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Tag: Grande-Bretagne
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Attentats de Londres. La répression n’empêchera pas le terrorisme
Bush et Blair ont envahi l’Irak en affirmant qu’ils voulaient détruire les armes de destruction massive de Saddam Hussein et préparer un « monde plus sûr ». Non seulement ces armes n’existaient pas mais les terribles attentats de ces dernières semaines en Turquie, en Egypte, à Londres et bien sûr quotidiennement en Irak, montrent, tout en nous horrifiant, que le monde est devenu bien moins sûr.
Jean Peltier
Nouvelles mesures répressives
Pourtant, pour Blair, les attentats de Londres n’ont aucun rapport avec sa politique en Irak, mais bien avec l’« idéologie maléfique » de certains musulmans! Il essaie ainsi de désamorcer l’opposition à la guerre en Grande-Bretagne, mais l’émotion populaire et la peur face aux attentats sont autant d’opportunités pour faire passer une série de mesures restreignant les libertés civiles. « Soutenir ou glorifier le terrorisme » deviendrait un délit Mais qu’est-ce que le terrorisme?
Cette années, les ouvriers d’AGC Splintex furent qualifiés comme tels lorsqu’ils empêchèrent leur direction, sourde à toute dis-cussion, de sortir de leurs locaux. Le statut de réfugié serait refusé à toute personne « ayant participé au terrorisme ou ayant quoi que ce soit à voir avec lui » (idem). Les durées de détention de suspects par la police seraient étendues. Des tribunaux spéciaux composés uniquement de juges spécialement sélectionnés seraient constitués pour juger les actes de terrorisme. Le gouvernement britannique prépare aussi une définition du « comportement inacceptable » qui inclurait quiconque exprime des « vues extrêmes qui sont en conflit avec la culture de tolérance du Royaume-Uni ».
Aux Etats-Unis existe depuis le 11 septembre un ensemble de mesures de ce genre, le Patriot Act (loi patriotique), utilisé contre des supposés terroristes mais aussi contre des manifestants anti-guerre et des militants du Parti Vert (le parti-frère d’Ecolo !). Aux USA comme en Grande-Bretagne et peut-être demain ailleurs, ces mesures représentent une menace très sérieuse pour tous ceux qui s’opposent au soutien apporté par beaucoup de gouvernements à la politique de Bush d’occupation de l’Irak et d’agression contre les peuples du Moyen-Orient, même si, comme nous, ils sont totalement opposés au terrorisme et qu’ils condamnent sans hésitation les attentats, surtout visant des populations civiles.
Alternative à l’intégrisme
Le climat de peur et de paranoïa que le gouvernement et une grande partie de la presse entretiennent, explique que les injures et actes anti-arabes et anti-musulmans se multiplient en Angleterre. La multiplication des opérations policières dans les quartiers immigrés, ne peuvent qu’aiguiser la peur et la colère parmi les jeunes musulmans qui se sentent de plus en plus rejetés et risquent de devenir plus sensib-les aux arguments des intégristes.
L’intégrisme musulman – et sa branche politique et terroriste en particulier – est une mauvaise réponse aux frustrations ressenties par une grande partie des populations musulmanes, dans le Tiers-Monde comme en Europe, une réponse ultra-conservatrice et rétrograde qui divise les opprimés en fonction de leur religion. Les mesures répressives que prennent des gouvernements occidentaux participant à l’oppression de ces populations sont hypocrites et dangereuses: elles ne permettront pas de lutter efficacement contre l’intégrisme et le terrorisme mais elles risquent fort d’être utilisées de manière beaucoup plus large contre les travailleurs en lutte et tous ceux qui contestent le système actuel.
Seule une politique réellement socialiste s’adressant à tous les opprimés, quelle que soit leur nationalité ou leur religion, pour lutter ensemble contre la misère, l’injustice, les discriminations et la domination impérialiste sur le monde, peut détacher les jeunes musulmans de l’intégrisme et du terrorisme. Et seul un mouvement uni des travailleurs autour d’une telle politique pourra mettre fin concrètement à toutes ces horreurs.
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Le néo-libéralisme mis en cause. Union européenne: une claque magistrale!
La victoire du NON au référendum sur la constitution européenne, le 29 mai dernier en France, est une claque magistrale infligée par les travailleurs et les jeunes aux institutions capitalistes de l’Union européenne. Le taux de participation élevé (70%), les 56% de NON à la constitution sont sans appel. L’Europe capitaliste est K.O. debout ! Chirac et la classe politique et médiatique peuvent aller se rhabiller : ils ont mal mesuré le ressentiment des classes défavorisées envers les institutions européennes. Depuis des années, celles-ci incarnent, pour une masse croissante de travailleurs et de jeunes, les privatisations, la casse des services publics, les coupes dans les budgets sociaux, la compétition forcée avec les pays à bas salaire,…
Peter Delsing
Le NON aux Pays-Bas (63%), le 1er juin, a été le clou du cercueil. En quelques semaines, une atmosphère de crise a gagné les bourgeoisies européennes. L’eu(ro)phorie est bien loin !
Le NON comme expression des contradictions de classes
En France et aux Pays-Bas, l’extrême droite et les nationalistes ont fait campagne pour le NON : le néo-fasciste Le Pen et le conservateur de droite De Villiers en France, le populiste de droite Geert Wilders aux Pays-Bas. Mais le NON était principalement l’expression d’un rejet de l’Europe capitaliste par les victimes de la crise. En France, les mobilisations de masse contre l’abolition de la semaine de 35 heures, contre la baisse du pouvoir d’achat et contre les privatisations ont pesé lourd dans le camp du NON. L’opposition à la Constitution est devenue une question sociale : la politique antisociale de Chirac et des autres gouvernements fait partie intégrante de la politique néo-libérale imposée par l’Union européenne. Dans les grandes villes ouvrières comme Marseille, Nice ou Lille, le NON l’a emporté haut la main. Dans les villes plus nanties, avec une forte concentration petite-bourgeoise, comme Paris, Lyon, Strasbourg, le OUI l’a emporté. Dans les quartiers populaires d’Amsterdam (Amsterdam-Nord : 73%, Volewijck et Buiksloterham ; tous deux 79%) le NON l’a emporté sans bavures.
Il est révélateur que même les commentateurs bourgeois ont été contraints de reconnaître qu’on avait voté contre la politique ‘libérale’. Les résultats de ces référendums ont confirmé l’analyse du MAS: depuis des années nous avons répété qu’une révolte de masse allait se lever contre la politique antisociale actuelle. Les mobilisations de la jeunesse annonçaient une radicalisation plus large chez les travailleurs. Quand nous avons organisé en 2001, à Gand, avec Résistance internationale, une grève et une manifestation de 2.500 lycéens et d’étudiants contre le sommet européen, certains commentateurs ont jugé qu’il s’agissait de protestations "marginales". Ils ont eu tort.
La crise capitaliste met à mal l’Union européenne
Toute tentative d’organiser un second referendum en France et aux Pays-Bas a fait long feu ; Cela ôterait toute crédibilité aux institutions capitalistes européennes, avec le risque de provoquer des mobilisations de rue. Ce serait une stupidité pour la bourgeoisie. La Grande-Bretagne, la Pologne et la Tchéquie ont décidé de reporter leur référendum. La victoire du NON en France et aux Pays-Bas a radicalisé les travailleurs. Ceux qui expliquent que le NON est l’expression d’un nationalisme étroit, n’ont rien compris: c’est au contraire l’expression d’une prise de conscience sociale internationale.
L’Europe ne peut être unifiée sur base de différents états-nations. Plus la crise économique s’approfondira, plus la pression au sein de chaque bourgeoisie pour trouver une issue individuelle pèsera. En Italie, pays officiellement en récession, la Ligue du Nord – pourtant au gouvernement – a préconisé l’abandon de l’euro et le retour à la lire! L’idée derrière cela est d’améliorer la position concurrentielle des exportations italiennes en dévaluant la lire. Ceci (évidemment) au détriment des autres états concurrents européens. Une crise économique profonde, et surtout le spectre de la lutte de classes qui pourra faire chuter des gouvernements, ne manquera pas de pousser à terme l’Union européenne hors jeu.
Les failles dans la construction européenne capitaliste se multiplient : la constitution est mise au frigo pour longtemps ; l’élargissement de l’Union (à la Turquie, à de nouveaux pays de l’Est) est remise aux calendes grecques ; le sommet de Bruxelles (en juin) a capoté sur le budget européen. Il s’agit de la crise la plus grave de la tentative d’unification capitaliste européenne. Il n’existe plus de noyau "convaincu" de pays forts qui rallient derrière eux les pays indécis, comme dans la deuxième partie des années 90, à l’époque d’une conjoncture économique meilleure. Les intérêts capitalistes nationaux regagnent du terrain. C’est la conséquence de l’aggravation de la crise du capitalisme.
Les dirigeants capitalistes n’ont rien appris: il est temps de les mettre dehors
En France, le nouveau premier ministre De Villepin veut inverser le cours en annonçant… de nouvelles mesures d’austérité. Il veut, par exemple, faciliter les licenciements dans les PME ("pour qu’elles embauchent plus vite") et organiser la chasse aux chômeurs.
Les syndicats doivent riposter à ces nouvelles attaques et défendre réellement les travailleurs. On ne pourra construire un rapport de forces qu’à travers la lutte. Le MAS veut participer à cette riposte. La création d’un nouveau parti des travailleurs à caractère de masse est un élément clé de cette riposte. Nous pensons que ces partis devront adopter un programme de transformation socialiste de l’Europe. Car seule une fédération des états socialistes d’Europe pourra mener une véritable politique sociale.
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60 ans après la Seconde Guerre mondiale
On commémore ces temps-ci le 60ème anniversaire de la fin la Seconde Guerre mondiale. Les médias nous ont abreuvés d’articles et de témoignages historiques sur ce qui fut la plus grande boucherie à ce jour de l’histoire humaine (60 millions de morts). Un dossier de plus? Non, car les commémorations occultent trop souvent les tenants et aboutissants de cette guerre qui a changé pour près d’un demi-siècle les rapports de force au niveau mondial.
Thierry Pierret
La Première Guerre mondiale avait été une guerre de repartage du monde entre puissances impérialistes. Pendant des décennies, il y avait une course de vitesse entre les différentes puissances européennes pour s’emparer des différents pays d’Afrique et d’Asie. La Grande-Bretagne et la France étaient sorties gagnantes de cette course de vitesse, l’Allemagne devant se contenter des “miettes” du monde colonial.
C’est la volonté de l’Allemagne d’imposer un repartage du monde à son avantage qui a plongé le monde dans la “Grande Guerre” en 1914. Les principaux partis sociaux-démocrates s’étaient rangés derrière le drapeau de leur propre impérialisme. C’est la Révolution russe qui a mis fin à la Grande Guerre sur le front de l’est avec l’armistice de Brest-Litovsk. Quelques mois plus tard, la révolution en Allemagne mettait fin aux hostilités sur le front occidental. Malheureusement, la révolution en Allemagne n’a pas abouti à la prise du pouvoir par les travailleurs comme en Russie. Le Parti social-démocrate (SPD) y était autrement plus puissant que les mencheviques en Russie et le jeune Parti communiste allemand (KPD) a commis des erreurs tactiques. La défaite de la révolution en Allemagne, mais aussi en Italie, en Hongrie, en Slovaquie,… ouvre désormais la voie à une période de contre-révolution en Europe qui sera le prélude à une nouvelle conflagration mondiale.
La montée du fascisme
La petite-bourgeoisie était prise en tenaille entre le mouvement ouvrier d’une part, la grande industrie et les banques d’autre part. La faillite les guette et, avec elle, la nécessité de vendre leur force de travail pour vivre. Ils aspirent au retour à l’ordre, c’est-à-dire à la situation qui prévalait avant l’industrialisation, à savoir une société de petits producteurs. Les fascistes les séduisent avec leurs diatribes contre “le capital financier” et contre le communisme. La crise économique des années trente verra les secteurs décisifs de la bourgeoisie soutenir le fascisme pour rétablir ses profits en écrasant le mouvement ouvrier et en forçant l’ouverture des marchés extérieurs aux produits allemands.
Il est donc faux de prétendre que la mégalomanie de Hitler et de Mussolini serait la cause de la Seconde Guerre mondiale. En fait, le programme des partis fascistes correspondait aux nécessités du capitalisme en période de crise aigüe. La seule façon pour la bourgeoisie des pays vaincus (Allemagne) ou mal desservis par la victoire (Italie) de restaurer sa position, c’était d’imposer un nouveau partage du monde par la guerre. Or seuls les partis fascistes étaient déterminés à le faire là où les partis bourgeois classiques étaient soucieux de préserver les équilibres internationaux. Il y a donc un lien entre le fascisme et la guerre dans la mesure où ce sont deux conséquences parallèles de la crise du capitalisme en décomposition.
Capitulation du mouvement ouvrier
La victoire du fascisme n’était pas inéluctable. En Allemagne, les partis ouvriers et leurs milices – SPD et KPD – étaient plus puissants que le Parti nazi. Mais le SPD refusait l’affrontement sous prétexte de respecter la légalité là où les nazis n’en avaient cure. Plutôt que d’organiser les travailleurs, il préférait s’en remettre au Président Hindenburg comme “garant de la démocratie”.
Quant au KPD, il suivait la ligne de Moscou qui professait la théorie absurde selon laquelle la social-démocratie et le nazisme étaient des frères jumeaux (théorie du social-fascisme). Le KPD a même organisé des activités en commun avec les nazis! Cette attitude des dirigeants des deux grands partis ouvriers allemands a complètement désorienté les travailleurs allemands face aux nazis. En 1933, Hitler prenait le pouvoir sans coup férir avec la bénédiction de Hindenburg…
Le Pacte germano-soviétique
L’arrivée au pouvoir de Hitler – dont Staline était pourtant largement responsable – a semé la panique à Moscou. Pour assurer sa défense, l’URSS va désormais privilégier une stratégie d’entente avec la France et la Grande-Bretagne. Pour ce faire, il ne fallait rien faire qui puisse effrayer les bourgeoisies française et britannique. Par conséquent, les partis communistes occidentaux devaient adopter un profil bas et privilégier des alliances non seulement avec la social-démocratie, mais aussi avec la “bourgeoisie progressiste”.
Cette stratégie débouchera sur la formation de gouvernements de front populaire en France et en Espagne en 1936. Pour maintenir coûte que coûte ce front de collaboration de classe, le PC n’hésitera pas à casser la grève générale en France et à liquider la révolution en Espagne. Mais en 1938, Paris et Londres repoussent l’offre de Staline d’agir de concert pour contrer les visées de Hitler sur la Tchécoslovaquie.
Staline change alors son fusil d’épaule et signe le Pacte germano-soviétique en 1939. Il croit ainsi assurer ses arrières. Bien plus qu’un pacte de non-agression, le Pacte germano-soviétique comportait un protocole secret qui organisait le dépeçage de l’Europe de l’est entre l’Allemagne et l’URSS. Alors que les bolcheviques avaient rendu publics tous les traités secrets en 1917, Staline renouait avec les pires méthodes des puissances impérialistes.
Une nouvelle guerre de repartage
La Seconde Guerre mondiale fut, en Europe de l’Ouest, en Afrique et en Asie, une nouvelle guerre de repartage du monde. L’Allemagne, qui avait été privée de toutes ses colonies en 1918, voulait prendre sa revanche. L’Italie, mal desservie par sa victoire en 1918, avait annexé l’Albanie et envahi l’Ethiopie en 1935. Mais l’Ethiopie était le seul pays africain qui restait à coloniser. L’Italie ne pouvait plus étendre son empire colonial qu’en empiétant sur les colonies françaises et britanniques. Il ne faut pas chercher ailleurs les raisons de son entrée en guerre aux côtés de l’Allemagne en 1940. En Asie, le Japon, après avoir annexé la Corée et la Mandchourie, s’était lancé à la conquête de la Chine toute entière. Il lorgnait sur les colonies françaises, britanniques et hollandaises en Asie. Mais les Etats-Unis s’opposaient aux prétentions impériales de Tokyo en Asie et lui ont coupé son approvisionnement en pétrole.
D’où l’attaque sur Pearl-Harbour en décembre 1941 pour avoir les mains libres dans le Pacifique. Pearl-Harbour a fourni le prétexte rêvé au Président Roosevelt pour engager les Etats-Unis dans la guerre, puisque le Japon était un allié de l’Allemagne et de l’Italie. La guerre est désormais mondiale. Elle oppose les puissances impérialistes établies (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne) aux forces de l’Axe (Allemagne, Italie, Japon), c’est-à-dire l’axe des mal servis du partage colonial. Mais entre-temps, il y a eu l’offensive allemande contre l’URSS en juin 1941. Cette nouvelle donne va non seulement changer le cours de la guerre, mais aussi en changer partiellement la nature.
La victoire soviétique
Staline avait cru gagner un répit de 10 ans en signant le Pacte germano-soviétique. Il en avait également profité pour ramener la frontière occidentale de l’URSS à celle d’avant 1914 (annexion de l’est de la Pologne, des pays baltes, de la Bessarabie). En revanche, l’invasion de la Finlande se solda par un fiasco. Staline, dans sa lutte acharnée contre l’opposition de gauche, avait liquidé tous les officiers qui avaient été formés par Trotsky. Privée de ses meilleurs officiers, l’Armée rouge s’est révélée incapable de venir à bout de l’armée finlandaise. Hitler en a conclu que l’Armée rouge n’était qu’un tigre de papier et qu’elle s’effondrerait sous les coups de la Werhmacht. Or les nazis, dans leur entreprise de destruction systématique du mouvement ouvrier organisé, ne pouvaient pas tolérer l’existence de l’état ouvrier – tout bureaucratisé qu’il fût – soviétique. Le 22 juin 1941, la Werhmacht envahissait l’URSS à la stupéfaction de Staline qui croyait dur comme fer au Pacte. Les premières semaines de l’offensive ont semblé donner raison à Hitler.
L’Armée rouge, mal préparée, privée d’officiers compétents, s’effondrait sous les coups de butoir de la Wehrmacht, perdant des centaines de milliers de prisonniers et de tués en quelques jours. Mais Hitler avait sousestimé la capacité de résistance et d’auto-organisation de la population russe.
Surtout, Hitler avait sousestimé le potentiel d’une économie planifiée même bureaucratiquement. Jamais un pays relativement arriéré comme l’URSS n’aurait pu fournir un tel effort de guerre dans les conditions d’une économie de marché. L’Armée rouge a pu stopper l’offensive hitlérienne avant de partir à la contre-offensive.
L’URSS payera sa victoire de quelque 27 millions de morts. Les pertes sont d’autant plus lourdes que le régime nazi se déchaîne contre les “sous-hommes” (Juifs, Slaves, Tsiganes). Si l’antisémitisme du régime avait d’abord eu pour but de désigner un bouc-émissaire pratique aux souffrances de la population, il acquiert dès lors une dynamique propre qui conduira à la Solution finale.
Mais cette pulsion mortifère exprime surtout l’impuissance des nazis à retourner la situation en leur faveur. A partir de ce moment, la guerre change de nature. On assiste à une course de vitesse entre l’Armée rouge et les anglo-américains. Ceux-ci ne se décident à ouvrir un nouveau front (débarquement de juin 1944) que pour endiguer l’avance soviétique. Après la capitulation allemande, cette course se poursuivra en extrême-orient où les Etats-Unis n’hésiteront pas à utiliser l’arme atomique pour contraindre le Japon à capituler sans délai et éviter une partition du Japon comme en Allemagne et en Corée.
La révolution met fin à la guerre
Les dirigeants américains et britanniques envisagent même de faire une paix séparée avec l’Allemagne pour repousser l’Armée rouge. Mais les nazis s’obstinent à vouloir mener la guerre sur les deux fronts et le putsch contre Hitler échoue. Surtout, les travailleurs n’auraient pas toléré la prolongation de la guerre et sa transformation en guerre est-ouest. En Italie, en France, en Yougoslavie, en Grèce, les partisans communistes libèrent la majorité du territoire. Ils sont une force avec laquelle les alliés doivent compter. La prise du pouvoir par les communistes était possible dans plusieurs pays, y compris à l’ouest. Mais Staline le leur a interdit et a ordonné aux partisans de rendre leurs armes en échange d’assurances de la part des Alliés. On peut dire que le stalinisme a joué le même rôle contre-révolutionnaire en 1945 que la social-démocratie en 1918. Dans les pays occupés par l’Armée rouge, nombre de communistes actifs dans la résistance sont liquidés car jugés peu fiables. Alors que c’est la révolution (ou la menace de révolution) qui a empêché les Alliés de continuer la guerre contre l’URSS, Staline a cru pouvoir opter pour la coexistence pacifique avec l’impérialisme (accords de Yalta). Mais Staline ne recueillera pas davantage les fruits de sa “modération” que dans les années trente. En 1949, les puissances impérialistes créent l’OTAN pour endiguer l’URSS et le monde bascule dans la guerre froide. Pendant près d’un demi-siècle, la violence de l’impérialisme sera contenue par l’existence du bloc de l’est. Mais les tares du stalinisme ont fini par avoir raison des états ouvriers bureaucratisés. La chute de l’URSS ouvre la porte à une nouvelle ère de tensions interimpérialistes.
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UE. Instrument des banques et des multinationales
L’UE est utilisé pour obtenir sur le plan européen une accélération des mesures néo-libérales. Mais au moment d’une crise économique l’UE est mis sous pression.
La Constitution dans ses propres mots
L’UE défend un projet libéral, dans lequel l’intérêt central est la libre concurrence et non pas les services à la population. “L’Union offre à ces citoyens (…) un marché interne dans lequel la concurrence est libre et authentique.” (article I-3)
Malgré toutes les déclarations affirmant que la Constitution et la directive Bolkestein n’ont rien voir l’une avec l’autre, on lit dans la Constitution: “Par une loi-cadre européene, des mesures vont être prises afin de réaliser la libéralisation des services.” (article II-147)
L’UE veut un élargissement des moyens pour la défence, avec une unification plus large en tête, un premier pas vers une armée européenne. “Les états-membres s’engagent d’améliorer graduellement leurs compétences militaires.” (article II-41).
Dans la Constitution Européenne, un texte très large, il y a encore un tas d’exemples de ce projet néolibéral défendu par l’UE. Les soi-disant mesures “sociales”, auquelles se réfèrent souvent les socio-démocrates, ne sont, au contraire, pas plus élaborées que quelques généralités vagues et vides.
A la fin de l’année passée, il était déjà clair que l’économie entrait en difficultés dans beaucoup de pays européens. Cela a été confirmé par les résultats européens du premier trimestre de 2005, où deux pays avaient une croissance négative (l’Italie -1,6% et les Pays-Bas –0,6%) et d’autres pays, comme la Belgique, avaient une croissance zéro. A cause de celà, il devient très difficile de suivre les règles européennes, comme par exemple celles sur le déficit budgétaire qui ne peut pas dépasser 3% du produit intérieur brut (PIB).
De plus, il y a un mécontentement croissant contre l’UE. Les grands thèmes des dirigeants européens – le marché unique, l’euro et l’élargissement – n’ont en rien réalisé les aspirations de progrès. Au contraire, ils ont encore amplifiés la crise économique du fait que les différents gouvernements ne pouvaient plus prendre des mesure pour stimuler l’économie nationale. Comme dévaluer la monnaie pour stimuler l’exportation, par exemple.
On en est déjà au point que le ministre italien Roberto Maroni a déclaré que l’Italie ferait peut-être mieux de revenir à la Lire: “Cela fait déjà trois années que l’euro a démontré qu’il n’est pas le moyen adéquat contre la stagnation de la croissance, la perte de la force de concurrence et la crise de l’emploi.”
Directive Bolkestein: attaque libérale sur nos droits!
Le but de cette directive est de liquider des soi-disant obstacles pour le commerce des service en Europe. En réalité, c’est une proposition extrémiste qui permet que les règles les plus basses sur le plan social, de la sécurité et de l’environnents deviennent la norme. La directive proposée rendra possible qu’une entreprise de contruction basée en Pologne fasse travailler des ouvriers de construction en Belgique aux salaires et conditions de travail polonais. Idem pour les bureaux d’intérim, des services de nettoyage, des services par des autorités locales, mème notre enseignement et nos soins de santé sont en danger.
Des gouvernement ne seront plus capable d’imposer certains tarifs minimaux ou maximaux pour des médicaments ou d’imposer des normes minimales pour le cadre de personnel dans les hopitaux et les maisons de repos. Le marché sera toujours plus envahissant et imposera sa dictature du profit dans des secteurs aussi vitalement importants que les soins de santé.
Stratégie de Lisbonne
Quand la nouvelle Commission Européene sous la direction de Barrosso fut mis sur pied, elle annonça immédiatement que les “reformes économique” seraient la tâche la plus importante. Ça n’est donc pas étonnant que la composition de la Commission Européenne est surtout orientée vers la défence du libre marché et des libéralisations. Cela fit applaudir (entre autre) le journal économique britannique Financial Times.
La politique européenne actuelle est basée sur “la stratégie de Lisbonne”. En 2000, au sommet européen de Lisbonne, un plan de privatisations et de dérégulations massives a été proposé. L’économie des Etats-Unies y était utilisé comme modèle. Pour cela, on comptait aussi sur les nouveaux états-membres en Europe Centrale et de l’Est. La fédération patronale européenne Unice déclarait: “L’élargissement est une opportunité en or pour augmenter la compétititvité.” L’UE à 25 va “rendre prioritaire la compétivité des entreprises” disait Barrosso quand il faisait la sélection pour sa commission. L’élargissement est certainement un argument important pour les entreprises qui revendiquent des salaires plus bas et une semaine de travail plus long.
Aujourd’hui la seule chose qui tient ensemble l’Union Européenne est la volonté collective des capitalistes en Europe de liquider la sécurité sociale et de faire une offensive sur les travailleurs et leurs familles. Mais de l’autre coté il y a aussi la pression inévitable des interêts nationaux des politiciens et des capitalistes.
Tous les éléments de la crise actuelle – le pacte de stabilité, la constitution, le budget,… – peuvent mener à un Europe avec deux ou trois différents camps et des niveaux différents d’intégration.
Blair a déjà annoncé qu’il ne va pas y avoir de referendum en Grande-Bretagne. La Tchèquie veut suivre cet exemple. Il est probable que le processus de ratification va être arrêté, suivi par une période de “réflexion”. Une crise économique va renforcer la crise politique de l’UE et peut même mettre à l’agenda d’un certain nombre d’états-membre la remise en cause de l’adhésion.
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ATTAQUES CONTRE LES pensions en europe
Attaques contre les pensions en Europe
La lutte contre les pensions est menée avec hargne par les patrons et les gouvernements à l’échelle internationale. Les raisons sont les mêmes dans tous les pays. Les gouvernements de l’Union européenne qui n’ont pas de déficit budgétaire peuvent être comptés sur les doigts de la main. Avec une population qui vieillit et une croissance économique extrêmement faible, les dirigeants craignent que la croissance des dépenses pour les pensions ne gonflent les dettes déjà immenses. De leur côté, les patrons espèrent augmenter leurs profits par des allocations de pensions plus basses. Par un système plus privatisé, ils veulent libérer de l’argent pour placer en bourse. L’argent ne doit pas stagner dans les coffres des gouvernements mais doit servir à faire du profit par la spéculation.
Peter Delsing
L’attaque généralisée contre les pensions est surtout due au changement du rapport de force entre les travailleurs et les patrons après la chute du stalinisme. L’offensive néo-libérale s’est accélérée ces 15 dernières années. Les patrons s’imaginent qu’ils peuvent abolir tous nos droits pour se remplir les poches. Beaucoup d’exemples montrent cependant que le thème des pensions est très sensible. Ce sujet peut provoquer des mouvements de masse dans la classe ouvrière. En Autriche, les attaques sur les pensions ont déclenché, en mai 2003, la plus grande grève générale depuis un demi siècle et ce après des décennies de luttes isolées et sporadiques.
Italie
En 1994, le premier gouvernement Berlusconi a échoué dans sa tentative de démanteler les pensions. Une grève et des manifestations de masse avaient suffit pour que la Ligue du Nord, partenaire dans la coalition, fasse tomber le gouvernement. Sa base ne pouvait pas avaler la réforme. Le mouvement contre Berlusconi avait ainsi porté au pouvoir la coalition de l’Olivier, qui se revendique de la gauche. Mais le gouvernement Dini a aussi introduit une réforme des pensions : pour les jeunes travailleurs, les pensions ne seraient plus comptées sur base du salaire – plus élevé – des dernières années de carrière, mais sur base des contributions pendant toute la carrière. Les travailleurs qui cotisaient depuis plus longtemps restaient, eux, dans l’ancien système. Le pire, c’est que cette stratégie de division a été soutenue par les trois grandes fédérations syndicales.
De leur côté, les patrons ne voulaient pas du plan de Dini. Ils trouvaient que celui-ci n’allait pas assez loin. La politique antisociale de la coalition de l’Olivier a donné l’opportunité à Berlusconi de revenir au pouvoir. Confronté à des dépenses pour les pensions de près de 15% du PIB et à des dettes toujours plus importantes, Berlusconi a présenté un nouveau plan d’austérité en septembre 2003. Celui-ci prévoyait de faire cotiser les travailleurs italiens pendant 40 ans pour une pension complète, au lieu de 35 ans précédemment, et ce dès 2008. L’âge moyen de la pension, 57 ans, devait systématiquement augmenter à 65 pour les hommes et 60 pour les femmes. A terme, Berlusconi comptait économiser 12,5 milliards d’euros par an, soit 1% du PIB (dès 2012). C’est donc une pure mesure d’austérité. Le président du syndicat CGIL, Epifani, menaçait déjà à l’époque d’organiser une grève générale. Le jour suivant l’annonce du projet, de nombreuses grèves spontanées éclataient de toute part dans la péninsule.
Le 24 octobre 2003, les trois grands syndicats – CGIL, CISL et UIL – organisaient une grève générale de 4 heures, à laquelle 10 millions de travailleurs ont participé. Plus de 100 manifestations ont été organisées. Bizarrement, le dirigeant de la CGIL Epifani déclarait qu’il ne s’agissait pas d’une « grève politique ». Il disait également que la chute du gouvernement Berlusconi en 1994 était la conséquence de la position de la Ligue du Nord et non pas des manifestations contre la réforme des pensions. Cette position souligne le manque d’alternative politique de la part des dirigeants syndicaux. A Rome, le dirigeant du parti d’opposition le plus important, la Gauche Démocratique (ex-communiste), a pris la parole lors de cette manifestation.
Malheureusement, Bertinotti, dirigeant du grand parti de gauche Refondation Communiste, a essayé de s’appuyer sur les partis discrédités de la coalition de l’Olivier. Alors qu’il fallait garder une attitude totalement indépendante de l’ex-«aile gauche» de la politique bourgeoise. Refondation Communiste ne pouvait et ne peut pas regagner la confiance des travailleurs de cette façon.
Le samedi 6 décembre 2003, à Rome, les syndicats organisaient une manifestation de 1,5 million de participants contre les plans de réforme des pensions de Berlusconi sous le slogan «Défendez votre avenir!». «Les contre-réformes ne passeront pas!», disait Angeletti, dirigeant de l’UIL. Le 26 mars 2004, une deuxième grève générale autour des pensions était organisée. De nouveau, plus d’un million de travailleurs étaient dans la rue. Mais aucun plan d’action réel n’était mis en avant pour chasser définitivement Berlusconi. Cela a permis au gouvernement de faire voter par le parlement les propositions de réforme pendant l’été 2004. Réaction de la direction syndicale: protestation verbale.
France
En France, les attaques contre les pensions ont également suscité des manifestations de masse. Le 13 mai 2003, une grève de la fonction publique, soutenue par quelques secteurs privés, a rassemblé près de 2 millions de manifestants dans 115 villes. Le mouvement contre la réforme des pensions de Raffarin montrait son potentiel à unifier les différentes luttes. Raffarin voulait allonger la durée de cotisation des travailleurs de la fonction publique de 37,5 ans à 40 ans pour une pension complète vers 2008 et à 42 ans vers 2020. Le 19 mai 2003, 700.000 travailleurs sont de nouveau descendus dans la rue.
Les syndicats CFDT et CGC ont néanmoins signé un accord avec le gouvernement de droite, lui permettant ainsi de poursuivre dans la même voie. Cela a provoqué des remous à la base et dans certaines directions régionales à la CFDT. La question de la démocratie interne a été posée et certains ont demandé la démission du président du syndicat. Deux autres syndicats – CGT et FO – ont organisé une nouvelle manifestation, le 25 mai à Paris, contre la réforme des retraites. A nouveau 1,5 million de personnes étaient dans la rue. Dans un sondage publié dans Le Parisien, 65% des sondés déclaraient soutenir ces manifestations.
L’appel pour une grève générale était toujours plus fort. Thibault, dirigeant de la CGT, craignait toutefois de perdre le contrôle de la base. Il s’est prononcé contre une grève générale parce que «ça affaiblirait la CGT pour des années». Le dirigeant du syndicat Force Ouvrière de l’époque, Marc Blondel, se prononçait dans un premier temps contre une grève générale – parce que ce serait «insurrectionnel» et cela poserait la question d’une «alternative politique». Ensuite il a été gagné à cette idée, mais « n’a pas voulu casser le front syndical»… C’est pourtant une grève générale de la fonction publique, en 1995, qui a torpillé le projet de réforme des retraites du gouvernement Juppé et qui a même mené plus tard à la chute du gouvernement. Les dirigeants syndicaux ne voulaient pas faire ce pas. Le 24 juillet 2003, la loi sur les pensions était voté par l’assemblée nationale.
Leçons des mobilisations
Les mobilisations contre la réforme des pensions peuvent mener à une lutte de masse de différents secteurs. Ces mobilisations ont la sympathie de la masse des travailleurs et peuvent – comme en France et en Italie – faire tomber des gouvernements. Les dirigeants réformistes sont un frein au mouvement. À la base,des comités de grève devraient être élus pour pouvoir décider de façon démocratique des objectifs de la grève. Ils devraient se rassembler régionalement et nationalement dans différents secteurs avec une force la plus efficace possible. Et cela pour démocratiser les syndicats et empêcher la trahison par la direction. Sur le plan politique il faut rompre avec les partis « progressistes » qui mènent une politique néo-libérale. La question d’un nouveau parti des travailleurs comme instrument politique de la lutte et la nécessité d’un gouvernement des travailleurs, appuyé sur les masses, deviennent alors des questions clés pour résoudre la situation.
La rôle d’une gauche syndicale combative est fondamentale. En Grande-Bretagne nos camarades ont joué un rôle important dans différents syndicats pour mettre en avant l’idée d’une grève générale contre les plans de pensions de Blair. C’était par exemple le cas dans le PCS, le syndicat des fonctionnaires où plusieurs membres du SP ont été élus au bureau exécutif. Confronté à la menace d’une grève des services publics juste avant les élections parlementaires en mai, Blair a fait marche arrière, du moins temporairement. «Une défaite importante», selon les porte-paroles du capital. Nous devons nous organiser nous aussi en Belgique pour pouvoir répondre aux attaques des patrons et du gouvernement.
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Il y a 120 ans naissait le Parti Ouvrier Belge. De l’espoir à la résignation
"LA BelgiQUe est le confortable paradis et la chasse gardée des propriétaires fonciers, des capitalistes et des curés» résume de manière saisissante Karl Marx en 1865. «Le prolétariat européen doit apprendre à parler belge» affirme en 1902 la révolutionnaire allemande Rosa Luxembourg, impressionnée par les grèves générales successives menées par les travailleurs belges pour l’obtention du suffrage universel.
Jean Peltier
C’est qu’en moins de quarante ans, la combativité et l’organisation de la classe ouvrière belge ont fortement changé, et la création du Parti Ouvrier Belge en 1885 y est pour beaucoup. Qui peut douter en 1865 que la Belgique est un paradis pour les capitalistes et un enfer pour les ouvriers? Si la Belgique est alors la deuxième puissance industrielle du monde derrière la Grande-Bretagne, c’est à l’exploitation sauvage des ouvriers que les patrons belges doivent leur prospérité. La journée moyenne de travail d’un ouvrier est de douze heures, femmes et enfants peinent à l’usine ou à la mine, les accidents de travail sont quotidiens. Le logement est insalubre et plus de la moitié de la population est complètement illettrée. L’alcool fait des ravages et la religion fait le reste, ce qui permet à un industriel de déclarer en 1886 «Donnez Dieu au peuple et il n’y aura plus de révoltes contre le capital».
Vers le suffrage universel
Et pourtant, face au refus des patrons et de leurs politiciens catholiques et libéraux de toute concession qui améliorerait le sort des travailleurs, des grèves éclatent, spontanées et locales, quasiment chaque année à partir de 1866 dans le textile gantois, les mines du Borinage ou les usines métallurgiques liégeoises. Chaque fois, les forces de l’ordre tirent et tuent tandis que les dirigeants de ces grèves sont emprisonnés et lourdement condamnés. Dans ce monde ouvrier qui reste complètement inorganisé naissent dès 1875 les premiers groupes socialistes à Gand puis à Bruxelles.
Il faut pourtant attendre les 5 et 6 avril 1885 pour que naisse le Parti Ouvrier Belge représentant 59 groupes locaux. L’espoir est en marche, celui d’une organisation de l’ensemble de la classe ouvrière pour revendiquer ses droits, et en particulier les droits politiques par le suffrage universel. Celui-ci semble aux dirigeants du POB le meilleur moyen d’imposer des réformes favorables à la classe ouvrière dans un pays où il y a seulement 1 électeur pour 50 habitants! Tout au long des années qui suivent, le POB multiplie meetings et manifestations et prend même l’initiative d’organiser une grève générale en 1893 pour cette revendication. Les avancées conquises suite à cette grève permettent au POB d’envoyer 28 députés socialistes à la Chambre. Ce résultat est d’autant plus impressionnant que le parti ne dispose que de moyens financiers dérisoires, est à peine toléré et que toute sa campagne repose sur le dévouement de militants encore peu nombreux, mais en qui des centaines de milliers de travailleurs se reconnaissent. Il faudra encore deux autres grèves générales, en 1902 et 1913, et surtout la peur de la contagion de la révolution russe au lendemain de la première guerre mondiale pour que la bourgeoisie cède enfin et accorde le suffrage universel – pour les hommes uniquement ! – en 1919 ainsi que la limitation de la journée de travail à 8 heures.
Réformisme et légalisme
Mais si la création du POB a permis à la classe ouvrière de marquer son indépendance politique face à la bourgeoisie, la politique suivie par ce parti a imposé de sévères limites à cette indépendance. Quand éclate la première grève générale belge en 1886, le POB s’en tient prudemment à l’écart. Il dénonce la répression sanglante (24 morts) mais il considère que ce mouvement spontané est un gaspillage d’énergie qui éloigne de la lutte pour le suffrage universel. La composition du parti aide à comprendre cette orientation: les coopératives et les caisses d’assistance mutuelle y ont une forte influence, les groupes purement politiques sont minoritaires et, même au sein de ceux-ci, l’orientation est à la réforme du capitalisme plutôt qu’à la préparation de la révolution.
La direction du parti voit dans la grève générale non pas une expression de la puissance revendicative de la classe ouvrière qui renforce sa confiance pour préparer de nouvelles luttes mais un simple moyen de pression sur la bourgeoisie pour forcer celle-ci à concéder des réformes. Quand les dirigeants du POB se résignent à appeler les travailleurs à la grève pour le droit de grève pour tous, c’est après s’être assuré que ceux-ci seront bien encadrés et qu’il n’y aura pas de poussée insurrectionnelle. Avec cette politique qui a pour but de ne pas effrayer les alliés possibles parmi les libéraux, il ne faut pas s ‘étonner non plus que le POB ne sera jamais en pointe des luttes politiques ni pour les revendications d’égalité des femmes, ni pour la reconnaissance des droits du peuple flamand, ni contre le colonialisme belge en Afrique. Cette politique légaliste et réformiste conduira rapidement le POB à participer au gouvernement, à s’intégrer dans les institutions puis à accepter le capitalisme comme horizon indépassable.
L’histoire du POB et du PS qui lui a succédé montre que la formation d’un parti représentant les intérêts des travailleurs peut être un levier formidable pour la libération de ceux-ci mais que, sans un programme vraiment socialiste et une indépendance totale vis-à-vis de la bourgeoisie, ce parti risque de finir par devenir un frein dans cette lutte.
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19 mars: manifestation de masse réussie à Bruxelles
Ce 19 mars, Bruxelles a accueilli une masse de manifestants. Trois manifestations se sont rassemblées en une énorme manif avec 80.000 participants provenant de toute l’Europe. La manifestation montrait la force de la mobilisation européenne, la radicalisation et la volonté d’action croissantes à la base, mais aussi le manque d’un instrument politique, ce qui permit aux partis traditionnels d’être présents.
Nikei De Pooter
La Marche des Jeunes était à la tête de la manifestation. Là se trouvaient à peu près 2000 jeunes. Notre délégation comprenait à peu près 300 travailleurs et jeunes, avec également la présence de camarades des Pays-Bas, de France, d’Allemagne et de Grande-Bretagne. Ce n’était pas une coïncidence si les plus grandes délégations à la Marche des Jeunes étaient les délégations politiques radicales. Les Jeunes FGTB et CSC étaient présents avec des camions de carnaval et avec une musique assourdissante, mais ils n’ont pas réussi à faire marcher plus de quelques dizaines de jeunes dans leurs délégations.
Nous avions discuté avec eux dans le courant de la campagne sur le type de Marche qu’il fallait. Selon eux, les jeunes ne s’intéres-sent pas à une marche combative, mais plutôt à une sorte de love-parade. Cela s’exprimait aussi dans le logo infantile des Power rangers sur l’affiche de mobilisation. Ils ont tenté d’éviter que la Marche des Jeunes ne se profile comme radicale. Leur argument était qu’une marche « trop radicale » ferait peur aux jeunes et qu’un programme vague et large permettait à une grande variété d’organisation de participer.
Cette stratégie allait tellement loin que les différents partis gouvernementaux n’étaient pas seulement sur l’affiche, mais participaient réellement à la Marche. Le CD&V en donnant un tonneau de bière gratuit sur un bar mobile, le N-VA en buvant le tonneau. Animo, les jeunes du SP.A, ont réussi à faire porter leur banderole par le « ministre de la chasse aux chômeurs » Frank Vandenbroucke. Notre délégation disait bienvenue à tous ces types avec le slogan « néoliberalen = dikke asocialen ! » (néo-libéraux = gros asociaux)
Le MAS a mis la Marche des Jeunes sur l’agenda. Nous avons mené une campagne pendant des mois. Pour nous, l’important n’était pas seulement la manif elle-même, mais aussi la construction d’une relation de force à la base. Ces derniers mois, nous avons augmenté notre présence aux bureaux de pointage et y avons obtenu un soutien grandissant, bien que souvent passif. Nous avons utilisé l’occasion de construire une présence plus large dans les entreprises. Dans ce travail il était important de présenter un programme d’unification des mouvements de lutte et de proposer une initiative concrète. Ce fut chose faite avec la Marche des Jeunes.
Pour nous, la campagne était réussie. Nous avons formé une délégation combative, vendu plus de 500 exemplaires de notre journal et 100 exemplaires des journaux d’autres sections du CIO (notre internationale) et nous avons récolté 400 euros de fonds de lutte. La Marche des Jeunes est peut-être venue trop tôt ; la volonté de transformer le mécontentement large mais passif contre le chômage croissant, la flexibilité, le travail interim,… en une opposition active est toujours limitée. Mais après la manifestation contre l’accord interprofessionnel en décembre et les actions dans divers secteurs (le non-marchand, Splintex, le secteur d’alimentation,…) la Marche des Jeunes et la manifestation de la CES (Confédération Européenne des Syndicats) venait à un excellent moment. Puisque pour nous cette Marche n’a jamais été vue comme une fin en soi, mais comme une occasion de mettre à l’agenda la nécessité de construire une opposition de gauche dans les syndicats et la nécessité d’un instrument politique. Leen Pontezeele des Jeunes CSC a déclaré dans les médias que pour elle cette Marche des Jeunes n’était qu’un premier. Nous sommes ravis de ce point de vue et faisons appel à tous pour faire une évaluation ensemble, pour ensuite retourner sur le terrain et commencer à construire une nouvelle Marche des Jeunes !
CGT et FNV: délégations combatives
La CES manifestait contre la directive-Bolkestein (sur la libéralisation des services) et il y avait aussi la manif du FSE (Forum Social Européen). Dans la manif de la CES, les délégations de la CGT (France) et du FNV (Pays-Bas) se sont fait remarquer. La CGT avait à peu près 30.000 membres présents dans sa délégation, et celle du FNV comprenait aussi des milliers de travailleurs. La CGT se profilait contre la constitution européenne, sur laquelle un referendum est organisé en France. La mobilisation contre la constitution européenne montre une rage et une combativité crois-sante contre la politique néo-libérale de l’Europe. Ce n’est pas une coïncidence si les délégations de la CGT et du FNV étaient les plus grandes. Dans les deux pays, il y a un processus de radicalisation qui se développe contre les attaques antisociales du gouvernement et du patronat.
La délégation du FSE était plus limitée. Quelques milliers de membres des différents “mouvements sociaux” manifestaient. Il est pour eux d’une importance cruciale de se retrouver dans la classe ouvrière.
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MARCHE DES JEUNES POUR L’EMPLOI
Une réponse à la politique du gouvernement et du patronat
IL ÉTAIT LARGEMENT reconnu que le gouvernement et le patronat allait entamer l’attaque contre les acquis des travailleurs et leurs familles vers la fin de 2004. La résistance n’a pas attendu le moment où ces attaques allaient s’intensifier. Les dernières semaines, on a assisté aux grèves dans le secteur non marchand, dans l’enseignement francophone, à La Poste et à la STIB (transports en commun bruxellois). Le secteur privé, exception faite pour l’aéroport de Zaventem, demeure relativement calme, mais derrière les apparences la tension monte. L’automne chaud est déjà une réalité, mais malheureusement le mouvement ouvrier ne dispose pas d’un programme, d’une stratégie et surtout d’une direction capable de gagner la bataille.
Eric Byl
Les partis traditionnels de gauche
Les travailleurs n’ont pas à compter sur le soutien des partis traditionnels prétendument «de gauche». Pour Ecolo et Agalev, il n’a fallu qu’une seule participation au pouvoir pour qu’ils apparaissent clairement dans quel camp ils jouaient. Grâce à ces deux partis on nous a imposé nombre de sanctions (contre la décharge de déchets clandestins, contre les fumeurs,…) et de nouveaux impôts (des taxes écologiques, eau de surface, essence,…), mais l’industrie et les gros pollueurs n’étaient jamais touchés. Deleuze (Ecolo), ancien Secrétaire d’État, voulait éviter la confrontation avec le patronat sur Kyoto en achetant de l’air propre à l’ex-Union Soviétique.
Au gouvernement, Agalev surtout a compris l’art de mépriser la population. Mieke Vogels a menacé en tant que ministre flamande de la Santé de courtcircuiter les syndicats. Byttebier, qui lui a succédé, a insinué que pas mal d’handicapés fraudaient. Maintenant qu’il est chassé du gouvernement, Groen a fait sa réapparition dans les manifestations du non marchand. Mais ces manifestations sont organisées autour des mêmes revendications que les Verts rejetaient brutalement quand ils siégeaient sur les bancs du gouvernement.
La social-démocratie participe au gouvernement depuis 1988. Pendant cette période la flexibilité a tellement augmenté que 39,5% des travailleuses sont aujourd’hui engagées à temps partiel. Les jeunes doivent presque exclusivement recourir au travail intérimaire. Les bâtiments publics et les entreprises publiques, construits avec l’argent de la communauté, sont vendus pour un quignon de pain aux amis du secteur privé. En échange, les dirigeants «socialistes» reçoivent des postes bien rémunérés dans une série de conseils d’administration. LucVanden Bossche, ancien ministre SP.a, a reçu en récompense le poste de directeur de Biac, la société qui exploite de l’aéroport de Bruxelles National. Le bourgmestre de Gand, Beke, siège au conseil d’administration de Dexia. Pour cette charge (assister à 7 réunions par an!), il reçoit 34.000 euros par an. Si le PS joue ici et là le jeu d’enfant terrible, le SP.a est l’instigateur de la politique d’austérité. Vande Lanotte et Vandenbroucke ont bataillé depuis le début de l’année pour la mise en oeuvre de mesures «structurelles». Vandenbroucke est l’arrogant responsable de la chasse aux chômeurs. Vande Lanotte est celui qui prépare la privatisation des services publics.
Les directions syndicales
Les syndicats organisent au moins 58% des travailleurs actifs (sans compter les prépensionnés et les chômeurs), ce qui représente une hausse de la syndicalisation de 8% sur dix ans. Si les syndicats s’étaient servi de cette force, le gouvernement et le patronat aurait pu faire une croix sur tous leurs plans d’austérité. Cela exige par contre une alternative contre la politique actuelle et c’est exactement cela qui fait défaut aux directions syndicales.
Elles ne voient pas comment aller à contre-courant de la logique néo-libérale. Elles ont donné leur accord à l’introduction du travail intérimaire et des contrats précaires. Elles ont accepté la disparition de presque 10 000 postes de travail chez Belgacom au prix de cadences infernales. Elles sont maintenant sur le point d’accepter la scission de la SNCB qui coûtera à terme 10.000 emplois et menacera la sécurité des voyageurs et du personnel. A La Poste elles ont avalé Géoroute et Poststation qui feront disparaître 10.000 emplois.
Faute d’une alternative réelle, les directions syndicales ne dépassent pas le stade d’une opposition superficielle. Si la pression d’en bas devient trop forte, elles organisent des actions pour donner un peu de voix à la colère, en mobilisant les travailleurs de façon divisée. Le mot «mobiliser» ne décrit pas vraiment la situation, car les directions syndicales «démobilisent». En fait, la politique syndicale actuelle consiste à organiser des manifestations d’enterrement lors des fermetures et d’entretenir des relations d’affaires avec les politiciens amis.
Le lien entre l’ACV et le CVP, prédécesseur du CD&V , a toujours été problématique. Des gouvernements CVP successifs ont abusé de leurs liens avec l’ACV pour vendre leur politique aux travailleurs. Maintenant que le CVP n’est plus l’instrument le plus important de la bourgeoisie, le PS et le SP.a sont mis en avant. Les dirigeants de la FGTB et de l’ABVV ne se servent pas de leurs positions dans les bureaux politiques de ces deux partis pour imposer une politique plus sociale mais, inversement, pour faire avaler à la base syndicale la politique antisociale de ces deux partis.
Cette démarche est plus d’une fois récompensée par une fonction publique lucrative. Tant que l’ACV restera dominé par le CD&V et la FGTB par le SP.a et le PS, les syndicats accumuleront les défaites dans la lutte des travailleurs.
La crise structurelle
Si on suit le patronat et ses valets politiques, la Belgique ne peut que se maintenir au sommet qu’en restant plus efficace que tous les autres pays du monde. «Efficace» ne signifie pas «plus social» ou « de meilleurs services et plus nombreux» ou «la satisfaction maximale des besoins d’un maximum de personnes». Non, «efficacité» doit exclusivement être synonyme de «rentabilité». Si l’on prend en considération les 30 dernières années, depuis la crise de 1974, alors notre système économique ne s’avère pas si «efficace». Il est vrai que les profits des entreprises ont considérablement augmenté. Cela ne résulte cependant pas de la croissance globale des richesses, mais de la politique de pillage au détriment de notre santé et de nos revenus. Les travailleurs de Belgique sont n°2 du monde, derrière la Norvège, au niveau de la productivité. Nous produisons en moyenne 11% de plus de valeurs par heure que nos collègues américains, 32% de plus qu’en Grande Bretagne, 39% de plus qu’au Japon et 8% de plus qu’en France. Notre système économique est tellement efficace que des personnes actives ne travaille même pas. Qui a du travail est en proie à un stress anormal. La Belgique est au premier rang mondial en matières de maladies liées au stress: l’infarctus et les dépressions.
Selon les patrons et les politiciens qui les servent, les travailleurs belges coûtent trop cher. Entre 1981 et 2001 le coût salarial réel par unité produite a diminué annuellement de 0,3%. L’an dernier cette diminution se chiffrait au moins à 1,4%! On pourrait prétendre que les inactifs prennent tout l’argent.
Mais en réalité, en vingt ans les pensions sont passées de 34% du salaire moyen à 32%. Ceux qui «profitent» des allocations de chômage ont subi la même perte en valeur: de 42% par rapport au salaire moyen à 28% en 20 ans. Il n’est donc pas étonnant que la pauvreté ait progressé. Au début des années 90 il y avait 6% de pauvres (chiffres officiels), c’est maintenant 13%. Voilà pour cette fameuse efficacité.
Les propositions patronales pour les négoociations de l’accord interprofessionnel
En préparation du budget et des négociations pour un nouvel accord interprofessionnel, le patronat, depuis l’été, a préparé l’une après l’autre diverses propositions. Il utilise comme un pied de biche l’exemple de Siemens en Allemagne: un allongement de la durée du travail sans adaptation du salaire. Le patronat prétend ainsi «sauver l’emploi». A Marichal Ketin (Liège), le patron avait proposé d’aug-menter le temps de travail de 36 à 40 heures et de licencier entre 10 et 20 intérimaires. En voilà une drôle de façon de «sauver» l’emploi! Heureusement, il n’a pas réussi à faire gober cela aux travailleurs.
Pour la majorité des patrons, le débat sur le temps de travail est un épouvantail mis en avant pour effrayer les travailleurs et imposer d’autres mesures de régression sociale. La fédération patronale du métal, par exemple, réclame davantage la baisse des charges et surtout le gel des salaires. Dans la construction les patrons réclament surtout l’annualisation du temps de travail. Dans le secteur de distribution et de l’alimentation, la question centrale porte sur un assouplissement des heures supplémentaires.
Afin d’être sûr que ce recul social sera accepté, on menace beaucoup. On essaye de nous faire croire que l’élargissement de l’Europe va mener à une invasion de main-d’oeuvre à bon marché. La Commission Européenne veut permettre que des travailleurs de l’Europe de l’Est soient embauchés, en Europe occidentale, aux salaires de l’Est! Il est évident que cela va saper les salaires et les conditions de travail ici. En même temps, Vandenbroucke veut obliger les chômeurs à accepter n’importe quel emploi. Sa chasse aux chômeurs n’a rien à faire avec la prétendue «fraude sociale». Pour chaque poste vacant, il y a au moins 7 candidats. Chaque examen d’embauche suscite la candidature d’un nombre impressionnant de demandeurs d’emploi. Celui qui veut suivre une formation à l’Orbem ou au Forem doit patienter pendant des mois ou n’y a pas droit. L’objectif de la politique d’exclusion est d’utiliser les chômeurs pour saper les conditions de travail et les salaires de ceux qui ont encore du travail. Selon le rapport sur les salaires du Conseil Central de l’Economie, en préparation des négociations sur l’accord interprofessionnel, il n’y a, comme par hasard, toujours pas de marge pour une augmentation des salaires. Les salaires en Belgique ont progressé apparemment de 1,4% de plus que les salaires dans les trois pays voisins (France, Allemagne, Pays-Bas). Ce ne sont évidemment que des moyennes. Les salaires de managers comme Jan Coene, qui s’est octroyé une récompense de 800 millions de FB en trois ans, y sont aussi inclus. Par ailleurs, quand on dit que nos salaires ont «progressé plus rapidement» que dans les pays voisins, il est plus exact de dire qu’ils ont «baissé moins vite». En comparaison avec le patronat allemand et néerlandais, la Belgique est loin de la situation «optimale». En bref: malgré la misère dans laquelle vivent nos pensionnés, malgré la montée officielle du nombre de pauvres, nos patrons et leurs serviteurs politiques ont l’eau à la bouche quand ils rêvent d’une politique aussi anti-sociale que celle de Schröder et de Balkenende.
Construire un rapport de forces
Jamais dans l’histoire il n’y a eu autant de richesses et autant de profits qu’aujourd’hui. Mais il n’y a jamais eu non plus autant de pauvres. Plus que jamais il faut que les travailleurs et leurs familles contrôlent la richesse qu’ils produisent et qu’ils l’utilisent pour satisfaire les besoins de l’ensemble de la population. Si les dirigeants syndicaux le voulaient, ils pourraient paralyser toute l’Europe. Mais la nécessité de se réapproprier les richesses disponibles, accaparées aujourd’hui par un petit nombre de parasites, cette idée ne leur vient pas à l’esprit. Leur attitude mène au défaitisme chez beaucoup de travailleurs.
Le défaitisme peut temporairement paralyser le mouvement ouvrier, mais ne contrebalance pas les effets de la situation vécue. Chaque secteur se met en mouvement l’un après l’autre, souvent sans les directions syndicales qui ne peuvent garder les travailleurs sous contrôle. La seule capacité qu’elles développent magnifiquement c’est de fractionner la lutte secteur par secteur. Mais si on veut forcer le gouvernement et le patronat à faire des concessions, l’action coordonnée et généralisée est indispensable. C’est précisément ce que les directions syndicales essaient à tout prix d’éviter depuis la grève contre le Plan Global de 1993.
Marche des jeunes
Le MAS seul ne peut pas transformer cette situation. Nous pouvons tout au plus intervenir dans la situation politique et sociale sur base du mécontentement dans divers secteurs. Dans une période de montée rapide du chômage et avec en arrière-plan une chasse aux chômeurs, nous avons décidé de faire un appel avec notre campagne Blokbuster à une nouvelle Marches des Jeunes pour l’Emploi. En 1982 et 1984 il y avait des dizaines de milliers de jeunes dans la rue contre le chômage. Ces marches étaient préparées par de nombreux comités locaux de mobilisation dans les écoles et les entreprises. Ce n’étaient pas des manifestations comme les autres, mais des campagnes menées pendant toute une année.
En 1993 Blokbuster et les Jeunes FGTB ont organisé une petite Marche des Jeunes de 7.000 manifestants. Cette Marche s’est tenue juste après la chute du stalinisme, quand le capitalisme semblait pour beaucoup de gens le seul système possible. De plus les Jeunes CSC avaient refusé de participer. La «petite gauche» était, comme d’habitude, plus occupée à insulter les organisateurs qu’à mobiliser. Le journal La Gauche appelait Blokbuster «une filiale de la maison de mère britannique Militant» et dépeignait les Jeunes FGTB comme «une organisation inerte avec juste un fichier de membres» . Solidaire ne pensait pas grand-chose de cette Marche des Jeunes.
Aujourd’hui la situation est totalement différente. Le chômage monte à nouveau en flèche. Le gouvernement a lancé une offensive. Différents secteurs sont en lutte. Il ne manque qu’une initiative capable d’unifier les luttes et d’offrir une perspective. Nous pensons que la Marche des Jeunes pourrait jouer ce rôle. En avril 2004 Blokbuster a contacté les jeunesses syndicales avec une proposition d’une Marche des Jeunes en octobre. Elles ont marqué finalement leur accord pour le 19 mars 2005.
Nous craignons toutefois que les jeunesses syndicales ne pensent pas au même type de Marche que nous. Nous la voyons comme un point culminant où des comités locaux dans les entreprises, les écoles et les quartiers mobilisent pendant des mois avec des tracts, des réunions, des sessions d’information dans les entreprises, des actions locales devant les agences d’intérim, à l’ONEM, etc. La Marche elle-même, on la voit comme une marche combative où les jeunes pourront mettre en avant avec force leurs revendications sur l’emploi et les conditions de travail. Pas par des émeutes ou d’autres sottises, mais par une présence massive et décidée.
Nous craignons cependant que les jeunesses syndicales pensent plutôt en termes d’une grande city parade, avec plein de ballons, des chars carnavalesques, de la musique à plein tube, des groupes de danseurs, mais pas beaucoup de réelle mobilisation autour des revendications concrètes. Le caractère final de cette Marche dépendra en grande partie de notre force. Nous appelons nos lecteurs à mettre sur pied partout où ils peuvent des comités pour la Marche des Jeunes autour d’un nombre de revendications concrètes: il faut s’en prendre au chômage, pas aux chômeurs; pas de petits boulots précaires, mais des emplois stables avec un vrai salaire; 32 heures hebdomadaires sans perte de salaire et avec embauche compensatoire.
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IRAK: Le fantôme du Vietnam revient hanter Bush
Le 30 juin est la date retenue pour le passage symbolique du pouvoir en Irak à une nouvelle autorité. Ce changement sera évidemment de pure façade: une autorité non élue et choisie par l’occupant américain sera remplacé par une nouvelle autorité… non élue et choisie par l’occupant américain. Mais, demain comme hier , le pouvoir réel appartiendra toujours à l’armée américaine.
Jean Peltier
Car le fait le plus marquant de ces dernières semaines est la montée du nombre d’attaques contre l’armée US et surtout contre ceux qui collaborent avec elle. Les postes de recrutement pour la police et l’armée sont devenues les cibles quotidiennes des groupes de résistants, tandis que l’organisation liée à Al-Qaïda multiplie les enlèvements de militaires et de civils étrangers, de manière à faire monter la pression sur les gouvernements de ces pays pour qu’ils se retirent du pays.
Quinze mois après le début de la guerre, le bilan est désastreux pour Bush. L’Irak devait devenir un « modèle » pour l’instauration de la démocratie « à l’américaine » au Moyen-Orient ; aujourd’hui, le pays est dans un état chaotique et le nouveau régime installé par l’armée américaine ne dispose d’aucune base populaire en dehors du Kurdistan. La chute de Saddam Hussein devait représenter un coup fatal au terrorisme ; l’Irak est devenu une base d’accueil pour les militants des mouvements intégristes radicaux de tout le monde musulman. La mainmise sur l’Irak devait assurer aux compagnies américaines le contrôle de l’appareil de production pétrolier et surtout des énormes réserves enfouies dans le sol du pays .
Aujourd’hui, la production reprend à grand peine, les actes de sabotages dans les raffineries et les pipelines se multiplient et le cours du pétrole s’envole sur les marchés internationaux. Et, cerise sur le gâteau, la guerre devait assurer à Bush une réélection dans un fauteuil. Au lieu de quoi sa cote de popularité baisse avec régularité.
Bush est maintenant confronté à un dilemme extrêmement douloureux. Soit il opte pour un gouvernement fantoche et une administration reconstruite et soumise aux USA. Mais, pour cela, vu l’impopularité énorme de l’occupation parmi la population et la multiplication des attentats, l’administration américaine sera obligée d’envoyer de plus en plus de troupes en Irak. Soit le gouvernement US essaie d’échapper à l’enlisement et retire peu à peu ses troupes d’Irak, laissant ses partisans se débrouiller sur place. Mais cela paraîtrait aux yeux du monde entier comme l’aveu d’un échec colossal…. avec le risque, en plus, de voir l’Irak basculer dans un chaos complet.
Trente ans après, le fantôme du Vietnam revient hanter le pensionnaire de la Maison Blanche : soit l’enlisement pendant des années, soit le retrait sans gloire et lourd de conséquences, soit l’un puis l’autre !
Mais, quoiqu’il arrive en Irak, un mythe s’est déjà effondré : celui de la superpuissance américaine que, depuis la chute du mur de Berlin et l’accélération de la mondialisation, rien ne pourrait plus arrêter. La résistance de la population irakienne, comme auparavant celle du Vietnam, montre les limites de la puissance US : elle peut, grâce à son énorme potentiel technologique et militaire, gagner sans trop de difficultés une guerre conventionnelle – surtout contre un régime dictatorial du Tiers- Monde. Mais elle ne peut imposer sa volonté face à la résistance massive d’un peuple.
« Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage » (Jean Jaurès)
Le vingtième siècle a été un siècle de guerres d’une ampleur jamais égalée jusque là : 10 millions de morts lors de la Première Guerre Mondiale, 55 millions lors de la Deuxième, 2 millions dans les guerres successives d’Indochine et du Vietnam et des dizaines de millions d’autres au cours de la centaine d’autres guerres locales ou régionales qui ont ravagé un grand nombre de pays depuis 1945.
Certes, les guerres font partie de l’histoire de l’humanité depuis des millénaires mais le passage au capitalisme a donné une nouvelle ampleur à cellesci. Dès le 16e siècle, les premières bourgeoisies marchandes ont largement assis leur fortune sur la conquête du continent américain, qui a entraîné l’extermination d’une grande partie des populations indiennes d’Amérique, et sur la colonisation de l’Afrique, où le pillage des richesses s’est accompagné de la déportation de millions d’Africains vers les Amériques. Dans ce monde colonial, les grandes puissances européennes, l’Espagne, puis la France et la Grande-Bretagne, ont utilisé continuellement la guerre pour accroître leurs richesses et leur empire.
Ces guerres de rapines et de pillages menées par les Etats ne diffèraient encore des anciennes guerres féodales que par leur ampleur. Mais il est un autre type de guerre plus propre au capitalisme qui va ensuite se développer : celle qui prolonge directement la concurrence économique entre les entreprises.
Au cours des cent cinquante dernières années se sont constituées dans les pays économiquement les plus avancés de grandes entreprises ne visant plus seulement un marché national devenu trop étroit mais aussi une expansion internationale qui les pousse à l’affrontement avec leurs concurrents d’autres pays. Dans ce jeu, chaque Etat national exerce toute la pression dont il est capable – y compris au plan militaire – pour aider ses propres capitalistes à prendre l’avantage sur leurs rivaux étrangers. Aussi longtemps que l’économie est en expansion, la plupart des multinationales peuvent espérer réaliser des profits suffisants pour continuer à se développer. Mais quand une crise économique survient et s’approfondit, la concurrence économique devient une véritable guerre économique et la lutte pour la vie des capitalistes peut devenir une lutte pour la vie entre Etats, chacun disposant de moyens de destruction grandissants.
Les deux grandes guerres mondiales ont été des guerres impérialistes, c’està- dire des conflits entre des alliances d’Etats capitalistes pour le contrôle des ressources et des marchés et pour la domination du monde. Par la suite, la grande majorité des guerres ont eu comme toile de fond les luttes entre les multinationales et leurs Etats pour s’emparer du contrôle de positions économiques et stratégiques décisives.
Les deux guerres du Golfe avaient évidemment pour enjeu le contrôle du pétrole. Mais des guerres beaucoup plus locales n’échappent pas à cette logique. Ainsi, dans les multiples conflits qui ensanglantent l’Afrique, derrière les luttes entre chefs locaux pour le pouvoir se dessinent les manoeuvres des USA pour élargir leur emprise au détriment des anciennes puissances coloniales anglaises et françaises.
La concurrence et la guerre sont inséparables et elles sont toutes deux au coeur même de l’existence du capitalisme. Ce n’est qu’en renversant ce système barbare et en construisant un système réellement socialiste – remplaçant la concurrence et la course effrénée au profit par une planification démocratique permettant d’orienter la production vers la satisfaction des besoins de la majorité de la population – que nous pourrons instaurer une véritable paix mondiale.