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Tag: Laos
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Comment stopper les forces réactionnaires ?
De l’extrême-droite aux conservateurs populistes
La crise prolongée et sans issue du système capitaliste provoque une montée des formations et des idées d’extrême droite. Ceci n’est pas une coïncidence mais une conséquence logique d’une société qui précipite des millions de personnes dans la pauvreté et qui n’offre aucune perspective pour sortir de sa propre crise. Tant les milices fascistes d’Aube Dorée en Grèce que la montée des nationalistes et populistes réactionnaires de la N-VA en Belgique sont engendrées par les conséquences d’un système défaillant. Mais tous les éléments de la vague réactionnaire que nous voyons se former ne sont évidemment pas identiques. C’est pourquoi il est important de comprendre d’où proviennent ces formations réactionnaires, ce qu’elles représentent et comment elles peuvent être combattues.
par Jarmo (Anvers). Article paru dans l’édition de mars de Lutte Socialiste
Les conservateurs divisent pour régner
Actuellement, en Europe, on voit apparaître des idées conservatrices qui paraissent appartenir à un lointain passé. En Belgique, les nouvelles autorités de la ville d’Anvers ne laissent pas passer une semaine sans une nouvelle déclaration controversée. L’affaire autour des t-shirts arc-en-ciel, le fait que les sans-papiers séropositifs ne recevront plus d’inhibiteurs de sida à moins de signer une déclaration de retour volontaire, l’augmentation des frais d’inscription communaux de 17 à 250 euros pour les ressortissants extracommunautaires,… tout cela fait partie d’une même évolution. Il s’agit d’une aile conservatrice pure et dure qui lance des idées pour lesquelles elle pense avoir retrouvé un terrain fertile. Dans une période de crise économique, tout est fait pour faire payer la facture aux salariés et permettre aux vrais responsables de s’en tirer à bon compte. La responsabilité des fermetures des usines Ford à Genk et d’ArcelorMittal à Liège est mise sur le dos des travailleurs, qui coûtent trop chers, alors que les patrons insatiables qui sacrifient tout sur l’autel de la maximisation de leurs profits restent impunis.
De même, la crise grecque n’est due aux travailleurs grecs ‘‘paresseux‘‘ (lesquels travaillaient en moyenne davantage d’heures pour un salaire que la moyenne européenne, avant la crise, pour un salaire moindre) mais aux capitalistes grecs oisifs qui vendent le pays aux enchères et imposent une austérité meurtrière pour protéger leurs fortunes. Les partis traditionnels font vraiment tout pour éviter que les responsables ne soient pointés du doigt. Ils préfèrent attribuer les problèmes économiques aux masses d’Europe, lesquelles doivent en payer la facture.
Un tel climat politique est un terrain très fertile pour des forces conservatrices et réactionnaires. A la question ‘‘pourquoi notre niveau de vie se détériore à vue d’œil ?‘‘ ils ont une réponse facile : ce sont les immigrés, les chômeurs, les Wallons, les Grecs, les femmes, les LGBT,… qui nous prennent tous nos sous. La société est divisée en deux camps : celui des ‘‘gens qui travaillent beaucoup‘‘ et celui des ‘‘profiteurs‘‘. Ce n’est en fait qu’une méthode visant à dissimuler le véritable gouffre qui divise notre société : celui entre salariés et capital.
Du fait de l’absence d’une alternative de gauche, il est logique que le parti qui exprime ce raisonnement le plus clairement, qui n’est pas souillé par un passé politique pitoyable et bénéficie donc d’une image de chevalier blanc, soit le parti qui remporte les élections. En Belgique, la N-VA se nourrit du mécontentement éprouvé envers les partis traditionnels, tout comme le Vlaams Belang l’a fait avant elle. Mais la percée d’un nationalisme flamand moins grotesque que le néofascisme du Vlaams Belang ne signifie absolument pas que la lutte contre l’extrême droite est gagnée pour autant.
L’ambition politique la NVA est de chercher la confrontation ouverte avec le mouvement des travailleurs. La résistance sera d’envergure. Les mesures antisociales et répressives que le parti va mettre en place (l’austérité, la réduction des impôts, le maintien des intérêts notionnels, les sanctions administratives communales,…) risquent de rester en travers de la gorge d’une bonne partie de ses électeurs. Il est certain que le Vlaams Belang sera aux aguets. Le parti d’extrême-droite s’y prépare déjà en prenant une certaine distance avec son programme néolibéral d’antan pour retourner à une image plus ‘‘sociale‘‘ qui essaye de trouver la sympathie d’une couche de travailleurs qui en a marre de payer pour la crise.
Le danger des groupes extrémistes réactionnaires est également présent
Dans une telle situation il n’est pas étonnant que des groupes plus radicaux gagnent une confiance suffisante pour se montrer dans la rue. Le mois dernier, par exemple, un groupe néonazi a manifesté publiquement à Bruges contre la ‘‘violence de gauche‘‘. L’organisation étudiante nationaliste NSV trouve que le Vlaams Belang devrait ouvertement donner son soutien aux voyous grecs d’Aube Dorée. Bien que nous ne nous trouvions pas encore dans une situation similaire à celle de la Grèce, il est clair que la maladie que le capitalisme vit actuellement peut faire éclater les ulcères et les abcès les plus répugnants du système.
Par ailleurs, Aube Dorée doit son succès au fait qu’elle a su donner une réponse claire – bien que fausse – à la question de la responsabilité des problèmes économiques actuels : les immigrés et les étrangers. Cette réponse, couplée à une rhétorique anti-austérité (la formation ‘‘traditionnelle‘‘ d’extrême droite LAOS avait perdu son soutien électoral à cause de son rôle dans la mise en place de l’austérité) ont permis à Aube Dorée de réaliser une percée électorale.
Quand ils ne sont pas occupés à traquer les militants de gauche ou les immigrés dans la rue, ses membres organisent la distribution de nourriture aux pauvres et aux victimes de la crise. Mais ils en restent aux apparences et laisse bien tranquille le capitalisme grec. Chaque élu d’extrême-droit au Parlement a soutenu toutes les privatisations et on ne trouve nulle part d’appel au non-paiement de la dette du pays. Les perspectives d’Aube Dorée ne sont pas basées sur l’idée d’une confrontation avec les capitalistes grecs.
Le 7 mars, à Louvain, le NSV organise sa marche annuelle de la haine sous le thème : ‘‘En résistance contre l’Union Européenne soviétique.’’ Ces étudiants néofascistes essayent aussi de s’appuyer sur une partie croissante de la population qui est dégoûtée par l’austérité imposée aux travailleurs par l’Union Européenne. En faisant référence à l’UE comme étant un ‘soviet‘, le NSV clarifie son incompréhension de ce que signifie le socialisme.
L’Union Soviétique – laquelle était elle-même une caricature monstrueuse du socialisme – n’avait rien à voir avec l’Union Européenne sous sa forme actuelle. Le NSV dénonce uniquement ‘‘l’atteinte à la souveraineté des Etats membres‘‘ et non l’austérité sanguinaire que l’UE impose aux travailleurs dans les Etats membres. Après tout, ceci n’est pas exactement un thème susceptible d’éveiller l’indignation des néofascistes. Ce qui les intéresse plutôt, c’est de monter les travailleurs des divers Etats membres de l’UE les uns contre les autres, au bénéfice du capital. C’était d’ailleurs le programme réel du fascisme dans les années ’30, et cela reste le programme de ceux qui s’inspirent du fascisme aujourd’hui.
Une opposition de gauche est la meilleure réponse
Tant en Grèce qu’en Belgique – et n’importe où dans le monde où le populisme de droite ou l’extrême droite monte en puissance – la crise n’est pas l’unique responsable de la montée du conservatisme. L’absence de réponse claire de la gauche à la question de savoir qui doit payer pour la crise y est aussi pour quelque chose.
L’unique manière de combattre l’extrême droite est de lier cette lutte à la lutte contre le système qui produit ce genre de formations réactionnaires. C’est sur le terrain fertile du chômage et du manque de perspectives que le racisme, le sexisme, l’homophobie et toutes sortes d’autres idées ayant pour but de diviser la classe des travailleurs, peuvent prospérer comme une moisissure sur un corps pourri.
Les Etudiants de Gauche Actifs (EGA) et le PSL ont pour objectif de contribuer à la construction d’une alternative politique de gauche qui pointe du doigt les véritables responsables et propose un projet alternatif de société. Ce n’est que dans une société où règne un socialisme démocratique que les idées réactionnaires de tous poils pourront être jetées pour de bon dans la poubelle de l’histoire.
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Grèce : La menace d’Aube Dorée
La Grèce a une fière histoire antifasciste et pourtant, en 2012, un parti néo-fasciste, Aube Dorée, a remporté 7% des voix (400.000 votes) et su obtenir 18 parlementaires. Même dans des villages tels que Distomo et Kalavryta, villages anéantis par les Nazis durant la seconde guerre mondiale, Aube Dorée a récolté 6% en moyenne. Comment cela a-t-il pu être possible ? Comment stopper cette progression ?
Par Amalia Loizidou, article initialement publié dans "Socialism Today", magazine du Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)
Aube dorée est un parti néonazi, un gang de voyous et de criminels. Leur dirigeant, Nikolaos Michaloliakos, a un casier judiciaire chargé, principalement pour avoir posé des bombes dans des cinémas qui projetaient des films de gauche. Récemment encore, il a été révélé qu’il est copropriétaire d’un hôtel qui est en réalité d’un hôtel de passe. D’autres membres dirigeants d’Aube Dorée ont également été reconnus coupables d’actes criminels. Actuellement, des actions en justices sont en cours contre 4 de ses députés.
Beaucoup d’analystes s’attendaient à ce qu’Aube dorée modère sa violence publique suite à son entrée au parlement. Dans les faits, son comportement de hooligan a augmenté. Quelque 63 attaques ont été dénombrées en 2 mois à peine. Le succès électoral de la formation d’extrême-droite a été suivi par l’incendie criminel de l’usine abandonnée de Patras, qui servait de refuge à des immigrés. Il s’en est fallu de peu qu’il y ait des victimes. Des rapports quotidiens font état d’attaques contre les immigrés et les militants antifascistes. Lors de prises de paroles au parlement, des députés d’Aube Dorée ont menacé les occupations des écoles tandis que ses membres ont inondé les bars gays de tracts portant la sinistre menace ”vous êtes les suivants”.
Même les médias internationaux ont été forcés de faire état de cette situation, notamment suite à l’attaque d’une troupe de théâtre et son public lors de la représentation d’une pièce jugée blasphématoire par Aube Dorée. Faisant écho aux années 1930, les membres d’Aube Dorée ont blessé des militants de divers partis et organisations de gauche lors d’actions de sensibilisation pour préparer la grève générale de 48heures des 6 et 7 novembre derniers. Cela fait suite à l’évènement tristement célèbre de cette émission de télévision où le porte parole d’Aube dorée, Elias Kasidiaris, s’en ait physiquement pris à Rena Dourou (candidate de la coalition de la gauche radicale Syriza) ainsi qu’à Liana Kanelli (députée du KKE, le parti communiste), en plein direct.
Un tournant décisif
Cependant, le tournant décisif pour Aube dorée, ce ne fut pas pas les dernières élections législatives de mai et juin, mais bien les élections communales d’Athènes en 2010. A celles-ci, son leader, Michaloliakos, fût élu en tant que conseiller avec 5,27% des suffrages – à comparer au 0,51% obtenu lors des élections nationales de 2009. Ce score a pu donner au parti une certaine légitimité aux yeux de quelques grecs, en modifiant l’image qu’ils rendaient auparavant : celle d’un simple groupe de voyous marginalisés.
Indubitablement, la situation économique et sociale désespérée de la Grèce a alimenté la montée d’Aube dorée. Mais la crise à elle seule seule n’explique pas entièrement cette soudaine croissance. Il est aussi nécessaire de comprendre la tactique qu’a utilisé Aube Dorée ainsi que l’échec tant des partis traditionnels que des partis de gauche à offrir une voie de sortie de la crise. Tant qu’il y aura des régions complètement dépossédées connaissant une pauvreté généralisée et un taux de chaumage élevé, des problèmes liés à la criminalité et à détresse sociale apparaitront inévitablement. Dans ces conditions, Aube Dorée et les partis néofascistes en général ont une occasion en or pour se développer.
Le succès électoral d’Aube Dorée en 2010 est le résultat de campagnes locales constantes lancées dans les quartiers défavorisés. A qui la faute si ces régions sont délaissées, ont-ils demandé sans cesse ? A qui la faute s’il y a une extrême pauvreté, un taux de chômage et une criminalité si élevés, sans espoir d’avenir ? La réponse d’Aube Dorée, bien entendu, s’est limitée à blâmer les immigrés et les étrangers, et non pas les grands patrons et les capitalistes. Sur base de cette propagande, Aube Dorée a fait des interventions dans des écoles, a lancé des pétitions, a fait du porte à porte et a organisé des manifestations. C’est ainsi qu’ils ont construit leur base électorale et qu’ils ont pu recruter de nouveaux adhérents.
Une rhétorique anti-austérité
Aube dorée a aussi été aidé dans son ascension par l’usage d’une rhétorique anti-austérité. En Grèce, le soutien populaire de l’extrême droite s’était dirigé ces dernières années vers un parti appelé LAOS (rassemblement populaire orthodoxe). Mais le LAOS a voté en faveur des premières coupes budgétaires (le premier Mémorandum) dictées par la Troïka (Commission Européenne, Banque Centrale Européenne et Fonds Monétaire International). Il a aussi participé à la coalition gouvernementale du premier ministre technocrate Lucas Papademos (en exercice de novembre 2011 à mai 2012). Après ça, le LAOS a été considéré comme un allié de la Troïka et comme étant favorable aux coupes budgétaires prévues dans le Mémorandum, en conséquence de quoi il a sombré dans la crise et a perdu son crédit au profit d’Aube Dorée. Les courants d’extrême droite plus traditionnels se sont tournés vers Aube Dorée en considérant ce parti comme la version la ”plus authentique” du nationalisme grec.
Aube Dorée a clairement compris que laisser la gauche monopoliser le mouvement anti-austérité donnerait à cette dernière un énorme avantage dans la bataille destinée à gagner le coeur et l’âme des Grecs. Se positionner contre les coupes budgétaires signifiait être du côté du massif courant anti-austérité qui se développe au sein de la société grecque. C’est comme ça qu’Aube Dorée a eu la chance d’acquérir, selon son propre website, sa ”section la plus militante agissant, jusque la, dans les ‘zones rouges’”.
La plupart de ses sympathisants sont des jeunes qui n’ont plus rien à espérer, et plus rien à perdre. Actuellement, plus de la moitié des jeunes sont au chômage en Grèce. Et ceux qui travaillent, pour la plupart, le font dans d’horribles conditions, dans des emplois précaires et aux salaires extrêmement bas. Aube Dorée a réalisé ses meilleurs résultats parmi les étudiants et les jeunes (9,5%), les fermiers (9,3%) et les chômeurs (9,1%). Il est vu comme apportant des réponses simples à leurs problèmes – en rendant les immigrés seuls responsables – et comme un parti opposé aux politiciens corrompus.
Pourtant, malgré sa vantardise, Aube Dorée n’a pas touché à un cheveu d’un politicien du gouvernement, d’un banquier, etc. Les seuls que ses membres menacent et attaquent physiquement sont des politiciens de partis de gauches. Un agent de police sur deux a voté pour Aube Dorée, ce qui est très alarmant. La police grecque est notoirement connue, particulièrement la police anti-émeute (MAT), pour entretenir des relations étroites avec Aube Dorée, ce qu’ont encore récemment prouvé divers documents. Cela s’illustre par le fait que lorsque les membres d’Aube Dorée sont dans la rue, ils ne sont pas attaqués par la police, comme les autres manifestants. Ils sont au contraire protégés par la MAT.
Les slogans principaux d’Aube Dorée sont ”étrangers dehors” et ”la Grèce aux grec”. Le parti proclame aussi ”Aube dorée contre tous.” Ce slogan devrait en réalité être ”Aube dorée contre quiconque riposte”. Les autres – armateurs, propriétaires de grandes entreprises, et le capitalisme en général – n’ont rien à craindre. Au parlement, Aube Dorée a soutenu les nouvelles réductions d’impôts pour les armateurs alors qu’à Athènes, le parti a accepté que des parkings publics soient légués à l’usage d’entreprises privées. D’autres exemples similaires peuvent encore être cités.
Le printemps dernier, des membres d’Aube Dorée ont provoqué des travailleurs du secteur des médias en encerclant leur manifestation sur leurs scooters, en insultant les travailleurs et faisant des saluts nazis et autres gestes obscènes. Le 7 novembre, à Volos, ils ont attendu des participants à la manifestation dans le cadre de la grève générale à l’extérieur de leurs bureaux, clubs de golf à la main. Cette fois, la manifestation était trop imposante pour qu’ils soient en mesure d’attaquer. Ils ont aussi menacé des dirigeant syndicaux à cause de leur soutien aux mouvements antifascistes.
Cela s’exprime aussi de façon théorique. Dans un certain nombres d’articles, Aube Dorée affirme clairement être opposé aux grèves avec le prétexte qu’elles entraînent ”la haine entre compatriotes grecs”. Le parti a clairement déclaré s’opposer à toute grève, quelque soit le lieux de travail, l’usine,… Sa thématique dominante est que tous les Grecs sont issus d’une même nation, c’est le sang et la race qui prime, et non pas le fait qu’il existe des pauvres et des riches, des travailleurs et des patrons, des oppresseurs et des opprimés. Selon Aube Dorée, les Grecs doivent subir la situation actuelle tranquillement parce que lorsqu’ils font grève ou manifestent ”ils participent aux divisions que cherche à instaurer le système”. Cette position n’est pas différente de celle du gouvernement, des patrons, de l’establishment et du système lui-même. Ces dernières deux années et demi, Aube Dorée a systématiquement été absent des mobilisations de travailleurs et de jeunes, des manifestations de masse, des grèves générales, des occupations de places, etc.
Réfugiés, immigrés et ultranationalisme
L’ultranationalisme d’Aube Dorée trouve son expression dans une campagne virulente et xénophobe contre les réfugiés et les immigrés, en exigeant leur retrait total de Grèce. Le parti soutient que c’est la seule façon de mettre fin au chômage, à la pauvreté et à la criminalité.
Aube Dorée tente de se présenter comme la solution à ces problèmes de façon complètement raciste. Ses membres accompagnent les vieilles dames aux automates et aux banques retirer leurs pensions en leur offrant ainsi une ”protection” contre les soi-disant ”malfrats étrangers”. Pourtant, ces deux dernières années, le chômage a triplé sans augmentation proportionnelle du nombre d’immigrés et de réfugiés. Au contraire, nombreux sont qui sont partis chercher une vie meilleure dans un autre pays.
Aube Dorée affirme : ”A gros problèmes, solutions extrêmes. Une avant garde révolutionnaire est nécessaire pour détruire l’establishment politique pourri. Cette avant garde, après la disparition de la soi-disante ‘gauche révolutionnaire’, ne pourra qu’être nationaliste”. Sa démagogie est pleine de nationalisme, avec des scénarios dénonçant les ”traitres” et ”conspirations contre la nation”. L’ironie est que le capitalisme grec s’est déjà compromis avec le néocolonialisme de la troïka et des bailleurs de fonds. Cela n’est pas propre au capitalisme grec, mais est une caractéristique centrale de la façon générale dont fonctionne le capitalisme. Les classes bourgeoises plus faibles ont historiquement survécus en choisissant la protection de classes bourgeoises plus puissantes.
La révolution d’Aube Dorée, et sa vision de la ”destruction” de l’establishment, ne voit aucun rôle pour les millions de travailleurs, d’opprimés et de jeunes. Le parti pense avoir le rôle de jouer ”l’avant garde nationaliste” qui va imposer le modèle de Mussolini, de Hitler et de la dictature des colonels (qui a dirigé la Grèce de 1967 à 1974). En réalité, le rôle d’Aube Dorée dans le cas d’une contre révolution serait celui d’un auxiliaire meurtrier de l’armée et des autres forces réactionnaires de l’Etat.
En relation à la question centrale de la crise grecque et de l’austérité, la position réelle d’Aube Dorée est pour une renégociation des Mémorandums et des coupes budgétaires. Le parti n’appelle pas au refus de payer la dette parce qu’il ne veut pas affronter le capital grec, qu’il considère comme le moteur de l’économie. Le capital grec, pour sa part, ne veut pas et ne peut pas affronter ses patrons allemands, européens, américains, etc.
L’échec de la gauche
L’ascension d’Aube Dorée – et, dans l’ensemble, du racisme, du nationalisme, de l’extrême droite et du néo-nazisme à travers l’Europe et ailleurs – est aussi le résultat de l’échec de la gauche pour répondre aux besoins urgents de la classe des travailleurs dans cette crise du capitalisme ainsi que des défaites consécutives du mouvement ouvrier.
En Grèce, Aube Dorée et ses dangers ont été sous-estimés. La gauche a souvent simplement dénoncé les attaques violentes, a parlé de l’histoire et du développement du nazisme, ou s’est limitée à un ”humanitarisme” étroit, sans analyse internationale de l’immigration et de ses différentes catégories.
De plus, l’absence politique de la gauche dans les quartiers démunis a laissé un vide rempli par Aube Dorée, qui a eu une présence consistante et une activité quotidienne dans ces endroits. Il y a aussi eu la croyance, naïve, qu’une manifestation à travers ces quartiers suffirait à faire partir Aube Dorée.
Par dessus tout, il y a eu le refus des principales factions grecques de la gauche à s’unir et à créer des comités locaux comprenant aussi bien des Grecs que des immigrés, pour développer des plans d’action destinés à faire face à leurs problèmes communs. La force combinée des différents partis et organisations de gauche n’a jamais été utilisée pour développer des initiatives et des actions capables d’unir les travailleurs et les jeunes, réfugiés et immigrés inclus.
Comment stopper Aube Dorée ?
Depuis plusieurs années, Xekinima (la section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Grèce) a été actif dans le mouvement antifasciste et antiraciste en appelant à un front unique de la gauche et des syndicats contre Aube Dorée, bien avant que ce parti ait pu s’installer au parlement. La situation actuelle est encore plus sérieuse. Ce qu’il faut, c’est un nouvel effort antifasciste, bien plus conséquent, dans lequel la participation unie et l’action commune de la gauche sera un élément crucial. Xekinima a, à plusieurs reprises, défendu une telle stratégie avec des propositions concrètes, comme avant ces dernières élections et l’énorme croissance électorale d’Aube Dorée.
Après les élections, Xekinima a mis en avant les étapes à effectuer pour faire de ces propositions une réalité : la création de comités antifascistes dans chaque quartier, lieu de travail, école et université ; la création de groupes d’auto-défense dans les lieux devenus dangereux pour la gauche et les activistes antifascistes ; une campagne systématique contre la propagande néonazie quotidienne qui sévit dans les quartiers ; et la nécessité de l’unité entre Grecs et immigrés dans un combat commun afin de riposter face à leurs problèmes communs.
Xekinima défend aussi l’adoption par les syndicats d’une motion dénonçant les membres d’organisations néonazies, particulièrement ceux Aube Dorée, et qu’ils en soient exclus. C’était devenu une tradition après la chute de la dictature des colonels dans les années 1970, aussi bien dans les lieux de travail que dans les syndicats. Il est important que de telles décisions soient prises dans les sections syndicales afin de protéger le mouvement ouvrier, en plein développement.
Certains comités antifascistes se sont installés dans différentes zones d’Athènes et d’autres villes. Xekinima a pris l’initiative de la création de certains d’entre eux. Il faut noter que les activistes locales de différentes autres organisations soutiennent cet effort. De plus, le rôle qu’a joué le syndicat enseignant dans nombres de régions est significatif, avec notamment la prise de décision, officiellement, de prendre à bras le corps le problème de l’antifascisme dans les écoles, versles élèves.
Malheureusement, les principaux partis de gauche (Syriza et le KKE) n’ont pas répondu à ce danger suffisamment promptement. Le KKE aborde ce problème avec son approche sectaire habituelle. Syriza a mentionné le besoin d’une action antifasciste mais sans initiative organisée, excepté celles prises par certains de ses composantes, séparément. Néanmoins, le secrétariat central de Syriza a récemment changé sa position et est maintenant en faveur de la construction de comités antifascistes.
De surcroit, d’autres organisations de gauche plus petites soit ne comprennent pas l’importance d’un combat antifasciste ou, lorsqu’ils y participent, tentent de s’en accaparer ou font en sorte de bloquer le mouvement au lieu de l’aider (comme le fait le SWP grec par exemple)
Historiquement, le nazisme a trouvé un sol fertile dans des temps d’austérité, de pauvreté de masse et de chômage. C’est pourquoi il est crucial de combiner notre programme et nos tactiques autour des coupes budgétaires et de l’austérité, contre le cœur du problème. Ce problème, en d’autres termes, c’est le capitalisme. Le capitalisme, en dernier recourt, pourra encore une fois se transformer en régime dictatorial pour se préserver. Les capitalistes ne vont pas passer le pouvoir aux fascistes tels qu’Aube Dorée, mais ils vont les utiliser comme auxiliaires militaires, comme police anti-émeute, etc., comme une arme mortelle orientée contre les organisations des travailleurs. La classe ouvrière en Grèce est loin d’être vaincue, mais des erreurs politiques peuvent conduire à des défaites, comme en Allemagne par le passé.
Premièrement, la gauche doit patiemment expliquer le phénomène de l’immigration. A qui est-ce la faute s’il y a des quartiers défavorisés soumis à la pauvreté et avec également une population d’immigrés sans domicile ? La gauche doit expliquer pourquoi cette tendance ne s’arrêtera pas tant qu’il y aura pauvreté, famine et guerre. Si ce travail est correctement effectué, de telles explications peuvent même rallier des parties de la société qui avaient été touchés par la propagande d’Aube Dorée. De plus, la Grèce est un pays dont la population a migré par vagues dans le passé, et dont la jeunesse est encore en train de fuir (ou d’essayer de la faire) à cause de la crise.
Cependant, il est aussi crucial de disposer d’un programme anticapitaliste socialiste. Il est nécessaire d’expliquer continuellement et patiemment qui est responsable de la crise et de l’austérité. Les véritables positions d’Aube Dorée doivent être systématiquement dénoncées : que ce parti n’est pas opposé aux Mémorandums, comme il tente de le faire croire, mais bien aux mobilisations ouvrières et aux mouvements de résistance contre l’austérité.
Il est aussi nécessaire de s’opposer à toutes les coupes budgétaires et à l’austérité, de revendiquer des moyens pour satisfaire les besoins de la société et non la soif de profits des banquiers. Un Etat doit être organisé de telle façon que les réseaux de trafiquants de drogues et d’êtres humains soient punis plutôt que les victimes, avec un système judiciaire qui s’en prendra à tous les agents de police qui collaborent aux actes racistes ainsi qu’aux néonazis. Toutes ces prérogatives doivent être liées au besoin de développer une économie démocratiquement planifiée et géré, orientée vers la satisfaction des besoins de la grande majorité de la population et non d’une poignée de familles hyper-riches et de grandes multinationales.
Les Grecs doivent refuser de payer la dette. Ensuite, ils doivent passer à la nationalisation du système bancaire et de tous les secteurs clés de l’économie, de toutes les grosses entreprises, sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs, avec une transparence absolue.
Une telle solution agirait comme une source d’inspiration pour les autres travailleurs à travers l’Europe qui luttent contre l’austérité. Ce serait là le début de la construction d’une confédération socialiste d’Europe qui mettrait fin à l’existence cauchemardesque de l’Union Européenne capitaliste, unie uniquement par la pauvreté et le chômage.
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[INTERVIEW] Grèce : Un tremblement de terre politique fait s'effondrer le soutien aux partis pro-austérité
La gauche a face à elle de grandes opportunités
Lors des dernières élections grecques, deux tiers des électeurs ont voté contre les partis favorables à la politique d’austérité. Un grand transfert de voix s’est opéré vers la gauche. Le texte ci-dessous reprend une interview réalisée de notre camarade Andros Payiatsos (de la section grecque du CIO ”Xekinima”).
Par Niall Mulholland
Que représentent le résultat de ces élections ?
Les élections parlementaires grecques ont constitué un véritable tremblement de terre politique, une répudiation totale des partis pro-austérité et de la ‘Troïka’ (Fonds Monétaire International, Union Européenne et Banque Centrale Européenne). Ce résultat arrive après des années de mesures d’austérité qui ont entraîné une chute drastique des conditions de vie de la population. A titre d’exemple, 51% de la jeunesse est actuellement sans emploi et la pauvreté atteint une échelle de masse.
Les partis de la coalition gouvernementale sortante ont subi une diminution massive de leur soutien. Le parti conservateur traditionnel, la Nouvelle Démocratie, est passé de 33% en 2009 à 18,85% (c’est-à-dire 108 parlementaires, en comptant également les 50 sièges de bonus reçus automatiquement par le premier parti selon la loi électorale grecque). Le Pasok, la parti social-démocrate traditionnel, s’est écrasé et est passé de 43,9 % aux dernières élections à 13.18% (41 sièges). Au cours de ces trois dernières décennies, le vote combiné des deux partis “dirigeants” a toujours été compris entre 75% et 85% des suffrages totaux. Le Laos, le petit parti d’extrême-droite qui a rejoint la Nouvelle Démocratie et le Pasok dans la coalition gouvernementale d’austérité de ces derniers mois a quant à lui perdu tous ses députés.
Les plus grands gains électoraux concernent Syriza (une coalition de la gauche radicale), qui est passé de 4,6% à 16,78% (52 sièges). Le Parti Communiste (le KKE) a obtenu 8,48% (26 députés). La Gauche Démocratique, qui est une scission de droite de Syriza datant de 2010 (mais qui est également opposée aux mesures d’austérité) a reçu 6,1% des voix. Ce déplacement de suffrages vers la gauche illustre le potentiel réellement gigantesque pour une alternative socialiste conséquente face à la crise capitaliste et aux mesures d’austérité.
Cependant, le parti néofasciste Aube Dorée a obtenu 6,97% en instrumentalisant l’atmosphère anti-austérité. Il s’agit d’un avertissement sérieux pour l’entièreté du mouvement ouvrier. Pour la première fois, ce parti d’extrême-droite entre au Parlement avec pas moins de 21 sièges. Les Grecs Indépendants, une récente scission de droite nationaliste issue de la Nouvelle Démocratie, est également entrée au parlement avec 10,6% (33 sièges).
Ces élections révèlent une polarisation croissante sur base d’une ligne de fracture gauche-droite. Mais de nombreux travailleurs et jeunes n’ont vu aucune alternative viable dans ce scrutin et ont tout simplement refusé de voter pour un parti. L’abstention a atteint des sommets plus élevés que prévus et a atteint le record de 35%, tandis que les votes blancs et invalides ont atteint les 2,4%.
Pourquoi Syriza a-t-il obtenu autant de suffrages?
Syriza a reçu du soutien au cours de ces deux dernières semaines de campagne électorale, principalement en appelant à la constitution d’un ‘gouvernement de gauche’ contre le ‘memorandum’ de la troïka.
Les partisans de la section grecque du CIO, Xekinima, ont été les pionniers d’un appel à la gauche pour la création d’un ‘front unique’ durant tous ces derniers mois. A la différence des dirigeants de Syriza, Xekinima n’a pas appelé à la ‘renégociation’ des mesures d’austérité, mais pour l’arrivée d’un gouvernement de gauche basé sur un programme qui défend les travailleurs et leurs familles. Cela inclut de renoncer à rembourser la dette, de stopper toutes les attaques antisociales, de nationaliser les principales banques et entreprises sous le contrôle et la gestion démocratique des travailleurs, et de lutter pour une Europe socialiste, à l’opposé de cette Union Européenne des patrons, et donc, au final, de rompre avec les diktats de la Troïka et avec le capitalisme en général.
Les autres principales forces de gauche en Grèce, le Parti Communiste (KKE) et Antarsya (Coopération de gauche anticapitaliste) ont toutes les deux adopté une attitude sectaire et ont rejeté les proposition d’unité de gauche de Syriza. Mais si la gauche avait constitué un bloc électoral, elle aurait très probablement été en mesure de former un gouvernement aujourd’hui ! Avec des millions de travailleurs appelant de leurs vœux l’arrivée d’un gouvernement de gauche opposé aux mesures d’austérité, le KKE et Antarsya ont payé le prix de leur approche sectaire dans les urnes. Leur soutien électoral est resté identique : le KKE a gagné 1% de plus (sous les 19.000 voix) pour atteindre les 8,48% (26 sièges) et Antarsya a fini sa campagne avec 1,19%, sans remporter un seul siège.
Un nouveau gouvernement peut-il être formé?
Selon la constitution grecque, la Nouvelle Democratie, en tant que plus grand parti au Parlement, a reçu trois jours pour tenter de constituer un nouveau gouvernement. Mais son dirigeant, Antonis Samaras, a annoncé le lundi, après quelques heures seulement, que son parti avait échoué dans sa tentative de créer un gouvernement de ”salut public”.
Au vu du verdict anti-austerité des élections, aucun parti ne peut entrer en coalition pour le gouvernement sans au moins appeler à renégocier le ‘memorandum’ avec la Troïka.
Cette dernière peut bien être préparée à renégocier certains aspects de la politique qu’elle a imposée, mais uniquement avec des concessions mineures. La Troïka n’acceptera pas de voir ses revendications centrales être lancées à la poubelle concernant le repayement de la dette colossale de la Grèce, ce qui ne pourrait se faire qu’au prix d’une plus grande attaque contre le bien-être, les emplois et les conditions de vie de la population. La question de la participation de la Grèce à l’Eurozone et même à l’Union Européenne elle-même serait plus que probablement rapidement mise à l’agenda.
La politique grecque entre dans des eaux bien troubles. L’invitation à constituer un gouvernement est retombée sur les épaules de Syriza, le second parti du pays. En cas d’échec, l’initiative arrivera ensuite au Pasok, et ensuite, si un nouvel échec survient, au président grec, qui peut essayer de rassembler lui-même une coalition.
Les forces combinées de Syriza et du KKE, même avec la Gauche Démocratique, ne sont pas suffisantes pour former une majorité gouvernementale. De toute façon, le KKE a refusé de rencontrer Syriza.
Cette situation peut éventuellement conduire à de nouvelles élections. La classe dirigeante craint également cette éventualité, car Syriza peut devenir le plus grand parti du pays.
Que doit maintenant faire la gauche?
Alexis Tsipras, le dirigeant de Syriza, a déclaré qu’il voulait constituer une “coalition de gauche” pour rejeter les mesures "barbares" associées à l’accord conclu avec l’UE et le FMI.
Xekinima (la section du CIO en Grèce) soutien l’appel pour un gouvernement de gauche, mais cela doit alors être une coalition décidée à combattre toutes les mesures d’austérité et l’Europe des patrons, à rejeter le paiement de la dette, à mener une politique favorable aux travailleurs, à ne pas ‘renégocier’ pour des coupes budgétaires ‘plus généreuses’ qui signifierait la poursuite de la dégradation des conditions de vie de la population grecque. La direction de Syriza doit s’opposer à toute coopération avec les partis des patrons, ce qui ne pourrait entraîner que des conséquences désastreuses.
L’opportunité est maintenant très grande pour Syriza de publiquement défendre un programme pour un gouvernement des travailleurs. Il est vrai que, selon l’arithmétique parlementaire, la gauche n’a pas suffisamment de sièges pour constituer un tel gouvernement. De plus, la direction du KKE a jusqu’à présent refusé de coopérer avec Syriza. Une grande pression doit venir des syndicalistes, des activistes des mouvements sociaux et de la base du KKE et de Syriza afin d’insister pour que les deux partis rejettent le sectarisme et toute politique basée sur une ‘renégociation’ de l’austérité. Les militants du mouvement ouvrier veulent une gauche unitaire véritable, préparée à former une nouveau gouvernement de gauche dans un futur proche.
Un programme qui unirait Syriza et le KKE autour de l’opposition à toutes les mesures d’austérité et tous les diktats de l’UE, du refut du paiement de la dette et de la nationalisation de toutes les principales banques et entreprises sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleurs pour un changement socialiste de société gagnerait un soutien très large dans la classe ouvrière, parmi les jeunes et la classe moyenne ruinée. Cela inspirerait en outre une résurgence des actions de masse dans les lieux de travail et parmi les différentes communautés.
Si tentative est faite de constituer une nouvelle coalition d’austérité, autour du Pasok et de la Nouvelle Démocratie, la gauche et le mouvement ouvrier auront besoin d’organiser une opposition massive, avec des grèves générales et des occupations d’entreprises afin de stopper de telles tentatives, pour lesquelles ils n’ont reçu aucun mandat.
Les élections du week-end dernier ont rendu parfaitement clair qu’un gouvernement majoritaire de gauche est de l’ordre du possible. Si de nouvelles élections se tiennent en juin, les partis de gauche ont face à eu l’opportunité de remporter une majorité. Cela requiert toutefois de ces partis l’adoption de politiques socialistes. Cela signifie aussi un front unique conséquent de la gauche et du mouvement ouvrier contre la menace néofasciste et l’extrême-droite.
Si la gauche ne parvient pas à offrir une réelle alternative socialiste, l’extrême-droite pourra partiellement remplir l’espace laissé vacant. La classe dirigeante essayera elle aussi de recourir à plus de mesures autoritaires contre la résistance du mouvement ouvrier afin d’imposer sa politique.
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Grèce : Dictature des marchés ou démocratie des travailleurs
La vie des masses était déjà devenue plus qu’infernale depuis la signature du premier mémorandum en mai 2010 qui conditionnait l’octroi d’un prêt de 110 milliards d’euros à toute une batterie de mesures antisociales (privatisations, baisse des salaires,…). Ce mois de février, le second mémorandum (pour une somme de 130 milliards d’euros) a été voté au Parlement grec, dans un bâtiment littéralement assiégé, protégé par une véritable armée de policiers ayant face à elle une marée humaine de plus de 500.000 manifestants en colère. Ce dimanche-là clôturait une semaine qui avait connu une grève générale de 24 heures le mardi suivie d’une autre de 48 heures les vendredi et samedi.
Par Nicolas Croes
Une misère généralisée
Les mesures contenues dans ce second mémorandum sont largement dénoncées comme un remède pire que le mal luimême. Selon le syndicat grec GSEE, il y avait 2 millions de Grecs sous le seuil de pauvreté en 2008, il y en a désormais plus de trois millions, sur une population de 11 millions d’habitants à peine. La situation quotidienne des masses grecques est devenue catastrophique sous les coups répétés des précédentes mesures dictées par la Troïka (Union Européenne, Banque Centrale Européenne, Fonds Monétaire International). Le taux de chômage dépasse maintenant les 20% (et approche des 50% pour les jeunes) tandis que les salaires de ceux qui ont un emploi sont au ras du sol. Dans le secteur public, les fonctionnaires ont subi une perte d’environ 30 % de leurs revenus, les retraités, une baisse de 20 % de leur pension et dans le secteur privé, on observe une perte moyenne de 15 % de revenus. Tout cela alors que le coût de la vie est quasiment identique à celui rencontré dans une ville comme Bruxelles !
Dans les pages du Soir, Sonia Mitralia du mouvement ‘‘Contre La Dette’’ a expliqué que : ‘‘80 % de la population grecque est en détresse. La classe moyenne tend à disparaître tout bonnement pour la première fois. Les politiques d’austérité font des attaques sur tous les fronts: hausses d’impôts, coupes de salaires et des retraites, hausse de la TVA à 23%… Ce sont toutes ces attaques réunies qui abaissent le revenu.’’ (Le Soir du 7 février 2012) On parle désormais ouvertement d’une crise humanitaire, avec notamment une explosion du nombre de sans-abris. ‘‘Avant, on faisait des missions humanitaires en Afrique. Désormais, on se concentre sur la Grèce. Et la situation ne va pas s’améliorer. Le temps passe tous les jours, on voit de plus en plus de Grecs dans le besoin. Ils sont de plus en plus nombreux dans la rue’’ a déclaré à La Libre Christina Samartzi, de Médecins du Monde (MdM). Elle explique encore que ‘‘les enfants souffrent de malnutrition. Leurs mères n’ont parfois même plus d’argent pour acheter du lait.’’ (La Libre du 22 février 2012) Certains parents, trop pauvres pour subvenir aux besoins de leurs enfants, préfèrent même les abandonner dans les centres d’action sociale, où ils auront plus de chances d’avoir une alimentation régulière. Dans les écoles, il est devenu banal de voir des enfants s’évanouir faute d’avoir suffisamment reçu de quoi manger chez eux.
Des secteurs vitaux de la société ont subi des coupes budgétaires absolument horribles, à l’instar des soins de santé dont le budget a été coupé de 40% en 2011 comparé à 2010. Le nombre de lits dans les hôpitaux a déjà été diminué de plus de 30% dans le pays. L’Etat compte sur la solidarité familiale, importante dans la société grecque, pour pallier aux manques. ‘‘Ce n’est pas la solidarité familiale qui doit pallier aux vaccinations des enfants, ou trouver des médicaments pour soigner un cancer ou pour les gens qui ont besoin de dialyse pour les reins!’’ s’est, à juste titre, emportée Sonia Mitralia face au journaliste du Soir. Et cet hiver, d’innombrables foyers ont renoncé à se chauffer car le prix du mazout a doublé en moins d’un an. En bref, le quotidien de millions de personnes s’organise sous la contrainte de ce terrible choix : manger, se chauffer, se soigner ou payer ses factures ?
S’évader ou riposter
Dans pareille situation de crise, comme face à n’importe quel danger, il n’y a que deux solutions : la lutte ou la fuite. La Grèce est ainsi confrontée à une grande émigration, plus particulièrement de jeunes diplômés. Selon la Banque Mondiale, plus de 10% des Grecs vivaient à l’étranger en 2010 (contre 2,8% des Français par exemple). D’autres s’évadent de leur vie sans perspective de manières bien plus tragiques, par le suicide ou la drogue. Le gouvernement grec a dévoilé en juin de l’an dernier que le taux de suicide avait augmenté de 40 % au premier semestre 2011 comparé aux six premiers mois de 2010. A titre de comparaison, une étude de l’université de Cambridge menée par un sociologue parlait d’une augmentation de 17% du taux de suicide entre 2007 et 2009. Cette étude prenait notamment l’exemple du propriétaire d’un petit magasin récemment retrouvé pendu sous un pont avec une lettre où il avait inscrit: ‘‘ne cherchez pas d’autres raisons. La crise économique m’a conduit à ça.’’ Actuellement, un Grec sur deux pense à se suicider.
La consommation de drogues est, elle aussi, en pleine expansion, du fait de l’impact de la crise et de l’absence de perspectives sur les mentalités de chacun, mais aussi en conséquence de la quasi-disparition du budget de prévention à la toxicomanie (un tiers des centres de prévention et de désintoxication a été fermé) et des réductions du budget des soins de santé. Face à ce problème de plus en plus important, la Grèce a dépénalisé fin de l’année dernière la consommation et la possession ‘‘en petites quantités’’ de toutes les drogues. Suite à cela, les prix ont augmenté (la dose d’héro passant de 3 à 20 euros) et des drogues bon marché ont inondé les rues, à l’image de la ‘‘sisa’’, essentiellement composée de liquide de batterie et de détergent. Apparue il y a 18 mois, on connait déjà suffisamment ses effets dévastateurs pour dire qu’on y survit pas plus d’un an. Tanos Panopoulos, chef de mission à l’Organisation anti-drogue affirme que ‘‘dans les rues, 99% des héroïnomanes consomment la sisa.’’
Canaliser l’énergie et la combativité des masses
Mais la résistance se développe aussi. En 2 ans, le pays a connu une quinzaine de journées de grèves générales, y compris 3 grèves générales de 48 heures. La colère est immense dans tout le pays, les grèves, piquets de grève et manifestations sont innombrables. Les mobilisations du dimanche 12 février étaient les plus massives depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Tous les jours, il y a de nouvelles manifestations, de nouveaux piquets de grève. Petit à petit, la compréhension de l’importance de l’organisation s’est imposée.
Hélas, dans ce processus, il a manqué au mouvement une direction combative et audacieuse. Les directions syndicales n’ont par exemple pas pleinement joué le rôle qui aurait dû être le leur dans l’organisation de la résistance des masses. Les syndicats n’ont pour la plupart pas osé s’en prendre de front au PASOK (le parti social-démocrate) tout d’abord seul au pouvoir sous Papandréou puis, depuis le mois de novembre, en coalition avec la Nouvelle-démocratie (droite) et le Laos (extrême-droite, qui a quitté le gouvernement en février) sous Papadémos. Il n’y a pas qu’en Belgique que les liens entretenus entre les sommets syndicaux et les partis de l’establishment soi-disant ‘‘de gauche’’ constituent un grand problème…
Quant au PAME, le syndicat lié au Parti Communiste grec (KKE), sa rhétorique radicale masquait une absence de plan de lutte clair et offensif et dans les faits, il s’est limité à un appel à voter pour le KKE. Tout au long de ces deux dernières années, les directions syndicales n’ont en définitive appelé à des actions que parce qu’elles y étaient contraintes sous la pression des masses, mais elles se sont succédées sans que la prochaine étape de la lutte ne soit bien claire et sans qu’un plan d’action et une stratégie ne soient élaborés pour mieux canaliser la colère et la combativité des masses vers la réalisation d’un programme politique alternatif.
D’autre part, les deux grands partis de la gauche radicale (le KKE et Syriza, une coalition de la gauche radicale) ont eux aussi manqué de mots d’ordres clairs tant sur le plan syndical, en ne voulant pas se confronter aux dirigeants syndicaux qu’au niveau politique, en refusant durant longtemps de mener campagne pour le refus du paiement de la dette ou encore la nationalisation du secteur financier. Pourtant, la radicalisation à l’oeuvre dans la société grecque est telle que ces deux revendications disposent d’un soutien majoritaire dans la population !
Les travailleurs de la base et la population au sens plus large se sont donc retrouvés désemparés. La colère s’est donc également exprimée par d’autres canaux, comme avec le mouvement des Indignés grecs, qui a eu une base réellement massive dans la jeunesse grecque (mouvement que le KKE qualifiait de ‘‘petitbourgeois’’ en refusant de s’y impliquer), ou avec le mouvement pour le non-paiement (des péages autoroutiers, des transports publics,…). Mais la colère est aussi devenue frustration, ce qui a ouvert la voie à la violence dont ont tant parlé les médias grecs et internationaux. Faute de savoir comment poursuivre et accentuer la lutte, de nombreuses personnes, beaucoup de jeunes mais pas seulement, ont perdu patience. Cela a offert un terreau fertile aux théories basées sur la casse et l’action directe violente défendues notamment par une partie du courant anarchiste et favorisées par l’activité d’agents provocateurs. Mais en première instance, la responsabilité de cette violence est à trouver dans l’absence d’un plan de combat audacieux pour le mouvement. Il semble que tant les directions syndicales que celles des grands partis de gauche ne savent pas que faire des possibilités ouvertes par cette situation.
Les élections d’avril et la question du pouvoir
Car les possibilités sont nombreuses et historiques. Le gouvernement a annoncé le 13 février la tenue d’élections en avril et les données issues des sondages sont tout bonnement extraordinaires (les données qui suivent sont issues d’une enquête réalisée en février par l’institut Public Issue). Lors des dernières élections de 2009, le PASOK (équivalent local du PS) avait obtenu 43,9% contre… 8% aujourd’hui. La Nouvelle Démocratie obtient quant à elle environ 31% (contre 33% en 2009). A gauche, le KKE est crédité de 12,5% (contre 7,5% en 2009) et Syriza de 12% (4,6% en 2009). Si l’on rajoute à ces données celles de Dimar (une scission modérée d’une des composantes de Syriza actuellement créditée de 18%), cela donne à la gauche de la social-démocratie et des verts le chiffre de 42,5%. Comme le système électoral grec accorde un bonus de 40 sièges supplémentaires au plus grand groupe parlementaire, la gauche radicale a le potentiel de constituer le gouvernement qui suivra aux élections d’avril ! Ces partis ont d’ores et déjà déclaré qu’ils ne comptaient pas respecter toutes ces mesures d’austérité, ce qui a fait dire au ministre allemand des finances qu’il faudrait postposer ces élections, parce que les gens risquent de ne pas voter comme il faut… En bref, c’est soit l’argent, soit la démocratie. Hélas, les principaux partis de gauche, le KKE et SYRIZA, refusent de mettre en avant un programme d’orientation socialiste et de collaborer ensemble pour les prochaines élections.
Nos camarades grecs de Xekinima aident ces organisations à collaborer ensemble pour les prochaines élections, mais ne se limitent pas à la question électorale. Ils appellent à l’organisation d’un mouvement de grève générale illimitée et à des manifestations massives pour faire tomber le gouvernement le plus vite possible. D’autre part, ils appellent à l’extension du mouvement d’occupation d’entreprises qui se développe actuellement aux autres entreprises, aux universités et aux écoles, mais aussi aux divers quartiers des villes et villages afin de créer des points de rassemblement pour les divers mouvements de résistance, des endroits où discuter de l’organisation de la lutte mais qui peuvent constituer l’embryon de la nouvelle société à construire. Nos camarades ont proposé à tous les groupes de la gauche de se réunir pour prendre des initiatives dans cette direction.
Tout comme nos camarades l’avaient défendu dans le cadre des occupations de places des Indignés, Xekinima appelle à l’élection démocratique de représentants aux cours d’assemblées générales dans tous les districts afin de coordonner ces assemblées aux niveaux local et national pour poser les bases d’un gouvernement des travailleurs.
Quel programme contre celui de la troïka ?
La politique de la troïka a déjà poussé l’économie grecque à se contracter de 15% au cours des dernières années. Le nouveau plan vise à réduire la dette publique grecque à 120 % du PIB d’ici à huit années, et n’est absolument pas crédible. La troïka prévoyait une récession de – 3 % pour 2011, la réalité fut de – 6 %. Pour 2012, la troïka parle de – 2 %, mais diverses prédictions parlent de – 4 %, voire même de – 7 %. Plus fondamentalement, faire payer la crise à la population sape les bases mêmes de l’économie, c’est comme scier la branche sur laquelle on est assis.
Le dilemme est le suivant : ne pas faire payer les dettes aux travailleurs et à leurs familles et s’en prendre aux capitalistes déclencherait une grève du capital (fermetures d’entreprises, fuite de capitaux hors du pays, chute des investissements,…). Et faire appel à la ‘‘planche à billets’’ en imprimant de l’argent entraînerait une inflation gigantesque.
Contre le programme d’austérité de la troïka, la seule politique capable de sortir la population de la crise est un programme socialiste basé sur le refus de payer la dette et sur la nationalisation du secteur financier ainsi que des secteurs clés de la société pour les placer sous le contrôle démocratique de la collectivité. Les assemblées de quartiers, d’entreprises,… constitueraient des endroits idéaux pour que les masses soient démocratiquement impliquées dans la production de richesses et leur utilisation. Ainsi, un réel programme de défense de l’emploi, de construction de logements sociaux, de gratuité des soins de santé et de l’enseignement,… pourrait être développé et concrétisé. La situation actuelle de la Grèce rend la réalisation de ce programme des plus urgentes. Cela constituerait aussi une impulsion monumentale aux luttes partout en Europe et dans le monde, et poserait le premier pas vers un monde débarrassé de l’exploitation capitaliste : un monde socialiste démocratique.
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L’extrême-droite et la crise : l’impasse du nationalisme
Face à la crise européenne, le repli nationaliste semble constituer un refuge aux yeux de beaucoup de personnes. C’est une aubaine pour la droite populiste et l’extrême-droite, qui peuvent ainsi plus facilement masquer leur véritable agenda antisocial et néolibéral. C’est ce qu’illustrent les récents succès remportés par les Vrais Finnois ou Marine Le Pen.
15 mars : Manifestation antifasciste à Louvain contre le NSV – 20h00 Martelarenplein
L’impact de la crise a considérablement renforcé l’aversion pour toutes les institutions qui imposent les politiques néolibérales. En étroite collaboration avec leurs gouvernements, la Commission européenne a infligé aux divers Etats une politique intense de libéralisations et de privatisations. Les spéculateurs s’en sont donnés à coeur joie. Mais il est bien facile d’uniquement pointer la responsabilité de l’Union Européenne. Un des pays les plus critiques face à l’Union, le Royaume-Uni, a été parmi les pionniers de cette politique néolibérale, sous le gouvernement de Margaret Thatcher dans les années 1980.
La tendance actuelle de l’UE à saper toute forme de démocratie et à imposer l’austérité, si besoin est en plaçant des gouvernements non-élus de technocrates, reflète son incapacité à solutionner cette crise systémique. Le coeur de cette crise n’est pas à chercher dans les structures européennes, mais plus profondément, dans le coeur même du système de production capitaliste.
Sur ce point précis, l’extrême-droite reste bien sagement silencieuse, malgré toutes ses éructations sur le ‘‘mondialisme’’. Le repli souverainiste et nationaliste qu’ils invoquent face à la crise ne vise pas à se démarquer de la politique antisociale européenne. Ce constat s’impose de lui-même au regard de l’activité de l’extrême-droite dans leurs pays respectifs. Aux Pays-Bas, le PVV de Geert Wilders accepte la logique des cadeaux aux banques sur le dos des budgets sociaux. En Grèce, le parti d’extrême-droite LAOS a collaboré un temps au gouvernement imposé par l’UE de Papademos. Lorsque ce parti a quitté le gouvernement, par crainte de trop perdre de son soutien électoral et non par opposition à la politique de bain de sang social, le ministre du LAOS Makis Voridis, par ailleurs très bon ami de l’ancien président du Vlaams Belang Frank Vanhecke, a continué de soutenir le gouvernement et son plan d’austérité sauvage.
Dans notre propre pays aussi, la pensée unique néolibérale règne en maître sur l’extrême-droite, que ce soit dans les divers groupuscules francophones ou au Vlaams Belang. Ainsi, le Congrès économique du Vlaams Belang en 2005 avait présenté la politique de libéralisation à l’oeuvre en Irlande comme le modèle à suivre pour la Flandre. Nous ne savons pas ce qu’ils en disent aujourd’hui…
Dans son appel pour manifester le 15 mars, le NSV, l’organisation étudiante officieuse du Vlaams Belang, affirme que la crise de l’euro provient du manque de respect des règles européennes. Visiblement, l’extrême-droite pense que la politique d’austérité n’est pas suffisamment stricte et sévère. C’est assez paradoxal compte tenu de leur analyse de la crise financière mondiale, attribuée aux ‘‘politiques néolibérales internationalistes’’. Le NSV ignore où se trouvent les racines réelles de la crise, et est incapable de formuler une alternative. Ces étudiants d’extrême droite se limitent à tenter de détourner la frustration et le mécontentement sur une voie de garage, celle du nationalisme.
En fait, le Vlaams Belang essaye de copier le grand frère français construit par Jean-Marie Le Pen en rêvant des chiffres qu’obtient Marine Le Pen dans les sondages, notamment sur base de ses critiques contre l’Union Européenne. Cette rhétorique ne peut fonctionner que si la gauche et le mouvement des travailleurs lui laissent la voie libre.
Nous devons construire l’opposition active à la dictature des marchés, mobiliser pour lutter contre les politiciens capitalistes, les institutions capitalistes internationales et les gouvernements et les parlements nationaux. Nous devons mettre en exergue la contradiction principale dans la société, celle qui existe entre les 1% qui détiennent les moyens de production et les richesses et les 99% qui font tourner l’économie, produisent les richesses, mais doivent lutter pour des miettes. Le mouvement syndical doit s’organiser à l’échelle européenne et internationale afin de lancer une campagne de solidarité qui ne laisse aucune chance aux discours stigmatisant les Grecs, le Sud de l’Europe ou les immigrés comme responsables de la crise. Nous sommes tous sur le même bateau, et nous devons en prendre possession, pas lutter entre nous. Une grève générale européenne serait une première étape en cette direction.
Sur ce terrain de l’organisation de la défense des droits sociaux, l’extrême droite n’a rien à dire. Le Vlaams Belang a pour maxime ‘‘le travail produit, la grève nuit’’. Son porte-parole Filip Dewinter l’a encore récemment répété à l’occasion des dernières grèves et manifestations contre l’austérité dans notre pays. L’extrême droite veut instrumentaliser la crise, mais n’a aucun moyen de livrer la moindre solution.
Dans le cadre de notre lutte internationale contre la dictature des 1%, pour le non-paiement de la dette nationale, pour la nationalisation des secteurs clés de l’économie sous le contrôle et la gestion démocratique de la collectivité, pour des investissements massifs en matière d’emploi, le logement, d’enseignement, etc., l’extrême droite est un ennemi qui cherche à nous diviser. Les campagnes de l’extrême droite visent à détourner la lutte contre des boucs émissaires plutôt que contre les réels responsables, les 1% dont l’extrême droite constitue le chien de garde.
Nous appelons à rejeter le chantage des marchés et à lutter collectivement, en masse, pour bloquer l’austérité. Tout ce qui divise cette lutte l’affaiblit. Ce combat doit s’orienter vers la construction d’une Europe des peuples, une confédération socialiste démocratique des Etats européens libres et indépendants.
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Grèce : Un demi-million de personnes sur la place Syntagma !
Notre camarade Niall Mulholland s’est entretenu avec Payiatsos Andros, qui est membre de Xekinima, la section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), et qui a activement participé aux énormes manifestations de ce week-end à Athènes, lorsque les travailleurs ont fourni une réponse massive aux nouvelles coupes budgétaire et à l’austérité.
Par Niall Mulholland
Dimanche dernier, le Parlement grec a voté l’application de nouvelles mesures d’austérité qui sont exigées par l’UE et le FMI en échange d’un immense plan de sauvetage, pour empêcher la Grèce de se trouver en défaut de paiement de ses dettes massives. Ces mesures d’austérité sauvages ont été réclamées par l’Union Européenne comme une condition préalable à la libération des fonds. Mais ces mesures ont provoqué une vive réaction de la part des travailleurs grecs, avec une grève de 24 heures le mardi 7 février et une autre grève générale de 48 heures le vendredi 10 et le samedi 11 février. Cela n’a pas de précédent dans l’histoire du pays après la seconde guerre mondiale. Des protestations énormes ont eu lieu dans toute la Grèce.
Quelle est la taille des manifestations du 11 et 12 février contre les récentes coupures d’austérité?
La manifestation du dimanche 12 février, dans le centre d’Athènes, a été énorme malgré toutes les tentatives des médias grecs et étrangers pour la minimiser. Elle a été appelée par les syndicats et soutenue par tous les principaux partis de gauche.
Jusqu’à un demi-million de personnes ont défilé et se sont ralliés à la place Syntagma, devant le bâtiment du parlement national. Salonique, d’autres villes grecques et des îles comme Corfou ou la Crète ont également vu d’énormes manifestations. Les médias grecs ont sous-estimé l’ampleur de la protestation, mais le flot continu de personnes qui sortaient des stations de métro pour rejoindre le centre d’Athènes s’est transformé en un raz de marée de manifestants. Il semble que pratiquement tout le monde était là pour s’opposer aux dernières coupes draconiennes, aux diktats de la Troïka et au vote du gouvernement grec qui veut des coupes sauvages. Même les rames de métro de la riche banlieue nord d’Athènes étaient pleins.
La grève générale de 48 heures de la semaine dernière a-t-elle été effective?
Les rassemblements de dimanche ont été précédés par les deux grèves générales mentionnées précédemment qui sont parvenues à faire cesser l’activité de toutes les industries, les services publics et les transports. L’ensemble de la société a été une fois de plus paralysée par un affichage énorme de l’action collective des travailleurs contre les mesures d’austérité. Les manifestations sur ces deux jours ont été relativement faibles. La plupart des gens qui travaillent ont vu le dimanche comme un jour crucial pour protester, car c’était le jour où le parlement votait les coupes budgétaires (et les transports fonctionnaient). Ainsi, le dimanche a vu des gens qui travaillent de retour en force dans les rues, en très grand nombre.
Les médias, internationaux principalement, ont fait état d’émeutes et d’ affrontements entre les manifestants et la police anti-émeute. Quel était le vrai caractère des manifestations dans la rue, dimanche dernier?
Il y avait quelques très grands contingents syndicaux participant à la manifestation de masse le 12 février à Athènes. Un syndicat lié au KKE (parti communiste grec) avait un contingent de plusieurs dizaines de milliers de personnes. Je dirais près de 100.000 personnes. Mais la grande majorité des gens sont venus protester sans se rallier à une bannière. Beaucoup sont venus avec leurs amis et familles pour montrer qu’ils étaient opposés aux coupes. Les manifestants étaient très en colère. Les gens criaient «voleurs» , «menteurs» et «traîtres» devant l’édifice du Parlement, pendant les délibérations des députés sur les nouvelles coupes qui vont encore appauvrir une plus grande partie de la population.
Toutefois, les affrontements entre la police anti-émeute et des émeutiers (des groupes anarchistes y ont joué un rôle mais il y eu de la provocation) ont débuté à environ 17h30. Les policiers ont agi brutalement, sans discernement et ont attaqué tous les manifestants en utilisant des gaz lacrymogènes. C’est leur tactique habituelle.
Les anarchistes étaient rassemblés autour de quelques jeunes, dont beaucoup étaient naturellement furieux contre la situation et les conditions dont ils sont victimes. Malheureusement, certains de ces jeunes ont été entraînés dans des actes imprudents et contre-productif, y compris des pillages, par la situation désespérée à laquelle ils sont confrontés. Certains rapports indiquent que près de 93 bâtiments ont été détruits ou endommagés. Sans doute, des agents provocateurs étaient parmi les anarchistes, comme nous l’avons vu à plusieurs reprises auparavant en Grèce. Même des ambulanciers et des pompiers ont été attaqués alors qu’ils tentaient de faire face aux urgences et aux incendies.
Malgré tout cela, de nombreux manifestants sont restés sur la place à plus de dizaines de milliers.
Que signifie concrètement ce nouveau paquet de compressions budgétaires pour les travailleurs et les pauvres?
Ce plan nouveau d’austérité est une agression sur les plus pauvres dans la société. Le salaire minimum sera réduit de 22% ce qui vaudra seulement € 480 net par mois. Pour les moins de 25 ans, il s’agit d’une coupe de 32%, ce qui signifie vivre avec 430 euros par mois. Mais les plus touchés sont les jeunes apprentis (près de tous les jeunes employés sont maintenant des apprentis). Ils verront leur salaire mensuel passer à seulement 350 euros.
En plus de cela, il y a des mesures consistant notamment à faire immédiatement de 15.000 travailleurs du secteur public des chômeurs, avec l’objectif à long terme de la suppression des emplois de150.000 fonctionnaires. La législation du travail sera «libéralisée»pour rendre plus facile pour les patrons le licenciements des travailleurs.
Tout cela vient après des années de mesures d’austérité qui ont laissé un Grec sur trois vivre dans la pauvreté, on a vu une hausse des sans-abri, de la criminalité, l’alcool et de la drogue et des familles dévastées. La Grèce entre dans sa cinquième année de récession / crise. Les soupes populaires à Athènes doivent maintenant répondre à plusieurs milliers de demandes , où on voit aussi bien de professionnels formés que des immigrants. 30000 sans-abri vivent désormais dans les rues d’Athènes, un phénomène de proportions négligeables jusqu’à tout récemment. L’Eglise orthodoxe déclare nourrir près de 250.000 personnes par jour.
La coalition gouvernementale grecque peut-elle effectuer ces coupures?
Le gouvernement appelé «grande coalition», dirigé par un technocrate non-élu, imposé par l’union européenne, est en réalité très faible. Il y a une semaine, les trois partis de la coalition, le PASOK (social-démocratie), la Nouvelle Démocratie (conservateurs) et le LAOS (extrême-droite), ont eu une grande majorité des 266 députés sur 300 députés. Mais le projet de loi d’austérité a été voté par seulement 199 députés. C’est parce que de nombreux députés ont senti la force de l’opposition de masse et a décidé de ne pas voter contre les coupes ou à s’abstenir, en général pour tenter de sauver leur carrière politique.
Ces députés dissidents ont été expulsés par leurs partis, formant le plus grand groupe au Parlement, ce qui a causé un séisme politique Le PASOK et la Nouvelle Démocratie ont, d’un seul coup, perdu 29 députés chacun. Le PASOK est maintenant passé de 160 députés à 131, dans un parlement de 300 sièges. ND est tombé de 91 à 62. L’extrême droite du LAOS a perdu 3-4% de soutien dans les sondages en une semaine et s’est senti obligé de quitter le gouvernement juste avant le vote. Néanmoins, deux de ses ex-ministres ont rompu les rangs et ont voté pour l’austérité.
Le PASOK et la Nouvelle Démocratie doivent maintenant faire un gouvernement avec seulement 193 sièges entre eux. Le dernier parti au pouvoir, le PASOK,s’est effondré à seulement 8,7% de soutien dans les sondages. ND a baissé de 10%en un peu plus d’une semaine pour tomber à 21%. La «grande coalition», les partis de la classe dirigeante ne représente que 30,1% dans la société selon les sondages les plus récents. Dans le même temps, plus de 75% de leurs électeurs se déclarent opposé à la politique des deux principaux partis.
En réalité,ce gouvernement est suspendu à un fil. La seule raison pour laquelle il est toujours dans le bureau est que ni les syndicats ni les partis de gauche n’ont un plan pour l’abattre. Ainsi, si les mesures passent, ce sera parce que la gauche et les syndicats le lui ont permis – par leur refus d’organiser une lutte appropriée.
La gauche peut-elle remporter les élections?
Le gouvernement a déclaré cette semaine que les élections se tiendront en avril. Le Pasok s’attend à subir des pertes énormes de vote de l’électorat tout comme la Nouvelle Démocratie.
Au même moment, la gauche se redresse dans les sondages. Le KKE et SYRIZA ont maintenant une occasion énorme et disposent conjointement plus de 30% dans les sondages. Mais pour vraiment profiter de la situation, ils doivent mener un combat contre les politiques socialistes et mener une lutte de masse pour renverser ce gouvernement et à défier les exigences des marchés financiers. Ils ont besoin d’exhorter leurs partisans à organiser des réunions de masse dans tous les lieux de travail pour organiser les travailleurs et se préparer à une grève générale illimitée pour renverser le gouvernement.
Bien que le gouvernement ait réussi à obtenir des réductions votées au Parlement, il est accroché au pouvoir par un fil et est extrêmement instable. La colère énorme dans la société et l’opposition aux coupes budgétaires n’ont pas diminuées. Les syndicats ont montré un aperçu de leur pouvoir, mais n’ont pas bougé de manière décisive pour se débarrasser du gouvernement. Les partis de gauche appellent de manière rhétorique à la chute du gouvernement et à la tenue de nouvelles élections, mais ne prennent pas d’initiatives concrètes dans ce sens. Le KKE et Synaspismos appellent de façon abstraite à "des grèves, des occupations, la révolte”, etc., mais ne donnent pas de propositions concrètes visant à organiser des grèves et des occupations pour développer la lutte.
Les principaux partis de gauche, le KKE et la SYRIZA, refusent aussi de mettre en avant un programme socialiste, ce qui est essentiel dans cette situation. Ils refusent même de collaborer ensemble pour les prochaines élections. S’ils constituent ensemble la principale force politique en Grèce, le système électoral actuel leur donnera 40 autres sièges parlementaires afin qu’ils puissent même former un gouvernement majoritaire sur cette base!
A quoi appellent nos camarades de Xekinima ?
La crise économique et politique est appelée à se poursuivre. Les syndicats discutent d’une autre grève générale pour dans quelques jours. Mais cela ne doit pas être simplement pour se défouler, cela doit être un effort sérieux pour mettre à la porte le gouvernement. Nous appelons à l’organisation d’un mouvement de grève générale illimitée et à des manifestations, en vue de faire tomber le gouvernement. C’est un gouvernement de voleurs qui a perdu la confiance du peuple. Des assemblées démocratiquement élues dans tous les districts doivent se réunir dans toutes les villes et être liées entre elles au niveau régional et national afin de poser les bases d’un gouvernement des travailleurs et de ceux qui sont exploités par ce système, sur base d’un programme visant à mettre fin au capitalisme. Il faut annuler la dette et mettre fin à toutes les mesures d’austérité, et nationaliser les banques et les grandes entreprises pour qu’elles soient gérées démocratiquement par les travailleurs. Sur cette base, on pourrait introduire un plan d’urgence démocratique afin de reconstruire l’économie.
Les partisans de Xekinima qui aident à mener une occupation du ministère de la Santé ont envoyés des appels à tous les rang de gauche et les syndicats pour demander de l’aide, en particulier des syndicats du secteur de la santé. Nous utilisons aussi cela comme une base pour appeler à l’expansion de l’occupation à d’autres ministères, les conseils locaux, etc.
Nous appelons à une vague d’occupations des quartiers à Athènes et à Salonique et d’autres villes et villages pour créer un point où la résistance peut se poursuivre, se construire et encourager une nouvelle vague de grève, ainsi qu’une vague d’occupation des lieux de travail, des collèges et des écoles. Nous avons proposé à tous les groupes de gauche de se réunir et d’essayer de prendre une initiative autour de cette demande. Mais nous sommes toujours en attente de la réponse des autres forces de gauche.
Quelle est la réponse socialiste à la crise?
Les médias grecs discutent ouvertement de la vie en dehors de la zone euro. Ils spéculent que l’Allemagne peut désormais déclarer la Grèce «cause perdue» et la pousser hors de l’euro. Certains politiciens de droite allemands pensent que les actions de la BCE au cours des derniers mois sont suffisantes pour s’assurer qu’il n’y aura pas d’effets de contagion de la Grèce vers d’autres membres criblés de dettes de la zone euro ou à la fragilité du système bancaire européen. C’est l’enfer des paris!
Il n’est pas surprenant de voir dans les sondages que 54% des Grecs sont maintenant "contre l’UE" et 35% sont "contre l’euro". En dépit de leurs craintes de l’inconnu, de nombreux Grecs se demandent en quoi la situation serait pire à l’extérieur de la zone euro.
Le leader de Synaspismos est allé à la télévision dimanche dernier et a déclaré que la position de la Grèce entraîne une «négociation plus difficile» ! Mais aussi longtemps que vous acceptez les contraintes de l’économie de marché, les pouvoirs de l’UE ne donnent jamais aux travailleurs grecs le «choix» ou non de procéder à des coupes sauvages.
L’augmentation du soutien pour le KKE et Syriza illustre que la gauche est dans une position pour éventuellement former un gouvernement majoritaire.
Les partis de gauche et les syndicats doivent s’organiser autour d’un programme socialiste et démocratique et mener des campagnes structurées pour se battre pour un gouvernement des travailleurs, ce qui équivaudrait à répudier la dette, à gérer les secteurs clés démocratiquement, sous la gestion et le contrôle démocratiques des travailleurs eux-mêmes. Ainsi, on pourrait fournir de bons emplois à tous, avec un salaire décent, de même que de massivement investir dans le bien-être, l’éducation et le logement, sans oublier la gestion de la production des biens de consommations.
Un gouvernement des travailleurs ferait aussi le lien avec la classe ouvrière des autres pays européens frappés par la dette et le mouvement ouvrier dans toute l’Europe. Il serait ainsi possible de dire NON aux capitalistes européens et de combattre dans une lutte collective pour une confédération socialiste du continent.
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La fin du FN en Belgique ?
De manière générale, l’extrême droite francophone est (très) divisée et (très) affaiblie, et ce depuis de fort longues années. Mais la notoriété du Front National français et de Le Pen père et fille avaient toujours permis de compenser l’inefficacité et le manque total de visibilité du FN belge hors des divers procès de ses dirigeants. Profiter de cette facilité hexagonale sera cependant quelque peu plus compliqué à l’avenir, puisque Marine Le Pen vient de décider d’interdire l’utilisation du nom, du sigle et des initiales du FN en Belgique que se disputaient pas moins de… quatre groupes différents.
Ben (Charleroi)
Les capacités de l’extrême droite francophone ne sont pas à surestimer, mais minimiser son danger potentiel serait tout de même une grave erreur. Dans le Hainaut, les listes d’extrême droite avaient réalisé, ensemble, 6,3% lors des élections législatives de 2010. Dans le canton de Charleroi, le total des voix se situait même à 9%, un résultat loin d’être ‘‘fantomatique’’, comme certains auraient voulu le faire croire. Il est vrai toutefois que ce score constitue une diminution par rapport à 2007, quand les différentes listes totalisaient presque 14% des voix sur Charleroi. Mais même sans les avantages du ‘‘FN, marque déposée’’, le danger reste présent.
En période de crise, le racisme se développe, chaque forme de discrimination y trouvant un sol fertile. L’extrême droite tente d’amplifier celles-ci en instrumentalisant des faits divers ou encore l’attentat de Liège. L’avenir organisationnel des néo-nazis francophones est encore incertain entre les diverses succursales (Wallonie d’abord, Solidarité Unitaire,…).
Pour l’instant, le (très petit) groupe d’extrême droite le plus développé en Belgique francophone serait le groupuscule Nation, avec un noyau dur d’une dizaine de membres, parfois capable de mobiliser une vingtaine de personnes lors de ses activités. Le danger qu’ils représentent n’est pas directement électoral, mais basé sur leur activisme et leurs tentatives de construire un cadre néo-fasciste tel qu’a su le construire de Vlaams Belang depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Ce groupuscule tente de séduire sur base des sentiments antisystèmes qui se développent dans la société en se disant par exemple ‘‘anticapitaliste’’. Pourtant, sur leur site internet, qui est régulièrement alimenté, c’est le silence radio concernant les luttes contre l’austérité à travers le monde et en Belgique, ou encore sur la présence de leurs ‘‘collègues grecs’’ du Laos dans le gouvernement d’austérité de Papademos…
Il est difficile de se faire une idée correcte du potentiel de l’extrême droite francophone et de son développement, mais elle peut réussir à se construire sur base du sentiment anti-establishment et face au désespoir qui naît de situation socio-économiques difficiles, quand la désignation d’un bouc émissaire, quel qu’il soit, est déjà un soulagement. Selon nous, la meilleure façon de répondre à ce danger est de construire un instrument politique pour les travailleurs et les pauvres, basé sur des réponses collectives contre ce système et sa logique d’austérité. Des emplois, pas de racisme, tout ce qui nous divise nous affaiblit !
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Pour une grève générale européenne contre la dictature des marchés – Nous voulons décider ! A bas les régimes technocratiques !
A quelques jours d’intervalle, des technocrates sont arrivés à la tête des gouvernements d’Italie et de Grèce, avec l’argument que ces éminents personnages seraient ‘‘au-dessus des considérations politiciennes’’ pour prendre des mesures destinées à préserver le ‘‘bien commun’’. Un mensonge ridicule et surtout bien incapable de masquer la réalité : ces financiers de haut vol ont été propulsés au pouvoir afin d’assurer que la population paie le coût de la crise au prix fort et que l’avidité des vautours capitalistes soit satisfaite.
Par Nicolas Croes
Quell e est cette caricature de démocratie ?
‘‘Wall Street a deux partis, nous avons besoin du nôtre’’ défendent nos camarades américains de Socialist Alternative aux USA, une question cruciale aux quatre coins du globe. Mais si les sommets syndicaux peinent à rompre fermement leurs liens avec des partis traditionnels du type du PS, nous ne pouvons qu’être frappés par la rapidité à laquelle les marchés règlent cette question. Pour eux, Silvio Berlusconi et George Papandréou n’étaient plus les hommes de la situation. Les marchés ont donc ‘‘voté’’ à leur manière, avec l’envolée des taux d’intérêt de la dette, et les parlementaires se sont très docilement pliés à ce choix : ils ont soutenu l’arrivée antidémocratique de gouvernements de banquiers.
Mario Monti est l’ancien commissaire européen à la concurrence, également ancien président ou membre dirigeant de différents groupes de pression néolibéraux (dont le fameux Groupe de Bildeberg) et jusqu’à tout récemment il était encore conseiller pour le géant bancaire Golman Sachs. Son gouvernement comprend notamment le patron de la seconde banque du pays (Intesa Sanpaolo) au poste de ministre du Développement économique, des Infrastructures et des Transports.
En Grèce, Lucas Papadémos est l’ancien vice-président de la Banque Centrale Européenne. Son gouvernement est une alliance qui regroupe le PASOK (équivalent local du PS), la Nouvelle démocratie (droite officielle) et enfin le parti d’extrême-droite l’Alerte populaire orthodoxe (LAOS). C’est la première fois depuis 1974 (c’est-àdire la fin de la dictature des colonels) que l’extrême-droite entre au gouvernement grec. Voilà donc les ‘‘hommes de la situation’’.
Ce nouveau développement politique de la crise économique illustre la gravité de cette crise pour la classe capitaliste ainsi que sa panique. Avec l’aide de la troïka – Fonds Monétaire International (FMI), Union Européenne et Banque Centrale Européenne – les marchés ont balayé le suffrage universel pour placer directement leurs propres pions et assurer ainsi que l’austérité soit promptement appliquée. Cette menace pèse sur tous les pays.
Pour une grève générale européenne !
Face à la crise de l’euro, le danger du développement d’un repli nationaliste, même ‘‘de gauche’’, existe. Nous devons défendre nos droits sociaux durement acquis contre les prédateurs capitalistes internationaux, c’est vrai, mais aussi nationaux. Ainsi, nous nous sommes toujours opposés à l’Union Européenne du capital, mais sans pour cela tomber dans le piège du nationalisme. C’est en ce sens que nos sectionssoeurs en Irlande et en France avaient mené campagne contre la Constitution Européenne et le Traité de Lisbonne qui lui a succédé, mais sur base d’un programme de lutte pour défendre tous les acquis sociaux et propager l’idée d’une Fédération socialiste européenne.
Divisés, nous sommes faibles. Opposons à la dictature des marchés une résistance internationale. C’est tout à fait possible. La volonté de lutter contre l’austérité ne manque pas. En France, les syndicats appellent à une journée de mobilisation pour le 13 décembre. En Grande Bretagne, une grève générale d’ampleur historique a frappé les services publics le 30 novembre. Le Portugal (le 24 novembre), l’Italie (le 6 septembre) et l’Espagne (le 6 décembre également) ont connu des grèves générales et la Grèce a déjà une bonne douzaine de grèves générales derrière elle. Qu’attend-on encore pour unifier la résistance ?
Le 7 décembre, la Fédération Européenne des Métallos a appelé à une grève européenne sur tous les sites d’ArcelorMittal, sur base directe de l’annonce de la fermeture de la phase à chaud liégeoise, mais aussi pour répondre aux menaces diverses dans tous les sites de la multinationale. Cet exemple doit être suivi et développé. Il est grand temps de nous diriger vers une journée de grève générale européenne, première étape d’un plan d’action européen contre l’austérité capitaliste.
L’une des revendications les plus cruciales de ce plan d’action devrait être d’assurer que les travailleurs et leurs familles puissent avoir le contrôle des décisions économiques prises dans leurs pays, par la nationalisation des secteurs clés de l’économie (énergie, sidérurgie, finance,…) sous le contrôle démocratique des travailleurs. La démocratie réelle passe par le contrôle de l’économie et le renversement du chaos capitaliste, par l’instauration d’une production démocratiquement planifiée.
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Grèce : Le premier ministre George Papandreou chassé du pouvoir
Nouveau gouvernement d’“unité nationale” = “coalition d’austérité”
Le premier ministre grec George Papandreou s’est vu contraint de quitter le pouvoir le week-end passé, et de remplacer son gouvernement PASOK (parti “social-démocrate” au pouvoir) par un gouvernement de coalition d’“unité nationale”. Cette nouvelle “coalition de l’austérité” PASOK/Nouvelle Démocratie va signer un plan de sauvetage qui impliquera encore plus d’austérité punitive, telle que celle qui a déjà poussé des millions de Grecs dans la misère.
Andreas Payiatsos, Xekinima (CIO-Grèce) et Niall Mulholland, CIO
Papandréou a été forcé de quitter le pouvoir après plusieurs jours de troubles civils qui ont suivi sa décision – maintenant annulée – d’organiser un référendum sur le plan de sauvetage prévu par l’UE pour renflouer la Grèce, percluse de dettes.
Les nouveaux premiers ministres potentiels incluent des candidats à la réputation de maitres de l’austérité prouvée : il s’agit de Lukas Papademos, ancien vice-président de la Banque centrale européenne (BCE), et du ministre des Finances Evangelos Venizelos. Le nouveau gouvernement de coalition démissionnera après de nouvelles élections, attendues en février prochain.
L’accord conclu le mois passé entre la BCE, l’UE et le FMI (la fameuse “Troïka”), accorderait au gouvernement grec la somme de 130 milliards d’euros, effacerait la moitié des dettes grecs dues à des détenteurs privés, et inclurait une nouvelle série de mesures d’austérité profondément impopulaires.
L’économe réduite de -15%
La politique de la Troïka a déjà poussé l’économie grecque à se contracter de 15% au cours des trois dernières années. Le gouvernement PASOK a voté toute une série de lois dictées par la Troïka, qui ont poussé dans la misère les deux-tiers de la population grecque. Les salaires des travailleurs du secteur public ont été tranchés de 50% (par rapport à ce qu’ils gagnaient début 2010), et le salaire minimum “légal” baissera à 500€ par mois (mais même cela, vu que les “négociations collectives” ont été abolies, n’est plus contraignant pour les employeurs). Plus de 40% de la jeunesse est au chômage. La Troïka exige que 250 000 personnes soient virées du secteur public – plus du tiers du personnel total. Les services publics sont pilonnés. Dans les hôpitaux, le nombre de lits a déjà été réduit de 30%, et une nouvelle réduction de 20% est prévue (pour une réduction totale de 50%, donc). Les nouvelles taxes, couplées aux coupes dans les salaires et les allocations, signifient la perte de centaines d’euros par mois par travailleur et par famille. Les enfants vont à l’école le ventre vide, certains allant jusqu’à s’évanouir en classe. Même les “classes moyennes”, qui auparavant vivaient relativement bien, se voient maintenant poussées vers une vie de privations.
Si Papandréou a fait sa proposition désespérée de référendum, c’est parce que la résistance de la population grecque à sa politique d’austérité s’est avérée absolument insurmontable. Il a réalisé que son gouvernement PASOK menaçait d’un effondrement total. Le 19 octobre, la Grèce a connu sa plus grande grève générale de 48 heures et manifestation syndicale de toute son histoire d’après-guerre. Le 28 octobre, qui est la journée annuelle de “fierté nationale” et de parades destinées à commémorer l’occupation de la Grèce durant la Seconde Guerre mondiale, s’est cette année mué en une journée de colère et de manifestations antigouvernementales.
Chantage
Le référendum de l’ex-premier ministre était une tentative de faire chanter la population grecque, en la plaçant devant l’alternative : « Soit vous votez pour le plan de “sauvetage” du 26 octobre, soit la Grèce fait faillite, quitte la zone euro, et vous crevez tous de faim ».
Mais le projet de référendum de l’ex-premier ministre grec se sont rapidement vus mis sous une énorme pression de la part des dirigeants européens, en particulier de l’Allemagne et de la France, qui ont vivement critiqué ce référendum, sous prétexte que cela causerait l’extension de la crise grecque aux autres pays européens, en particulier au pays vulnérable qu’est l’Italie.
Démontrant qu’eux aussi s’y connaissent en matière de chantage, la Chancelière allemande Merkel et le président français Sarkozy ont exigé que ce référendum porte sur la question de savoir si la Grèce devrait rester membre de l’UE ou non. La tranche suivante du plan de sauvetage actuellement en train d’être administré à la Grèce, d’une valeur de 8 milliards d’euros, a elle aussi été suspendue afin d’ajouter à la pression sur Papandréou pour qu’il retire sa proposition.
D’immenses divisions se sont ouvertes au sein du PASOK autour du projet de référendum : le ministre des Finances Evangelos Venizelos et d’autres figures cruciales du gouvernement s’y sont ainsi publiquement opposées, déclarant le 4 novembre que ce projet devait être annulé. Certains membres du cabinet ont exigé la démission de Papandréou en faveur d’un gouvernement d’“unité nationale”.
Après ces coups politiques fatals, Papandréou a survécu à un vote de défiance au Parlement le 4 novembre, mais seulement à condition qu’il visite le Président de l’État grec le lendemain pour lui remettre sa démission, en faveur d’un gouvernement de coalition dirigé par un nouveau premier ministre (non-élu). Papandréou a donc comme promis démissionné le 5 novembre. Cela démontre une nouvelle fois l’existence d’une crise politique extrêmement profonde au sommet de la “classe politique” et de l’establishment grecs.
Dimanche soir (6 novembre), le PASOK et l’opposition de la Nouvelle Démocratie (qui avait précédemment refusé toutes les offres de former un gouvernement de coalition avec le PASOK) se sont mis d’accord pour former un gouvernement de coalition, dirigé par une tierce “personnalité”, pour une période de quelques mois jusqu’à la tenue de nouvelles élections. Le gouvernement de coalition sera composé des deux principaux partis pro-capitalistes du pays et de deux plus petits partis, dont l’extrême-droite populiste du LAOS (Aube dorée).
Une propagande impitoyable
Les travailleurs et classes moyennes grecs se sont également retrouvés bombardés par une propagande impitoyable de la part de l’UE, des patrons et des médias grecs autour de la question du référendum. On leur a dit qu’à moins d’accepter encore plus d’austérité, la Grèce serait forcée de quitter la zone euro et l’UE, et subirait une chute encore plus grande du niveau de vie.
Les principaux partis de gauche, tels que le KKE (Parti communiste grec) et Syriza (une alliance de gauche large) n’ont mis en avant aucune alternative à cette brutale offensive de propagande pro-capitaliste.
Tout cela a eu un impact sur la perception de la population grecque. Des sondages d’opinion ont montré qu’une large majorité des Grecs était contre l’idée d’un référendum. Ce sentiment a changé après la propagande massive de la part de la classe dirigeante et des médias. Une large majorité, de plus de deux tiers, était également en faveur du maintien de l’appartenance à la zone euro, et pas plus de 15% se disaient en faveur du départ de celle-ci (ces données proviennent de divers sondages d’opinion réalisés par téléphone au même moment, de sorte qu’il n’y a pas de chiffre exact, bien que la tendance soit la même dans chacun de ces sondages).
Les résultats de ces sondages sont une réelle expression du désespoir qui vit en cette époque désespérée – il vit encore “un espoir contre toute attente” que d’une certaine manière le gouvernement de coalition parvienne à trouver une solution à la crise économique profonde de la Grèce. En réalité, la plupart des travailleurs ne voient aucune issue à la crise ni à l’austérité, et toute illusion qu’une certaine section de la population détient dans la nouvelle coalition ne sera certainement que de courte durée. Des sondages plus récents ont tous montré qu’un bon 90% de la population grecque est contre les coupes d’austérité du PASOK – la même politique qui sera poursuivie par le gouvernement d’“unité nationale”.
Depuis le début de la crise en 2008-9, les travailleurs grecs ont démontré à maintes reprises qu’ils sont prêts à riposter contre l’austérité et pour une alternative à ce système perclu de crises. Pas moins de quinze journées de grève nationale (dont deux grèves de 48 heures) ont été organisées en moins de deux ans, sans compter les grèves étudiantes, les sit-ins et les occupations de bâtiments publics et d’écoles, en plus de la campagne de non-paiement contre les taxes iniques. Les actions industrielles et les mouvements de masse ont culminé avec la magnifique grève générale de 48 heures des 19-20 octobre. Entre 500 000 et 800 000 personnes sont descendues dans la rue à Athènes ce jour-là – formant ainsi la plus grande manifestation syndicale de toute l’histoire d’après-guerre en Grèce.
Mais les dirigeants bureaucratiques et conservateurs des syndicats n’ont pas utilisé l’immense puissance de la classe ouvrière organisée pour intensifier la résistance de masse afin d’en finir une fois pour toute avec le gouvernement PASOK, afin de mettre un terme à la politique d’austérité et d’aller vers la mise sur pied d’un gouvernement des travailleurs. Tout au long des 18 derniers mois, la direction syndicale n’a appelé à des actions que parce qu’elle y était contrainte par l’immense pression des masses – elle n’a aucun plan ni stratégie pour gagner quoi que ce soit, sans même mentionner un programme politique alternatif.
Les occupations et l’action industrielle
Depuis la grève de 48 heures des 19-20 octobre, les occupations et grèves sectorielles se sont fait moins fréquentes. Mais cela ne veut pas dire que la lutte industrielle de masse est terminée : il ne s’agit que d’une pause temporaire après des mois de grève frénétique et autres activités de masse. Il est possible que les jeunes et les travailleurs se tournent maintenant vers d’autres formes de résistance de masse. Des campagnes de non-paiement de masse pourraient ressurgir, de même que des actions de masse autour de thèmes environnementaux. La nouvelle vague de coupes budgétaires promise par la “coalition d’austérité” signifie que la lutte de classe est inévitable, de même que de nouvelles vagues d’action industrielle.
Certains syndicats, comme le syndicat du personnel communal, celui des instituteurs/trices, celui des travailleurs du rail et celui des télécoms, se sont battus de manière plus déterminée, et ont rompu leurs connexions avec le PASOK. Toute une section du mouvement ouvrier est en train de virer dans une direction plus radicale et plus combative. Bien que ces syndicats aient rompu avec le PASOK, leur direction se refuse toujours à donner à sa base un plan d’action clair et résolu. Xekinima, la section grecque du CIO, appelle la base de ces syndicats à rompre de manière définitive avec le PASOK et à contribuer à la construction d’un nouveau parti ouvrier, armé d’un programme socialiste radical.
Xekinima s’oppose au nouveau gouvernement d’“unité nationale” du PASOK et de Nouvelle Démocratie. Cette coalition présidera à encore plus d’austérité qui mènera à une misère encore plus profonde. La politique qui sera appliquée par le nouveau gouvernement de coalition sera la même que celle qui a été appliquée jusqu’ici. Le nouveau gouvernement suivra à la lettre les dictats de Merkel et de Sarkozy. Il n’y a absolument rien de “positif” dans ce gouvernement, mis à part, si l’on peut dire, le fait que Nouvelle Démocratie (ND) sera maintenant lui aussi mouillé devant tous les Grecs en tant que responsable de la politique d’austérité. Jusqu’à présent, le dirigeant de ND, Samaras, a de la manière la plus cynique qui soit joué un rôle populiste en critiquant la politique du gouvernement et en accusant le PASOK de trop se laisser faire par les dictats de l’UE.
Un espace politique pour la Gauche
Les illusions parmi certaines sections de la population que les choses pourraient aller “un peu mieux” sous la coalition d’“unité nationale” ne vont guère durer. Dans la situation politique qui s’ouvre à présent, les partis de la Gauche auront une opportunité unique et historique de croitre et de jouer un rôle décisif. Mais pour pouvoir concrétiser le type de changements fondamentaux qui sont requis pour apporter des solutions réelles et durables aux immenses problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs grecs et l’ensemble de la société, il est nécessaire que la Gauche adopte un programme socialiste et se batte de manière décisive pour un changement de système. Jusqu’à présent, les principaux partis traditionnels de la Gauche grecque que sont le KKE (Parti communiste) et SYN (Synaspismos, une coalition de mouvements de gauche et écologiques) – refusent de faire le moindre pas dans cette direction. La nécessité de bâtir et de développer les mouvements de masse, et de construire de nouvelles forces de Gauche, armées d’un programme radical et socialiste, se pose aujourd’hui plus que jamais.
Xekinima met en avant une perspective et un programme socialistes. Xekinima dit : Nous ne paierons pas la dette, non à l’austérité ! Xekinima appelle à la formation d’un gouvernement qui représente les travailleurs, la classe moyenne appauvrie, les pauvres et les jeunes. Un gouvernement ouvrier signifierait un emploi, un logement à prix abordable, un enseignement et des soins de santé correctement financés. Un tel gouvernement ferait passer au domaine public les secteurs-clés de l’économie, sous contrôle démocratique, pour le bénéfice de la majorité et non de l’élite de riches.
Xekinima rejette l’argument selon lequel les Grecs doivent subir la destruction de leur niveau de vie afin de pouvoir rester dans la zone euro. Xekinima explique aussi que personne ne doit semer la moindre illusion dans une éventuelle “nouvelle politique monétaire souveraine et progressiste”, comme certaines sections de la Gauche grecque le mettent en avant. Sous le capitalisme, et dans le cadre national, il n’y a aucune solution. Xekinima appelle à un véritable internationalisme – pour une alternative ouvrière à la crise et à l’austérité capitaliste qui s’étend à toute l’Europe. Ce n’est qu’avec la perspective d’une lutte commune avec les travailleurs de tout le reste de l’Europe que nous pourrons trouver une alternative à l’Europe du Capital, des banquiers et du FMI, et nous battre pour une Europe socialiste !
Extrait de l’interview de notre camarade Andreas Payiatsos, de Xekinima, publiée sur socialistworld.net :
La presse internationale insiste sur le fait que la Grèce est minée par la taille de son secteur public et par la corruption – quelle est la situation reélle ?
Les travailleurs grecs sont confrontés à une incroyable campagne de diffamation dans la presse internationale et de la part des représentants de la classe dirigeante en Europe et dans le monde. C’est révoltant !
Le cout des salaires dans le secteur public en Grèce est inférieur à la moyenne européenne de ces couts comparés au PIB (en Grèce, les couts salariaux du secteur public représentent 9% du PIB, contre 10% en moyenne en Europe-27). Les salaires du public coutent à peine la moitié de ce que coutent les salaires du public en Scandinavie, ce qui est encore bien inférieur à la situation en France, Allemagne, etc., en termes de part du PIB toujours. C’est un secteur public “bon marché”. Mais cela, ils ne le disent jamais, malgré le fait que ces chiffres soient tirés de leurs propres statistiques européennes !
À propos de la “paresse” et de l’évasion fiscale, les travailleurs grecs, selon une recherche organisée par l’UE en juillet dernier, sont les plus laborieux de toute l’Europe, avec 108 heures de travail par an en plus que la moyenne européenne – plus que les travailleurs d’Europe de l’Est par exemple qui ne travaillent “que” 103 heures par en plus que la moyenne européenne.
La presse pro-capitaliste ne dira jamais la vérité. Ces gens vont toujours tout déformer afin de pouvoir mieux faire passer leur propre politique.
L’évasion fiscale en Grèce n’est pas quelque chose qui est perpétré par les travailleurs, qu’ils soient du public ou du privé. Leurs revenus sont déclarés à l’Etat, qui est responsable de les taxer. L’évasion fiscale est le fait des strates les plus riches de la société, de professionnels qui sont capable d’organiser la fraude et de s’en tirer. Pourquoi alors faire payer les travailleurs ? À part l’évasion fiscale illégale, il y a aussi toutes les procédures légales mises en place par le gouvernement et votées au Parlement. Par exemple, la couche la plus riche de la classe dirigeante grecque, qui sont les armateurs (propriétaires de compagnies de navires marchands), bénéficie de 58 lois d’exemption fiscale différentes (aucune ne concerne le personnel de ces compagnies, bien entendu). Voilà en réalité le nœud du problème : non pas la fraude fiscale illégale (sans vouloir sous-estimer son rôle bien réel), mais tous ces transferts légaux de richesses prises aux travailleurs pour les donner aux riches, afin soi-disant de “promouvoir l’investissement” et autres balivernes. C’est là le facteur décisif qui explique tout le bordel dans lequel l’économie se retrouve en ce moment.
Pourquoi la dette atteignait-elle déjà les 120% du PIB avant la crise ?
La dette grecque a toujours été relativement élevée, à un niveau de 100-110% du PIB, comme celle de la Belgique ou de l’Italie. La raison pour laquelle elle reste élevée est le fait que tous les revenus “supplémentaires” de l’État grec ont été utilisé pour “soutenir” les capitalistes, banquiers, armateurs, constructeurs, etc. grecs afin qu’ils puissent accroitre leurs profits, faire face à la concurrence internationale et, surtout, s’étendre aux Balkans et à l’Europe de l’Est dans les années ’90… Cette politique s’est poursuivie jusqu’en 2007.
Ce qui a déclenché tout le chaos a été la crise économique qui a frappé la Grèce en 2009 en tant que répercussion de la crise mondiale, poussant l’économie dans la récession, rendant impossible le paiement de la dette. Les banques ont été menacées et, afin de sauver les banques, les divers gouvernements ont suivi une politique d’immenses plans de renflouement, ce qui a forcé l’État à emprunter de colossales sommes d’argent, comme nous le savons tous. Puis il s’en est “logiquement” suivi une austérité terrible pour les travailleurs, afin de pouvoir donner l’argent aux grands banquiers.
En 2009, la dette se tenait à près de 115-120% du PIB. Au printemps 2010, elle avait grimpé à 140-160% du PIB. Le gouvernement grec se voyait alors demander un taux d’intérêt de 7% de la part des “marchés” pour pouvoir emprunter de l’argent auprès d’eux, argent qui était prêté à ces mêmes “marchés” par la BCE à un taux de 1% ! C’est carrément du vol ! Et aujourd’hui, ce serait à nous de payer pour ce pillage !
C’est alors qu’est arrivée la fameuse Troïka pour nous “sauver”. La politique du FMI et de l’UE a fait chuter l’économie grecque de 15% en trois ans. Sous cette politique, la dette a bondi à 170% du PIB aujourd’hui, et on prévoit qu’elle atteigne les 198% du PIB d’ici la fin de l’an prochain – et encore, selon les statistiques officielles ! C’est ce qui les a forcé à lui donner une “coupe de cheveux”. Comme les médias internationaux l’ont répété encore et encore, un tel effondrement du PIB ne s’est auparavant jamais produit en temps de paix dans aucun pays “développé” (je rappelle au passage qu’avant la crise, la population grecque était considérée comme faisant partie des 8% les plus riches de la planète – bien qu’elle était perçue comme relativement pauvre selon les standards européens). L’économie ne pouvait plus générer plus d’argent, et il n’était plus possible non plus d’en presser plus d’argent. Du coup, la dette a continué à monter et monter. En d’autres termes, la hausse de la dette au cours des deux dernières années est un résultat direct de l’intervention du FMI et de l’UE.
La soi-disant “coupe de cheveux” de la dette grecque s’élève-t-elle réellement à 50% de sa valeur ? Quels sont les termes exacts ?
La “coupe de cheveux” de 50% de la dette étatique grecque ne concerne que la partie privée de cette dette. La dette grecque est en effet divisée en deux parts : le montant total actuel est de 360-370 milliards d’euros. De cette somme, 200 milliards proviennent d’institutions et banques privées ; le reste, qui vaut 160-170 milliards d’euros, provient essentiellement de la BCE et du FMI. L’argent qui a été prêté par la Troïka ne sera pas concerné par la coupe. Lorsqu’ils parlent de cette coupe, ils ne se réfèrent qu’aux 200 milliards dûs au privé, ce qui touchera des bons d’État détenus par des particuliers qui expireront d’ici une décennie, càd en 2020. Les 160 milliards restant sont des bons d’État à long terme – 15-30 ans – ou de l’argent prêté par le FMI et qui ne sont soumis à aucune réduction.
Tout ceci signifie que la dette grecque diminuera d’environ 100 milliards d’euros sur les 360 milliards (pour peu que les banquiers acceptent cette coupe – parce qu’elle est censée être une coupe “volontaire” !..).
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Le gouvernement grec va économiser 100 milliards, mais devra emprunter 130 milliards d’euros en plus afin de pouvoir rembourser la dette restante et de couvrir les pertes des banques grecques. Donc, on coupe la dette grecque pour pouvoir lui permettre de monter encore !
Pour résumer, la fameuse “coupe de cheveux” permet au gouvernement grec d’économiser 100 milliards, et nous force à de nouveau emprunter 130 milliards ! Ces 130 milliards d’euros proviendront de la Troïka et seront versés au cours des deux prochaines annéees (et cet emprunt, évidemment, ne sera pas non plus soumis à la moindre “coupe de cheveux”). La dette sera réduite pour passer de 170% du PIB à l’heure actuelle, à 150%, puis elle va recommencer à croitre à nouveau. En théorie, après avoir monté, elle commencera à décliner, tandis que l’économie reprendra petit à petit. L’objectif officiel est d’arriver à une dette valant 120% du PIB d’ici 2020, c’est à dire, son montant de 2009. Pour le dire plus simplement donc : ils veulent passer une décennie entière à démolir l’ensemble de la société grecque, uniquement dans le but de ramener la dette au niveau qu’elle avait déjà atteint en 2009.
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Grèce : Evaluation des récentes élections.
Lors du premier semestre de cette année, la Grèce a connu pas moins de 6 journées de grève générale. Aux dernières élections, le gouvernement du PASOK a subi une importante perte de soutien, mais malgré l’énorme colère de la classe ouvrière face aux coupes budgétaire, les partis de gauche ne sont pas parvenus à obtenir de réels gains. Quelle analyse tirer ?
Entretien avec Andreas Payiatsos, membre de Xekinima (CIO-Grèce)
Papandreou, le premier ministre grec, affirme que les résultats des élections régionales illustrent que le peuple grec soutient sa politique. Quelle est ta réponse par rapport à cela ?
Il faudra se souvenir de M. Papandreou comme étant le plus grand menteur jamais élu au poste de premier ministre en Grèce ! Lors de ces élections, son parti, le PASOK, a perdu 1.1 million de voix, en comparaison des 3 millions de voix que le PASOK a reçu il y a à peine 12 mois, lors des élections nationales (en passant de 3 012 000 voix à 1 950 000). Si ça c’est une “victoire”, je me demande à quoi ressemblerait une défaite !
Il faut aussi se souvenir que ce résultat est la conséquence du chantage honteux exercé par ce même premier ministre. Tout au long de la campagne électorale, il a sans arrêt averti que si les résultats des élections régionales ne donnaient pas des résultats satisfaisants pour le gouvernement, alors il appellerait à des élections nationales anticipées avant la fin de cette année. C’était là l’expression de l’inquiétude, si pas de la panique, du parti dirigeant face à la possibilité d’une réelle catastrophe – c’était une tentative de récupérer à nouveau les voix de ceux qui avaient voté PASOK aux élections de l’an dernier.
Les partis d’opposition ont-ils profité de la perte de soutien du PASOK ?
Nouvelle Démocratie (ND), qui est le principal parti bourgeois d’opposition, a aussi perdu énormément de voix. Il est passé de 2 095 000 voix à 1 750 000 – donc il a perdu 550 000 voix. Le plus comique est que ce parti, tout comme le PASOK, considère avoir obtenu une victoire !
En termes absolus, les deux partis de la classe dirigeante, PASOK et ND, ont ensemble obtenus 3 700 000 voix, pour un total de 9 750 000 électeurs, c.à.d 37,9%. C’est là le plus bas pourcentage obtenu par ces deux partis depuis qu’ils ont été constitués en tant que partis de masse à la fin des années ‘70.
L’effondrement du soutien pour ces partis est un phénomène extrêmement positif. Tout le problème est dès lors le fait que les partis de gauche n’ont pas grandi et n’ont pas été à même de fournir une alternative pour les masses grecques, en colère et désespérées. Les forces de la gauche sont demeurées fondamentalement stagnantes.
Cela inclut-il l’ensemble des partis de gauche ?
La gauche, en général, est touchée par ce phénomène, mais de manières différentes.
Par exemple, Syriza (la coalition de la gauche radicale) a reçu 4,5% des voix, à peu près la même chose que lors des élections nationales d’octobre de l’an passé, mais a en réalité connu une perte dans le nombre absolu de voix – de 73 000 voix au total. La crise au sein de Syriza est profonde et va se poursuivre.
Le parti communiste (KKE) a gagné 75 000 voix de plus, mais cela ne représente qu’une très faible hausse de son soutien : moins d’1% de l’électorat en plus, et une hausse d’environ 13% par rapport à ce qu’il avait obtenu l’an dernier. Si on était dans un autre contexte, on pourrait éventuellement appeler ceci un progrès. Mais au vu de l’ampleur de la crise qui est aujourd’hui en train d’ébranler l’ensemble de la société grecque, jusqu’à ses fondements, au vu des attaques massives contre les conditions de vie et les droits des travailleurs grecs, cette hausse ne signifie rien.
La seule force de gauche qui ait grandi est l’Alliance anticapitaliste. Celle-ci a attiré la plus grosse part des votes de protestation qui restaient, en particulier provenant d’électeurs Syriza désabusés. Elle est ainsi passée de 25 000 voix en 2009 à 95 000 aujourd’hui – soit une hausse de 400%.
Ce pourcentage, qui tourne autour de 2% de l’électorat au niveau national, pourrait en théorie être utilisé pour amener des transformations majeures dans la gauche et dans le mouvement ouvrier en Grèce, mais la condition pour cela est que les groupes qui composent l’Alliance anticapitaliste (environ une dizaine, pour la plupart d’orientation maoïste, de même que les sections du Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale et de l’International Socialist Tendency (IST) en Grèce) adoptent une attitude sérieuse par rapport aux enjeux auxquels est confrontée la classe ouvrière et évitent le sectarisme et l’arrogance politique qui les caractérisent en général. Nous ne pouvons pas être très optimistes par rapport à cette perspective.
L’abstention n’est-elle pas le réel vainqueur de ces élections ?
En fait si. L’abstention a atteint un niveau hallucinant, surtout dans les grands centres-villes. Le taux d’abstention général a été de 40% mais à Athènes, par exemple, il a atteint 57%, et 55% au Pirée ! On est devant un phénomène “inouï” – non seulement parce que la population grecque est très politisée, mais aussi parce que le vote en Grèce est obligatoire !
On a aussi vu des records de votes “blancs” ou “nuls” – dans la région d’Athènes, qui inclut Athènes et le Pirée, ces votes ont atteint 9% !
Si on prend cela en considération, alors le candidat commun de Nouvelle Démocratie et de la LAOS (Laïkós Orthódoxos Synagermós, Alerte populaire orthodoxe, parti populiste d’extrême-droite) à Athènes n’a en fait reçu que 13,8% des voix sur le total des gens qui auraient pu aller voter, et le candidat du PASOK n’en a reçu que 11,2% ! Au Pirée, le PASOK est arrivé premier avec 12,4% du total des électeurs potentiels, et ND deuxième avec 9,7% de ces voix.
SYRIZA est en crise – comment cela s’est-il manifesté lors de ces élections ?
Tout d’abord, il y a eu une véritable chute du nombre absolu de voix, en plein milieu de la crise la plus catastrophique qu’ait jamais connue la classe ouvrière grecque – et alors que la gauche devrait offrir une issue et voir ses forces croître rapidement. Deuxièmement, Syriza s’est présentée divisée dans toute une série de villes et de régions. Par exemple, en Attique, il y avait deux candidats – l’un, Mitropoulos, membre du PASOK mais soutenu par Synaspismos (qui est le plus grand parti dans Syriza) tout seul, et l’autre, Alavanos, l’ancien président de Synaspismos et soutenu par les maoïstes du KOE et par le DEA (un groupe “trotskyste”, scission de la section grecque de l’IST). La majorité des membres du secrétariat central de Syriza, au nombre de 10, y compris deux parlementaires Syriza, se sont distanciés de ces deux factions en lutte, en tentant de développer un “troisième pôle” à l’intérieur de Syriza, basé sur une approche principielle et non sur des ambitions sectaires, et sur un programme à la gauche du programme Syriza officiel. La section grecque du CIO, Xekinima, a joué un rôle énergique dans cet effort.
Alavanos comme Mitropoulos ont tous les deux obtenus un score extrêmement mauvais lors de ces élections. Le premier a reçu 2,2% des voix, le second 6,2%. C’est une défaite pour tous les deux, bien qu’évidemment les mauvais résultats pour Syriza représentent un recul et ont en général des effets négatifs sur le développement du mouvement.
Quelles sont les perspectives pour le mouvement ouvrier ?
Avant que nous ne parlions de ceci, il importe de mentionner le fait que le plus important résultat de ces élections a été la montée du parti néofasciste Chrysi Avgi (Aube dorée). Il a reçu environ 10 000 voix et plus de 5% à Athènes, et dans certains quartiers entre 15 et 20%. Il ne s’est pas présenté sur le plan national, mais dans les régions où il s’est présenté il a obtenu un très gros score. Une partie de ces votes sont évidemment des votes de protestation, mais la situation est dangereuse. Ce groupe n’est pas une organisation populiste, mais un parti ouvertement néonazi, qui utilise des couteaux et des barres de fer lors de leurs activités et campagnes “politiques” au jour le jour. Il est grand temps que les partis de masse de la gauche se réveillent et réalisent le danger que représente le néofascisme, surtout dans ces conditions de grave crise économique et sociale.
En ce qui concerne le mouvement ouvrier, comme nous l’avons mentionné dans des articles parus plus tôt sur les sites du Comité pour une Internationale Ouvrière, la direction du mouvement syndical en Grèce a décidé de remballer le mouvement contre les coupes budgétaires profondes du gouvernement PASOK. Dans ces conditions, ceci revient à une trahison ouverte – par conséquent le président de la fédération syndicale grecque, la Confédération générale des syndicats (GSEE) est en train de devenir une des personnes les plus détestées dans le mouvement. Toutefois, même lui a été forcé, sous pression de la base, d’appeler à une nouvelle grève générale pour le 15 décembre. Bien entendu, cela n’est que dans le but de laisser échapper la pression, et la direction va dans les faits saboter la grève générale. Elle ne veut pas que cette grève soit un succès, dans le but de pouvoir dire après que les travailleurs ne veulent pas se battre.
En attendant, la lutte continue. Il y a sans arrêt de nombreuses luttes par des travailleurs de différentes entreprises qui licencient ou qui ferment. Avec Xekinima, la section grecque du CIO, nous sommes impliqués dans toute une série de ces luttes, telle que la lutte contre les licenciements de masse chez Aldi, la chaine de supermarchés internationale basée en Allemagne.
Le secteur public continue à être troublé, tandis que le gouvernement semble encouragé à massacrer l’emploi par les bouchers du gouvernement Con-Dem britannique. En ce moment, les plus importants processus en cours sont centrés autour des universités, où il y a beaucoup de développements fiévreux, pas seulement parmi les étudiants, mais aussi du côté des enseignants universitaires. Xekinima a produit des milliers de tracts pour une campagne massive dans les universités, appelant à des grèves et à des occupations, pour la création d’un front de tout le secteur de l’enseignement et pour que des liens soient créés entre le mouvement de la jeunesse et le mouvement ouvrier en général, afin de nous débarrasser de ce gouvernement et de sa politique.