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Tag: Inégalités
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Un système de plus en plus inégalitaire, à jeter dans les poubelles de l’histoire
Plus d’un Belge sur cinq risque de sombrer sous le seuil de pauvreté ou d’être victime d’exclusion sociale. C’est ce qui ressort d’une récente étude du groupe de réflexion allemand Bertelsmann Stiftung, relayée en Belgique par le quotidien néerlandophone De Standaard. 50% de risques en plus qu’en République tchèque…Edito de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste, par Nicolas Croes
L’étude pointe du doigt que les pauvres, les chômeurs, les enfants et les malades sont mal intégrés à la société belge en raison d’une faible lutte contre la pauvreté, d’une inégalité dans l’enseignement et d’un marché du travail saturé. Concernant l’enseignement, le contexte socio-économique familial n’est aussi déterminant pour les performances scolaires que dans sept autres pays européens.
Malgré ce constat, il semblerait que la Belgique soit l’un des pays les plus égalitaires d’Europe, toujours selon le groupe Bertelsmann Stiftung. Pourtant, en Belgique, les 10% les plus riches possèdent 44% de la richesse nationale. Pas moins de 15% de la population vit sous le seuil de pauvreté et, sans la sécurité sociale, ce chiffre exploserait pour atteindre les 42%. Voilà de quoi sérieusement relativiser cette idée d’un pays ‘‘égalitaire’’. Cette situation des plus révoltantes est destinée à s’assombrir à nouveau de par les mesures austéritaires discutées à tous niveaux de pouvoir, et particulièrement au niveau fédéral.
Un appauvrissement collectif
La coalition dite suédoise actuellement en formation prévoit des économies budgétaires à hauteur de 17 milliards d’euros (le rythme d’application est encore sujet à discussions). Cela ‘‘ne se fera pas sans un appauvrissement collectif inévitable’’ déclare le professeur en Finances publiques Herman Matthijs (VUB et Université de Gand). Ce constat fait la quasi-unanimité.
L’étude de Bertelsmann Stiftung explique le côté ‘‘égalitaire’’ de la Belgique par les résultats obtenus sur le plan des soins de santé. Mais il est justement question de réduire la norme de croissance des soins santé. Le rapport pointe du doigt le taux de chômage, particulièrement parmi la jeunesse. Mais la coalition des droites prévoit de durcir les règles d’accès à la pension et de supprimer presque totalement la prépension. Un quart des pensionnés vivent déjà sous le seuil de pauvreté en Belgique. Mais MR, N-VA, CD&V et Open-VLD discutent de revoir à la baisse le calcul de la pension des fonctionnaires et de mettre fin aux régimes d’exception dans la police et chez les cheminots.
A tout le monde de se serrer la ceinture ? Pas vraiment… Le monde patronal recevrait 2 milliards d’euros de cadeaux fiscaux supplémentaires. Le secteur diamantaire, notamment, a de quoi se frotter les mains : Bart De Wever a fait savoir que les négociateurs de la coalition suédoise prévoyaient de nouvelles mesures favorables au secteur. ‘‘On tombe dans la caricature du lobby droitier…’’ a bien dû reconnaître La Libre.
Toutes ces recettes ne sont pas neuves et le désastre qu’elles laissent dans leur sillage est bien connu. Nous vivons dans un monde où 85 personnes à peine possèdent autant de richesses que la moitié la plus pauvre de l’humanité, comme le révélait il y a quelques mois une étude d’Oxfam.
Nous sommes de plus en plus nombreux à être convaincus que ce système est à renverser. La tâche peut paraître titanesque, mais la colère contre l’establishment capitaliste se répand et se renforce. Reste à l’organiser de manière conséquente, avec un programme capable d’arracher les leviers de l’économie à la rapacité des actionnaires, spéculateurs et grands patrons pour les placer dans les mains de la collectivité : le programme du socialisme démocratique.
Les travailleurs n’ont rien à perdre que leurs chaînes, ils ont un monde à gagner, disait Karl Marx en son temps. Il n’a jamais eu aussi raison qu’aujourd’hui.
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Inégalités et mouvements de lutte dans le pays le plus riche du monde
La vague de grèves organisées par les travailleurs de la restauration rapide et l’élection de Kshama Sawant au conseil de la ville de Seattle sont des indicateurs des changements qui s’opèrent actuellement dans la société américaine. Kshama est une membre-clé de la branche américaine du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), Socialist Alternative, qui connaît une expansion très rapide. Peter Taaffe, Secrétaire général du CIO, nous dresse un rapport de sa dernière visite aux États-Unis.Peter Taaffe, Secrétaire général, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galle)
« Comment diable la ville de Seattle a-t-elle pu élire une socialiste ? Nous étions pourtant si sympathiques auparavant. » Il s’agit du commentaire que le journal Seattle Weekly a rédigé sous le gros titre : « Le chemin de la révolution ». L’incroyable victoire électorale de Kshama Sawant, la première conseillère ouvertement socialiste de Seattle depuis 100 ans, a suscité toute une série de commentaires tout aussi surpris de la part de commentateurs capitalistes américains et dans le reste du monde.
Pourtant, il ne faut pas être un génie pour comprendre cette victoire qui a abouti sur la campagne retentissante « 15 now » et sur la promulgation du salaire minimum le plus élevé des États-Unis.
L’enthousiasme contagieux que cette élection a suscité chez les travailleurs, et particulièrement les jeunes, était palpable lors de la dernière Convention nationale de Socialist Alternative à laquelle ont participé un nombre record de délégués, d’observateurs et de contacts venus des quatre coins des États-Unis. Ils ont pu assister à des débats intenses sur les perspectives mondiales, sur les défis auxquels la gauche fait face lorsqu’elle se présente aux élections contre les deux partis traditionnels américains, ainsi que sur le climat propice au développement de notre organisation, Socialist Alternative, et de manière générale, des idées socialistes dans la société américaine. Le succès de cette convention s’est également reflété au niveau de l’énorme collecte de fonds de 43.000$ que les camarades sont parvenus à rassembler.
La convention a également abordé la question du nombre de membres, qui a doublé en une année à peine et de la possibilité que cette augmentation spectaculaire continue de plus belle dans les années à venir.
Le capitalisme « à visage humain » n’existe plus
Le capitaliste américain n’a plus de « visage humain » – en a-t-il seulement jamais eu ? – aux yeux des millions de victimes de la classe ouvrière plongées dans la pauvreté suite à l’échec de ce système. Même à Seattle qui, à de nombreux égards est une ville magnifique, des sans-abris campent devant l’Hôtel de Ville, illustrant cette triste réalité.
Le Seattle Weekly a admis, bien qu’à demi-mot, que c’est la dégradation des conditions de travail de la classe ouvrière qui a offert une plateforme à Kshama et lui a permis de remporter la victoire : « […] à peu près 102 000 travailleurs gagnent moins de 15$ de l’heure à Seattle. Notre niveau de vie est classé parmi les sept les plus élevés du pays. Dans le centre-ville, la location d’un appartement d’une chambre coûte environ 1 300$ par mois. Une augmentation du salaire minimum ne représentera qu’un soulagement temporaire. … La classe ouvrière blanche est composée de travailleurs de plus en plus jeunes, libéraux et ouverts aux programmes progressifs. Environ 20% de la population de Seattle est âgée de 20 à 29 ans. » [19 août 2014]
Les multinationales et leurs porte-paroles (dont le parti démocrate) sont terrifiés par « l’effet contagieux » de la campagne de Kshama et sont déterminés à mettre un terme à cette « expérience socialiste ». Déjà, le Seattle Weekly et d’autres journaux traditionnels ont mis en avant un candidat démocrate qui jouit d’une certaine popularité car il s’est prononcé en faveur de la législation sur le cannabis à Washington comme un opposant à Khsama lors des prochaines élections qui se tiendront à la fin de l’année prochaine et qui lui permettraient d’être réélue. Dès lors, il faut redoubler d’efforts pour atteindre cet objectif. Kshama est une voix extrêmement puissante, pas seulement pour la classe ouvrière américaine, mais pour les travailleurs du monde entier.
Sans ce mécontentement grandissant des travailleurs américains quant à la dégradation de leur condition de vie dans un contexte d’inégalités criantes dans le pays le plus riche du monde, la victoire de Kshama et du Socialist Alternative n’aurait pas été possible. Plusieurs sondages d’opinion ont également révélé que partout aux États-Unis, un nombre non négligeable de jeunes Américains sont en faveur du socialisme.
Pourtant les mots à eux seuls et les mains levées au ciel à cause des conditions « inacceptables » de la classe ouvrière, le refrain habituel de la majorité des organisations de « gauche » et des délégués syndicaux inactifs ne servent absolument à rien. C’est l’action, l’audace de défier les patrons et leurs représentants politiques – la « propagande de l’action » -, combinée à la revendication de 15$ de l’heure pour les travailleurs de la restauration rapide qu’il fallait absolument mettre en œuvre. Socialist Alternative a été la seule organisation à comprendre que l’action permettrait de créer une cohésion puissante au sein de l’armée de travailleurs mal payés à Seattle et partout aux États-Unis.
Revendications pour un salaire minimum
Cette campagne a été hautement bénéfique pour les travailleurs sous-payés qui sont toujours affectés par la plaie qu’est le capitalisme, mais qui se réveillent désormais pour exiger un salaire minimum et dénoncer un « vol massif des salaires » par les patrons. La campagne des 15$ Now traverse l’ensemble du continent et pourrait se propager encore davantage, avec des victoires similaires remportées dans d’autres villes. Sans l’exemple de Seattle, cet élan ne se serait probablement pas en train de se produire, du moins pas pour le moment.
Seattle a dynamisé la classe ouvrière américaine, et en particulier les travailleurs sous-payés. Il suffit de voir la grève des travailleurs de la restauration rapide le 4 septembre, dans plus d’une centaine de villes américaines, dont Chicago, New York et Detroit, ainsi que les manifestations et les sit-in dans les restaurants et les bureaux administratifs, y compris au McDonald, à Burger King et KFC. La police a procédé à l’arrestation de plus de 400 personnes.
Un travailleur de la restauration rapide à Chicago s’est exprimé au nom de tous lorsqu’il a déclaré : « Nous connaissons clairement une ascension fulgurante car nous avons l’impression que la justice est de notre côté … Nous sommes impatients de voir les résultats. » McDonald, dont les quartiers généraux sont situés à Chicago et qui enregistre des profits extrêmement juteux a déclaré : « Toute augmentation du salaire minimum doit être appliquée dans le temps afin que son incidence (…) soit gérable. »
Cet exemple de patrons au cœur lourd qui se lamentent de ne pas pouvoir se permettre de verser des salaires plus élevés que le salaire minimum fédéral de 7,25$ de l’heure est contrecarré par un journal qui n’est autre que le porte-parole capitaliste, le New York Times. Il écrivait donc : « En 2013, la part des profits après impôt des entreprises dans l’économie a dépassé le plus haut niveau enregistré (en 1965) alors que la part des salaires dans l’économie a atteint son niveau le plus bas depuis 1948. La croissance des salaires depuis 1979 n’a pas évolué au même rythme (…) provoquant une baisse ou une stagnation des salaires pour la plupart des travailleurs et des bénéfices juteux dans les portefeuilles des entreprises, des actionnaires, des dirigeants d’entreprise, et autres individus situés tout en haut de l’échelle des revenus. » (31 août 2014)
De nouvelles études conduites par l’Institut des politiques économiques ont également révélé qu’entre les six premiers mois de 2013 et les six premiers mois de 2014, les salaires de l’heure, ajustés à l’inflation, ont chuté pour tout le monde, sauf pour les 10% les plus riches.
Cette diminution, en déprimant encore davantage la demande, a une incidence non négligeable sur les perspectives économiques du capitalisme. Même si la mesure totalement inadéquate d’Obama visant à augmenter le salaire minimum fédéral à 10,10$ de l’heure était introduite, elle «mettrait environ 35 milliards de dollars supplémentaires dans les poches des travailleurs touchés sur un période progressive de trois ans. » Les travailleurs de la restauration rapide et d’autres travailleurs sous-payés affirment que ce n’est pas suffisant : les 15$ de l’heure sont nécessaires.
Si la proposition d’Obama est mise en œuvre, alors cela générera de la « demande ». C’est pour cela que, pris au piège dans un « triangle des Bermudes » de crises sans fin, certains membres de la classe dirigeante internationale insistent sur la nécessité de faire des concessions aux syndicats et aux travailleurs afin de générer cette « demande », qui, ils l’espèrent, permettrait de sortir de la situation actuelle.
Même la Bundersbank en Allemagne, qui il y a peu était une fervente partisane de l’austérité, particulièrement pour les pays du sud de l’Europe, a totalement changé de cap. Elle a encouragé les délégués syndicaux de la droite allemande en leur promettant qu’elle les soutiendrait s’ils se mettaient à lutter pour une augmentation salariale supérieure à l’inflation de 3% pour leurs membres. Des concessions pour les travailleurs allemands, mais rien pour les masses opprimées en Espagne, au Portugal ou en Grèce !
Il est évident que certains capitalistes résisteront à ce type d’appels à cause de l’incidence qu’il pourrait avoir sur eux et sur leurs entreprises, mais les stratèges du capitalisme essayent de trouver un moyen de sauver leurs intérêts globaux.
La classe ouvrière doit rassembler ses forces tant sur le plan politique qu’industriel
Néanmoins, les républicains au Congrès se sont farouchement opposé la proposition d’Obama pour une faible augmentation du salaire minimum. Cette réaction montre bien que la classe ouvrière américaine ne recevra que très peu d’acquis dans la situation actuelle à moins qu’elle ne soit capable de rassembler ses forces tant sur le plan politique qu’industriel. Cela signifie qu’il faudra sérieusement défier les démocrates, en particulier lors des prochaines élections, car ils ne représentent pas la classe ouvrière, comme nous avons pu le voir sous l’administration Obama mais aussi avec la gouvernance des démocrates au niveau de l’État et des villes.
Le renouvellement des syndicats est également absolument nécessaire. Trop de délégués syndicaux évitent de faire des vagues, manquent de conviction pour l’emporter face aux patrons. Un éminent délégué syndical à Seattle a demandé, sceptique : « Vous ne pensez tout de même pas que vous pouvez l’emporter face aux grandes entreprises ? » Face à l’action de la classe ouvrière, ils préfèrent mobiliser des « employés », payés par les organisateurs syndicaux, plutôt que de coordonner un mouvement massif des travailleurs.
La campagne de Kshama a marqué un nouveau tournant dans l’implication des masses dans la lutte pour une amélioration de leur condition de vie. Jess Spear a également fait un score remarquable avec près de 20% des voix, alors qu’elle se présentait contre le démocrate Frank Chopp lors des élections primaires pour l’Assemblée nationale en août dernier. L’establishment capitaliste prend très au sérieux l’accession de Socialist Alternative au rang de deuxième parti de Seattle (les républicains sont virtuellement inexistants dans cette ville). Les résultats de Chopp sont considérés, tant par Socialist Alternative que par les capitalistes, comme la première manche d’une bataille pour la réélection de Kshama en 2015.
Et ce n’est pas seulement la classe ouvrière, mais également les couches intermédiaires de la société – ceux qui jouissaient des conditions de vie de la classe moyenne – qui sont touchées : le New York Times a reconnu qu’il y avait des faits « de collusion entre les plus grandes entreprises de la Silicon Valley qui ont confisqué environ 3 milliards de dollars de salaire aux programmeurs de logiciels. » En outre, les services publics étaient auparavant le pilier de la vie des travailleurs de la classe moyenne mais désormais « l’on peut voir que la sous-traitance ne permet pas d’économiser de l’argent, ni d’améliorer les services offerts. »
En d’autres termes, toutes les conditions qui ont provoqué la colère des travailleurs américains et les appels retentissants à agir touchent aussi de larges couches de la classe moyenne. Les banlieues américaines, autrefois synonymes d’émancipation économique, sont désormais l’endroit où l’on trouve le plus de pauvreté, comme l’indique le livre « The Unwinding ».
Une inextricable crise prolongée du capitalisme américain
De plus, cette pauvreté sera probablement amenée à s’intensifier au fur et à mesure que le caractère inextricable de la crise prolongée du capitalisme américain et mondial perdure comme ses représentants le reconnaissent. Une foule d’économistes capitalistes ainsi que les PDG des plus grandes entreprises américaines s’arrachent les cheveux afin de trouver une porte de sortie pour échapper à l’impasse économique actuelle.
Outre les avertissements désespérés de l’OCDE, Stanley Fischer, le vice-président de la Réserve fédérale américaine, se lamente des « reprises économiques décevantes ». Il affirme que « ces échecs indiquent peut-être une tendance à la baisse permanente du potentiel des puissances économiques telles que les USA, l’Europe et la Chine. » Ce commentaire fait suite à l’avertissement de Larry Summers, le Secrétaire du trésor sous l’administration Clinton, quant à une stagnation du capitalisme sans précédent. En réalité, la reprise de l’économie américaine que l’on attend depuis l’explosion de la crise en 2007-2008 n’a toujours pas eu lieu, excepté dans les poches des patrons.
Fischer continue de se lamenter quant aux perspectives « incertaines » avec « une productivité moindre et une diminution du taux de participation au marché du travail (…) des tendances qui caractérisent désormais de manière permanente l’économie américaine. » Ce qui sous-entend que le chômage de masse perdurera : « Sur les six dernières années, plus de 3% de la population active s’est mise à vivre en marge de l’économie, d’après le Bureau des statistiques du travail. » (Guardian, 12 août 2014)
Cette tendance renforce ce que nous martelons depuis le début de la crise, qu’il ne sera pas aisé pour le capitalisme américain et mondial d’atteindre « la vitesse de croisière » qui lui permettrait d’échapper à cette crise, car pour atteindre à nouveau les taux de croissance d’avant-crise il faudra nécessairement passer par une baisse du niveau de vie. Bien entendu, l’économie américaine est une économie à l’échelle continentale et, si certaines régions peuvent être en stagnation ou en recul, d’autres secteurs ou régions peuvent dans le même temps renouer avec la croissance. Toutefois, nous assistons à une crise structurelle globale du capitalisme qui se traduit par une stagnation prolongée des conditions de vie.
Cette stagnation est évidente lorsque l’on regarde les perspectives actuelles et à venir de l’industrie manufacturière américaine qui était autrefois le moteur de la croissance dans ce secteur. Récemment, Obama s’est montré enthousiaste quant aux perspectives du capitalisme américain. Néanmoins, les chiffres actuels concernant l’emploi ne lui donnent pas raison. Même si 168 000 emplois ont été créés dans ce secteur en un mois, ils ne font que dissimuler le déclin à long terme et l’effondrement du secteur industriel.
Le secteur privé américain a créé environ 10 millions d’emplois depuis le début de l’année 2010 et pourtant à peine 705 000 de ces emplois sont dans l’industrie manufacturière. Pour chaque emploi créé dans ce secteur, deux autres étaient créés dans le secteur de l’Horéca, et deux dans le secteur des soins de santé et de l’assistance sociale. Dès lors, les USA illustrent bien la situation des pays capitalistes dits « développés » qui se trouvent actuellement dans un déclin industriel prolongé. Il s’agit toujours du pays industriel le plus avancé économiquement en termes de rendements, etc. Pourtant les USA, à l’instar de la Grande-Bretagne autrefois l’atelier du monde et la force dominante du monde capitaliste, ont démontré qu’au lendemain d’un déclin économique s’élèvent une tension sociale et une lutte des classes.
Des affrontements de la même ampleur que dans les années 1960
Les USA n’y échapperont pas non plus, comme le démontrent les évènements de Seattle et d’ailleurs. Des affrontements de la même ampleur que ceux des années 1960, dont la révolte des Afro-américains, sont à prévoir. Le meurtre de Michael Brown, un jeune Afro-américain dans la ville de Ferguson, dans le Missouri, indique que les évènements de cette période pourraient tout à fait se répéter. La militarisation de la police est totalement disproportionnée, les départements de la police achetant l’équipement militaire en surplus de l’armée. Un congressiste démocrate comparait l’intervention de l’État dans la ville de Ferguson à l’occupation américaine de Fallujah en Irak !
Certaines techniques, comme les contrôles et les fouilles employées par la police britannique contre des jeunes d’origine africaine ou asiatique, sont également appliquées à Ferguson avec les mêmes résultats. La ville est composée à 67% d’Afro-Américains et pourtant 94% des policiers sont blancs ! La police opère presque comme une force d’occupation dans des villes comme Ferguson. Le FBI estime que plus de 400 personnes sont tuées chaque année dans des fusillades impliquant la police locale américaine. Ce chiffre est bien moins élevé dans d’autres pays.
Par conséquent, nous assistons à un début de politisation de la population afro-africaine, comme dans les années 1960 et 1970. Socialist Alternative, notamment des membres des Afro-Américains, est intervenu avec succès à Ferguson pour accélérer ce processus. Une autre politique tout aussi honteuse mise en œuvre par l’administration Obama, consiste à persécuter les immigrants. Sous son mandat, Obama a expulsé plus d’immigrants que tous les présidents précédents pris ensemble.
Dans une telle situation, il est absolument nécessaire de trouver une voix pour défendre les opprimés et la classe ouvrière. Kshama a montré ce qu’il était possible de faire dans une ville seulement, comme Jess Spear l’a également fait avec sa campagne. Lors de la convention de Socialist Alternative, il y a eu un débat très intéressant et complet sur la nécessité d’étendre l’exemple de Seattle à l’échelle nationale.
Kshama a été invitée à s’exprimer dans un panel (aux côtés de Naomi Klein et d’autres) dans le cadre de la Marche pour le climat à New York le 21 septembre 2014, un évènement qui a attiré plus de 200 000 personnes – la plus grande manifestation pour l’environnement de l’histoire. Il s’agit d’un évènement-clé pour Socialist Alternative, qui attirera certainement un grand nombre de jeunes intéressés par le socialisme et qui le considèrent comme l’alternative évidente et nécessaire de toute urgence pour mettre fin au capitalisme, mais ils verront également, et c’est peut-être encore plus important, que Socialist Alternative est la seule force à gauche qui articule une stratégie politique pour en finir avec le capitalisme, soulignant la nécessité de couper tout lien avec le parti démocrate.
D’importantes perspectives s’ouvrent permettant à la gauche de défier sérieusement ses adversaires capitalistes au pouvoir. Bernie Sanders, le sénateur de l’État du Vermont qui se considère comme un socialiste, est encouragé par Socialist Alternative et d’autres membres de la gauche à défier les démocrates lors des prochaines élections présidentielles. En outre, Karen Lewis, une Afro-américaine et déléguée du syndicat des enseignants à Chicago, qui avec ses membres s’est opposé au maire actuel de la ville, un farouche opposant aux syndicats, Rahm Emanuel, a montré qu’elle était prête à se présenter contre lui en tant que candidate « non partisane » pour représenter le mouvement ouvrier, lors des élections de l’année prochaine. La nature de sa campagne et les revendications qu’elle présentera dans son programme ne sont pas encore claires. Tout dépendra de l’attitude de l’ensemble des travailleurs et des syndiqués vis-à-vis de sa campagne.
La situation évolue très rapidement aux États-Unis. Mais l’empreinte de la période précédente sur la conscience des travailleurs, marquée par un affaiblissement prononcé de la lutte des classes, est toujours présente. Toutefois, cette empreinte ne représente pas l’ensemble de la réalité, comme le montrent les évènements à Seattle et ailleurs. La situation mondiale, en particulier si un attentat terroriste était perpétré contre les États-Unis, pourrait connaître un retour en arrière en termes de niveau de conscience. Mais même une situation aussi terrible n’arriverait pas à arrêter la résurgence de la classe ouvrière américaine. Seattle nous montre comment la situation à venir pourrait évoluer, avec l’apparition d’une force puissante pour un changement socialiste aux États-Unis.
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Bruxelles : Une région marquée par les pénuries et les inégalités (5)
Les finances des communes et des régions sont dans un état catastrophique. A Bruxelles, de nombreux niveaux d’autorité sont représentés, mais ils ont tous en commun de mener une politique d’assainissements et d’austérité. A ces sévères économies antisociales, il convient de répondre par une résistance sociale conséquente. Cela nécessite un programme reposant, au-delà de l’opposition à la politique actuelle, sur une alternative claire. Cet article est la dernière partie de notre dossier sur Bruxelles, avec les conclusions qui s’imposent selon nous.
Les finances communales boivent la tasse, aux travailleurs et à leur famille de payer la note…
Selon l’analyse des budgets communaux réalisée par Belfius, 13 des 19 communes bruxelloises sont en déficit pour 2013. Ces chiffres sont de loin plus mauvais que pour les autres régions de Belgique. Après une législature 2000-2006 marquée par une dégradation des finances communales, Charles Picqué, également Ministre de tutelle des pouvoirs locaux à la région, annonçait pourtant une « stabilisation financière » des communes « grâce à l’action de la région et une gestion parcimonieuse des communes » pour 2006-2012.
Par « action de la région », Picqué réfère surtout à l’injection chaque année depuis 2007 de 30 millions € supplémentaires pour l’équilibre budgétaire des communes. Sans cette aide, une seule commune ne serait pas en déficit chaque année. Picqué a conditionné cela à la présentation et au respect d’un plan financier trisannuel par les communes, devançant ainsi les nouvelles directives européennes contenues dans le Six-Pack et traduisant la volonté du bon plombier institutionnel qu’il est de développer la gestion de l’austérité et des pénuries au niveau des communes. Par « gestion parcimonieuse », Picqué réfère à la politique d’assainissement des autorités locales, par laquelle la croissance des dépenses par habitant a été inférieure à l’inflation, aggravant les pénuries. Et cela malgré une croissance annuelle des dotations aux zones de police de 5% et des dotations aux CPAS de 5,5%.
Comme nous l’avons déjà vu, le rendement du PRI varie fortement d’une commune à l’autre. De son côté, la part de l’IPP dans les recettes des communes tend à diminuer (de 15% en 2006 à 11% en 2012) du fait de l’appauvrissement de la population. Les recettes dues à l’intervention régionale croissent quant à elles annuellement de 5% et représentent aujourd’hui 22,5% des revenus des communes. Les subsides du fédéral, des communautés et de la Cocof correspondent pour leur part à 13,5% des revenus.
Les recettes sur les produits financiers ont quant à elles enregistré un important recul depuis 2005 suite à la libéralisation du secteur de l’énergie (pertes des dividendes des intercommunales) et depuis 2009 avec la liquidation du Holding Communal (suppression des dividendes via Dexia). Les recettes de dette (à la fois sur les intérêts créditeurs et sur les dividendes des participations aux intercommunales dont Sibelga, HydroBru et Brutélé) ne représentent plus que 3,7% des sources de revenus des communes en 2012 contre 8,5% dix an plus tôt.
Dans le secteur de l’énergie, qui générait autrefois d’importants dividendes, les communes se concentrent désormais sur l’activité du gestionnaire de réseau. Les pertes liées à la fourniture a été compensé à Bruxelles par une redevance voirie (électricité et gaz) qui atteint un rendement budgétaire actuellement de 30 millions €. Les dividendes sur le gaz et l’électricité sont passé de 70 millions € par an en 2002 à 55 millions € à partir de 2005 et à 50 millions € depuis 2011. Interfin (bras financier des communes dans Sibelga) a toutefois versé un dividende exceptionnel de 32 millions € aux communes en 2010, qui provient du surcoût de la distribution tarifé aux consommateurs. Les communes ont décidé ces dernières années d’obtenir de plus en plus de revenus de Sibelga. Alors que le bénéfice de 2012 de Sibelga a encore augmenté à 87,3 millions € par rapport à 66,5 millions € en 2011, les dividendes versés s’élèvent à 79,6 millions € (à 75% pour les communes et à 25% pour Electrabel).
Les mesures du gouvernement fédéral pour limiter les prix excessifs des fournisseurs sont arrivées trop tard et sont trop limitées. De plus, la CREG (la Commission de Régulation de l’Electricité et du Gaz) avait sonné l’alarme dans son rapport de janvier 2012, expliquant que les tarifs de distribution pratiqués par les communes sont beaucoup trop élevés par rapport aux pays voisins. De fait, sur l’ensemble de la facture d’énergie, ce sont surtout les coûts de la distribution qui ont le plus augmenté depuis 2008 : ils correspondent à environ 40% de la facture de gaz et d’électricité soit en moyenne 600 € pour un ménage ! Paradoxalement, le coût de la distribution à Bruxelles est le plus élevés qu’en Flandre et en Wallonie alors que le territoire et donc le réseau est pourtant nettement moins vaste.
Entre 2008 et 2012, la commune de Saint-Gilles a doublé ses revenus annuels sur le gaz et l’électricité de 2,6 millions € à 5,3 millions €. Ces augmentations de revenus (redevance voirie, obligation service public, dividendes et la « revente exceptionnelle » en 2011 de patrimoine communal à Sibelga) sont à leur tour transférés sur la note des usagers. En moyenne, cela représente 110 € de taxe cachée chaque année pour chaque Saint-Gillois. Ce qui équivaut au coût de la perte de Dexia.
A travers le Holding Communal, les communes belges détenaient 14% des parts de Dexia. Avec la faillite de la banque, les dividendes (25 millions € en 2008) ont été réduits à néant en 2009. Tous les partis traditionnels ont participé à cette orgie spéculative. Le conseil d’administration de Dexia était bourré de politiciens alors que la banque maximisait les risques pour obtenir des rendements les plus élevés possibles.
En 2008, il a été demandé aux communes de mettre de l’argent sur la table pour sauver la banque en difficulté. Saint-Gilles augmente alors sa participation au capital de 4 millions €. Aux côtés de Saint-Gilles, Anderlecht, Bruxelles, Ixelles, et Schaerbeek participeront également un maximum. Ensuite Saint-Josse, Molenbeek, Etterbeek, Uccle et Jette augmenteront aussi fortement leur part. Picqué écrit alors, dans son rapport financier 2002-2011, que « grâce à la recapitalisation du groupe, les communes limitent la casse avec environ 8 millions € de recettes par an ». Peu de temps après, tout cet argent a disparu car la recapitalisation n’a pas empêché la débâcle. Au final, la perte annuelle se chiffre à 2 millions € pour Saint-Gilles et 4 millions € pour Ixelles. Les communes ont même contractés des prêts chez Dexia pour cela ! Par exemple, Saint-Gilles repaye encore chaque année jusqu’en 2019 500.000 € de remboursement du prêt pour la recapitalisation. Désormais, l’austérité passe également par les communes
Pour combler les déficits communaux, les différentes majorités communales appliquent à leur niveau l’austérité notamment en augmentant diverses taxes. Cette augmentation est en moyenne de 8,7% en région bruxelloise par rapport à 2012, ce qui équivaut à un montant de 130 € par habitant en plus. Ces taxes portent principalement sur les bureaux et les chambres d’hôtels mais les plus fortes augmentations sont sur la mobilité et le stationnement. Pour les budgets 2013 des 19 communes, Belfius estime que les taxes sur le stationnement représentent une recette d’un peu plus de 51 millions €, soit 9,2 millions € de plus qu’il y a 3 ans (+ 25 %). Cela devrait encore augmenter en 2014, avec la mise en place du nouveau plan de stationnement régional dès le 1er janvier. Cette réforme du plan de stationnement régional s’accompagne de la réforme, par le fédéral cette fois, de la loi sur les sanctions administratives communales. Cette réforme prévoit notamment l’élargissement de la fonction d’agents constatateurs et l’augmentation du plafond des amendes à 350 €.
Pour la bourgeoisie belge, les régions et les communautés sont des outils très utiles pour réaliser différents assainissements. Ses politiciens traditionnels en maîtrisent l’art. Un niveau de pouvoir n’est pas encore suffisamment utilisé à leur goût pour réaliser l’austérité : la commune. Un des objectifs du gouvernement régional est de disséminer des coupes dans les services communaux et en même temps d’utiliser ces services pour traire encore plus la population et les travailleurs.
Ixelles a ouvert le bal de l’austérité communale 2013 en publiant en février son budget. La nouvelle majorité Ixelloise (PS-MR-Sp.a) prévoit 18 mesures, parmi lesquelles : diminution du nombre de fonctionnaires communaux (non remplacement d’un tiers des départs), fermeture de deux restaurants sociaux, suppression de la moitié des subsides aux associations, fermeture de la déchetterie communale, augmentation de 15% en moyenne des frais des services communaux et des taxes supplémentaires… Comme Picqué à la région, la commune d’Ixelles veut faire payer la crise au personnel communal et aux habitants.
La situation de la commune de Saint-Gilles semble de son côté assez paradoxale. Près d’un an après les élections communales, la majorité n’a toujours pas publié de déclaration de politique générale. De plus, si le budget 2013 a été voté en avril (avec un déficit d’environ 3 millions €), la majorité n’a même pas soumis le plan triennal rendue à la région à l’ensemble du conseil communal, alors que ce plan est censé cadrer l’orientation des budgets communaux pour les trois prochaines années. C’est la seule commune de la région bruxelloise dans ce cas. Serait-ce lié au retour de Charles au maïorat ? Une région marquée par les pénuries et les inégalités signée Picqué
Lors de son départ de la région, le journal « Le Soir » rendait hommage à Picqué comme le meilleur garant des intérêts de la région bruxelloise contre la Flandre. D’autant que lors de la 6e réforme de l’Etat, le « créateur » de la région a pu obtenir un refinancement à hauteur de 461 millions €. La région va-t-elle pouvoir à présent garantir les droits et besoins des différentes communautés qui vivent à Bruxelles ?
Rien n’est moins sûr. En juillet dernier, le gouvernement bruxellois a présenté les grandes lignes du budget régional pour 2014. Au menu : 120 millions € d’assainissements, soit 4% du budget de la région. Ces premiers assainissements budgétaires signés Vervoort sont de loin supérieurs à ceux de 2013 qui étaient de 83 millions €. Le détail des réductions de budget et des augmentations de taxes n’est pas encore connu, le conclave étant planifié pour fin septembre. Il est fort probable que le traditionnel salami sera de mise pour réaliser les assainissements, en utilisant également l’échelon communal pour appliquer l’austérité.
La 6e réforme de l’Etat prévoit parallèlement au refinancement le transfert de toute une série de nouvelles compétences aux régions relatives à l’emploi, aux soins de santé, aux allocations familiales… Ces nouvelles compétences représentent près de 25% de l’ensemble de la sécurité sociale. Il est probable que ces services rencontrent un sous-financement du même ordre que ce qui se fait déjà dans la région aujourd’hui. En outre, ces nouvelles thématiques risquent fort d’intensifier les complications communautaires et les passages par la commission communautaire commune (cocom).
Faudra-t-il simplifier les administrations publiques à Bruxelles ? Si une telle simplification se faisait au détriment des moyens, ça ne serait pas mieux, les pénuries augmentant les conflits et discriminations. La seule véritable solution est celle qui s’attaque à la racine du problème : organiser les services et infrastructures en fonction des besoins plutôt qu’utiliser différents niveaux de pouvoir pour aménager les différentes pénuries.
C’est pourtant cette dernière logique qui est derrière la réforme d’Etat fédéral et la réforme interne de la région. En 2010, Verdonck, Taymans et Ector, trois professeurs de centre d’études régionales bruxelloises des facultés universitaires de Saint-Louis, ont sorti une étude qui calculait un besoin de financement complémentaire à 720 millions €, basé sur les surcoûts et les manques à gagner subis par la région par rapport aux autres régions. Cependant, la somme prévue par l’accord institutionnel n’est que 461 millions €.
Selon l’étude, la différence entre ces besoins et le refinancement obtenu dans les différents budgets est la suivante : 56 millions € nécessaires en matière de sécurité contre 30 obtenus, pour les coûts liés au bilinguisme et les structures politiques administratives c’est un besoin de 89 millions € pour 68 obtenus, dont 40 à travers les commissions communautaires. Le manque à gagner du fait de l’absence de solidarité de l’hinterland bruxellois est estimé à 430 millions €, alors que la loi de financement n’apporterait qu’au maximum 44 millions € à partir de 2015 sur base de l’importance des navetteurs. L’étude calcule un surcoût pour les CPAS dû à l’attraction de la capitale vis-à-vis des populations défavorisées à 89 millions €, or rien n’est prévu sur ce plan-là.
Concernant la mobilité et le manque à gagner dû aux exonérations fiscales octroyées aux institutions et fonctionnaires internationaux, les moyens nécessaires sont calculés par l’étude à respectivement 122 et 127 millions €. Dans ces cas-ci, le refinancement rencontre ces montants. Mais il faut garder à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’une étude faite par des socialistes et basée sur les vrais besoins. Il s’agit d’une comparaison de Bruxelles avec le reste du pays (toute politique restant le même) et sur cette base-là de calculer les désavantages de la vielle et de la nouvelle loi de financement pour la région de Bruxelles. Cette étude se place dans le cadre d’une redistribution des pénuries plus « équitablement » sur tout le pays et non de résoudre les pénuries. Les besoins réels, partant de la défense du droit d’une vie décente pour chacun, demandent évidemment beaucoup plus de moyens.
Le caractère forfaitaire des dotations complémentaires risque à terme de nécessiter une nouvelle négociation si les besoins objectifs augmentent substantiellement (ce qui est la perspective la plus probable). En plus, la moitié des dotations prévues ne peuvent pas être librement utilisées, mais sont prévues pour des matières spécifiques (« pas de chèque en blanc », comme disaient les partis flamands). L’absence de financement pour combler le manque à gagner pour la région lié au fait que les gens qui travaillent à Bruxelles payent leurs impôts dans une autre région et pour combler le surcoût dû à la forte attraction de la capitale pour des populations va pousser le gouvernement bruxellois encore plus dans sa logique d’attirer des couches plus aisés en repoussant les couches pauvres.
A Bruxelles, la bourgeoisie belge a pu compter sur un énième plombier institutionnel à son service. Récemment, Picqué déclarait encore : « On n’a pas pu anticiper le boom démographique, c’est un facteur sur lequel nous n’avons pas de prise ». Si la croissance démographique apparaît comme étant « Le » problème de Bruxelles générant des pénuries, c’est bien parce qu’il met en évidence des décennies de sous-investissement dans les services et infrastructures collectifs, conséquence des politiques néolibérales des gouvernements Picqué. Pour faire face à ces pénuries, les « solutions » alternent entre des plans de bricolage temporaires, des taxes en augmentation, voire des sanctions. Dans tous les cas, ce sont la population bruxelloise et les travailleurs qui en payent les frais. Ces 20 années de gouvernements Picqué sont finalement très illustratives du processus de bourgeoisification de la social-démocratie.
En même temps, une configuration de gouvernement « Olivier » a permis de faire jouer les liens privilégiés des directions syndicales avec les partis traditionnels au gouvernement, afin d’éviter un mouvement généralisé malgré la pression de la base. La rhétorique des dirigeants syndicaux qui était de conditionner toute revendication à l’obtention du refinancement de la région bruxelloise a été une expression de ce lien. Comme cela a été expliqué dans le cadre des conditions de travail des ALR, cette rhétorique était une supercherie, le refinancement n’ayant en rien été utilisé pour améliorer les acquis et inverser la tendance qui est l’accroissement des pénuries. Une rupture des liens avec ces partis traditionnels et un nouveau parti de masse défendant les intérêts des travailleurs est nécessaire.
Les inégalités croissantes qui découlent des pénuries sont illustrées par l’évolution des revenus des 10% les plus riches à Bruxelles comparativement à l’évolution des revenus des 10% les plus pauvres, et ce de 1985 à 2007. Alors que les 10% les plus aisés ont vu leurs revenus doublés par rapport à 1985, pour les 10% les plus pauvres ces revenus sont deux fois plus faibles. Ce graphe ne tient même pas compte de la crise et de ses effets ces 5 dernières années. Cette « fracture sociale » est une illustration du résultat de 20 années de gouvernements Picqué.
Conclusion
Comme l’ont illustré les récents mouvements de masse en Turquie autour de la place Taksim et au Brésil lors de la coupe des confédérations, les politiques de la ville qui combinent le prestige pour une minorité et les pénuries pour une majorité peuvent avoir un effet d’étincelle sur la colère et être un point de départ pour la remise en question de tout un système. Le type de lutte comme celle des travailleurs communaux d’Ath et plus récemment ceux de Saint-Nicolas, qui ont mobilisé le soutien de la population contre l’externalisation de la récolte des déchets, se développeront également à terme dans les communes bruxelloises.
Les travailleurs de Bruxelles-Propreté ou ceux du site Horta ont déjà illustré leur capacité à entrer en action. Les travailleurs communaux de Saint-Gilles ont recommencé à mener des actions dans la commune comme lors du 14 novembre dernier. Ils expliquaient alors qu’ils voulaient renouer avec des traditions syndicales plus combatives. Avec le PSL et les campagnes « Reprenons nos communes ! », nous voulons accompagner les syndicalistes et les habitants à Bruxelles et dans les communes où nous sommes implantés à travers ce processus.
Le point de départ pour les budgets doivent être les besoins de la population et non les moyens limités imposés, car les richesses existent dans la société, il faut aller les prendre là où elles se trouvent, y compris au niveau communal ou régional. Un plan radical d’investissements publics massifs est nécessaire pour créer massivement des logements sociaux, des écoles, de crèches, du transport public, des soins de qualité, des emplois décents et du pouvoir d’achat.
Cela nécessiterait d’élaborer un budget en déficit. Une majorité socialiste devrait alors mener une campagne massive dans la commune ou la ville, notamment avec les travailleurs des ALR, pour construire un plan de mobilisation large visant à soutenir ces mesures nécessaires et imposer un tel budget. Cela ouvrirait un front contre le gouvernement d’austérité Di Rupo et son successeur comme l’a illustré l’exemple de la majorité socialiste de la ville de Liverpool et ses habitants face à Thatcher dans les années ‘80.
Ce plan radical ne peut pas être cantonné au niveau communal ou régional, mais doit être couplé à l’abolition de la dette et à la nationalisation sous contrôle démocratique des travailleurs des banques, du secteur de l’énergie et des autres secteurs clés de l’économie et à la transformation socialiste de la société.
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Bruxelles : Une région marquée par les pénuries et les inégalités (4)
Le problème de la mobilité à Bruxelles n’est pas connu que des habitants de la capitale… Des navetteurs jusqu’à la moindre personne désireuse de se rendre à bruxelles, chacun peut constater les conséquences de la mauvaise gestion de la problématique de la mobilité. Et les problèmes en manque de solution risquent de tout bloquer. Au sens propre comme au figuré.
La région et les communes font payer l’absence de solution pour la mobilité à la population et aux travailleurs
La déclaration d’investiture du gouvernement bruxellois de 2009 affichait la volonté de viser à la gratuité des transports publics et avait fait de la mobilité une priorité face aux embouteillages et à la pollution. Le plan Iris 2 devait faire diminuer de 20% la charge sur le réseau routier pour 2018. Cela ressemblait fort à une déclaration d’intention creuse, étant donné que le flou était entretenu quant aux moyens alloués pour atteindre ces objectifs. Et force est de constater à présent que c’est le chemin inverse qui a été suivi.
Les heures de pointe s’étalent de plus en plus dans le temps et d’ici 2015, la charge sur le réseau routier devrait encore augmenter de 7% et les temps de déplacement de 45%. Au niveau des transports en communs, la Stib continue à « traire » ses clients, en lieu et place d’une gratuité. Année après année, les usagers subissent des hausses de tarifs incessantes (deux fois l’inflation en moyenne sous les deux dernières législatures Picqué) et les +65 ans se sont vus dernièrement retirer la gratuité de leur abonnement sur le réseau. Comble de l’ironie, cette dernière mesure était présentée en « solidarité des plus jeunes », car il s’agit pour la région de compenser la perte due à l’arrêt de la participation de la Communauté française à la réduction sur les abonnements scolaires.
Cette année, la Stib estime l’utilisation de ses bus, trams et métros à 348 millions de voyageurs. Le réseau atteint à présent une saturation à l’heure de pointe, sans qu’il n’y ait une augmentation conséquente de l’offre mise en œuvre. Plus d’un tiers des ménages bruxellois n’ont pas de voiture et seuls 22% des bruxellois l’utilisent quotidiennement. Tous ces chiffres suffisent à illustrer que le plus gros problème de mobilité à Bruxelles réside dans le sous-investissement dans les transports publics.
Ces assainissements se font non seulement aux frais des usagers, mais aussi sur le dos des conditions de travail et de sécurité du personnel. Durant la durée du nouveau contrat de gestion 2013-2017, 116 millions € d’assainissements sont à réaliser. Au menu : diminution des frais de fonctionnement, « réduction de l’absentéisme »… Parallèlement à ces assainissements, des investissements sont prévus pour un renouvellement d’une partie du matériel roulant usé, mais aucune mesure n’est prise pour augmenter l’offre de manière conséquente. A partir de 2017, un budget important sera consacré à l’automatisation du métro, en particulier la partie centrale de l’axe est-ouest. Dans la logique actuelle, nulle doute que cette automatisation se fera au détriment de l’emploi.
La sécurité est un aspect important des conditions de travail du personnel de la Stib, comme l’a encore durement démontré le meurtre d’un superviseur à Schaerbeek en avril 2012. Suite à cet évènement, le personnel a mené une grève courageuse de 6 jours pour arracher plus de moyens pour leur sécurité au travail. Grâce à cette lutte, ils ont obtenu que les superviseurs soient à deux lors de leurs interventions, que 50 travailleurs supplémentaires soient embauchés au service de sécurité de la Stib et que la troisième voiture d’intervention soit disponible durant toutes les heures d’exploitation. Par le passé, il y avait un accompagnateur pour chaque chauffeur. Mais la course à la rentabilité des patrons de la Stib et de la région est passée par là.
Combien couterait la gratuité de la Stib ? « C’est une décision politique » selon la Stib. Marie De Schrijver a essayé de répondre à cette question dans son article pour « Le Soir » qui couvrait notre action à Saint-Gilles : « On peut tabler sur les 165 millions € de recettes directes (2010), même si le calcul est plus nuancé. On en déduirait le prix de l’émission et la vente des titres de transports, ou encore des contrôles et portiques. Mais s’y ajouterait le coût d’une augmentation de la fréquentation. La dotation annuelle globale, qui s’élève à 400 millions €, devrait pallier cette absence de recettes ». Nous ne défendons évidemment pas l’idée selon laquelle l’introduction de la gratuité se ferait au détriment d’une partie des plus de 6.500 emplois à la Stib. Au contraire, pour nous la gratuité demandera des investissements publics massifs pour un développement gigantesque du réseau s’accompagnant de la création de nombreux emplois décents.
En lieu et place d’un plan ambitieux pour les transports en commun, la région a concocté un plan sur le stationnement qui sera d’application dès le 1e janvier 2014. Ce plan, amené à être concrétisé par les communes, prévoit la généralisation des cartes riverains pour toutes les communes (5 € la première carte, 50 € la deuxième, etc…) permettant un stationnement dans un rayon de 1,5 km autour du domicile. Pour le reste, le plan généralise les horodateurs pour les places de stationnement en voirie tout en diminuant drastiquement le nombre de ces places. Le plan prévoit une compensation par des places « hors voirie », comme des parkings souterrains, encore plus chers, comme le parking Vinci place Flagey à Ixelles, fruit d’un PPP dans lequel la commune a investi 7 millions €.
Initialement les horodateurs visaient à éviter les voitures « tampon » et réguler le stationnement dans les artères commerçantes. Aujourd’hui, il s’agit de véritables vaches à lait pour combler les déficits communaux, installés jusque dans les coins les plus reculés. En 2011, les horodateurs rapportaient 42 millions € au communes bruxelloises dont 15 à Bruxelles, 5 à Anderlecht et Schaerbeek, 3 à Etterbeek et 2,2 à Ixelles.
Saint-Gilles a suivi la tendance à l’augmentation des prix à 20 € la demi-journée de stationnement et a budgétisé ainsi 4 millions € en 2012. Le PTB Saint-Gillois a mené une campagne contre ce plan parking, en revendiquant la gratuité pour la 1ere carte riverain au lieu de 5 €. Cela a été repris par le PS dans son programme électoral et appliqué dans le nouveau budget 2013. « Nous nous étions réjouis que la pression de notre campagne citoyenne ait fait plier le PS », déclarait Benjamin Pestieau au sujet du programme électoral du PS. Cela illustre pourtant les limites de la politique « des petites victoires », le PS se servant ainsi d’une revendication peu coûteuse pour emballer socialement son plan d’austérité sur le parking.
Les revenus des taxes communales pour les 19 communes ont augmenté de près de 52 millions € entre 2009 et 2012 (pour une croissance de 17,5 millions € entre 2006 et 2009). Les revenus des horodateurs en sont la raison principale. Seul Berchem, Watermael-Boitsfort et Auderghem n’appliquent pas encore ce système de parcmètres. A défaut de résoudre structurellement les problèmes de mobilité de la capitale avec une offre en transports en commun adéquate, le gouvernement régional et les communes utilisent cette lacune pour traire un peu plus les personnes qui résident ou travaillent à Bruxelles.
Le cynisme du gouvernement régional va jusqu’à présenter ce plan comme une avancée pour la population, puisqu’il s’agirait d’une « harmonisation », et que « tout citoyen qui cherche à se garer aura droit à un traitement juste et égal » selon les dires de Brigitte Grouwels (ministre Bruxelloise entre autre des transports, CD&V). Pour les personnes travaillant dans une commune dans laquelle ils n’habitent pas, ce traitement juste et égal consiste en un abonnement qui chiffre à 750 € l’année comme l’ont dénoncé les travailleurs de l’hôpital Brugmann en octobre 2012.
Deux assemblées générales du personnel réunissant 400 travailleurs avaient permis de mobiliser les travailleurs du site Horta dans un plan d’action contre le plan parking de la Ville de Bruxelles. Ils ont revendiqué que le parking de l’hôpital ne soit plus réservé qu’aux cadres, qu’une carte de riverain gratuite soit mise à disposition du personnel et la gratuité pour le trajet domicile-travail via une meilleure offre en transports en commun. Malheureusement, l’absence d’initiative des directions syndicales pour élaborer un plan d’action n’a pas permis d’élargir la lutte à l’ensemble des travailleurs du service public bruxellois.
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Bruxelles : Une région marquée par les pénuries et les inégalités (2)
A Bruxelles, le taux de chômage est particulièrement élevé. Un cinquième des habitants de Bruxelles est au chômage, situation qui concerne près d’un tiers des jeunes, des données qui font immédiatement penser à l’Europe du Sud. Les autorités n’ont aucune réponse à offrir. La pauvreté augmente, de même que l’insécurité, et la seule “réponse” de cet establishment se résume à la répression et aux sanctions. Cette seconde partie de notre dossier consacré à Bruxelles est consacré à ce sujet.
Un manque d’emploi structurel
Au mois de juillet, le taux de chômage était de 20,4% pour l’ensemble de la région. Ce taux est stable sur les deux dernières années, tout comme le taux de chômage parmi la jeunesse qui est de 31,2%. Cette stabilisation après plusieurs années d’augmentation due à la crise illustre la catastrophique pénurie d’emplois et que chaque nouvelle perte d’emploi ne fera que consolider un chômage structurel déjà massif. Lorsque Picqué est arrivé au pouvoir à la région bruxelloise en 1989, le taux de chômage n’était encore « que » de 12,4%.
Le chômage de masse à Bruxelles est caractérisé par une prédominance de travailleurs peu ou pas qualifiés, la plupart du temps jeunes. C’est la conséquence inévitable de la désindustrialisation, dont les emplois ne peuvent être comblés par un autre secteur. L’idée selon laquelle le secteur de l’horeca et les commerces pourraient combler l’absence d’emplois dans l’industrie est une illusion qui se confirme chaque jour un peu plus. Le nombre de faillites en Belgique a atteint un record cette année avec 2.011 faillites sur les 9 premiers mois, soit 29% de plus qu’en 2012. Parmi les régions, c’est Bruxelles qui enregistre la plus forte hausse du pays. Les secteurs de l’horeca, la construction, le commerce de détails y sont les secteurs les plus touchés. Ces emplois ne sont donc pas disponibles en quantité suffisante et présentent en outre une précarité accrue des conditions de travail.
Il y a dès lors une inadéquation marquée entre la main d’œuvre peu qualifiée et le marché de l’emploi à Bruxelles, puisque les quelques 714.000 emplois comptabilisés dans la région se retrouvent essentiellement dans les services, dans l’administration publique et dans les secteurs financiers et immobiliers ; bref des emplois qui demandent pour la plupart un diplôme d’études supérieures ou un multilinguisme. Par conséquent, l’argument selon lequel les quelques 350.000 navetteurs quotidiens occupent l’emploi des Bruxellois ne tient pas la route : le nœud du problème est le manque d’emploi colossal.
L’idée de ne pas remplacer un départ sur trois dans la fonction publique s’étend à tous les niveaux de pouvoir. Ainsi après le fédéral, les communautés, et les régions, certaines communes emboitent le pas comme Ixelles. Ces politiques de sacrifice de l’emploi public auront un effet considérable non seulement pour les travailleurs du secteur vu le manque généralisé de personnel déjà existant mais aussi pour l’ensemble des chômeurs bruxellois qui verront leurs perspectives d’avenir encore plus bouchées.
Le secteur des ALR à Bruxelles comptait en 2010 48.966 agents pour 42.227 ETP (équivalent temps plein). Aujourd’hui il n’y a plus que 40% des agents qui sont statutaire pour 58% encore en 1995. La prépondérance des contractuels est fort marquée pour le personnel des communes et CPAS, premier employeur bruxellois avec plus de 27.000 travailleurs, atteignant même près de 80% pour les CPAS. Cela est stimulé par la politique de la région qui se limite à subsidier des ACS engagés par les communes pour 25 millions € par an. Les zones de police sont l’exception, avec un nombre de nommés définitif avoisinant les 95%. Quant aux bas salaires en vigueur dans le secteur des ALR, l’argument des directions syndicales et du gouvernement Picqué face aux actions des travailleurs était qu’il fallait attendre le refinancement de Bruxelles pour une revalorisation salariale. Depuis, il n’y a que des assainissements qui entrainent des pertes d’emplois et une dégradation encore accrue du statut et des conditions de travail.
La croissance annuelle moyenne de dépenses en personnel par habitant pour les communes lors de la dernière législature communale fut de 1,8%, soit sous l’inflation moyenne de 2,4% pour la même période. De 2005 à 2011, le nombre d’ETP est passé de 14.577,33 à 15.056,34 ce qui est loin de répondre à l’augmentation des besoins consécutifs à la croissance démographique. Ainsi Picqué se félicite-t-il que les communes « aient géré efficacement l’emploi » ! Aussi, Saint-Gilles est la seule commune à avoir commencé à couper significativement dans l’emploi communal avant même les élections de 2012 avec une diminution du nombre d’emploi passant de 675 ETP en 2009 à 647 ETP en 2011. En région bruxelloise, 69% des travailleurs des communes sont domiciliés dans la région, et à Saint-Gilles c’est 77%. Parmi ceux-ci, seuls 29% sont statutaires (à Saint-Gilles, c’est à peine 17%).
Que faire de tout ce chômage ?
Selon le ministère bruxellois de l’emploi, environ 50.000 Bruxellois travaillaient en Flandre en mars 2013. Il s’agit d’une hausse de 10% sur les deux dernières années et de 43% en 10 ans. L’augmentation concerne surtout des emplois dans le secteur industriel en périphérie de Bruxelles. Cela est une conséquence du contrôle accru des demandeurs d’emploi bruxellois et de la mise en place d’accords de coopération entre Actiris et le VDAB (office flamand de l’emploi) visant à augmenter la flexibilité d’une région à l’autre pour les chômeurs, notamment moyennant un investissement en cours de langues auprès du VDAB. En 2012, Actiris a ainsi financé 7.143 chèques-langues en 2012, en augmentation de 50% par rapport à 2011 (4.651 chèques, 58,5% pour le néerlandais, 35,1% pour l’anglais, 6,1% pour le français et 0,3% pour l’allemand). Par rapport à 2010, l’augmentation du nombre de chèques-langues est même de 139%. En 2010, seulement 8% des chercheurs d’emplois bruxellois avaient une bonne connaissance de l’autre langue nationale selon le gouvernement bruxellois.
Il serait illusoire de croire que l’ensemble des travailleurs sans emploi Bruxellois trouvent un boulot dans la périphérie en Flandre. La coopération entre les offices de l’emploi de différentes régions ne crée aucun nouvel emploi. En outre, ces emplois nécessitent une facilité de déplacement à la charge des travailleurs et une connaissance minimale du néerlandais. En réalité, cette stratégie a surtout pour objectif de mettre une pression supplémentaire sur les chercheurs d’emploi dans le cadre de la chasse aux chômeurs et de la mise en place de sanctions.
L’actuel patron d’Actiris, Grégor Chapelle (PS), n’hésite pas à clarifier le rôle qu’il veut donner à l’office bruxellois de l’emploi. Dans un entretien au journal « L’Echo », il explique : « le message de propagande est clair, Actiris doit être autant au service des demandeurs d’emploi que des employeurs. Et plus que tout, il faut améliorer les relations avec les employeurs ». Interpellé par la journaliste sur l’importance du taux de chômage à Bruxelles de l’ordre de 20%, le patron d’Actiris estime que c’est un faux problème : « les 20% sont un taux de chômage politique, le taux de chômage réel sur la communauté métropolitaine n’est que de 11%, dans la moyenne des grandes villes européennes ».
Lors de son entrée en fonction à la présidence du gouvernement bruxellois, Rudy Vervoort avait pourtant tenu à se positionner par rapport à son prédécesseur en assurant qu’avec lui, la priorité serait donnée à l’emploi des jeunes. Pour donner du corps à cette campagne de communication, il a lancé la formule « 30 mesures, 10 millions €, 4.000 emplois ». Le détail est tout de suite moins flatteur : 100 contrats ACS dans les crèches, 4.350 stages en entreprise, selon les besoins du patronat. Bref, pour ce qui est de l’emploi des jeunes à Bruxelles, Vervoort n’en fait que des cadeaux fiscaux aux entreprises comme il l’a appris avec les gouvernements Picqué.
Ces maquillages écœurants des chiffres et autres politiques de cadeaux fiscaux illustrent que le chômage de masse est admis par les politiciens traditionnels comme un phénomène structurel sans solution à Bruxelles. Il ne s’agit dès lors pas de s’attaquer au chômage, mais d’utiliser plus efficacement encore les chômeurs comme armée de réserve pour les entreprises sous peine de sanctions, de sorte à conforter la 5e place de Bruxelles dans le classement des régions les plus attractives d’Europe pour les investisseurs.
Une jeunesse sans perspective d’avenir
La situation précaire de l’emploi se répercute violemment sur les conditions de vie de la jeunesse. Dans les quartiers du croissant pauvre, le taux de chômage dans la jeunesse est de minimum 45%. A Cureghem et à Molenbeek, ce taux est même de plus de 50%. Le travail au noir et les jobs précaires (intérims, temps partiels, titres-services, ACS…) sont les seules perspectives de travail pour la jeunesse, ce qui ne permet évidemment pas de se projeter dans l’avenir.
Les deux prochaines années, la dégressivité accrue des allocations de chômage et la limitation dans le temps des allocations d’insertion devraient encore plus aggraver la situation en augmentant l’appauvrissement et l’exclusion sociale. Selon la FGTB, ce sont environ 30.000 bénéficiaires d’allocations d’insertion qui se verront purement et simplement exclus au 1e janvier 2015. A terme, ce sont plus de 50.000 personnes et leurs familles qui risquent de basculer dans la pauvreté et l’exclusion rien qu’à Bruxelles.
En Espagne, le terme « los ninis » désigne à présent cette couche parmi les 15-29 ans qui n’ont pas d’emplois, sont exclus de formations professionnelles ou sont déscolarisés. Ils représentent 24 % des 15-29 ans en Espagne et 13,9 % en Belgique. Nul doute que ce chiffre est beaucoup plus élevé dans le croissant pauvre à Bruxelles. Selon les termes de l’OCDE, ces « ninis » sont un reflet du déclin économique de la société. La seule thématique liée à l’avenir des jeunes des quartiers pauvres encore discutée par les politiciens traditionnels est de savoir quelle est la répression la plus correcte à mettre en œuvre pour garder un semblant de contrôle social.
La répression et les sanctions comme seule réponse face à la dégradation du tissu social
A Bruxelles, où prennent place la plupart des manifestations de tous types, le phénomène de la répression et des violences policières a été fort exprimé ces dernières années. A plusieurs reprises durant l’été 2012, le quartier Matonge a été le théâtre d’un véritable déchainement raciste de l’appareil répressif vis-à-vis de la communauté africaine dès lors que celle-ci manifestait. De manière plus sporadique, des militants de gauche se sont vus lourdement réprimés à diverses occasions, comme ce fut le cas du jeune Ricardo lors du festival de soutien aux sans-papiers à Steenokkerzeel.
Dans ce contexte-là, les Sanctions Administratives Communales (SAC) sont un outil rêvé pour les partis traditionnels et leur appareil répressif. L’arbitraire de ces sanctions permet une utilisation « à la carte », tantôt pour des incivilités, tantôt pour des faits divers absurdes comme cette personne à Schaerbeek coupable d’avoir déposé un pot de fleur devant chez soi, et très certainement pour des manifestations et protestations, comme celle organisée à l’encontre du « banquet des riches » en octobre 2012.
Les communes d’Ixelles et Bruxelles sont les fers de lance de cette politique. Freddy Thielemans (PS) a rendu le système rentable. Pour la nouvelle législature communale, 1 millions € est prévu pour augmenter le nombre d’agents constatateurs, avec l’objectif que cela rapporte 3 millions €. Ainsi dans son nouveau budget, la commune a scindé les « amendes pour incivilités » et les « taxes pour incivilités » (utilisées pour faire payer le collage d’affiches aux éditeurs responsables). Chacun de ces deux postes devrait rapporter 500.000 € annuellement à la commune. Même politique à Ixelles : des centaines de SAC sont distribuées lors d’opérations « coup de poing », la majorité pour jets de mégots, mais aussi pour avoir promené un chien sans laisse ou avoir mis la musique trop fort en voiture.
En mai 2013, la ministre pour l’égalité des chances Joëlle Milquet (CDH) a fait une proposition de loi visant à utiliser les SAC pour réprimander toute attitude sexiste en rue pour combattre ce fléau. Cette proposition faisait encore écho au reportage « Femme de la rue » qui avait marqué les esprits, en mettant sur le devant de la scène la problématique du sexisme en augmentation dans toute une série de quartiers pauvres à Bruxelles. Milquet va-t-elle s’en prendre aux multinationales véhiculant des publicités à tous les coins de rue et présentant la femme comme un objet ? Va-t-elle combler la différence salariale entre hommes et femmes ? Va-t-elle résoudre la situation de précarité sociale à la base des discriminations ? Non ! Cette loi n’est que de la simple hypocrisie qui sert à sauver l’image « pro-femmes » de Milquet pendant que plusieurs mesures de son gouvernement touchent de manière particulièrement forte les femmes. Les allocations de chômage baissent le plus fortement chez les chômeurs « cohabitant » (surtout des femmes et des jeunes vivant encore chez les parents), poussant ces chômeurs dans la dépendance totale. En même temps, elle met la responsabilité du sexisme inhérent au capitalisme chez des hommes en tant qu’individus, en niant tout lien avec le système qu’elle défend.
D’un autre côté, si la gauche n’arrive pas à progresser et à offrir une perspective viable, des groupuscules d’extrême-droite vont pouvoir se profiler (comme Nation, le FN,…). En mettant en avant des « solutions » qui ne s’attaquent pas aux fondements du système capitaliste et aux responsables de la crise, ils vont dévier l’attention vers des thèmes comme la criminalité. Les résultats que Nation a faits pendant les élections communales de 2012 à Evere (4,47%) et à Forest (1,24%) et l’expérience d’autres pays comme la Grèce montrent que le danger de l’extrême-droite doit être pris au sérieux, surtout dans une période de crise comme celle que nous traversons aujourd’hui.
La pauvreté et l’exclusion sociale comme conséquences de la crise du capitalisme provoque une aliénation accrue parmi une couche de la population. C’est la base à partir de laquelle la criminalité, les tensions et les discriminations peuvent se développer. Les forces réactionnaires de la société (racistes, intégristes religieux,…) sont utilisées dans ce contexte par les classes dominantes pour dévier l’attention des véritables problèmes sociaux sous-jacents. Tout est fait pour instrumentaliser les moindres faits et gestes de groupuscules hystériques de droite islamiste comme Sharia4belgium pour stigmatiser toute une communauté.
Un développement continuel de la précarité et de la pauvreté
Au mois de mai 2013, les CPAS ont compté sur l’ensemble de la Belgique près de 150.000 personnes recevant une aide de leur part, ce qui est un record. A Bruxelles, cela concerne 32.000 personnes, soit 5% des 18-64 ans, et 14% de plus qu’en 2008. C’est 3 fois plus que dans le reste du pays, et au sein du croissant pauvre c’est encore 5 fois plus. La composition des personnes ayant recours au CPAS évolue et reflète la situation de précarité de la société : de plus en plus de jeunes sont concernés (un tiers des bénéficiaires du revenu d’intégration ont moins de 25 ans) et les femmes sont à présent majoritaires, le plus souvent à la tête de familles monoparentales.
Alors que les besoins sociaux auprès des CPAS sont en augmentation, le gouvernement fédéral a entériné une réduction des dépenses sur les CPAS de 37,4 millions € lors de l’ajustement budgétaire de février 2013. Les communes, qui doivent combler les manques dans les budgets de leur CPAS, voient ainsi un surcoût qui leur revient directement. En outre, le service public de l’intégration sociale constate également que l’écart entre communes riches et pauvres s’est creusé au cours des 10 dernières années. Dans les communes à revenu médian élevé, le nombre de bénéficiaires du CPAS pour 1000 habitants est passé de 7,8 à 5,5 alors que dans les communes à revenu médian faible ce chiffre est passé de 19,7 à 29,6. A Bruxelles, tout cela signifie une aggravation des déficits budgétaires et des pénuries pour les communes de la première couronne où se retrouvent concentrés les quartiers pauvres.
Selon le forum bruxellois de lutte contre la pauvreté, il y aurait environ 1900 sans-abris « dénombrables » en 2013 (selon différentes associations d’aide, ce serait même 2500, dont 500 de plus sur la dernière année), dont environ 40% de femmes, une proportion en augmentation. Au Samu Social, leur nombre a triplé entre 2002 et 2011, passant de 300 à 1000. En 1999, les femmes ne représentaient encore que 1% des sans-abris au Samu Social. Dans les maisons d’accueil, 96% des familles monoparentales accueillies sont des mères séparées. Cette représentation accrue des femmes parmi les sans-abris est comme pour le CPAS un reflet de la précarisation des conditions de vie des femmes dans la société en conséquence directe des politiques d’assainissement dans les infrastructures et services collectifs.
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Une approche marxiste de la prostitution et de l’industrie du sexe
L’industrie du sexe, y compris la prostitution, constitue l’un des plus grands secteurs économiques au monde. Ce dossier aborde cette question sur base de l’oppression fondée sur le sexe et la classe ainsi qu’à partir des inégalités inhérentes au capitalisme. Cet article est une version raccourcie d’un dossier de notre camarade irlandaise Laura Fitzgerald (Socialist Party, République irlandaise).
Une inégalité profondément enracinée
Ce sont surtout des femmes qui vendent des services sexuels et surtout des hommes qui y recourent. Dans ce contexte de crise capitaliste mondiale, la disparité entre riches et pauvres augmente sans cesse, de même que celle entre hommes et femmes. Une illustration de cela a été livrée par la Banque Mondiale, selon laquelle une contraction économique de 1% entraîne une augmentation du taux de mortalité infantile de 7,4 décès pour 1.000 filles par rapport à 1,5 pour 1.000 garçons. La crise a également entraîné une chute du nombre de filles à terminer leur scolarité primaire de 29% à travers le globe, comparativement à 22% pour les garçons.
L’oppression des femmes existe depuis des milliers d’années. La sexualité des femmes a été réprimée par le mariage, avec l’objectif de transmettre la propriété privée par la voie des descendants masculins, ce qui a offert de nombreux avantages à l’élite dominante. Le capitalisme a eu pour effet que l’inégalité profondément enracinée a été renforcée par l’idéologie de la famille patriarcale avec le mari comme chef de famille et l’épouse en tant que fournisseur de soins pour la famille, un travail non-rémunéré effectué par les femmes.
La lutte des femmes et, plus généralement, la lutte du mouvement des travailleurs a assuré que l’idée de la subordination des femmes vis-à-vis des hommes soit considérée comme inacceptable, du moins dans le monde capitaliste développé. Cela n’a toutefois pas signifié la disparition de l’inégalité. Les femmes gagnent toujours en moyenne moins que les hommes pour un emploi similaire et la violence conjugale continue d’être un problème gigantesque, renforcé par la crise sociale.
La faillite du post-féminisme
Au cours de ces dernières décennies s’est développée l’idée selon laquelle les femmes avaient atteint l’égalité complète. Les principales discriminations juridiques ont été éliminées, et les post-féministes en ont déduit que la bataille était terminée et qu’il était du ressort de chaque femme de saisir sa chance. Cette rhétorique s’est accompagnée d’une croissance exponentielle de l’image de la femme considérée comme un vulgaire objet de commerce dans la société. Cela n’est pas brusquement tombé du ciel, l’industrie cosmétique représente un marché de grande ampleur.
La croissance de l’industrie du sexe – tant légale qu’illégale – a totalement déformé la manière de considérer la sexualité en présentant les femmes comme des objets destinés à servir la sexualité masculine. Il suffit de regarder la place qu’a prise l’industrie pornographique. Bien entendu, les relations sexuelles librement consenties restent une affaire privée, mais la commercialisation massive de la pornographie est une expression de la nature exploiteuse du système et cela affecte notre sexualité.
Notre opposition à l’industrie du sexe n’a rien de commun avec l’approche des conservateurs moralistes ou des bigots religieux. Il s’agit d’une protestation contre la commercialisation du sexe. Ce commerce est nocif pour les femmes et pour la société en général, car cela ne fait que renforcer les inégalités.
La lutte contre l’austérité requiert l’unité la plus forte parmi la classe des travailleurs. Et ces politiques antisociales affectent plus durement les femmes, à la fois au travail et à la maison, notamment par la dégradation des services publics. Lutter contre le sexisme et la division que cela entraîne est une nécessité cruciale pour renforcer l’unité et le combat de notre classe.
La prostitution
La prostitution est une partie spécifique de l’industrie du sexe, c’est l’une des pires formes d’exploitation. Les discussions sont nombreuses quant à sa réglementation mais, tout comme l’égalité juridique n’a pas stoppé l’oppression des femmes, aucune loi ne sera suffisante pour débarrasser la prostitution de l’exploitation.
Femmes, hommes et personnes transgenres tombent dans la prostitution pour des raisons différentes et leurs expériences personnelles peuvent être très variées. Limiter les causes de la prostitution à la pauvreté est trop unilatéral, même s’il faut remarquer qu’en Grèce, par exemple, l’appauvrissement rapide de la population s’est accompagné d’une forte croissance de la prostitution. La prostitution de rue (souvent effectuée par des toxicomanes), les agences d’escorts de luxe et la prostitution oeuvrant à partir d’Internet ne peuvent pas simplement être mises dans le même sac.
Le débat public sur la prostitution est souvent écarté par la notion de ‘‘choix’’. C’est un terme très relatif. Pour certains, ce n’est de toute façon pas une question de choix. La traite des femmes est toujours un problème majeur à notre époque, cet esclavage moderne connaît même une progression. Il s’agit cependant d’une situation extrême qui ne concerne pas la plupart des personnes prostituées. Mais le ‘‘choix’’ dont il est ici question est limité par la naturemême du capitalisme, particulièrement en temps de crise. On arrive généralement dans le milieu de la prostitution par manque d’alternative et donc de véritable choix.
Dans tous les pays, les médias fourmillent d’exemples de prostituées de luxe d’origine aisée et dont la vie quotidienne se situe à des kilomètres de la réalité vécue par la majorité des personnes prostituées. Ces cas sont instrumentalisés pour minimiser l’existence de l’oppression des femmes dans la société, ou même pour la nier. Cela vise à cautionner l’industrie du sexe sexiste et oppressive. Ces prostituées ne représentent qu’une infime minorité.
Certains s’opposent au fait de considérer les personnes prostituées comme des victimes. Cela présuppose que toute oppression a disparu. Il est toutefois extrêmement significatif de constater que la majorité des personnes prostituées ne veulent pas que leurs enfants se retrouvent dans la prostitution. Une étude américaine des années 1990 a montré que 82% des prostituées des rues de San Francisco avaient été attaquées physiquement, 83% menacées d’une arme et 68% violées pendant leur travail. La prostitution entraîne souvent de graves conséquences psychologiques car, suite à un instinct de survie, la personne prostituée fait parfois la distinction entre son esprit et son corps. Les personnes prostituées sont des victimes de l’oppression qui existe dans cette société.
Notre opposition à l’industrie du sexe ne signifie pas que nous sommes opposés à l’organisation des personnes prostituées et à mener par exemple campagne pour un accès libre et gratuit à la contraception. De la même manière, nous ne nous opposons pas à l’organisation des travailleurs de l’industrie nucléaire ou de l’industrie de l’armement afin qu’ils luttent pour de meilleurs salaires. Mais la nature du travail et du secteur rend difficile l’organisation des personnes prostituées.
Légaliser ou décriminaliser ?
De toute évidence, nous ne considérons comme un criminel aucune femme, aucun homme ou aucun transgenre travaillant dans la prostitution. Les initiatives législatives destinées à améliorer la sécurité et la situation des personnes prostituées peuvent compter sur notre soutien.
Mais nous nous opposons à la légalisation complète de la prostitution. Le message d’une telle décision serait qu’il soit acceptable et normal d’acheter le sexe et que le corps, essentiellement celui des femmes, soit considéré comme une marchandise. Là où la prostitution est légale, cela n’a du reste pas conduit à une diminution de la stigmatisation des personnes prostituées. Cela n’a mis fin ni à la violence, ni à la traite des êtres humains. En Allemagne, la légalisation de la prostitution a même conduit un certain nombre de chômeuses à devoir répondre à des offres d’emploi dans l’industrie du sexe afin de conserver leurs allocations.
Certains proposent de s’en prendre aux clients. Ce modèle a été introduit en Suède en 1999 sur base de l’idée que cela réduirait la demande. Il est difficile de trouver des données destinées à correctement évaluer l’impact de cette mesure qui, de plus, a été introduite dans le contexte d’un mouvement progressiste contre le sexisme, avec une large sensibilisation. Peut-être bien la demande a-t-elle pu être limitée, mais l’effet d’une telle mesure à long terme reste très incertain.
Bien sûr, nous sommes en faveur d’une meilleure prise de conscience autour de la question de l’oppression des femmes et du sexisme. La gauche doit soutenir tous les efforts visant à lutter contre l’industrie du sexe et la prostitution. Les syndicats peuvent jouer un rôle au travers de campagnes visant à mieux faire connaître la réalité du commerce du sexe, de la traite des êtres humains, de la violence et du viol dont sont victimes tant de personnes prostituées. Mais cette approche doit s’accompagner d’un mouvement de lutte contre l’austérité.
Poursuivre les clients ne suffit pas, cela peut même approfondir le problème en faisant tomber l’activité dans l’illégalité la plus totale. Nous avons besoin d’une riposte fondamentale contre le sexisme, avec une réelle éducation sexuelle et affective dans les écoles, une lutte contre l’industrie cosmétique et plus généralement contre la soif de profit à l’origine de la commercialisation du sexe.
Notre programme
Nous ne limitons pas notre position à une baisse de la demande. Nous n’acceptons pas les circonstances qui poussent les gens à se prostituer. Nous avons besoin d’une lutte de masse contre les politiques d’austérité avec des investissements massifs dans des emplois décents, autour d’un programme socialiste visant à retirer des mains de l’élite les richesses existantes pour les placer sous propriété publique démocratique et sous le contrôle de la population, afin d’éliminer les bases matérielles et économiques des inégalités. Le sexisme et les divisions ne sont pas inévitables. Une société socialiste fondée sur la coopération, le respect et la démocratie conduirait également au développement des relations humaines et sexuelles, sous leurs diverses formes.

