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  • Grèce : La zone euro économiquement et politiquement ébranlée

    Depuis 2008, dix gouvernements ont été renversés par rejet des politiques d’austérité. La Grèce a vécu une série continue de grèves dans le secteur public, de grèves générales, de protestations et d’émeutes. Aujourd’hui, beaucoup de dirigeants européens craignent la possible victoire, le 17 juin, d’un gouvernement grec anti-austérité emmené par Syriza, ce qui pourrait conduire la Grèce à sortir de la zone euro, avec des répercutions incalculables.

    Par Lynn Walsh, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    Avant les élections déjà, nous avions assisté à une course folle vers les banques grecques pour y retirer tous le cash ou le transférer vers d’autres pays plus stables de la zone euro. Actuellement, le système bancaire grec est renforcé de 96 milliards d’euros "d’aide de liquidité de secours" de la Banque Centrale grecque, soutenue par la BCE (Banque Centrale Européenne). Mais plus de 75 milliards d’euros ont été retirés des banques grecques depuis décembre 2009. De plus, les dirigeants de l’eurozone craignent le danger d’une "contagion", c’est-à-dire un scénario similaire de fuite de capitaux des banques espagnoles, italiennes, portugaises,…

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    MEETINGS : Pour une alternative à l’austérité en Europe socialiste !

    Une autre politique est-elle possible en Europe ? Nous le pensons. Fin juin, nous organisons d’ailleurs des meetings à ce sujet à Bruxelles, Anvers et Gand. Ces soirées seront d’importants échanges d’expériences, tant de Belgique que de l’étranger. Une semaine à peine après les élections grecques, nous accueillerons un orateur de Syriza qui abordera la possibilité d’une politique de gauche au pouvoir en Grèce. Nous accueillerons également Tony Mulhearn qui, dans les années ’80, a activement participé à la politique réellement socialiste menée dans cette ville. Dernièrement, il a remporté 5% aux élections locales élisant le bourgmestre de la ville.

    Bruxelles Mercredi 20 juin, 19h30: Meeting organisé par Alternatives à Bruxelles & ‘‘Reprenons nos Communes’’ avec Paul Murphy (député européen membre du Socialist Party irlandais), Tony Mulhearn (TUSC, Angleterre), Charlotte Balavoine (Front de Gauche, France), Anja Deschoemacker (‘Reprenons nos communes’), Stephen Bouquin (Rood!) et un représentant de Syriza (Grèce). Au Garcia Lorca, 47/49, Rue des Foulons 1000 Bruxelles

    Anvers Jeudi 21 juin, 20h : Meeting avec Erik De Bruyn (Rood!), Tony Mulhearn et un orateur de Syriza. Salle Elcker-Ik (Breughelstraat 31- 33, 2018 Anvers).

    Gand Samedi 23 juin, 18h : Fête de Rood! Dans le bâtiment de la FGTB Ons Huis (Meersenierstraat, Vrijdagmarkt) avec Tony Mulhearn, un orateur de Syriza, Erik De Bruyn et Bart Vandersteene (tête de liste de Rood! à Gand).

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    Il n’y a plus de tabous. Bien que des dirigeants de la zone euro, dont l’Allemande Angela Merkel, proclament qu’ils considèrent la Grèce comme un membre permanent de la zone, des préparatifs prennent place au cas d’un départ de la Grèce. Cela a même été récemment admis par le commissaire européen au commerce, Karel de Gucht : "aujourd’hui il y a, tant dans la Banque Centrale Européenne que dans la Commission Européenne, des services qui s’activent sur des scénarios de secours dans le cas où la Grèce ne s’en charge pas." (International Herald Tribune, 19 mai).

    Certains rapports affirment que des nouveaux billets de drachmes ont déjà commencé à être réimprimés. Les multinationales retirent leurs dépôts des banques grecques et, plus que probablement, il en ira de même avec l’Espagne et les autres systèmes bancaires chancelants. L’euro est aux prises avec une spirale mortelle qui pourrait avoir des effets dévastateurs sur l’économie capitaliste mondiale. Aucun des dirigeants capitalistes ne désire de désintégration chaotique de la zone euro, mais personne parmi eux ne dispose de politique capable de résoudre la crise.

    Selon des sondages d’opinion, Syriza pourrait émerger des élections du 17 juin comme le plus grand parti. Son leader, Alexis Tsipras, a très correctement décrit la Grèce comme "un enfer social" où les travailleurs et des grandes sections de la classe moyenne ont été soumis à des mesures de rigueur barbares. Tsipras a, correctement à nouveau, rejeté le paquet d’austérité de la Troïka – la Banque centrale européenne, la Commission européenne et le Fonds monétaire international – et a désavoué le paiement de dettes insupportables, énormément gonflées par des prêts de Troïka pour renflouer les banques.

    Le rejet du paquet ‘d’aide’ de la Troïka, cependant, conduirait à l’expulsion de la Grèce de la zone euro. Sous pression du président américain, Barack Obama, et de François Hollande, récemment élu président de la République française, Angela Merkel a adouci son ton, concédant que l’Allemagne pourrait envisager quelques mesures destinées à stimuler la croissance, bien que rien de précis n’ait été dévoilé à ce sujet. Mais elle a tout de même tenu à clairement spécifier que l’acceptation du paquet d’austérité est la condition préalable à toute nouvelle aide. Pourtant en réalité, de telles mesures de rigueur sauvages excluent l’arrivée d’un rétablissement économique.

    Quelle sortie pour la Grèce?

    Les dirigeants capitalistes européens luttent avec un certain nombre de scénarios : de nouvelles élections en Grèce pourraient (espèrent-ils) amener un gouvernement pro-austérité basé sur les conservateurs de la Nouvelle Démocratie. Ceci pourrait arriver sous l’impact de la campagne conjointe des dirigeants de la Nouvelle Démocratie et du Mouvement Socialiste Panhellénique (Pasok), avec les dirigeants de la zone euro, qui vise à faire de ces élections législatives un référendum concernant la présence de la Grèce dans la zone euro. Angela Merkel a même proposé un référendum dans une conversation téléphonique avec le président grec, Karolos Papoulias. Alors que le rejet des mesures d’austérité est massif, une grande majorité (80%) de la population reste favorable à l’euro. Cela reflète la crainte de la Grèce, un petit pays, d’être isolé à l’extérieur de l’euro et revenant aux conditions économiques qui prévalaient auparavant.

    Cependant, même si un nouveau gouvernement grec accepte les mesures d’austérité, ce ne serait qu’un sursis provisoire car la dette de la Grèce est inviable et les mesures d’austérité provoqueront à nouveau des mouvements sociaux massifs. Il est en tout cas possible que la position de la Grèce dans l’eurozone puisse être sapée avant même ces élections cause d’une panique bancaire. La BCE ne pourra pas indéfiniment supporter l’actuel niveau de soutien. L’écroulement des principales banques grecques rendrait impossible à la Grèce de rester dans la zone Euro.

    La Grèce pourrait être sortie de force de la zone euro dans un proche avenir. Quelques stratèges de la zone euro préconisent une sortie contrôlée, tandis que d’autres craignent une séparation chaotique.

    Une sortie contrôlée exigerait une transition ordonnée de l’euro vers une nouvelle drachme, qui serait échangée à une valeur inférieure. Ceci exigerait toujours que le financement de la Troïka soutienne massivement les banques grecques pour empêcher tout effondrement. Malgré le nouveau rejet de ses dettes, les principales économies de la zone euro devraient prêter appui à la Grèce afin d’empêcher l’effondrement total de la société.

    Réaction en chaine dévastatrice

    Malgré le désarroi des dirigeants européens, cependant, il est plus probable qu’il y aura une sortie complètement chaotique de la Grèce, que ce soit suite à une chute des banque ou à l’élection d’un gouvernement de gauche anti-austérité. Ceci aggraverait la crise bancaire européenne. Beaucoup de banques ont déjà vendu leurs obligations d’État grecques, reprises par la BCE. Mais des banques françaises et allemandes seraient atteintes par un nouveau défaut de payement de la Grèce, qui frapperait ensuite des banques en Grande-Bretagne et dans d’autres pays qui ont des fonds dans ces banques de France, d’Espagne, etc. Il y aurait une réaction en chaîne.

    Une crise majeure de la zone euro, plus intense que quoi que ce soit jusqu’ici, aurait un effet dévastateur sur l’économie européenne et même globale. Des évaluations diverses indiquent que le PIB (le produit intérieur brut) de la zone euro pourrait chuter d’entre 5 % et 10 %. Cela aurait à son tour un impact dévastateur sur des pays comme la Grande-Bretagne et aussi les États-Unis, pour lesquels la zone euro est un marché d’exportation majeur.

    Cette crise l’euro, de plus, prend place dans un contexte de stagnation continue de l’économie mondiale. La récession frappe la zone euro elle-même, avec une croissance très faible uniquement en Allemagne, la plus grande économie. ‘Le rétablissement’ presque indétectable aux États-Unis est hésitant. Les énormes pertes rencontrées récemment par la banque d’investissement JP Morgan Chase, qui a perdu plus de 4 milliards de $ dans l’activité spéculative, illustre la vulnérabilité du secteur financier, indépendamment de la crise de la zone euro. Même l’introduction en bourse de Facebook, annoncé comme un grand succès pour le secteur de la haute technologie, s’est révélée être une déception énorme pour les investisseurs, puisque ses actions sont immédiatement tombées après leur publication. Facebook illustre la fragilité de l’économie.

    Le récent sommet du G8 aux États-Unis a, de plus, de nouveau exposé la faillite des dirigeants capitalistes. Obama, soutenu par Hollande, appelle aux politiques pour promouvoir ‘la croissance et les emplois’. Mais ceux-ci étaient des exhortations vagues, sans mesures concrètes. Merkel a fait quelques concessions verbales à l’idée de promouvoir la croissance, mais a précisé que sa préoccupation première est la mise en œuvre de mesures de rigueur – à l’extérieur de l’Allemagne – malgré le fait que la prolongation de récession partout dans la plupart de l’Europe est déjà assurée.

    Un piège pour la classe ouvrière

    La sortie de la zone Euro ne fournira pas de sortie de crise pour la société grecque. Le rejet de la dette conduira à de nouveaux problèmes. La dévaluation d’une nouvelle monnaie nationale stimulerait des exportations. Cependant, la Grèce n’est pas dans la même situation que l’Argentine en 2001 : l’Argentine pouvait compter sur les exportations de nourriture et d’autres matières premières, stimulées par un peso dévalué, sur fond de la situation mondiale pré-2008. La Grèce n’a pas de telles matières premières et a aussi des industries très faibles. En même temps, la Grèce a été fortement dépendante des importations de carburant, de la nourriture et des biens de consommation, qui deviendraient plus chers par la dévaluation de la monnaie grecque.

    De plus, la crise en Argentine est un avertissement pour la classe ouvrière grecque. La plupart du fardeau de la transition du peso lié au dollar américain vers un peso argentin dévalué a été jeté sur la classe ouvrière et la classe moyenne. Les comptes bancaires ont été gelés et la valeur des dépôts de pesos a été dévaluée. Un chômage massif s’est développé, de même qu’une hausse gigantesque de la pauvreté. C’est seulement après plusieurs années de crise que l’économie a commencé à se remettre, dans des conditions économiques globales plus favorables que celles qui prévalent actuellement.

    Il n’existe pas d’issue favorable à la classe ouvrière grecque au sein du système capitaliste, dans la zone euro ou à l’extérieur. Une économie isolée constituerait tout autant un piège pour les travailleurs que l’acceptation des diktats de la troïka. La situation exige l’adoption de mesures économiques de nature socialiste, sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière.

    Si la Grèce quitte la zone euro, ou en est éjectée de force, il est plus que probable que d’autres États membres suivront par la suite. Des banques espagnoles, par exemple, sont au bord de l’insolvabilité. Le gouvernement espagnol a été récemment forcé de nationaliser 40 % de Bankia. D’autres banques en Italie, au Portugal, en Irlande, etc., sont tout aussi chancelantes. Les 700 milliards d’euros du fonds de stabilité européen ne représentent pas assez pour stabiliser le système bancaire de la zone euro.

    La Grèce n’est pas la cause de la crise de la zone euro, mais un de ses symptômes. Toutefois, elle peut aussi agir comme un détonateur, déclenchant une explosion ou peut-être une désintégration plus lente. Ce processus est une expression de la crise organique de la zone euro et de l’Union européenne elle-même.

    Dépasser les limites nationales

    Les dirigeants capitalistes qui ont insisté sur l’introduction d’une devise commune ont soutenu qu’ils consolideraient le marché unique de l’Union Européenne. L’UE a été conçue pour garantir la paix en Europe, la stabilité et la prospérité économique. Les europhiles capitalistes étaient sous l’emprise de l’illusion qu’ils pourraient surmonter les frontières nationales du capitalisme grâce au développement économique. Mais tout s’est métamorphosé en son opposé.

    L’Europe sombre dans la stagnation économique et la monnaie unique a accentué les différences entre les économies nationales plutôt que de provoquer une convergence. Le refus des politiques d’austérité a conduit au développement de forces nationalistes et de tendances d’extrême droite (un exemple étant la croissance du soutient pour Aube Dorée en Grèce). Ces développements confirment notre avis que la classe capitaliste ne peut pas surmonter ses limites nationales : c’est une tâche que seule la classe ouvrière peut remplir, et uniquement sur des bases indépendantes du capitalisme, des bases socialistes.

    Le journal britannique The Independant a récemment eu pour titre: ‘‘Le capitalisme est à un carrefour’’ (le 19 mai). Très correctement, le journal analyse la crise de la zone euro comme étant un des aspects d’une crise globale du système. Cette crise se reflète dans les mouvements massifs de la classe ouvrière qui ont continuellement lieu partout en Europe et ailleurs.

    Il n’y a aucun doute que des millions de travailleurs rejettent l’austérité capitaliste et mettent en doute la viabilité du système. Ce qui est exigé est une alternative claire, une économie socialiste où les secteurs clés de l’économie seraient nationalisés sous le contrôle démocratique des travailleurs, dans le cadre d’une planification démocratiquement élaborée de la production économique, afin que cette dernière soit clairement orientée vers la satisfaction des besoins de tous, dans la perspective internationale de construire une société socialiste mondiale.

  • Grèce : Echec de la formation d’une coalition pro-austérité et nouvelles élections

    Pour un gouvernement de gauche ! Pour une politique anti-austérité, favorable aux travailleurs et socialiste !

    A la suite du séisme politique constitué par les élections du 6 mai dernier, caractérisées par un rejet massif des partis pro-austérité soumis à la ‘Troïka’ (Fonds Monétaire International, Banque Centrale Européenne et Union Européenne), les principaux partis ne sont pas parvenus à former un gouvernement de coalition. Les tentatives du président grec de parvenir à un gouvernement ‘d’unité nationale’ ou de constituer un ‘gouvernement de technocrates’ n’ont pas eu plus de succès. De nouvelles élections cruciales se tiendront donc, au plus tard le 17 juin.

    Par Nikos Anastasiades, (Xekinima, CI0-Grèce) et Niall Mulholland, CIO

    Les partisans de Xekinima (section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière) soutiennent fermement la décision du parti de gauche Syriza de refuser de se joindre à un gouvernement composé de partis pro-austérité tels que le parti social-démocrate Pasok et le parti de droite Nouvelle Démocratie.

    Syriza

    Lors de ces élections, Syriza (une coalition de la gauche radicale) est passé de 4,6% à 16,78%, remportant ainsi 52 siège et devenant de ce fait la deuxième force politique du pays, largement sur base de son approche anti-austérité et de son appel à un gouvernement de gauche.

    Lors de la semaine écoulée, les principaux partis politiques ont désespérément tenté de trouver un moyen d’échapper à la tenue de nouvelles élections. La classe dirigeante grecque est désorientée au vu du fait que ses soutiens traditionnels – la Nouvelle Démocratie et le Pasok – ont dramatiquement perdu les élections. Ce résultat est la conséquence directe de leurs mesures d’austérité qui frappent le pays depuis des années, entraînant un flot de misère et de pauvreté, de sans-abris, de chute drastique des conditions de vie et de suicides. Pour la fin de cette année 2012, il est prévu que le Produit Intérieur Brut aura chuté de pas moins de 20% depuis 2008, tandis que le chômage frappera 25% de la population active.

    Les dirigeants de la Nouvelle Démocratie et du Pazok, de même que la plupart des medias, ont très hypocritement blâmé Syriza d’avoir conduit le pays vers de nouvelles élections. Mais le dirigeant de la formation de gauche radicale, Alexis Tsipras, a très correctement rejeté ces accusations en déclarant que l’establishment politique espérait surtout que Syriza devienne complice d’un véritable crime en participant à l’élaboration de nouvelles attaques antisociales.

    L’aversion de ces partis et de l’establishment grec face à la tenue de nouvelles élections démocratiques provient surtout du fait que Syriza menace d’y devenir le plus grand parti en remportant entre 20,5% et 28% (en fonction des sondages). Syriza est ainsi la seule formation politique à voir son soutien croître dans les sondages, alors que tous les autres chutent. La Nouvelle Démocratie devrait obtenir 18,1% des voix et le Pasok seulement 12,2% : les taux les plus bas pour ces deux formations depuis près de 40 ans ! Cela reflète la popularité croissante de l’opposition publique de Syriza à toute nouvelle mesure d’austérité.

    La menace de l’extrême-droite

    Le parti néofasciste Aube Dorée a également remporté un certain succès lors des dernières élections, et est entré au Parlement pour la première fois. Mais nombreux sont ceux qui ont voté pour ce parti afin de “punir les politiciens” et qui peuvent maintenant voir l’étendue du caractère anti-classe ouvrière de ce parti d’extrême-droite. Aube Dorée s’effondre maintenant dans les sondages, sous les 3% selon certains, ce qui signifierait que ce parti n’obtiendrait aucun élu aux nouvelles élections.

    Les travailleurs et leurs familles ne peuvent cependant pas prendre cette menace à la légère. Depuis qu’Aube Dorée a remporté des sièges au Parlement, ses partisans ont attaqués physiquement plusieurs immigrés. Xekhinima appelle à la création de comités antifascistes locaux afin de démocratiquement organiser l’auto-défense de la population. Ces comités doivent concerner les quartiers, les écoles, les universités et les lieux de travail. Si la gauche échoue à offrir une alternative viable et socialiste face à la crise, l’extrême-droite peut obtenir de nouveaux succès et la classe dirigeante grecque (qui a dans le passé déjà recouru à l’imposition d’un régime militaire pour défendre ses intérêts) pourrait également prendre plus de mesures autoritaires afin de s’en prendre au mouvement ouvrier.

    Une sortie de l’eurozone ?

    Les partis patronaux recourent à la menace et disent que la Grèce sera forcée de quitter l’eurozone si de nouvelles élections sont tenues et que Syriza arrive au pouvoir avec sa politique opposée aux coupes d’austérité. Les dirigeants de Syriza affirment vouloir prendre des mesures destinées à augmenter le niveau de vie de la population et à revenir sur les mesures d’austérité tout en maintenant la Grèce à l’intérieur de l’eurozone. Alors que la vaste majorité des Grecs s’opposent au programme d’austérité, ils désirent également rester au sein de l’eurozone. De façon bien compréhensible, ils craignent un avenir qui s’inscrirait sans la monnaie commune.

    Les médias et les politiciens bourgeois ne cessent de prévenir de ce qui arriverait en cas de départ de la zone euro : une chute encore plus dramatique du niveau de vie, la banqueroute financière et une hyperinflation des prix. Sans surprise, un récent sondage d’opinion a mis en avant que 78% des sondés désiraient un gouvernement qui fasse tout son possible pour rester au sein de la zone euro. Mais en même temps, rester dans la camisole de force de l’euro ne promettrait qu’une austérité sans fin aux Grecs, et un nombre croissant d’entre eux exige de quitter la zone.

    Mais malgré la volonté des dirigeants de Syriza de rester dans l’eurozone, même s’ils appliquent leur politique dans un nouveau gouvernement limité à une renégociation ‘radicale’ des conditions de renflouement du pays, ils feront face à une opposition résolue de la part de l’Union Européenne et des capitalistes grecs, ce qui conduirait probablement la Grèce à être éjectée de l’eurozone. La Troïka a indiqué qu’elle était prête à discuter de certaines clauses du renflouement, mais pas des thèmes principaux, ce qui signifie très clairement une poursuite dans l’offensive contre les conditions de vie de la population grecque.

    Pourtant, Syriza ne prépare pas encore ses membres, ses partisans et plus généralement la classe ouvrière face aux conséquences d’une confrontation avec la Troïka, les marchés et la classe dirigeante grecque. De la même manière, Syriza ne tient pas encore compte de la plus que probable féroce campagne qui se déchaînera contre cette formation de gauche radicale dans les médias et du fait des partis bourgeois au cours de la nouvelle campagne électorale.

    Certains dirigeants de Syriza défendent que s’ils forment un nouveau gouvernement, la Troïka devra faire face à son propre bluff, et sera forcée de faire de grandes concessions car les dirigeants de l’Union Européenne sont terrifiés à l’idée d’un défaut de paiement de la Grèce et d’un départ de l’euro. Cela causerait une nouvelle crise financière et une profonde dépression à travers l’Union Européenne, avec la menace que des pays comme l’Espagne, le Portugal et l’Irlande soient également forcés de quitter l’euro. C’est vrai, mais certains dirigeants européens craignent que le pays ne soit sur une pente glissante qui pousse irrésistiblement la Grèce à l’extérieur de l’eurozone, et ils se préparent, de même que les marchés financiers, à faire face à cette éventualité.

    Angela Merkel et le président de la Commission Européenne Jose Manuel Barroso ont ouvertement prévenu que si la Grèce ne respectait pas les engagements pris par les précédents gouvernements, le pays devrait quitter l’euro. Cela peut partiellement être une menace pour forcer l’arrivée d’une coalition d’austérité de même qu’une tentative visant à faire prendre conscience de ce qui peut arriver à chaque pays de l’eurozone qui oserait se dresser contre la Troïka.

    Un gouvernement de gauche

    Dans cette situation, que doit faire la gauche ? Xekinima accueille avec enthousiasme l’appel public de Syriza pour un gouvernement unitaire de gauche. Syriza devrait ouvrir et développer ses structures en tant que large alliance de gauche afin que de nouvelles couches de travailleurs et de jeunes rejoignent l’initiative et puissent démocratiquement décider de la politique du parti. Xekinima soutient l’unité d’action des partis de gauche pour les prochaines élections et appelle à voter pour Syriza.

    Syriza devrait lancer un appel pour redynamiser les actions de masse sur les lieux de travail, dans les écoles et les quartiers et pour des syndicats combatifs et démocratiques, avec la tenue d’assemblées de masse aux niveaux local, régional et national afin d’impliquer largement les travailleurs et leurs familles dans les discussions portant sur le programme, les revendications et les tactiques électorales afin de faire massivement campagne pour un gouvernement de gauche et assurer que la pression existe pour que ce gouvernement lutte contre l’austérité et pour les travailleurs.

    Le Parti Communiste (KKE) et Antarsya (la Coopération de la gauche anticapitaliste) ont tous les deux adopté une approche sectaire avant les dernières élections et ont rejeté les propositions unitaires de Syriza, avec en résultat une stagnation de leur soutien électoral. A la surprise de millions de travailleurs, la direction du KKE continue d’ailleurs de refuser la constitution d’un bloc avec Syriza. Sous la pression de leur base, et de la classe ouvrière en général, une partie d’Antarsya a de son côté indiqué qu’elle était prête à travailler avec Syriza. De nombreux membres du KKE parlent eux aussi de faire d’unité. Xekinima enjoint Syriza à lancer un appel clair et conséquent orienté vers la base du KKE et des autres forces de gauche pour constituer un bloc basé sur une plateforme anti-austérité afin de lutter pour un gouvernement de gauche armé d’un programme socialiste.

    Xekinima fera campagne dans ces élections pour un gouvernement de gauche radicale, pour une politique anti-austérité et favorable aux travailleurs avec un programme socialiste destiné à changer de société.

    Un programme pour l’unité d’action de Syriza et du KKE autour de l’opposition à toutes les mesures d’austérité, pour l’annulation de la dette, pour l’expropriation et la mise sous le contrôle public et démocratique des principales banques et industries et pour un renversement socialiste de la société gagnerait un soutien massif parmi la classe ouvrière, la jeunesse et la classe moyenne. Mais une politique favorable aux travailleurs déchainerait les foudres des patrons à travers l’Europe, et ils organiseraient rapidement l’éjection de la Grèce hors de l’eurozone.

    Hors de l’euro, un gouvernement des travailleurs devrait instaurer un programme d’urgence avec un contrôle étatique sur les importations, les exportations ainsi que sur le capital, tout cela étant destiné à prévenir de toute évasion de capitaux organisée par les grands patrons, les actionnaires et les multinationales. Des comités démocratiques devront assurer la distribution de médicaments, de nourriture, d’essence et d’autres denrées vitales pour les travailleurs.

    Un gouvernement des travailleurs en Grèce devra également se lier aux mouvements de lutte des travailleurs dans les autres pays de l’eurozone, et plus particulièrement en Espagne, au Portugal, en Irlande et en Italie afin de rompre la dictature de la Troïka, des patrons, de l’Union Européenne et du capitalisme. Ces pays pourraient constituer une confédération sur une base socialiste et commencer à coordonner leurs économies de façon démocratiquement planifiée, dans le cadre de la lutte pour une confédération socialiste européenne, sur une base volontaire et égalitaire. Cela remporterait un soutien enthousiaste et massif parmi toute la classe ouvrière européenne.

  • La zone euro dans la tourmente

    “Il n’y aura pas de sauvetage de l’Espagne. Cela serait la fin de l’euro et il faudrait sauver toute l’Europe.” Voilà comment Felipe Gonzalez, président du gouvernement espagnol entre 1982 et 1996, pose le problème de l’eurozone. Après le quasi soulagement provoqué par le défaut partiel de la Grèce qui s’est passé sans remous majeur, la zone euro recommence à avoir des sueurs froides avec les difficultés de financement que connaît l’Etat espagnol. Le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy a pourtant donné des gages de bonne volonté en annonçant une réforme du marché du travail et des coupes monstrueuses dans le secteur de l’éducation et du social. Cela n’a pas, de toute évidence, apaisé la soif de destruction sociale des marchés.

    Par Alain (Namur)

    La construction européenne, un rêve qui se transforme en cauchemar

    Depuis le lancement de l’unification européenne en 1957, avec la création du marché commun, le visage de l’Europe a fortement évolué. Il y a eu une intégration plus grande au niveau politique et économique. La construction européenne a été vantée par tous les politiciens traditionnels et leurs relais médiatiques comme la solution aux problèmes rencontrés par les travailleurs, les jeunes et les allocataires sociaux des différents pays.

    Dans tous les pays européens, y compris la Belgique, la social-démocratie a défendu la construction européenne. Paul Magnette, dans son livre Le Bel Avenir du socialisme écrivait en 2009: “l’Europe (…) est aussi le lieu où développer une régulation toujours plus efficace du capitalisme. L’euro est un succès et une arme de poids contre la spéculation ; la monnaie européenne est un vecteur de la stabilité du cadre financier international…” En réalité, le projet de construction du marché commun n’a jamais eu comme objectif d’améliorer les conditions de vie des travailleurs. Il correspondait à la nécessité qu’avaient les capitalistes des différents pays d’Europe d’agrandir leur marché et d’avoir un bloc plus intégré pour résister à leurs concurrents sur la scène mondiale.

    Les travailleurs européens ont été floués par la construction d’une soi-disant citoyenneté européenne. Ils ont par contre bien compris qu’avec l’Europe de la libre circulation des capitaux et du Traité de Maastricht, la seule chose que l’Europe apporterait c’est plus de concurrence entre les travailleurs et plus d’austérité au niveau de l’Etat-providence.

    Certains commentateurs ont cru voir une disparation des Etats-nations. Il est vrai que le lancement de l’Euro dans une période de croissance économique a généré beaucoup d’enthousiasme pour toutes les bourgeoisies nationales européennes. Mais lors de la première récession généralisée de l’économie, l’euro a révélé ces contradictions internes.

    Une crise qui révèle les faiblesses structurelles de l’euro

    La crise actuelle révèle un problème insoluble pour le capitalisme. D’un coté, il faut comprimer les salaires et les dépenses sociales pour pouvoir être compétitifs dans une économie mondialisée. De l’autre, il faut vendre sa marchandise à des consommateurs qui voient leur pouvoir d’achat comprimé par la perte ou la diminution de revenu et par la dégradation des services publics.

    N’ayant aucune solution viable, les capitalistes restent assis sur leur montagne d’argent qu’ils ne veulent pas investir. On peut même dire que l’on est dans une “grève du capital”. En effet, si l’on additionne les profits réalisés par les banques et les entreprises des USA, de l’Eurozone, du Japon et du Royaume-Uni, ce n’est pas moins de 7,75 mille milliards de dollars qui dorment. Le ratio investissement/PIB est à son niveau le plus bas depuis ces 60 dernières années. Si l’on prend juste le Royaume-Uni, c’est 750 milliards de livres sterling que les banques et les entreprises gardent sans trouver comment les investir.

    L’attitude de la BCE

    La BCE, qui se glorifie de sa soi-disant indépendance, continue à jouer son rôle. Elle mène encore une politique accommodante avec des taux directeurs qui tournent autour des 1%. Cela permet aux banques de faire du “carry-trade” : emprunter à un taux de 1% environ pour ensuite prêter cet argent via l’achat de bons d’Etat aux pays en difficulté, pour lesquels les banques vont exiger un taux qui avoisine les 5%, comme pour l’Italie, ou les 6%, comme pour les taux à 10 ans de l’Espagne.

    La BCE a aussi dû injecter des liquidités sur le marché afin de favoriser les prêts interbancaires mais aussi les prêts aux entreprises. C’est plus de 1.000 milliards qui ont été injectés dans le circuit financier européen.

    A côté de cela, c’est cette même BCE qui exige des Etats qui se sont massivement endettés pour sauver les banques de retourner à l’équilibre pour 2014-2015. Sous le prétexte de juguler l’inflation, elle appelle à supprimer les mécanismes d’indexation en Belgique et au Luxembourg.

    La crise de l’eurozone n’est pas finie

    Les banques de l’eurozone ont dû lever 115 milliards pour respecter les engagements pris dans le cadre de Bâle 3, qui imposent une réserve de 9% afin d’éviter le “crédit crunch” (une pénurie de crédit) des années 2008-2009. Mais pour cette fin d’année, elles devront retrouver 500 milliards d’euros. Les gouvernements devront trouver 1.600 milliards d’euros pour se financer et honorer leurs prêts, dans une situation où règne une méfiance généralisée entre les banques.

    De plus, le secteur manufacturier européen connaît lui aussi des reculs. La surcapacité de production dans le secteur automobile est évaluée à 20%. Mais dans tous les secteurs industriels, la crise se fait sentir. C’est le cas par exemple du secteur des panneaux photovoltaïques qui est au désespoir face à la concurrence chinoise. Avec la nouvelle ligne d’attaques sur la compétitivité des entreprises lancée dans tous les pays européens, il est clair qu’une spirale risque à nouveau d’entraîner les salaires vers le bas. Dans pareille situation, la concurrence sera d’autant plus rude entre producteurs afin de pouvoir écouler les stocks.

    L’Espagne, une nouvelle épine dans le pied de l’éclopé

    L’Espagne a subi de plein fouet la crise de 2008-2009. La bulle immobilière qui avait tiré l’économie espagnole durant les années Aznar et le début du mandat de Zapatero a éclaté. Depuis, l’économie espagnole peine à se relever.

    Le taux de chômage avoisine les 25%, tandis qu’un jeune sur deux est sans emploi. En 4 ans, c’est presque 2,9 millions d’emplois qui ont été perdus. Cette année, le déficit sera de 5,8% du PIB au lieu des 4,4% attendus, alors que les critères de Maastricht imposent un déficit sous les 3%. Ce fut le prétexte utilisé par le gouvernement Rajoy pour lancer un plan d’austérité d’une ampleur jusqu’alors inconnue, la plus grande attaque contre la classe ouvrière espagnole depuis l’ère franquiste : des coupes sociales et des augmentations de taxes pour un montant de 27 milliards d’euros, ainsi qu’une réforme de la législation du travail. Certains secteurs de la bourgeoisie pensent que ce plan ne va pas assez loin alors que d’autres pensent qu’il va tuer toute relance et va augmenter la tension sociale. En plus de tout cela, les banques espagnoles devront trouver 50 milliards cette année.

    Cette situation avec des éléments dépressionnaires a eu un impact sur le mouvement ouvrier espagnol. Après moins de 100 jours de gouvernement, le premier ministre a été confronté à une manifestation de 1,5 millions de personnes. Un calicot exprimait la volonté de lutte du prolétariat espagnol : “Mariano, à ce rythme tu n’atteindras pas l’été !”

    Lors de cette manifestation, il y a eu énormément de pression et d’appels de la base pour un plan d’action. La tête des syndicats a été forcée d’appeler à une grève générale, une victoire pour la base du mouvement ouvrier dans la lutte contre l’austérité. Le 29 mars, la grève générale a très bien été suivie : on parle de 10 millions de participants, avec des taux de participation de 77% des salariés dans les entreprises. Dans l’industrie, le transport et l’agriculture, les taux de participation étaient respectivement de 97%, 95% et 95%. Le gouvernement a vu l’énorme potentiel qu’avait cette grève et appréhende la possible escalade du mouvement. Il y a eu une forte répression de la part de l’Etat, 176 personnes ont été arrêtées et on a dénombré 116 blessés.

    La situation à ce stade est très ouverte. Si la pression de la base continue, on pourra voir d’autres appels à la grève générale et d’autres mouvements se développer. La colère dans la société espagnole est énorme. Les indignés qui ont pris les rues l’an passé sont un exemple de cette colère qui cherche une alternative.

    On le voit, le mouvement ouvrier en Espagne, mais aussi de façon plus large en Europe, est à un moment crucial. La bourgeoisie dans tous les pays d’Europe n’a aucune solution face à la crise. La seule voie pour elle dans cette situation, c’est de profiter de la crise pour faire avancer son programme : réduction des coûts salariaux et des services publics. Il en résultera un appauvrissement généralisé et une diminution des conditions de vie de toute la population en Europe. La classe ouvrière détient les clés de la situation. Elle peut arrêter cette avalanche d’austérité en mettant en avant son propre programme. Pour cela, nous avons besoin d’organisations politiques et syndicales combatives, démocratiques, indépendantes des partis de l’austérité et orientées vers le renversement du capitalisme.

  • Assainir jusqu'à tous devenir grecs?

    Austérité et tragédies grecques, en Belgique aussi ?

    Le plan de Di Rupo Ier pour aller chercher 11,3 milliards d’euros en priorité chez les travailleurs âgés, les chômeurs et les malades n’est pas encore d’application que la prochaine vague s’annonce déjà. Au cours du contrôle budgétaire de début mars, le gouvernement fédéral a parlé d’aller saisir deux milliards d’euros supplémentaires. Toucher à l’indexation, augmenter la TVA, instaurer une cotisation sociale généralisée et une nouvelle déclaration libératoire ‘‘unique’’ pour rapatrier de l’argent noir… Toutes ces mesures sont discutées. L’année prochaine, il sera à nouveau question de 12 milliards d’euros et, les deux années suivantes, d’encore 25 milliards ‘‘pour faire face au vieillissement’’. Entre temps, les gouvernements régionaux vont nous tomber dessus, suivis par les autorités communales après le mois d’octobre. Telle une avalanche, l’austérité arrivera de tous les côtés.

    Par Eric Byl

    Selon les politiciens, ces mesures sont nécessaires pour nous protéger de l’orage économique dont l’épicentre se situe au beau milieu de l’eurozone. Les banques et autres spéculateurs se sont aventurés bien au-delà de la zone de sécurité avec le crédit toxique. Les autorités ont dépensé des milliards d’euros pour les tenir à flot et se sont porté garantes de montants bien plus importants. La Belgique s’est portée garante pour 130 milliards d’euros, principalement pour Dexia. Si ces garanties sont utilisées, nous serons alors en pleine tragédie grecque. Mais même sans ce scénario, l’avalanche d’austérité démolira ce qui nous avait évité le pire : notre sécurité sociale et l’indexation des salaires.

    Avec le dossier de cette édition (en page 8 et 9), nos lecteurs pourront prendre connaissance des conditions inhumaines imposées à la classe ouvrière et aux classes moyennes grecques. Le compromis n’est plus possible : il faut résister ou prendre la fuite, par l’émigration si possible, mais d’autres cherchent refuge dans la drogue, ou se suicident. Les allocations et les salaires ont été réduits de 30% en moyenne. L’économie n’est toutefois pas devenue plus compétitive pour autant, bien au contraire, elle s’est contractée de 15% depuis le début de la crise. A cela s’ajoutera encore une croissance économique négative de l’ordre de 4 à 7% pour cette année.

    Plus de 3 millions de Grecs (sur 11 millions) connaissent déjà la pauvreté, avec des revenus inférieurs à 7.000 € par an. De plus en plus de gens font la queue aux soupes populaires ou aux polycliniques des Médecins du Monde car ils ne sont plus couverts par la sécurité sociale ou sont simplement dans l’impossibilité de payer la facture de soin minimale. Ces deux dernières années, 200.000 entreprises ont fermé leurs portes.

    Les mesures d’austérité n’ont pas marché. La dette publique qui était de 129% du PIB en 2009 dépasse actuellement les 160% tandis que le déficit budgétaire est toujours de 10% du PIB. Après des années d’intérêts usuriers, les banques acceptent désormais que leurs obligations grecques ne valent désormais plus que 30% de leur valeur nominale. En échange de plus d’austérité drastique, la troïka a accepté de prêter encore 130 milliards d’euros à la Grèce. Mais même selon ses propres calculs – qui sous-estiment toujours le frein sur la croissance que constitue l’austérité – la dette publique grecque sera toujours de plus de 120% en 2020. En Italie, il n’en a pas fallu autant pour éjecter Berlusconi et imposer sans le moindre suffrage le technocrate Mario Monti. Même l’Union européenne admet que son plan ne sauvera pas la Grèce de la faillite mais ne fera que gagner du temps.

    La Commission reconnait aujourd’hui que l’Union subira cette année une baisse économique de 0,3%. Les pays où l’austérité est la plus forte vont enregistrer leur plus grande chute économique. Dans la zone euro, seule l’Allemagne (+0,6%) et la France (+0,4%) connaîtront encore une relative croissance économique, mais seulement grâce à l’afflux de capitaux en fuite vers des lieux plus sûrs. En dehors de la zone euro, l’économie polonaise connaîtra une croissance grâce aux travailleurs polonais qui reviennent au pays et quittent l’Europe occidentale. Aucune relation positive de cause à effet n’a pu être établie entre l’austérité et la croissance. L’idée selon laquelle l’austérité est capable de redresser l’économie et de sécuriser l’avenir des jeunes est un écran de fumée qui sert uniquement à masquer la cupidité des patrons et des politiciens. On stoppe mieux une avalanche d’austérité en s’y prenant dès le début. Ceux qui pensent qu’il faut s’y opposer doivent le faire sans plus attendre.


    Abonnez-vous à Lutte Socialiste ! Cet article est tiré de l’édition de mars de notre journal, Lutte Socialiste. Si vous désirez recevoir Lutte Socialiste dans votre boîte aux lettres, prennez vite un abonnement. Vous pouvez verser 20 euros (pour 12 n°) ou 30 euros (abonnement de soutien) au n° 001-3907596-27 de "socialist press" avec la mention "abonnement". Pour plus d’infos, des remarques, propositions d’articles,… : prennez contact avec nous via redaction@socialisme.be

  • Di Rupo 1er et la jeunesse : Opération ‘‘Génération sans avenir’’

    La colère est profonde contre ce gouvernement d’austérité. Selon Di Rupo, ‘‘sans ces réformes structurelles, ce sont nos enfants et petits-enfants qui devront payer l’addition’’. Pareille rhétorique est régulièrement utilisée pour justifier des mesures antisociales (comme en 2005 autour du fameux ‘‘Pacte des générations’’ qui s’en prenait durement – déjà – aux pensions). Actuellement, de nombreux commentateurs parlent d’une Europe soi-disant menacée par une ‘‘guerre des générations’’ dans laquelle se confronteraient les intérêts des générations futures et l’égoïsme des plus anciens, qui auraient vécu au-dessus de leurs moyens. Mais quel sort Di Rupo 1er réserve-t-il réellement aux générations futures ?

    Par Daphnée (Liège)

    Un secteur à bas salaires

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    En Europe, le taux de chômage global est de 9,8%. Parmi la jeunesse, il s’agit de 22,7%. Cela signifie que, dans l’Union Européenne, jusqu’à 5 millions de personnes sont sans travail ni perspectives d’avenir.


    En septembre 2011, le chômage des jeunes a atteint 17,4% dans notre pays. Le chômage des jeunes coûte 4,1 milliards d’euros par an à la collectivité, soit 1,2% du PIB.


    Entre le troisième trimestre 2008 et le troisième trimestre 2010, le chômage des jeunes a progressé de 29% en Flandre. En ce moment, le taux de chômage parmi la jeunesse flamande est de 16,3%.


    On prévoit une nouvelle période de récession en Belgique à partir du premier trimestre 2012. Lors de la précédente récession, le taux de chômage des jeunes en Europe a explosé : de 15,6% à 20,3%.


    L’Espagne a le triste privilège d’être le leader européen dans le domaine du chômage des jeunes : 44% des jeunes y sont sans emploi. Ensuite arrivent la Grèce (36%) et l’Italie (30%).


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    Il y a quelques mois, la ministre de l’Emploi Joëlle Milquet (CDH) avait déclaré que ‘‘les jeunes sont un des groupes les plus touchés par la crise et il est clair que cette thématique devra figurer au cœur de la stratégie du prochain gouvernement.’’ Mais on se demande bien comment éviter à ‘‘nos enfants et petits-enfants de payer l’addition’’ en instaurant des mesures qui les empêcheront de se construire un avenir stable. Depuis ce 1er janvier 2012, le stage d’attente pour les jeunes (désormais ‘‘stage d’insertion professionnelle’’) avant de pouvoir percevoir une allocation de chômage est passé de 9 à 12 mois, avec un contrôle tous les 4 mois pour ‘‘vérifier’’ les efforts de recherche d’emploi. Les Régions ont par ailleurs toute latitude pour effectuer encore plus de contrôles. Par la suite, si l’ONEM juge les efforts insuffisants, il est possible de suspendre les allocations pour 6 mois, jusqu’à un prochain contrôle.

    En plus d’allonger la durée du stage d’attente/d’insertion, la ‘‘réforme’’ limite l’obtention des allocations d’insertion dans le temps. Pour les cohabitants, elles seront limitées à trois ans. Pour les autres, chefs de famille, isolés ou cohabitants privilégiés, le compteur ne démarre qu’à partir de leur trentième année, mais est limité à 3 ans également. Si le demandeur d’emploi a travaillé au moins 156 jours (6 mois) durant les 2 dernières années, ce délai pourra être prolongé. Mais, après l’âge de 33 ans, si un chômeur n’a pas trouvé d’emploi, il n’aura plus droit à RIEN !

    Dans les faits, cette réforme vise à créer un large secteur à bas salaire, puisque l’on force à accepter n’importe quel emploi sous peine de voir les allocations supprimées (obligation d’accepter un emploi se situant à 60 km du domicile sans la moindre considération pour la situation familiale, les facilités de transport,…). En conséquence, ce sont toutes les conditions de travail et de salaire qui sont ainsi mises sous pression. Cette logique est celle des mesures qui ont construit ce ‘‘miracle allemand’’ tellement loué dans les médias.

    En Allemagne, le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans ne dépasse pas les 10%. Mais ce pays, d’après l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), est le pays développé où les inégalités et la pauvreté ont le plus progressé ces dernières années. Plus de 20% des travailleurs sont sous le seuil de pauvreté, des pensionnés sont obligés de retourner bosser afin de compenser leurs petites pensions, le secteur des emplois précaires est en pleine progression (avec notamment des jobs payés 1 euro de l’heure en plus d’une maigre allocation),… Le fameux ‘‘modèle allemand’’, c’est un modèle basé sur la précarité, un modèle où travailler (sans certitude quant à la durée) ne protège pas de la pauvreté.

    Et la formation ?

    Personnel enseignant ou non-enseignant insuffisant, classes ou amphithéâtres surpeuplés, infrastructure famélique, diminution des subsides par étudiant,… Cette situation est déjà connue depuis de nombreuses années, et devrait encore s’accentuer. Aux Pays-Bas, dans le cadre des mesures d’austérité, on songe à supprimer la gratuité des transports en commun pour les étudiants qui ratent leur année, ou encore à augmenter leurs frais d’inscription. De bonnes idées pour la Belgique ? D’une manière ou d’une autre, l’enseignement sera lui aussi touché par les mesures d’austérité.

    En bref, l’accès à l’enseignement sera moins évident pour les couches les plus précaires (qui doivent déjà faire face à nombre de difficultés supplémentaires pour leurs études). Or, les jeunes peu ou pas diplômés ont plus de problèmes pour trouver un premier emploi. Ils n’ont peu ou quasi rien à présenter à leurs entretiens d’embauche : pas de compétences suffisamment crédibles, pas d’expérience professionnelle, pas de réseau social professionnel,… Ils se retrouvent ainsi prisonniers d’une “trappe à chômage” : pas d’expérience, donc pas d’emploi, donc pas d’expérience, donc pas d’emploi.

    Une génération sans avenir

    Et lorsqu’enfin les jeunes accèdent à un emploi, ils se retrouvent coincés dans une seconde “trappe à précarité”. C’est-à-dire ? Ils enchaînent les emplois précaires (CDD, intérims, contrats subsidiés, stages, bas salaires) sans pouvoir accéder à un emploi stable. Les jeunes doivent s’estimer heureux s’ils commencent avec un salaire de 1500 euros bruts par mois. Comment se construire un avenir dans une telle précarité ? De plus, concernant les nombreux subsides à l’embauche qui rendent les jeunes ‘‘plus attractifs’’ pour les patrons (Activa, Win Win, APE, CPE,…), quel sera l’impact de leur éventuelle suppression dans le cadre des coupes dans les budgets ?

    Même si la Belgique n’a pas encore été touchée de la même manière que nombre de pays européens par la crise économique et l’austérité, de nombreux signaux donnent l’alarme. On constate que de plus en plus de jeunes restent fort tard chez leurs parents, même en ayant un emploi, et même en vivant en couple, pour des raisons financières. D’autre part, l’association flamande “Dakloze Aktie Komité” (DAK) a récemment dévoilé que notre pays compte pas moins de 50.000 sans domicile fixe, et pointe la responsabilité de la crise économique. Parmi ces nouveaux SDF, les jeunes constituent le groupe le plus important.

    En Grèce et dans de nombreux autres pays durement frappés par l’austérité, le taux de suicide a explosé (une augmentation de 40% en Grèce en deux années seulement). En Belgique, le suicide est déjà la première cause de mortalité chez les hommes de 25 à 45 ans et la deuxième chez les jeunes de 15 à 25 ans. Notre pays est au second rang en termes de cas de suicide dans l’Union Européenne (après la Finlande). En détruisant progressivement les possibilités de se construire un avenir stable et épanouissant, quelles proportions cela peut-il atteindre encore ?

    RESISTANCE !

    Les seules solutions sont la fuite – comme le suicide et l’immigration (l’Irlande connait ainsi actuellement une véritable hémorragie de sa jeunesse) – ou la lutte. Durant l’année 2011, partout à travers le monde, nous avons connu des mouvements de masse dans lesquels la jeunesse a joué un rôle de premier plan. En Belgique aussi, le potentiel dynamique de la jeunesse est bel et bien présent.

    Ce à quoi nous faisons face n’est en rien une ‘‘guerre des générations’’, c’est une guerre des classes. Comme le dit la FGTB, ‘‘ce sont les banques qui ont fait gonfler la dette de l’Etat. Ce n’est pas aux jeunes de payer les pots cassés.’’ Ni aux jeunes, ni aux plus âgés, ni aux femmes, ni aux immigrés,… Bref, les 99% de la population qui subissent le système doivent se lever et s’organiser contre la politique des 1% qui visent à nous faire avaler l’austérité pour protéger leur soif de profits.

  • La lutte internationale peut mettre un terme à la dictature des marchés !

    NON à la dette! NON à l’austérité! NON au chantage!

    En 2012, les marchés et les gouvernements à leur service ont encore plus de misère en stock. Cela signifiera à la fois une aggravation de la crise économique et de la guerre menée contre les vies et l’avenir des travailleurs. Avant tout, il y aura cette tentative d’imposer un nouveau ”pacte financier” mis au point par les politiciens de l’Union Européenne. La nouvelle grève générale de 48h des 10 et 11 février en Grèce a aussi illustré quelles sont les batailles à mener dans cette guerre de classe. Nous, les sections du Comité pour une Internationale Ouvrière de Grèce, Irlande, Portugal, Italie et Espagne, soutenues par les autres sections du CIO comme celle de France et d’Allemagne, avons travaillé à cette déclaration pour répondre à la guerre de classe déclarée contre les travailleurs et les jeunes, une réponse contre le chantage des marchés et de l’UE, une réponse contre le mensonge selon lequel il n’existerait qu’une seule alternative : celle de la lâche capitulation face aux marchés et aux actionnaires.

    Déclaration commune des sections du CIO en Grèce, Espagne, Portugal, Italie et Irlande

    En Europe, récemment devenu l’épicentre de la crise économique, les travailleurs et les jeunes n’ont cessé d’être touchés par la crise. Ils ont face à eux des perspectives toujours plus négatives. Dans la ”périphérie” de l’eurozone – Grèce, Portugal, Espagne, Italie et Irlande – la situation est dominée par un chômage de masse, en particulier pour les jeunes, une récession prolongée et une pauvreté croissante.

    Les politiques d’austérité, nées de la détermination de faire payer la crise aux travailleurs, ne servent qu’à davantage aggraver la crise économique. Les nouveaux gouvernements favorables au marché comme le Parti Populaire en Espagne et les prétendus gouvernements de technocrates imposés par les spéculateurs aux populations de Grèce et d’Italie ont, comme on pouvait s’y attendre, échoué à renverser la vapeur.

    Le processus de contagion est inévitable, avec l’Italie et la Grèce rendues exsangues par les marchés de la dette. Cela s’accompagne d’un élargissement de la crise de la dette, qui risque d’engloutir des pays dit ”centraux” comme l’Allemagne ou l’Autriche. Cette dernière est étroitement reliée à la crise financière dévastatrice à l’oeuvre en Europe de l’Est dans des pays comme la Hongrie ou la Roumanie. Tout cela pointe vers la possibilité d’une tempête financière au cours de laquelle l’Euro ne peut survivre, pas dans sa forme actuelle.

    Ejecté de l’Euro ?

    Avec le retour d’une politique ouvertement coloniale de la part des plus importantes puissances impérialistes, en particulier du capitalisme allemand, nous sommes confrontés à la collaboration jusqu’à présent docile et obéissante de la classe dirigeante nationale. A titre d’exemple, il suffit de penser à la proposition du gouvernement allemand d’abolir le contrôle grec sur le budget pour le remplacer par un commissaire européen mandaté pour surveiller l’économie grecque.

    Une des caractéristiques de la crise actuelle est la volonté des pontes du système de court-circuiter les ”normes” démocratiques, et de donner ainsi à la dictature des banques et des corporations une expression beaucoup plus claire et visible. Les politiciens et gouvernements qui défendent le système capitaliste pourri se limitent à présent au rôle de poupées chargées d’exécuter le diktat des marchés et de la troïka. Le traité intergouvernemental signé lors du dernier sommet européen souligne cette évolution. Ce traité va légalement enteriner la domination des politiques d’austérité.

    Les tentatives désespérées des chefs capitalistes, en particulier en Irlande, d’éviter un referendum sur cette question (celle des politiques d’austérité) montrent une fois de plus leur approche anti-démocratique, qui s’explique elle-même par la volonté du capitalisme à l’échelle mondiale. Toutefois, dans d’autres cas, comme en Grèce sous Papandreou cet automne, on a pu voir comment des gouvernements capitalistes essayaient d’utiliser les référendums pour mettre en place une campagne de chantage et de peur autour de ”l’éventuelle catastrophe” d’un effondrement économique qui suivrait un ”non” lors du référendum.

    Seul la mobilisation de la force des travailleurs et des jeunes, armés d’une alternative politique aux plans catastrophiques du capitalisme, peut changer la donne. Nous supportons pleinement le droit des populations de rejeter par un référendum organisé de manière pleinement démocratique, le paiement de la dette, les coupes sociales, etc. Nous nous joignons aux millions de travailleurs et de jeunes qui demandent d’exprimer leur opinion sur les politiques d’austérité. Au cours des ces échéances, nous défendrons un NON clair et sans ambiguïté.

    Combattons le chantage

    En 2011, on a vu les travailleurs intervenir massivement dans toute une série de pays européens. La Grèce a connu 7 grèves générales (dont deux de 48h) en 2011, auxquelles il faut ajouter les 7 grèves générales de 2010, alors que l’année 2012 a commencé par une nouvelle vague de grèves générales début février, en réaction aux mesures violentes discutées par le gouvernement. Cela illustre l’ampleur de la colère et de la détermination des travailleurs grecs à résister face à cette situation désespérée.

    Le Portugal a connu une grève générale en novembre, et, en Italie, il y a eu plusieurs vagues de grèves et de protestations. Au Portugal, comme en Espagne, on a vu l’explosion du mouvement des Indignés, exprimant une rage contre la dictature des banquiers. L’arrivée des masses dans les rues de Bucarest et d’autres villes a fait tomber le gouvernement roumain cette semaine.

    La réponse de l’establishment fut une campagne de chantage et de peur contre la population, en plus d’une violente répression d’Etat, dans laquelle la sortie de l’euro a été présentée comme une guillotine suspendue au-dessus des travailleurs. Cette campagne a exploité la crainte légitime des travailleurs. En restant dans les limites du système capitaliste, une sortie d’un certain nombre de pays de l’euro provoquerait une période de profonde crise économique pour toute l’eurozone, avec un accroissement du chômage, de la pauvreté et de l’appauvrissement de la population qui toucheraient des millions de travailleurs, avant tout ceux des pays “périphériques comme la Grèce, Irlande, l’Espagne ou l’Italie.

    C’est pourquoi la classe ouvrière et les mouvements sociaux, avec l’aide des partis de gauche de masse, là où ils existent, ont le devoir de développer un programme pour dépasser cette crise qui défie et dépasse le cadre et la logique de la zone euro et de l’actuel système du marché.

    Cela doit commencer par un rejet implacable du paiement de la dette nationale aux marchés des vautours et des Etats, ainsi qu’aux institutions européennes comme la BCE. Ces immenses dettes, volées sur la base de la spéculation capitaliste, d’une gestion criminelle et du népotisme pratiqué par les gouvernements néo-libéraux successifs – parmi lesquels il faut aussi compter les soi-disant partis ”socialistes” en Espagne, en Grèce, au Portugal et ailleurs – se sont démultipliées avec le sauvetage des banques, alors que la population y était opposée. Ces dettes, nous n’en sommes pas responsables.

    Alors que l’argent des travailleurs, comme les fonds de pensions, doit être protégé, il faut en revanche s’opposer résolument au pompage des ressources de la société pour payer ce fardeau criminel. En dehors de la logique malsaine des classes dirigeantes, exécutant les diktats de la Troika, ces ressources pourraient être utilisées pour créer des millions de postes de travail, pour établir un système de providence décent avec un système de santé et d’éducation public, organiser des activités économiques productives à travers de grands programmes d’investissements publics.

    Sur la base de banques et d’un secteur financier nationalisés, tout comme devraient l’être les les secteurs-clés de l’économie, sous le contrôle et la gestion démocratique des travailleurs, un plan d’urgence pourrait être développé pour créer massivement des emplois et rétablir les conditions de vie. Nous pourrions alors voir des politiques socialistes authentiques qui commencerait à dépasser les problèmes fondamentaux imposés aux travailleurs et aux chômeurs.

    On nous dit qu’avec de telles mesures, les pays seraient éjectés de la zone euro. Cependant, avec l’offensive actuelle de l’austérité et l’impasse dans laquelle les grands pouvoirs mènent les économies les plus faibles, une telle issue (défaut de paiement et éjection de la zone euro) parait proche de toute façon!

    C’est vrai, sur base de la continuation du capitalisme et restant en dehors de la zone euro, le cauchemar pour les travailleurs continuerait ou même empirerait, puisque la dévaluation sabrerait leurs conditions de vie et leurs épargnes sous les attaques du capitalisme grec, malgré la soi-disant « indépendance » de l’Union Européenne. Mais le moyen d’éviter le désastre économique pour la classe ouvrière n’est pas d’accepter n’importe quelle attaque contre nos droits et conditions, juste pour rester dans la zone euro un peu plus longtemps ! Du point de vue des capitalistes, les alternatives que nous avons maintenant sont: a) rester dans la zone euro, en acceptant la destruction totale de l’aide de l’état ou b) garder l’euro et, faisant face à une isolation économique, un violent déclin et une misère sans précédent.

    Les travailleurs d’Europe ont cependant une troisième solution: elle commence par organiser la défense des conditions de vie et des droits des travailleurs et la rupture avec le système capitaliste.

    Cela devra s’étende à des lutes unifiées de la classe ouvrière internationale, surtout dans les pays les plus affectés par la crise. L’unité dans la lutte des travailleurs de Grèce, du Portugal, d’Irlande, d’Italie et d’Espagne pour renverser les plans de « sauvetage » et l’austérité est un pas en avant crucial et nécessaire pour la construction d’une telle alternative.

    Nous ne partageons pas, bien sûr, la vision nationaliste étriquée de ceux qui disent de simplement quitter l’euro. Les tensions nationales qui ont augmenté au cours de la crise, qui se sont vues en particulier par la propagande anti-Grecs par les représentants du capitalisme en Allemagne, en France, en Autriche et dans d’autres pays, augmentent le danger de division et les sentiments nationalistes. L’extrême-droite menaçante et les forces populistes peuvent jouer sur ces sentiments, et peuvent faire des avancées dangereuses, comme cela s’est vu en Hongrie, en Autriche et ailleurs, compte tenu du vide dans la représentation politique de la classe ouvrière.

    Et bien entendu, nous n’espèrerons jamais des gouvernements au service de la classe dominante qu’ils appliquent la politique que nous défendons. Celle-ci ne peut être accomplie que sur base d’une lutte et de perspectives anticapitalistes internationales et par un gouvernement représentant et servant les intérêts des travailleurs.

    Initialement confronté à l’éjection de la zone euro, un gouvernement des travailleurs pourrait appliquer un programme d’urgence incluant le contrôle étatique sur les importations et les exportations et, pour arrêter la “fuite des capitaux” par les possédants et les multinationales assoiffés de profits, l’imposition de contrôles du capital, sous le contrôle démocratique de représentants élus. Cela devrait être repris et dans les luttes dans tout le continent.

    Sur de telles bases, on pourrait avancer vers l’intégration authentique de l’économie et de la société européenne, à laquelle les politiques des gouvernements au service des patrons et le système capitaliste lui-même ont été un obstacle.

    Cette lutte pourrait gagner rapidement un soutien massif dans toute l’Europe, par un appel aux alliés de la classe ouvrière au Portugal, en Espagne, en Irlande, en Grèce et en Italie, mais aussi dans les économies-clé avancées en Allemagne, en France, au Royaume-Uni etc.

    Les pays éjectés de l’Union Européenne, formant une fédération sur des bases socialistes, pourraient commencer une planification et une coordination démocratiques de l’économie internationalement, dans une lutte pour une Confédération Socialiste des Etats Indépendants des Travailleurs en Europe, sur des bases libres et égales.

    Une alternative internationaliste pour mettre fin à la misère de la crise

    Plusieurs journées d’action internationales organisées au cours de l’année dernière ont donné un aperçu de la force dont peuvent disposer les travailleurs et les jeunes. Le 15 octobre 2011, Le mouvement des Indignés et Occupy ont fait descendre des millions de gens dans la rues dans le monde entier. La Confédération Européenne des Syndicats a organisé différentes actions, dont la dernière est planifiée le 29 février. Elles ont le potentiel de mobiliser, mais des actions symboliques ne sont pas suffisantes. Nous soutenons l’avancée de telles initiatives, vers une première grève générale de 24 heures dans toute l’Europe. Les grèves générales en Grèce, au Portugal, en Espagne, en Irlande et en Italie devraient être coordonnées et simultanées contre les plans de sauvetages et les politiques d’austérité de la Troïka. Ce serait une première démonstration initiale d’unité et de force.

    Cependant, l’attitude des dirigeants de la Confédération Européenne des Syndicats dans leurs pays respectifs a montré que leur intention n’était pas de mener une lutte sérieuse jusqu’au bout contre la crise du capitalisme. Déplorablement, dans beaucoup de pays la classe ouvrière se confronte à la crise avec une direction syndicale indigne de ce nom, qui a systématiquement refusé de mobiliser toute la puissance de la majorité pour résister aux attaques du marché.

    Les travailleurs et les jeunes en Grèce et au Portugal ont donné une indication de comment la pression des masses et l’organisation par en bas sont efficaces à pousser la direction à agir. Le CIO lutte pour une transformation démocratique des syndicats, pour la construction de l’opposition de gauche, pour le remplacement des dirigeants qui penchent à droite par ceux qui ont la volonté de lutter et sont complètement responsables devant les membres du syndicat et contrôlés par elle, payés au salaire moyen de leur base. Les grèves générales de la période à venir devront être contrôlées démocratiquement et construites par en bas, au moyen d’assemblées générales sur les lieux de travail et dans la société, et de comités d’action, pour assurer que les luttes soient victorieuses et ne soient pas vendues par en haut.

    Nous sommes convaincus que, armés de telles organisations et d’une telle politique, on peut lutter pour une véritable alternative et la populariser. Mais une partie essentielle de ce processus est aussi de forger des organisations politiques de masse, contrôlées démocratiquement par les travailleurs, les jeunes et les pauvres, pour construire le soutien et la campagne pour une alternative aux coupes et au capitalisme. Un tel nouveau mouvement de la gauche serait capable de canaliser la colère de ceux qui sont dégoûtés par les institutions politiques vers la construction de forces politiques complètement distinctes de celles qui les ont trahies par le passé.

    Rejoignez le CIO dans la lutte pour amener les travailleurs et les jeunes à combattre dans cette perspective !

    Nous revendiquons :

    • Non à la dictature des 1%! Pour la démocratie réelle maintenant ! Les travailleurs et les chômeurs devraient décider, pas les marchés !
    • Non à l’impasse de l’austérité! Non aux coupes, pour des investissements massifs dans les emplois, le logement, l’éducation et la société ! Non au cauchemar du chômage des jeunes!
    • Pour une solution basée sur la lutte internationale! Pour des grèves générales coordonnées ! Vers une grève de 24 heures Européenne !
    • Pour des syndicats démocratiques et combattifs! Construction de la lutte par en bas par des assemblées et des comités d’action ! Construction de vrais instruments politiques massifs de gauche de la classe ouvrière et des jeunes !
    • Rejet du chantage de la Troïka et des marchés ! Seule une lutte massive peut briser le carcan de l’austérité ! Non aux gouvernements « technocrates » antidémocratiques ! Un referendum pour arrêter les nouveaux plans d’austérité de l’Union Européenne !
    • Pour une Europe des travailleurs! Opposition à l’Union Européenne capitaliste ! Luttons pour une Confédération Socialiste des états libres et indépendants en Europe !

    Socialismo Revolucionario (CIO au Portugal), ControCorrente (partisans du CIO en Italie), Socialist Party (CIO en Irlande), Xekinima (CIO en Grèce), Socialismo Revolucionario (CIO en Espagne)

  • L’Europe nous impose l’austérité : Di Rupo épargnera-t-il les étudiants?

    Jeudi 16/02, ULB, 18h30, salle H1309 – MEETING de rentrée des Etudiants de Gauche Actifs !

    Malgré toutes les promesses, l’austérité ne nous épargne pas: attaques sur le chômage et les pen­sions, hausse des tarifs des transports, flexibilisation des emplois,… voila ce que nous réserve le gouvernement Di Rupo Ier. Comme beaucoup de pays avant, la Belgique subit le diktat de la troïka (UE, FMI et BCE) qui veut relancer l’économie au profit de ceux qui nous ont plongé dans la crise. Sous peine d’amende, les pays européens devront effacer tous leur déficits. Mais les politiciens traditionnelles, tant de droite que de ”gauche” ont décidé d’aller chercher l’argent dans les poches des travailleurs et des jeunes.

    Tract d’EGA

    Les services publics seront coupés à la hache. Concrètement: un étudiant qui prolonge ses études, qui fait une pause dans son cursus devra travailler 40 et non plus 35 ans dans le privé pour la pension. L’allocation de chômage va baisser plus vite et le risque de la perdre sera plus grand. Les stages d’attentes passent de 9 à 12 mois. La prépension n’est plus accessible qu’à 62 ans. 2,3 milliards seront prit aux soins de santé au détriment des patients et du personnel.

    En Grèce, les salariés ont dû céder 40% de leur salaire. Les travailleurs en Italie, Irlande, Portugal en Espagne connaissent un sort comparable. De plus, les déficits budgétaires et les dettes publiques ne cessent d’augmenter. De leur coté, les grandes entreprises ne sont pas inquiétées, sinon par des mini-mesures. En Belgique, alors que 341 milliards € se trouvent chez les 1% les plus riches, les 50% les plus pauvres possèdent ensemble 235 milliards €. Il faut chercher l’argent là ou il est!

    Face à cela, la lutte des jeunes s’est développée comme jamais, avec les mouvements occupy et indignés. Même en Belgique, ces mouvements se sont développés avant même la formation du gou­vernement. Le mouvement étudiant a donc encore un vrai potentiel dynamique. Avec la formation du gouvernement, les bases des syndicats ont poussés pour une série d’actions contre l’austé­rité. La grève générale du 30 janvier dernier a été largement suivie, certainement dans les grandes entreprises. Avec ce meeting, EGA veut appeler les jeunes à rentrer en lutte contre l’austérité avec les bases des syndicats.

  • Les révoltes mondiales contre ce système sans perspective suscitent la recherche d’une alternative (1)

    1. L’été dernier, l’illusion selon laquelle le capitalisme mondial allait parvenir à s’extraire du pétrin dans lequel il se trouve depuis 2008 a de nouveau volé en éclats. On était parvenu à changer la Grande Dépression en une Grande Récession. C’est pourquoi on avait ouvert les robinets à argent, les dettes privées avaient été transférées aux gouvernements et les stimulants de masse avaient sauté. Depuis lors, une question cruciale tient en suspens les économistes et les politiciens : à partir de quand les déficits budgétaires peuvent-ils être purgés, sans pour autant de nouveau rejeter l’économie dans la récession ?

    2. Bonne question ! Au lieu de redémarrer au turbo sur les starting-blocks, l’économie mondiale continue à cahoter. Cela suscite des tensions, qui deviennent difficiles à cacher même avec diplomatie. Ces derniers 18 mois, les États-Unis et la FED ont continué à arroser l’économie avec leur pompe à pognon. C’est entre autres comme cela que le déficit budgétaire des États-Unis va atteindre cette année un nouveau record de 1.645 milliards $. Dans le meilleur des cas, cela pourra redescendre en-dessous de 1.000 milliards $ à partir de 2013. En même temps, le bilan de la FED, l’autorité monétaire destinée à lubrifier l’économie, a grimpé de 1.000 milliards $ avant la crise du crédit, à 3.000 milliards $ en juillet de cette année.

    3. Le gouvernement chinois a encore une fois surpassé l’américain. En pourcentage du PIB, les stimuli chinois dépassent de moitié les américains. Grâce à ses banques sous contrôle d’État, 3000 milliards $, soit 60% du PIB, sont passés au crédit. Cela n’a pu se faire que par la nature hybride de l’État chinois. Même si cela fait bien longtemps déjà que la demi-caste, demiclasse dirigeante a décidé de passer à une économie de marché, elle dispose encore toujours de leviers qui lui permettent de mobiliser les forces productives d’une manière dont les autres économies purement de marché ne peuvent que rêver. Le régime a ainsi pu neutraliser l’effet de la grande récession sur son économie et dans la foulée soutenir l’économie américaine afin d’éviter d’être entrainé en chute libre avec elle.

    4. La Chine a accumulé 3.200 milliards $ en réserve au cours de ces dernières décennies, 66% en dollars, 26% en euro. Elle aimerait bien diversifier ce trésor. Un peu partout dans le monde, les détenteurs de capitaux sont très conscients de cela. C’est pourquoi la Chine se trouve sous pression. Le moindre signe qu’elle commence à vendre ses réserves en dollars causera une fuite subite, chacun cherchant à se débarrasser de ses dollars, conduisant à une implosion de cette devise, et à une baisse subite de la valeur de ses réserves. Mais sur un plus long terme, le fait de garder ces réserves en dollars pourrait s’avérer encore plus grave.

    5. L’économie chinoise est bien la deuxième au monde par sa taille, mais avec 1.250 millions d’habitants, la consommation des particuliers est sous celle de l’Allemagne, avec ses 82 millions d’habitants. La Chine a exporté près de 1.600 milliards $ en 2010. La dépendance envers le marché américain est énorme. Le surplus commercial (c.à.d, les exportations moins les importations) avec les États-Unis en 2010 était de 273 milliards $, plus que le surplus commercial total, qui est lui de 183 milliards $. Face au surplus commercial avec les États-Unis, il y a il est vrai un déficit commercial avec les pays fournisseurs de matières premières et de mains d’oeuvre encore meilleur marché dans la plupart des pays d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique. La Chine a donc tout intérêt à ce que l’économie américaine continue à tenir le coup.

    La Chine – nouvelle superpuissance mondiale ?

    6. Les mesures prises par le gouvernement chinois ont assuré une poursuite de la croissance dans toute une série de pays, dont par exemple le Brésil et l’Australie, mais cela n’est pas sans risque. Le Brésil présente à nouveau des signes d’économie coloniale qui produit essentiellement des matières premières et des produits semi-finis et en échange ouvre son marché aux produits manufacturés chinois. On y voit même un processus de désindustrialisation. Avec l’immense hausse de la productivité en Chine, en moyenne de 9,6% entre 2005-2009, cela a fait croître l’illusion que la Chine est sur le point de détrôner les États-Unis en tant que principale puissance mondiale. Tout comme les États-Unis après la Deuxième Guerre mondiale avaient chassé de cette position le Royaume-Uni.

    7. Cela est cependant peu probable. Aussi bien le Royaume-Uni que les États-Unis disposaient durant toute leur phase ascendante des techniques de production les plus modernes. C’était leur efficience de production qui déterminait les limites scientifiques et technologiques du reste du monde. Tous deux ont connu leur période de gloire dans une période d’expansion économique. Les Etats-Unis – après que ses plus importants concurrents aient été aplatis sous les bombardements, l’Amérique latine leur étant tombée dans les mains comme un fruit bien mûr – ont pu imposer leurs termes commerciaux et leur monnaie au reste du monde capitaliste, et ont développé une économie de guerre, sans pour autant avoir à subir les désavantages de la guerre. Voilà quelles ont été les conditions par lesquelles les techniques de production qui étaient déjà connues avant la Deuxième Guerre mondiale, mais qui se heurtaient auparavant aux limites du marché, ont pu être appliquées pour la première fois à une échelle de masse.

    8. Déjà en 1950, les États-Unis étaient beaucoup plus productifs que leurs concurrents. La productivité de l’Allemagne et de la France n’atteignait même pas la moitié de la productivité américaine. L’Union Soviétique n’en atteignait à peine que le tiers, et le Japon un cinquième. Les seuls qui atteignaient des résultats comparables étaient l’Australie, le Canada et… le Venezuela. Le Royaume-Uni était alors déjà un bon quart moins productif, juste un peu mieux que l’Argentine, mais derrière Hong Kong. Dans les années ’60 et ’70, la productivité aux États-Unis ne s’est cependant accrue que de moins de +3%, alors qu’elle s’accroissait de +5% dans les quinze pays de l’Union Européenne et de +8% au Japon. Comment cela se fait-il ? Selon la FED, à New York (Current Issues v13, n8), parce que lorsque la quantité de capital placée par travailleur est basse, le capital est relativement productif. Il a alors un haut produit marginal (la quantité par laquelle la production s’accroit pour chaque nouveau travailleur engagé) et contribue visiblement à la croissance de la productivité.

    9. Ce phénomène a déjà été expliqué par Marx. Il a fait remarquer le changement dans la composition organique du capital. Avec la composition organique, on détermine le rapport entre capital “vivant et variable” et capital “mort et constant”. Le capital vivant est consacré aux heures de travail de la main d’oeuvre et fournit une plus-value. Le capital mort est consacré aux bâtiments, aux matières premières, aux machines, et transmet sa valeur à celle du produit final, mais sans y ajouter de plus-value. La concurrence force les capitalistes à au moins suivre les techniques les plus modernes, et donc à investir de plus en plus dans du capital mort, aux dépens du capital vivant. L’effet clairement contradictoire de cela est le fait que le taux de profit – le profit réalisé par unité de capital investie – a une tendance à baisser. Les marxistes appellent cela “la loi de la baisse tendancielle du taux de profit”.

    10. Comme seconde raison pour expliquer la faible croissance de la productivité aux USA dans els années ’60 et ’70, la FED explique que des pays connaissant une degré moindre de technologie et de techniques de production, qui attirent des investissements étrangers et autres joint-ventures, pouvaient facilement copier les USA. On appelle cela la “loi de l’avancée en tant que frein” ou, pour employer une terminologie plus multilatérale et plus marxiste, la “loi du développement inégal et combiné”. Cela explique la croissance plus rapide de la productivité au Japon après la Deuxième Guerre mondiale, mais aussi pourquoi un pays qui se coupe du monde extérieur est au final condamné à stagner et à rester en arrière. La Corée du Nord ou l’Albanie d’Enver Hoxha, de véritables caricatures d’autarcie, en sont des témoins flagrants.

    11. La rapide hausse de la productivité au Japon et dans l’Union européenne a cependant cessé au début des années ’90. Selon la FED, cela s’est produit en Europe à cause de la “rigidité du produit et du travail”. Selon nous, cela s’est produit parce que le mouvement ouvrier en Europe est mieux parvenu qu’aux États- Unis à résister contre les tentatives du patronat de rehausser le taux d’exploitation. Pour le Japon, la FED explique qu’au fur et à mesure que la productivité d’un pays atteint son summum, le produit marginal baisse, et il devient plus difficile de copier, et de ce fait la hausse de la productivité devient plus difficile à réaliser. Nous ajouterions ceci : à moins qu’il ne survienne une situation exceptionnelle. La destruction massive de l’infrastructure et des moyens de production pendant la Deuxième Guerre mondiale constituait une telle situation exceptionnelle.

    12. Les États-Unis ont connu leur période de gloire durant l’âge d’or des années ’50 et ’60. À ce moment, la croissance économique était tirée par l’État social, avec la hausse des salaires, la baisse du temps de travail, l’apparition de véritables allocations sociales, de services publics et d’un système d’impôt progressif. L’économie chinoise est au second rang si on compare sa taille pour tout le pays mais, en termes de richesse par habitant, elle se trouve à la 95e place. Le pays connait une énorme croissance de la productivité de par les raisons définies ci-dessus, auxquelles il faut ajouter son infrastructure, son niveau d’enseignement et sa centralisation, tout cela hérité de son économie planifiée. Pourtant, la productivité par travailleur en 2005 n’y était que de 15% supérieure à ce qu’elle est aux États-Unis. La Chine devrait surmonter cela, alors que nous sommes en plein milieu d’une période de contraction économique.

    Les déséquilibres de l’économie chinoise

    13. Tout comme pour le Japon en son temps, la croissance économique chinoise est essentiellement poussée par les investissements. Au début, cela permet une croissance fébrile mais, après un certain temps, cela devient un frein. Entre 2000 et 2010, les investissements se sont accrus chaque année en moyenne de 13,3%, mais la consommation des particuliers n’a cru que de 7,8%. Cela signifie un transfert de la consommation vers les investissements. La baisse des salaires, l’expansion du crédit et un cours de change sous-évalué ont tous contribué à cela. La part de la consommation dans le PIB au cours de cette période est passée de 46% à 34%, tandis que celle des investissements passait de 34% à 46%. Pour 1% de croissance du PIB, il fallait encore dans les années ’90 une croissance du capital de 3,7%, en 2000, ce 1% de croissance exigeait par contre une hausse des investissements de 4,25%. On voit donc que la rentabilité de l’investissement diminue.

    14. C’est pourquoi Wen Jiabao, le premier ministre chinois, a déclaré l’économie ‘‘instable, déséquilibrée, non-coordonnée et au final, non-durable’’. On craint que ‘‘ne soient piégés les revenus moyens.’’ C’est le phénomène où un pays ne parvient plus à croître à partir du moment où il a atteint un niveau bien défini. L’incapacité à livrer l’accès aux couches moyennes pour la majorité de la population est un de ces symptômes. Les bas salaires et la répartition inégale sont il est vrai la source de la croissance des investissements. En fait, la croissance devrait être plus basée sur la consommation des particuliers. La croissance des investissements devrait être inférieure à celle du PIB. Dans les années ’80, le Japon a tenté de soutenir la croissance avec le crédit d’investissement, sans effet : cela a conduit à une explosion du crédit. Dans les années ’90, la correction est arrivée, avec les conséquences catastrophiques que l’on connait.

    15. Plus encore qu’à l’époque au Japon, les investissements en Chine sont basés sur du crédit. Sans un soutien artificiel, une grande partie ne serait pas rentable. Le moindre affaiblissement de la croissance à 7% ferait s’écrouler les investissements à 15% du PIB. Toute tentative de réorienter les moyens vers les ménages causerait une encore plus grande baisse des investissements. De ce fait, on voit que les investissements deviennent une source de stagnation, au lieu d’être un moteur pour la croissance. La Chine a maintenant un PIB par habitant comparable à celui du Japon en 1950 (juste après la guerre et juste avant le début de sa phase de croissance rapide longue de 25 ans). On dit que le PIB par habitant de la Chine pourrait atteindre 70% de celui des États-Unis en 2035, comme l’a fait le Japon en 1975 – à ce moment, l’économie chinoise serait plus grande que celle des États-Unis et de l’Europe ensemble. Bien que la taille de la population chinoise offre une échelle et des possibilités supplémentaires pour la répartition du travail, il y a aussi d’importants inconvénients qui y sont liés, le gigantesque besoin en matières premières n’est pas des moindres.

    16. La création d’argent avec laquelle le gouvernement chinois a tenté de repoussé la crise en 2009 et 2010 n’a pas réduit sa dépendance face aux exportations et aux investissements. Sur le marché de l’immobilier, il y a énormément de spéculation, dont l’argent est financé par des prêts. Cela a causé une énorme hausse des prix. La bulle immobilière a entrainé avec elle du capital spéculatif. Les investisseurs courent, il est vrai, le risque d’une réévaluation du yuan par rapport au dollar. Les hausses salariales sont compensées par la hausse des prix à la consommation. Le taux d’inflation “alarmant” provient apparemment de la croissance rapide du crédit et de la monnaie et de la hausse du prix du pétrole, des matières premières et des denrées alimentaires ; cela est renforcé par les spéculateurs qui attendent que la demande augmente. L’exportation massive de produits chinois fait en sorte qu’il y a un afflux massif de devises étrangères. Les entreprises tout comme les particuliers peuvent facilement prêter de l’argent, comme le robinet à crédit a été coupé sur injonction des autorités. Mais tandis que le gouvernement national coupe le robinet à crédit, celuici reste grand ouvert auprès des autorités locales.

    Guerre des devises et commerciale

    17. L’Occident trouve que le dernier plan quinquennal s’attaque insuffisamment aux problèmes structurels. On doit faire quelque chose pour résoudre la dépendance aux exportations et le fossé entre riches et pauvres. L’Occident a peur d’un affaiblissement de la croissance. Nouriel Roubini avertit d’un danger de crash. Mais leurs remarques ne sont certainement pas désintéressées. Ils espèrent gagner en compétitivité en forçant la Chine à réévaluer sa monnaie. Ils veulent aussi gagner l’accès à quelques miettes du marché intérieur chinois, mais celui-ci doit d’abord être mis sur pied. Pour la Chine, ils défendent par conséquent ce que partout ils combattent à tout prix : de meilleurs salaires et une sécurité sociale. Mais l’idée que la Chine puisse subitement gonfler sa consommation sans toucher aux intérêts des détenteurs de capitaux privés est une illusion. L’économie chinoise est une économie de marché libre dans la mesure où une hausse significative des salaires ou une réévaluation comparable du yuan provoquerait une chute du niveau d’investissements, et avec elle, de la croissance économique.

    18. Les gouvernements américains et européens demandent à la Chine ce qu’eux-mêmes ne peuvent pas se permettre. À première vue, c’est plutôt agréable. Dans la pratique, il s’agit d’une manoeuvre audacieuse. Ainsi, l’assouplissement quantitatif dont a fait usage la FED avait comme prévu affaibli le dollar au milieu de l’an passé. Cela a incité les spéculateurs à s’adonner au “carry trade”, c.à.d. à emprunter des dollars à un taux quasi nul pour les placer dans des pays avec un taux plus élevé. L’investisseur encaisse la différence de taux, sans même y engager son propre argent. L’affluence d’investissements a poussé la valeur des devises des pays receveurs, au détriment de leur compétitivité. Le premier à utiliser le terme de “guerre monétaire” a été le ministre des finances brésilien Guido Mantega, mais il exprimait ainsi ce à quoi beaucoup d’autres gens pensaient déjà. Le Brésil demande à l’OMC de prendre des sanctions contre les pays qui laissent filer trop bas leur taux de change. Il y a aussi le dumping. La Chine menace d’une guerre commerciale si les États-Unis décident de placer des taxes à l’importation sur les produits chinois.

    États-Unis : la politique anticyclique échoue

    19. Les États-Unis sont désespérément à la recherche de quelqu’un qui puisse reprendre une partie de leurs problèmes. De là viennent la pression sur la Chine pour qu’elle réévalue sa monnaie, la guerre monétaire à peine voilée, et le plaidoyer en faveur d’une politique monétaire plus conviviale en Europe. Depuis la catastrophe qu’a été le passage du “war-president” George W Bush avec ses cadeaux fiscaux aux riches, l’idée dominante est à présent de lutter contre la crise par une politique anticyclique. Ce courant est représenté par le président Obama, son ministre des Finances Timothy Geithner, et le président de la FED Bernanke. Tout comme leurs opposants, ils trouvent que l’État doit remettre de l’ordre dans ses dépenses, mais pas d’une manière qui risque d’hypothéquer la croissance. Ils craignent que des économies drastiques ne rejettent à nouveau l’économie dans la récession, voire la dépression. En plus de cela, ils souhaitent une participation de la part des riches, pour éviter des réticences de la part de la population face au plan d’austérité. Le gourou de la Bourse Warren Buffet affirme publiquement vouloir payer plus d’impôts.

    20. Cette politique s’est composée des stimuli de 800 milliards $ au début 2009, et de deux opérations d’assouplissement quantitatif par la FED, pour un total de 1850 milliards $. Entretemps, on a lancé le QE 1.5, avec lequel des remboursements libérés sont consacrés à des prêts d’États supplémentaires. La FED a également décidé de bétonner le taux nul jusqu’à 2013. Au final, elle a vendu pour 400 milliards $ de bons d’État à court terme (jusque 3 ans) et a acheté pour un montant semblable en bons d’État à long terme (de 6 à 30 ans). Rien ne semble cependant fonctionner. La consommation des particuliers n’a pas repris parce que les ménages tentent maintenant de rembourser leurs dettes, parce que le chômage sape le pouvoir d’achat, et parce que les autorités locales économisent sur les services et sur le personnel. Malgré des taux très bas, les entreprises américaines continuent à simplement stocker leur argent, pour un montant de 1,84 milliards de dollars, et préfèrent racheter leurs propres actions plutôt que d’investir.

    21. L’absence de résultat sape la crédibilité du gouvernement. Cela renforce la confiance des opposants, qui avaient pourtant pris un fameux coup avec la disparition de Bush. Cela a fait changer de camp ceux qui hésitaient. Au sein de la FED, Bernanke doit de plus en plus compter avec l’opposition, mais il ne doit pas se présenter à des élections. Obama et ses Démocrates n’ont pas ce luxe. Au niveau des Etats et au niveau plus local, des économies copieuses sont déjà bien avancées, même là où des Démocrates sont au pouvoir. Le mouvement Tea Party a sauté sur le mécontentement pour se présenter en tant que défenseur de l’Américain travailleur. Pour les Républicains, ces radicaux de droite étaient des partenaires bienvenus qui les ont aidés à obtenir la majorité à la Chambre basse en 2010.

    Le fouet de la contre-révolution

    22. Mais ce soutien pourrait bien s’avérer être un cadeau empoisonné. Le rôle des partisans du Tea Party dans l’attaque brutale contre les conditions de travail et les droits des travailleurs, entre autres au Wisconsin, a provoqué une réaction de masse. Pour les jeunes et les travailleurs, cela a été un moment décisif. Cela, en plus de son empressement à laisser les États-Unis faire défaut sur leurs paiements (pendant le débat sur le plafond légal de la dette), a endommagé le soutien populaire du Tea Party. Cela pourrait être décisif pour les élections présidentielles de 2012. Trouver un équilibre entre l’establishment des Républicains et les activistes qui exigent un plus grand rôle avec le Tea Party, devient de plus en plus difficile. Un Républicain modéré a officiellement une plus grande chance de récupérer des votes démocrates. Mais c’est surtout les dangers liés au fouet de la contre-révolution, qui font que l’establishment se réunit catégoriquement derrière la candidature de Mitt Romney. Il n’est pas exclu que ce “Grand Old Party” se dirige vers une scission après les élections présidentielles, et que le système des deux partis ne se rompe en premier lieu sur son flanc droit.

    23. Cela ne signifie pas pour autant qu’Obama a déjà gagné. Pour relever le plafond de la dette, on prévoit des économies pour 2.500 milliards $ au cours des dix prochaines années. Pas un mot sur plus d’impôts pour les riches. Le nombre de pauvres a augmenté l’an passé jusqu’à 46,2 millions, le nombre le plus élevé en 52 ans. 15% des Américains sont pauvres, le plus haut chiffre depuis ’93 : 10% des Blancs, 12% des Asiatiques, 26% des Hispaniques et 27% des Noirs. 50 millions d’Américains sont non-assurés, 48 millions des personnes entre 18 et 64 ans sont sans travail. Le revenu médian des ménages est retombé à son niveau de 1996. Le revenu médian personnel d’un travailleur adulte masculin, rapporté en dollars de 2010, était l’an passé inférieur à celui de 1973. Entre 1980 et 2009, le revenu des 20% les plus riches s’est accru de 55%, celui des 20% les plus pauvres a baissé de 4%. En 2007, 23,7% du revenu national allait aux 1% les plus riches, soit la même proportion que ce qui avait été atteint en 1929, juste avant la Grande Dépression.

    24. À chaque fois que l’on espère que l’économie a été sauvée et que l’on pense alors à débrancher la mise sous perfusion par la FED, apparait l’une ou l’autre statistique qui envoie tout valser. En août, pas un seul job n’a été créé. Les chiffres parus en juillet ont dû être fortement revus à la baisse. Immédiatement est réapparue l’angoisse que l’économie allait droit vers une nouvelle récession. Obama a lancé un nouveau plan d’emploi pour 447 milliards $, dont 240 milliards pour la réduction de moitié des impôts sur salaire, une mesure essentiellement destinée à soutenir les PME. De l’argent a été libéré pour des investissements dans des autoroutes, des chemins de fer et des écoles, et des moyens ont également été prévus pour tempérer le nombre de licenciements d’enseignants dans les écoles d’État. Pour réduire le chômage officiel de 9,1% à 5% en 5 ans, il faudrait cependant créer tous les mois 300.000 nouveaux emplois. Depuis le début de 2010, cela n’a été que 100.000 en moyenne, mais cela aussi s’est fortement réduit ces derniers temps.

    25. Ce plan ne suffira pas à remettre sur pied l’économie américaine pour une croissance durable. Il n’est qu’une répétition du plan précédent, en mode mineur. Avec de la chance, cela pourrait de nouveau tirer la croissance de l’emploi, jusqu’à la fin de ce plan. Le problème fondamental n’est toutefois pas un manque de moyens pour investir. Les entreprises ont tous les moyens qu’il leur faut. Elles ne croient cependant pas que l’investissement dans la production pourra rapporter suffisamment. Bon nombre d’entreprises reçoivent aujourd’hui bien plus de profits de par leurs transactions financières que de leur production. De plus, il n’est plus garanti qu’il existe encore un marché pour pouvoir absorber la production. Avec le développement actuel de la science et de la technique, les innovations nécessitent des années de recherche pour un rendement qui doit être réalisé dans un délai de plus en plus court. À peine un produit est-il développé qu’avec les possibilités actuelles il suffit tout au plus de quelques années pour saturer le marché mondial.

    26. Entretemps, l’État américain accumule les dettes. Tôt ou tard, il faudra bien les payer. Jusqu’à récemment, on considérait que cela était une donnée sûre. L’impasse dans le débat autour du plafond de la dette a cependant semé le doute. Qui aurait pensé que les politiciens aller amener les États-Unis au bord d’un défaut de paiement afin d’obtenir gain de cause dans la discussion budgétaire ? L’agence de notation Standard & Poors a décidé pour la première fois dans l’Histoire de baisser la garantie sur crédit de l’État américain. Elle a pris cette décision au lendemain d’un rapport avec une faute de calcul de pas moins de 2.000 milliards $. En plus, les marchés s’en foutaient de cette notation. La demande en bons du Trésor américain n’a pas descendu, de sorte que les États-Unis peuvent prêter au même taux que l’Allemagne. Cela ne va encourager la FED à faire de la lutte contre l’inflation une priorité. Au contraire, un peu d’inflation serait plus que bienvenu afin d’éponger la montagne de dettes. Le seul problème à cela est la difficulté de doser l’inflation.

    Zone euro : priorité à l’austérité

    27. La visite du ministre des finances américain Timothy Geithner au sommet européen de Wrocław n’a pas été extrêmement bien reçue. Geithner était là pour avertir l’Europe. Il aura remis en mémoire le glissement incontrôlable de Lehman Brothers jusqu’à la faillite, pour convaincre l’UE d’abandonner les spéculations sur la banqueroute de l’État grec. Il y a aussi plaidé en faveur d’un large élargissement du fonds de stabilité européen, qu’il fallait selon lui quadrupler. Les dirigeants des États-Unis craignent une nouvelle crise de l’économie mondiale, cette fois avec d’encore plus grandes conséquences que pendant la Grande Récession, déjà aussi parce que les Banques centrales et les États au cours de la précédente récession ont déjà épuisé toutes leurs munitions. Il y a apparemment plaidé en faveur d’une injection ferme et résolue de moyens afin de tuer dans l’oeuf la crise de la dette.

    28. Pour l’Europe, cela est cependant encore plus difficile que l’assainissement du budget aux États-Unis ou que la rehausse de la consommation des particuliers en Chine. Les politiciens européens sont également partagés quant à la manière de combattre la crise au mieux. Aux États-Unis domine pour le moment la tendance qui veut mettre la priorité sur la croissance plutôt que sur l’austérité. Mais il ne faut pas s’étonner que les rapports de force en Europe soient tout à fait opposés. La tendance qui veut donner la priorité à l’austérité “afin de soutenir la croissance de manière structurelle” y est dominante. Ce n’est guère surprenant. La zone euro est une union monétaire, mais pas une union fiscale ni politique. Elle consiste en 17 pays qui ont tous leur propre bourgeoisie, leur propre gouvernement et leurs propres intérêts. À qui rapporte le fait que la priorité soit mise sur la croissance ? Aux récipiendaires directs. Et à qui est-ce que ça rapporte qu’on ait des économies d’abord, avant les dépenses ? Les payeurs nets. Ces derniers sont les pays les plus forts, qui sont dominants dans la détermination de la politique de la zone euro et de la BCE.

    29. Le PSL et le CIO ont toujours été d’avis que l’unification européenne n’est pas possible sur une base capitaliste. Nous sommes également depuis longtemps convaincus du fait qu’une récession économique mettrait une croix sur le projet d’une monnaie unique européenne, même avant que l’euro n’arrive en existence. Les unions monétaires ne sont pas quelque chose de nouveau. Les pays insulaires autour de l’Australie utilisent le dollar australien et il existe encore quelques anciennes unions monétaires coloniales, telles que le franc CFA. D’autres unions monétaires ont existé par le passé sur une base volontaire entre des États plus ou moins comparables. L’Union monétaire scandinave par exemple, qui a duré de 1873 à 1914. Ou l’Union latine, à partir de 1865 entre la Belgique, la France, la Suisse et l’Italie, qui a ensuite été rejointe par l’Espagne et la Grèce, et enfin par la Roumanie, la Bulgarie, la Serbie, Saint-Marin et le Venezuela (entre autres). Cette union a tenu jusqu’en 1914, bien qu’elle n’ait été officiellement dissoute qu’en 1927. Nous pensions cependant que la conjoncture économique, cette fois, exclurait complètement l’idée d’une nouvelle union monétaire. Nous nous sommes trompés. Nous restons néanmoins convaincus que la crise va à un moment donné faire éclater la zone euro, mais pas au point d’avant l’introduction de l’euro.

    30. Les bourgeoisies nationales d’Europe n’ont jamais eu l’intention, ni avec l’Union européenne, ni avec la zone euro, d’unifier les peuples d’Europe par la paix. Cela n’a jamais été que de la rhétorique, derrière laquelle était caché la signification réelle, c’est-à-dire la création de leviers pour la maximalisation du profit et de la casse sociale. C’est évident, la réalité de la division du travail croissante et le besoin de devenir plus fort dans la concurrence avec d’autres blocs commerciaux aura joué, mais jamais jusqu’au point où cela irait au prix des intérêts nationaux particuliers. Le traité de Nice et plus encore celui de Lisbonne ont en tant que but de faire de l’Europe la région la plus compétitive au monde. C’était sans doute l’intention de laisser converger petit à petit les économies nationales, même si les normes de Maastricht et le pacte de stabilité qui ont été institués à cette fin ont été abusivement utilisés par les politiciens nationaux pour rejeter sur eux la responsabilité de la politique nationale. La plupart des pays n’ont jamais atteint les conditions requises par les normes de Maastricht, encore moins du pacte de stabilité, et la Belgique non plus.

    31. Jusqu’à avant la crise de la dette, les économistes étaient convaincus que la convergence était un fait. Ils voyaient les caractères communs superficiels, mais pas les contradictions croissantes sous la surface. Ils voyaient surtout ce qu’ils voulaient voir. En 2006, Marc De Vos, de l’agence Itinera, écrivait dans une carte blanche dans De Tijd : « L’Irlande nous apprend qu’une relative inégalité de revenu est le prix à payer pour une expansion économique rapide, dont néanmoins tout le monde, y compris les pauvres en termes absolus, s’enrichit ». De Vos ne raconterai plus aujourd’hui de telles sornettes de la même manière, mais en ce temps-là, il était complètement aveuglé par l’expansion économique. Dans notre réponse dans les textes de notre Congrès de 2006, nous indiquions déjà une contradiction que lui-même n’allait découvrir que quelques années plus tard : « … le symptôme spécifique par lequel l’Irlande depuis des années a connu un taux d’intérêt réel négatif. Le taux d’intérêt est il est vrai défini par la Banque centrale européenne et se trouve depuis des années sous les chiffres de l’inflation irlandaise. Le crédit extrêmement bon marché est indirectement financé par un grand afflux de capital étranger ». À cela, nous ajoutions : « Une profonde récession sur le plan mondial fera cependant éclater l’économie artificiellement gonflée de l’Irlande (du Sud) ».

    32. Aujourd’hui, tout le monde reconnait que les contradictions n’ont pas diminué, mais plutôt augmenté. Avec la politique du bas taux d’intérêt qu’ont exigé de la BCE les pays à la plus forte économie, d’énormes bulles immobilières et paradis fiscaux ont été créés dans la périphérie, ce qui ailleurs a été utilisé pour casser les acquis sociaux et mettre sur pied des secteurs à bas salaires. Le fait que cette bulle se viderait à un moment donné, cela fait des années que les socialistes le prédisent. Les spreads, la différence de coûts que doivent payer les Etats nationaux pour pouvoir emprunter, n’ont jamais été aussi grands. Dans Le Soir, le professeur d’économie Paul De Grauwe (KUL) expliquait qu’il s’était trompé. Au sujet d’un pays qui adhérait à une union monétaire, il dit : « Nous avions toujours pensé que ce pays devenait plus fort, mais non ! » L’Espagne a un plus petit déficit budgétaire et une plus petite dette que le Royaume-Uni, mais ce dernier peut financer sa dette à 2,52% sur dix ans, tandis que l’Espagne doit le faire pour deux fois ce prix. Cela vient, selon De Grauwe, du faite que la Banque centrale britannique peut si besoin est imprimer de l’argent elle-même afin de satisfaire à ses obligations, mais l’Espagne dépend pour cela de la BCE.

    Tragédie grecque

    33. Les pays en-dehors de la zone euro peuvent stimuler l’exportation par la dévaluation de leur propre monnaie. Qui se trouve dans la zone euro est condamné à la “dévaluation interne”, un terme à la mode pour dire “casse sociale”. Il n’y a entre temps plus un seul pays de la zone euro qui n’est pas en train d’assainir. Les uns parce qu’ils ont dû faire appel à l’aide de la “troïka” de la Commission européenne, de la BCE et du FMI, les autres pour pouvoir éviter d’avoir à faire un tel appel. Les plans d’austérité dure doivent diminuer les déficits budgétaires et améliorer la compétitivité, mais ça ne marche pas. Ils sapent au contraire le pouvoir d’achat par la baisse des salaires, les attaques sur toutes les allocations sociales, la hausse du chômage et dans la plupart des pays une hausse des impôts directs sur les biens de consommation. Cela touche à son tour la petite bourgeoisie, les entreprises de distribution et les entreprises qui sont orientées vers le marché interne de chaque pays. Les véritables investisseurs sont découragés d’investir, les spéculateurs qui espèrent des rachats d’entreprises (d’État) sont encouragés. Avec la vente urgente des entreprises d’État, on perd des revenus annuels fixes en échange d’une cacahouète. Les revenus des impôts se ratatinent, et les dépenses sociales augmentent, car de plus en plus de gens y font appel.

    34. Les pays qui sont mis sous curatelle de la troïka partent directement dans une spirale de croissance négative. Dans le deuxième trimestre de 2011, l’économe grecque s’est contractée de 6,9% par rapport à l’année précédente. Le déficit budgétaire va apparaitre de 8,5% au-dessus de l’objectif de la troïka. À quoi d’autre peut-on s’attendre ? Le revenu moyen des ménages a été diminué de moitié l’an passé. Le pays menace à tout moment de faillite. Lorsque la Grèce a reçu le premier paquet de sauvetage de 110 milliards d’euro qui lui avait été promis, c’était afin d’éviter le défaut de payement sur le prêt d’État de 8 milliards d’euro devant être payé le 19 mai 2010. C’était le plus grand paquet jamais vu. Entretemps, le taux d’intérêt auquel cet emprunt a été mis à disposition de la Grèce a été diminué, et le délai de payement a été doublé. Néanmoins la Grèce a dû être soutenue une bonne année plus tard avec la promesse d’un nouveau paquet.

    35. Cette fois, il s’agit de 109 milliards d’euros. À compléter avec une contribution théorique du secteur financier via un échange d’obligations volontaire par lequel les détenteurs d’obligations grecques devraient accepter une “tonte” de 21%, d’une valeur totale de 37 milliards d’euro. Pour les banques, c’est une bonne affaire, mais pour l’État grec, cela ne va pas énormément arranges son problème de dette. Ses obligations sont il est vrai déjà maintenant échangées sur le marché secondaire à moins de 50% de leur valeur nominale. Et même avant que ce nouveau plan soit accepté par les parlements nationaux des pays de la zone euro, la Grèce est cependant de nouveau au bord du défaut de paiement. Les analystes supposent que la question n’est plus de savoir si la Grèce va vers la faillite, mais de savoir à partir de quand elle le sera.

    36. Lorsque cela se produira, les conséquences en seront catastrophiques. L’État ne pourra plus prêter ses prêts et allocations, ou alors de manière extrêmement réduite. Les factures ne seront plus payées, ou alors pas avant de longs délais. Par le non-paiement (complet ou partiel) des dettes, le pays se verra dépourvu de liquidités. Le secteur financier entrera en faillite, tout comme de nombreuses entreprises. Les pensions, aussi bien celles des pensionnés actuels que celles des futurs pensionnés, seront fortement minées. Les investisseurs tenteront de quitter le pays. Les épargnants tenteront de récupérer leur argent. Il y aura un raid sur les banques. Des troubles sociaux, mais certainement aussi des pillages seront à l’ordre du jour. Lorsque l’Argentine a fait faillite en 2001, des dizaines de gens sont morts dans des émeutes, l’état d’urgence a été instauré et la situation n’a finalement pu se stabiliser qu’après que la monnaie soit tombée à 25% sous sa valeur.

    37. Pour quelques économistes, c’est là le seul scénario possible, et il vaut peut-être mieux le commencer tout de suite parce que le cout social et économique n’en sera autrement que plus grand. Nouriel Roubini plaide en faveur d’une faillite et d’un départ de la zone euro, dans l’espoir qu’une forte dévaluation rétablisse la compétitivité à terme. Remonter le temps n’est cependant pas sans un certain cout. Quitter la zone euro est différent que de ne jamais y avoir adhéré. Qui va financer les dettes si la Grèce introduit sa propre monnaie ? Maintenant elles s’élèvent déjà à 142% du PIB. Ces dettes sont surtout en euro. Si la drachme est réintroduite, et qu’on a comme on s’y attend une dévaluation de 60% par rapport à l’euro, la dette sera soudainement équivalente à 230% du PIB. Il faudra alors des mesures encore plus drastiques afin d’éviter un raid sur les banques et imposer des contrôles de capital. Les entreprises avec des prêts dans le pays entreront en faillite. Les produits importés deviendront plus chers et le niveau de vie des familles sera encore plus réduit. Sur une base capitaliste, il n’y aura à ça non plus aucune réponse.

    38. Certains plaident en faveur d’une reconversion des obligations nationales en obligations européennes, dans l’espoir de décourager les spéculateurs. L’idée est de répartir le risque en empaquetant ensemble les bonnes et les mauvaises obligations d’État, un peu comme ce qui avait été fait avec les hypothèques foireuses. On craint cependant le célèbre dégât moral, par lequel la pression en faveur d’une discipline budgétaire diminue et le nombre de mauvaises obligations d’État après un certain temps entraine avec elles les bonnes vers le bas. Au lieu de répartir en tant que tel le risque jusqu’à ce qu’il n’en reste plus, cela détériorerait au contraire les bons emprunts, comme on l’a vu en 2008 avec les subprimes. D’autres espèrent pouvoir limiter cela en transformant seulement 60% de ces dettes d’État en obligations européennes. Mais cela aussi ne résoudrait rien du tout, car les spéculateurs continueraient à spéculer en pourcentage au-dessus de 60%. Les pays les plus forts de la zone euro s’opposent à l’introduction d’obligations européennes. Pour reprendre les mots de Karel Lannoo dans Knack : les obligations européennes sont le point de conclusion d’une union fiscale et politique, pas le point de départ.

    Payer ou se séparer

    39. Paul de Grauwe, selon ses propres mots, dit ne rien comprendre. « Nous disposons des moyens », dit-il, « la BCE peut imprimer de l’argent autant qu’elle veut ». Cela ne causera pas d’inflation, ajoute-t-il. Mais les pays forts de la zone euro ne sont pas prêts à cela. À part le fait qu’ils abandonneraient également ainsi le contrôle sur la politique monétaire, joue à nouveau le fait que cela enlèverait la pression pour remettre de l’ordre dans les budgets. Le problème le plus important est cependant réellement le danger de l’inflation. Il est vrai que le simple fait d’imprimer de l’argent ne mènera pas immédiatement à une forte inflation. Après tout, l’inflation se produit du fait que la quantité d’argent en circulation grandit plus vite que la quantité de biens et de services disponibles. Cette quantité n’est pas seulement définie par la quantité d’argent dans la société, mais aussi par la rapidité avec laquelle cette quantité d’argent change de propriétaire. Quand l’argent est retenu par les épargnants, les investisseurs en actions comme au début de ce siècle lorsque a eu lieu le phénomène de l’inflation du prix des actifs, ou quand les entreprises qui l’entassent sans le dépenser, alors cet argent ne va pas vers l’économie réelle et n’a aucun ou quasi aucun effet sur l’inflation.

    40. Une comparaison avec le mouvement actuel du prix du pétrole, et de manière plus large de toutes les denrées énergétiques, clarifie cependant ce que l’effet pourrait être d’une création large d’argent par la BCE. À chaque fois que la croissance économique stagne, le prix du pétrole diminue, par lequel il existe un espace pour respirer. Mais dès que l’économie repart à la hausse, le prix du pétrole remonte à nouveau, par lequel la croissance est entravée. Le même peut se produire avec une trop grande hausse de la quantité d’argent. À chaque fois que l’économie stagne, le danger de l’inflation laisse la place à un danger de déflation, mais aussitôt que l’économie repart et que l’argent recommence à rouler, une trop grande quantité d’argent peut mener à une explosion d’inflation. La Chine a maintenant déjà à se battre contre une inflation galopante. Les politiciens allemands gardent encore toujours un traumatisme dû au souvenir de l’hyperinflation pendant la république de Weimar. En outre, le souvenir plus réaliste de la stagflation des années ’70 est encore plus frais dans la conscience.

    41. Le lecteur critique peut interjeter que la création d’argent aux États-Unis n’a tout de même pas mené à une inflation hors de contrôle. Nous avons déjà attiré l’attention sur le fait que les États-Unis, en opposition à la zone euro, sont un État-nation avec une bourgeoisie nationale qui non seulement dispose de sa propre monnaie, mais aussi d’une unité politique et fiscale. En outre, les réserves en dollars existent déjà et elles sont réparties à travers le monde entier. Une création d’argent comparable dans la zone euro est facilement une de trop, aussi pour la Chine ou d’autres pays avec d’importantes réserves de valeurs. En 2012, la zone euro doit refinancer 1700 milliards d’euro, dont un quart par la France, 23% par l’Italie, 19% par l’Allemagne et 20% par l’Espagne, la Grèce, l’Irlande et le Portugal tous ensemble. Selon la Deutsche Bank, la Chine pourrait investir pour un montant de 175 milliards d’euro dans des titres de dette européens, soit “une goutte d’eau sur une assiette chaude”.

    42. Le 21 juin, il a été décidé d’élargir la disponibilité du fond de stabilité européen. La hausse espérée des moyens pour le fonds d’urgence est cependant demeurée lettre morte. Juste fin septembre, le parlement allemand a voté l’élargissement déjà décidé auparavant de sa contribution pour les garanties du fonds de stabilité européenne. Ainsi, le fonds dispose maintenant finalement des 440 milliards d’euro annoncés depuis janvier. Pour faire face à une faillite grecque, voire à une infection à d’autres pays européens, cela est largement insuffisant. La Chine et les États-Unis appellent à un élargissement du fonds à 2000 milliards d’euro. Cela illustre le fait qu’ils prennent au sérieux une faillite de la Grèce et ne croient pas en l’illusion que l’on peut placer la Grèce en quarantaine. Malgré la position “unique” de la Grèce, qui a déjà reçu pour 250 milliards d’euro, la crise de la dette des États s’est étendue à l’Irlande, qui a reçu un prêt d’urgence de 86 milliards d’euro, et au Portugal, avec un prêt de 78 milliards d’euro. L’Espagne qui a elle seule autant de dettes (637 mld €) que l’Irlande (148 mld €), la Grèce (328 mld €) et le Portugal (161 mld €) réunis, tente désespérément de rester à flot avec l’aide de la BCE. Si l’Italie, avec une dette (1842 mld €) trois fois plus grande que celle de l’Espagne, venait à glisser, alors même quadrupler le fonds d’urgence ne suffira plus. Comment vont-ils faire accepter cela aux 17 parlements de la zone euro ?

    43. Il y a la menace d’une nouvelle crise bancaire. Les banques françaises sont pour plus de 600 milliards d’euro exposées aux PIIGS, les banques allemandes, britanniques et américaines pour chacun de ces pays, pour environ 500 milliards d’euro. La base du capital des banques européennes a été renforcée après la crise de 2008, mais pas de la manière dont cela a été fait aux États-Unis. La plupart n’avaient pas calculé qu’elles allaient devoir renoncer à leurs obligations d’État grecques. Si demain cependant aussi les obligations espagnoles et italiennes doivent être annulées, le fait que le fonds d’urgence puisse désormais être utilisé pour recapitaliser les banques aussi sera un maigre réconfort. Les bourgeoisies européennes se sont mises dans une situation à la “catch 22”. Abandonner l’euro serait une énorme saignée pour les entreprises qui sans nul doute présenteront la facture aux travailleurs et à leurs familles. Cela serait un énorme coup porté au prestige des bourgeoisies européennes et cela mettrait fin à la collaboration qui a eu lieu après la Deuxième Guerre mondiale. Cela saperait en outre la position à l’export des pays les plus forts de la zone euro. Mais le cout du maintien de la zone euro continue à augmenter, et la question est à partir de quand ce prix sera-t-il trop grand ?

    44. En fait, il existe déjà depuis quelques mois un très grand consensus sur le fait que la politique de la dévaluation interne ne fonctionne pas, mais qu’il n’y a pas d’alternative. En conséquence, on continue contre tout meilleur jugement dans la même politique. La plus jeune réalisation a été le vote au Parlement européen du fameux “sixpack”. Officiellement, cela est la réponse à la crise économique, mais on abuse de cette occasion pour institutionnaliser la politique de l’orthodoxie néolibérale. Les États-membres doivent dorénavant présenter leur budget aux institutions européennes avant de pouvoir les faire valider par leurs parlements nationaux. On peut imposer des entraves budgétaires et des plafonds de dette sont infranchissables. Qui les enfreint peut être sanctionné. En même temps, on discute cependant d’un détour pour pouvoir élargir le fonds d’urgence. Comme si on n’avait pas déjà fait assez de dégâts avec toutes ces manipulations financières, on veut y placer un effet de levier. La BCE prêterait des sommes d’argent illimitées à quiconque veut acheter les obligations d’État des pays faibles de la zone euro, avec les 440 milliards d’euro du fonds d’urgence en tant que garantie. De cette manière, on peut garantir pour quatre ou cinq fois plus d’euro en obligations d’État, et on espère contrer la spéculation contre les obligations d’Italie ou d’Espagne.

    45. On peut bien se demander à quoi ils sont occupés. En fait, ils continuent simplement à faire la même merde jusqu’à ce que la séparation inévitable et douloureuse ne se présente. C’est logique : sur base du capitalisme, il n’y a pas d’issue. Le problème fondamental est il est vrai que le marché capitaliste sous-utilise et contrecarre les capacités scientifiques et techniques. Nous devons libérer l’économie de la chasse au profit et la mettre au service de la société et de son cadre de vie et de travail, par la mise en propriété collective libre des secteurs-clés de l’économie et de la science, et par la planification démocratique. Le gouvernement qui fait cela, se ferait vraisemblablement jeter de la zone euro à coups de pieds au cul. Ce ne serait pas une autarcie délibérément choisie. Les jeunes et les travailleurs partout en Europe comprendraient bien vite que la bourgeoisie tente par là de les isoler de la seule alternative possible. Cela aurait l’effet exactement opposé.

  • Les révoltes mondiales contre ce système sans perspective suscitent la recherche d’une alternative (2)

    Révolution et contre-révolution

    46. Cela exige une habile dose de dialectique afin de commencer à comprendre cette crise. Les vieilles certitudes sont dépassées par les contradictions que se sont accumulées sous la surface depuis des années. Des contradictions apparentes ne sont, d’un autre côté, que leurs propres compléments dialectiques. Ce qui hier fonctionnait encore bien, est aujourd’hui totalement bloqué. Les impasses et les changements de rythme vertigineux des processus graduels, leur revirement soudain et brusques transformations, caractérisent la situation. Nous nous trouvons dans une période de révolution et de contre-révolution, dans laquelle l’être humain se débarrasse de sa vieille enveloppe qui ne suffit plus aux besoins, dans ce cas le capitalisme. Des siècles auparavant, les révolutions prenaient la forme de déménagements massifs de population et par la suite, de guerres religieuses. Malgré les passions religieuses avec lesquelles elles étaient couplées, à ce moment-là aussi les conditions matérielles étaient la force motrice derrière ces processus. Que ce soit maintenant au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, ou bien en Chine, aux États-Unis, au Chili ou en Europe méridionale, les mouvements qui se sont déroulés cette année et sont toujours en cours, sont un dérivé direct de la Grande Récession.

    47. De puissants groupes médiatiques, une oppression dictatoriale brutale et la mesquinerie religieuse ne pouvaient pas empêcher le fait que les conditions matérielles ont finalement poussé les masses à surgir sur la scène politique. Cela s’est produit contre toute attente de la part des dirigeants locaux et de leur large appareil policier, de l’impérialisme et aussi des militants locaux. Mohammad Bouazizi n’était certainement pas le premier jeune chômeur en Tunisie à s’être immolé en guise de protestation contre le manque de perspectives. Sa mort a été la goutte qui a fait déborder le vase. En fait, quelque chose couvait déjà sous la surface depuis le grand mouvement de grève dans les mines de Gafsa en 2008. À ce moment là, Ben Ali était encore parvenu à isoler et étouffer le mouvement. Cela avait aussi à voir avec les bonnes relations que les dirigeants de la fédération syndicale UGTT entretenaient depuis des années avec la dictature. Le RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique, le parti de Ben Ali) n’a été que le 17 janvier expulsé de l’“Internationale socialiste”, trois jours après la démission de Ben Ali.

    48. Les 500 000 syndicalistes ne sont cependant pas restés insensibles avant l’explosion sociale qui s’est répandue à partir du 17 décembre à vitesse grand V de Sidi Bouzid à tout le reste du pays. Malgré le fait que la direction nationale ait menacé de poursuite judiciaire, les sections locales et régionales ont pris part aux protestations et ont souvent offert un cadre organisateur. En une semaine, les dissidents avaient gagné toutes les sections. Les protestations se faisaient de plus en plus bruyantes. Le régime a réagi avec une répression brutale, mais le mouvement avait surmonté sa peur. Cela a causé la division au sein de la clique dirigeante. Au final, même l’armée a dû être retirée de Tunis de sorte qu’elle ne soit pas contaminée. Les troupes de sécurité ont tenté de créer le chaos afin de discréditer le mouvement et de le diviser. Dans les quartiers, des comités de sécurité ont été établis en réponse à cela, et ensuite des comités pour le démantèlement du RCD, des comités pour le ravitaillement, etc. Les dirigeants d’entreprise se voyaient refuser l’accès à leur entreprise en raison de leurs liens avec le régime de Ben Ali.

    La révolution enfle

    49. Les marxistes décrivent une telle situation comme une situation de “double pouvoir”. Pour la bourgeoisie et l’impérialisme, il fallait supprimer le pouvoir de la rue et à nouveau canaliser le pouvoir vers ses institutions fiables. Pour le mouvement en Tunisie et pour le mouvement ouvrier international, il s’agit de ne plus laisser ce pouvoir s’échapper. De cela découle notre appel à élargir les comités, à les structurer de manière démocratique, et à les réunir sur les plans local, régional et national afin de poser la base pour une nouvelle société, avec une nouvelle constitution révolutionnaire. Un petit parti révolutionnaire de quelques dizaines de militants aurait pu changer le cours de l’Histoire avec un tel programme. Cela n’était hélas pas le cas. Les partis et groupes de gauche qui y étaient bien présents, ont choisi soit un soutien critique au gouvernement temporaire, soit d’orienter le mouvement vers les urnes et d’attribuer la question de la constitution à un comité pluraliste de “spécialistes”.

    50. Leur argument a été le classique « D’abord la démocratie, et puis on verra après pour le socialisme ». Il y a toujours bien une raison : pour ne pas défier l’impérialisme, pour conserver l’unité des démocrates, ou parce que les masses n’étaient pas prêtes. Cela reflète un manque de confiance dans le mouvement ouvrier et dans la capacité des masses. Ils ont laissé passer le moment. Les comités ont néanmoins été rapidement imités en Égypte et d’ailleurs aussi en Libye. En Égypte, est arrivée la construction de camps de tentes permanents qui fonctionnaient comme quartier général de la révolution. Cela a été un exercice en autogestion avec leurs propres équipes média, équipes communication, service d’ordre et même à un moment donné une prison improvisée. Ici il n’y avait aucune trace de la bestialité de la clique dirigeante. Ici il semblait clair que les soi-disant groupes de lynchage étaient l’oeuvre d’agents provocateurs du régime. Les coptes et musulmans égyptiens y travaillaient de manière fraternelle les uns avec les autres et se protégeaient les uns les autres pendant les services religieux. Ce n’est que par après que le vieux régime, via l’armée, a pu reprendre un peu plus de contrôle, que les tensions religieuses se sont à nouveau enflammées.

    51. C’était une caractéristique frappante du mouvement qu’il ait pu transcender les contradictions nationales, religieuses, tribales et ethniques avec un énorme sentiment de respect et de liberté. Ce sentiment pour le respect s’est également exprimé dans le rôle proéminent des femmes. Il y avait évidemment divers degrés, mais ce phénomène s’est produit dans toutes les révolutions, que ce soit en Tunisie, en Égypte mais aussi au Bahreïn, au Yémen, en Syrie et dans d’autres pays de la région. Dans chaque révolution, il y a des moments où les masses partent en confrontation directe avec l’élite dirigeante. La plupart prennent la forme d’une marche sur le parlement, le palais présidentiel, le ministère de la Défense, et autres institutions qui symbolisent le pouvoir dirigeant. Cela s’est passé à Tunis, au Caire, à Sana’a (Yémen), et à Manamah (Bahreïn). C’était ici que le manque d’un programme c’est exprimé de la manière la plus criante. Une fois arrivés sur place, les manifestants ne savaient en effet plus par quoi d’autre commencer. Ils restaient à trépigner sur place, puis finissaient par rentrer chez eux.

    52. Trépigner sur place, ce terme a parfois été pris de manière très littérale. L’occupation de la place Tahrir, de la place Parel (à Manamah), et de tant d’autres places symbolise ceci. On sentait par intuition qu’on ne pouvait pas simplement rester là. Les travailleurs occupaient leurs entreprises, les communautés avaient pris le contrôle de leur quartier, mais le moment de la prise du pouvoir, ils l’ont laissé filer. On a estimé la contribution des travailleurs sans doute importante, tout comme celle des mosquées ou des bloggers, mais la révolution, celle-ci appartenait au “peuple”. Le caractère de classe de la société n’avait pas assez pénétré. On s’est battu contre le chômage et la pauvreté, pour de meilleures conditions sociales, pour la liberté et pour la démocratie, mais on n’a pas encore compris que c’est contre l’organisation capitaliste de la société qu’il faut lutter si on veut tout cela. On a vu les travailleurs comme une partie de la population, pas encore comme avant-garde d’une nouvelle organisation de la société sur base de la propriété collective. Les travailleurs eux-mêmes ne se voyaient pas comme ça, parce qu’il n’y avait aucune organisation ouvrière, aucun syndicat et encore moins de partis qui puissent ou qui veuillent donner une expression à cela en termes de programme et d’organisation.

    53. Dans une telle situation, le vieux pouvoir, après avoir fourni les quelques sacrifices symboliques exigés, rétablit petit à petit son emprise. Les masses ont cependant développé une énorme énergie, ont surmonté leur peur, et sont devenues conscientes de leur propre force. En outre, les conditions matérielles vont continuer à les encourager à chaque fois à rentrer en action de nouveau. Une chance énorme a été perdue, mais la lutte n’est pas terminée. La prise du pouvoir n’est plus en ce moment en tête de liste à l’ordre du jour, mais la construction de syndicats, de partis ouvriers et surtout aussi de noyaux révolutionnaires, n’est pas seulement nécessaire, mais sera beaucoup mieux compris par la couche la plus consciente. De plus, une couche de militants va observer de manière beaucoup plus attentive les nuances qu’elle avait encore considérées comme peu importantes pour le mouvement.

    L’impérialisme reprend pied dans le pays

    54. L’impérialisme était encore en train de mener une guerre d’arrière-garde avec les partisans d’Al-Qaeda, lorsque les masses ont jeté par-dessus bord ses pantins dans la région et ont ainsi réalisé en quelques semaines ce qu’al-Qaeda n’a jamais pu faire. Il a perdu tout contrôle. Les masses dans la région étaient d’ailleurs très conscientes du fait que Moubarak, Ben Ali et autres dictateurs étaient maintenus en place par l’impérialisme. Il a fallu la brutalité du régime de Kadhafi en Libye pour que l’impérialisme puisse à nouveau prétendre jouer un rôle dans la région. Au début, les jeunes de Benghazi, qui avaient commencé la révolution, avaient laissé savoir à la presse internationale qu’ils ne souhaitaient aucune ingérence de la part de l’impérialisme. Bientôt apparaissaient cependant les drapeaux royalistes et des chefs rebelles autoproclamés, ex-laquais de Kadhafi, partaient rendre visite à l’Élysée.

    55. Kadhafi a sauté sur l’occasion pour semer le doute quant aux objectifs des rebelles. Cela lui a donné la possibilité d’infléchir le conflit social et politique en un conflit militaire, avec sa propre armée armée jusqu’aux dents. À l’est du pays, cela a fait croitre l’appel à un soutien militaire d’Occident, et les ex-laquais de Kadhafi ont vu leur chance pour pouvoir arracher l’initiative hors des mains de la jeunesse révolutionnaire. Cela a duré plus longtemps et couté plus cher que l’impérialisme avait prévu au départ. Il est loin d’être sûr qu’ils parviendront à stabiliser la situation. La Libye pourrait bien devenir le seul pays de la région dans lequel le fondamentalisme islamiste parvienne à accéder au pouvoir. Il y aura bien des courants qui ainsi justifieront leur soutien à Kadhafi. Ils affirmeront que l’entrée triomphale du “libérateur” Sarkozy, est une mise en scène. C’est d’ailleurs bien possible. Ils s’apercevraient cependant mieux que Sarkozy et l’impérialisme n’auraient pas pu prendre l’initiative sans la brutalité de Kadhafi.

    56. Le président syrien, Assad, a suivi dans les traces de Kadhafi. L’impérialisme ne va pas y intervenir aussi rapidement, à cause du danger de déstabiliser la région. Il est cependant certainement à la recherche d’une alternative à Assad, sans doute en préparation du résultat d’une probable guerre civile. Ici aussi un soutien, même critique, au régime brutal d’Assad, en guise de ce qui voudrait passer pour une rhétorique anti-impérialiste, serait une faute capitale pour la gauche et ne ferait que pousser les masses dans les bras de l’impérialisme. La manière dont l’impérialisme en revanche est déjà ouvertement en train de se partager le butin en Libye, même avant que Kadhafi ne soit renversé, illustre à nouveau le fait que le mouvement ouvrier international ne peut jamais donner la moindre confiance en l’impérialisme, et donc pas non plus ni à l’OTAN, ni à l’ONU, pour défendre ses propres intérêts. Dans nos textes, nous faisions allusion aux troupes révolutionnaires de Durruti en 1936, pendant la Révolution espagnole, afin d’illustrer ce qui aurait pu être entrepris dans une telle situation.

    Révolution permanente

    57. On ne peut pas être socialiste, si on n’est pas en même temps internationaliste. Les mouvements sociaux ont toujours eu une tendance à passer outre les frontières nationales. Le processus de mondialisation et les nouveaux médias ajoutent une dimension supplémentaire à cela. En Chine, le régime a pris des mesures pour étouffer dans l’oeuf toute contagion par le mouvement au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Au Chili aussi, mais avec beaucoup moins de succès. Même les travailleurs et jeunes américains grèvent désormais “like an Egyptian”, entre autres au Wisconsin. Ils construisent des campements en plein dans l’antre du lion, à Wall street, et n’ont plus peur de la répression. Les syndicats sont de plus en plus impliqués. Même les travailleurs et jeunes israéliens ont donné une claque à tous ceux qui pensaient que dans ce pays vivait une grande masse réactionnaire sioniste. Cela confirme notre thèse selon laquelle le fossé entre la bourgeoise sioniste et les travailleurs et jeunes israéliens s’approfondit. Pour les masses palestiniennes, voilà leur allié le plus important.

    58. Le centre du mouvement est clairement passé de l’Amérique latine au Moyen-Orient, à l’Afrique du Nord et surtout à l’Europe. L’Amérique latine a déjà servi dans les années ’80 de laboratoire pour le néolibéralisme. Cela y a mené à des mouvements de masse. Dans toute une série de pays, comme au Venezuela, en Bolivie, et en Équateur, sont arrivés au pouvoir des régimes dont les agissements n’ont pas été du gout de l’impérialisme. Ils se sont en général basés sur un populisme de gauche, ont pris tout une série de mesures sociales importantes, et malgré le fait qu’aucun d’entre eux n’ait complètement rompu avec le capitalisme, ils ont été une source d’inspiration pour de nombreux travailleurs partout dans le monde.

    Révolte en Europe

    59. Les recettes que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international gardaient pour le “tiers monde”, ont été après la crise de 2008 appliquées pour la première fois dans un État-membre de l’UE, d’abord dans les nouveaux, puis dans les plus anciens. Comme cela était encore requis, cela a été le test ultime de la loyauté de la social-démocratie envers la politique néolibérale. Elle a réussit avec la plus grande distinction. La réaction du mouvement ouvrier ne s’est pas fait attendre. Il y a eu des manifestations et des grèves massives en protestation contre l’austérité illimitée dans presque chaque pays de l’Union européenne. Ce n’est pas la combativité qui manque. La stratégie des dirigeants syndicaux a cependant en général été un plaidoyer en faveur d’une austérité moins dure, d’une répartition plus équitable des pertes et d’une austérité qui n’entrave pas la croissance. Toute action a été aussi freinée et sabotée que possible. Malgré le fait que l’austérité touche tous les secteurs, les mouvements spontanés ont été isolés autant que possible. Aucune perspective n’a été offerte quant à une possibilité de victoire. C’est comme si on fait grève et manifeste, seulement pour confirmer que l’on n’est pas d’accord avec la politique d’austérité mise en oeuvre, mais sans mot d’ordre clair, sans parler d’une alternative.

    60. Ici et là les directions syndicales ont été obligées d’appeler à des grèves générales. Mais ce surtout des grèves appelées en vitesse et d’en haut qui, malgré la participation massive, sont peu ou pas du tout préparées, et qui ne sont pas orientées vers la construction d’un véritable rapport de force. En général ils servent tout au plus à laisser échapper de la vapeur. Dans ces mobilisations, les travailleurs sentent leur force potentielle, mais réalisent qu’il n’y a aucune stratégie derrière elles afin d’assurer une victoire. En Grèce, nous sommes entretemps à la 12ème journée de grève générale, mais le gouvernement n’a pas été ébranlé d’un millimètre. Cela mène à la frustration envers les dirigeants, qui sont désormais déjà aussi fortement haïs par leur base que les politiciens qui appliquent l’austérité. Certaines centrales qui adoptent une attitude plus combative, telle que la FIOM (Federazione Impiegati Operai Metallurgici – Fédération des ouvriers salariés métallurgistes), la centrale des métallos en Italie, membre de la CGIL (Confederazione Generale Italiana del Lavoro), ou bien quelques syndicats britanniques dans les services publics comme le PCS et le RMT (le Public and Commercial Services union et le National Union of Rail, Maritime and Transport Workers), peuvent cependant compter sur une approbation enthousiaste. Aux Pays-Bas, il n’est pas exclu que l’on voie une scission entre la FNV (Federatie Nederlandse Vakbeweging – Confédération syndicale néerlandaise) et ses deux plus grandes centrales, la FNVbondgenoten (centrale de l’industrie) et la Abvakabo (Algemene Bond van Ambtenaren / Katholieke Bond van Overheidspersoneel – Centrale générale des fonctionnaires / Centrale chrétienne du personnel étatique) sur base de la question des pensions. Nous pouvons nous attendre à ce que la lutte de classe dans la période à venir se répande également au sein des structures syndicales, avec l’expulsion des militants combatifs, mais aussi le remplacement des vieux dirigeants usés par de nouveaux représentants plus combatifs.

    61. Les attaques sont cependant si dures et si généralisées que de nombreux jeunes et aussi de nombreux travailleurs ne peuvent ou ne veulent pas attendre que les choses soient réglées à l’intérieur des syndicats. Certains ne croient tout simplement plus en le fait que les syndicats puissent encore un jour devenir un instrument de lutte, encore moins pour pouvoir obtenir un véritable changement. Il faut dire que les dirigeants ne font pas le moindre effort pour réfuter cette impression. On dirait bien qu’ils sont heureux d’être libérés de ce fardeau. Toute une série de jeunes et de travailleurs se reconnaissent dans le mouvement de la place Tahrir. Ils croient que les syndicats et les partis sont des instruments du siècle passé, qui par définition mènent à la bureaucratie, aux abus et à la corruption, et que maintenant une nouvelle période est arrivée, celle des réseaux et des nouveaux médias. Il faut bien dire que ces réseaux peuvent être exceptionnellement utiles aux syndicalistes aussi, afin de pouvoir briser la structure verticale bureaucratique au sein de leurs syndicats.

    62. Les nouvelles formations de gauches sont encore moins parvenues à apporter une réponse. Elles devraient se profiler en tant que partis de lutte qui formulent des propositions afin d’unifier tous les foyers de résistance et de contribuer à l’élaboration d’une stratégie qui puisse mener à une victoire. Au lieu de cela, ces nouvelles formations, dans le meilleur des cas, se contentent de courir derrière le mouvement. Elles voient la lutte sociale non pas comme un moyen de mobiliser de larges couches pour une alternative à la politique d’austérité, mais espèrent uniquement obtenir de bons scores électoraux sur base du mécontentement. C’est une grave erreur de calcul. Elles se profilent en tant qu’aile gauche de l’establishment politique, comme le Bloco de Esquerda au Portugal, qui ne va pas plus loin que la revendication de la renégociation de la dette, ou comme le PCP (Parti communiste portugais), qui ne dénonce que la répartition injuste de l’austérité. La plupart de ces nouvelles formations de gauche, comme Syriza en Grèce, le SP hollandais, ou Die Linke en Allemagne, viennent maintenant d’effectuer un virage à droite. Tandis que le monde se retrouve sens dessus-dessous, le NPA est hypnotisé par les prochaines élections présidentielles.

    63. En intervenant avec tact dans le mouvement des indignados et autres mouvements qui prennent place en-dehors des mouvements sociaux traditionnels, ces nouvelles formations de gauche pourraient convaincre ces jeunes du fait qu’il ne faut pas faire l’amalgame entre la légitime aversion envers les politiciens et les dirigeants syndicaux et la base syndicale, et de la manière dont fonctionnerait un parti démocratique de la classe ouvrière. Au lieu de cela, elles restent absentes, ou participent à titre individuel. Il y a pourtant besoin d’une coordination entre les différents mouvements de protestation et d’une orientation vers la seule classe qui puisse réaliser le changement de société, la classe ouvrière. Il n’y a pas de meilleur moment pour discuter et mobiliser autour de la seule revendication capable de mettre un terme à la casse sociale : la fin du remboursement de la dette aux banques. Ce n’est que par la nationalisation des secteurs-clés de l’économie, et en particulier du secteur de la finance, sous le contrôle démocratique du personnel, que la collectivité pourra mobiliser l’ensemble des forces productives dans la société et accorder un emploi et un salaire décent pour chacun.

    64. Les mouvements en-dehors des structures officielles sont très explosifs, mais ils ont aussi la tendance à rapidement s’éteindre. Les énormes contradictions et les attaques continues de la part de la bourgeoisie engendrent cependant toujours plus de nouveaux foyers. Il y a des similitudes avec le mouvement antimondialisation du début de ce millénaire. C’était surtout un mouvement contre la répartition inéquitable, mais de manière abstraite, la partie officielle du mouvement oeuvrait surtout à des issues afin de tempérer le “capitalisme sauvage”. Les dirigeants syndicaux ont soutenu, tout comme les ONG, tandis que les travailleurs étaient plutôt observateurs que participants actifs. La crise économique est maintenant présente de manière bien plus proéminente. Le mouvement exprime des questions qui portent sur le système lui-même. Ce n’est plus seulement une protestation, mais aussi un appel au changement. Les travailleurs ne sont plus observateurs, mais participants actifs. Les dirigeants syndicaux, les ONG et les universitaires ne jouent clairement plus le même rôle central. Cela concerne maintenant nos emplois, nos salaires, nos vies. La volonté de changement et la composition sociale du mouvement mène également à la recherche d’une alternative. C’est la caractéristique la plus importante.

    65. Il est clair que les jeunes et les travailleurs adoptent de manière intuitive une position internationaliste. La crise frappe partout. Il n’y a aucune solution possible dans le cadre d’un seul pays. Même si le CIO n’a pas partout les quantités numériques que nous avions au milieu des années ’80, notre poids relatif à l’intérieur du mouvement ouvrier organisé est aujourd’hui plus fort qu’à ce moment-là. Nous avons des militants dans la plupart, si pas dans tous les pays où les travailleurs et les jeunes sont en mouvement, certainement en Europe. Dans un certain nombre de pays, nous jouons un rôle important, quelquefois décisif au sein des syndicats ou dans les mouvements étudiants. Nous avons la chance de disposer d’une série de figures publiques saillantes, aussi de parlementaires, y compris dans le Parlement européen. Nous devons saisir cela afin de recadrer notre lutte à l’intérieur de celle pour une fédération socialiste des États d’Europe.

    66. La faiblesse de la gauche peut mener à des actes de désespoir tels que les émeutes au Royaume-Uni, que la droite ne se prive pas d’utiliser pour susciter un soutien social en faveur de plus de répression. Le populisme de droite va utiliser la défaillance de la gauche et le plaidoyer pour une austérité plus douce pour se projeter en tant que soi-disant barrage contre la casse du bien-être de la population autochtone travailleuse. La période à venir va cependant faire pencher le pendule plus à gauche. Le mouvement que nous avons vu jusqu’à présent n’est qu’un signe avant-coureur de nouvelles explosions de masses, dans lesquelles le mouvement ouvrier va se réarmer politiquement et organisationnellement. Même une poignée de socialistes de lutte tenaces et bien préparés peut jouer un rôle déterminant dans cela. La faillite de l’Argentine en 2001 a mené à des mouvements de masse. En 18 mois, il y a eu 8 grèves générales. Puis on suivi des occupations d’entreprise. Les jeunes chômeurs, les piqueteros, construisaient chaque jour des barricades dans les rues. Les classes moyennes qui voyaient leurs économies s’évaporer sont descendues en masse dans les rues avec des pots et des casseroles, les carcerolazos, comme on les a appelés. Le 19 décembre 2001, des masses de chômeurs et de travailleurs précaires ont attaqué les supermarchés pour satisfaire leur faim. Le gouvernement a appelé à l’état d’urgence. Un jour plus tard, a eu lieu une confrontation de dizaines de milliers de manifestants avec la police. Il y a eu des dizaines de morts, et des centaines de blessés. En deux semaines, se sont succédé cinq présidents.

    67. Hélas, il manquait un parti révolutionnaire avec une alternative socialiste. Lorsque le mouvement social s’est terminé dans une impasse, beaucoup de gens se sont concentrés sur le terrain électoral. Luis Zamora, un ex-trotskiste avec un soutien de masse, n’aurait pas gagné les élections, mais a pu avoir utilisé son influence dans les élections pour mobiliser des milliers de travailleurs et de jeunes et avoir fait un début avec la construction d’un parti ouvrier socialiste. Zamora a hélas décidé de ne pas participer et s’est mis de côté dans cette lutte. Le contexte international dans lequel ce mouvement a pris place était cependant du point de vue de la bourgeoisie bien plus stable qu’aujourd’hui. De la même manière, nous pouvons nous attendre dans les années à venir à des mouvements explosifs qui peuvent prendre toute une série de formes possibles et de plus, auront un bien plus grand effet international. De temps à autre, ce mouvement se traduira plutôt sur le plan électoral, comme avec l’élection des cinq parlementaires de l’Alliance de gauche unie en Irlande. Pour nous, la lutte ne s’arrête pas là, mais il s’agit d’employer ce terrain aussi au maximum et d’utiliser les positions conquises en tant que tribune pour renforcer la lutte sociale.

  • Reprise de la lutte des classes en Europe tandis que la crise de la zone euro s’approfondit

    Le Comité Exécutif International (CEI) du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) s’est réuni du 17 au 22 janvier 2011, en Belgique, avec 33 pays d’Europe, d’Asie, d’Amérique Latine et d’Afrique représentés. Après le premier rapport du meeting du CEI sur la situation mondiale, voici un rapport de Finghin Kelly sur les développements cruciaux en développement en Europe.

    Finghín Kelly, Socialist Party (CIO en Irlande)

    L’année dernière, l’Europe a connu une forte remontée des luttes, avec des mobilisations et des mouvements considérables. L’Europe a aussi été balayée par les mouvements Occupy et des Indignés. C’est dans ce contexte et celui de la crise économique, politique et sociale que le CEI a discuté des perspectives européennes, discussion introduite par Tony Saunois et conclue par Clare Doyle, tous deux membres du Secrétariat International du CIO.

    La classe dominante européenne a implanté des programmes d’austérité vicieux pour tenter de faire payer la crise du capitalisme à la classe ouvrière. Les réformes qui ont été obtenues après des années de lutte, comme les droits à la pension, à la sécurité sociale, les conditions de travail et les dépenses sociales, sont maintenant violemment attaquées. Ce processus élimine tous les acquis et conquêtes de la classe ouvrière depuis la seconde guerre mondiale. C’est une réponse aux idées réformistes de l’après-guerre, dans une période de croissance économique, qui a laissé place à un retour sur les conditions de vie et l’Etat-providence. Cela ne veut toutefois pas encore dire que les idées réformistes ne vont pas resurgir.

    L’approfondissement de la crise de la zone euro, à laquelle le capitalisme est complètement incapable de répondre, est une bonne illustration de l’instabilité et de la fragilité de la position des capitalistes.

    En réponse à cela et à la montée de la riposte des travailleurs contre les plans des banques et du marché, les Etats utilisent de plus en plus des méthodes autoritaires, anti-démocratiques ou celles du ”Bonapartisme parlementaire”, avec une augmentation de la répression et le minage des institutions ”démocratiques”.

    Les attaques de l’austérité sont visibles partout en Europe. Les contributeurs à la discussion ont illustré la nature de l’austérité dans chaque pays ainsi que la révolte et les résistances qu’elles ont provoquées. L’austérité et la réaction à celle-ci ont particulièrement été aigües en Grèce. Les contributions des participants Grecs au CEI ont montré quelle situation explosive existe dans ce pays.

    La Grèce a connu 14 grèves générales, dont deux de 48 heures, au cours des deux dernières années uniquement. Plusieurs intervenants ont vivement montré ce que l’austérité signifie pour les travailleurs grecs. Les conditions de vie se sont effondrées, avec des parts entières de la société ruinées ou appauvries, dont une partie de la classe moyenne. Le chômage est massif : celui des jeunes est maintenant proche de 50%. Des enquêtes montrent que 91% des foyers ont subi une forte baisse de leur revenu – en moyenne une diminution de 30%. Maintenant, 78% des foyers ont des difficultés à subvenir à leurs besoins. Ceci a conduit à des exemples tragiques de familles proposant leurs enfants à l’adoption.

    L’émigration est un problème énorme dans beaucoup de pays ; l’Irlande, l’Espagne, le Portugal et la Grèce en particulier connaissent une émigration massive des jeunes. Non seulement cela a des conséquences sociales dévastatrices, mais cela complique les luttes de masse et peut agir comme une soupape temporaire pour le capitalisme, car les couches les plus énergiques sont alors éloignées des luttes.

    Mouvements sociaux

    Le CEI a entendu beaucoup de rapports des mouvements sociaux en Grèce, dont le mouvement de non-paiement d’une nouvelle taxe par foyer, et d’autres campagnes contre les péages routiers et le prix du métro et du bus après des hausses massives. Le CEI a aussi entendu des rapports du mouvement qui rejette l’implantation d’une décharge dans une ville grecque, une révolte ouverte contre les autorités.

    Ces mouvements considérables ne sont pas confinés à la Grèce; le Portugal a connu sa plus grande grève générale depuis 1974. En Grande Bretagne et en Irlande du Nord, le secteur public a mené une grève historique contre les attaques du gouvernement de coalition contre les retraites. Entre 1 et 2 millions de travailleurs sont entrés en action : c’est la plus grande grève depuis la Grève Générale de 1926. La Belgique a aussi connu de grandes mobilisations et une grève générale du secteur public en décembre. Le 30 janvier, il y aura une grève générale contre l’austérité du nouveau gouvernement (ce rapport a été publié en anglais avant que celle-ci ne se déroule, NDLR).

    L’Espagne a été secouée par les mouvements de masses, qui ont impliqué des millions de travailleurs et de jeunes, un mouvement qui a joué un rôle-clé dans le renversement du gouvernement Zapatero. De plus, l’Espagne a été le terrain du développement du mouvement des Indignados, qui s’inspirait des révolutions en Afrique du Nord et au Moyen-Orient et s’est à son tour exporté à travers le monde et a nourri le mouvement Occupy. Le CEI a entendu beaucoup de rapports de ces mouvements.

    Ces mouvements ont été une manifestation importante de la jeunesse radicalisée qui souffre d’un chômage élevé et est touchée par l’austérité. En Espagne, le chômage est de 21%, celui des jeunes est maintenant de 50%.

    Le mouvement Occupy est arrivé comme une première réponse des travailleurs et des jeunes à cette crise historique. C’est un mouvement extrêmement important et significatif qui s’est approfondi et qui a eu plus d’effet que les mouvements anticapitalistes de la dernière décennie. Ce mouvement contient des éléments des « mouvements sociaux », qui ont émergé en Amérique Latine dans les dernières décennies par des luttes construites par la base pour combattre dans l’intérêt des principaux secteurs de la société. Tout comme dans ces mouvements, la question de lier le mouvement Occupy aux luttes de la classe ouvrière organisée est décisive. Il est nécessaire de lier les mouvements sociaux aux mouvements de la classe ouvrière. Les camarades du CIO au Brésil ont connu une situation similaire et se sont battus pour la formation d’une nouvelle centrale syndicale, Conlutas, qui inclut les mouvements sociaux tout en étant basée sur la classe ouvrière.

    Tendance anti-capitaliste

    Ces mouvements représentent le développement d’une tendance antisystème et anticapitaliste. Dans de nombreux cas, il lui a manqué une alternative claire par laquelle remplacer le capitalisme. Une autre caractéristique significative de ces mouvements, c’est que, bien qu’ils n’aient la participation active que d’une minorité, le soutien pour ces mouvements est très large parmi la classe ouvrière.

    Il y a eu une discussion sur l’atmosphère « anti-parti » de ces mouvements. Cette tendance reflète le scepticisme et même l’hostilité envers les partis politiques traditionnels. Les marxistes doivent dialoguer avec ces mouvements sur l’alternative au capitalisme, présenter le socialisme et lier les mouvements à la classe ouvrière et des communautés organisées, défendant l’idée du besoin d’un instrument politique pour la classe ouvrière pour permettre la lutte pour le socialisme.

    Le développement de la conscience de différentes parties de la société, et de la classe ouvrière en particulier, a été discuté au CEI. Beaucoup de travailleurs espèrent encore que les politiques réformistes ou Keynésianistes peuvent vaincre la crise, alors que d’autres en arrivent à la conclusion que le capitalisme est dans une impasse.

    La politique du “moindre mal” vue dans les élections, ou les succès des partis sociaux-démocrates dans les sondages, ont aussi été discutés. Cela ne reflète pas de grandes illusions dans ces partis mais un espoir qu’ils pourront amoindrir les effets des mesures d’austérité. Le soutien pour ces partis peut très vite s’éroder. Cela s’est vu en Irlande, où une coalition Fine Gael / Labour a été élue en février à une large majorité, dans l’espoir qu’ils « brûleraient les porteurs d’obligations ». Mais ces espoirs ont été balayés par les politiques de coupes du nouveau gouvernement de coalition.

    La question du moindre mal est posée dans plusieurs pays dont la France, où le parti « socialiste » peut mettre en échec Sarkozy cette année (surtout après la perte du triple A par la France). Cette question est fortement liée au manque d’alternatives de masse à gauche des partis traditionnels. L’échec du NPA en France à se développer comme une référence massive dans un contexte de radicalisation montante est aussi décisif. En Espagne, ce même facteur a conduit à la venue au pouvoir du parti de droite PP : bien que son soutien n’ait pas beaucoup augmenté. Beaucoup se sont tournés vers lui pour porter un coup au gouvernement PSOE, qui a été massacré aux élections de novembre.

    Les intervenants ont montré comment une conscience socialiste relativement faible parmi les masses de la classe ouvrière peut être un facteur-clé dans la limitation des mouvements de masse d’opposition.

    C’est en train de changer et on peut s’attendre à des bonds en avant dans la conscience de classe à mesure que la lutte se développe, ce qui va augmenter de beaucoup l’attrait pour le socialisme. L’idée et le mot « socialisme » ont été entachés, non seulement par le stalinisme, mais aussi par les gouvernements « socialistes » qui en Europe du Sud ont appliqué des programmes d’austérité. Cela renforce le rôle des marxistes et socialistes authentiques d’expliquer et de populariser une alternative socialiste basée sur la propriété publique et le contrôle démocratique des principales ressources et industries de la société à travers un gouvernement des travailleurs.

    Rôle des syndicats

    Le rôle joué par les directions syndicales et les partis de gauche a été indentifié comme un facteur qui bride le développement de la conscience de la classe ouvrière. Là où les dirigeants syndicaux ont appelé à une grève, ils l’ont généralement fait les dents serrées et seulement après une forte pression venue d’en bas.

    Dans certains cas, les syndicats ont été désertés par leurs activistes et ne sont plus des pôles d’attraction pour les jeunes et les chômeurs radicalisés. Certains des appareils syndicaux sont devenus des organisations « jaunes » ou « d’entreprise » qui agissent comme le bras droit du patronat. C’est une complication pour la lutte. C’est une tâche essentielle pour les militants de se battre pour construire des groupes d’opposition dans les syndicats et essayer de se réapproprier les syndicats. Les véritables socialistes n’adoptent pas une approche sectaire ou gauchiste des syndicats mais doivent aussi se préparer à des scissions et la formation de nouvelles organisations syndicales.

    Le CEI a discuté de l’échec des nouveaux partis et formations de gauche à exploiter la situation.

    Beaucoup n’ont pas réussi à attirer les secteurs radicalisés de la jeunesse et n’ont pas été actifs dans les luttes. Ils ont échoués à augmenter en nombre, bien que dans quelques cas ils aient eu quelques succès électoraux et de bons résultats dans les sondages.

    Il est clair que la crise économique s’intensifie mondialement ; l’Europe et l’Euro sont au cœur de la crise. La question de l’éclatement de l’euro et d’une reconfiguration de l’UE est posée. Le CEI a discuté en profondeur et en détail de comment la crise peut se développer et des conséquences de cela.

    Les dégradations de notes par les agences de notation montrent qu’elles n’ont pas confiance en les programmes d’austérité pour sortir de la crise. La question du défaut de paiement est beaucoup posée, les « marchés » et beaucoup de commentateurs capitalistes indiquent que le défaut de paiement de la Grèce et du Portugal est une possibilité immédiate. Cela serait le premier cas d’un pays occidental depuis 70 ans.

    Quel futur pour l’euro?

    L’éclatement de l’euro aurait de lourdes conséquences pour l’économie européenne et mondiale. Les estimations montrent qu’un million d’emplois disparaitraient rien qu’en Allemagne et que le PIB de l’Allemagne diminuerait de 25%. Les classes dirigeantes capitalistes d’Allemagne et des autres pays feront donc tout ce qu’elles peuvent pour garder l’euro. Les euros-obligations ou un plus grand rôle de la BCE sont mis en avant comme moyen de sortir de la crise par beaucoup de commentateurs capitalistes et une partie de la gauche soutient ces mesures. Beaucoup d’intervenants en ont parlé au CEI. Les différents pouvoirs capitalistes agiront pour protéger leurs intérêts nationaux. Le capitalisme allemand ne veut pas voir l’utilité des euros obligations à ce stade. Cependant, il pourrait y être amené par la pression des évènements, dans une tentative désespérée de sauver l’économie européenne du désastre. Mais même cela ne sera pas une solution à la crise, ni à long ni même à moyen terme.

    Plusieurs intervenants ont aussi souligné et discuté de la tendance accrue à court-circuiter les procédés démocratiques parlementaires « normaux » et le rognage des droits démocratiques. L’année dernière, des gouvernements « technocratiques » ont été imposés en Italie et en Grèce, quand les marchés et l’UE ont perdu la foi dans la capacité des gouvernements de ces pays à mener à bien les énormes coupes d’austérité.

    Le gouvernement italien qui a été intronisé était, en réalité, un gouvernement des banquiers, puisque chaque membre du cabinet a un passé dans les grandes banques ou les institutions financières ou de forts liens avec elles.

    La commission européenne a aussi accru son intervention dans de nombreux pays ; ce qui se voit clairement dans les pays « programme », où des programmes d’austérité détaillés ont été planifiés par la « troïka », en conjonction avec les gouvernements nationaux. Même dans les autres pays, cette intervention a augmenté. En Belgique, la Commission a exigé que le gouvernement se réunisse un weekend pour trouver d’autres idées de coupes, parce que selon elle, les coupes n’allaient pas assez loin.

    Mesures autoritaires

    L’érosion de la démocratie ne s’est pas faite seulement aux niveaux des parlements et des gouvernements ; une tendance générale à l’usage de mesures étatiques autoritaires, la répression et la criminalisation des protestations, ont été discutés. Cela s’est vu dans les tentatives de mettre fin au mouvement Occupy, en Espagne et partout ailleurs.

    L’érosion des droits démocratiques est évidente en Hongrie, le premier pays européen à être renfloué par le FMI pendant la crise économique. Les délégués ont rapporté les attaques au droit de grève, le nouveau code du travail et les camps de travail pour les chômeurs-longue durée. Comme dans les autres pays, les droits aux pensions et aux retraites anticipées ont été attaqués. La répression contre les Roms a empiré. Un nouvel impôt à taux unique augmente les difficultés économiques des pauvres. La liberté des médias a été rognée par de nouvelles lois. Une nouvelle constitution introduite par le gouvernement ronge beaucoup de droits démocratiques de base.

    En même temps qu’une crise économique, les classes capitalistes européennes font face à une crise politique. Les réserves politiques de la bourgeoisie leur échappent parce que les partis politiques traditionnels sont discrédités par leurs politiques de coupes. Nous avons vu une série de crises gouvernementales en Europe. Tous les pays au premier plan de la crise de l’euro ont subi des changements politiques : l’Italie, l’Espagne, la Grèce, l’Irlande et le Portugal ont changé de gouvernement en 2011.

    Même en Allemagne, où il y a eu quelque croissance économique, cela n’a pas donné un coup de pouce aux partis dirigeants. Par exemple, le FDP est en crise et est menacé de perdre ses représentants parlementaires.

    Des évènements tumultueux dans les mois à venir

    Les anciens partis des travailleurs se sont encore droitisés pendant la crise et se sont discrédités aux yeux des travailleurs. Le Labour en Grande Bretagne a dit qu’il ne reviendrait pas sur les coupes du gouvernement Con-Dem quand il reviendrait au gouvernement. En Italie, le PD (Parti Démocrate) a voté pour les coupes de Monti !

    Dans un certain nombre de pays, le vide politique est partiellement rempli par les forces de droite. Le Front National en France utilise cyniquement une rhétorique populiste anti-banque pour essayer d’augmenter son soutien. L’émergence du parti néo-fasciste Jobbik en Hongrie a aussi été discutée en exemple de la façon dont l’extrême-droite peut occuper cet espace. Le danger de l’extrême-droite et la menace raciste peuvent être combattus par le mouvement ouvrier avec un clair programme de classe qui unifie les travailleurs contre les attaques néolibérales et lutte pour les emplois, le logement et des aides sociales pour tous, et pour un vrai changement de système.

    Dans cette situation, la question nationale va réapparaitre. Les développements en Écosse et en Espagne ont été discutés par les intervenants de ces pays, où la crise a fait monter la question nationale et posé la question du séparatisme. Les forces du CIO, tout en défendant le droit à l’auto-détermination, opposent une alternative de lutte unifiée et socialiste pour atténuer le nationalisme bourgeois.

    De cette excellente et très riche discussion, il ressort très clairement que l’Europe va connaitre des évènements tumultueux dans les mois et années qui viennent, au fur et à mesure que la crise économique et politique s’approfondit. Cela va donner au CIO d’énormes opportunités pour construire le soutien aux idées socialistes.

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