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  • Kazakhstan : En défense des travailleurs du pétrole

    La bureaucratie syndicale et les groupes de ‘gauche’ attaquent la solidarité du CIO avec les grévistes

    Avec une brutalité incroyable, le régime de Nazarbayev, au Kazakhstan, a tenté de briser l’esprit de combativité des travailleurs du pétrole à Zhanaozen et Aktau, en utilisant la troupe, la police, des tirs à balles réelles, des arrestations de masse, l’imposition d’un couvre-feu et jusqu’à la torture. Le régime admet lui-même que 16 personnes ont été tuées et plusieurs autres blessées en décembre. En réalité, des dizaines de personnes ont été tuées, des centaines d’autres blessées, et beaucoup sont encore ceux qui sont toujours en garde à vue ou qui sont forcés de se cacher pour éviter la persécution de l’État.

    Rob Jones, CIO-Moscou

    La manifestation des travailleurs du pétrole du 16 décembre dernier à Zhanaozen était une action tout à fait non-violente. Les diverses vidéos, y compris celles de la police, montre les travailleurs du pétrole et leurs partisans sur une place centrale, sans la moindre arme, sans même agiter de bâtons. Elles montrent d’ailleurs au contraire que lorsque l’atmosphère a commencé à s’échauffer et que des insultes ont été lancées en direction de la police, des travailleurs plus expérimentés sont directement intervenus pour calmer la situation.

    Au cours de leur longue grève de 7 mois, ces grévistes avaient déjà pu démontrer en de nombreuses reprises quels étaient leur sang-froid et leur retenue. Les représentants qu’ils avaient élus ont été arrêtés et confrontés à une violence des plus brutales. Leur avocate, Natalia Sokolova, a été condamnée à 6 ans de prison. Des travailleurs ont vu leurs logements brûlés tandis qu’un gréviste et la fille d’un autre gréviste ont été lâchement assassinés. Des milliers de travailleurs du pétrole ont été licenciés. Mais malgré toutes ces provocations, ces héroïques travailleurs ont fait tout leur possible pour maintenir les protestations disciplinées et pacifiques.

    Mais leur patron, avec le soutien plein et entier du régime, a toujours refusé de commencer de véritables négociations avec les grévistes. À plusieurs reprises, l’Etat s’est montré préparé à aller vers une confrontation violente, mais cette approche a été refreinée, par crainte de provoquer un conflit plus large encore à travers le pays. Il ne fait aucun doute que la solidarité croissante envers les grévistes, y compris au niveau international, a joué un rôle important.

    La violence et les révolutions de palais – deux faces d’une même médaille

    Mais à l’approche du 16 décembre, soldats et policiers avaient été déployés à l’avance dans la région, avec armes et balles réelles. Mis à part à Astana, la capitale, tout ce qui avait été prévu dans le pays pour célébré le 20e anniversaire de l’indépendance du pays (le 16 décembre) avait été annulé.

    Il semble que l’attaque armée contre la manifestation des travailleurs du pétrole à Zhanaozen faisait partie d’un plan plus vaste organisé par une partie de l’élite dirigeante. Les violences qui ont dégénéré hors de tout contrôle suite à la fusillade perpétrée par la police ont été utilisées comme prétexte pour démettre plusieurs personnalités clés au sein du régime et des structures du pouvoir. Un des beaux-fils de Nazarbayev, Timur Kulibayev, a été démis de sa fonction de président de ‘KazMunaiGaz’ et du fonds national ‘Samruk-Kazyn’. De plus, des rumeurs font état du possible remplacement du chef de la KNB (la police secrète) par des personnes plus fidèles au groupe Massimov-Musin. Tout indique qu’une révolution de palais s’est produite dans les sphères dirigeantes.

    Attaques contre les grévistes

    Pourtant, les travailleurs du pétrole et leurs partisans ne cessent d’être accusés d’être responsables des tragiques évènements du 16 décembre. Ces accusations des porte-paroles du régime, qui prennent différentes formes, sont reprises telles quelles par les médias, la bureaucratie syndicale et même par certains de groupes de ‘‘gauche’’, qui agissent ainsi en apologistes du régime dictatorial de Nazarbayev.

    Le régime prétend que la ‘‘raison majeure de ces troubles de masse réside dans les actions d’un groupe de hooligans qui a profité du conflit de longue date entre les salariés licenciés et la direction de la société ‘Ozenmunaigaz’.’’ (Déclaration émise par l’Ambassade de la République du Kazakhstan en Autriche, 23 décembre 2011)

    L’ambassadeur kazakh aux Etats-Unis, Erlan Idrissov, a affirmé le 21 décembre 2011, que ‘‘la police a essayé de se comporter aussi responsablement que possible afin de protéger la vie des civils (…) A l’origine, sur la place [de Zhanaozen], seul le chef de la police avait une arme (…) Ce n’est que lorsque le vandalisme a commencé et que des menaces ont commencé à peser sur des vies innocentes – après l’incendie de la Akimat [les locaux des autorités locales] – que la police a dû recourir aux moyens nécessaires pour rétablir l’ordre.’’

    Selon une déclaration faite par le Daulbayev Askhat, le Procureur Général de la République du Kazakhstan, le 16 décembre, les perturbations ont été causées quand ‘‘un groupe de hooligans [sur la place] ont commencé à tabasser les civils et à fracasser les voitures garées près de la place." La déclaration se poursuit comme suit : ‘‘En raison des perturbations, le bureau du bourgmestre, un hôtel et le bâtiment de la société Ozenmunaigaz ont été brûlés.’’

    Ces déclarations, en réaction aux protestations qui se sont déroulées dans le monde entier, sont très manifestement destinées à tromper l’opinion internationale sur les sanglants événements qui se sont produits à Zhanaozen. Dans les premières déclarations du Procureur Général, le 16 décembre, il est affirmé que les bâtiments ont été brûlés "en conséquence des troubles’’, mais cette version a été changée deux jours plus tard pour donner l’impression que ces destructions avaient pris place avant l’intervention meurtrière de la police.

    Mais les différentes déclarations officielles du régime suffisent déjà à poser des questions très sérieuses :

    • Si ce qui s’est passé à Zhanaozen n’était qu’une émeute causée par des hooligans, pourquoi les ‘‘moyens habituels’’ de la police (balles en caoutchouc, canons à eau) n’ont-ils pas été utilisés ? Pourquoi directement recourir aux tirs à balles réelles ?
    • Si la police protégeait la population de la place de ces hooligans, pourquoi ont-ils tirés à balles réelles au sein même de la foule qu’elle était censée protéger ?
    • Si l’action de la police n’a constitué qu’une réponse à des émeutes, pourquoi l’ambassadeur du Kazakhstan aux Etats-Unis juge-t-il nécessaire de consacrer une partie importante de sa déclaration à s’en prendre aux grévistes du pétrole ?
    • Si cela n’était tout simplement qu’une émeute, pourquoi le gouvernement a-t-il interdit toute manifestation, réunion publique et grève et a été jusqu’à interdire l’utilisation de photocopieuses, de TV, de radios, de vidéos et de haut-parleurs ? C’est bien étrange, que les hooligans ont d’habitude fort peu tendance à éditer des tracts et à organiser des conférences de presse.

    Les vidéos et les témoins dissent démontrent clairement que l’attaque policière n’avait aucun fondement

    La vérité, c’est que le massacre de Zhanaozen n’était pas une conséquence d’une riposte légitime de la police face à du hooliganisme ou à des émeutes, il s’agissait bel et bien d’une attaque prédéterminées contre les grévistes du pétrole. C’était une nouvelle tentative de briser leur grève. Plusieurs vidéos démontrent que la place, juste avant l’attaque de la police, n’était occupée que par des manifestants pacifiques, sans armes, et que la police ainsi que les soldats, en marche vers la place, tiraient sur la foule de loin. Dans une vidéo particulièrement pénible à regarder – certaines scènes rappelant celles des journées de juillet 1917 à Petrograd (quand l’armée a tiré sur les manifestants et en a tué des centaines sur la perspective Nevsky) – on eut voir les manifestants fuir à travers la place alors qu’on leur tire dans le dos et que les blessés à terre sont brutalement frappés par les voyous aux ordres du régime.

    Ces films sont tellement révélateurs que même le Procureur général du Kazakhstan a été forcé de réagir. Le 27 décembre, il a annoncé qu’une enquête criminelle était lancée au sujet des "décès causés par la police à la suite d’un ordre de tirer pour tuer.’’ Nous n’avons bien entendu aucune confiance envers les possibilités que cette enquête soit honnêtement et sérieusement menée jusqu’à son terme, mais il est plus que révélateur que la responsabilité des agents de police dans ces meurtres soit reconnue d’une certaine manière. Ceci dit, tandis que ces policiers sont menacés de 5 à 10 ans de prison, l’avocate des grévistes du pétrole, Natalia Sokolova, dont le seul tort est d’avoir honnêtement défendu la cause des grévistes, a déjà été condamné à 6 ans de prison.

    Une autre confirmation qu’un ordre de tirer pour tuer a été lancé provient du ministre de l’Intérieur du Kazakhstan, rien de moins, K. Kazymov. Dans une interview réalisée le 16 décembre, il a admis qu’il avait donné l’ordre d’ouvrir le feu sur la foule. Il a essayé de justifier cet ordre en prétendant que les manifestants "étaient armés d’armes automatiques, et nous aussi". Il a confirmé que la police continuerait de tirer des citoyens kazakhs si cela était ‘‘nécessaire’’. Son interview a été publiée sur internet, accompagnée de vidéos montrant la foule courir dans tous les sens face à la police qui tire très visiblement dans le dos de manifestants désarmés et paniqués.

    Nazarbayev dénonce les ‘influences étrangères’ et les ‘criminels’

    A la lumière de tout cela, les déclarations du dictateur Noursoultan Nazarbayev selon lesquelles les troubles auraient été causés par des ‘‘groupes organisés de criminels en liaison avec des forces étrangères’’ sont particulièrement cyniques.

    Pour une bonne partie de la population du Kazakhstan, le plus grand groupe criminel organisé du pays est celui du clan Nazarbayev lui-même, protégé par un bataillon de soldats formé et équipé par les Etats-Unis. Les diverses photos font toujours apparaître des voitures blindées de confection américaines aux postes de contrôle d’Aktau et de Zhanaozen.

    Mais les déclarations de M. Nazarbayev ne sont destinées qu’à détourner l’attention du rôle de la police, du ministre de l’Intérieur, des troupes spéciales et de ceux qui, au sein du cercle présidentiel, ont planifié ce massacre. C’est pour cela qu’il blâme des personnages du régime tels que Mukhtar Ablazov, Rakhat Aliyev et Bulat Abilov.

    Ces oligarques, tous d’anciens membres de la clique dirigeante, vont sans aucun doute tenter d’exploiter l’opposition qui se développe face au régime actuel pour se construire un certain soutien public afin de défendre leurs propres politiques pro-capitalistes. Mais les divers clans sont tous résolument opposés à l’idée que les travailleurs du pétrole puissent avoir leurs propres syndicats indépendants et leur propre parti politique, pour les travailleurs et sous leur contrôle exclusif.

    Les grévistes du pétrole étaient pacifiques et disciplinés

    L’idée selon laquelle les grévistes du pétrole auraient pu être dirigés, contrôlés et manipulés par une quelconque force secrète de l’extérieur est une véritable insulte à leur détermination ainsi qu’à leur discipline. La décision d’organiser la manifestation pacifique du 16 décembre a été prise ouvertement et collectivement, lors d’un meeting de masse sur cette place. Cette décision a ensuite été publiquement annoncée et les travailleurs du pétrole ont eux-mêmes été prévenir les autorités qu’ils avaient l’intention d’organiser une telle manifestation en avertissant qu’il y avait des risques que des provocations soient organisées par des sections des forces spéciales.

    La manière très publique dont les choses ont été organisées a permis à la campagne ‘‘Campaign Kazakhstan’’ et aux sections du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) de planifier une série d’actions de solidarité et de protestation devant les ambassades du Kazakhstan et les sièges d’entreprises aux intérêts commerciaux liés au régime kazakh dans un certain nombre de pays ce jour-là (notamment en Belgique). Le caractère de solidarité a bien entendu largement cédé la place à celui de la protestation lorsque les nouvelles de ce bain de sang sont parvenues aux manifestants devant les ambassades.

    La semaine qui a suivi le massacre, diverses manifestations ont été organisées à travers l’Europe, y compris à Londres, Bruxelles, Vienne, Berlin, Moscou, Stockholm, Dublin, Athènes et ailleurs également, comme à New York, Hong Kong et Tel Aviv. Le député européen Paul Murphy (élu de la section du CIO en République irlandaise, le Socialist Party) a à la rupture de tous pourparlers entre l’Union Européenne et le gouvernement du Kazakhstan, et a aussi écrit une lettre de protestation signée par plus de 40 eurodéputés. Des communiqués de presse ont été émis dans un certain nombre de pays (lire notamment Massacre au Kazakhstan: Quand l’agence Belga se fait complice du régime) et de conférences de presse ont été organisées à Moscou et à Almaty. [Vous pouvez accéder à différents rapports des protestations sur le site socialistworld.net].

    Rompre le blocage de la presse

    La politique de l’Union Européenne, de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et des Etats-Unis est directement dictée par les intérêts de ces institutions pour l’exploitation du pétrole et du gaz kazakhs. Elles ont tout d’abord ignoré ou réagi de façon bien équivoque face aux nouvelles du massacre. Dans une certaine mesure, cela s’est reflété dans la politique éditoriale d’une grande partie des médias du monde entier. Les premières heures après le massacre, par exemple, des reporters internationaux basés à Moscou ont refusé de relayé les rapports du bain de sang sans ‘‘confirmation indépendante’’ tout en relayant par contre les déclarations officielles du régime. United Press International, par exemple, a qualifié les grévistes du pétrole de ‘‘voyous’’ à trois reprises dans un article de 150 mots seulement.

    La campagne menée par le CIO et Campaign Kazakhstan a aidé à vaincre les tentatives du régime de dissimuler l’ampleur du massacre. Finalement, le poids écrasant cumulé des témoignages, vidéos et rapports de journalistes ont eu raison de cette attitude complice, et les rapports dans les médias ont commencé à être plus équilibrés.

    ‘‘An injury to one is an injury to all’’ – Ce qui en touche un nous touche tous

    Tout aussi rapidement, des syndicalistes ont réagi face à la crise, mais de façon bien différente. A Anvers, par exemple, la délégation de TOTAL a relayé les rapports en direct du CIO sur le site de leur délégation, de sorte que les travailleurs pouvaient voir par eux-mêmes l’étendue de l’horreur des événements. Bien que le site du CIO au Kazakhstan a immédiatement été bloqué par le régime après la fusillade, le site russe du CIO a continuer à fonctionner, jusqu’à ce qu’arrivent des problèmes dus aux trop grand nombre de visiteurs sur le site, dont de nombreux journalistes de médias du monde entier.

    En Suède, Gruvtolvan, le syndicat de l’industrie minière de Kiruna, a condamné sans équivoque "la violence contre les travailleurs (…) suite à l’attaque de la police et des militaires contre une manifestation dans la ville de Zhanaozen." Ils ont appelé le mouvement syndical suédois à activement soutenir les travailleurs du pétrole du Kazakhstan sous la devise "Une victoire pour les travailleurs, où qu’ils soient, est une victoire pour tous les travailleurs, partout!" Cet appel a été accompagné d’une importante donation pour les grévistes.

    Si une véritable organisation syndicale nationale indépendante existait au Kazakhstan, il y aurait immédiatement eu après le 16 décembre convocation de meetings, d’actions de protestations et de grèves dans tout le pays en riposte au massacre de Zhanaozen.

    Une commission indépendante internationale doit enquêter

    Malheureusement, alors que des militants syndicaux ont réagi partout à travers le monde, certains membres de la bureaucratie syndicale internationale ont adopté l’approche de renvoyer chacun dos à dos. Ainsi, la Confédération syndicale internationale (CSI) a publié une déclaration le 16 décembre, signée Sharan Burrow, secrétaire général, qui déclare : "une situation extrême de tension et de désespoir a provoqué des troubles, la panique et le chaos. La violence doit immédiatement cesser, et toutes les parties doivent reconnaître que la seule façon de résoudre des conflits est le dialogue ouvert et la négociation. Le gouvernement doit immédiatement agir pour commencer ce processus."

    Cette déclaration ignore donc la responsabilité du régime dans ce massacre, une attitude partagée par de nombreuses autres organisations, telles que Human Rights Watch, qui a publié une déclaration le 22 décembre. Dans celle-ci sont détaillés plusieurs cas de graves tortures du fait des forces gouvernementales à Zhanaozen et, ensuite, l’organisation tire la conclusion incroyable que ‘‘les autorités du Kazakhstan doivent mener immédiatement une enquête.’’ Cela n’aboutirait qu’à une enquête ignorant totalement la responsabilité écrasante du ministère de l’Intérieur et qui, dans le meilleur des cas, trouverait quelques boucs émissaires afin de laissait un peu de colère s’échapper.

    Le CIO estime qu’il est nécessaire d’organiser une commission d’enquête internationale, totalement indépendante du gouvernement, des structures étatiques et des intérêts pétroliers et gaziers, afin de faire toute la lumière sur les causes réelles du massacre et sur les véritables responsables de ces horribles évènements.

    La “gauche” et les bureaucrates syndicaux poignardent les grévistes dans le dos

    Mais si la Confédération Syndicale Internationale n’a pas ouvertement condamné le régime de Nazarbayev, elle n’a au moins pas directement attaqué les travailleurs du pétrole. De la façon la plus incroyable qui soit, les 17 et 18 décembre, des déclarations sont apparues sur des sites internet de langue russe contrôlés par des syndicats et des groupes de gauche qui, tout en condamnant la violence, se sont lancés dans des attaques contre les grévistes du pétrole, contre leurs revendications et leurs tactiques, répétant d’ailleurs bien souvent l’argumentation des patrons et du gouvernement.

    Le Mouvement Socialiste Russe [section russe du Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale, à laquelle est reliée la LCR belge, n’ayant aucun rapport avec le Mouvement Socialiste du Kazakhstan] a contribué à détourner l’attention de la responsabilité du gouvernement Nazarbayev pour ce massacre en répétant grossièrement les mensonges du régime concernant l’implication de l’oligarque Mukhtar Ablyazov. Ce faisant, ils réduisent le rôle de l’autodiscipline et de la conscience politique des travailleurs du pétrole en les réduisant à l’état de simples pions joués par les oligarques kazakhs et en donnant du crédit aux déclarations du dictateur qui blâme les influences étrangères (Ablyazov vit à Londres) pour tous les problèmes rencontrés au Kazakhstan.

    Les attaques les plus importantes proviennent toutefois de l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation (UITA) et de la Confédération du travail de Russie. Même avant les événements du 16 décembre, d’anciens fonctionnaires de l’Union Internationale des travailleurs de l’alimentation à Genève et à Moscou ont travaillé à saper le soutien à la grève. Des pressions ont ainsi été exercées sur Alexei Etmanov, le syndicaliste indépendant le plus connu en Russie, ce qui l’a conduit à revenir sur sa promesse d’organiser des actions de solidarité avec les travailleurs du pétrole par l’intermédiaire du syndicat des travailleurs de l’automobile.

    Le prétexte donné ensuite à ce désistement était que les travailleurs du pétrole avaient été manipulés par des représentants de la ‘‘gauche révolutionnaire’’ – c’est-à-dire par le Comité pour une Internationale Ouvrière. Cela a d’ailleurs été confirmé dans une déclaration de l’UITA le 9 décembre 2011 qui disait: ‘‘Avec pourtant un énorme potentiel d’organisation, dans tout ce temps, les grévistes n’ont jamais mis en place leur propre organisation, tout comme avant ils ne disposent pas de leurs propres représentants et direction élus, avec le droit de représenter les travailleurs dans les négociations avec la direction de la société et les autorités. Cela signifiait que, dès le début, différents groupes politiques ont été en mesure d’utiliser l’énergie sociale et le potentiel du mouvement ouvrier de masse dans leurs propres intérêts. S’exprimant au nom des travailleurs et réécrivant constamment les revendications des travailleurs, ils ont apporté d’énormes préjudices au mouvement, ont fait sortir le conflit du champ de la lutte syndicale et ont réduit au minimum les chances de succès, privant ainsi les habitants de Zhanaozen de leur grève.’’

    Cette déclaration fait écho aux arguments des patrons et du gouvernement et est particulièrement honteuse étant donné que les travailleurs, dès le début, ont élu leurs représentants pour les négociations, ces représentants rencontrant ensuite une répression sévère. Nous avons déjà dit que Natalia Sokolova, l’avocate des grévistes, a été condamnée à 6 ans de prison, Akzhanat Aminov a reçu une peine de deux ans avec sursis, tandis qu’un troisième a vu sa maison brûler !

    Les grévistes du pétrole luttaient pour le droit d’instaurer leurs propres syndicats indépendants

    Il convient de rappeler que la grève de la faim des travailleurs du pétrole a commencé en mai dernier après que les membres du syndicat de Karazhanbasmunai, à Aktau, ont exigé le retour de documents syndicaux de leur ancien président après qu’il ait été démis de ses fonctions par le vote des membres du syndicat. L’ancien leader syndical avait collaboré avec la direction de l’entreprise pour éviter toute véritable négociation portant sur les salaires et les conditions de travail. Il avait été jusqu’à envoyer des gros-bras armés pour qu’ils battent ses adversaires. En Juin, l’UITA avait envoyé toute une série de questions bureaucratiques aux grévistes, dont les réponses ont nécessité 60 pages de documents. Le résultat final a été de déclarer que les travailleurs avaient eu tort de démettre leur ancien dirigeant syndical, comme ils ne pouvaient changer de président qu’une fois tous les 5 ans !

    L’affirmation selon laquelle le CIO a constamment "réécrit" les revendications des travailleurs est absolument ridicule, comme toutes les autres calomnies visant à salir les grévistes. Depuis le début de la grève, le CIO a publié sur ses sites toutes les déclarations produites par les grévistes. Le 1er Juin 2011, après que la police anti-émeute ait attaqué les grévistes de la faim de Zhanaozen, le comité de grève de Zhanaozen avait publié les revendications suivantes:

    • La démission de la direction de la société “KazMunaiGaz” à Aktau;
    • La restauration du statut autonome de la société “OzenMunaiGaz”;
    • L’augmentation de 60% des salaires des médecins et des enseignants de la ville pour compenser la dureté de leur travail dans des conditions écologiques difficiles;
    • Le retour sous statut public, c’est-à-dire la nationalization, des enterprises regroupées dans la société “OzenMunaiGaz” – en particulier TOO “Burylai”, TOO “KazGPZ”, TOO “Kruz”, TOO “Zhondei”.

    En Juillet, des incendies criminels ont eu lieu contre des maisons de militants grévistes, et Zhaksylyk Turbayev a été assassiné quand il est devenu clair qu’il serait élu à la présidence du nouveau syndicat. L’avocate Natalia Sokolova et le militant syndical Akzhanat Aminov ont été arrêtés et ont été confrontés à de graves accusations. Des milliers de grévistes ont été licenciés. Lors de leur rencontre avec le député européen Paul Murphy en juillet dernier, les travailleurs ont défini leurs revendications de la façon suivante:

    • La reconnaissance des droits des travailleurs, notamment leur droit d’élire leurs propres représentants, sans interférence de qui que ce soit ;
    • La libération immédiate de Natalia Sokolova et de Akzhanat Aminov;
    • Le réengagement de tous les travailleurs licenciés aux conditions qui prévalaient avant leur licenciement;
    • L’abandon de toutes les poursuites judiciaires contre les grévistes;
    • Le commencement de véritables négociations avec les représentants élus des travailleurs.

    Les bureaucrates syndicaux soutiennent les briseurs de grève et les éléments diviseurs dans le syndicat

    En réalité, l’UITA et ses ‘‘organisation fraternelle’’ en Russie (KTR) et au Kazakhstan (la ‘‘Confédération des syndicats libres du Kazakhstan’’, CFTUK) tentent depuis le début de faire dévier la grève. Au Kazakhstan, le CFTUK dirigé par Sergei Belkin a depuis longtemps cessé d’exister en tant qu’authentique organisation syndicale. En 2009, Belkin a signé un accord avec le gouvernement destiné à stopper toutes les grèves, les protestations et les manifestations de travailleurs afin de permettre au régime de "maintenir la stabilité’’. En novembre dernier, quand le gouvernement a annoncé qu’il était temps de mener des ‘‘négociations’’ à Zhanaozen, Belkin, totalement absent depuis le début du conflit, est soudain arrivé comme ‘‘expert indépendant’’ pour aider le gouvernement et ses tentatives de briser la grève. La tactique du régime était alors d’essayer par tous les moyens de diviser les grévistes en offrant à certains d’entre eux des emplois dans une nouvelle société, tout en encourageant Belkin pour qu’il mette en place un nouveau syndicat anti-grève dans le cadre de la Confédération syndicale CFTK. Les grévistes, cependant, ont rejeté ces tactiques, insistant pour que tous les travailleurs sans exceptions soient être réintégrés dans leur ancien emploi.

    Hypocritement, l’UITA et le KTR, après avoir soutenu les activités visant à briser la grève et le syndicat anti-grève de Belkin, ont donné des conseils aux travailleurs en leur disant qu’ils devraient : ‘‘décider de suivre le chemin de la construction de leur propre syndicat indépendant, qui peut décider d’une stratégie d’action et proposer leurs revendications à tous niveaux, en s’assurant qu’ils obtiennent, ainsi que leurs familles, les moyens nécessaires pour se défendre et pour mobiliser un soutien international.’’

    Il faut construire de véritables syndicats indépendants

    Depuis le début de la grève, le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) a entièrement pris ses responsabilités en soutenant, non seulement en paroles mais aussi en actes, l’appel diffusé à Zhanaozen et à Aktau sous la signature de milliers de travailleurs en novembre (soit avant les ‘‘conseils’’ de l’UITA. Dans cet appel, ils expliquent que : ‘‘notre combat démontre que vaincre l’injustice et l’arbitraire ne peut se faire qu’en unissant nos forces. Dans cette situation difficile et compliquée, le meilleur soutien et moyen d’action sera de créer une organisation syndicale indépendante et de développer des revendications capables d’unir, comme l’augmentation des salaires, l’amélioration des conditions de vie et de travail et la non-ingérence de l’employeur dans le travail du syndicat. En faisant ce travail d’unification des travailleurs, ce syndicat deviendra une solide fondation pour la création d’un syndicat national indépendant au Kazakhstan.’’

    Le CIO estime que si les syndicats tels que l’UITA et le KTR soutiennent véritablement les travailleurs du pétrole, ils devraient alors publiquement retirer tout leur soutien à la Confédération syndicale kazakh CFTK et donner un soutien pratique et moral à ceux qui tentent de construire un authentique syndicat indépendant dans ces circonstances extrêmement difficiles. Mais même si l’UITA et le KTR refusent d’agir de la sorte, le CIO va continuer à soutenir les grévistes et à les aider.

    Le 17 décembre, le Président du KTR, Boris Kravtchenko, a clairement tenté de blâmer le CIO pour les événements de Zhanaozen: ‘‘Nous croyons que la responsabilité de ces événement et du sang versé par les travailleurs du pétrole incombe entièrement aux dirigeants de la République du Kazakhstan. Cependant, cette responsabilité est partagée par les spéculateurs politiques, auto-désigné ‘‘comité’’ et ‘‘internationale’’, qui utilisent la protestation sociale pour leurs propres intérêts, pour réécrire les revendications des manifestants en transformant politiquement celles-ci et qui, par leurs actions provocatrices, poussent les autorités à utiliser des moyens violents.’’

    Ce que Boris Kravtchenko pense exactement du CIO n’est pas très clair. Nous avons soutenu la grève depuis sa création. Nous avons défendu que les employeurs éliminent tous les obstacles pour que des négociations sérieuses puissent commencer. Nous avons soutenu que ces négociations devraient être dirigées de façon transparente par des représentants élus des grévistes. Dès le début, nous avons été engagés dans la construction de la solidarité avec les grévistes et avons aidé à briser le blocus médiatique. Nous avons discuté avec les grévistes de leur intention d’organiser une manifestation pacifique le 16 décembre et avons convenu d’organiser une campagne internationale de solidarité autour de cet évènement.

    Les staliniens surpassent les bureaucrates syndicaux

    Une attaque encore plus vicieuse contre les travailleurs du pétrole a été lancée par le Parti communiste d’Ukraine, qui était resté silencieux sur cette question jusqu’au 4 janvier. Ce parti a finalement brisé son silence dans un article qui accuse Natalia Sokolova d’être un agent du département d’Etat américain et les travailleurs du pétrole d’être responsables de "la tentative des Etats-Unis pour déstabiliser la situation politico-économique." Ils ont continué en disant: ‘‘Les autorités du Kazakhstan ont agi durement, courageusement et de manière adéquate. Ils ont réagi fermement en instaurant l’Etat d’urgence et la police anti-émeute n’y a pas été de main morte contre les combattants bien armés qui se trouvaient derrière les travailleurs du pétrole. Ils ont montré leur courage quand le président, M. Nazarbayev, a visité la ville de Zhanaozen et a personnellement parlé aux habitants. Leur réponse a été adéquate, en agissant avec fermeté et en expliquant à ces messieurs de l’Union Européenne que ce qui se passe à Zhanaozen est une affaire interne au Kazakhstan."

    La “gauche” attaque les grévistes qui revendiquent la nationalisation

    Le 18 décembre, le site internet de gauche "RabKor" publiait un article d’Aleksei Simoyanov de l’Institut de la Mondialisation, à Moscou. Après presque sept mois de silence et à seulement 2 jours du massacre, l’auteur avait décidé de rejoindre le flot des attaques contre les travailleurs du pétrole : "Il est impossible de ne pas parler d’un certain nombre d’erreurs tactiques effectuées par les manifestants au cours de leur campagne. Aussi longtemps que les principaux slogans des manifestants étaient favorables à des meilleurs salaires, au respect des droits des travailleurs et luttaient contre la dégradation des conditions de travail, ils étaient dans une position forte. Dans les limites d’un conflit entre travailleurs et patron, les autorités avaient les mains liées, et toute pression de leur part aurait été purement illégitime. Le problème s’est compliqué quand, sous l’influence du CIO, les travailleurs ont également défendu des revendications politiques, y compris la nationalisation de la compagnie."

    Pourtant, comme cela peut être vérifié avec l’évolution des revendications des grévistes, les travailleurs du pétrole ont défendu la nationalisation de leur entreprise dès le début du litige. Ils n’ont pas eu besoin du CIO pour savoir que tant que ces entreprises restaient aux mains de capitaux privés liés au régime et aux multinationales étrangères, il n’était pas possible d’obtenir un salaire raisonnable. Le seul changement qui a été opéré avec cette revendication au cours de la grève, c’est de généraliser la revendication de la propriété publique à tout le secteur pétrolier, sous le contrôle des travailleurs. Les travailleurs du Kazakhstan ne sont d’ailleurs pas les seuls à tirer ces conclusions. En décembre, par exemple, des dizaines de milliers de syndicalistes ont défilé à Liège, en Belgique, pour exiger la nationalisation du site liégeois d’ArcelorMittal.

    Toutes les grèves sont politiques dans une certaine mesure

    Simoyanov ne fait avec son texte que démontrer sa profonde incompréhension de cette grève. La direction de l’entreprise a refusé de négocier non pas parce que les ouvriers ont soulevé la revendication de la nationalisation, mais parce qu’ils n’étaient pas prêts à mieux payer les travailleurs. La logique de son article est que les travailleurs devraient restreindre leurs luttes à des questions purement économiques et que s’ils vont plus loin, toute la pression contre eux devient ‘‘légitime’’. Suivant cette logique, les syndicats ne devraient pas exiger le limogeage des responsables antisyndicaux ou faire grève afin de faire tomber des régimes autoritaires. Suivant cette logique encore, les syndicalistes d’Europe, de Grèce, du Portugal, d’Italie et d’ailleurs qui sont en lutte par millions contre les politiques d’austérité de leurs gouvernements ne devraient pas exiger la chute de ces gouvernements ? Simoyanov pensent-il aussi que cette revendication est ‘‘illégitime’’ ?

    L’ironie est que ces critiques, en se précipitant contre les grévistes du pétrole, ont oublié de s’en prendre à la direction de l’entreprise, et finissent même au final à la droite du président Nazarbayev qui, à Aktau, a déclaré après le massacre que : ‘‘Le gouvernement, ainsi que le fonds Samruk Kazyna et la société KazMunaiGas, ont échoué à mettre en œuvre mes instructions sur la résolution rapide de ce conflit. Malheureusement, ils se sont montrés incapables de résoudre le problème."

    La caractéristique des critiques de ‘‘gauche’’ des grévistes est la manière dont ils ferment les yeux sur les bureaucrates syndicaux qui collaborent avec les régimes autoritaires ! Boris Kravtchenko est un membre du conseil consultatif du président russe Medvedev, Alexeï Etmanov est un candidat de la liste pro-Kremlin "Russie juste" et Sergei Belkin a signé une entente pour éliminer les grèves avec le régime de Nazarbayev. Ils sont en colère non pas parce que les travailleurs du pétrole ont adopté des revendications politiques – ils ne les critiqueraient pas s’ils rejoignaient le parti présidentiel. Les critiques n’arrivent que lorsque les travailleurs du pétrole déclarent qu’ils ne vont plus soutenir le parti présidentiel et lancent un appel au boycott total des élections législatives de janvier. Plutôt que de rester derrière l’un ou l’autre parti politique pro-régime et leurs conseillers dans les syndicats, les travailleurs du pétrole ont appelé à la création de leur propre, démocratique et indépendant parti des travailleurs, un instrument politique capable de représenter leurs intérêts sans devoir subir l’influence des oligarques.

    Le 16 décembre – début de la fin pour Nazarbayev

    Les événements du 16 décembre 2011 marquent un tournant dans le développement des luttes ouvrières à travers l’ancienne Union soviétique (la CEI, Communauté des Etats Indépendants). Après sept mois de lutte acharnée, les travailleurs du pétrole ont appris de nombreuses leçons. Ils ont démontré qu’ils étaient capables d’adopter une attitude pacifique et disciplinée et de rejeter les provocations destinées à les conduire à la violence. Ils sont allés plus loin que de simples exigences salariales face à un patron qui n’a aucune envie de payer plus, et ont défendu que l’entreprise devait être nationalisée, sous contrôle ouvrier, de sorte que les richesses du pays puissent être utilisées pour le peuple, plutôt que d’enrichir les oligarques et la famille présidentielle. Ils ont démontré qu’ils peuvent unir autour d’eux tous les pauvres et les exploités de la région en défendant de meilleurs salaires pour ceux qui travaillent qui travaillent dans le secteur public. Ils ont appris qu’il y a beaucoup de ‘‘dirigeants’’ et de ‘‘politiciens’’ qui inondent leurs oreilles de promesses d’amitié éternelle en échange de leurs votes, mais qui désertent aux premiers besoins. Ils ont vu que les seuls amis qu’ils ont vraiment, ce sont les travailleurs d’autres villes et d’autres pays, les seuls à avoir exprimé une véritable solidarité.

    Même après les horribles attentats de la police et de l’armée le 16 décembre 2011, et les nombreux morts, blessés et emprisonnés, les travailleurs du pétrole ont préservé leur dignité et leur discipline. Ils continuent à faire appel aux autres travailleurs pour qu’ils s’organisent en une seule fédération syndicale nationale et indépendante et pour construire un parti des travailleurs. Le Comité pour une Internationale Ouvrière et ses sections est fier de rester à leur côté, et de rester entièrement solidaire de leur combat.

  • [DOSSIER] Italie, 1920 : Quand les travailleurs occupaient les usines

    En 1920, un mouvement d’occupations d’usines historique a pris place en Italie, allant jusqu’à susciter une profonde remise en question du capitalisme. Ce mouvement de masse a pourtant échoué à renverser l’autorité du capitalisme et sa disparition a malheureusement présidé à l’avènement du fascisme. Dans ce dossier, notre camarade Christine Thomas, de la section italienne du CIO (Contro Corrente) revient sur ces évènements et les leçons à en tirer.

    ‘‘En 1920, la classe ouvrière italienne avait, en effet, pris le contrôle de l’Etat, de la société, des usines et des entreprises. En fait, la classe ouvrière avait déjà gagné ou virtuellement gagné.’’ (Léon Trotsky, au quatrième Congrès de l’Internationale Communiste, novembre 1922 ). De fait, des travailleurs armés occupaient alors les usines, et des paysans s’étaient également emparés des terres. Le parti socialiste italien (PSI) était fort de quelque 200.000 membres à ce moment.

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    De l’occupation de places à l’occupation d’entreprises !

    Le thème de l’occupation est revenu sur le devant de la scène lors des luttes qui ont pris place au cours de l’année 2011. Nous avons déjà commenté sur notre site, dans notre journal et dans nos tracts cette méthode admirable issues des plus belles traditions du mouvement ouvrier et qui pose la question du contrôle de la société. Vers le mouvement des Indignés ou Occupy, nous défendons de déplacer les occupations de places symboliques vers les lieux de travail. Les pas qui ont été posés en cette direction aux Etats-Unis avec le blocage des ports, notamment celui d’Oakland, sont d’une très grande importance. En Belgique, dans le cadre de la lutte pour la sauvegarde de l’emploi dans la sidérurgie liégeoise, nous défendons l’occupation des sites d’ArcelorMittal en tant que première étape vers la nationalisation de la sidérurgie sous le contrôle des travailleurs. Les liens ci-dessous développent ces questions.

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    Selon les mots de Lénine, le PSI incarnait – de par son opposition à la première guerre mondiale – ‘‘l’heureuse exception’’ des partis affiliés à la Seconde Internationale. En mars 1919, ce même parti avait rejoint l’Internationale Communiste afin d’apporter son soutien à la ‘‘dictature du prolétariat’’. Et pourtant, le mouvement de septembre qui marquait l’étape finale de deux années rouges consécutives (biennio rosso) a échoué à renverser l’instance capitaliste, et sa défaite inaugura la montée du fascisme.

    Aujourd’hui, ce mouvement historique est en voie de devenir la ‘‘révolution oubliée’’, y compris par l’Italie elle-même. Beaucoup d’organisations politiques de masse n’existent plus et les marxistes doivent faire face à la tâche difficile de construire des partis neufs sur base des vieux fondements idéologiques de la classe des travailleurs. Mais la crise prolongée du capitalisme en cours – et les luttes qui en découlent – produiront inévitablement de nouvelles forces politiques avec, une fois de plus, l’hypothèse d’un réformisme et d’un centrisme massifs. C’est pour cette raison que, plus de 90 ans après, la révolution italienne mérite la même attention que d’autres révolutions ‘‘manquées’’ plus familières aux militants de gauche.

    Le mouvement de septembre commença en fait comme une ‘‘simple’’ lutte économique visant à protéger les salaires dans le secteur de l’ingénierie et de la métallurgie. Le coût de la vie connaissait une progression affolante – en juin 1920, les prix dépassaient de 20 % ceux qui étaient en cours trois mois plus tôt à peine. Les patrons avaient accumulé d’énormes profits pendant la guerre mais, selon une logique qui touchera une corde sensible chez tous les travailleurs d’aujourd’hui, ils s’employaient à rejeter la crise économique d’après-guerre sur la classe ouvrière.

    Non seulement ces patrons refusaient d’accorder les 40 % d’augmentation de salaire réclamés par l’union des ouvriers métallurgistes de la FIOM (une section autonome de la principale fédération syndicale (CGL)) mais, quand les négociations furent rompues et que les travailleurs mirent en place un ‘‘va mollo’’ au cœur de leur cadence de travail, les employeurs de l’usine Roméo de Milan décidèrent de fermer l’entreprise et 2000 ouvriers se retrouvèrent à la porte d’un seul coup.

    La FIOM riposta en lançant un appel immédiat à l’occupation de 300 usines milanaises. Cette riposte fut perçue par les dirigeants syndicaux comme une manifestation purement défensive qui, au final, coûterait moins cher que l’organisation d’une grève. Ils furent toutefois totalement dépassés par l’ampleur de la lutte qui s’ensuivit.

    De nombreuses angoisses qui s’étaient accumulées explosèrent alors. Des usines furent saisies dans les bastions industriels de Turin et de Gênes et au-delà de Florence, à Rome, Naples et Palerme. Le raz-de-marée d’occupations engloutit d’innombrables secteurs industriels dont ceux des produits chimiques, du caoutchouc, des chaussures ou encore du textile, pour ne citer qu’eux.

    Finalement, un demi-million de travailleurs tant syndiqués qu’inorganisés, furent impliqués dans cette belle aventure.

    Des drapeaux rouges (socialistes) et noirs (anarchistes) se déployèrent au-dessus des usines occupées. Sur le même temps, des ‘‘Gardes Rouges’’ armés contrôlaient les allées et venues aux abords de l’usine, décidant de qui pouvait entrer et sortir. Les travailleurs eux-mêmes maintenaient l’ordre, interdisant l’alcool et punissant ceux qui transgressaient les codes de discipline qu’ils s’étaient fixés ensemble.

    Le mouvement est allé plus loin à Turin – surnommée la ‘‘Petrograd’’ italienne en référence à la Révolution russe de 1917 – jusqu’à devenir un véritable mouvement de masse populaire qui impliqua pas moins de 150.000 travailleurs.

    Au centre Fiat (à l’époque rebaptisé ‘‘Fiat Soviet’’) les ‘‘commissaires’’ d’atelier organisaient la défense du site ainsi que le transport et le contrôle des matières premières. Les travailleurs de Turin s’organisèrent en conseils d’usine (coordonnés par le ‘‘lavoro di camere’’, une sorte de ‘‘conseil de métiers’’) et des comités de travailleurs prirent la responsabilité de la production, du crédit ainsi que de l’achat et de la vente des marchandises et des matières premières.

    Formellement, les capitalistes et leurs représentants politiques au gouvernement étaient aux commandes mais, en réalité, ils ne contrôlaient plus rien. Ils étaient en quelque sorte « paralysés ». Comme le journal national – ‘‘Corriere della Siera’’ – l’a exprimé sans fioriture : le contrôle complet des usines était aux mains des travailleurs.

    On tenait là un exemple clair de ce qui constitue une étape cruciale à l’intérieur du processus révolutionnaire, à savoir l’étape du ‘‘double pouvoir’’, où celui qui contrôle la société ressent la nature vacillante de son statut et où le destin s’écrit, soit par les forces révolutionnaires potentielles – qui achèvent la révolution via le renversement de l’ancien régime – soit par la vieille classe dominante qui neutralise les forces qui voulaient l’abattre et se réapproprie le contrôle.

    Le mouvement des conseils de l’usine de Turin

    Ce qui advint par la suite ne peut être compris que dans un contexte conjoncturel antérieur, et plus particulièrement dans la période de l’immédiat après-guerre. Les patrons avaient délibérément provoqué le mouvement de Septembre en ‘‘enfermant dehors’’ les ouvriers affectés aux centres d’ingénierie. Cette manœuvre patronale avait évidemment pour but de porter un coup décisif à la classe ouvrière.

    ‘‘Il n’y aura pas de concessions’’, avait déclaré le représentant des patrons à Bruno Buozzi, chef de la FIOM. ‘‘Depuis la fin de la guerre, nous n’avons rien fait d’autre que de baisser nos pantalons. Maintenant c’est votre tour.’’

    Comme cela avait été le cas dans de nombreux pays européens, la guerre, mais aussi la victoire remportée par les travailleurs et les paysans contre le capitalisme et le féodalisme en Russie, avaient donné lieu à une situation explosive en Italie. En 1917, des mouvements semi-insurrectionnels avaient secoué le nord du pays tandis que des paysans et des ouvriers se rebellaient au sud. Il a toutefois fallu attendre 1919 pour que le mouvement s’intensifie et se généralise davantage.

    La première grande bataille des deux ‘‘années rouges’’ fut remportée par les métallurgistes qui, au printemps de 1919, menèrent des actions de grève et obtinrent la journée des huit heures.

    En juin et juillet de la même année, la flambée des prix provoqua un autre mouvement insurrectionnel au nord. Dans de nombreuses régions, des comités de citoyens (sortes de Soviets ‘‘embryonnaires’’) s’emparèrent du contrôle complet des prix.

    Au printemps 1920, le climat insurrectionnel gagna encore en intensité, d’où la hausse du nombre de grèves spontanées générées par l’extrême pénibilité des conditions économiques et sociales. La ‘‘courbe des températures’’ en milieu gréviste devait toutefois poursuivre sa montée inexorable : en 1918 on comptabilisait 600.000 grèves, en 1919 on en comptait 14.000.000 et en 1920 on atteignait le chiffre de 16.000.000 !

    Sur le plan industriel, Turin était la ville la plus importante d’Italie et, du point de vue des capitalistes, elle fut le lieu originel d’émergence puis de développement du mouvement le plus dangereux.

    Dans les usines, les travailleurs s’organisèrent en commissions internes. Il s’agissait d’instances contradictoires dont l’existence débuta en 1906 en tant que comités de revendication affectés aux questions de discipline et d’arbitrage. Ceux-ci étaient dominés par les représentants du syndicat et considérés par la caste capitaliste comme des organes de collaboration de classe, ou encore comme un moyen d’amener les travailleurs à participer aux décisions concernant leur propre exploitation sur les lieux de travail.

    Mais pendant la guerre, ces commissions explosèrent et devinrent l’objet d’une véritable bataille qui opposa les ouvriers de terrain aux patrons sur la question de savoir qui exerçait le contrôle dans les usines. Un rôle crucial dans ce mouvement a été joué par l’Ordine Nuovo (l’Ordre Nouveau), un journal fondé à Turin en mai 1919 par Antonio Gramsci et trois autres socialistes. Inspiré par la révolution russe, l’Ordre Nouveau appelait à la démocratisation des commissions internes et à l’établissement de conseils ouvriers élus par l’ensemble des travailleurs, sans pour autant exclure ceux qui n’étaient pas syndiqués.

    Les conseils ouvriers ne se bornaient pas à exercer un contrôle sur les lieux de travail, mais devenaient d’authentiques organes de pouvoir au service des travailleurs dans la société toute entière.

    L’idée de ces conseils ouvriers se répandit à travers la ville telle une traînée de poudre. Partout dans Turin, dans chaque industrie importante, des élections désignèrent des commissaires d’atelier : il est à noter qu’à son apogée, le mouvement des conseils impliqua pas moins de 150.000 travailleurs dans cette ville… Les capitalistes n’allaient évidemment pas rester bras croisés et accepter indéfiniment l’imposition d’un double pouvoir effectif et permanent à l’intérieur des usines. ‘‘Il ne peut y avoir qu’une seule autorité dans l’usine’’ déclarait le manifeste de la Ligue Industrielle de Turin. ‘‘Les conseils d’ouvriers de Turin doivent être implacablement écrasés’’ clamait de son côté le leader industriel Gino Olivetti.

    En mars 1920, alors que les élections se déroulaient sur chaque lieu de travail pour renouveler les commissions internes, les patrons sont montés à l’assaut en annonçant un verrouillage des centres d’ingénierie à travers toute la ville. Un conflit s’ensuivit, non pas centré sur des griefs économiques, mais bien sur des domaines touchant à la fois au contrôle ouvrier et à la reconnaissance des conseils d’usine. En avril, la grève des métallurgistes s’étendit à l’industrie chimique, à l’imprimerie, au bâtiment ainsi qu’à d’autres secteurs, impliquant un demi-million de travailleurs, soit la quasi-totalité de la classe ouvrière de Turin !

    Quatre jours plus tard, le mouvement s’étendit au-delà des confins de la ville, atteignant la région du Piémont. Une solidarité spontanée s’organisa à Livourne, Florence, Gênes et Bologne, mais les directions syndicales refusèrent de prolonger la grève et – comme au temps de la Commune de Paris en 1871 – le mouvement des conseils d’usine de Turin resta isolé, coupé du reste du pays. A la différence de la Commune de Paris toutefois, dont l’Histoire nous a appris l’issue fatale (les estimations parlent d’au minimum 20.000 morts et 20.000 déportés après la ‘‘semaine sanglante’’ d’avril 1871, NDLR), les milliers de travailleurs ne perdirent pas la vie, mais l’accord qui mis fin à la grève fut vécu comme une amère défaite.

    En dépit d’une reconnaissance formelle des conseils d’usine, cet accord privait les ouvriers de l’exercice d’un contrôle réel sur leur lieu de travail. De plus, après ces journées d’avril, les patrons furent encouragés à aller plus loin dans l’offensive et à reprendre les travailleurs en main. 11.000 industriels appartenant à 72 associations s’organisèrent en une instance centralisée – la Confindustria, qui existe toujours aujourd’hui – qui tint sa première conférence nationale cette année-là. Ces patrons se retrouvaient ainsi unis en une même opposition face aux revendications des travailleurs. Mais la portée des occupations – ainsi que le potentiel révolutionnaire de celles-ci – restaient incontestables et des fissures profondes lézardèrent bientôt la façade du front uni des capitalistes.

    Les ‘‘faucons’’, qui comptaient parmi eux Agnelli, le propriétaire de Fiat, poussèrent le gouvernement à adopter une ligne dure et à briser les occupations par la force. Une autre aile redoutait toutefois une intervention de l’armée – et des forces de l’Etat – à l’encontre des travailleurs. Cette aile craignait le risque de voir la situation s’embraser davantage et entraîner dans la débâcle le système capitaliste dans sont entièreté.

    Le premier ministre Giolitti, élu trois mois auparavant, adopta plutôt la ‘‘logique de la colombe’’ et choisit de demeurer dans sa maison de vacances, d’attendre et de laisser faire le temps dans l’espoir évident que l’usure gagne la classe ouvrière et que cette dernière se retrouve à devoir se prosterner à ses genoux.

    Lorsque Agnelli sollicita l’intervention du gouvernement, Giolitti proposa cependant de bombarder l’usine Fiat afin de la ‘‘libérer de l’occupant’’… ‘‘Non, non’’, s’écria Agnelli. Et Giolitti de résumer lui-même en des termes sans équivoque le fameux dilemme de la classe dirigeante : ‘‘Comment pourrais-je mettre fin à l’occupation ? Il est question de 600 usines dans l’industrie métallurgique. (…) J’aurais dû placer une garnison dans chacune d’elles. (…) Pour occuper les usines, j’aurais dû utiliser toutes les forces à ma disposition ! Et qui aurait assuré la surveillance des 500.000 travailleurs en dehors des usines ? C’aurait été la guerre civile’’. (3) La classe dirigeante était impuissante. La balle était désormais dans le camp des travailleurs…

    Se battre avec des mots

    L’effet de la radicalisation d’après-guerre sur les organisations ouvrières avait été explosif. A la fin de la guerre, la CGL (le syndicat lié au PSI) comptait environ 250.000 membres. Deux ans plus tard, deux millions de travailleurs étaient enrôlés dans ses rangs ! Au cours de l’été 1920, l’union-anarcho-syndicaliste (USI) – qui rejetait la ‘‘politique’’ – pouvait réclamer 800.000 membres et le syndicat catholique du commerce (CIL) était, quant à lui, passé de 162.000 membres en 1918 à un million en 1920. La croissance du PSI ne fut pas moins spectaculaire : 24.000 membres en 1918, 87.000 en 1919 et 200.000 en 1920. En novembre 1919, le parti remporta une stupéfiante victoire électorale, raflant plus de 1,8 millions de voix et devenant, avec 156 députés, la force parlementaire la plus puissante. Il s’assurait aussi le contrôle de 2000 conseils locaux (soit près d’un quart du total).

    Giolitti tablait sur les dirigeants syndicaux, estimant qu’ils seraient capables de retenir la vague d’occupations et de prévenir une insurrection révolutionnaire. En avril, la direction nationale de la CGL, ainsi que celle de la FIOM, s’était montrée hostile au mouvement des ‘‘conseils d’usine’’ qui représentait une menace au niveau de leur contrôle sur la classe ouvrière. Elle avait résisté à toute tentative d’étendre la lutte au-delà de Turin. En septembre, leur principale préoccupation était de maintenir leur contrôle sur le mouvement, de limiter les revendications des occupations aux thèmes économiques (salaires,…), et de prévenir toute volonté de ceux qui désormais exerçaient le contrôle de la société de défier clairement le système capitaliste.

    Et le PSI dans tout ça ? Le parti se prononça en faveur de la révolution et caractérisa, très justement, cette période de ‘‘révolutionnaire’’. Les travailleurs contrôlaient les usines, pas les capitalistes ; la classe dominante était déchirée en raison de ses divisions et l’Etat était paralysé. C’était l’heure de la lutte pour le pouvoir.

    Mais alors que les mouvements révolutionnaires commencent souvent spontanément, sans aucun véritable ‘‘modus vivendi’’, mener une révolution vers sa conclusion – ce qui pour la classe ouvrière et paysanne revient à prendre le pouvoir des mains de la classe dirigeante capitaliste et à construire un Etat ouvrier démocratique – exige un mouvement conscient guidé par un parti révolutionnaire porté par un programme, une stratégie et une tactique claires. Les bolchéviks en avaient fait la démonstration limpide et éclatante trois ans auparavant en Russie.

    Des centaines d’usines furent occupées. Les travailleurs, spécialement à Turin, appelaient ces conseils d’usine à s’étendre davantage. Des initiatives furent développées par la base mais, dans de nombreux domaines, ces occupations d’usine se vivaient séparément les unes des autres et les travailleurs se concentraient exclusivement sur leurs propres questions locales.

    Pendant ce temps là, les ouvriers ruraux et les paysans étaient aussi en effervescence, montant au créneau, se battant, manifestant et s’emparant des terres et autres biens fonciers appartenant aux propriétaires terriens. En 1920, 900.000 ouvriers agricoles rejoignirent la CGL. Cependant, ces soulèvements furent pour la plupart vécus en retrait du monde des ouvriers d’usine.

    Il existait pourtant un besoin impérieux de voir les occupations gagner tous les secteurs de la société et les conseils des travailleurs s’étendre au-delà des lieux de travail et se coordonner au niveau local, régional et national. La formation de comités de paysans et de travailleurs ruraux (l’Italie était encore majoritairement un pays rural) liée aux conseils de travailleurs aurait pu poser les bases d’un gouvernement révolutionnaire des travailleurs et des paysans.

    Dans sa presse, le PSI a publié des articles stimulants relatifs, par exemple, à la formation de soviets, plans détaillés à l’appui. On trouve encore dans cette presse des déclarations révolutionnaires exhortant les paysans à soutenir les grévistes, ainsi qu’un appel aux ‘‘prolétaires en uniforme’’ à rejoindre la lutte des travailleurs et à résister aux ordres de leurs officiers supérieurs.

    Lors du deuxième Congrès de l’Internationale Communiste – qui se tint durant les mois de juillet et août 1920 – les représentants du parti évoquèrent la révolution imminente. Le 10 septembre, la direction nationale du PSI annonça son intention d’ ‘‘assumer la responsabilité et la direction du mouvement afin de l’étendre au pays tout entier ainsi qu’à l’ensemble de la masse prolétarienne’’. (4) Sur papier, c’est un programme révolutionnaire, mais dont la concrétisation n’a jamais dépassé le stade de l’écrit. La direction nationale du PSI fut qualifiée de ‘‘centriste’’ par Lénine (soit des ‘‘révolutionnaire en paroles’’). En tout cas, la direction du PSI était incapable, ou insuffisamment motivée, de tirer des conclusions pratiques de sa phraséologie révolutionnaire.

    Gramsci a expliqué que l’ensemble du PSI avait rejoint la troisième Internationale Communiste, mais sans vraiment comprendre ce qu’il faisait. Une grande partie du parti était encore dominée par les réformistes ou les ‘‘minimalistes’’ (qualifiés ainsi parce qu’ils adhéraient au ‘‘programme minimum’’ du parti, lequel se bornait à une logique de revendications démocratiques, tout en ignorant – ou en le concédant du bout des lèvres – le ‘‘programme maximum’’ de la révolution socialiste). L’existence même d’un programme ‘‘minimum’’ et ‘‘maximum’’ – sans aucun rapport entre eux – aide à comprendre pourquoi le PSI a réagi comme il l’a fait en septembre.

    Dirigés par Turati et Treves, les minimalistes étaient essentiellement concernés par le travail visant à gagner du soutien électoral pour obtenir des postes au Parlement et dans les conseils locaux. Selon eux, les réformes concernant la classe ouvrière devaient être garanties par le Parlement plutôt que par la lutte des classes qui, quand elle avait lieu, devait se limiter aux créneaux économiques ‘‘sûrs’’, c’est-à-dire qui ne représentaient aucune menace pour le système capitaliste. La base principale était – sans surprise – réformiste dans le parti parlementaire ainsi que dans la CGL qui avait été mise en place par le PSI en 1906.

    A côté des réformistes, et, pour la plupart, à la tête du parti, se trouvaient les ‘‘maximalistes’’ dirigés par Serrati. Ils défendirent le programme maximum de la révolution socialiste, mais à la mode typiquement centriste. La principale préoccupation de Serrati était de maintenir l’unité du parti à tout prix ‘‘pour la révolution’’, même si cela équivalait à faire des concessions aux minimalistes. Ainsi, lui et les autres dirigeants centristes ignorèrent-ils les conseils de Lénine qui prescrivaient l’expulsion des réformistes et prônait la constitution d’un parti unifié autour d’un programme communiste clairement défini. En plus de tout ceci, il fallait compter avec les communistes regroupés principalement autour d’Amadeo Bordiga, sans oublier les partisans de Gramsci…

    Une autre caractéristique du centrisme est l’indécision. Pendant les ‘‘journées d’avril’’, la direction avait adopté une position passive, permettant au mouvement des conseils d’usine de se retrouver complètement isolé à Turin, et par conséquent vaincu. La confiance de l’aile ‘‘minimaliste’’ du parti se renforça et cela conduisit aussi à une augmentation du soutien à l’égard des anarchistes en réaction. L’immobilisme du PSI en avril constitua un avant-goût de ce qui allait arriver en septembre. Il n’était en aucune manière préparé à la tempête qui allait faire rage à travers le pays. Comme l’a expliqué Trotsky, l’organisation la plus effrayée et la plus paralysée par les événements de septembre a été le PSI lui-même. (5)

    "L’organisation centrale du parti n’a pas jugé utile jusqu’à présent d’exprimer une seule opinion ou de lancer un seul slogan", écrit Gramsci, en août. (6) En fait, en dépit de sa base, le PSI ne disposait pas d’organisation réelle dans les usines. En 1918, le parti avait signé un ‘‘pacte d’alliance’’ avec la CGL, désignant deux sphères d’influence artificiellement séparées : le PSI se chargeait de mener les ‘‘grèves politiques’’ et la CGL ‘‘les grèves économiques’’. Naturellement, comme l’occupation de septembre l’avait clairement montré, il n’existait pas de distinction franche entre les deux : une grève qui débute sur une question économique (la ‘‘question des salaires’’, dans ce cas précis) devait rapidement revêtir un caractère plus général et, en tous les cas, un caractère politique.

    Mais cette fausse stratégie signifiait que le parti ne se réservait qu’un rôle secondaire – dévolu ordinairement au spectateur voire à la ‘‘pom-pom girl de service’’ – plutôt que de s’approprier le rôle principal : à savoir celui d’un parti révolutionnaire capable de guider le mouvement vers la conquête du pouvoir ainsi que les bolcheviks l’avaient fait en Russie.

    Le PSI pouvait bien imprimer des proclamations abstraites et des manifestes pro-soviétiques, concrètement, il ne faisait rien pour promouvoir ceux-ci parmi les travailleurs eux-mêmes, et permettait donc aux dirigeants syndicaux réformistes – qui mettaient toute leur énergie à faire échouer la révolution – de renforcer leur influence.

    Cette approche propagandiste abstraite était également manifeste dans l’attitude du parti envers les paysans et les travailleurs agricoles. Dans son emphatique rhétorique révolutionnaire, il appelait en ces termes à soutenir les travailleurs des usines : ‘‘Si demain sonne l’heure des grèves décisives, celle de la bataille contre tous les patrons, vous, aussi, ralliez-vous ! Reprenez les villes, les terres, désarmez les carabiniers, formez vos bataillons dans l’unité avec les travailleurs, marchez sur les grandes villes, soyez du côté du peuple en armes contre les voyous mercenaires de la bourgeoisie ! Car le jour de la justice et de la liberté est proche, et la victoire peut-être à portée de la main… ! " (7) Mais l’influence du parti dans les zones rurales, en particulier au sud, restait minime.

    Serrati considérait effectivement que les travailleurs étaient ‘‘socialistes’’ par essence et les paysans ‘‘catholiques’’, renonçant à toute tentative de recruter les masses rurales radicalisées du sud. Lors du deuxième Congrès de l’Internationale Communiste, Serrati rejeta la politique agraire de l’Internationale Communiste au motif que celle-ci était inappropriée par rapport à l’Italie. Un journaliste du ‘‘Corriere della Serar’’ a très bien résumé l’approche du PSI à cette époque en disant que ‘‘les dirigeants socialistes veulent attaquer le régime seulement avec des mots.’’ (8)

    Quand une action concrète était nécessaire

    Dès la deuxième semaine de septembre, les occupations se répandirent spontanément, mais de nombreux travailleurs urbains devenaient fatigués et impatients, attendant en vain quelqu’un capable de passer enfin de la parole à l’acte et de montrer l’exemple. La situation instaurée par le double pouvoir ne pouvait pas continuer indéfiniment : le temps de l’action décisive était venu.

    Le 9 septembre, le conseil de direction de la CGL rencontra certains dirigeants du PSI. Lors de cette réunion, le chef de la CGL, D’Aragona, demanda de but en blanc aux socialistes de Turin : ‘‘êtes-vous prêts à passer à l’attaque, avec vous-même en première ligne, quand ‘‘attaquer’’ signifie très précisément démarrer un mouvement d’insurrection armée ?’’ Ce à quoi Togliatti (un futur leader du Parti Communiste Italien) répondit "Non". (9) Les travailleurs qui occupaient les usines étaient armés et, à Turin, un comité militaire avait même été organisé depuis le mois d’avril. Mais les travailleurs se retrouvaient pour la plupart dans des forteresses isolées, séparées les unes des autres et, comme Togliatti lui-même le soulignait alors, les préparatifs militaires qui s’organisaient étaient purement défensifs.

    En Octobre 1917, en Russie, l’insurrection armée (la prise de contrôle des institutions-clés de l’Etat ainsi que des positions stratégiques, comme les télécommunications et les transports) avait été préparée à la manière d’une lutte pour la défense de la révolution contre les forces contre-révolutionnaires. Mais, comme l’expliquait Trotsky, l’insurrection de masse elle-même, "qui se tient au dessus d’une révolution comme un pic au-dessus d’une montagne d’événements’’, est un acte offensif qui peut être "prévu, préparé et organisé à l’avance sous la direction du parti. Une insurrection ne peut être spontanée et renverser un pouvoir ancien, mais la prise du pouvoir nécessite une organisation appropriée ; elle nécessite un plan’’. (10) La première tâche est de convaincre les troupes, ce que les bolcheviks avaient réussi à faire avant l’insurrection.

    En septembre 1920, le PSI exprima par écrit – et dans un langage on ne peut plus radical – que l’heure de la ‘‘lutte décisive’’ était proche… mais il ne fit absolument rien pour préparer l’avènement de ce combat crucial. Il n’existait aucune coordination pour l’armement des travailleurs, pas d’approche concrète vers les rangs des forces armées pour qu’ils forment leurs propres comités démocratiques destinés à soutenir la révolution. Il n’existait que des déclarations éthérées et, naturellement, aucun plan pour la formation d’une alternative gouvernementale ouvrière.

    Comme cela a déjà été mentionné, le 10 septembre, la direction nationale du PSI vota la prolongation du mouvement. Ce même soir, les dirigeants de la CGL qualifièrent de bluff cette décision de la direction du PSI. Lors d’une réunion commune des deux organisations, les dirigeants de la CGL démissionnèrent et D’Aragona offrit de remettre le contrôle du mouvement au parti : ‘‘Vous croyez que le moment de la révolution est arrivé ?’’, dit-il. ‘‘Très bien : dans ce cas, vous devez en assumer la responsabilité (…) Nous soumettons notre démission (…) Vous prenez la direction de l’ensemble du mouvement.’’ (11) Et que firent les dirigeants du PSI ? Tout comme dans ce jeu révolutionnaire tragique, tout entier résumé par l’expression ‘‘passer le colis’’, ils ‘‘passèrent’’ la question au Conseil national de la CGL !

    Umberto Terracini (co-fondateur avec Gramsci et Angelo Tasca de l’Ordre Nouveau) devait déclarer ceci : "Quand les camarades qui menaient la CGL présentèrent leur démission, la direction du parti ne pouvait ni les remplacer, ni espérer les remplacer. C’était Dugoni, D’Aragona, Buozzi, qui dirigeaient la CGL. Ils furent, à tout moment, les représentants de la masse". (12) Et donc, les centristes, qui des heures plus tôt étaient censés se préparer à propager la révolution, étaient en réalité désemparés face à ce qu’il fallait faire par la suite. En l’absence de programme clair, et sans disposer d’aucune stratégie ni tactique, ils étaient voués à capituler inévitablement et à abandonner le contrôle total aux réformistes (qui, eux, avaient un plan) afin d’éviter la révolution à tout prix.

    ‘‘La direction du parti avait perdu des mois à prêcher la révolution’’, écrivait Tasca, ‘‘mais elle n’avait rien prévu, rien préparé. Quand le vote à Milan accorda la majorité aux thèses de la CGL, les leaders du parti poussèrent un soupir de soulagement. Dégagés désormais de toute responsabilité, ils pouvaient se plaindre – avec force trémolos dans la voix ! – de la trahison de la CGL. De cette manière, c’est un peu comme s’ils avaient quelque chose à offrir aux masses qu’ils avaient pourtant abandonnées au moment décisif, heureux dans cet épilogue qui leur permettait de sauver la face.’’ (13)

    La résolution de la CGL, qui transforma une lutte révolutionnaire en une lutte purement syndicale, remporta le vote au Conseil national. Elle sollicita le contrôle syndical afin d’être reconnue et une commission mixte, composée d’employeurs et de représentants syndicaux, fut mise en place pour étudier la question. Lorsque la FIOM organisa un référendum pour voter l’accord final qui mettrait fin aux occupations, celui-ci fut massivement accepté, sans se heurter à aucune opposition émanant du cœur du syndicat lui-même.

    La réaction capitaliste fut mitigée. Agnelli était tellement déprimé par toute cette affaire qu’il proposa de transformer Fiat en coopérative, non sans se dispenser de cette interrogation ironique : ‘‘comment pouvez-vous construire quelque chose avec 25.000 ennemis ?’’ (14) Mais les leaders syndicaux refusèrent son offre. Une partie des capitalistes, pourtant, s’insurgeaient contre la question du contrôle des travailleurs. Mais les ‘‘modérés’’ comprenaient bien qu’après presque un mois d’occupations, les travailleurs n’accepteraient rien de moins.

    Comme le journaliste Einaudi l’exprima succinctement : ‘‘la raison et le sentiment conseillent aux industriels de céder le contrôle, de mettre fin à un état de choses qui ne saurait plus continuer sans échapper à la décomposition et à la désagrégation.’’

    La Commission, en fait, n’a jamais émis une seule proposition et le contrôle des travailleurs fut enterré tandis que la crise économique étranglait l’Italie l’année suivante et que des dizaines de milliers de travailleurs perdaient leur emploi, y compris de nombreux militants (qui comptaient parmi les plus actifs à l’intérieur du mouvement d’occupations).

    L’accord qui mit fin aux occupations ne fut pas initialement perçu comme une défaite par de nombreuses sections de travailleurs (et ne fut pas présenté comme tel par le syndicat et les dirigeants du PSI). Les acquis économiques – les hausses substantielles de salaire, les congés payés etc – constituaient d’impressionnantes victoires pour un combat syndical. Mais, naturellement, le mouvement avait le potentiel d’être beaucoup plus que cela et voulait beaucoup plus que cela. C’est seulement au cours des quelques mois suivants, alors que la crise économique commençait à sévir et que les bandes fascistes se mobilisaient contre les travailleurs, que la pleine mesure de la défaite atteignit les consciences.

    Les communistes auraient-ils pu s’investir davantage dans leur manière de façonner l’événement ?

    Le deuxième Congrès de l’Internationale Communiste, qui s’est en fait réuni alors que le mouvement était en marche, disposait d’informations très limitées sur ce qui se passait en Italie. Ce n’est que le 21 septembre, alors que les occupations étaient en voie de démobilisation, que l’Internationale publia un manifeste appelant à la formation de conseils d’ouvriers et de soldats, et à l’insurrection armée pour la conquête du pouvoir.

    Gramsci n’était pas présent au Congrès, mais Lénine loua son texte sur le renouvellement du PSI, le considérant comme le meilleur qu’on lui ait été donné de lire sur la situation italienne. Pourtant, en septembre, Gramsci jouissait de peu d’influence au sein du parti de même que sur le mouvement lui-même. Le groupe ‘‘Ordine Nuovo’’, qui avait toujours été politiquement hétérogène, s’était désintégré pendant l’été et Gramsci se retrouvait désormais isolé.

    En regardant en arrière, quelques temps plus tard, il se fit un devoir de revenir via l’écriture sur les erreurs graves qu’il avait commises et payées cher et en particulier sur l’échec qui mit fin à sa tentative de former – avec un soutien dans tout le pays – un courant organisé au sein du parti. Le groupe, en fait, ne développa jamais vraiment de racines à l’extérieur de Turin et quand le Parti Communiste Italien fut finalement formé en janvier 1921, les idées de Bordiga dominèrent largement celles de Gramsci.

    Le groupe de Bordiga était un groupe national et beaucoup mieux organisé, mais politiquement d’ultra-gauche. Il fit campagne pour la formation d’un parti communiste ‘‘pur’’, rigide, et discipliné, et, dans une sur-réaction envers l’opportunisme électoral des réformistes du PSI, préconisa l’abstention (astensionismo), la non-participation du parti aux élections. Le fait qu’en septembre, le journal des Bordiguistes ‘‘Le Soviétique’’ n’ait pas publié un seul éditorial sur les occupations en dit long sur son approche abstraite et sectaire du marxisme (que Lénine attaqua par ailleurs dans son texte ‘‘Le gauchisme, maladie infantile du communisme’’).

    Après les événements de septembre, Bordiga renonça officiellement à l’abstentionnisme et, avec Gramsci, soutint la construction d’un parti communiste de masse. Cependant, son ultra-gauchisme et son sectarisme – son opposition ‘‘de principe’’ à la tactique du front unique – ont continué d’imprégner le jeune Parti Communiste d’Italie, en particulier dans son attitude envers le PSI (qui avait le soutien de la majorité des délégués lors la scission du parti qui donna naissance au Parti Communiste) et envers les Arditi del Popolo – les milices populaires – mises en place pour lutter contre les fascistes.

    A quelques semaines de la fin des occupations, les propriétaires fonciers lâchèrent les escadrons fascistes à Emilia. La révolution de septembre et le début de la grave crise économique avaient convaincu une partie de la classe capitaliste qu’elle ne pouvait pas continuer comme avant. Elle ne pouvait pas compter plus longtemps sur l’Etat capitaliste dans sa forme de l’époque et la résistance des travailleurs devait être impitoyablement brisée.

    Avec une classe ouvrière affaiblie et démoralisée après la défaite du mouvement, les grandes entreprises et le capital financier commencèrent à financer les voyous fascistes qui, dans les deux ans qui précédèrent l’appel final au pouvoir de Mussolini en Octobre 1922, lancèrent une offensive brutale contre la classe ouvrière, impliquant des attaques violentes envers les organisations de travailleurs et l’assassinat de militants. Les travailleurs italiens eurent à payer au prix fort les fautes de leurs chefs au cours des ‘‘biennio rosso’’ (les deux années rouges) avec, en guise de récolte amère, une domination fasciste qui allait durer 20 ans.

    Aujourd’hui, en Italie, après la transformation du Parti Communiste en un ‘‘Nouveau Parti Travailliste’’ de type capitaliste au début des années 1990 et après le déclin du parti de la refondation communiste (Rifondazione Comunista) qui s’ensuivit au cours de la dernière décennie, il n’y a pas de parti de masse de gauche. Mais bon nombre des caractéristiques politiques de la période 1919-1920 demeurent. Parmi celles-ci : la fausse division entre la lutte politique et syndicale, la prédominance de l’électoralisme sur la lutte de masse, la propagande abstraite et une incapacité à se connecter directement à la classe ouvrière.

    Une compréhension de cette période critique de l’histoire italienne sera utile pour la nouvelle génération de combattants, non seulement en Italie mais également sur le plan international.


    1. Gwyn A Williams, Proletarian Order, Pluto Press,1975 p238
    2. Paolo Spriano, The Occupation of the Factories, Pluto Press, 1975 p72
    3. Paolo Spriano op cit p56
    4. Gwyn A Williams op cit p257
    5. Lev Trotsky, Scritti sull’Italia, Controcorrente, 1990 p29
    6. Paolo Spriano op cit p34
    7. Gwyn A Williams op cit p251
    8. Paolo Spriano op cit p93
    9. Gwyn A Williams op cit p256
    10. Leon Trotsky, History of the Russian Revolution, volume three, chapter six, The Art of Insurrection
    11. Paolo Spriano op cit p90
    12. Gwyn A Williams op cit p258
    13. Paolo Spriano op cit p93
    14. Gwyn A Williams op cit p267
    15. Paolo Spriano op cit p110
  • Une année 2011 turbulente

    Cette année 2011 a été marquée par une crise intense et de plus en plus profonde des structures économiques et sociales du capitalisme européen. En Irlande, les manifestations de cette situation sont extrêmement dramatiques. Dans cet article, Joe Higgins, élu de notre parti-frère le Socialist Party au Parlement irlandais, commente l’année écoulée et les perspectives pour celle à venir.

    Par Joe Higgins, parlementaire du Socialist Party (CIO-Irlande)

    Nous avons vu durant cette année une scène internationale secouée dans son ensemble par la mobilisation héroïque et répétées de millions de travailleurs, de paysans et de pauvres visant à renverser les dictatures brutales du Moyen Orient et d’Afrique du Nord. C’est un processus compliqué, bien sûr, avec les masses aspirant à une vie meilleure par l’obtention de droits démocratiques et le respect des droits de l’homme, de leur dignité et de leur droit à avoir un emploi, tandis que les anciennes élites et le sommet des forces armées tentent de se construire une nouvelle image de ‘‘démocrates’’ pour mieux s’accrocher à leurs richesses et leurs privilèges, au détriment des intérêts de la majorité.

    Les masses, de façon on ne peut plus compréhensible, entrent dans l’action révolutionnaire avec une haine extrêmement palpable de l’ordre ancien qui les a froidement brutalisé, et sans nécessairement avoir une vue exacte du système qui constituerait une véritable alternative démocratique garantissant le partage des richesses jusqu’ici accaparées par les élites. C’est un débat qui va cependant s’intensifier à mesure que des alternatives radicales seront considérées comme nécessaires.

    Par une ironie des plus amères, alors que le peuple d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient lutte pour l’obtention de ses droits démocratiques contre des systèmes dictatoriaux, l’élite politique de la ‘‘démocratique’’ Union Européenne s’assure que le peuple européen devienne sujet d’une nouvelle dictature de plus en plus affirmée, celle de l’oligarchie bancaire et des spéculateurs des marchés financiers.

    Les gouvernements de Papademos en Grèce et de Monti en Italie, loin d’être composés de technocrates désintéressés, sont en réalité rempli de banquiers et de représentants des grandes entreprises. Leur objectif est d’instaurer une politique visant à sauver les fortunes des grands acteurs des marchés financiers. Ils sont là pour s’assurer que les milliards avec lesquels ces rapaces ont joué soient repayés par la majorité de la population, ces 99% dont les conditions de vie et l’accès aux services publics sont détruits dans ce processus.

    ‘‘Les marchés sont endormis, mais pas pour longtemps…’’ a été le titre de bien mauvais augure d’un éditorial du Daily Mail, qui avertit que ‘‘dans les semaines à venir, ces marchés vont à nouveau bander leurs muscles’’. L’image évoquée est celle d’un peuple primitif terrorisé par un ogre vorace qui, s’étant gorgé du sang de victimes innocentes, se retire dans sa tanière et tombe dans un sommeil repu tandis que les survivants attendent dans la terreur son réveil et les conséquences de son inépuisable soif de sang.

    La question qui frappe l’esprit est la suivante : pourquoi donc la majeure partie des médias font fidèlement rapport de cette situation, sans condamner le moins du monde ce règne de la terreur. Loin de contester cette moralité, les médias spéculent sur ce qui doit être fait pour satisfaire la bête et pour accabler les victimes – les travailleurs et leurs organisations syndicales et sociales – qui osent se soulever et résister à ses incessantes exigences.

    La majeure partie des médias est bien entendu elle-même un instrument des marchés, une créature servile qui a encouragé en Irlande le développement de la bulle immobilière ainsi que l’avidité vorace des promoteurs et des banquiers, avec des conséquences très désastreuses pour la société. Voilà pourquoi, face à la colère de leur lectorat, les médias peuvent diaboliser certains excès parmi les plus évidents, mais sans jamais admettre leur propre culpabilité. Dans les temps à venir, les gens considèreront très clairement que cette frénésie de profits des marchés financiers européens est profondément destructrice pour la société, et qu’une partie importante des médias a collaboré à ce développement.

    Le gouvernement du Fine Gael et du Parti Travailliste, installé au pouvoir depuis le mois de mars dernier, s’est avéré aussi lâche devant les exigences des marchés que tous leurs homologues de l’Union Européenne. Avant les élections, ces partis s’étaient engagés à opérer un changement révolutionnaire face à la politique menée précédemment par la coalition du Fianna Fail et du parti écologiste. Il devait y avoir de nombreuses mesures énergiques destinées à lutter contre le chômage et visant à aider concrètement le plus grand nombre de personnes face au paiement d’hypothèques insoutenables.

    Au lieu de cela, nous assistons à une capitulation servile devant les diktats du Fonds Monétaire International, de l’Union Européenne et de la Banque Centrale Européenne. La population irlandaise devrait se retrouver à payer pour le sauvetage des grandes institutions financières européennes et pour les conséquences de leurs actions sauvages dans le cadre de la bulle immobilière irlandaise. Elle devrait faire le sacrifice de ses soins de santé et de son enseignement alors que de nombreux jeunes gens fuient le pays ou sont confrontés au chômage. C’est une politique qui trouvera face à elle une résistance acharnée pour l’année à venir.

  • Indignés belges, comment continuer ?

    Partout sur terre, le mouvement des indignés s’est levé contre la dictature des banquiers et des politiciens. En Espagne, en Grèce et au Portugal, le mouvement a rapidement pris un poids de masse. Aux Etats-Unis et en Israël, les mouvements Occupy sont plus restreints mais restent massivement soutenus dans la population (60% de soutien à ‘‘Occupy Wall Street’’). Et chez nous ?

    Par Julien, responsable du travail Jeunes à Bruxelles

    En Belgique, les effets de la crise ne se sont pas encore totalement abattus sur les travailleurs. Il y avait encore jusqu’il y a peu une certaine croissance économique et nos politiciens ont mis bien du temps avant de trouver leur formule d’austérité pour satisfaire les marchés. Les actions contre l’austérité se sont faites attendre un moment dans notre pays et les Indignés belges se sont donc basés sur la solidarité internationale avec la Grèce et l’Espagne et sous l’inspiration des actions ‘‘Occupy’’ aux USA.

    En comparaison aux manifestations de masse que le Sud de l’Europe a connues, les actions en Belgique étaient limitées. Il n’était pas possible de mener un grand nombre d’actions, mais bien de poser les bases pour de futures actions de protestation, dans le contexte d’appels internationaux mais aussi en réaction à des thèmes nationaux. En ce sens, les protestations syndicales contre l’austérité livrent une excellente opportunité pour le mouvement.

    Avec EGA et le PSL, nous voulons tirer l’expérience des pays en lutte afin d’organiser la résistance ici même. En Belgique aussi, le slogan ‘‘ce gouvernement ne nous représente pas’’ prend tout son sens. L’idée des Indignés belges est d’aller manifester sous ce slogan le jour de la formation du gouvernement (et donc du début de l’austérité) avec le slogan ‘‘Nous ne payerons pas 11 milliards pour les banques’’, ce qui pourrait trouver un large écho auprès des travailleurs.

    En Grèce et en Italie, la dictature des marchés a maintenant un visage : celui de Papademos et de Monti. Alors que, le 17 novembre dernier, les Grecs commémoraient le 38e anniversaire de la lutte contre la dictature des colonels, Papandemos a fait monter l’extrême-droite au gouvernement quelques jours avant. Voici tout ce que la démocratie bourgeoise a à offrir aux travailleurs : misère, répression et austérité. Il faut en finir avec ce système et imposer notre démocratie avec des assemblées générales, des comités de quartier, d’entreprise ou d’école, coordonnés par des représentants démocratiquement élus, révocables à tout moment et sans privilèges. De tels instruments sont les embryons d’une future société réellement démocratique.

    Pour les 99%, les limites du capitalisme sont claires et proches, mais les dépasser ne sera possible que par une lutte résolue avec un plan d’action combatif contre l’austérité. Malheureusement, la bureaucratie syndicale joue le rôle de frein dans plusieurs pays. Les indignés doivent s’orienter vers la base des syndicats afin de construire la lutte au-delà des sommets syndicaux, trop proches des politiciens traditionnels.

    Nous pensons que la lutte nécessite son expression politique. Sans alternative à proposer, l’anticapitalisme ne peut progresser. Dans le mouvement des Indignés, nous soutenons l’unité dans l’action et la diversité de pensée pour stimuler le débat sur le changement de société. Les idées antipartis sont compréhensibles vis-à-vis des partis bourgeois. Mais nous pensons qu’un parti révolutionnaire n’a rien à voir avec ces vulgaires machines électorales.

    Les marchés et les patrons ont leurs partis: le PS, la N-VA, ECOLO, CD&V,… Contre les partis de la bourgeoisie, il est nécessaire de construire un parti des travailleurs, un parti des 99% de travailleurs, d’allocataires, de jeunes,… Nous voulons construire un tel outil. Comme les travailleurs l’ont démontré à maintes reprises dans le passé, unis, rien ne leur résiste! Un tel parti, contrôlé par les travailleurs et soumis à leur démocratie est la meilleure arme de lutte pour construire une démocratie réelle, une société socialiste démocratique.

  • Pour une grève générale européenne contre la dictature des marchés – Nous voulons décider ! A bas les régimes technocratiques !

    A quelques jours d’intervalle, des technocrates sont arrivés à la tête des gouvernements d’Italie et de Grèce, avec l’argument que ces éminents personnages seraient ‘‘au-dessus des considérations politiciennes’’ pour prendre des mesures destinées à préserver le ‘‘bien commun’’. Un mensonge ridicule et surtout bien incapable de masquer la réalité : ces financiers de haut vol ont été propulsés au pouvoir afin d’assurer que la population paie le coût de la crise au prix fort et que l’avidité des vautours capitalistes soit satisfaite.

    Par Nicolas Croes

    Quell e est cette caricature de démocratie ?

    ‘‘Wall Street a deux partis, nous avons besoin du nôtre’’ défendent nos camarades américains de Socialist Alternative aux USA, une question cruciale aux quatre coins du globe. Mais si les sommets syndicaux peinent à rompre fermement leurs liens avec des partis traditionnels du type du PS, nous ne pouvons qu’être frappés par la rapidité à laquelle les marchés règlent cette question. Pour eux, Silvio Berlusconi et George Papandréou n’étaient plus les hommes de la situation. Les marchés ont donc ‘‘voté’’ à leur manière, avec l’envolée des taux d’intérêt de la dette, et les parlementaires se sont très docilement pliés à ce choix : ils ont soutenu l’arrivée antidémocratique de gouvernements de banquiers.

    Mario Monti est l’ancien commissaire européen à la concurrence, également ancien président ou membre dirigeant de différents groupes de pression néolibéraux (dont le fameux Groupe de Bildeberg) et jusqu’à tout récemment il était encore conseiller pour le géant bancaire Golman Sachs. Son gouvernement comprend notamment le patron de la seconde banque du pays (Intesa Sanpaolo) au poste de ministre du Développement économique, des Infrastructures et des Transports.

    En Grèce, Lucas Papadémos est l’ancien vice-président de la Banque Centrale Européenne. Son gouvernement est une alliance qui regroupe le PASOK (équivalent local du PS), la Nouvelle démocratie (droite officielle) et enfin le parti d’extrême-droite l’Alerte populaire orthodoxe (LAOS). C’est la première fois depuis 1974 (c’est-àdire la fin de la dictature des colonels) que l’extrême-droite entre au gouvernement grec. Voilà donc les ‘‘hommes de la situation’’.

    Ce nouveau développement politique de la crise économique illustre la gravité de cette crise pour la classe capitaliste ainsi que sa panique. Avec l’aide de la troïka – Fonds Monétaire International (FMI), Union Européenne et Banque Centrale Européenne – les marchés ont balayé le suffrage universel pour placer directement leurs propres pions et assurer ainsi que l’austérité soit promptement appliquée. Cette menace pèse sur tous les pays.

    Pour une grève générale européenne !

    Face à la crise de l’euro, le danger du développement d’un repli nationaliste, même ‘‘de gauche’’, existe. Nous devons défendre nos droits sociaux durement acquis contre les prédateurs capitalistes internationaux, c’est vrai, mais aussi nationaux. Ainsi, nous nous sommes toujours opposés à l’Union Européenne du capital, mais sans pour cela tomber dans le piège du nationalisme. C’est en ce sens que nos sectionssoeurs en Irlande et en France avaient mené campagne contre la Constitution Européenne et le Traité de Lisbonne qui lui a succédé, mais sur base d’un programme de lutte pour défendre tous les acquis sociaux et propager l’idée d’une Fédération socialiste européenne.

    Divisés, nous sommes faibles. Opposons à la dictature des marchés une résistance internationale. C’est tout à fait possible. La volonté de lutter contre l’austérité ne manque pas. En France, les syndicats appellent à une journée de mobilisation pour le 13 décembre. En Grande Bretagne, une grève générale d’ampleur historique a frappé les services publics le 30 novembre. Le Portugal (le 24 novembre), l’Italie (le 6 septembre) et l’Espagne (le 6 décembre également) ont connu des grèves générales et la Grèce a déjà une bonne douzaine de grèves générales derrière elle. Qu’attend-on encore pour unifier la résistance ?

    Le 7 décembre, la Fédération Européenne des Métallos a appelé à une grève européenne sur tous les sites d’ArcelorMittal, sur base directe de l’annonce de la fermeture de la phase à chaud liégeoise, mais aussi pour répondre aux menaces diverses dans tous les sites de la multinationale. Cet exemple doit être suivi et développé. Il est grand temps de nous diriger vers une journée de grève générale européenne, première étape d’un plan d’action européen contre l’austérité capitaliste.

    L’une des revendications les plus cruciales de ce plan d’action devrait être d’assurer que les travailleurs et leurs familles puissent avoir le contrôle des décisions économiques prises dans leurs pays, par la nationalisation des secteurs clés de l’économie (énergie, sidérurgie, finance,…) sous le contrôle démocratique des travailleurs. La démocratie réelle passe par le contrôle de l’économie et le renversement du chaos capitaliste, par l’instauration d’une production démocratiquement planifiée.

  • De l’occupation de places à l’occupation d’entreprises !

    Quelles méthodes pour les 99%?

    Au cours de cette année 2011, nous avons vu croître la résistance contre l’austérité, et les mobilisations ont gagné en ampleur à travers le monde. Avec le rejet croissant du capitalisme, la question de l’alternative à défendre et de la façon d’y parvenir devient de plus en plus aigüe. En Tunisie, en Egypte, en Espagne, en Grèce, aux Etats-Unis et ailleurs s’est imposée la tactique de l’occupation des places. Elle a joué un rôle important, tant pour rendre le mécontentement visible que pour offrir un point de rassemblement afin de discuter largement de la poursuite du mouvement en Assemblée populaires. Comment aller de l’avant ?

    Par Nicolas Croes

    Partout où ils sont présents, les partisans du Comité pour une Internationale Ouvrière, dont le PSL est la section belge, préconisent de s’orienter vers le mouvement organisé des travailleurs, c’est-à-dire vers ceux qui produisent les richesses dans la société sans pour autant avoir le moindre mot à dire sur la manière dont cette production est gérée. Comme nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises dans les pages de ce journal, ce n’est nullement un hasard si les grèves générales ont été décisives pour renverser Ben Ali en Tunisie et Moubarak en Egypte.

    Cette orientation vers les travailleurs et la base syndicale, qui n’était pas claire au début du mouvement en Espagne, par exemple, s’est par la suite développée peu à peu. Cela a notamment été illustré par cet appel à la grève générale lancé par les activistes d’Occupy Oakland aux Etats-Unis le 2 novembre dernier. Même s’il ne s’agissait pas d’une véritable grève générale, cet appel a trouvé écho auprès de la base syndicale, dont de nombreux militants ont participé à la mobilisation de 20.000 personnes qui a bloqué le port de la ville. La méthode d’action retenue à chaque étape d’un mouvement doit être celle qui mobilise les couches les plus larges de travailleurs et force est de constater que, sur base de l’expérience de ces derniers mois, ce qui a le mieux fonctionné, ce sont des revendications claires centrées sur le quotidien des masses, heurté de plein fouet par l’austérité, en combinaisons d’actions de masses radicales.

    En Espagne ou encore aux USA, nous défendons que les différentes Assemblées populaires soient reliées les unes aux autres par l’élection démocratique de représentants, afin de coordonner démocratiquement les actions aux niveaux local et national. Mais nous pensons également qu’il est crucial de développer ces assemblées générales sur les lieux de travail eux-mêmes, et d’amener très concrètement la question de la démocratie syndicale. Pourquoi d’ailleurs, là où la situation le permet, ne pas passer de l’occupation de places et de lieux symboliques à l’occupation d’entreprises ? Pourquoi ne pas envisager de préparer l’occupation du cœur même de la structure du capitalisme ?

    Les 99% contre les 1%

    Dans le cas de menace de fermetures ou de licenciements, cette question de l’occupation se pose très concrètement. C’est une méthode que nous défendons d’ailleurs dans la lutte des travailleurs d’ArcelorMittal contre la fermeture de la phase à chaud liégeoise, en tant que première étape vers l’expropriation de la sidérurgie et sa nationalisation sous le contrôle démocratique des travailleurs.

    Depuis que cette crise économique a éclaté, plusieurs usines ont été occupées pour lutter contre des restructurations (Republic Windows à Chicago en 2008, Visteon en Angleterre et en Irlande du Nord en 2009, Waterford Chrystal en Irlande en 2009, INNSE en Italie en 2009,…) A différents moments de l’histoire des luttes d’ailleurs, comme dans les années ’30 ou ‘70, de véritables vagues d’occupations d’usines ont déferlé, causant une peur panique au Capital. En France, l’occupation de l’usine de montres LIP, en 1973, a profondément marqué les esprits : les travailleurs en étaient venus à vendre eux-mêmes leur production.

    Une occupation instaure une double pression sur le patronat. Tout d’abord, il est privé de son profit, puisque la grève a stoppé la production. Ensuite, et c’est fondamental, cela pose la question de la propriété des moyens de production : qui dirige l’entreprise ? Les travailleurs sont responsables du fonctionnement quotidien de l’entreprise et de la création de richesses, mais ils n’ont rien à dire sur l’organisation de la production et son orientation. Voilà ce qui se situe au cœur de la lutte des ‘‘99% contre les 1%’’ : le patron a besoin de travailleurs, les travailleurs n’ont pas besoin de patrons.

    Pour la démocratie réelle dans l’entreprise

    Toute lutte a besoin de construire un rapport de forces qui lui est favorable, d’impliquer un maximum de travailleurs dans l’action ainsi que d’assurer une solidarité maximale dans les autres entreprises et au sein de la population. Tout comme cela a été le cas sur les différentes places occupées, une entreprise occupée permet de développer une discussion large entre tous les travailleurs avec des Assemblées générales capables d’éviter les tensions et divisions entre syndicats, entre ouvriers et employés,… tout en constituant un lieu d’information et de débat permanent pour accueillir chaque personne voulant aider la lutte. Une structure unifiée de direction pour la lutte est un élément crucial pour empêcher les patrons et les autorités de l’Etat de venir jouer sur les différences existantes (entre contrat de travail, syndicats,…) pour semer le trouble et la division.

    Il est crucial qu’un comité de grève soit élu démocratiquement par l’Assemblée générale des travailleurs et qu’il jouisse de tout son soutien, avec notamment l’assurance de pouvoir révoquer des représentants élus à tout moment. Ce comité, responsable devant l’assemblée générale souveraine, doit organiser la lutte et la diffusion maximale de l’information, avec pour principal objectif d’impliquer chaque travailleur dans le travail à effectuer et dans la prise de décision. Ce travail d’organisation est une tâche titanesque et, tout comme cela est le cas sur les places occupées, il faut développer des commissions spécifiques.

    Il n’en est pas allé autrement dans les différentes commissions des Assemblées Populaires des Indignés. Ainsi, en Espagne par exemple, on trouvait des commissions très pratiques (cuisines, santé, traduction, informations,…) mais aussi des commissions ‘‘grève générale’’ chargée d’organiser l’agitation autour de cette idée vers la base syndicale, ‘‘femmes’’ pour aborder la thématique de l’oppression des femmes, ‘‘immigrés’’,… Ces commissions ont réellement constitué des espaces de formation politique pour tous ceux qui s’y sont impliqués. Face à un comité de grève élu et révocable, cette formation permet de construire la confiance de la base des travailleurs et d’assurer qu’elle reste réellement aux commandes de sa lutte.

    Lors de différentes occupations, on a aussi vu d’autres mesures de contrôle sur les responsables élus se développer, comme de retransmettre par haut-parleur les négociations entre responsables du comité de grève et représentants patronaux afin d’éviter tout marchandage secret. Quand nous parlons de démocratie réelle, c’est de cela dont nous parlons : d’une structure où chaque représentant est constamment soumis à l’autorité de sa base.

    Enfin, en déplaçant le centre de la résistance contre l’austérité dans les entreprises, on rend beaucoup plus difficile le travail de la répression. Il est beaucoup plus malaisé d’encercler et de réprimer un mouvement retranché dans une usine qui lui est familière, où les outils peuvent aussi servir de moyen de défense. Dans le mouvement ouvrier belge, le souvenir de la lutte des métallos de Clabecq en 1996-97 est encore vivace, avec leurs assemblées générales régulières, mais aussi cette fois mémorable où les grévistes étaient sortis de leur usine avec des bulldozers. Un barrage policier avait – brièvement – tenter de bloquer le trajet de la manifestation qu’ils avaient pourtant négocié…

    Double pouvoir

    De telles méthodes ne servent pas seulement à travailler au renversement de la société capitaliste. Une nouvelle société est en germe dans ces luttes. Les comités de lutte démocratiques et les Assemblées générales sont les embryons de cette future société où les 99% de la population auront leur mot à dire sur ce qui est produit, comment il est produit et comment il est distribué, grâce à une économie démocratiquement planifiée, basée sur la collectivisation des secteurs-clés de l’économie.

    A mesure que la lutte gagnera de l’ampleur et se généralisera, les tâches de ces comités et assemblées se développeront au point de concurrencer le pouvoir de l’Etat capitaliste et de sa démocratie fantoche. Cette situation de double pouvoir sera un moment crucial, où le mouvement aura besoin d’une direction révolutionnaire hardie et reconnue par les masses, qui pourra lancer les mots d’ordres cruciaux pour éviter de sombrer dans le statu-quo et assurer que les travailleurs, les pauvres et les jeunes puissent arracher le contrôle de la société. Dans une telle période de crise révolutionnaire, un parti comme le PSL sera crucial.

  • Femmes et homos : notre corps nous appartient !

    Contre le racisme, le sexisme, l’homophobie, l’intégrisme

    Aujourd’hui, les intégristes religieux remettent à nouveau en question le droit à l’avortement : ils s’installent devant les centres d’IVG aux quatres coins de la Belgique, brandissent des posters géants de foetus et culpabilisent les femmes en disant qu’ «elles tuent des vies humaines» ! Femmes et homos, nous avons les mêmes ennemis !

    Tract de la commission LGBT du PSL

    • Rubrique LGBT de socialisme.be

    Ces intégristes sont souvent accompagnés de l’extrême droite puisque cette dernière partage une bonne partie de leur corpus idéologique. Nous devons être clairs. Un avortement reste une expérience pénible, mais ce qu’il faut, c’est davantage de moyens pour informer les gens sur l’usage des contraceptifs : préservatifs, pilules… Mais à l’heure actuelle, le gouvernement Di Rupo Ier fait tout le contraire en diminuant drastiquement les dépenses dans les soins de santé, ainsi que dans l’éducation.

    Par ailleurs, ceux-là même qui attaquent aujourd’hui les droits des femmes sont les premiers à attaquer les droits des LGBT. En Europe, les quatre derniers pays qui interdisent le droit à l’avortement (Italie, Irlande, Pologne et Chypres) sont les mêmes pays qui répriment les droits des LGBT.

    En Italie

    Pour Berlusconi, «il vaut mieux payer pour coucher avec des mineures que d’être gay» dans un pays où les agressions physiques contre les gays sont quotidiennes.

    En Pologne

    Pour le président polonais Kazinsky, «les homosexuels sont tous des pervers». C’est aussi le premier président à avoir interdit à nouveau l’avortement en Pologne.

    En Irlande

    Pour Iris Robinson, présidente de la commission santé du parlement irlandais, «l’homosexualité me donne la nausée, c’est répugnant. Il est nécessaire de proposer une cure de conversion aux homos».

    A Chypre

    «L’homosexualité est une invention dégoûtante, un nouveau crime insupportable » selon l’influent Monseigneur Chrysostomos, alors que Chypres connait déjà une interdiction totale de l’homosexualité.

    Femmes, homos : même combat !

    Saviez-vous que l’histoire du mouvement lesbien, gay, bi, trans (LGBT) s’inscrit dans celle des mobilisations féministes ? En effet, depuis le début du mouvement de libération des femmes, les LGBT se battent côte à côte avec les féministes. La légalisation de la contraception et de l’avortement, acquise de hautes luttes par les féministes et le mouvement social des années 60 à 80, a considérablement contribué à l’émancipation des femmes. Ce combat a ainsi oeuvré à l’ouverture des moeurs et à la remise en cause d’un ordre moral visant à enfermer la sexualité dans une définition «reproductive ». Il faut continuer à défendre le droit à l’IVG pour toutes et promouvoir des campagnes d’éducation aux différentes sexualités.

    Pour nous tous, femmes et homos, avec les hétéros, il est plus que jamais nécessaire de compter les uns sur les autres pour pouvoir conserver nos acquis et conquérir de nouvelles libertés. Ce n’est qu’un début, continuons le combat.

    • Maintien du droit à l’avortement : L’élargissement du délai légal, l’ouverture de nouveaux planning familiaux, gratuité des moyens de contraception et renforcement des cours d’éducation sexuelle à l’école.
    • Avoir un enfant n’est pas un luxe : Avoir un enfant ne doit pas être un sacrifice financier. Nous revendiquons des allocations familliales à la hauteur des besoins d’un enfant, ainsi que la garantie d’un logement et un revenu décent pour tous.
    • Avoir un enfant est un droit : Le droit à avoir des enfants doit aussi être défendu! Nous voulons davantage de moyen pour la recherche et le remboursement intégral de la procréation médicalement assistée et de la fécondation in vitro.
    • Nos corps nous appartiennent : Ouverture d’un débat autour de la gestation pour autrui hors du champs commercial.
  • En Bref…

    Cette rubrique est destinée à mettre en avant différents faits, citations, vidéos ou petites nouvelles particulièrement frappantes. Aujourd’hui, il est notamment question de l’impact de l’accord fédéral sur les chômeurs ou encore de divers économistes pour qui l’austérité n’est en aucun cas la solution.


    Di Rupo 1er et les chômeurs

    La FGTB vient de publier des chiffres issus de leur estimation de l’impact de l’accord gouvernemental sur les chômeurs. Selon le syndicat, pas moins de 24.000 sans-emplois seraient exclus des allocations de chômage dès avril 2012, dont 17.000 uniquement en Wallonie. Les 80.000 militants qui se sont retrouvés dans la rue ce 2 décembre avaient bien raison: il faut résister contre le gouvernement ”papillon”, ce gouvernement d’austérité !


    ”Un «socialiste» au «16», le socialisme au tapis”

    C’est le titre de l’édito de ce 9 décembre de Nico Cué, président des métallos Wallonie-Bruxelles de la FGTB. Il déclare notamment : ”Depuis sa note de l’été dernier, Elio Di Rupo n’a cessé de reculer. Son parti se présente comme un bouclier pour les travailleurs. Il ressemble aux «tortues» des légions romaines dans Astérix. Sauf qu’ici, elles n’avancent pas, elles participent aux reculs des forces du travail. (…) A gauche, nous avons besoin d’une politique de gauche. Comme de pain. D’une gauche offensive. D’une gauche qui rende les coups plutôt que de les encaisser. D’une gauche qui fasse changer la peur de camp. D’une gauche qui permette enfin d’envisager pour nos enfants un avenir meilleur que leur présent.” Il a tout à fait raison. A quand la traduction concrète de ce constat, par un appel à la construction d’un nouveau parti des travailleurs ?


    ”Les politiques d’austérité ne résoudront pas la crise”

    Pour l’économiste américain Joseph Stiglitz, prix Nobel en 2001 et ancien vice-président de la Banque mondiale, les politiques d’austérité ne vont en rien résoudre la crise, ni aux Etats-Unis, ni en Europe. ”Les politiques d’ajustement aux Etats-Unis et en Europe ne résoudront pas la crise économique. Le déficit budgétaire n’est pas à l’origine de la crise, c’est au contraire la crise qui a causé le déficit budgétaire.”, a-t-il ainsi déclaré à l’occasion d’une conférence à l’Université d’État de Buenos Aires.


    De Grauwe et l’eurozone

    Le magazine flamand Humo a relayé les propos de l’économiste Paul De Grauwe, qui s’oppose aux politiques d’austérité menées dans les divers pays. L’économiste libéral n’est pas non plus des plus optimistes concernant l’avenir de la crise. ”Ce que je crains le plus, c’est une profonde récession qui conduit à une crise bancaire: c’est désormais une bombe à retardement. Avec une récession et une crise bancaire, nous serons coincés pour de nombreuses années, même si nous pouvons continuer à jouer avec l’eurozone. Mais le danger réside dans le fait que ce cocktail est très dangereux et que même cela peut s’effondrer. " Pour De Grauwe, un effondrement de la zone euro pourrait conduire à une plus petite union, centrée autour de l’Allemagne.


    Metallica: un "produit d’exportation américain"

    On avait visiblement tort de considérer que Metallica était un groupe dont l’activité est de faire de la musique… Selon le manager du groupe, Metallica est "un produit d’exportation comme, par exemple, Coca Cola." Il s’explique: "Nous recherchons les meilleurs marchés." Le manager poursuit en expliquant que la tournée européenne du groupe a été avancée "Dans les années à venir, le dollar va devenir plus fort et l’euro plus faible. J’ai donc insisté pour d’abord partir en tournée en Europe."


    24 milliards d’économies en Italie

    Le gouvernement italien non-élu dirigé par le technocrate Monti veut économiser 24 milliards d’euros, en s’attaquant notamment à l’âge du départ en pension. Alors qu’un jeune sur trois est sans emploi, les travailleurs âgés ne pourront prendre leur retraite qu’après 42 ans de travail. Ceux qui travailleront jusqu’à 70 ans pourront obtenir des avantages fiscaux. La sécurité sociale est également attaquée. Pour les riches, il n’y a par contre que de petites mesurettes toutes symboliques.


    Cartoon

    ”J’espère juste que l’on gardera tout cela sous contrôle après que la police ait découvert que nous volons leurs pensions.”

  • Est-ce la fin de l’Euro ?

    La décote de 50% des obligations du gouvernement grec ainsi que l’engagement d’une nouvelle aide d’urgence de 130 milliards € en échange d’un autre plan d’assainissements drastiques n’ont pas encore sauvé la Grèce d’une banqueroute imminente. Les pare-feux que l’on a voulu créer autour du pays afin de priver les marchés financiers de l’envie de spéculer sur les dettes des autres pays de la zone euro en installant un bazooka de 1.000 milliards € ne les a pas impressionné.

    Article tiré de l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste

    Depuis, tout ce qui a le potentiel de foirer le fait véritablement. Le technocrate grec Papadémos, le premier Premier ministre non-élu depuis la dictature des colonels imposé par l’Europe après la démission forcée de Papandréou, ne réussit pas à aligner sa coalition d’unité nationale. Les conservateurs de la Nouvelle Démocratie refusent d’accepter sa nouvelle austérité et veulent se rendre aux urnes au plus vite. Par conséquent, l’Europe continue de bloquer les 8 prochains milliards € d’aides en urgence. D’ailleurs, le risque d’aller en défaut de paiement continue pour décembre.

    Par ailleurs, l’effet de levier placé sur le fond européen d’urgence n’a rien ébranlé. Papandreou avait à peine été renvoyé que le clown d’Italie, Berlusconi, était également évincé avec toute sa clique. Mais rien de cela n’a fonctionné non plus. En réalité, la démocratie est un luxe que l’Europe ne se permet que lorsque ses intérêts ne sont pas en jeu. L’annonce d’une révision du traité de l’UE par la France et l’Allemagne avec, pour la première fois, une clause destinée à pouvoir éjecter des pays de la zone euro, est revenue à jeter de l’huile sur le feu. Mais cette option est visiblement considérée dans ces 2 pays.

    Il n’en fallait pas plus aux investisseurs pour déverser des obligations européennes. Des obligations italiennes et espagnoles, mais aussi belges, françaises et même hollandaises, autrichiennes et finlandaises. De plus, les obligations allemandes n’en profitent plus. Cela peut indiquer que les marchés financiers abandonnent l’Euro. En théorie, la zone euro a encore les moyens de se défendre, mais des obligations européennes et une intervention de la Banque Centrale Européenne (BCE) signifieraient que l’Allemagne se défasse de sa politique monétaire. François Baroin, ministre français des Finances, suggère de contourner cela en donnant une licence bancaire au fonds d’urgence qui pourrait alors emprunter de façon illimitée à la BCE.

    Il n’est pas exclu que des échappatoires techniques soient trouvées pour repousser l’éclatement de la zone euro, mais cet éclatement est justement inévitable, bien qu’il ne soit pas possible de revenir à la situation exacte d’avant l’introduction de l’euro. L’Euro partagerait ainsi un sort identique à ses prédécesseurs. D’ailleurs, l’idée que la monnaie européenne est la première en son genre est un mensonge. Déjà en 1866, l’Union Monétaire Latine a été créée et a duré près de 50 ans jusqu’en 1914. Elle n’a été officiellement dissoute qu’en 1927. La Belgique, la France, la Suisse et l’Italie en étaient les membres fondateurs, rejoints ensuite par l’Espagne la Grèce et plus tard par la Roumanie, la Bulgarie, la Serbie, Saint-Marin et… le Venezuela. Mais cela aussi, c’est de l’histoire ancienne.

  • Du métal, pas de Mittal !

    Nationalisation de la sidérurgie sous le contrôle des travailleurs, sans rachat, ni indemnité!

    Le 26 octobre dernier, nous étions 10.000 à avoir occupé une matinée le centre-ville de Seraing contre l’annonce de la fermeture de la phase à chaud. Et combien de dizaines de milliers ce mercredi encore dans les rues de la Cité Ardente ? ‘‘Si Mittal décide de nous traiter comme de la merde, qu’il dégage ! Nous, on se battra pour reprendre notre avenir en main. On n’est pas condamnés à se laisser dépouiller par les financiers et les actionnaires’’ a déclaré la délégation FGTB d’ArcelorMittal à Liège. Reste maintenant à concrétiser tout ça !

    Tract du PSL. PDF

    De l’occupation de places à l’occupation de l’outil

    Les syndicats revendiquent la nationalisation de l’outil, et ils ont raison. Nous voulons participer à ce débat et défendre plus particulièrement la nationalisation du secteur sidérurgique entier, sans rachat ni indemnités, sous le contrôle démocratique des travailleurs et de la collectivité. Les métallos connaissent parfaitement leurs entreprises ainsi que les compétences et qualifications qui sont les leurs, ils peuvent aussi tous témoigner de la gestion aberrante et chaotique qui prévaut actuellement sous le règne de la logique de profit.

    ArcelorMittal n’est pas un évènement isolé. Partout dans le monde, les travailleurs et les jeunes entrent en résistance contre ce système de profits. Ils ont notamment occupé les grandes places, en les gérant par des assemblées générales. Pourquoi – après l’occupation des places en Tunisie, en Égypte, en Espagne, en Grèce ou aux États-Unis – ne pas commencer à occuper notre entreprise et déplacer ainsi la lutte au cœur même de l’économie et des moyens de production ? Ce serait la meilleure manière d’offrir un espace où discuter, en assemblées générales souveraines, de l’organisation du combat, de l’élection démocratique d’un comité de lutte, de l’organisation d’une solidarité active dans les autres entreprises et dans les quartiers,… Ce serait encore un excellent premier pas pour assurer que les travailleurs restent ensuite au contrôle de leur entreprise, expropriée et nationalisée. Imaginons aussi l’impact proprement gigantesque qu’aurait une telle méthode sur les luttes de tous les pays et dans les discussions sur la manière de renverser le capitalisme et de le remplacer par le socialisme démocratique !

    Résistance internationale !

    La Fédération européenne des sidérurgistes (la FEM) a appelé tous les travailleurs d’ArcelorMittal et de ses sous-traitants à faire grève ce 7 décembre, partout en Europe. C’est un appel historique, qui montre clairement la voie à suivre.

    Partout, les travailleurs et leurs familles font face à des attaques gigantesques, dans leurs entreprises ou sous les coups des gouvernements comme l’illustre ce nouveau plan d’austérité monstrueux (24 milliards d’euros !) en Italie. Pour tous les secteurs, cet appel de la FEM est un exemple à énergiquement utiliser pour défendre l’organisation d’une grève générale européenne de 24 heures.

    Un outil politique pour les travailleurs !

    Vendredi dernier, 80.000 personnes étaient dans la rue contre l’austérité et les projets du gouvernement. Ce que prépare Di Rupo 1er n’est rien de moins que la plus grande attaque contre les travailleurs de toute l’histoire du pays, et nous savons tous que ce n’est que le début d’une avalanche d’austérité. Que peut-on encore attendre d’un parti comme le PS, dont les fédérations ont approuvé ce week-end à la quasi-unanimité l’accord gouvernemental fédéral et la participation du PS à la tête de l’austérité ? Qu’est ce que ça vaut encore un parti ‘‘de gauche’’ qui applique une politique de droite ? Plan Global, déduction des intérêts notionnels, Pacte des Générations, ‘‘chasse aux chômeurs’’, sous-financement de l’enseignement,… la droite aurait eu bien plus de mal si le PS s’était trouvé dans la rue à organiser la lutte plutôt qu’à appliquer ces politiques aux Parlements et aux gouvernements !

    La ‘‘politique du moindre mal’’ a constitué la meilleure façon d’instaurer des mesures néolibérales par la manière ‘‘douce’’. C’est sur cette base que le SP.a n’attire déjà plus que 13% des voix en Flandre. La gauche officielle y a pratiquement disparu de la scène politique, et le vote anti-establishment s’exprime maintenant avec Bart De Wever. A-t-on vraiment envie que cette situation s’étende à tout le pays ?

    Il faut rompre tous les liens qui unissent les syndicats aux divers partis traditionnels MAINTENANT ! Combien de trahisons encore avant qu’une partie conséquente des militants syndicaux refuse enfin de continuer à se battre une main liée au dos ? Les métallos ont la capacité de se mettre à l’avant de cette lutte, ils l’ont déjà démontré à de nombreuses reprises. Ils peuvent entraîner la toute la société derrière eux, avec un bon plan d’action qui assure une ‘‘année chaude’’ (comme avec la proposition de Nico Cué d’un plan de grèves générales de 24 heures en janvier, de 48 heures en avril et de 72 heures en juin) mais aussi avec un appel à construire un nouveau parti large, POUR et PAR les travailleurs.

    En Flandre, c’est dans cet esprit que le PSL participe à la construction de Rood !, une nouvelle initiative politique autour d’Erik De Bruyn, l’ancien candidat à la présidence du SP.a, qui vient de quitter ce parti tourné depuis des années vers le libéralisme et la casse des acquis des travailleurs.

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