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  • France : L'austérité rejetée dans la seconde économie de l'eurozone

    A côté de la profonde défaite des partis pro-austérité en Grèce, la chute de Sarkozy constitue un réel tournant dans la situation actuelle. Il s’agit du huitième gouvernement européen à subir le désaveu des urnes au cours de cette dernière année, mais les élections françaises et grecques ont représenté jusqu’ici les plus grands rejets de l’austérité sur le plan électoral.

    Par Robert Bechert, CIO

    A la suite de la lutte massive sur les pensions en 2010, nombreux ont été les travailleurs, les jeunes et les membres d’autres couches de la société à concentrer leur attention sur l’effort visant à assurer que Sarkozy ne soit pas réélu. Mais cette élection présidentielle n’a pas seulement été un vote de nature à rejeter la personne de l’arrogant président Nicolas “bling-bling” Sarkozy. Il s’agissait également d’un rejet des attaques antisociales qu’il a lancées ainsi que d’une réaction face à l’impact croissant de la crise économique sur les travailleurs et leurs familles.

    Tous les sondages illustrent que la plupart des gens n’ont pas voté pour Hollande en soutien à sa politique, mais principalement pour faire dégager Sarkozy. Cependant, la victoire de Hollande a suscité de grands espoirs et de grandes attentes, pas seulement en France mais internationalement, que le temps est venu pour un changement face à la politique d’attaques contre les conditions de vie. Hollande a dû refléter cette pression anti-austerité et anti-riches issue de la base de la société, en faisant quelques promesses limitées et en se présentant comme le candidat de la croissance et contre l’austérité. Le programme de Hollande comprend ainsi une augmentation du salaire minimum, la création de 150.000 emplois pour la jeunesse, l’engagement de 60.000 nouveaux enseignants et de 5.000 policiers supplémentaires.

    Hollande a continué à jouer sur le thème pro-croissance lors de la soirée des élections, en disant que “L’austérité ne peut plus être la seule option” dans son discours à Tulle. Plus tard cette nuit-là, Place de la Bastille à Paris, Hollande a affirmé à la foule que “Vous êtes plus que des gens qui veulent un changement. Vous êtes déjà un mouvement qui se lève en Europe et peut-être dans le monde.” Cela est vrai, mais Hollande peut-il donner ce que des millions de gens réclament et espèrent ?

    Que fera Hollande?

    L’étroite victoire de Hollande est la première pour le Parti Socialiste (PS) aux élections présidentielles depuis 24 ans, et il s’agit seulement de la troisième (après 1981 et 1988) dans toute l’histoire de la cinquième République, créée en 1958 par Charles de Gaulle. Mais, en dépit du nom du parti de François Hollande, ce n’est en rien une victoire pour le socialisme pour ce qui est de rompre avec le capitalisme. Bien que, dans sa campagne, Hollande ait déclaré que son “réel adversaire” était le monde de la finance, il n’y oppose aucune résistance réelle sous la forme de la nationalisation des banques, des sociétés financières et des grandes entreprises. Le PS est un parti qui cherche avant tout à fonctionner au sein même du système capitaliste. Cela ne signifie toutefois pas que de nombreux partisans du PS ne veulent pas de changement, de réformes, etc., cela veut simplement dire que ce n’est pas un parti qui a vocation d’en finir avec le capitalisme. Le fait que Dominique Strauss-Kahn, l’ancien chef millionnaire du Fonds Monétaire International, ait été avant sa disgrâce publique le candidat favori du PS en dit énormément au sujet de l’attitude du PS face au capitalisme.

    A côté de ses promesses d’améliorations, Hollande a également un plan de réduction du déficit similaire à celui de Sarkozy. Tant les plans économique de Hollande que ceux de Sarkozy sont basés sur une perspective de croissance de 1,7% pour l’an prochain. Cela est incroyablement irréaliste; une croissance plus faible ou aucune croissance du tout augmentera la pression des marchés sur Hollande.

    Le nouveau président français propose également d’introduire une obligation constitutionnelle pour que le gouvernement ait systématiquement un budget en équilibre et d’éliminer le déficit budgétaire d’ici 2017, un an plus tard que ce que Sarkozy avait prévu de faire. Hollande cherche à y parvenir en sauvant 100 milliards d’euros par an avec un mélange d’augmentation de taxes et de coupes dans les dépenses, sans qu’il ait précisé de quelles coupes il allait être question.

    Le potentiel pour des luttes de masse

    Cependant, de nombreux capitalistes craignent que Hollande soit sous pression pour au moins limiter les mesures d’austérité et l’impact de la crise sur la population. Sa victoire a renforcé la confiance des travailleurs, des jeunes et de tous les opprimés de France en montrant que la droite pouvait être vaincue.

    Cela peut réveiller les traditions françaises de mouvements de masse par en-bas, ce qui pourrait forcer Hollande à aller plus loin que ce qu’il avait initialement prévu.

    De telles luttes pourraient surgir tant sur base de revendications offensives, comme pour des augmentations de salaire, que sur base de riposte contre des attaques, comme des licenciements. A la fin du mois d’avril déjà, Hollande avait averti dans Le Parisien que sa victoire pourrait voir une vague de licenciements en disant que des décisions prises puis postposées pour après les élections, et que ce n’était pas l’arrivée du PS au pouvoir qui allait être responsable de ces licenciements. Dans une interview radio, Hollande a déclaré qu’il ne laisserait pas ce cortège de licenciements prendre place. Les travailleurs qui auront à faire face à ces attaques tenteront de pousser Hollande à respecter ces phrases et lui demanderont de soutenir leurs luttes.

    Hollande et son gouvernement feront face à une grande pression des marchés pour résister à l’opposition aux coupes budgétaires et aux revendications visant à améliorer les conditions de vie des masses. Mais en même temps, les divisions deviennent de plus en plus grandes entre les divers gouvernements et capitalistes concernant ce qu’il convient de faire. Même les agences de notation reflètent cette situation en demandant plus de coupes et en se plaignant simultanément que trop peu est fait pour stimuler la croissance économique, ce qui est nécessaire pour rembourser les dettes.

    L’Europe de l’après "Merkozy"

    Merkel et le gouvernement allemand ne veulent pas changer de position, tant face à l’appel de Hollande pour renégocier le traité fiscal européen que sur la Grèce, mais ils pourraient être forcés d’accepter certaines mesures destinées à atténuer l’impact de la crise. De tous les dirigeants des principaux pays européens qui étaient en fonction au début de la crise, seule Angela Merkel est restée au pouvoir, et il est loin d’être garanti que l’actuel gouvernement allemand survivra aux prochaines élections de septembre 2014. Le jour de la victoire de Hollande, Merkel a parlé des “deux faces d’une même pièce – le progrès n’est possible qu’avec des finances solides, en plus de la croissance”.

    Un commentateur allemand a écrit “Jusqu’à présent, il n’existe pas d’alternative réaliste sur la table autre que de consolider les budgets nationaux en coupant dans les dépenses. Hollande devra reconnaître ce fait dans un délai de quelques courtes semaines. Le nouveau dirigeant français aura un paquet de stimulus en tant que complément au pacte fiscal, mais rien de plus. Cette concession a déjà été acceptée par la chancelière allemande, par le président de l’euro-goupe Jean-Claude Juncker et par le président de la Banque Centrale Européenne Mario Draghi.”

    La pression combinée de la crise économique et de la base de la société constituera un test pour Hollande. Sans défier le capitalisme, Hollande pourra être poussé dans des directions contradictoires, forcé à la fois de faire des concessions sociales et de mener des attaques contre le niveau de vie de la population.

    Après les leçons tirées de l’expérience du PS au pouvoir entre 1981 et 1995 sous la présidence de François Mitterrand et entre 1997 et 2002 avec le gouvernement Jospin, de nombreux travailleurs en France n’accordent plus aucune confiance au PS, un parti qui est considéré par cette couche radicale comme un administrateur du capitalisme. Le gouvernement de Jospin a ainsi plus privatisé que les gouvernements de la droite traditionnelle. Cela explique l’enthousiasme extraordinaire qui a soutenu la candidature de Jean-Luc Mélenchon et du Front de gauche aux premier tour des présidentielles, dont le slogan de “Prenez le pouvoir” a été vu comme un cris de ralliement contre la classe dirigeante. Cette atmosphère anticapitaliste a aussi été illustrée par les plus de 600.000 personnes qui ont voté au premier tour pour le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) et pour Lutte Ouvrière (LO), qui se situent à la gauche du PS et du FdG. De façon similaire, le soutien électoral était déjà large en 2002 et en 2007 pour LO et la LCR qui se situaient à la gauche de la ‘Gauche Plurielle’ de Jospin (qui rassemblait le PS et le Parti Communiste).

    Dans cette période trouble, Hollande va être testé. Mais comme son gouvernement se base sur le capitalisme, il est inévitable qu’un processus similaire à celui connu avec Jospin se développe après un certain temps. Mais en ces temps de crises sociale et économique, cette période sera bien plus agitée qu’alors. Nous assiterons à une radicalisation à gauche, avec l’opportunité de construire une nouvelle force capable de rompre avec le capitalisme. Mais des opportunités existent aussi pour le Front National qui recourt à un mélange de populisme, de racisme et de nationalisme afin de se construire un soutien. Une nouveau chapitre s’ouvre en France et en Europe.

  • France: 3,5 millions de manifestants dans les rues pour la défense des retraites! (rapport)

    C’est environ 500.000 personnes de plus que lors de la journée d’actions et de grèves du 23 septembre, et environ 700.000 en plus que le 7 septembre. A Paris quelques 330.000 manifestants ont protesté. Cette quatrième journée de mobilisation en un mois a donc connu un record de participation, tandis que de plus en plus de jeunes rejoignent le mouvement (selon le syndicat lycéen FIDL, entre 30 et 40% des lycées ont connu une action concernant la réforme des retraites). D’autre part, des grèves reconductibles touchent des secteurs clés comme les raffineries et les transports en commun. Une délégation du PSL était présente à Paris et une autre à Valenciennes afin de soutenir nos camarades français de la Gauche Révolutionnaire, courant construisant le NPA (Nouveau parti Anticapitaliste).

    La mobilisation ne faiblit pas

    Les trois journées d’action précédentes avaient déjà atteint des sommets de mobilisation, dans un contexte de large soutien parmi la population : 71% des sondés soutenant les manifestants contre cette gigantesque attaque portée au monde du travail. Il y aurait eu ce mardi pas moins de 244 manifestations dans le pays ! Pour la journée d’hier, la CGT-Paris a parlé de 200 appels à la grève (60% dans le secteur public et 40% dans le secteur privé) et, dans de nombreuses entreprises, la question des grèves reconductibles est à l’ordre du jour. Ainsi, ce mercredi matin, à la SNCF, les assemblées générales de travailleurs ont massivement reconduit la grève pour la journée de ce jeudi. Dans les raffineries, des assemblées générales doivent décider de la suite du mouvement. Onze des douze raffineries françaises avaient été touchées par la grève hier. Cette situation concerne aussi différentes entreprises des secteurs de l’énergie, de l’agro-alimentaire et la fonction publique.

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    Plus d’infos

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    Dans de nombreuses villes, les manifestants ont applaudi la participation des jeunes, aux cris de «Sarkozy, t’es foutu, la jeunesse est dans la rue» ou encore de «Des retraites pour les vieux, du boulot pour les jeunes ». Un million d’emplois seraient perdus par l’augmentation de l’âge du départ à la retraite, et l’on comprend que ce thème concerne les jeunes… Le Monde d’hier parodiait avec humour la réaction du gouvernement dans une caricature où un responsable déclarait aux jeunes «Retournez en cours, les retraites, ça ne vous concerne pas… D’ailleurs, ça ne vous concernera jamais.»

    Humour et comptage des manifestants

    Concernant la journée d’hier, les syndicats ont donc avancé le chiffre de 3,5 millions de manifestants. Pour la police, il ne s’agirait que de 1,23 million. Le plus ridicule étant atteint par l’évaluation de la manifestation de Marseille : 230.000 manifestants selon les syndicats, 24.500 selon la police ! Un écart d’un à dix… Au cours des précédentes journées de protestation un fossé comparable avait déjà été constaté.

    Pour le syndicat Unité SGP police, la raison est claire : la direction départementale de la sécurité publique des Bouches-du-Rhône "s’épuise à dévaloriser le nombre des manifestants alors même que la mobilisation s’amplifie." Selon ce syndicat, majoritaire dans la police, ces pratiques risquent surtout de "ridiculiser la police."

    Et pour la suite ?

    Un sondage BVA réalisé pour la chaîne M6 parle de 66 % de Français favorables à un durcissement des actions (et même 72% chez les 15-24 ans). Selon un sondage CSA pour Le Parisien, 61 % des sondés se disent favorables à une grève durable. Face à l’attitude du gouvernement, la situation est explosive mais, comme le disent nos camarades de la Gauche révolutionnaire : «les perspectives restent confuses et l’absence de réelle volonté des directions syndicales de construire une véritable grève générale pèse négativement. La colère sociale, le sentiment anti-Sarkozy ont une tendance à se généraliser mais sans pour l’instant trouver de voie nette pour s’exprimer sur le terrain social et politique.» Les appareils bureaucratiques des syndicats tentent de freiner l’organisation de la colère, mais cette dernière est telle qu’elle a assuré une augmentation constante des mobilisations, ce que la journée d’hier a encore confirmé.

    Un plan d’action fait cruellement défaut en France, tout comme en Belgique et ailleurs. Une stratégie claire discutée entre les grévistes et tous ceux qui veulent lutter aurait un potentiel énorme. Comme le disent encore nos camarades français : «Pour l’instant, seule une généralisation de la grève après le 12 Octobre (y compris en utilisant la nouvelle date annoncée par les syndicats d’une journée de manifestation… le samedi 16 octobre) peut permettre d’avancer. La multiplication des assemblées générales, des comités de lutte doit permettre d’aller dans ce sens et de se diriger vers les entreprises qui ne sont pas encore en grève mais qui pourraient y entrer. C’est à cela qu’il faut travailler tous ensemble : dans les entreprises, les universités, les lycées… Il faut également créer des instruments pour coordonner les luttes au niveau local et plus tard à l’échelle régionale et nationale.» Il faut construisons une grève générale pour bloquer l’économie du pays et gagner !

    Bien entendu, ce qui se passe actuellement en France est à placer dans le contexte plus large des politiques d’austérités à l’échelle européenne qui visent à faire payer la crise capitaliste aux travailleurs et à leurs familles. Pour le gouvernement Sarkozy, tout recul sur cette attaque contre les intérêts des travailleurs aurait pour effet de montrer aux travailleurs d’Europe qu’il est possible de gagner.

    Lors de la journée d’action européenne du 29 septembre dernier, le Comité pour une Internationale Ouvrière, dont le PSL est la section belge et la Gauche révolutionnaire la section française, est intervenu pour défendre l’idée d’une grève générale de 24 heures à l’échelle européenne. C’est dans cette direction qu’il faut aller, pour que les luttes dans les différents pays se renforcent les unes les autres.

    Plus fondamentalement se pose également la question de l’alternative politique à offrir face aux partis traditionnels, aux partis patronaux. Il faut construire de nouveaux partis des travailleurs, démocratiques et combattifs, et aider les nouvelles formations à se développer dans cette direction. Cela doit permettre aux travailleurs non seulement de stopper les attaques contre leurs acquis, mais aussi d’offrir une alternative socialiste au chaos capitaliste.

  • ATTAQUES CONTRE LES pensions en europe

    Attaques contre les pensions en Europe

    La lutte contre les pensions est menée avec hargne par les patrons et les gouvernements à l’échelle internationale. Les raisons sont les mêmes dans tous les pays. Les gouvernements de l’Union européenne qui n’ont pas de déficit budgétaire peuvent être comptés sur les doigts de la main. Avec une population qui vieillit et une croissance économique extrêmement faible, les dirigeants craignent que la croissance des dépenses pour les pensions ne gonflent les dettes déjà immenses. De leur côté, les patrons espèrent augmenter leurs profits par des allocations de pensions plus basses. Par un système plus privatisé, ils veulent libérer de l’argent pour placer en bourse. L’argent ne doit pas stagner dans les coffres des gouvernements mais doit servir à faire du profit par la spéculation.

    Peter Delsing

    L’attaque généralisée contre les pensions est surtout due au changement du rapport de force entre les travailleurs et les patrons après la chute du stalinisme. L’offensive néo-libérale s’est accélérée ces 15 dernières années. Les patrons s’imaginent qu’ils peuvent abolir tous nos droits pour se remplir les poches. Beaucoup d’exemples montrent cependant que le thème des pensions est très sensible. Ce sujet peut provoquer des mouvements de masse dans la classe ouvrière. En Autriche, les attaques sur les pensions ont déclenché, en mai 2003, la plus grande grève générale depuis un demi siècle et ce après des décennies de luttes isolées et sporadiques.

    Italie

    En 1994, le premier gouvernement Berlusconi a échoué dans sa tentative de démanteler les pensions. Une grève et des manifestations de masse avaient suffit pour que la Ligue du Nord, partenaire dans la coalition, fasse tomber le gouvernement. Sa base ne pouvait pas avaler la réforme. Le mouvement contre Berlusconi avait ainsi porté au pouvoir la coalition de l’Olivier, qui se revendique de la gauche. Mais le gouvernement Dini a aussi introduit une réforme des pensions : pour les jeunes travailleurs, les pensions ne seraient plus comptées sur base du salaire – plus élevé – des dernières années de carrière, mais sur base des contributions pendant toute la carrière. Les travailleurs qui cotisaient depuis plus longtemps restaient, eux, dans l’ancien système. Le pire, c’est que cette stratégie de division a été soutenue par les trois grandes fédérations syndicales.

    De leur côté, les patrons ne voulaient pas du plan de Dini. Ils trouvaient que celui-ci n’allait pas assez loin. La politique antisociale de la coalition de l’Olivier a donné l’opportunité à Berlusconi de revenir au pouvoir. Confronté à des dépenses pour les pensions de près de 15% du PIB et à des dettes toujours plus importantes, Berlusconi a présenté un nouveau plan d’austérité en septembre 2003. Celui-ci prévoyait de faire cotiser les travailleurs italiens pendant 40 ans pour une pension complète, au lieu de 35 ans précédemment, et ce dès 2008. L’âge moyen de la pension, 57 ans, devait systématiquement augmenter à 65 pour les hommes et 60 pour les femmes. A terme, Berlusconi comptait économiser 12,5 milliards d’euros par an, soit 1% du PIB (dès 2012). C’est donc une pure mesure d’austérité. Le président du syndicat CGIL, Epifani, menaçait déjà à l’époque d’organiser une grève générale. Le jour suivant l’annonce du projet, de nombreuses grèves spontanées éclataient de toute part dans la péninsule.

    Le 24 octobre 2003, les trois grands syndicats – CGIL, CISL et UIL – organisaient une grève générale de 4 heures, à laquelle 10 millions de travailleurs ont participé. Plus de 100 manifestations ont été organisées. Bizarrement, le dirigeant de la CGIL Epifani déclarait qu’il ne s’agissait pas d’une « grève politique ». Il disait également que la chute du gouvernement Berlusconi en 1994 était la conséquence de la position de la Ligue du Nord et non pas des manifestations contre la réforme des pensions. Cette position souligne le manque d’alternative politique de la part des dirigeants syndicaux. A Rome, le dirigeant du parti d’opposition le plus important, la Gauche Démocratique (ex-communiste), a pris la parole lors de cette manifestation.

    Malheureusement, Bertinotti, dirigeant du grand parti de gauche Refondation Communiste, a essayé de s’appuyer sur les partis discrédités de la coalition de l’Olivier. Alors qu’il fallait garder une attitude totalement indépendante de l’ex-«aile gauche» de la politique bourgeoise. Refondation Communiste ne pouvait et ne peut pas regagner la confiance des travailleurs de cette façon.

    Le samedi 6 décembre 2003, à Rome, les syndicats organisaient une manifestation de 1,5 million de participants contre les plans de réforme des pensions de Berlusconi sous le slogan «Défendez votre avenir!». «Les contre-réformes ne passeront pas!», disait Angeletti, dirigeant de l’UIL. Le 26 mars 2004, une deuxième grève générale autour des pensions était organisée. De nouveau, plus d’un million de travailleurs étaient dans la rue. Mais aucun plan d’action réel n’était mis en avant pour chasser définitivement Berlusconi. Cela a permis au gouvernement de faire voter par le parlement les propositions de réforme pendant l’été 2004. Réaction de la direction syndicale: protestation verbale.

    France

    En France, les attaques contre les pensions ont également suscité des manifestations de masse. Le 13 mai 2003, une grève de la fonction publique, soutenue par quelques secteurs privés, a rassemblé près de 2 millions de manifestants dans 115 villes. Le mouvement contre la réforme des pensions de Raffarin montrait son potentiel à unifier les différentes luttes. Raffarin voulait allonger la durée de cotisation des travailleurs de la fonction publique de 37,5 ans à 40 ans pour une pension complète vers 2008 et à 42 ans vers 2020. Le 19 mai 2003, 700.000 travailleurs sont de nouveau descendus dans la rue.

    Les syndicats CFDT et CGC ont néanmoins signé un accord avec le gouvernement de droite, lui permettant ainsi de poursuivre dans la même voie. Cela a provoqué des remous à la base et dans certaines directions régionales à la CFDT. La question de la démocratie interne a été posée et certains ont demandé la démission du président du syndicat. Deux autres syndicats – CGT et FO – ont organisé une nouvelle manifestation, le 25 mai à Paris, contre la réforme des retraites. A nouveau 1,5 million de personnes étaient dans la rue. Dans un sondage publié dans Le Parisien, 65% des sondés déclaraient soutenir ces manifestations.

    L’appel pour une grève générale était toujours plus fort. Thibault, dirigeant de la CGT, craignait toutefois de perdre le contrôle de la base. Il s’est prononcé contre une grève générale parce que «ça affaiblirait la CGT pour des années». Le dirigeant du syndicat Force Ouvrière de l’époque, Marc Blondel, se prononçait dans un premier temps contre une grève générale – parce que ce serait «insurrectionnel» et cela poserait la question d’une «alternative politique». Ensuite il a été gagné à cette idée, mais « n’a pas voulu casser le front syndical»… C’est pourtant une grève générale de la fonction publique, en 1995, qui a torpillé le projet de réforme des retraites du gouvernement Juppé et qui a même mené plus tard à la chute du gouvernement. Les dirigeants syndicaux ne voulaient pas faire ce pas. Le 24 juillet 2003, la loi sur les pensions était voté par l’assemblée nationale.

    Leçons des mobilisations

    Les mobilisations contre la réforme des pensions peuvent mener à une lutte de masse de différents secteurs. Ces mobilisations ont la sympathie de la masse des travailleurs et peuvent – comme en France et en Italie – faire tomber des gouvernements. Les dirigeants réformistes sont un frein au mouvement. À la base,des comités de grève devraient être élus pour pouvoir décider de façon démocratique des objectifs de la grève. Ils devraient se rassembler régionalement et nationalement dans différents secteurs avec une force la plus efficace possible. Et cela pour démocratiser les syndicats et empêcher la trahison par la direction. Sur le plan politique il faut rompre avec les partis « progressistes » qui mènent une politique néo-libérale. La question d’un nouveau parti des travailleurs comme instrument politique de la lutte et la nécessité d’un gouvernement des travailleurs, appuyé sur les masses, deviennent alors des questions clés pour résoudre la situation.

    La rôle d’une gauche syndicale combative est fondamentale. En Grande-Bretagne nos camarades ont joué un rôle important dans différents syndicats pour mettre en avant l’idée d’une grève générale contre les plans de pensions de Blair. C’était par exemple le cas dans le PCS, le syndicat des fonctionnaires où plusieurs membres du SP ont été élus au bureau exécutif. Confronté à la menace d’une grève des services publics juste avant les élections parlementaires en mai, Blair a fait marche arrière, du moins temporairement. «Une défaite importante», selon les porte-paroles du capital. Nous devons nous organiser nous aussi en Belgique pour pouvoir répondre aux attaques des patrons et du gouvernement.

  • Chirac face à la défaite?

    Les mobilisations contre le gouvernement de Raffarin fusionnent avec l’opposition à la constitution européenne. Ce 10 mars dernier, plus d’un million de personnes sont descendus dans les rues de France pour demander de meilleurs salaires et pour lutter contre l’allongement du temps de travail. Les travailleurs du secteur privé se sont joints à leurs collègues du secteur public, les “vétérans” d’un grand nombre de manifestations ont manifesté côte à côte avec de jeunes travailleurs et des lycéens qui participaient à leur première manifestation.

    Karl Debbaut

    C’était le cinquième jour de mobilisation nationale depuis le début de 2005 et le plus important depuis le printemps 2003, période ou avaient eu lieu de grandes luttes contre la réforme des pensions du gouvernement de droite dirigé par Raffarin. Selon les syndicats, la participation aux 150 manifestations à travers la France a doublé en comparaison au dernier jour d’actions nationales du 5 fevrier. Cette démonstration impressionante de la force des travailleurs a poussé le gouvernement et les patrons francais sur la défensive.

    Le gouvernement Raffarin, guidé par les stratèges de l’ organisation patronale, le MEDEF, et le président de la république, Jacques Chirac, pensaient avoir brisé la resistance des travailleurs au printemps 2003. A ce moment là, la faillite des directions syndicales à organiser une grêve générale a permi l’ application de la réforme des pensions. Le gouvernement a continué à appliquer l’ offensive patronale : semi privatisation du gaz et de l’ électricité, attaques sur les services sociaux et l’ éducation,… La Poste et la SNCF, la compagnie nationale des chemins de fer, ont été réorganisées afin de les préparer à la privatisation. Le 8 février dernier, le gouvernement en a finit avec la semaine des 35 heures, autorisant ainsi les patrons à faire travailler les travailleurs plus longtemps sans payer les heures prestées en plus des 35 heures.

    Il y a une énorme colère par rapport aux tentatives des patrons d’ allonger le temps de travail. Mais beaucoup de travailleurs n’ ont pas oublié l’expérience de l’ introduction de la semaine de 35 h par le dernier gouvernement de la gauche plurielle – une coalition compose par les sociaux démocrates, les “communistes”, les verts et des indépendants- quand cela a été utilisé pour introduire une “flexibilité” sauvage dans le secteur privé. Dans l’enterprise automobile Citroën, à Saint-Denis, la production a augmentée jusqu’à 6000 voitures sur une période de 4 jours, alors qu’ avant la même quantité était produite en 5 jours.

    Les tentatives des patrons pour allonger la longueur de la semaine de travail a mené en réalité à une coupe supplémentaire dans les salaires réels des travailleurs du privé. Les 5.2 millions de travailleurs du secteur public ont déjà souffert de la même érosion de leurs salaires. Selon la CGT, le deuxième plus grand syndicat, les revenus ont chuté en termes réels de 5-6% ces trois dernières années. Le gouvernement a offert aux travailleurs du secteur public une maigre augmentation de salaire de 0.5% à partir du 1er février 2005 et une autre de 0.5% au 1er novembre.

    Raffarin a attendu trois jours avant de répondre à la mobilisation syndicale du 10 mars. Après avoir invité les dirigeants syndicaux à reprendre les négociations sur les salaires du secteur public, il a déclaré dans son style inimitable : "Le courage aujourd’hui, c’est la réforme…La lucidité politique conduit à l’équilibre entre l’écoute et la détermination. Je montrerai dans les jours prochains, concrétement, que je sais mettre en pratique l’une (l’écoute) et l’autre (la détermination)."

    Il a aussi appellé les patrons à regarder à des initiatives concrètes pour commencer les négociations sur les salaires des travailleurs du secteur privé.

    Antoine Seillière, le patron des patrons, à la tête du Medef, a déclaré que ni le gouvernement ni la fédération patronale n’ a l’ autorité de déterminer les salaires dans le secteur privé. Il a aussi déploré que le gouvernement réagisse si rapidement à la pression de la rue.

    Raffarin et Chirac ont décidé de changer de stratégie. Ils sont inquiets par rapport au nombre croissant de travailleurs du public et du prive qui prennent part aux manifestations, et spécialement au sujet de la résistance qui se développe contre l’ Union Européenne et la Constitution Européenne. Les travailleurs francais regardent les politiques de l’ UE et celles du gouvernement francais et tirent la conclusion qu’ elles sont des “jumelles diaboliques”. Les politiques néo-libérales de privatisation, de dérégulation et d’ attaques sur les conditions de vie et de travail de millions de travailleurs sont les mêmes que ce soit en France ou en UE.

    La CGT appelle à voter NON lors du référendum sur la Constitution Européenne prévu le 29 mai prochain. En faisant cela, cela a élevé le référendum au niveau d’ une question centrale dans la mobilisation des travailleurs contre Raffarin, et cela a rajouté une pression énorme sur les partis pro-constitution dans le gouvernement et dans l’ opposition. Vu que les prochaines élections nationales prendront place dans deux ans, le référendum sera la première opportunité de frapper de plein fouet le gouvernement.

    Le soutien public à la Constitution Européenne a chuté solidement en France. On est maintenant à seulement 10 semaines du vote et le soutien est tombé à 56%, 10% de moins qu’ il y a trois mois. Un sondage publié dans le Parisien le 18 mars montre que le soutien à la Constitution Européenne ne serait que de 49%, avec 51% contre. Un autre sondage publié par Le Figaro montre que 52% sont certains de voter contre. C’ est la première fois que les opposants à la constitution sont en tête dans les sondages et cela va certainement secouer pas mal de dirigeants européens.

    La droite est divisée sur cette question, par exemple l’ ex-ministre de l’ interieur Charles Pasqua a déclaré : "La Constitution européenne n’est pas, comme on aimerait leur faire croire, l’aimable jubilé de la paix et de l’amitié entre les peuples européens. C’est au contraire l’acte fondateur de la «Nouvelle Europe» chère à Donald Rumsfeld, inféodée aux marchés financiers, coulée dans le moule atlantiste avec lequel l’adhésion de la Turquie va la faire coïncider exactement, intégrée de facto dans le «nouvel ordre mondial».

    Le Parti Socialiste a organisé un référendum interne pour décider de la position du parti. Le leader du PS, François Hollande, a mené campagne pour le oui et a gagné. Son principal concurrent était l’ ancien premier ministre, Laurent Fabius, vu généralement comme le numéro deux du parti. Le camp du non a quand même obtenu 42%. Cela ne veut pas dire que le débat interne est clôturé. De nouveaux sondages avancent l’ idée que si le scutin était réorganisé aujourd’ hui le camp du non obtiendrait 59%. Fabius et d’ autres leaders du PS continuent de mener campagne pour le non, cela en ayant comme ambition de diriger le PS dans les prochaines elections de 2007. Les tensions internes sont importantes et un futur regroupement interne ou une fracture ne sont pas à exclure. Henri Emmanuelli, leader du Nouveau Monde, une des minorités dans le PS qui s’oppose à la constitution, compare les membres du PS qui soutiennent la Constitution Européenne avec les socialistes qui ont voté pour un soutien complet aux collaborateurs du régime de Vichy du Maréchal Henri Pétain en 1940.

    La question du référendum a atteint une telle envergure que Chirac se déclare aujourd’ hui publiquement contre la directive Bolkenstein sur les services. Il disait que c’ est inacceptable. Il a aussi demandé au président de la Commission Européenne, Jose Manuel Barosso de “garder contrôle sur ses membres de la commission”. Récemment, différents membres de la commission européenne ont vexé les médias francais à cause de leur franchise néolibérale. Danuta Hübner, membre de la commission pour la politique régionale, a déclaré que “au lieu de metre fin aux délocalisations, l’ UE devrait les encourager au sein de l’ UE”. Nelli Kroes, membre de la commission pour la concurrence, ajoutait : "Les subventions de l’ UE des pays riches pour les pays pauvres devraient être stoppées”. Vladimir Spidla, membre de la commission pour les affaires sociales, avancait encore plus clairement ceci : “L’ objectif est premièrement et avant tout la flexibilité”. Peter Mandelson, récompensé par Tony Blair en obtenant le poste à la commission européenne sur le commerce, a lui rappellé aux etats membres qu’ “ ils doivent continuer a réformer leur marché du travail et leur système de sécurité sociale”.

    En France, le gouvernement et l’ élite se trouvent sur le tranchant d’un couteau. La stratégie de Raffarin est de proposer des négociations et d’ essayer de casser l’ unité croissante entre les travailleurs du public et du privé. En offrant un rien aux bureaucrates syndicaux, il va essayer de faire dérailler les mobilisations et, en même temps, essayer d’obtenir une victoire pour le camp du oui au référendum. Les travailleurs et la jeunesse en France ont montré clairement leur compréhension de la situation et l’ énergie qu’ ils ont pour combattre le capitalisme. Ces mouvements ont sauvegardé la France des plus mauvais excès du néo-libéralisme et du capitalisme, une situation décrite par le nouveau ministre des finances, Thierry Breton, comme “ le refus collectif de toute une génération…de réformer ce qu’ il faut et d’ éliminer les “déchets”.

    Le mouvement actuel en France et la possibilité d’ un vote contre la Constitution Européenne le 29 mai peuvent avoir une influence profonde sur les dévelopements politiques.

    Cela pourrait conduire à des scissions dans les partis de centre-gauche et de centre-droit, ainsi qu’ à un regroupement des forces politiques. Les travailleurs sont pour le moment retenus en arrière à cause de l’ absence de leur propre véritable force politique socialiste. Bien que beaucoup d’ occasions ont été ratées dans le passé pour construire un tel nouveau parti des travailleurs, les évènements actuels vont créer de nouvelles opportunités pour les travailleurs francais et européens pour avancer sur la route du socialisme.

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