Tag: Gilbert De Swert

  • Pensions impayables? Mensonge! La baisse du nombre de naissances n’égale pas l’augmentation de la productivité

    Le démantèlement de notre système de pensions est inscrit dans l’agenda politique depuis longtemps déjà. Politiciens, médias et représentants du patronat nous ont enfoncé dans le crâne que nos pensions sont impayables. A nous de nous sentir coupables. Le gouvernement nous sort maintenant son ‘‘livre vert’’ de la conférence sur les pensions, composée de représentants du patronat, des syndicats, du gouvernement et de l’administration. Quelques questions prévisibles sont ensuite envoyées de ce livre vers les partenaires sociaux, qui doivent formuler des propositions dans un ‘‘livre blanc’’. Ce dernier peut être publié à tout moment dès septembre. Voilà la base sur laquelle le gouvernement va composer son menu de réformes.

    Par Eric Byl

    Personne ne niera qu’une réforme du système de pension s’impose. En octobre 2007, Le Soir écrivait déjà que l’allocation moyenne de pensions après impôts ne représentait plus que 64,4% du salaire moyen en Belgique. En Grèce et aux Pays-Bas, elle dépasse les 100%. Si, en moyenne, un pensionné luxembourgeois reçoit 664.240 euros durant tout le temps que couvre sa pension, le pensionné belge ne peut compter que sur 179.056 euros (moins qu’en Grèce, où le niveau de vie est en moyenne beaucoup moins élevé). En conséquence, un quart des plus de 65 ans vit sous le seuil de la pauvreté en Belgique contre… moins d’une personne sur 20 aux Pays-Bas! En finir avec la pauvreté des seniors ne coûterait pourtant que 900 millions d’euros, aux dires du professeur Jos Berghmans (université de Louvain). Mais ce n’est pas de cette façon que le Livre Vert aborde les choses.

    La pierre angulaire de l’argumentation favorable à l’assainissement de notre système de pensions est l’augmentation du nombre d’inactifs face à la population active. En 2000, pour chaque personne de plus de 65 ans, quatre personnes étaient actives et elles ne seraient plus que deux en 2060. Cette histoire à dormir debout a déjà été réfutée des dizaines de fois, notamment par Gilbert De Swert dans son livre 50 mensonges sur les pensions. En plein baby-boom, en 1964, le nombre de naissances a atteint son sommet (168.000 naissances) pour toucher son niveau le plus bas en 2002 avec 115.000 naissances. C’est une baisse de pas moins de 31%(1), mais durant la même période, la productivité a augmenté de 215%(2)! Le Livre Vert estime que les dépenses totales pour les pensions représentaient 31 milliards d’euros en 2008, soit 8,96% du PIB de l’époque(3). D’ici 2014, ces dépenses passeraient à 36 milliards d’euros, à 46 milliards d’ici 2030 et à 50 milliards d’ici 2060. Cette croissance des dépenses, présentée comme une explosion, est en réalité loin d’être catastrophique. Selon le Bureau du Plan, d’ici 2014, le PIB belge aura augmenté jusqu’à 407 milliards d’euros(4). Les 36 milliards d’euros de dépenses pour les pensions représenteraient donc 8,84% du PIB, proportionnellement moins qu’en 2008, donc.

    Il est impossible d’estimer le PIB de 2030, ne parlons même pas de celui de 2060. Mais nous savons tout de même que nous avons été plus productifs de 36% pour chaque heure en 1965 par rapport à 1950 et 111% plus productifs en 1980 par rapport à 1965. Admettons que le capitalisme s’est depuis lors essoufflé. Mais nous avons quand même été plus productifs de 36% pour chaque heure en 1995 en comparaison de 1980 et, au beau milieu de l’année de crise de 2009, nous étions encore 15% plus productifs qu’en 1995(5). Le prix de cette performance se calcule notamment en infarctus et maladies liées au stress. Même si les quinze prochaines années restent aussi ‘mauvaises’, les 10 milliards d’euros supplémentaires que coûteraient nos pensions d’ici 2030 ne représenteraient vraiment rien, tout comme les 4 autres milliards pour 2060.

    Mais peut-être que les politiciens, les patrons et leurs médias sont d’accord avec nous pour qualifier le capitalisme de système archaïque offrant peu de possibilités de croissance et pour dire que la tendance à la baisse de l’augmentation de la productivité initiée au milieu des années ’70 va se poursuivre?

    De ce constat, le PSL tire la conclusion que le chaos capitaliste devrait être remplacé par un système socialiste basé sur la planification rationnelle et la démocratie des travailleurs. A l’opposé, les politiciens, patrons et médias actuels tentent de réanimer le capitalisme, ce système archaïque. C’est ce qui explique leur politique de cadeaux aux patrons qui puise dans les caisses de la sécurité sociale pour accorder des subventions salariales et des diminutions de charges au patronat.


    Notes:

    1. SPF économie: Structure de la population selon âge et sexe : pyramide d’âge
    2. The Conference Board Total Economy Database.
    3. PIB – Produit Intérieur Brut – la valeur totale de marchandises et de services produits en une année.
    4. Bureau Fédéral du Plan, prévisions économiques 2009-2014.
    5. The Conference Board Total Economy Database.
  • Pas d’attaque contre l’index, pas d’accords all-in

    Plus de pouvoir d’achat par plus de salaire!

    Le patronat se prépare déjà aux négociations pour l’Accord Interprofessionnel (AIP) de cet automne. Il a reçu l’aide de ses amis de la Banque Centrale Européenne et de la Banque Nationale, qui ont déclaré vouloir réduire les effets de l’index ou même carrément l’abolir… Cependant, la vraie cible de ces propos n’est pas l’index en lui-même, mais bien la prochaine norme salariale.

    Geert Cool

    S’attaquer à l’index avec des accords all-in?

    L’index a de toute façon été déjà bien attaqué. L’index-santé, introduit dans les années ’90, ne reprend plus l’essence, le diesel, le tabac et l’alcool. Début 2006, le contenu du « panier de la ménagère » qui sert de référence pour calculer l’index (et ses augmentations) a été « adapté », en mettant davantage l’accent sur certains produits de luxe dont les prix ont baissé (lecteurs DVD, télévisions, etc.)

    Guy Quaden, le gouverneur de la Banque Nationale (membre de longue date du PS) a réagi aux critiques de la Banque Centrale Européenne en déclarant que l’index avait suffisamment été démantelé pour ne plus constituer un «danger»… tout en affirmant que le principe même de l’indexation automatique devrait être rediscuté ! Le but de cette mascarade est limpide : ce n’est pas l’index qui est visé, mais bien les cadeaux que le patronat désire obtenir à l’occasion des négociations de l’Accord Interprofessionnel (si toutefois il y a accord, car il est en fait probable que le gouvernement doive lui-même faire imposer un «accord» comme en 2006).

    Le système des accords all-in, où les augmentations d’index sont partiellement ou entièrement supprimées dès qu’est atteint un «plafond» d’augmentation fixé dans l’accord salarial, est une autre manière de miner l’index. Dans l’AIP précédent (2007-2008), une norme salariale de 5% était prévue pour les augmentations de l’index et des salaires. Mais selon le Bureau du Plan, au cours de cette période, l’augmentation de l’index sera à elle seule de 5,1% (Agoria, la fédération des entreprises du secteur technologique, parle plutôt de 5,6%). Dans plusieurs secteurs, cela a déjà des conséquences inouïes. Dans le secteur de la construction par exemple, une indexation supérieure à 5% n’est plus autorisée ! Dans d’autres secteurs, aucune augmentation autre que l’index ne sera accordée, ce qui signifie une réelle détérioration au vu du détricotage de l’index (l’augmentation réelle des prix, sur base annuelle, est de 4,39%, plus que l’augmentation effectuée via l’index).

    Dans le contexte des augmentations de prix de ces derniers mois, il va être plus difficile pour le patronat de conclure des accords all-in. Gilbert De Swert, de la CSC, a déjà déclaré que : « Les syndicats vont dire non, plus qu’avant, parce qu’ils ont vu la récente augmentation de l’inflation, qui a coulé les accords salariaux dans certains secteurs à un moment où les travailleurs ont plus de plaintes que de pouvoir d’achat ».

    Le patronat veut des diminutions de charges pour les bénéfices et les gros salaires des cadres

    2007 a été de nouveau un excellent cru pour les profits : les actionnaires des entreprises belges cotées en Bourse ont obtenu 10,2 milliards d’euros de dividendes (une augmentation de 42% en comparaison avec 2006). C’est à peu près la moitié des profits qui va ainsi vers les actionnaires. Les cadres de haut vol peuvent aussi se rassasier à la mangeoire des gros profits. Gilbert De Swert dit à ce titre : «Les entreprises ne savent plus aujourd’hui que faire avec tout leur argent, mais, à les écouter, le moindre centime d’euro de plus en charge salariale leur coûterait toute leur compétitivité et tout notre emploi.»

    Le patronat revendique toutefois encore de nouvelles diminutions de charges et ce sera probablement un élément central dans leur paquet de revendications pour l’AIP. Ces diminutions de charges doivent donner aux travailleurs l’illusion qu’ils vont avoir un salaire net plus élevé alors qu’à long terme, cela limite les dépenses du patronat. Cela devra être payé d’une manière ou d’une autre, comme on peut déjà le voir avec les services publics libéralisés (énergie, télécommunications, et graduellement La Poste) Les diminutions de charges et autres recettes néolibérales mènent justement à l’aggravation des problèmes de pouvoir d’achat.

    Il faut organiser la résistance

    Le patronat fait tonner son artillerie pour peser sur les discussions. Les syndicats vont devoir faire quelque chose en réponse à cela s’ils veulent, eux aussi, construire un rapport de forces. De ce côté, après la manifestation du 15 décembre, le silence a régné longtemps. L’idée de journées d’action régionales après les élections sociales et d’une manifestation nationale en automne est certainement positive, mais il va falloir mener une véritable campagne.

    Les actions essentiellement spontanées qui se sont déroulées en Flandre autour du pouvoir d’achat illustrent que ce thème est très sensible. La seule manière d’améliorer effectivement le pouvoir d’achat est d’augmenter les salaires et les allocations. Une offensive pour plus de pouvoir d’achat pourrait compter sur un large soutien et une implication active. Qu’attend-on pour l’organiser ?

  • Le gouvernement veut mouiller les syndicats dans l'offensive sur les salaires

    Rencontre entre syndicats et patronat

    Le gouvernement a organisé ces derniers mois un premier tour de concertation avec les syndicats et le patronat pour arriver à un accord sur les salaires. En fait, il s’agit donc d’anticiper sur la concertation sur les salaires prévue pour la fin de cette année. Il faudra alors conclure un nouvel Accord Interprofessionnel (AIP).

    Karel Mortier

    Guy Verhofstadt a déclaré le 27 mars que "Les syndicats et les employeurs reconnaissent qu’il y a un problème avec la compétitivité de nos entreprises. Ils plaident aussi pour l’instauration de mécanismes de contrôle, et c’est important en cas d’inflation trop élevée. Les partenaires sociaux ne veulent pas non plus que les futures diminutions de charges soient détournées en augmentations de salaire."

    Au lieu de préparer la lutte pour les prochains mois, les dirigeants syndicaux se laissent déjà embarquer dans le raffiot néo-libéral pourri. On pouvait s’y attendre dès lors qu’ils avaient déjà accepté qu’on touche à l’index, ce qui fait que l’indexation des salaires a été différée de quelques mois. Pour compenser cet énième coup de rabot sur les salaires, les syndicats reçoivent la "promesse" qu’on va créer plus d’emplois et que les entreprises vont investir dans l’innovation.

    D’après Cortebeeck (CSC), il n’est pas question de toucher à l’index – c’est pourtant ce qu’on vient de faire – ni aux barèmes salariaux. Mais il laisse ouvertes toutes les autres pistes pour contenir les salaires. Le message qu’il envoie aux secteurs n’est pas de voir comment on peut augmenter le pouvoir d’achat des affiliés: il leur demande de s’attabler avec les patrons pour voir comment on peut contenir la hausse des salaires.

    Les patrons ne manqueront pas d’imagination pour proposer les pistes adéquates. Il semble déplacé d’évoquer les profits et les salaires exorbitants des top managers. Quel contraste avec la baisse du pouvoir d’achat de la majorité de la population… malgré la hausse de la productivité !

    Au moment même où Paul De Grauwe, économiste libéral de renom, déclare que la question des salaires trop élevés est une fable et fait sans doute partie d’un agenda caché de la FEB visant à augmenter les marges de profit des entreprises, le sommet syndical reprend à son compte une bonne part de l’agenda de la FEB et du gouvernement comme cadre des prochaines négociations intersectorielles.

    La lutte contre le Pacte des Générations est-elle en train de se répéter ? A ce moment-là aussi, Cortebeeck avait été immédiatement acquis à la nécessité de ce pacte, mais sa base l’a rappelé à l’ordre plusieurs fois. Le livre "50 mensonges sur le vieillissement" du chef du service d’étude de la CSC, Gilbert De Swert, a été totalement ignoré alors qu’il contient tant de contre-arguments pour mener la discussion.

    Aujourd’hui, même les déclarations d’un économiste libéral dont la rubrique fait autorité dans le Financial Times ne semblent pas suffire à détourner Cortebeeck du cadre de réflexion néo-libéral imposé par le gouvernement.

    Cela fait déjà trois décennies qu’on dit aux travailleurs de se serrer la ceinture en échange de plus d’emplois et de plus d’innovation. Tout ce qu’on voit, c’est un chômage qui grimpe et des conditions de travail qui se dégradent pour ceux qui ont encore un boulot. Quant aux moyens supplémentaires pour l’innovation et la formation, on les attend toujours. La Belgique continue à se signaler par de très piètres performances sur ces terrains d’après toutes les études internationales. Le seul résultat tangible de cette politique, c’est que ceux qui possèdent le capital iront de nouveau puiser dans les poches de ceux qui produisent la richesse de ce pays.

  • Après la grève du 7 octobre, la lutte doit continuer!

    La déclaration gouvernementale de Verhofstadt ce 11 octobre fut très claire: le gouvernement va amplifier ses attaques. Petit à petit, il veut saper le droit à la prépension jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien. Ces mesures vont, étape après étape, conduire à ce qu’en 2014, 49.2 % des hommes et 71.4 % des femmes qui aujourd’hui ont droit à la prépension à 58 ans, ne puissent plus l’obtenir. Ainsi, Freya Van den Bossche, ministre SP.a, répond aux attentes du patronat: poursuivre les attaques sur l’un des plus importants acquis des générations précédentes.

    Bart Vandersteene

    Le gouvernement et le patronat rêvaient dans leurs plans originaux de mesures plus drastiques. Cela n’a pas été possible. Remercions la combativité de la base de la FGTB qui a montré le 7 octobre ce que les militants des syndicats pensaient des propositions gouvernementales.

    Dans le secteur privé, de grandes entreprises, beaucoup de PME et différents zonings industriels furent à l’arrêt. Dans le secteur des services publics, les actions de grèves furent couronnées de succès, selon les secteurs et les régions. A ces piquets, nos militants ont ressenti une énorme combativité. La question est maintenant: comment aller plus loin? Ce n’est pas la détermination qui manque, mais un plan d’action clair va-t-il être mis sur pied pour mettre au bac les propositions du gouvernement?

    La division au sommet des syndicats doit être brisée par l’unité à la base. Même si la seule FGTB rejette le projet, elle doit construire un rapport de force. Avec des réunions du personnel, des actions de distribution de tracts dans les entreprises et les services, elle peut organiser des discussions entre collègues de la base.

    Avec des actions de propagandes dans les rues commerciales, gares et supermarchés, l’opinion publique peut être convaincue de l’absurdité des mensonges véhiculés dans les médias. Une campagne intensive peut conduire à une manifestation nationale, peut donner aux militants de la FGTB un moyen de discuter avec la base de la CSC et met en même temps la pression sur leur direction pour aller plus loin dans la lutte contre le plan du gouvernement.

    Si même la CSC rejette le projet, un plan clair doit être élaboré pour rejeter la proposition gouvernementale et coupler à cela la chute du gouvernement. Une grève générale de 24 heures avec manifestation à Bruxelles peut être préparée au travers de grèves provinciales. Si nécessaire, cela doit être suivi d’une grève de 48 heures qui va faire trembler ce gouvernement instable et peut-être le faire tomber .

    Au début de cette année parût le livre « 50 mensonges sur le vieillissement », écrit par Gilbert De Swert, chef du service d’étude de la CSC. Ce bouquin a comme objectif d’apporter une réponse aux mythes du vieillissement que le gouvernement et le patronat amènent au travers des médias. L’argumentation est bétonnée et les conclusions sont claires : « le vieilissement de la population ne signifie pas que nous devons tous travailler plus longtemps » La CSC ne pouvait pas donner un message plus limpide à ses militants. C’est un appel à ne pas tomber dans les mensonges de la coalition violette et pour choisir un modèle de société qui va contre la logique néo-libérale. Aujourd’hui, c’est aux membres de la CSC de le rappeler à leur direction.

  • Allocations et pensions en danger!

    Il y a 60 ans, alors que la Belgique était encore occupée, le patronat et les syndicats négociaient un " Projet d’Accord de Solidarité sociale " qui jetait les bases de la Sécurité sociale actuelle. Il s’agissait surtout pour la bourgeoisie de préserver sa position de classe dirigeante alors que le stalinisme exerçait un grand pouvoir d’attraction sur la classe ouvrière du fait du rôle des partis communistes dans la Résistance et du prestige de l’URSS. Depuis la crise des années 70, la bourgeoisie n’a eu de cesse de démanteler la Sécu pour sauvegarder ses profits.

    Thierry Pierret

    Avant la Seconde Guerre mondiale, la Sécurité sociale en Belgique n’était qu’embryonnaire. Au 19ème siècle, les ouvriers ont créé les premières mutualités pour se prémunir contre les risques de l’existence. La misère était telle que la mort fut le premier risque à être couvert. Après avoir mené une vie infra-humaine, les ouvriers tenaient à avoir un enterrement et une sépulture dignes de ce nom. Ensuite, les mutualités ont tenté de prendre en charge les risques liés aux accidents de travail, aux maladies professionnelles et à la vieillesse. La question de la vieillesse était particulièrement brûlante, car les ouvriers n’avaient pas les moyens d’entretenir leurs parents âgés. Des milliers de mutuelles partiellement subsidiées par l’Etat voient le jour pour tenter de pallier à cette situation. En 1913, on comptait 5.000 sociétés d’assurance-maladie avec quelque 500.000 membres et 200 caisses de retraite avec 300.000 membres. Certaines de ces associations ne comptaient que quelques dizaines d’affiliés, ce qui rendait impossible de répartir les risques sur une base large. Si on ajoute que les cotisations étaient très basses, on comprendra aisément que la protection offerte était aléatoire et largement insuffisante pour couvrir les besoins.

    Le Pacte social de 1944

    Le Projet d’Accord de Solidarité sociale – en abrégé Pacte social – sera coulé en forme de loi par l’Arrêté-Loi du 28 décembre 1944. Il instaure un système basé sur 4 piliers : vieillesse (pensions), maladie-invalidité, chômage, allocations familiales. Le système est basé sur la triple contribution des patrons, des travailleurs et de l’Etat à l’Office national de Sécurité sociale (ONSS) qui finance les différentes branches de la Sécu. Cette triple contribution est évidemment un leurre. En réalité, la distinction entre cotisations patronales (versées directement à l’ONSS avant payement du salaire brut) et cotisations des travailleurs (prélevées sur le salaire brut) est purement technique. En effet, l’argent que les patrons versent directement à l’ONSS est une composante du salaire puisqu’il sert pour l’essentiel à financer des allocations de remplacement (pensions, chômage, maladie-invalidité) qui ne sont rien d’autre qu’un salaire différé. Cette présentation des choses permettait à la bureaucratie des syndicats et du PSB de justifier idéologiquement le maintien de l’autorité du patron dans l’entreprise comme " contrepartie " à la participation des patrons au système.

    La période de croissance économique exceptionnellement longue qui a suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale a permis à ce modèle de collaboration de classe de fonctionner jusqu’à la moitié des années 70. A ce moment, la baisse tendancielle du taux de profit (il faut toujours plus de capital pour un même niveau de profit) a rendu impossible le maintien du système tel quel pour les patrons. Les patrons doivent absolument restaurer le taux de profit en rognant sur le niveau de vie des travailleurs. Les patrons et les gouvernements successifs n’auront de cesse de réduire la part des revenus du travail dans le Produit intérieur brut (PIB) en bridant la croissance des salaires et des allocations sociales. La chute du stalinisme en 1989 ouvrira la voie à une offensive idéologique de la bourgeoisie contre les acquis sociaux et à la transformation des partis sociaux-démocrates en partis bourgeois. Désormais, l’offensive de la bourgeoisie contre la Sécu ne sera plus seulement quantitative (réduire le montant des allocations en termes réels et en exclure une partie des bénéficiaires), mais aussi qualitative. Il s’agit désormais de démanteler le système de la Sécu tel qu’il a été conçu en 1944.

    L’Etat social actif

    La philosophie qui soustendait la Sécurité sociale à sa fondation reposait sur l’idée d’assurance sociale. Les travailleurs s’assurent contre les risques de l’existence et cotisent pendant les périodes où ils sont actifs. Ils ont donc droit aux prestations de la Sécu dès lors qu’ils ont cotisé. Ce principe va être progressivement mis à mal. D’abord on va exclure du droit aux allocations plusieurs groupes de bénéficiaires. C’est surtout l’assurance chômage qui sera dans le collimateur ces deux dernières décennies qui sont caractérisées par un chômage de masse. On introduit l’article 80 qui permet d’exclure les chômeurs cohabitants (qui sont surtout des chômeuses) pour "chômage anormalement long". Un premier coup de canif est ainsi donné au droit illimité dans le temps aux allocations de chômage. Des dizaines de milliers de chômeuses seront ainsi exclues du chômage. Les chefs de ménage ne seront pas épargnés pour autant. Les chômeurs doivent accepter tout emploi convenable qui leur est proposé. Mais la notion d’emploi convenable va être interprétée de façon toujours plus large de telle sorte que nombre de chômeurs ont été contraints d’accepter un emploi bien en-deçà de leur qualification ou dans une région très éloignée de leur domicile. Le droit aux allocations est conditionné à la disponibilité sur le marché de l’emploi. Lorsqu’il n’y avait pas de chômage de masse, on estimait que cette condition était remplie dès lors que le chômeur ne refusait pas un emploi convenable. On va désormais exiger que le chômeur suive formations sur formations ou cherche activement un emploi et en fasse la preuve.

    Le système des Agences locales pour l’Emploi (ALE) qui oblige les chômeurs à accepter des petits boulots en partie subsidiés par les pouvoirs publics inaugure, sans avoir l’air d’y toucher, un changement fondamental de la philosophie du système. Ce changement de philosophie sera amplifié et prolongé par la réforme de la loi sur le minimex. Bien que le minimex ne dépende pas de la Sécurité sociale, cette réforme n’est pas sans incidence sur son fonctionnement. En effet, nombre de chômeurs exclus se sont retrouvés au CPAS où ils vivotaient grâce au minimex. Ils doivent maintenant travailler pour garder leur droit au "Revenu d’Intégration" qui remplace désormais le minimex. La philosophie qui soustend ces réformes est "l’activation des allocations de chômage". On n’a plus droit au chômage parce qu’on a cotisé, mais on doit désormais "mériter" son allocation en acceptant un job d’appoint sous-payé. Les allocations de chômage deviennent donc un moyen de faire payer par la collectivité les salaires d’une série de petits boulots. C’est un formidable outil pour casser le marché du travail dans la mesure où cela met une pression énorme sur les conditions de travail et de salaire de l’ensemble des salariés. C’est ce qu’on appelle "l’Etat social actif". On peut dire que c’est la marque de fabrique de la social-démocratie recyclée en outil politique principal de la bourgeoisie.

    L’offensive contre les pensions

    Après les allocations de chômage, c’est désormais le régime des pensions qui est dans la ligne de mire. Le gouvernement, les médias, les économistes font chorus pour nous mettre en garde contre le "péril gris". Ils évoquent l’an 2010 avec des accents quasi messianiques. A cette date, les générations nées après la guerre arriveront d’un coup à la retraite, ce qui mettrait en péril le financement des pensions. Et d’évoquer une pyramide des âges inversée à l’horizon 2050 où les plus de 60 ans représenteront le double des actifs contre la moitié aujourd’hui. Il ne s’agit pas de contester ces évolutions démographiques, mais bien les conclusions qu’ils en tirent.

    En effet, le financement actuel des pensions est basé sur le principe de la répartition. C’est-à-dire que les générations en âge de travailler cotisent pour payer les pensions de ceux qui sont partis à la retraite. On voudrait nous faire croire que le vieillissement de la population rendrait ce système intenable vu qu’il y aura de moins en moins d’actifs pour un nombre croissant de pensionnés. Et de mettre en avant la capitalisation comme alternative. Les travailleurs ne cotiseraient plus pour les générations précédentes, mais pour eux-mêmes. Des fonds de pension privés se chargeraient de récolter ces cotisations qu’ils investiraient en actions ou obligations. Ils les revendraient au profit du travailleur dès lors qu’il arrive à l’âge de la retraite. Le hic, c’est que, comme le démontre Gilbert De Swert dans son livre 50 mensonges sur le Veillissement, l’argument du veillissement joue aussi en défaveur de la capitalisation. En effet, il y aura toujours moins d’acheteurs potentiels de ces actions ou obligations puisque la génération suivante est moins nombreuse que la précédente. La faiblesse de la demande fera chuter leur valeur, ce qui privera le travailleur d’une pension décente. En outre, la capitalisation expose les travailleurs aux crises boursières qui résultent de la non-réalisation des profits escomptés. Le vieillissement sert d’alibi à une campagne idéologique en faveur de la privatisation des pensions.

    Le veillissement de la population est un fait et les projections démographiques à long terme sont spectaculaires. Mais, curieusement, les auteurs de toutes ces études "omettent" de faire les mêmes projections pour les baisses de charges patronales. Les baisses de charges cumulées totalisent à ce jour 5 milliards d’euros par an… Faites le compte de ce que la Sécu aura perdu d’ici 40 ou 50 ans. Il en va de même de la hausse cumulée de la productivité. A raison de 1,3% en plus chaque année, les générations futures produiront plus de richesses que les actuelles malgré le vieillissement.

    L’offensive actuelle de la bourgeoisie vise à faire table rase de tout ce qu’elle a dû concéder à une époque où le rapport de forces était plus favorable aux travailleurs tant sur le plan économique que sur le plan idéologique et politique. D’où l’idée d’un "financement alternatif" qui ne pèserait soi-disant plus sur les revenus du travail, mais qui permettrait surtout de passer d’un système de solidarité entre travailleurs à un système d’assistance "pour ceux qui en ont vraiment besoin". La Sécurité sociale sera le principal enjeu des luttes futures entre la bourgeoisie et le mouvement ouvrier.

  • Les soins de santé suffoquent

    LA PRESSE le dit tous les jours: la situation des soins de santé est “inquiétante”. En 2004 le budget avait un déficit de 850.000.000 d’euros. Excellente raison pour Rudy Demotte (ministre PS des Affaires Sociales et de la Santé) d’intervenir avec toute une batterie de coupes budgétaires.

    Bart Van der Biest

    Expliquer toutes ces mesures prendrait trop de place, mais l’on peut déjà dire que toutes sortes de sommes forfaitaires vont êtres augmentées, certaines consultations vont être limitées, la partie non-remboursée pour les visites à domicile va être augmentées,…

    Part dans le budget de l’Inami (en milliards d’euros):

    Salaires des médecins: 5013 (30,8%)

    Jour d’hospitalisation: 3803,5 (23,4%)

    Médicaments: 2876 (17,7%)

    Maisons de repos: 1407,5 (8,7%)

    Infirmiers: 689,6 (4,2%)

    Orthodontie: 512,7 (3,1%)

    Kinésithérapeutes: 414,5 (2,5%)

    Implants: 374,4 (2,3%)

    Revalidation: 337,9 (2,1%)

    Autres: 828,7 (5,1%)

    Il est intéressant de voir la répartition des coûts dans les soins de santé (voir cadre). Le budget total de l’Inami (qui n’était pas suffisant) est de 16.257,8 milliards d’euros. Fait remarquable: une grande partie de cette somme arrive chez les médecins (30,8%), et l’industrie pharmaceutique n’est pas non plus en reste, puisque quelque 17,7% leur sont réservés (à comparer avec 12 ,2 % au Luxembourg, 11% aux Pays-Bas et 8,5% au Danemark). L’industrie pharmaceutique belge coule des jours heureux… En comparaison de ces deux goinfres, le coût des infirmiers (4,2%) est presque négligeable. Demotte annonce en fanfare qu’il va s’attaquer à l’industrie pharmaceutique… ce boucan permet de passer sous silence ce qu’il compte faire avec les patients. «Tout le monde doit payer sa part », déclare t-il. Léger problème: en s’en prenant aux patients, ce ne sont pas les profits qui passsent à la trappes, mais notre santé.

    Le modèle kiwi: l’oeuf de Colomb?

    Une proposition lancée par un docteur du PTB, défendue par le ministre Spa et les présidents du SP.A, VLD et CD&V, applaudie par la presse bourgeoise… on se méfierait à moins! Mais qu’est-ce-que le modèle kiwi? En Nouvelle Zélande l’Etat fait des adjudications publiques ouvertes, et seul le médicament générique le meilleur marché répondant aux exigences du produit est remboursé par la mutuelle. Grâce à cela les médicaments y sont 50 à 90% moins chers qu’en Belgique. Par patient et par an, la mutuelle rembourse 63 euros, contre une moyenne de 270 euros en Belgique.

    Mais en Nouvelle Zélande, l’industrie pharmaceutique fait également des profits. Le modèle kiwi n’est donc certainement pas une mesure « anticapitaliste », mais cherche justement à maintenir la fonction de vache à lait pour les médecins et l’industrie pharmaceutique, protégeant ainsi ce beau monde de leur propre gloutonnerie: si le système n’est plus tenable, fini les profits!

    L’argument selon lequel on laisserait jouer le marché libre est tout aussi dénué de sens. Le jeune capitalisme de la libre concurrence est mort, et a laissé place au capitalisme monopoliste, dans lequel les grandes multinationales dictent leur loi.

    L’industrie pharmaceutique a une machine de marketing énorme qui doit assurer que seuls les produits les plus chers sont disponibles. De différentes manières, les prescripteurs sont «convaincus»: offre de petits voyage masqués comme jours d’étude, restaurants de luxe, échantillons gratuits (qui obligent plus ou moins le patient à continuer après avec le même médicament), sponsoring des magazines professionnels,… La «pharma-maffia» dépense plus en publicités qu’en recherches. Pour autant que cela continue, on pourrait encore installer 100 modèles kiwi, sans réel changement. Un autre cancer des soins de santé: la médecine de prestation Au lieu d’abolir résolument la médecine de prestation (dans lequel le médecin est payé par « client »), Demotte se limite à quelques mécanismes de contrôle.

    Chaque hôpital regorge d’histoires d’abus de prestations (non-nécessaires, ou tout simplement inexistantes). Cela peut revêtir la forme de consultations hebdomadaires de tous les patients d’un hôpital, pour finalement ne pas s’y intéresser. Comment un mécanisme de contrôle va-t-il différencier ce qui est nécessaire de ce qui ne l’est pas? Les patients qui en ont besoin sont menacés d’être les victimes de ces mesures limitatives. Un contrôle de qualité va s’avérer pratiquement impossible.

    Dernière couche d’absurdité ; ce sont bien souvent les infirmiers qui s’occupent de ces prestations, le rôle du médecin se limitant à garder ouvert son portefeuille.

    Une alternative socialiste

    au hold-up capitaliste sur les soins de santé Pour un programme socialiste relatif aux soins de santé, nous mettons en avant les trois éléments suivants, parmi d’autres:

    1. La mise sur pied d’un service de santé national aux mains de l’état et sous contrôle des travailleurs et des consommateurs. Cela permet d’éliminer la concurrence entre hôpitaux et de simplifier le financement. Actuellement, les hôpitaux dépendent de subventions de l’état et des cotisations des médecins.

    2. L’abolition résolue de la médecine de prestation et le payement des médecins comme des salariés: la surconsommation n’aurait donc plus aucun intérêt. De plus, il serait fini le temps des médecins se comportant en seigneurs intouchables dans leur hôpital.

    3. La nationalisation de l’industrie pharmaceutique afin que seuls les meilleurs produits soient vendus, et à bas prix. La montagne d’argent qui est gaspillée aujourd’hui dans la publicité pourrait aller intégralement à la recherche.

    Est-ce que la scission est une solution?

    L’explosion des dépenses a renforcé l’appel flamand pour une fédéralisation des soins de santé. Des deux côtés de la frontière linguistique, chiffres et statistiques sont mis en avant. Mais ces chiffres sont flexibles et peuvent être interprétés de différentes manières.

    En plus, les avocats de la scission ne proposent pas de projet réfléchi. Pour les travailleurs et les consommateurs une scission serait tout sauf une bénédiction. Selon Gilbert De Swert (CSC) une sécurité sociale flamande serait (encore) plus libérale étant donné que le rapport de forces est moins favorable à classe ouvrière en Flandre qu’en Wallonie. Il ne se passerait guère de temps avant qu’on ne commence à privatiser le secteur peu à peu. Aux Etats- Unis on voit bien ce qu’un tel système a à offrir: bien qu’une partie importante de la population vit dans la précarité, les dépenses par habitant sont les plus élevées du monde développé, et cela avec une espérance de vie et un degré de mortalité infantile tragique. Difficile de voir là un modèle d’efficacité. Quoique encore une fois, tout dépend du côté où l’on se trouve.

    Il n’y a aucun espoir de diminution des abus tant que la maximalisation des profits reste le moteur des soins de santé. Ceux-ci ne peuvent être de qualité et durable que dans une société socialiste qui part des besoins de la population et non pas des profits des entreprises.

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