes ouvrières vont pousser les bourgeoisies nationales les plus faibles vers la sortie. Ce développement va à terme casser la zone euro et l’Union Européenne, avec seulement la persistance d’un noyau dur.

    La production capitaliste tente de surpasser les frontières, mais elle se heurte toujours au carcan de l’Etat-nation. La propriété privée des moyens de production et l’Etat-nation sont des formes sociales dépassées. Elles doivent être remplacées par une économie démocratiquement planifiée et par le socialisme mondial.

    La majorité de la classe ouvrière et l’avant-garde

    Sur base des lois générales du développement du capitalisme analysées plus haut, Marx a mis en avant la nécessité d’une société socialiste, une société harmonieuse de producteurs et de consommateurs où la production n’est pas dirigée vers les profits d’une petite minorité, mais vers les besoins de chacun.

    Selon Marx, la classe ouvrière est la seule classe capable de réaliser cela au vu de son rôle dans la production. C’est de là que découle sa stratégie visant à essayer de gagner la majorité des travailleurs pour un programme socialiste. En contradiction avec les anarchistes – avec Bakounine, leur plus éminent représentant à ce moment – qui voulaient rendre les travailleurs «conscients» au travers d’actes terroristes, Marx pensait que seule une majorité consciente de la classe ouvrière serait capable de mener une transformation socialiste de la société.

    Le terrorisme, comme l’ont toujours expliqué les socialistes de Marx à Trotsky, est l’arme du petit-bourgeois désespéré ou du «prolétaire en haillons» non-organisé. Ces éléments n’ont pas de confiance dans le mouvement de la masse de la population. Ils essaient, en tant que petite minorité, de forcer le développement de la société. Une révolution socialiste peut seulement aboutir si elle est soutenue par la majorité de la population: la classe ouvrière.

    Bien sûr, entre la constatation de ce qui est objectivement nécessaire – gagner la majorité de la classe ouvrière pour un programme socialiste – et effectivement atteindre cet objectif, il y a encore beaucoup d’obstacles. Tous les travailleurs ne montrent pas le même degré d’initiative. Parmi les travailleurs comme parmi les jeunes, il y a des individus actifs qui sont ont un rôle décisif pour la réaction de groupes plus larges de travailleurs et de jeunes. C’est surtout cette «avant-garde» qui doit dans un premier temps de radicalisation être gagnée à un programme socialiste. Ce n’est qu’à travers celui-ci qu’il est possible de plus tard atteindre et gagner les couches plus larges. En somme, un parti révolutionnaire doit d’abord s’orienter vers l’avant-garde, la partie la plus active et consciente des travailleurs et des jeunes, afin d’atteindre ensuite sur cette base les couches plus larges. Mais il est très important de ne pas isoler cette avant-garde des couches larges avec un programme ultra-gauchiste, mais d’adopter un programme de transition qui offre la possibilité d’entrer en dialogue avec ces couches larges.

    Sous le stalinisme, cette option stratégique a été déformée pour servir les intérêts d’une bureaucratie. Vu l’isolement de la Révolution dans le pays industriellement et culturellement arriéré qu’était la Russie de 1917, une vieille couche de carriéristes a pu envahir le Parti Communiste. Cette couche de carriéristes était principalement constituée de personnes capables de lire et d’écrire, souvent déjà fonctionnaires sous l’ancien régime tsariste. Ils n’avaient évidemment pas fait la révolution (et pour la plupart était même contre). Sous le régime de Staline, ce groupe social a transformé le Parti Communiste en un instrument taillé en fonction de ses propres intérêts bureaucratiques. Tous les éléments de démocratie ouvrière qui existaient encore ont été abolis.

    Pour la bureaucratie, il n’était plus nécessaire de gagner l’avant-garde. Au contraire, les staliniens se sont proclamés eux-mêmes l’avant-garde et ont défini leur parti comme celui de l’avant-garde. Cette approche élitiste a sérieusement discrédité l’idée de gagner les couches les plus conscientes des travailleurs et des jeunes. En réalité, les staliniens ont rompu avec la stratégie qui a été proposée par Marx. Ils ont déformé ses idées pour servir leurs propres objectifs bureaucratiques.

    Des perspectives comme guide pour l’action

    Marx a dévoilés les lois générales du développement du capitalisme et les tâches stratégiques les plus importantes. Ces lois générales de mouvement ainsi que la lutte entre les travailleurs et le capital ne se déroulent pas de façon linéaire. Des moments de progrès et de recul se succèdent.

    Pour une organisation révolutionnaire, il n’est pas seulement nécessaire d’étudier le mouvement général à long terme, mais aussi d’estimer comment les choses vont se développer à court et à moyen terme. C’est sur base d’une telle analyse qu’on peut déduire les tâches concrètes pour aujourd’hui et demain.

    Prenons une comparaison connue. Sur base du nombre potentiel de spectateurs et des réserves financières, on peut en déduire qu’une équipe de football d’un pays riche a plus de chances d’avoir un bon résultat en compétition qu’une équipe d’une petite ville, avec moins de revenus issus des spectateurs et de la publicité. On pourrait appelé cela une «loi de mouvement général».

    L’équipe qui se base seulement sur cette loi de mouvement général et ne se force pas trop ne va pas aller bien loin malgré son futur prometteur. Il est nécessaire que l’équipe comprenne aussi ce qu’elle a à faire aujourd’hui. Si l’équipe joue contre une équipe offensive, elle devra jouer d’une autre façon que contre une équipe avec une attitude défensive. Autrement dit, l’équipe devra aussi estimer à court terme le jeu de l’adversaire et sur cette base décider d’une tactique afin de remporter le match.

    L’idée quelle pourrait acheter quelques nouveaux joueurs l’année prochaine ne changera rien au résultat d’aujourd’hui. De plus, une défaite aujourd’hui aurait aussi un effet sur le nombre de spectateurs et la publicité à l’avenir. Une bonne équipe, donc, n’a pas seulement besoin d’une stratégie à long terme, mais doit aussi estimer tactiquement le jeu de l’adversaire à court terme. Sinon, les bonnes perspectives pour le futur pourraient être transformées en son contraire assez rapidement.

    Pour une organisation révolutionnaire aussi, il est important d’estimer les rapports de forces de façon correcte, d’analyser les développements à court terme et d’élaborer sur cette base une approche tactique. Mais l’adversaire peu aussi essayer de jouer sur la surprise est décider de jouer d’une autre façon. De la même manière, les perspectives d’une organisation révolutionnaire ne sont pas des prévisions exactes, mais une tentative d’estimer les développements de la façon la plus correcte possible, à court et moyen terme, afin d’y ajuster tactiques et objectifs de façon systématique.

    Par exemple, le lancement de Blokbuster, notre campagne antifasciste flamande, a pris place, comme cela a déjà été mentionné, quelques mois avant la percée du Vlaams Blok lors des élections de 1991. Nous avions mis en avant la perspective que, malgré la croissance économique de cette époque, une couche importante de la population des villes connaissait un recul de leur niveau de vie. Une victoire du Vlaams Blok allait probablement provoquer une certaine radicalisation parmi une couche de jeunes. Sur base de ces perspectives correctes, les précurseurs du PSL/LSP ont posé les fondations de la construction d’une organisation révolutionnaire et d’une tradition antifasciste encore largement respectée aujourd’hui.

    Perspectives et tactiques

    Dans les années ’70 et au début des années ’80, il y avait encore une large conscience socialiste auprès d’une couche importante de travailleurs et de jeunes. L’idée qu’il y avait une alternative au capitalisme, même sans être claire à 100% sur ce que représentait cette alternative dans les détails, était acceptée par un groupe important de travailleurs et de jeunes. Durant cette période, les marxistes avaient surtout à confronter leurs points de vue spécifiques avec les réformistes sociaux-démocrates et les staliniens.

    La chute des régimes staliniens et le processus de bourgeoisifi cation de la social-démocratie ont miné cette conscience «socialiste». Aujourd’hui, le rôle des marxistes ne se limite plus à défendre leurs positions contre celles des dirigeants sociaux-démocrates et de ce qui reste des staliniens. Notre tâche est aussi de propager l’idée générale du socialisme.

    De là découle l’appel tactique du PSL/LSP pour un nouveau parti de masse des travailleurs indépendant de la bourgeoisie où tous les courants et individus qui résistent à la politique néolibérale seraient les bienvenus. Cet appel pour un nouveau parti des travailleurs date déjà de 1995. Les membres du PSL/LSP étaient dès lors préparés pour des initiatives comme celle du CAP, le Comité pour une Autre Politique qui avait le potentiel d’aller dans la direction d’un tel nouveau parti des travailleurs, sans toutefois avoir pu y parvenir.

    Nous sommes convaincus que seul un programme socialiste achevé – une économie planifiée et la démocratie ouvrière – peut résoudre les problèmes quotidiens de l’emploi, de la pression au travail, de la chute du pouvoir d’achat, de la crise du logement, de l’éducation plus chère, de la destruction du climat,… Mais nous voulons discuter de cela de façon ouverte avec des couches plus larges de travailleurs, sans mettre en avant des ultimatums comme les groupes gauchistes.

    Mais nous ne pensons pas qu’un nouveau parti des travailleurs ne peut pas avoir comme objectif principal ou pré-condition d’unifier tous les groupes de la gauche radicale. Tout ces courants n’ont pas la même vision de la manière de construire une alternative de gauche, ni la même orientation vers les couches larges de travailleurs, ou encore n’ont pas les mêmes méthodes ouvertes pour arriver à une nouvelle formation. La première tâche des initiatives qui veulent aller en direction d’un nouveau parti des travailleurs est de gagner des couches fraîches de travailleurs et de jeunes à travers des campagnes vers les lieux de travail, les piquets de grève, les quartiers, les écoles et les universités. Au plus il existera de réels courants de gauche voulant participer de façon constructive à ce projet, au mieux cela sera selon le PSL/LSP. Mais, selon nous, il y a une différence fondamentale entre la «recomposition de la gauche» et le lancement d’un nouveau parti des travailleurs.

    Pour le PSL/LSP, des nouveaux parti larges des travailleurs sont des instruments importants pour avoir, à nouveau, une organisation de base, pour donner une voix à la lutte des syndicats sur le terrain national et politique, pour rassembler des travailleurs et des jeunes qui auparavant étaient isolés, pour élever la conscience sur le rôle du capitalisme, et pour entamer la discussion sur une société démocratique et socialiste.

    Mais les partis larges de travailleurs ne sont pas immunisés à la pression idéologique et matérielle de la bourgeoisie, comme cela peut déjà se remarquer au niveau international. En Italie, Rifundazione Comunista (RC) a participé au gouvernement néolibéral de Romano Prodi. RC était une scission du vieux Parti Communiste stalinien. Ce parti a adopté une position plus ouverte et se tenait à distance des dictatures de l’ancien bloc de l’Est. Dans les années ’90 déjà, RC avait des dizaines de milliers de membres et pouvait mobiliser, sur ses propres forces, une masse de gens dans les rues.

    Les dirigeants de ce parti tenaient malheureusement au capitalisme. Vu la crise actuelle de ce système, il n’y a presque plus de marges sociales pour acquérir des améliorations sociales permanentes. De nouveaux partis des travailleurs sont beaucoup plus vite confrontés au choix de s’adapter au marché capitaliste et ainsi mener une politique de casse sociale néolibérale, ou de rompre avec ce système et alors se battre pour une transformation socialiste de la société. En clair: réforme ou révolution. Malheureusement, la direction de RC a choisi les postes parlementaires et le carriérisme. Une crise profonde dans RC en a été le résultat, et l’aile droite du parti a dû partir. Il est aujourd’hui assez peu clair de voir dans quelle direction va évoluer RC et si ce parti pourra se débarasser du discrédit de sa participation gouvernementale.

    Le SP, en Hollande, avec des dizaines de milliers de membres Le PSL/LSP, un parti pour changer de société 31 sur papier, présente lui aussi une pensée anti-néolibérale. Ce parti était une alternative au PVDA social-démocrate devenu néolibéral. Mais au sein du SP également, un processus similaire à celui de RC en Italie s’est développé. La direction du SP a dans le passé laissé entendre qu’il était ouvert pour des coalitions même avec le CDA, un parti ouvertement à droite (si toutefois ce dernier devenait un peu plus social). Sur le plan local, le SP participe à des coalitions qui ont mené des privatisations. Il y a beaucoup de mécontentement au sein du SP sur l’absence de démocratie interne. Les vieilles méthodes maoïstes et le parlementarisme de la direction du SP jouent un grand rôle dans ce processus. Plus de 1.000 personnes auraient, à cause des ces problèmes internes, déjà montré un intérêt dans le lancement d’un nouveau parti vraiment socialiste et démocratique. On doit encore voir si la direction de cette nouvelle initiative va mettre en avant les mêmes objectifs, mais la chasse aux sorcières contre les éléments les plus à gauche dans le parti a déjà commencé. Selon le PSL/LSP, il y a un lien entre la forme que revêt une organisation et le programme politique. Si il veut défendre les intérêts des travailleurs et pas ceux d’une élite du parti qui vise des postes parlementaires, un parti doit véritablement fonctionner de façon démocratique.

    En Allemagne, Die Linke, avec Oskar Lafontaine, atteint parfois 15 % dans les sondages. C’est une confirmation du vide politique existant à gauche. Le fait que Lafontaine, comme Chavez, fait des références au «socialisme du 21ième siècle» est très positif. La défense des grèves et des grèves générales marque aussi un pas en avant important. Die Linke peut commencer à organiser une nouvelle génération contre la casse sociale néolibérale. Mais l’alternative de Die Linke reste malheureusement limitée. Le programme du parti défend une sorte d’économie capitaliste mixte, avec un plus grand rôle pour le gouvernement au lieu de la nationalisation des secteurs clés de l’économie sous le contrôle des travailleurs. En même temps, Die Linke peut être discrédité par sa participation au conseil néolibéral de Berlin, par exemple avec les empois «1 euro» (un euro par heure en plus d’une allocation de chômage déjà très basse). Le parti court le danger d’être vu comme complice des mesures antisociales.

    Selon le PSL/LSP, on peut seulement participer aux conseils locaux sur base d’une majorité socialiste en menant la lutte et en mobilisant les gens dans la rue pour plus de moyens financiers de la part du gouvernement central avec le but d’élaborer un «budget des besoins» qui représente une rupture visible et importante avec la politique néolibérale. C’est ce que nos camarades ont fait à Liverpool dans les années ‘80, alors qu’ils étaient l’aile gauche marxiste du Labour Party, la parti travailliste. Cela doit impérativement être lié à l’idée qu’un changement fondamental n’est possible qu’en brisant, sur le plan national et international, le pouvoir des grandes entreprises et en mettant en place une démocratie ouvrière.

    Le PSL/LSP pense donc qu’il y a une double tâche pour les socialistes révolutionnaires: défendre l’idée d’un nouveau parti des travailleurs, aider activement au lancement d’un tel parti afi n d’établir à nouveau les idées générales de lutte et socialisme, construire en même temps notre propre courant révolutionnaire afin de mettre en avant un programme révolutionnaire achevé et, avec d’autres socialistes, combattre l’influence des bureaucrates et des carriéristes – et leurs idées et méthodes de droites – au sein du nouveau parti. Très certainement dans une situation de victoires électorales, le danger existe que ces couches voient un nouveau parti non pas comme un instrument pour changer de société, mais comme un outil pour acquérir un poste confortable au Parlement.

    Un nouveau parti des travailleurs a donc intérêt à avoir une forte aile gauche marxiste afin de donner le plus de poids possible aux points fondamentaux tels que la démocratie interne et un véritable programme socialiste (ou en tout cas les éléments les plus importants d’un tel programme). Sur base de discussions et de l’expérience en commun, nous espérons à terme convaincre la majorité, aussi dans la société, de notre programme révolutionnaire socialiste.

    Perspectives et objectifs

    Elaborer des perspectives, stratégies et tactiques est une chose, mais tout cela ne vaut rien sans être lié à des tâches et objectifs concrets. Tout comme un entraîneur d’une équipe de football qui, dans le cadre de la stratégie et de la tactique déterminée collectivement, va voir comment chaque joueur peut individuellement contribuer sur base des ses qualités et de ses faiblesse, de la même façon, une organisation révolutionnaire socialiste doit faire le maximum pour utiliser toutes ses qualités et vaincre ses faiblesses.

    On ne doit pas mettre en avant des tâches et des objectifs – par exemple pour la vente du journal, la récolte de soutien financier ou le recrutement de nouveaux membres – impossibles à atteindre. On doit motiver les membres pour atteindre un objectif qui est dans leurs capacités. Ce qu’on fait, on doit bien le faire, sans essayer d’en faire beaucoup trop, en mettant en avant des objectifs à chaque niveau, et finalement pour chacun individuellement en s’assurant que toutes les capacités soient utilisées de façon optimales.

  • Réforme ou révolte ? Comment la traite des esclaves a-t-elle été abolie ?

    Le commerce des esclaves entre la côte occidentale de l’Afrique et les Amériques, qui s’est étalée sur une période de 300 à 400 ans, a été une des périodes les plus barbares de toute l’histoire de l’exploitation. La capture et la vente d’Africains a fait des commerçants d’esclaves et de leurs mécènes des hommes riches ; leurs clients utilisaient le travail de leurs esclaves afin de s’enrichir à leur tour.

    Hugo Pierre, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    L’accumulation de cette richesse a joué un rôle majeur dans le développement du capitalisme en Europe. Mais les souffrances infligées aux esclaves étaient immenses, et l’héritage de ce commerce est toujours bien vivant parmi nous. Cette migration forcée et brutale a été très différente par rapport aux formes d’esclavage qui existaient en Europe et en Afrique au Moyen-Âge ou même à l’Antiquité.

    Nous avons des preuves que les marchés aux esclaves qui existaient à ces époques dans diverses régions d’Europe et d’Afrique étaient surtout utilisées en tant que moyens de punition, en particulier de débiteurs, ou pour l’utilisation de prisonniers de guerre. Aux Antilles, on a tout d’abord déporté des esclaves européens afin de les faire travailler dans les plantations qui produisaient les cultures et les biens destinés à la consommation européenne.

    Ceci s’avéra bien problématique pour les propriétaires, puisque certains s’échappaient et n’étaient plus retrouvés, ou refusaient de se remettre à travailler. Même l’utilisation de serviteurs contractuels – des gens qui échangeaient une dette ou leur libération de service en échange d’une période de travail aux Amériques – était un problème pour leurs « propriétaires », puisque souvent les contrats étaient rompus.

    L’utilisation par les Portugais d’esclaves en provenance d’Afrique occidentale fut presque accidentelle, mais ceci devint la méthode préférée d’approvisionnement en main d’oeuvre pour le système de plantations aux Amériques tout au long du 17ème siècle.

    Les propriétaires des plantations développèrent un système basé sur la violence afin de réprimer les esprits de leurs captifs déjà désorientés et facilement identifiables, et une idéologie, le racisme, afin de s’octroyer la supériorité et la justification de leurs actions. Il est estimé que, grâce à la vente de 2,5 millions d’Africains, les marchands d’esclaves britanniques obtinrent 12 millions de livres de profits (l’équivalent de 900 millions de livres actuelles).

    Les vies des Africains capturés étaient perçues comme autant de « marchandises » périssables par les marchands et les planteurs. De nombreux mouraient au cours du « passage » entre l’Afrique et les Amériques – dans certains cas, jusqu’à 45% des membres d’une « cargaison » mouraient au cours du voyage, mais en moyenne ce chiffre tournait autour de 30%.

    L’espérance de vie sur la plantation n’était guère meilleure. En 1764, la Barbade comptait 70 706 esclaves, 41 840 autres furent amenés par négrier jusqu’en 1780. Le décompte des eclaves en 1783 révélait que ce chiffre avait baissé de 62 258 unités au cours des neuf années écoulées.

    Un commerce mortel

    Ce commerce d’humains n’était pas effectué que par la Grande-Bretagne, même au 18ème siècle, mais la richesse qui en découla créa de puissants partisans en faveur de sa poursuite. Il est dit qu’en conséquence de ce commerce, la ville de Bristol toute entière devint une cité de petits commerçants.

    Liverpool fut transformée d’un petit village de pêcheurs en un lieu de commerce international, sa population passant de 5000 personnes en 1700 à 34 000 en 1779. Sur une période de soixante ans, 229 525 Africains furent embarqués sur des vaisseaux esclavagistes à partir de ce port. La propriété n’était souvent pas détenue par un individu, mais par un groupe d’actionnaires composé de petits commerçants et de marchands, avides de s’octroyer une part des profits.

    La traite des esclaves n’était pas sans danger pour ceux qui s’y adonnaient. Les captifs eux-mêmes ne prenaient pas à la légère leur condition d’esclaves. Nous disposons de nombreux récits de vaisseaux dévastés par les esclaves surgis de leurs cales, avec même dans un cas la capture du vaisseau tout entier par les esclaves, après qu’ils aient jeté tout l’équipage à la mer.

    Le système esclavagiste pratiqué dans les plantations requérait la formation d’une milice locale afin de le réguler, et l’utilisation fréquente de la Marine afin de mettre un terme à de graves troubles. Une des premières révoltes d’esclaves à la Barbade, en 1683, incluait un appel à l’unité dans la rébellion de tous les esclaves, rédigé en anglais.

    A la Jamaïque, il ne se passait que rarement une décennie sans une nouvelle rébellion, qui menaçait souvent l’ensemble du système des plantations. Dans certains cas, un accord de paix était obtenu avec les rebelles en leur permettant de gérer leurs propres communautés.

    Afin d’effectivement obtenir le renversement de l’esclavage, la riposte des esclaves devait être renforcée par d’autres forces de classes au sein du centre impérial lui-même. A ce sujet, en cette année du deux-centième anniversaire de l’abolition du commerce des esclaves, on parlera beaucoup du rôle de William Wilberforce, présenté comme le militant qui abolit la traite des esclaves grâce à un travail parlementaire acharné et diligent. En conséquence, Melvin Bragg, le présentateur de la BBC, a récemment consacré cet homme comme étant le plus grand de tous les politiciens anglais.

    Des arguments lui furent donnés par son ami proche, William Pitt le Jeune, Premier Ministre de l’époque, selon qui l’esclavage devait être aboli parce que bien plus coûteux que l’utilisation d’ouvriers. Le point de vue de Pitt était celui d’un disciple de l’économiste du marché libre, Adam Smith, à la suite de la Guerre d’Indépendance qui avait induit la perte des colonies britanniques en Amérique.

    En réalité, la principale préoccupation de Pitt était le fait que les négriers vendaient une grande partie de leurs esclaves aux colonies françaises, en particulier celle de Saint-Domingue (Haïti), renforçant par là une puissance rivale. En 1787, Wilberforce rejoignit la campagne déjà existante et connue sous le nom de Société pour l’Abolition, qui était essentiellement un groupe d epression.

    Wilberforce dépensa la plupart de son énergie en rédaction de législation parlementaire. L’humeur de la jeune classe ouvrière et des pauvres était en faveur d’un changement radical. Parmi eux, se trouvaient approximativement 10 000 noirs – anciens esclaves, serviteurs et fugitifs. Le gouvernement Pitt n’avait pu parvenir à mettre en avant des réformes constitutionnelles, en particulier sur le plan électoral (à cette époque, seule une petite minorité de la population avait le droit de vote) – il considérait l’abolition comme un moyen de détourner l’attention.

    Mais dans l’espace d’un an, le lancement d’une pétition, couplée à des rassemblements de masse dans les villes, petites et grandes, organisés par d’anciens esclaves tels qu’Olaudah Equiano, venus raconter leur vécu, s’articula autour des préoccupations globales des masses ouvrières et pauvres.

    A Manchester, 10 000 hommes (les femmes n’étaient pas encouragées à signer la pétition, bien qu’elles trecherchaient souvent à le faire) signèrent la pétition – plus de la moitié de la population mâle adulte de la ville. Malgré cela, la première action de Wilberforce au Parlement fut refusée par la Chambre des Communes en 1789. Mais de plus grands événements allaient intervenir.

    La révolution française

    A partir des années 1870, la colonie française de Saint-Domingue était devenue la plus prospère des îles des Caraïbes. Elle produisait plus de sucre, de café et de tabac qu’aucune autre, non seulement en termes de quantité, mais aussi de qualité. Ceci permit à la France et aux marchands impliqués dans lîle de s’enrichir.

    De la même manière que Liverpool, Bristol et London s’étaient développées sur base du commerce des esclaves, les villes de Nantes, Bordeaux et Marseille grandissaient. En 1789, les tensions sous-jacentes entre la richesse de la nouvelle classe de marchands et la monarchie explosèrent en un mouvement de masse, avec la prise de la Bastille et le début de la Révolution française.

    Cette révolution fut le signal de la fin du féodalisme en France, et posa les bases d’une société capitaliste moderne. Bien que cette révolution n’était pas une révolution socialiste, mais bourgeoise, ce furent les masses pauvres, les sans-culottes, qui menèrent le processus révolutionnaire de plus en plus en avant.

    Dans les colonies, la révolution divisa les Blancs en différents camps. Les métis libres et parfois riches de Saint-Domingue (qu’on appelait les « mulâtres ») choisirent leur camp, et firent pression pour obtenir plus de droits. Les Blancs déclenchèrent contre eux et contre la majorité noire de la population la terreur et la violence. Mais les divisions entre les Blancs fournirent à tous les autres l’occasion de dresser la bannière de la liberté.

    En particulier, à la fin de 1789, les « mulâtres » demandèrent à l’Assemblée Constitutante en France d’être traités comme des égaux par rapport aux Blancs. Ils désiraient toujours avoir accès à de la main d’oeuvre sur leur île, et par conséquent ne demandèrent pas de droits pour les Noirs.

    L’Assemblée était alors dominée par l’aile droite de la révolution, qui désirait obtenir des droits pour les nouveaux riches capitalistes, mais était terrifiée par le potentiel des masses qui avaient saccagé la Bastille. Après beaucoup d’hésitations, seule une minorité des métis purent obtenir des droits.

    Mais les divisions parmi les classes dirigeantes – la royauté et l’aristocratie contre la nouvelle couche émergente de capitalsites –, comme dans toute révolution, allait donner confiance aux masses. Ceci se vérifia pour les ouvriers et paysans de France mais aussi pour les Noirs de Saint-Domingue, qui croyaient à la nécessité de faire pression pour leurs revendications, mais cette fois-ci, jusqu’au bout.

    A partir de 1791, Saint-Domingue explosa et une guerre de classe débuta, qui sépara aussi les Blancs, les Noirs et les métis. Très rapidement, Toussaint L’Ouverture émergea en tant que dirigeant des esclaves. Son armée emprunta de très nombreuses différentes routes et positions afin de se battre pour l’émancipation.

    Mais la France révolutionnaire était aussi attaquée sur le plan international. Parmi les agresseurs se trouvait l’impérialisme britannique, qui luttait contre les Français pour l’hégémonie dans les Antilles, et qui lança une guerre en vue de conquérir les possessions françaises, en particulier Saint-Domingue.

    Saint-Domingue étant dans les faits divisée sous le contrôle de trois forces différentes, et devant faire face à l’invasion britannique, le nouveau gouverneur n’avait d’autre option que de déclarer l’abolition totale de l’esclavage, en 1793, et de mettre sous ses ordres l’armée de Toussain L’Ouverture. Les masses en France s’étaient également mises en branle pour défendre leurs intérêts, et en 1794 l’Assemblée, maintenant contrôlée par les Jacobins – la gauche – abolit l’esclavage.

    Révolte dans les Antilles

    Le drame de la révolution fut dans son ensemble joué à Saint-Domingue. Mais les conséquences de la Révolution française ébranlèrent l’ensemble des Antilles françaises : des révoltes d’esclaves se produisirent à la Martinique, en Guadeloupe, et à Tobago. La bannière « Liberté, égalité, fraternité » inspira les esclaves.

    A Sainte-Lucie, les esclaves prirent le contrôle de l’île de 1795 à 1796, après en avoir expulsé les troupes britanniques. Une fois que la Grande-Bretagne eût repris le contrôle, elle obtint la « paix » en acceptant de transformer l’armée d’esclaves en un régiment Ouest-Africain. La Marseillaise était toujours chantée par les jeunes dans les villages dans les années 30 et 40 !

    Les travailleurs et les radicaux britanniques reprirent eux aussi la bannière de la Révolution française, et soutinrent Tom Paine lorsque celui-ci rédigea ses Droits de l’Homme.

    La guerre contre la France affaiblit le soutien parlementaire en faveur de l’abolition. A cette époque comme maintenant, le Parlement décréta une série de mesures répressives afin de faire taire l’opposition à la guerre qui vivait parmi la classe ouvrière et les pauvres. En 1795, en l’espace de trois semaines, trois manifestations fortes de plus de 150 000 personnes défilèrent sous les slogans de « A bas Pitt ! », « Non à la guerre ! », « A bas le roi ! ».

    Wilberforce soutint la politique étrangère de Pitt contre la France, de même que sa politique intérieure de répression. A ce moment, il ne fit que maintenir ses suggestions visant à ouvrir un débat sur l’abolition au Parlement.

    La révolution en France devait encore connaître de nombreuses vicissitudes. Dix ans après qu’elle ait débuté, Napoléon Bonaparte arriva au pouvoir. De nombreux gains de la révolution en faveur des sans-culottes furent annulés, mais le passage d’un système de propriété féodale à un système de propriété capitaliste fut maintenu.

    Napoléon réinstaura l’esclavage, mais Toussaint L’Ouverture avait prédit la réaction des esclaves de Saint-Domingue dès 1797 dans une lettre au Directoire français :

    « Pensent-ils que des hommes qui ont été capables d’apprécier la bénédiction de la liberté vont calmement la leur voir arrachée ? Ils ne supportaient leurs chaînes que tant qu’ils ne connaissaient pas d’autre condition de vie plus heureuse que l’esclavage. Mais aujourd’hui, alors qu’ils l’ont quittée, quand bien même ils disposeraient d’un millier de vies, ils les sacrifieraient toutes plutôt que d’être à nouveau contraints à l’esclavage. »

    Les masses noires de Saint-Domingue lancèrent une insurrection qui allait mener à la fin de la tutelle française et à l’indépendance. Le joyau colonial de la France, que la Grande-Bretagne avait tenté de lui voler, resterait exempt de l’esclavage.

    Le mouvement radical en Grande-Bretagne reflua vers la voie parlementaire. A partir de 1806, des parlementaires plus radicaux (bien que capitalistes) furent élus au Parlement. L’impérialisme britannique, libéré de la lutte pour Saint-Domingue, se tourna de plus en plus vers les richesses de l’Inde plutôt que vers celles des Caraïbes.

    Qui plus est, la flotte française, décimée à Saint-Domingue, ne représentait plus la même menace pour la politique et les intérêts britanniques. Aux Antilles, il était clair que la menace de révolte constante allait accroître par l’import continu de nouveaux esclaves en provenance d’Afrique. La loi d’Abolition de l’Esclavage fut signée en 1807, pour être mise en application en 1808.

    L’héritage du mouvement

    Des dizaines de milliers d’Africains furent encore capturés et vendus pendant des décennies. On trouva rapidement des lacunes dans la Loi, et le recours à des activités illégales telles que l’utilisation de contrebandiers, de fronts étrangers pour les marchands britanniques, de même que toute une série d’autres mécanismes, permirent aux colons de satisfaire leur soif de main d’oeuvre pour leurs plantations.

    Mais le commerce des esclaves et l’esclavage lui-même furent finalement abolis en Grande-Bretagne en 1833 par l’action de la classe ouvrière et les révoltes et la résistance continues des Noirs maintenus en captivité.

    Aujourd’hui, la classe dirigeante ne peut même pas souffrir de devoir faire des excuses pour les atrocités de l’esclavage, de peur d’être assaillie de demandes de réparations.

    En 1833, vingt millions de livres (l’équivalent de 1,5 milliards de livres actuelles) furent offertes aux propriétaires d’esclaves en compensation. L’héritage dévastateur laissé par l’esclavage – l’idéologie raciste, la destruction des civilisations et communautés africaines, la mort et la déportation de 10 à 30 millions de gens, la destruction de la vie des familles noires dans les colonies – persiste encore de nos jours.

    Toutefois, l’héritage laissé par le mouvement pour l’abolition consiste en la preuve que les masses, et en particulier la classe ouvrière et les pauvres – Noirs comme Blancs – peuvent lutter ensemble pour obtenir des changements décisifs. De nos jours, seul le contrôle socialiste, la distribution et l’utilisation démocratique de l’énorme richesse qui existe partout dans le monde peuvent mettre un terme à leur exploitation et à leur divison de manière décisive.


    « Victimes de l’avarice »

    « Enfin, lorsque le vaisseau dans lequel nous nous trouvions eût chargé toute sa cargaison, ils s’apprêtèrent, avec de nombreux bruits effrayants, et nous fûmes tous placés sous le pont, de sorte que nous ne puissions pas voir comment ils manoeuvraient leur embarcation. Mais cette déception était le moindre de mes soucis.

    La puanteur de la cale, alors que nous étions encore sur la côte, était si intolérable, si répugnante, qu’il était dangereux pour nous d’y demeurer même pour une courte période, et certains d’entre nous avaient reçu l’autorisation de rester sur le pont pour y profiter de l’air frais ; mais maintenant que l’ensemble de la cargaison du vaisseau y était confinée, l’air y devint absolument pestilentiel.

    L’étroitesse de l’endroit et la chaleur du climat, ajoutées au nombre de gens dans le vaisseau, qui était si plein que chacun y avait à peine assez d’espace que pour se retourner, nous suffoquèrent presque.

    Ceci produisit une copieuse perspiration, de sorte que l’air devint bientôt inapte pour la respiration, chargé d’odeurs répugnantes, et amena une maladie parmi les esclaves, parmi lesquels de nombreux périrent, devenant par là victimes de l’avarice irréfléchie, si on me permet de l’appeler ainsi, de leurs acheteurs. »

    Olaudah Equiano, ex-esclave et militant anti-esclavage

  • Grande-Bretagne. Les protestations augmentent contre la guerre à Gaza

    Les protestations britanniques contre la guerre en Irak avaient déjà été particulièrement massives, et il en va de même aujourd’hui contre la guerre dans Gaza. Le week-end dernier, une manifestation nationale a rassemblé plus de 50.000 personnes selon les organisateurs. D’innombrables actions locales prennent également place, avec de grandes participations. Nous publions ici un court rapport de quelques unes.

    Londres

    Les organisateurs parlent donc d’une présence de plus de 50.000 personnes à la manifestation nationale de samedi dernier, ce qui est un chiffre énorme compte tenu de la rapidité de l’organisation de cette protestation. Il faut y voir une expression d’engagement et de solidarité avec les Palestiniens de Gaza soumis aux attaques aériennes, puis terrestres, de l’armée israélienne. Beaucoup de jeunes étaient là, issus d’Asie, du monde arabe, mais aussi des blancs et des noirs. Nombreux étaient ceux qui participaient là à leur première manifestation.

    Tous les tracts du Socialist Party (notre organisation-sœur en Angleterre et Pays de galles) ont été pris par les manifestants, à la recherche d’analyses sur la crise actuelle dans le conflit israélo-palestinien. Au stand du Socialist Party, de vives discussions ont eu lieu sur la possibilité d’une réponse politique socialiste.

    Le jour suivant cette manifestation nationale s’est déroulée une action à l’ambassade israélienne, avec environ 500 participants. Là encore nos camarades ont distribué leur tract et vendu 70 exemplaires de leur hebdomadaire, The Socialist.

    Manchester

    Le 3 janvier, 3.000 manifestants ont défilé à Manchester. Cette grande manifestation n’a été dépassée en termes de présence que par celle de Londres, et elle a également été largement plus suivie que les précédentes actions anti-guerre dans cette ville. Beaucoup de militants de gauche étaient présents, mais aussi des centaines de personnes de la communauté arabe et asiatique dont beaucoup de jeunes femmes musulmanes.

    Coventry

    A Coventry, environ 150 personnes se sont rassemblées devant l’hôtel de ville le 5 janvier. Cette action avait été organisée par de jeunes membres du Socialist Party de Coventry en 24heures de temps, notamment via des appels lancés sur le net. Des orateurs de différentes organisations y ont pris la parole, les conseillers communaux du Socialist Party Rob Windsor et Dave Nellist, un orateur du Centre Musulman, un autre du syndicat Unison, un de la coalition anti-guerre et du Parti Vert. Un témoignage poignant a été fait par Manal Timraz, qui a déjà perdu plusieurs membres de sa famille au cours du conflit. Cette action s’est déclarée solidaire de la manifestation de 10.000 personnes qui avait eu lieu plus tôt à Tel Aviv.

    Pays de Galles

    A Swansea s’est tenue une manifestation de 200 personnes, où un orateur du Socialist Party a, entre autres, pris la parole. Cette semaine, différents meetings publics sont prévus par nos camarades au sujet de cette guerre. A Cardiff, il y a également eu une manifestation de 300 personnes.

    Liverpool

    A Liverpool, une manifestation de plusieurs centaines de personnes a occupé le centre ville, après plusieurs rassemblements symboliques pour rendre hommage aux victimes de la guerre.

    Yorkshire

    Les organisateurs de la manifestation de Sheffield ont parlé de 1.500 participants. Là encore, beaucoup d’intérêt a été démontré pour nos tracts et nos meetings publics. D’autres manifestations ont encore eu lieu à Leeds, Bradford et York.

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