Tag: Freya Van den Bossche

  • Fukushima : plus jamais !

    L’énergie aux mains du public !

    Ces dernières années, les factures d’énergie crèvent systématiquement le plafond en Belgique. En moyenne, elles ont encore augmenté de 18% l’an dernier et, depuis 2009, les prix ont augmenté de 30% ! Tout le monde a déjà fait cette désagréable expérience de chercher à comprendre la facture totale – un fouillis incompréhensible de chiffres et de prix – avec une conclusion qui glace le sang : un montant à trois ou quatre chiffres (avant la virgule !) pour payer plus et augmenter le prépaiement mensuel.

    Par Bart Vandersteene

    Selon Freya Van den Bossche, chaque ménage belge payera en moyenne 800 euros par an au bénéfice d’Electrabel. Van den Bossche est l’ancienne ministre flamande de l’énergie, elle est donc en partie responsable du fait que les prix de l’énergie sont en Belgique 30% plus élevé que dans nos pays voisins. Electrabel, par contre, ne paie presque pas d’impôts (0,04% en 2009 pour un profit de 1,55 milliard d’euros) et les mesures destinées à promouvoir les énergies renouvelables (panneaux solaires, éoliennes) profitent surtout aux grandes entreprises, et reposent sur le dos des familles.

    En Angleterre, la plus grande des organisations de défense des seniors estime que, cet hiver, près de 200 personnes âgées sont décédées d’une maladie liée au froid. La principale raison pointée du doigt, c’est que de très nombreuses personnes économisent sur leur chauffage (voire même le coupent carrément) pour rendre leur facture accessible. En 2012, une salle de séjour chauffée peut toujours constituer un luxe inabordable pour certains.

    Le tremblement de terre, le tsunami et la catastrophe nucléaire de Fukushima (qui avaient causé à eux trois 27.000 décès) auront un an le 11 mars prochain. Les effets à long terme des radiations pour le peuple japonais, la nature, l’agriculture, l’écosystème marin,… sont encore aujourd’hui difficiles à estimer. Et nous ne sommes pas plus avancés qu’alors concernant la maîtrise des risques liés au nucléaire. Pourquoi ? Les compagnies énergétiques n’ont en tête que les super profits qu’ils peuvent réaliser avec une source d’énergie aussi dangereuse que le nucléaire. A eux les bénéfices, à nous les risques ! Le PSL estime qu’il est absolument nécessaire de placer la totalité du secteur de l’énergie dans les mains de la collectivité. De même, la recherche scientifique et le développement d’énergies alternatives doivent être entièrement mis au service de la collectivité et libérés de la soif de profits des entreprises privées.

    Une production et une distribution de l’énergie entièrement publique est la seule façon de rendre les factures abordables et de développer sérieusement les sources d’énergies renouvelables, pour une vie agréable dans des pièces bien chauffées. De plus en plus, cela aussi devient une question de vie ou de mort. Le PSL appelle dans cette optique à participer à la manifestation ‘‘Plus jamais Fukushima’’ le 11 mars à Bruxelles.

    Rendez-vous : 14h30 Gare du Nord.


    Abonnez-vous à Lutte Socialiste! Cet article est tiré de l’édition de mars de notre journal, Lutte Socialiste. Si vous désirez recevoir Lutte Socialiste dans votre boîte aux lettres, prennez vite un abonnement. Vous pouvez verser 20 euros (pour 12 n°) ou 30 euros (abonnement de soutien) au n° 001-3907596-27 de "socialist press" avec la mention "abonnement". Pour plus d’infos, des remarques, propositions d’articles,… : prennez contact avec nous via redaction@socialisme.be

  • Le Mouvement pour une Alternative Socialiste (MAS) devient le Parti Socialiste de Lutte (PSL)

    Remettons le socialisme à l’ordre du jour!

    Certains ont déjà pu constater que le MAS-LSP a décidé d’adopter le nom de PSL – Parti Socialiste de Lutte du côté francophone. Comme nous l’avons déjà fait en Flandre avec le nom de LSP – Linkse Socialistische Partij, nous voulons explicitement mettre sur pied un nouveau parti du côté francophone. Un parti n’est pas pour nous une machine électorale et un instrument servant à promouvoir des carrières, comme c’est le cas pour les politiciens traditionnels, mais bien un groupe de personnes qui élabore en commun, par la discussion, un programme et des tactiques et qui les réalise ensemble dans la pratique.

    Nous voulons utiliser la campagne électorale de juin pour nous profiler en tant que Parti Socialiste de Lutte et populariser ainsi notre nouveau nom. Nous ne pensons toutefois pas être aptes à remplir seuls le vide existant à la gauche du PS et d’ECOLO. Aucune force n’est aujourd’hui dans la possibilité de présenter une alternative solide pour les prochaines élections à une large échelle. Nous défendons l’idée d’un nouveau parti pour et par les travailleurs dans notre propagande depuis la moitié des années ’90, ce que les organisations de la gauche radicale ne sont pas capables de construire sur base de leurs seules forces. En attendant qu’une telle opportunité ne se présente, nous voulons diffuser cette idée de la nécessité d’un nouveau parti des travailleurs comme important pas à mettre en avant pour le mouvement ouvrier. Mais maintenant, avec le Parti Socialiste de Lutte, nous voulons propager de façon offensive les idées du socialisme non seulement aux élections, mais également dans les luttes concrètes.

    En 2001, quand nous avons adopté du côté néerlandophone le nom de LSP – Linkse Socialistische Partij (‘Parti Socialiste de Gauche’), nous avons correctement estimé qu’il était encore prématuré d’adopter un nom similaire du côté francophone vu notre autorité et notre implantation nettement plus restreinte. Le lancement du LSP en Flandre à ce moment précis n’était pas un choix anodin mais une nécessité découlant des nouvelles conditions qui se développaient, ce qui exigeait des tactiques nouvelles. La période des années ’90, période d’offensive des idées néolibérales et de vaste recul des idées socialistes, commençait à approcher de sa fin. Le mouvement contre la mondialisation capitaliste était alors en plein essor, un précurseur des mouvements plus larges de la classe ouvrière. La recherche de solutions collectives commençait à réémerger.

    Depuis lors, notre réputation à l’échelle nationale a progressé, très certainement parmi les jeunes avec notre organisation étudiante des Etudiants de Gauche Actifs (EGA-ALS) ainsi qu’avec notre campagne Résistance Internationale/Internationaal Verzet, mais également dans une mesure nettement plus limitée dans certains quartiers (comme sur la question du logement avec les locataires des logements sociaux de Droixhe à Liège ou à Brugsepoort à Gand). Notre participation au Comité pour une Autre Politique ainsi que nos interventions dans les mouvements de travailleurs ces dernières années (comme lors des grèves générales contre le Pacte des Génération, dans le mouvement pour le pouvoir d’achat ou dans des mobilisations plus limitées) nous ont permis de promouvoir notre alternative socialiste parmi un couche plus importante qu’auparavant de travailleurs, de militants et de délégués plus âgées en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles.

    Depuis peu, les événements se bousculent et effrayent. La crise économique sonne le glas de l’ère précédente du libre marché et aura des répercussions sociales gigantesques. D’ores et déjà, des dizaines de milliers de travailleurs perdent leur emploi, la pauvreté frappe un plus grand nombre et les conditions de vie des nouvelles générations seront bien plus dégradées. Les conséquences de la crise auront un immense impact sur la conscience des travailleurs, mais pas de façon uniforme. Une colère immense se développe dans la population, ce qui représente des opportunités importantes pour les forces de gauche, mais des forces de droite pourront aussi se développer sur base de critiques sur l’establishment si aucune solution collective n’est présentée.

    Les luttes seront dans un premier temps essentiellement défensives mais à l’heure actuelle déjà, progressivement, une minorité grandissante remet en cause le syndicalisme de concertation et s’oriente vers un syndicalisme de lutte. La remise en cause du capitalisme reprend ses droits. Une couche croissante, mais certes encore restreinte, est à la recherche d’une alternative politique et certains en tirent des conclusions socialistes.

    Avec la politique néolibérale, les riches sont devenus super-riches. Les 30.000 plus grandes entreprises de Belgique ont réalisé en 2007 uniquement un bénéfice de 79 milliards d’euros. Pourtant, ce sont ceux là mêmes qui se sont tellement enrichis qui contribuent le moins aux recettes fiscales de l’Etat grâce aux nombreux cadeaux néolibéraux donnés aux patrons. Le Gouvernement n’hésite pas à débourser des milliards d’euros quand il s’agit de sauvegarder les intérêts des banquiers et des capitalistes. Les politiciens privatisent les entreprises publiques pour une bouchée de pain quand on peut faire des profits, mais les pertes, elles, sont nationalisées sur le dos de la collectivité.

    Les capitalistes peuvent compter sur leurs politiciens pour essayer de faire payer la crise aux travailleurs et à leur famille. Le PS se veut aujourd’hui leur meilleur instrument politique pour ce faire. Alors que la crise économique, sociale et politique illustre la faillite du système capitaliste, le PS résume son alternative comme suit : «non au capitalisme débridé et oui à l’économie de marché régulée». Il ne cherche aucunement à offrir une alternative aux travailleurs mais à trouver le moyen le mieux adapté de gérer le système capitaliste avec de nouvelles conditions tandis que les liens entretenus avec les sommets syndicaux sont utilisés pour faire accepter aux travailleurs que c’est à eux de devoir à nouveau se serrer la ceinture ainsi que pour éviter toute large résistance face aux fermetures d’entreprise et aux vagues de licenciements.

    Avec le Parti Socialiste de Lutte, nous voulons nous référer aux traditions du mouvement des travailleurs en Belgique. La création d’un parti ouvrier indépendant à la fin du 19e siècle a offert un instrument gigantesque au mouvement ouvrier. Ce parti était un instrument de lutte pour la base, même si sa direction réformiste faisait tout pour étouffer chaque lutte. Le socialisme était l’alternative naturelle à laquelle les militants de base des partis sociaux-démocrates aspiraient. Mais le parlementarisme de la direction réformiste a conduit le mouvement socialiste dans une impasse et a coulé le parti.

    Aujourd’hui, le PS et le SP.a sont complètement bourgeois et se font garants des profits capitalistes. Le PS a embrassé le néolibéralisme au gouvernement pendant 20 années. Quand les travailleurs sont entrés en lutte, ils ont régulièrement été confrontés à des ministres sociaux-démocrates; contre Onkelinx quand elle était ministre de l’enseignement en communauté française ou contre Freya Van den Bossche et le Pacte des Générations quand elle était ministre de l’emploi, entre autres.

    Nous voulons renouer avec les meilleures traditions du mouvement ouvrier, non pas celles du réformisme mais celles des luttes révolutionnaires. Nous pensons aujourd’hui que LSP (‘Parti Socialiste de Gauche’) en néerlandais et PSL (Parti Socialiste de Lutte) en français sont les noms qui expriment le mieux l’opposition entre les idées du socialisme révolutionnaire et celles du réformisme compte tenu de la conscience actuelle. Le terme de ‘Gauche’ a des connotations différentes dans les deux parties du pays, un élément plus ‘rebelle’ est présent en néerlandais tandis qu’il n’entre pas suffisamment en opposition avec l’establishment du côté francophone. Le terme de ‘lutte’ se réfère aux traditions de syndicalisme combattif de la classe ouvrière en Wallonie. Mais cela ne veut cependant en aucun cas dire que nous ne sommes plus un seul et même parti national.

    En tant que socialistes, nous luttons pour chaque acquis favorable aux travailleurs et à leur famille. Mais du moment que les relations de force sont en leur faveur, les capitalistes sont prêts à tout pour remettre chaque chose en question. Pour que les richesses produites par les travailleurs soient utilisées non pas pour les profits d’une poignée de capitalistes mais par et pour la collectivité, nous devons nous débarrasser de ce système et bâtir une société socialiste.

    Le PSL-LSP intervient dans les luttes des travailleurs et des jeunes, mènent des campagnes, défend une orientation pour des syndicats de lutte démocratique et construit ensemble les fondations d’un petit parti socialiste révolutionnaire de masse, un édifice auquel chacun à sa pierre à apporter. Aidez-nous à faire connaître ce parti à l’occasion de la campagne électorale ! Rejoignez-nous !

  • 1885 – Naissance du Parti Ouvrier Belge

    Aujourd’hui, lorsqu’on regarde les partis sociaux-démocrates, le PS et le SP.a, il est bien difficile de croire que ces partis-là soient les successeurs du Parti Ouvrier Belge, un parti puissant qui a conquis le suffrage universel pour les hommes et la journée de travail de 8 heures. Le POB a joué un rôle central dans l’obtention de grandes avancées pour le mouvement ouvrier, bien que cela se soit toujours produit malgré sa direction plutôt que grâce à celle-ci. Contrairement au POB de jadis, les partis sociaux-démocrates actuels jouent un rôle central dans le démantèlement de ces acquis.

    Anja Deschoemacker

    PS et SP.a : des partis ouvriers?

    Il est très important d’étudier la dégénérescence de ces partis et d’en tirer les leçons correctes. Les défaites les plus importantes du mouvement ouvrier peuvent être mises sur le compte de leurs directions. Nulle part ces dernières n’ont été capables d’arriver même aux chevilles de beaucoup de leurs membres en termes de combativité, de détermination et d’esprit de sacrifice. Ce n’est pas sans raison que Lénine décrivait ces partis comme « des partis ouvriers avec une direction bourgeoise ». Aujourd’hui, ces partis sont néanmoins devenus des partis proprement bourgeois. Leur très longue participation à la politique néolibérale – en combinaison avec leurs méthodes de travail, la suppression des revendications socialistes de leur programme et leur recherche d’un nouveau public petit-bourgeois – ont chassé les travailleurs de leur base.

    Ce processus, qui a débuté lors de la période de croissance économique exceptionnellement longue qui a suivi la Deuxième Guerre Mondiale, est arrivé à son terme lorsque la social-démocratie a été placée devant le choix d’accepter la logique néolibérale ou d’adopter un programme anticapitaliste et socialiste. La Chute du Mur a accéléré ce processus en éliminant une alternative au capitalisme. Rien ne bloquait plus l’assimilation totale de ces partis au sein de l’élite capitaliste. Willy Claes est alors devenu dirigeant de l’Otan, Karel Van Miert s’est offert du bon temps à l’Union Européenne et de plus en plus d’ex-« socialistes » ont fait leur entrée dans les conseils d’administration des entreprises capitalistes.

    La disparition de ces partis en tant que partis ouvriers a signifié un énorme pas en arrière pour le mouvement ouvrier. Les travailleurs ont besoin de leur propre parti; son absence empêche les revendications syndicales ou celles issues des mouvements sociaux d’être traduites sur le terrain politique. De plus en plus de syndicalistes aboutissent à ce constat.

    Le MAS/LSP mène une propagande pour un nouveau parti des travailleurs depuis 1995 déjà. Le manque objectif d’un tel parti est devenu clair au cours de la lutte contre le programme d’austérité de Dehaene en 1993, le Plan Global. Cette lutte a pu être stoppée par la direction syndicale, à l’aide de l’argument selon lequel faire tomber le gouvernement (chrétien-démocrate et social-démocrate) n’avait aucun sens puisqu’il était le « gouvernement le plus à gauche possible ». Bien que la colère des travailleurs contre le PS et, à ce moment encore, le SP (présents depuis 1988 au gouvernement) ait régulièrement explosé dans les années ’90 – entre autres contre le Plan Global, les privatisations de la Sabena et de Belgacom ainsi que les coupes budgétaires drastiques dans l’enseignement francophone – l’absence d’alternative a eu pour résultat que beaucoup de syndicalistes conscients et combatifs ont tout de même voté pour « le moindre mal » ( la social-démocratie), bien souvent avec une pince à linge sur le nez.

    En 2005, la lutte contre la réforme des pensions du Pacte des Générations, et surtout le rôle proéminent qu’y ont joué des politiciens du SP.a comme Freya Van den Bossche ont entraîné un débat passionné à la FGTB. La direction du syndicat a réussi à canaliser la discussion sur son lien avec le SP.a dans une voie inoffensive, mais une cassure importante a pris place dans les esprits de beaucoup de syndicalistes et de socialistes. De plus, les victoires électorales importantes remportées par des formations comme le SP aux Pays-Bas et Die Linke en Allemagne ont frappé les imaginations, y compris en Belgique. Une première initiative hésitante s’est formée sous le nom de Comité pour une Autre Politique, mis sur pied par Jef Sleeckx. Si cette initiative a échoué l’an dernier, elle a toutefois eu le mérite de rassembler pour la première fois quelques centaines de syndicalistes, d’activistes, de jeunes, de socialistes plus âgés,… pour discuter de la nécessité d’un nouveau parti pour la classe ouvrière.

    Avec cet article, nous voulons utiliser la fondation du POB pour mettre en lumière le processus par lequel ce parti ouvrier est né. Malgré les énormes différences qui existent entre la situation de cette époque et la nôtre, de riches leçons sont à tirer pour aujourd’hui.

    Les antécédents: Le développement de la lutte des travailleurs en Belgique

    L’histoire est un processus continuel et compliqué, ou plutôt une série de processus liés entre eux et qui s’influencent continuellement. On ne peut l’expliquer en aucune façon comme un processus qui va unilatéralement vers l’avant. Des reculs apparaissent souvent nécessaires afin de créer les conditions pour poser de nouveaux pas en avant. La fondation du POB en 1885 n’est donc qu’un point dans ce processus. D’importants événements de grande ampleur se sont déroulés avant, mais également après, lesquels ont assuré que la fondation formelle d’un parti ouvrier puisse réellement conduire au développement d’un tel parti sans subir le sort de ses précurseurs. Les données utilisées pour cet article proviennent presque exclusivement du brillant ouvrage « Wat zoudt gij zonder ‘t werkvolk zijn ? » de Jaak Brepoels (« Que seriez-vous sans les travailleurs ? », ouvrage qui n’a malheureusement pas encore trouvé de traduction en français).

    Dès 1800, le capitalisme a fait son entrée dans ce qui deviendra plus tard la Belgique, à l’époque intégrée dans l’empire français. L’industrie traditionnelle (exploitation du charbon, usinage du fer, tissage du coton, manufacture de drap et industrie textile) connaissait alors un énorme développement grâce, entre autres, à la protection française contre la concurrence britannique. Ce processus ne s’est pas arrêté après la défaite de Napoléon lorsque nos régions ont été ajoutées au Royaume des Pays-Bas, qui servait les intérêts de la bourgeoisie commerciale et coloniale. Les frontières étaient ouvertes aux produits britanniques et la concurrence croissante pressurisait énormément les conditions de travail : des journées de travail de 14 heures n’étaient pas exceptionnelles et les enfants travaillaient dès l’âge de 6 ou 7 ans. Les salaires se situaient loin en-dessous du minimum vital, les patrons pouvant compter sur une réserve de travail rurale presque inépuisable poussée vers la ville par les famines et les prix bas pratiqués pour les produits agricoles.

    A côté de la bourgeoisie industrielle en essor, l’aristocratie et l’église avaient toujours voix au chapitre en tant que grands propriétaires fonciers. Au cours de la révolte populaire de 1830, la bourgeoisie a saisi l’opportunité pour dévier ce mouvement vers un mouvement « contre l’occupant hollandais ». Sous le contrôle étroit des grandes puissances du moment, la Belgique indépendante a été mise sur pied, en tant qu’Etat-tampon contre la France.

    La législation de cet Etat est restée la même que celle introduite par les Français : la liberté brutale du patronat et du propriétaire foncier était garantie pour exploiter le peuple jusqu’à l’os. Ainsi toute collusion entre travailleurs était légalement interdite et, selon l’article 1781 du code civil, le patron avait automatiquement raison en cas de contestation sur la somme ou le paiement du salaire. Le jeune royaume de Belgique avait aussi réintroduit le « livret du travailleur », tombé en désuétude durant l’époque néerlandaise. Le patron pouvait y écrire son appréciation du travailleur ou garder ce livret quand il le licenciait, afin qu’un travailleur ne puisse pas chercher d’autre emploi. Chaque mouvement des travailleurs devait de plus faire automatiquement face à une répression brutale de la part des forces armées.

    Karl Marx n’a donc pas exagéré en décrivant ainsi la Belgique de 1869, dans un texte du Conseil Général de la Première Internationale:

    “Il n’y a qu’un pays dans le monde civilisé où on considère avec désir et plaisir chaque grève comme une excuse pour tuer des travailleurs. Ce pays unique est la Belgique, le pays modèle du constitutionalisme, le paradis douillet du propriétaire foncier, du capitaliste et du prêtre…

    “Le capitaliste belge est généralement connu pour son amour fou de la liberté du travail. Il est tellement attaché à la liberté de ses travailleurs de travailler pour lui pendant toute leur vie, sans exception d’âge ou de sexe, qu’il refuse chaque loi du travail avec indignation. (…)

    “Donnez maintenant aux mains de ce capitaliste tremblant, cruel par lâcheté, la maintenance indivisible et incontrôlée de la dictature absolue, ce qui est le cas en Belgique, et vous n’allez plus vous étonner que dans ce pays le sabre, la baïonnette et le fusil fonctionnent régulièrement et légalement comme un instrument pour pousser vers le bas les salaires et garder hauts les profits. » (4 mai 1869, The Belgian Massacres).

    On ne peut décrire la vie des travailleurs à cette époque autrement qu’en disant qu’elle était synonyme de misère pure et dure. Les crises économiques périodiques, la concurrence internationale et l’importation accélérée de machines permettaient de payer des salaires qui ne suffisaient même pas pour vivre, y compris quand toute la famille travaillait. De ces maigres salaires, à peu près 70% étaient consacrés à la nourriture. De l’Etat, il ne fallait rien attendre. Bien qu’il intervenait constamment dans l’économie afin de soutenir la bourgeoisie industrielle qui se développait, chaque intervention sur le plan social était vue comme diabolique. A la fin du 19e siècle, la Belgique se situait loin derrière les autres pays capitalistes sur le plan des droits sociaux et de la législation du travail. Les premières organisations ouvrières prenaient alors la forme de mutuelles, d’assurances et de coopératives qui – avec la charité sur laquelle seuls les travailleurs « obéissants » pouvaient compter – devaient occuper la place d’une politique sociale totalement absente de la part de l’Etat.

    Mais la résistance ne tarda pas à arriver. En 1830 déjà, des explosions de rage ouvrière spontanées se déroulèrent dans le Borinage, à Lokeren, à Bruges, à Gand, à Namur, à Liège, à Tournai et ailleurs, souvent contre les machines mêmes, et résultant le plus souvent dans des affrontements avec les forces de l’ordre. L’apogée fut atteinte lors de la « Révolte du Coton » de Gand, du 30 septembre au 2 octobre 1839, situation sanglante où une personne a rencontré la mort et où de nombreux travailleurs ont été gravement blessés. En fait, les mutuelles et toutes les formes de caisses de solidarité, les seules organisations ouvrières permises par l’Etat, étaient de plus en plus utilisées comme des organisations de lutte déguisées.

    Entre-temps, les idées socialistes commençaient aussi à faire leur entrée, surtout dans le cadre du radicalisme bourgeois : des libéraux qui se préoccupaient des besoins de la classe ouvrière. Davantage sous l’influence de Saint-Simon et de Fourier que de Marx, ces derniers développèrent un socialisme sentimental et romantique qui se perdait souvent dans des rêveries. Ils n’étaient dangereux qu’en contact avec la masse des travailleurs, ce qui n’était pas le cas de la majorité d’entre eux. Jakob Kats constitua une exception. Cet enseignant-tisseur, implanté parmi les travailleurs bruxellois, menait propagande pour l’obtention de droits égaux, du suffrage universel, des impôts progressifs et de l’enseignement généralisé.

    En 1848, la domination capitaliste croissante en Belgique et la révolte qui se répandait de Paris (où Louis-Philippe avait été déposé) ont rendu la bourgeoisie belge réellement consciente de sa classe. Dès ce moment, la gauche et ses organisations ont dû faire face à des tentatives de se faire briser. Au fur et à mesure des mouvements, de nouvelles générations de dirigeants émergeaient, qui ne venaient plus des cercles bourgeois, mais plutôt de l’artisanat. Dès 1870, le prolétariat industriel commença à jouer lui-même le rôle dirigeant dans les mouvements. La conscience ouvrière grandissait, ce qui mena à la recherche de nouvelles formes d’organisation.

    Les travailleurs du textile de Gand montrèrent la voie avec la fondation des Tisseurs Fraternels et la Société des Fileurs. Sous couvert de mutuelles, ils formèrent les premiers syndicats industriels du pays et organisèrent la résistance ouvrière, qui éclata entre 1857 et 1861 sur fond de crise du secteur textile, crise que les patrons voulaient faire payer aux travailleurs sous forme de diminutions salariales. La planification était devenue partie prenante du mouvement, et la solidarité n’était plus limitée à une seule entreprise. Malgré une répression très brutale et des condamnations sévères, malgré les provocations des forces de l’ordre et malgré encore la saisie continuelle des fonds pour la lutte, l’organisation des travailleurs gantois continua son existence, avec des hauts et des bas. En 1862, la Ligue des Travailleurs fut mise sur pied entre les tisseurs, les fileurs et les métallos.

    La lutte se développa ensuite pour la première fois autour de revendications politiques, comme l’abolition de la loi sur la collusion. Les premiers contacts entre les centres ouvriers de Gand, d’Anvers (la Ligue Générale des travailleurs, mise sur pied en 1861) et de Bruxelles (l’Association Générale Ouvrière) aboutirent à une plate-forme politique minimale.

    Dans la Flandre de 1860, le mouvement social s’était constitué une assise plus profonde, bien que les jeunes organisations ouvrières étaient fréquemment réduites à néant à cause de la répression et de la démotivation de devoir tout recommencer à zéro. Entre-temps, la lutte commençait aussi à prendre son essor en Wallonie, de façon moins organisée mais très explosive. Le Hainaut devint entre 1860 et 1870 la scène d’une lutte violente contre les patrons des mines, qui essayaient d’imposer un règlement de travail commun. Le mouvement put alors compter sur le soutien des travailleurs d’autres secteurs et la grève se répandit – malgré les morts au cours de la lutte – pour finalement aboutir à une victoire et à la suppression du règlement.

    En 1864, la recherche de l’unité dans la lutte ouvrière trouva une plate-forme internationale : l’Association Internationale des Travailleurs, qui voulait rassembler toutes les organisations ouvrières pour discuter de l’action et des tactiques communes. En Belgique, l’Internationale obtint une influence par l’intermédiaire de l’organisation bruxelloise « Le Peuple », mise sur pied sous l’influence des idées proudhoniennes (1) et de son dirigeant César de Paepe. Dans les polémiques entre les différentes opinions présentes dans la Première Internationale, de Paepe développait une position de compromis entre Marx d’un côté et les anarchistes de l’autre.

    L’influence du proudhonisme freinait l’action, mais les Internationalistes se réveillèrent après un mouvement de grèves particulièrement dur contre les licenciements dans les mines, contre les salaires de famine qui continuaient à baisser, et contre la hausse des prix de la nourriture. L’armée avait occupé la région et tué plusieurs travailleurs. Dès lors, le principe de la grève fut reconnu et les Internationalistes commencèrent à intervenir dans la lutte concrète en développant des noyaux à Gand, Anvers et Verviers.

    Durant la période de croissance économique de 1871-72, la lutte des travailleurs obtint ses premiers succès: les métallos arrachèrent la journée de travail de 10 h à Verviers et Bruxelles et les charpentiers et travailleurs de l’industrie marbrière obtinrent une sérieuse augmentation de salaires après cinq mois de grève à Bruxelles. La conscience parmi les travailleurs et la solidarité faisaient des sauts de géant.

    La défaite de la Commune de Paris (en 1871) entraîna néanmoins dans la Première Internationale d’énormes tensions entre marxistes et anarchistes. Dans la section belge, l’aile anarchiste était de loin la plus forte. Quand, en 1871, le dirigeant anarchiste Bakounine fut exclu de l’Internationale par un vote, la section belge le suivit. La crise économique de ’72-’73 fit le reste et, en 1874, l’Internationale était morte dans les faits.

    Avancées et reculs: La fondation d’un parti ouvrier belge.

    Après la chute de l’Internationale, l’expérience de l’époque précédente ne reposait que sur les épaules de certains petits groupes. En Flandre surtout, les ex-Internationalistes essayèrent de rassembler et de réorganiser les forces dispersées. Gand s’accrochait à la coopérative neutre des Boulangers Libres. A Bruxelles, l’organisation explicitement neutre de la Chambre du Travail fut mise sur pied en 1875, exemple suivi par la Fédération des Organisations des Travailleurs d’Anvers. La défaite de la Commune de Paris avait temporairement étouffé le socialisme, et le pragmatisme caractérisait la plupart des initiatives.

    Néanmoins, sur le plan politique, les choses ne restaient pas statiques. A Gand, on regardait vers la social-démocratie allemande qui avait obtenu plusieurs sièges au parlement. A Bruxelles aussi, les premiers pas étaient faits sur le terrain politique de façon hésitante. En Wallonie, par contre, les tendances anarchistes qui avaient fait leur apparition de par le travail de la Première Internationale continuaient à dominer.

    Les Flamands et les Bruxellois impatients n’avaient pas d’autre issue que de s’organiser dans le Vlaamse Socialistische Partij et dans le Parti Socialiste Brabançon. En 1879, ces deux partis rassemblaient aussi quelques noyaux wallons et, en avril, une fusion conduisit à la formation du Parti Socialiste Belge. Le programme était celui du VSP et du PSB, c’est-à-dire une copie du programme de Gotha de la social-démocratie allemande. La base du parti était néanmoins limitée à quelques clubs de propagande, à des cercles d’étude et à quelques organisations syndicales. En Wallonie, on restait très hésitant vis-à-vis de ce nouveau parti et les organisations ouvrières plus neutres étaient effrayées par l’étiquette socialiste. Dans leurs actions, ces dernières continuaient d’être plus proches de l’aile progressiste du Parti Libéral et de sa lutte pour l’élargissement du droit de vote. Le BSP ne décollait pas.

    Dans les années 1880, différents courants se retrouvèrent sur base d’un programme pragmatique et radical-démocrate. En 1884, la défaite électorale de la libéral-progressiste Ligue de la Réforme Electorale, qui avait du soutien parmi les milieux d’artisans bruxellois, ouvrit la voie à la formation d’un parti ouvrier indépendant. En avril 1885, à Bruxelles, le Parti Ouvrier Belge (POB) devint un fait lors d’un rassemblement de 112 travailleurs, qui représentaient 59 groupes de base (des syndicats – neutres et socialistes – des coopératives et des mutuelles).

    Le pragmatisme caractérise le programme et les actions du POB

    Un esprit très pragmatique dominait à la direction du parti, et ce dès le début. Le dirigeant du BSP, Edouard Anseele, défendit pendant le rassemblement à Bruxelles le programme et le nom du BSP, mais il se résigna ensuite face à la crainte des organisations ouvrières neutres qu’un programme radical et le terme « socialiste » puissent effrayer les masses. Les discussions théoriques furent balayées de la table et, en terme de doctrine, le document de fondation affirmait juste que le POB allait essayer «d’améliorer le sort de la classe ouvrière par l’entente mutuelle ».

    Le programme se limitait à un cahier de revendications radical-démocrate avec notamment des revendications telles que le suffrage universel, l’enseignement obligatoire, gratuit et neutre, l’autonomie communale, l’abolition du travail des enfants en-dessous de 12 ans en plus de propositions de lois sur les accidents de travail, la sécurité au travail, la transformation graduelle de la charité publique en un système de sécurité sociale, le retrait de toutes les privatisations de propriétés publiques (Banque Nationale, chemins de fer, mines, propriétés communales,…) et leur transfert vers la collectivité, représentée par les communes et par l’Etat.

    Ce n’était pas vraiment une nouvelle organisation mais plutôt un rassemblement d’organisations existantes. La vie du parti se déroulait surtout autour de noyaux locaux agissant largement de façon indépendante. La première priorité était la construction locale de coopératives, de mutuelles et de syndicats et, à mesure que le mouvement grandissait, cela était suivi par des fanfares, des clubs de gym, des cafés, etc. Lentement, des fédérations furent créées à partir de groupes de base, fédérations qui envoyaient annuellement des délégués à un Congrès où un Conseil Général était élu pour prendre en main la direction du parti. Ce CG choisissait alors un bureau de neuf membres, dont le secrétaire et des délégués des syndicats, des mutuelles et des coopératives.

    Avec le soutien des milieux des artisans à Bruxelles et à Anvers, le bastion du POB était sans aucun doute basé à Gand, où les militants étaient presque exclusivement des travailleurs industriels. En Wallonie, région industriellement plus développée, le parti n’était réellement représenté qu’à Verviers, et cela malgré les mouvements consécutifs de luttes spontanées et inorganisées des travailleurs wallons. Ce n’est qu’en 1886, lorsqu’un énorme mouvement de masse va se conclure par une défaite sanglante, que la nécessité d’une organisation permanente va s’installer profondément dans la conscience.

    Cette grève générale de 1886 se déroula à Liège, et fut de suite confrontée à une occupation brutale de la ville par l’armée. Mais la lutte s’étendit rapidement à Charleroi, et peu après vers le Borinage et le Centre avant les carrière de Lessines, de Soignies, de Tournai et de Dinant. Les travailleurs s’armaient, des machines étaient détruites, des usines et des châteaux de patrons incendiés. La réaction du gouvernement fut sanglante. L’armée colora les rues de rouge avec le sang de dizaines de tués et de blessés. Les ténors du mouvement socialiste, dont Anseele, reçurent des peines de prison ou de grosses amendes (des travailleurs arbitrairement arrêtés furent condamnés jusqu’à la prison à vie). Pourtant, le mouvement n’était pas sous la direction du POB, qui n’avait aucune implantation dans la région concernée. La direction du POB fit même tout pour éviter un élargissement vers la Flandre. A Gand, elle ne put qu’à grand peine convaincre les travailleurs de garder le calme. Les grévistes reçurent certes du soutien du POB, mais sous forme de pains des coopératives, d’accueil des enfants de grévistes dans des familles flamandes et de défense des travailleurs arrêtés devant la justice.

    En Wallonie, la grève avait profondément fait sentir la nécessité d’une organisation solide. En 1887, beaucoup de travailleurs wallons marchaient déjà aux côtés de leurs camarades flamands, dans une manifestation pour le suffrage universel. De plus en plus de travailleurs wallons rejoignaient le POB où, très vite, se déroulèrent des affrontements entre les tendances révolutionnaires et anarchisantes wallonnes – sous la direction d’Alfred Defuisseaux – et des coopératives modérées et orientées vers le parlement (et donc vers la lutte pour le suffrage universel). La direction du POB exclut les frères Defuisseaux au congrès de 1887, avec pour résultat que toute la classe ouvrière du Hainaut les suivirent vers la porte de sortie. Leur attitude révolutionnaire, mais aventuriste, poussa la classe ouvrière du Hainaut à entamer la « grève noire » massive (de nouveau, des machines et des usines furent détruites et des attentats à la dynamite prirent place). Elle ne connut cependant pas d’élargissement faute de soutien actif de la part du POB. Totalement isolé, le mouvement s’affaiblit.

    Plus tard, il fut mis au clair que la direction de la grève avait été infiltrée par la sécurité d’Etat et que celle-ci était responsable des attentats à la dynamite. Le mouvement ouvrier, frappé d’épouvante, fraternisa. La tactique modérée de la direction du POB l’emporta. Toutefois, avec les travailleurs du Hainaut, un courant oppositionnel avait pris naissance dans le parti. Ce courant fera plus tard parler de lui, à nouveau au sujet de la défense de la grève générale comme moyen de lutte, mais aussi en faisant de la propagande pour la combativité et contre la direction modérée et sa volonté de faire des compromis avec les patrons et de coopérer avec la bourgeoisie « modérée ». Plus tard encore, les travailleurs du Hainaut prendront position contre les participations gouvernementales du POB (pour la première fois dans le gouvernement – non élu – mis sur pied pendant la Première Guerre Mondiale).

    Pas un instrument idéal, mais un énorme pas en avant

    Une certaine bureaucratisation des syndicats à mesure que la concertation sociale se développait, la dégénérescence d’un certain nombre de coopératives les plus importantes qui se transformaient en entreprises capitalistes, la pression pour une politique modérée de la part des mutuelles et de la part des premiers représentants parlementaires du parti,… Ce sont des éléments qui étaient en germe dans le POB dès ses débuts. A tous les moments décisifs de la lutte de classes, les masses de travailleurs étaient beaucoup plus radicaux que la direction du POB, qui courait la plupart du temps derrière les explosions plus ou moins spontanées de rage ouvrière pour, à chaque fois, canaliser la lutte dans des voies inoffensives.

    Le POB était très clairement ce que Lénine appelait un parti ouvrier avec une direction bourgeoise. Mais ce parti offrait au mouvement ouvrier un instrument pour mener la lutte nationalement et pour rassembler les forces ; des victoires importantes sur le patronat étaient ainsi acquises. Cela aussi bien sur le plan des droits démocratiques (le droit de vote, mais aussi le droit d’association et de grève) que sur le plan du standard de vie et des conditions de travail (diminution du temps de travail, négociations salariales collectives, salaire minimum, sécurité sociale,…).

    Cette réalité, en combinaison avec les fautes du Parti Communiste, qui fut mis sur pied après la Première Guerre Mondiale, mena à une très grande fidélité parmi les travailleurs socialistes, qui étaient préparés à de grands sacrifices pour leur parti. Leurs dirigeants, à l’inverse, allaient résolument pour leur propre carrière dans le parlement -et plus tard dans le gouvernement- et luttaient contre chaque expression d’idées radicales et socialistes. Même avec la trahison répétée de la direction à des moments décisifs, cette situation a perduré jusqu’à il y a très peu de temps, avant que le parti, entre-temps scissionné régionalement en PS et SP, ne soit plus vu par la masse des travailleurs comme « leur » parti (pour le PS, dans une certaine mesure, ce sentiment reste encore présent parmi certaines couches de la classe ouvrière). Ils y revenaient en masse à chaque fois jusqu’à la fin des années 1980, et faisaient constamment des tentatives de pousser le parti vers la gauche.

    Un parti des travailleurs offre à l’énorme masse de travailleurs la possibilité de discuter ensemble sur les idées, d’élaborer une stratégie et des tactiques communes, de défendre collectivement un cahier de revendications pour aujourd’hui et un programme à plus long terme. Un tel parti organise la solidarité; et la longue existence du POB sur le plan national a été certainement un élément dans la prévention d’explosions plus violentes de la question nationale. C’est au travers d’un parti ouvrier – même avec une direction bourgeoise – que le mouvement ouvrier belge a été capable d’obtenir un système large de sécurité sociale, de services publics et une concertation salariale centrale.

    Les dernières décennies d’érosion néolibérale de “l’Etat-Providence” -ce dernier étant une conséquence de la lutte du mouvement ouvrier, la bourgeoisie n’ayant jamais donné de cadeaux – ont été combinée avec la bourgeoisification des partis sociaux-démocrates.

    Des leçons pour la construction d’un nouveau parti des travailleurs

    Dans les années à venir, la Belgique va rejoindre la série de pays où des nouvelles formations de gauche et/ou ouvrières sont déjà nées. Comme dans le temps avec la fondation du POB, ce processus sera fait d’avancées comme de reculs, de tentatives avortées aussi bien que de pas en avant. Il faut tirer collectivement les leçons des victoires et des défaites des mouvements de masse de la classe ouvrière. Il existe aujourd’hui dans une série de pays des exemples dont nous devons discuter et nous inspirer quant à la manière avec laquelle de telles formations peuvent se développer. Il y a le P-Sol au Brésil, mais il y a déjà depuis des années des développements dans le même sens dans plusieurs pays européens également. Le SP aux Pays-Bas, Die Linke en Allemagne (qui montre tous les jours au travers de hauts scores électoraux dans les sondages qu’une rhétorique socialiste et de « vieilles » revendications de gauche comme la nationalisation des secteurs-clé de l’économie sont tous sauf un frein pour l’attraction et la sympathie de couches larges de travailleurs) , le PRC en Italie, Syriza en Grèce,…

    Aucun de ces développements n’aboutit à une situation “idéale”, et beaucoup de ces nouvelles formations sont extrêmement vacillantes. Les obstacles généraux sont devenus clairs : dans toutes les nouvelles formations, la discussion sur la participation gouvernementale se joue d’une manière ou d’une autre. Choisir cette voie a presque été fatale pour la PRC en Italie, et en Allemagne le développement de Die Linke est freiné dans un certain nombre de régions de l’ex-Allemagne de l’Est, comme à Berlin, par la présence du parti dans le gouvernement régional et par sa participation à la politique néolibérale.

    Dans ces partis, une orientation étroite vers les élections, l’électoralisme, va le plus souvent de pair avec une intervention extrêmement limitée dans la lutte réelle, avec une surestimation des figures dirigeantes et avec une sous-estimation de la construction d’une base active, qui ne peut se faire que par l’intervention dans la lutte réelle. Manier correctement la pression pour une politique plus sociale, qui peut s’exprimer dans une tendance dans ces nouvelles formations de gauche à faire des coalitions politiques, le plus souvent avec les vieux partis ouvriers bourgeoisifiés, est une question fondamentale. Un refus principiel de fonctionner dans un gouvernement néolibéral, va être un élément décisif dans le développement d’un nouveau parti ouvrier et dans sa capacité à s’enraciner de façon permanente dans la classe ouvrière. Une vraie participation de ses membres au travers de structures démocratiques est d’une importance primordiale afin de mettre une nouvelle formation sur le bon chemin, c’est-à-dire vers le développement d’un véritable parti des travailleurs.

    Après la chute du CAP, le Comité pour une Autre Politique, la question d’un nouveau parti en Belgique apparaît provisoirement absente de l’agenda (cliquez ici pour une évaluation du développement du CAP ). Mais les conséquences de la crise vont résulter dans le fait que cette question va revenir à l’agenda avec une force plus grande encore. Pour disposer d’une chance de réussite, chaque initiative va devoir montrer aux travailleurs et aux jeunes qu’ils ont une « plus-value » à offrir.

    En l’absence de partisans dans au moins certaines franges des syndicats, surtout dans les secteurs les plus combatifs, une telle initiative en Belgique n’aura pas beaucoup de chances d’aboutir. Une telle formation va devoir défendre les revendications du mouvement syndical sur le terrain politique; mais pas seulement les revendications syndicales. Un parti des travailleurs doit prendre en main la lutte pour la défense de toutes les couches opprimées et exploitées de la population, afin de se renforcer fondamentalement dans la lutte contre le patronat et le gouvernement. Un gouvernement qui, par manque d’un parti des travailleurs, est de toute façon un gouvernement au service du patronat, quelle qu’en soit sa composition. En d’autres termes, un tel parti des travailleurs va donc devoir défendre explicitement, ou au moins implicitement, des idées et des valeurs socialistes, comme la solidarité et la lutte contre chaque forme de discrimination.

    De nouvelles initiatives vont voir le jour, et le MAS/LSP, comme par le passé, donnera son soutien et sa coopération active à chaque initiative qui présente le potentiel et la volonté de devenir une nouvelle formation de la classe ouvrière. Mais nous allons – comme nous l’avons fait au sein du CAP – s’appuyer sur les leçons de l’histoire. Démontrer la nécessité d’intervenir dans la lutte réelle et d’impliquer autant de travailleurs possible dans la construction. L’époque du POB, en particulier celle de ses débuts, fournit des tas d’exemples de comment, dans tout le pays, des milliers et des milliers de travailleurs s’engageaient activement sur le plan politique, exerçaient constamment une pression sur les directions pour passer à l’action et pour adopter des points de vue plus radicaux. En outre, la nécessité d’une démocratie interne, dont l’absence a généré tellement de dégâts au sein du POB, est une condition essentielle – surtout après les expériences négatives du bureaucratisme stalinien – pour un nouveau parti des travailleurs sain. Chaque membre et chaque groupe de membres doit y avoir la liberté de défendre son programme : une véritable discussion et confrontation d’idées doit pouvoir y trouver sa place.

    Au travers de la lutte contre les attaques néolibérales des prochaines années, un tel parti peut émerger. La classe ouvrière belge, fortement organisée sur le plan syndical, disposera alors d’un instrument puissant en plus pour mener sa lutte, non plus seulement sur le plan syndical, mais aussi sur le plan politique.


    > Rubrique "Nouveau Parti des Travailleurs"

  • Anvers. Des syndicalistes organisent un débat pour une autre politique

    Mercredi 24 mai, un débat a eu lieu au HIFT à Anvers sous le titre "Une autre politique est nécessaire et possible". Un comité de délégués syndicaux (essentiellement FGTB) travaillant dans divers secteurs du privé et du public, a organisé le débat. Parmi les orateurs: Jef Sleeckx, ex-parlementaire SP.a, Bruno Verlaeckt, président de la Centrale Générale (FGTB) d’Anvers/Pays de Waas, Gert Wenselaers, permanent du SETCa (FGTB) d’Anvers et membre de SP.a Rood, un petit courant de gauche dans le SP.a, et enfin Ferre Wyckmans, président de la Centrale Nationale des Employés (CSC) pour la Flandre. Il y avait une centaine de présents au débat.

    Par un militant de la CGSP-Enseignement

    Différents orateurs, différents points de vue

    Il est important de noter que les orateurs venaient tant de la FGTB que de la CSC. Le comité a montré ainsi qu’il était nécessaire de porter plus d’attention aux militants du mouvement ouvrier chrétien.

    Le debat a été intéressant car si les orateurs étaient tous d’accord sur la nécessité d’une autre politique, ils ont défendu différents points de vue sur la possibilité de la mettre en oeuvre et sur leur participation active à cette démarche. Deux orateurs ont plutôt rejeté l’idée d’une alternative politique nouvelle. C’est le cas de Gert Wenselaers, parlant au nom de SP.a-Rood, qui a déclaré que l’histoire des formations en dehors de la social-démocratie a historiquement prouvé qu’une telle initiative était vouée à l’échec. Il croit encore possible de pousser le SP.a à gauche.

    Bruno Verlaeckt avait pourtant expliqué auparavant quel avait été rôle du SP.a dans les négociations sur l’accord interprofessionnel fin 2004. Il avait également dénoncé le rôle de la direction de la SP.a au cours de la lutte contre le Pacte des Générations, rappelant que la première note d’ébauche sur la réforme des prépensions, réalisée par la ministre Freya Van den Bossche (SP.a), allait encore plus loin dans les attques que le Pacte lui-même!

    Jef Sleeckx a ensuite parlé des frustrations et de la colère qui existait dans la FGTB contre son soi-disant "partenaire priviligié". Il a déclaré qu’au cours des nombreuses discussions qu’il a eues ces derniers mois, il avait vu que le potentiel existe bel et bien pour une initiative à gauche de la social-démocratie et des verts.

    Ferre Wijckmans de la LBC (CNE flamande) a affirmé qu’il était d’accord sur la nécessité d’une autre politique. Les partis traditionnels nous font travailler plus longtemps, veulent nous imposer une nouvelle modération salariale, attaquent nos pensions… Face à cela, il faut une réaction.

    Mais Wijckmans a voulu en rester là. Il a dit que ce n’était pas la tâche des syndicats de créer un instrument politique. La LBC est depuis longtemps indépendante du CD&V mais elle ne prendra pas elle-même d’initiative sur le plan politique.

    Une véritable alternative à gauche du SP.a est nécessaire

    On ne peut pourtant pas nier qu’un syndicat sans prolongement politique est plus faible. Pour un syndicat, une attitude politique neutre est une illusion. Avec une main liée dans le dos, il est beaucoup plus difficile de lutter. Wijckmans reconnaît la nécessité d’avoir un écho politique aux revendications syndicales mais, en même temps, il déclare que celui-ci ne doit pas être "le bras politique des syndicats".

    Bruno Verlaeckt a expliqué qu’il faut une alternative crédible à gauche du SP.a. Il ne croit pas que ce soit possible de pousser le SP.a vers la gauche. D’autre part, les petits partis à gauche n’ont pas d’impact électoral. C’est pourquoi Verlaeckt a avancé la nécessité d’une alternative unitaire. Il a dit aussi que beaucoup de syndicalistes se posent maintenant des questions à ce sujet. Jef Sleeckx a marqué son accord et répété qu’ "Il faut quelque chose de nouveau, un prolongement politique pour le movement ouvrier". Lors de la discussion avec la salle, la volonté d’unité autour de la construction d’une nouvelle alternative politique était évidente.

    En ce moment, il existe diverses initiatives pour une autre politique. A côté du mouvement mis sur pied par Jef Sleeckx, Lode Van Outrive et Georges Debunne, il y a aussi l’appel syndical du "mouvement du 15 décembre". Cela montre qu’on réfléchit sur des alternatives politiques à différents endroits. Il y a des points de vue et des courants différents, mais il doit être possible d’en arriver à une initiative commune autour d’un programme restreint sur lequel tout le monde pourra se mettre d’accord.

    Construire une autre politique

    L’exemple de l’Allemagne a été mis en avant. Le nouveau Linkspartei (Parti de Gauche) qui a recolté 8,7% des voix aux dernières élections, a montré qu’une alternative politique pouvait servir comme prolongement de la lutte syndicale. Les membres du MAS (LSP en Flandre) dans la salle ont également défendu la nécessité d’une alternative politique. Des milliers de travailleurs sont entrés en action contre le Pacte des Générations mais aucun parti au Parlement n’a défendu leurs revendications.

    Lors des négociations sur les salaires à la fin de l’année, les travailleurs et leurs familles devront réagir avec force. Cette réaction doit être renforcée par la mise sur pied d’une formation politique qui réunit et organise les militants combatifs. Lors du débat, peu de rendez-vous concrets ont été pris. Mais beaucoup de participants ont laissé leurs coordonnées pour collaborer au projet. C’était l’objectif du groupe de syndicalistes organisateur de la soirée, qui avait voulu tâter le terrain. Après le débat, la discussion pourra continuer avec des groupes plus larges.

    Le LSP-MAS soutient entièrement l’initiative et n’hésitera pas à fournir son soutien actif à la construction d’une nouvelle formation qui défende vraiment les intérêts des travailleurs.

  • Les Etudiants de Gauche Actifs soutiennent l’initiative de construction d’un Nouveau Parti des Travailleurs

    Deux grèves générales et une manifestation massive à Bruxelles contre le Pacte des Générations n’ont reçu aucune réponse des politiciens qui n’ont pas rejeté les plans anti-sociaux. Au contraire, il n’y avait au sein du parlement aucune résistance contre ce pacte. Libéraux et « Socialistes » étaient pour ; le Vlaams Belang, le CD&V et le CDH se sont abstenus, parce que les mesures n’allaient pas assez loin pour eux ! Seuls quatre représentants d’Ecolo ont voté contre. C’est cela la « démocratie représentative »!

    Jarmo Van Regemorter

    Le besoin d’un relais politique massif de la lutte du mouvement ouvrier contre le néo-libéralisme est de plus en plus clair. La construction d’un Nouveau Parti de Travailleurs fonctionnant de manière démocratique, contrôlé par la base et défendant résolument les intérêts des travailleurs, des chômeurs, des jeunes, etc. serait un outil essentiel. C’est pourquoi EGA voit un tel intérêt dans l’initiative de Jef Sleeckx, ancien parlementaire du SP.a. Il cherche à construire une alternative à gauche du SP.a et du PS, ouvert aux membres de la CSC et de la FGTB, aux Belges, aux immigrés, aux « jeunes » et aux « vieux ». En ce moment, différents meetings sont organisés (à Gand, Bruxelles, Courtrai, Leuven). On peut y voir un grand potentiel.

    Pour de plus en plus de personnes, il est clair que le SP.a et le PS sont des partis qui défendent les intérêts des patrons et non ceux de la population. Beaucoup de travailleurs, de chômeurs, de jeunes se détournent de ces partis et cherchent une alternative.

    Un expression claire de ce processus était le congrès du SP.a le 20 octobre – qui avait comme thème principal l’élection de Johan Vande Lanotte – où 300 militants de ABVV-metaal et ABVV-Limburg ont manifesté et distribué des autocollants avec le slogan “SP.a. U laat ons in de steek. Wij keren u de rug toe” (« SP.a vous nous laissez dans la merde. Nous vous tournons le dos »). Pour action symbolique, ils ont d’ailleurs réellement tourné le dos aux participants du congrès !

    Le SPa a perdu d’autant plus sa crédibilité depuis que Freya Van Den Bossche a fait appel à son imagination créative pour équilibrer le budget. Les 100 millions soi-disant « offerts » par le secteur pétrolier (dont les profits du premier semestre 2005 étaient 30% supérieurs à ceux obtenus en 2004) doivent maintenant être remboursés par l’argent public : en fait, celui de notre poche ! C’est un exemple basique qui démontre comment la social-démocratie fait passer un principe libéral pour un principe social. L’opposition ne fait que discuter de la manière dont va être réalisé le remboursement, mais en aucun cas ne le remet en cause.

    Le PS a perdu lui aussi beaucoup de sa crédibilité, pas seulement par son soutien au pacte des générations, mais aussi par l’atmosphère de scandales dans lesquels était impliqué le parti. Après l’affaire de la Caroloringienne, dans laquelle beaucoup de personnalités du PS ont pillé les logements sociaux pour leurs intérêts personnels, le PS est descendu dans les sondages de 38 à 26%.

    Pour contrer la politique bourgeoise de la social-démocratie ( et la politique néo-libérale en général), il faut un nouveau parti de masse des travailleurs, honnête, combatif, dans lequel tous ceux qui défendent les droits de la classe ouvrière puissent s’investir. Ce n’est que de cette manière que nous pourrons également contrer la croissance de l’extrême-droite qui se nourrit du mécontentement social et du manque d’alternative. Soutiens notre campagne, signe la pétition on-line (www.partidestravailleurs.be), et rejoins-nous !!

  • La résistance contre le “pacte des générations” est loin d’être isolée!

    Manifestation à Bruxelles du 28 octobre

    Pour la grève de la FGTB du 7 octobre, les politiques et les médias ont clamé en coeur que la FGTB était isolée avec sa résistance contre la ‘nécessité’ de travailler plus longtemps. Aujourd’hui, ce qu’on a vu à Bruxelles montre que cette résistance n’est pas isolée dans la société. Plus de 100.000 manifestants ont répondu à l’appel du front commun et marché sur Bruxelles lors d’une des plus grandes manifestations syndicales des ces dernières années.

    Geert Cool

    Dans la manifestation, on ressentait une forte combativité. Le gouvernement peut bien se dire que la résistance n’a pas d’utilité et que Verhofstadt peut donc aller en vacances, cela ne va pas pour autant assouvir la colère des masses. Actuellement, les travailleurs en Belgique sont pressés comme des citrons, le taux de productivité se trouve en effet à un taux particulièrement haut. Et on devrait travailler encore plus longtemps? Dans la pratique, la diminution progressive de l’accès à la prépension à 58 ans est inacceptable pour des dizaines de milliers de travailleurs syndiqués. La détermination des manifestants est renforcée par l’offensive des politiciens et du patronat contre le droit de grève. Il y a eu cette semaine des astreintes contre un piquet de grève chez Case New Holland à Zedelgem. Aujourd’hui aussi, des astreintes sont tombées, mais les délégués ont déclaré que ces astreintes n’auraient pas d’impact car il n’y avait aucun non-gréviste. C’est la meilleure réponse aux attaques contre le droit de grève. Par de telles attaques, les politiciens et le patronat ne font qu’élargir la grève, et sont perdants dans leur offensive. Mais face à ces attaques, une réponse syndicale sérieuse est nécessaire; la défense du droit de grève doit faire partie d’une plate-forme de revendications pour les actions à venir. En règle générale, le sentiment dominant dans cette manifestation était que ce jour d’action n’est qu’un pas vers un mouvement plus large contre le ‘pacte des générations’ du gouvernement et du patronat. Il est dommage qu’il n’y ait pas eu la présentation d’un plan d’action durant la manifestation. La direction syndicale dit qu’il faut d’abord une évaluation de la manif et de la réaction du gouvernement avant que de nouvelles actions soient organisées. Néanmoins il était d’ores et déjà clair que la manifestation serait un gros succès et que le gouvernement resterait sourd comme un pot devant la résistance syndicale. Pourquoi doit-on attendre pour rebondir sur le succès de la manifestation ? Pour beaucoup de militants FGTB et CSC, la manifestation a été réconfortante sur le plan de l’unité syndicale. Autant la CSC que la FGTB avaient fortement mobilisé; il est même possible que la CSC avait une plus forte présence. A côté des deux grands syndicats il y avait également une représentation significative de la CGSLB. L’unité à la manifestation du 28 octobre est une réponse appropriée de la base syndicale face au tintouin de la prétendue division syndicale. Au sommet, les discussions sur la suite de la stratégie est dominée par le large mécontentement présent à la base. Il y avait de fortes délégations de l’industrie lourde, mais également des employés des services publics.

    Une représentation politique est nécessaire

    A la manifestation, on ne remarquait pas de délégations des partis traditionnels, sauf les verts qui se montrent en porte-à-faux par rapport aux propositions du gouvernement mais ont bien démontré lors de leur participation au gouvernement qu’ils étaient prêts à appliquer la politique de la bourgesoie. Le SP.a avait expliqué qu’il ferait savoir son point de vue aux travailleurs, mais est revenu sur son idée de distribuer des tracts aux portes des entreprises. Finalement le parti est resté absent à une manifestation qui était dirigée contre la politique d’un gouvernement dont il fait lui-même partie. De plus, les attaques sur les prépensions venaient surtout du sommet du SP.a : c’est en effet Freya Van Den Bossche qui s’est mise à l’avant-garde des attaques. Les partis de l’opposition comme le CD&V et le VB avaient du mal à se montrer à une manifestation pour laquelle ils n’étaient pas d’accord. Ces deux partis disent en choeur qu’il faut rallonger le temps de travail. Des membres du Vlaams Belang ont en outre la nostalgie du temps où le parti apparaissait encore ouvertement avec des slogans tel que : « Le travail produit, la grève nuit »… La rupture des syndicats d’avec les politiciens bourgeois est une de nos revendications centrales. Nous sommes intervenus avec un appel pour un nouveau parti des travailleurs, qui a été reçu positivement par un bon nombre de militants. La conscience qu’il y a un problème sur le plan de la représentation politique est en train de se développer. Dans les bus de la FGTB d’Alost, circulait à côté de notre pétition une pétition en direction du SP.a pour qu’il prenne ses distances par rapport à ses points de vues droitiers. De 100 à 150 militants du MAS étaient présents à la manifestation pour mener la campagne ou pour militer dans leur délégation syndicale. Quelques camarades allemands de notre organisation sœur ont renforcé notre intervention et avaient une motion de solidarité du WASG. Nous avons distribué 8.000 tracts, vendu notre supplément du journal sur le ‘pacte des générations’ et la grève du 7 octobre, et nous avons récolté un nombre important de signatures pour un nouveau parti des travailleurs. Nous avons vendu plus de 420 exemplaires de notre journal et récolté plus de 700 euros de soutien ! Il y avait beaucoup d’animations à nos différents stands. L’ouverture à nos idées était très claire; cela traduit sans nul doute une croissance de la radicalisation. Sur le point de la représentation politique des luttes syndicales, on ressentait encore de la confusion. Mais la plupart des travailleurs étaient d’accord sur le fait que l’on ne pouvait plus compter sur les partis traditionnels. Avec notre campagne pour un nouveau parti des travailleurs, nous voulons apporter une orientation à cette discussion. Nos calicots et nos pétitions ne passaient pas inaperçus…

    Aller de l’avant sur base de ce succès

    La manifestation du 28 octobre était un succès. 100.000 personnes à une manifestation nationale un vendredi à Bruxelles est particulièrement impressionant. Verhofstadt peut faire mine tant qu’il veut que cela ne le concerne guère, il sera tout de même bien obligé de répondre à l’énorme mécontentement de la population. De par cette manifestation, c’est l’ensemble de la politique néo-libérale du gouvernement actuel qui est rejetée. Nous devons maintenant continuer le mouvement pour mettre le pacte des générations et le gouvernement à la poubelle.

    La volonté d’action et la combativité sont clairement présentes. La direction syndicale ne doit pas attendre plus longtemps avant de mettre sur pied un plan d’action et d’approfondir le mouvement.

  • Grève de la FGTB : un succès…mais ensuite ?

    Selon tous les rapports des différents piquets de grève et des actions de cette journée de grève générale, il apparaît qu’il y avait une énorme volonté d’action. A la base on ressentait la nécessité d’entreprendre quelque chose contre les attaques sur les prépensions. De plus, beaucoup de membres de la CSC partageaient cette inquiétude et soutenaient la grève, au moins de manière passive en restant à la maison. La grève de la FGTB était un succès de par le soutien énorme qu’elle a reçue. La question qui se pose maintenant est de savoir comment, sur cette base, contribuer à développer et prolonger la lutte.

    Geret Cool

    Les rapports récoltés par nos militants sur les piquets de grève nous sont arrivés au compte-goutte. Sur beaucoup de piquets sur les lieux de travail il y avait une atmosphère combative. Il y avait aussi beaucoup de demandes pour davantage d’informations et une meilleure clarté sur la manière dont on va continuer à construire le rapport de forces. La résolution à combattre les attaques sur les prépensions est énorme. Ce que beaucoup de gens nous ont dit, c’est qu’ils ne veulent pas travailler jusqu’à 70 ans et plus, et qu’ils ne sont pas prêts à accepter des restrictions à l’accès aux prépensions et aux pensions, alors que tellement de jeunes ne peuvent trouver un emploi.

    A juste titre, la FGTB a déclaré que passer à l’action était nécessaire pour contrer les propositions du gouvernement. Le sommet de la CSC a commis une erreur importante en se positionnant contre la grève de la FGTB, et en y utilisant tous les moyens (comme par exemple leurs avertissements dans les quotidiens). La direction de la CSC va se retrouver sous une réelle pression de sa base. C’était d’autant plus frappant par le nombre de concentrations de militants de la CSC dans différentes villes. Sur toute une série de piquets il y avait également des militants de la CSC qui estimaient que l’unité à la base était plus importante que les querelles de chapelle au sommet des syndicats. Dans certaines entreprises, il y avait même des groupes de membres de la CSC qui, de par l’attitude des dirigeants de la CSC, ont rejoint la FGTB.

    Il sera très important pour la FGTB de ne pas arrêter la mobilisation après cette action. Il y a un besoin de plus d’infos pour les employés et une nécessité de faire un effort afin de mettre la bureaucratie syndicale de la CSC sous pression et d’ainsi pouvoir agir en front commun syndical. Les travailleurs n’ont aucun intérêt dans la division entre les directions syndicales. Nous pensons qu’il est nécessaire d’organiser des séances d’information dans les entreprises où un plan d’action doit être mis en place pour poursuivre la lutte. Cette lutte sera de longue haleine. Maintenant le patronat et le gouvernement vont essayer de criminaliser la FGTB et de présenter publiquement le syndicat comme "irresponsable". C’était aussi l’attitude du patronat lorsque le mouvement du non-marchand est rentré en action. Freya Van den Bossche declarait qu’elle refusait de discuter avec les grévistes. Finalement elle a dû faire des concessions dans le cadre des négociations avec ceux-ci. Il y a beaucoup à apprendre du mouvement du non-marchand, durant lequel les bases d’un tel plan d’action ont été jetées.

    La discussion doit être menée en profondeur sur une alternative politique. Cette grève de la FGTB était aussi une grève contre les plans des ministres du SP.a. Plus encore, n’oublions pas que la première note venait du cabinet de la ministre Van den Bossche. Nous pensons qu’il est nécessaire de mener la discussion sur la nécessité de construire notre propre instrument politique et de rompre les liens entre les syndicats et les partis politiques bourgeois. En Allemagne les résultats du parti de Gauche ont démontré l’énorme potentiel d’une telle initiative.

  • Débat fins de carrière. L’heure de vérité approche – il nous faut un plan d’action!

    Le débat sur les fins de carrière en question/réponse par Anja Deschoemacker

    De quoi s’agit-il?

    Il s’agit de ce que veut la bourgeoisie depuis les années 80 sans vraiment y parvenir jusqu’ici: le démantellement de la sécurité sociale. La sécurité sociale a été acquise après la seconde Guerre Mondiale, et fut élargie jusqu’à la moitié des années ’70. Depuis la fin des années ’70, ce système fut mis sous pression par la période de dépression qui s’ensuivit.

    Quelles sont les propositions du gouvernement ?

    La question devrait être: y-a-t-il encore un gouvernement? La Ministre du Travail Freya Van den Bossche (SP.a) a publié la note « Vieillir activement ». Dans cette note, figurent des propositions inacceptables pour les syndicats comme pour le PS, par exemple l’abolition de fait de la prépension, le système de malus pour les pensions (une amende de 4% sur la pension par année de départ anticipé),… Cette note n’est pas celle du gouvernement, mais un rassemblement de propositions élaborées par Van Den Bosche et Verhofstadt.

    Le conseil général de la CSC a depuis lors voté 13 points à problème, voire de rupture, dont pas mal de propositions de cette note. Si le gouvernement reprend telle quelle cette note comme base de négociation ou s’il reprend ces points de ruptures dans une nouvelle note, la CSC décidera le 20 septembre de ne pas négocier et commencera à mobiliser. Des dirigeants de la CSC se réfèrent à l’énorme mouvement de grève de 1977, qui fit alors tomber le gouvernement.

    Le ministre des affaires sociales Rudy Demotte (PS) a fait une autre proposition à titre personnel. Contrairement à « Viellir activement » , cette note est bien acqueillie par la FGTB et carrément applaudie par la CSC. Demotte s’oppose directement aux propositions des VLD, MR et SP.a (le financement alternatif par une hausse de la TVA), ce qui toucherait surtout les plus pauvres. Le Bureau du Plan – suivi par la Banque Nationale et la CNT – déclare de plus que cela plomberait fortement l’économie.

    En bref, Demotte propose une forte diminution des charges patronales, mais non-linéaire. Demotte veut baisser les charges sur les salaires les plus bas (et sur ceux des plus de cinquante ans), tout en augmentant celles sur les plus hauts salaires. En outre, il veut élargir l’assiette des charges à tous les revenus, y compris les revenus mobiliers et immobiliers, mais aussi la fameuse « taxe-robot ». En contradiction avec les autres partis, Demotte propose de lier les allocations au bien-être.

    Quelles sont les tendances internationales?

    Tous les pays européens ont subi une offensive de grande ampleur sur le système des pensions. On essaye d’augmenter « le taux d’activité des travailleurs les plus âgés », c-à-d augmenter l’âge de la pension. En Belgique, ce taux d’activité est bas, dû surtout à la haute productivité de l’économie, avec une pression de travail presque intenable qui use les travailleurs très rapidement.

    Il va de soi que la bourgeoisie belge ne veut pas pas être en reste. Mais le fait est que les pensions belges ont déjà été réformées, pas d’un coup, mais sur base des assainissements des 20 dernières années. Pour avoir une pension complète, il faut 45 années de travail (depuis 1997 également pour les femmes), condition parmi les plus hautes en Europe, alors que les allocations sont parmi les plus basses (plus de 60% des pensionnées ont une pension inféreieure à 1000 euros par mois).

    Est-ce que les pensions sont effectivement impayables?

    Pas du tout! Alors que les pensions pesaient 5,4% du produit intérieur brut (PIB) en 1980, ce n’est plus que 5,2% aujourd’hui. Les déficits dans la sécurité sociale sont négligeable comparés à la richesse produite : en 2003 un déficit de 0,5% du PIB, en 2004 de 0,1%. Ensuite, les cinq dernières années prises globalement dégageaienrt toujours un surplus (de 0,6% du PIB en 2000, de 0,7% en 2001 et de 0,3% en 2002). Enfin, les dépenses de sécurité sociale ne pèsent que 16,7% du PIB, malgré la hausse spectaculaire du chômage et des coûts des soins de santé, contre 16,2% en 1980.

    Que faire?

    Le MAS va, avec tous les moyens dont il dispose, participer à la lutte syndicale contre le démantèlement de nos droits acquis. Nos militants syndicaux vont défendre dans les deux grands syndicats la nécessité d’un plan d’action. Seule la construction d’un rapport de force par des manifestations, des actions, des grèves et des grèves générales nous permettra d’obtenir le maximum, de maintenir nos droits acquis et de les élargir avec une hausse plus que nécessaire des allocations et leur liaison au bien-être.

    De l’autre côté, nous n’allons pas défendre les propositions du PS. Le PS – et les directions syndicales – sont fondamentalement d’accord avec l’argument des « charges salariales trop élevées ». Nous pensons au contraire que la classe ouvrière est assez forte pour stopper l’offensive contre les salaires directs et indirects pour autant que les syndicats élaborent une stratégie de lutte appropriée.

    La sécurité sociale n’est pas impayable. Le « déficit » futur n’est pas causé par le vieillissement, mais organisé de façon consciente par la diminution continue de l’intervention de l’Etat et des charges soidisant patronales. C’est contre cela qu’il faut agir, sans entrer dans des négociations qui vont miner la structure même de la sécurité sociale.

  • Les leçons de la grève AGC-Splintex

    Lettre ouverte à tous les travailleurs

    Produit en commun par Gustave Dache, ex-délégué FGTB-métal & le MAS, Mouvement pour une Alternative Socialiste

    AVANT-PROPOS

    Camarades,

    Cette brochure est le résultat de la rencontre, au travers d’une lutte commune, de militants du MAS et de Gustave Dache. Militants qui luttent pour une certaine conception de la société, à savoir une société socialiste et d’une certaine conception du syndicalisme, à savoir un syndicalisme de combat. L’idée nous est venue de faire cette brochure non pas comme « un petit bout d’histoire du mouvement ouvrier », mais plutôt afin de tirer les leçons de cette lutte, pour ouvrir la discussion afin qu’elle serve aux futures générations d’ouvriers en lutte, que ce soient des travailleurs combatifs, des militants ou des délégués syndicaux sincères qui veulent défendre leur classe du mieux qu’ils peuvent.

    Nous sortons d’une période (les années 90’) qui a eu beaucoup de conséquences fâcheuses pour le mouvement ouvrier. Les représentants et défenseurs du Capital ont profité de la chute du Mur pour faire pencher la balance en leur faveur aux dépends du Travail. Le syndicalisme de lutte a apparemment perdu de sa vigueur sous les assauts de la pensée néo-libérale. De nombreuses traditions issues du marxisme, une longue expérience, a tendance à disparaître. Il en résulte une conception du syndicalisme qui trahit les intérêts des ouvriers, à savoir un syndicalisme de concertation, et une vision réformiste de la transformation de la société. Si nous voulons à l’avenir gagner les batailles, il va nous falloir tirer les leçons des victoires mais également des défaites. C’est dans cette optique que nous avons écrit cette brochure.

    Nous avions déjà posé les premiers jalons d’analyse du conflit au travers d’un entretien avec Gustave Dache qui est paru dans le n° 100 de l’Alternative Socialiste (avril 2005). Mais il nous fallait, vu les implications de cette lutte pour la classe ouvrière, y revenir de manière plus approfondie. Voilà qui est fait.

    Le Mouvement pour une Alternative Socialiste, organisation trotskyste, faisant partie du CIO, Comité pour une Internationale Ouvrière, s’est impliqué dans ce conflit, avec des moyens limités, mais en défendant une méthode de lutte qui lui semblait la meilleure pour arracher une victoire. Il se fait que nous partagions la même vision que Gustave Dache sur le déroulement du conflit et que nous avons dès lors unis nos forces. Gustave n’est pas un inconnu dans la région puisque par le passé il a participé activement à la grève générale de 60-61, à l’époque où il était responsable sur les plans local (Gilly), régional et national des Jeunes Gardes Socialistes (JGS) et militant syndical dans la verrerie (Glaverbel). Il a ensuite été délégué syndical dans le Métal (Caterpillar). Il a été également président du comité de grève aux Glaces de Courcelles pendant les six semaines de grève en 1973. Il a également participé à d’autres conflits comme la lutte de Clabecq à laquelle nous avions également pris part – à l’époque nous nous appelions Militant. Si cette brochure peut ouvrir certaines portes et discussions sur les méthodes syndicales et sur la nature des organisations dont la classe ouvrière a besoin, elle aura alors atteint son objectif.

    Juillet 2005.

    Pourquoi devons-nous tirer honnêtement mais fermement les leçons de la grève ?

    Il est certain que beaucoup de travailleurs de Splintex et, plus largement, de la région de Charleroi et du pays, s’interrogent sur l’origine de la défaite de cette grève qui a duré 105 jours.

    En effet il n’y avait pas de justification économique aux pertes d’emplois, bien au contraire, l’usine de Fleurus ‘’était performante’’ avec un personnel hautement qualifié dans le verre, un outil des plus modernes et un carnet de commandes rempli jusqu’en 2008. De plus, la multinationale japonaise ASAHI fait des bénéfices; en 2003 elle en a fait pour 1,3 milliard de dollars U.S. Evidemment, pour justifier son plan de restructuration, la direction d’AGC parle de pertes. Mais les syndicalistes savent qu’une multinationale peut toujours manipuler les comptes et bilans d’une filiale comme elle le veut et sans que l’on puisse la contrôler. La seule parade contre cela consiste à imposer aux patrons l’ancienne revendication qui est toujours d’actualité de l’ouverture des livres de comptes. Il ne faut pas oublier que l’entreprise est née grâce aux luttes ouvrières ; suite aux grèves de 1975 à Glaverbel, où un accord a été obtenu que les patrons s’étaient engagés à construire une unité de production verrière dans la région de Charleroi avec des investissements publics à la clé.

    Il faut tenir en compte que l’objectif de départ était un Non au plan de restructuration, non aux licenciements, non aux pertes d’emplois (284). Finalement, malgré certaines améliorations financières et les pré-pensions, tout le plan patronal est passé malgré l’énorme potentiel de combativité des travailleurs.

    Il y a comme un fossé, pour ne pas dire un gouffre, entre les déclarations triomphantes des responsables syndicaux qui, à l’issue de cette lutte, la considèrent comme une victoire, et le résultat final. Et ce, tant pour les travailleurs de Splintex que pour ceux des autres usines. Il faut tenir compte de toutes les conséquences pour les travailleurs de Splintex et leurs familles qui se retrouvent à la porte ainsi que de toutes les conséquences négatives pour ceux qui n’ont pas été licenciés. Il faut tenir compte du fait que les travailleurs sont rentrés battus dans l’usine, affaiblis et divisés du fait de l’élimination d’une grande partie de la base la plus combative et d’une partie importante des membres de la délégation syndicale. Il reste encore une base combative dans l’usine, mais la défaite lui rendra la tâche plus difficile.

    La durée et l’enjeu du conflit lui ont donné un impact national. Dès le début, les travailleurs de Splintex avaient pressenti avec leur instinct de classe que la lutte allait être longue et dure parce que la multinationale japonaise, représentée par la direction patronale de Fleurus, s’y était préparée en faisant des stocks. Elle était déterminée à engager l’épreuve de force pour briser une fois pour toutes la résistance ouvrière à l’intérieur de l’usine, afin d’y introduire des contrats intérimaires ainsi qu’une flexibilité et une productivité encore plus accrues.

    En ce sens le message du président Shinya Ishizu en novembre 2003 est très clair quand il déclare : « Notre objectif stratégique est d’obtenir un rendement hors pair, la stratégie d’AGC est d’augmenter sans relâche le profit des actionnaires ». Pour obtenir ces résultats les patrons devaient par tous les moyens, y compris la menace de délocalisation, détruire l’avant-garde ouvrière qui résistait dans l’usine, et ce au travers des listes noires et grises. Comme le souligne le délégué principal FGTB G. Bordenga dans Le Soir du 15 avril 2005 : « Les faits confirment qu’il s’agit d’une restructuration bidon masquant une opération de nettoyage ». Ce conflit, par ses objectifs et ses résultats, concernait l’ensemble de la classe ouvrière. Devant les pertes d’emplois à répétition, plus personne ne peut rester indifférent et fataliste. On ne peut plus subir les licenciements, les pertes d’emplois comme un fait accompli ; cette fatalité, les travailleurs de Splintex, par leur combativité et leur détermination, l’ont refusée. Car accepter le fatalisme de la crise capitaliste, cela se traduit toujours par des pertes d’emplois partout. En refusant ce fatalisme les travailleurs de Splintex ont montré la voie à suivre à toute la classe ouvrière. Il est évident que ce n’était pas le choix le plus facile à faire. Mais ils savaient par expérience que la situation d’aujourd’hui était similaire à celle de 2000. A l’époque, la direction s’était déjà débarrassée de 300 travailleurs avant de réembaucher peu après avec des contrats précaires pour en revenir au même volume d’emploi qu’avant la restructuration. Cette fois-ci ils ne voulaient plus être trompés, ils ne croyaient plus aux arguments de la direction qui disait que ce plan était nécessaire pour la pérennité de l’entreprise.

    Les espoirs que les travailleurs avaient mis dans la victoire de la lutte se sont finalement transformés en abattement et en colère avec beaucoup de questions restées sans réponse. L’expérience nous montre qu’une victoire des ouvriers en lutte à un impact positif sur toute la classe ouvrière. Cela entraîne une plus grande confiance de celle-ci face au patronat. Mais une défaite produit l’effet inverse avec un recul du moral et de la combativité. Une chute des conditions matérielles consécutive aux licenciements a souvent pour effet un engourdissement des luttes et la montée des sentiments et des forces réactionnaires avec comme conséquence la croissance de l’extrême droite. Les travailleurs qui se sont battus avec courage et abnégation ont le sentiment que ce sont les jaunes qui ont finalement eut raison sur eux.

    S’il est plus agréable de tirer les leçons d’une victoire, il est cependant tout aussi nécessaire de tirer les leçons d’une défaite, sans complaisance vis-à-vis des appareils syndicaux, afin d’armer la classe ouvrière pour les prochaines luttes qui ne manqueront pas de se produire dans un laps de temps relativement court.

    Une « lutte exemplaire » est-elle suffisante en soi pour gagner la grève ?

    La presse ouvrière, toutes tendances confondues, ne tarissait pas d’éloges au plus fort du conflit sur le caractère exemplaire de cette lutte, la conclusion logique voulant que la victoire était à portée de main. Cela n’a pas été le cas. Que les grévistes aient fait preuve d’un courage à toute épreuve est indéniable ; plus de trois mois de grève sous la pression du patronat, des cadres, des médias, de la police, du politique, des difficultés familiales et financières, tout cela montre l’énorme potentiel de combativité qui vit actuellement au sein de la classe ouvrière. Ceux de Clabecq et de Renault avaient fait preuve de la même détermination et de la même combativité, mais n’avaient pas davantage réussi à imposer leur volonté d’empêcher les licenciements du fait qu’ils sont également resté seul dans la lutte.

    Ce potentiel de combativité est présent et se développe partout, la manifestation nationale pour l’Accord Interprofessionnel en est un autre exemple. Alors que les prévisions les plus optimistes des syndicats oscillaient entre 25.000 et 30.000 personnes, c’est le double qui a déferlé sur Bruxelles malgré un laps de temps très court et sans grande préparation. Mais si la combativité est une chose importante, les méthodes de lutte et les moyens employés ont aussi leur importance.

    Cinq semaines avant la fin de la grève Gustave Dache avait proposé publiquement, en assemblée interprofessionnelle des délégués FGTB, une grève régionale interprofessionnelle de 24 heures pour appuyer et créer ainsi un rapport de force en faveur des grévistes de Splintex. Cette proposition a été très bien accueillie par les délégués présents et par les ouvriers de Splintex, mais le bureau de l’interprofessionnelle FGTB a fait la sourde oreille comme si rien n’avait été proposé.

    Ce genre de proposition d’étendre le mouvement aux autres usines de la région ne convient pas aux appareils syndicaux. Ils ont préféré l’ignorer bureaucratiquement, celle-ci n’a même pas été mise au vote des délégués présents, de peur qu’elle ne soit acceptée.

    Lors de diverses assemblées générales du personnel de Splintex qui ont suivi, plusieurs ouvriers ont repris cette proposition de 24 heures de grève qui a également été ignorée par la délégation syndicale. Une autre démarche a été faite aussi par une dizaine d’ouvriers de Splintex qui se sont rendus au siège de la FGTB pour demander à être reçus afin de faire également cette proposition de grève régionale mais ils n’ont même pas été reçus par la direction de la FGTB.

    Il ne faut pas perdre de vue que la direction d’AGC avait le soutien de la FEB, de la justice, de la police, des médias et du politique. Les travailleurs de Splintex n’avaient quant à eux pas un soutien équivalent. Dans ce conflit, aucun responsable syndical tant FGTB que CSC n’a exigé de la direction d’AGC Automotive le maintien intégral du volume de l’emploi ou le remboursement des aides financières qu’ils ont reçues de la collectivité pour l’installation de l’entreprise à Fleurus.

    Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné?

    A l’annonce du plan de restructuration, les travailleurs – ouvriers et employés – sont partis spontanément en grève. Ils voulaient dès le début descendre à la Région wallonne pour interpeller les politiques, se rendre à la verrerie de Moustier en autocar afin de demander la solidarité, ils ont demandé de ne pas rester cantonnés à Fleurus, de bouger afin d’animer la lutte par des actions ponctuelles.

    Mais les appareils syndicaux tant FGTB que CSC, sous toutes sortes de prétextes, ont répondu NIET. Ils ont fait en sorte de verrouiller le conflit pour qu’il ne prenne pas une ampleur trop importante. Ils ont refusé d’organiser des actions au moment opportun et de profiter du temps disponible, lorsque les patrons refusaient de négocier. Ils ont constitué un comité de grève en désignant eux-mêmes paritairement un nombre restreint d’ouvriers sans pouvoir de décision et qui dans les faits était sous contrôle de la délégation syndicale. Un comité de soutien a aussi été créé, mais il s’est très vite révélé inefficace, tout juste bon à se placer dans l’ombre des appareils syndicaux sous prétexte de « Non-ingérence dans la grève ». Il n’a donné aucune autre perspective que de servir de soutien logistique, comme si c’était une fin en soi, et sans aucune efficacité pour la grève (mis à part une soirée de solidarité). Bien que les membres du comité de soutien considéraient comme juste la proposition de 24 heures de grève à Charleroi, ils n’ont même pas eu la franchise de l’appuyer et de la défendre ouvertement devant les appareils syndicaux. Pendant toute la grève, l’avant-garde ouvrière de Splintex a cherché le moyen d’étendre la lutte. Mais des pressions ont été faites par les appareils afin que les grévistes de Splintex qui le souhaitaient ne puissent pas faire partie du comité de soutien qui aurait alors pu avoir un autre impact sur le déroulement de la grève. Les déclarations de Christian Viroux, lors d’une conférence de presse, ne font que confirmer la justesse et la nécessité qu’il y avait à donner le mot d’ordre de grève interprofessionnelle de 24 heures à Charleroi. Notamment quand il déclare : « Depuis trois mois, sous sommes harcelés, critiqués par les responsables politiques, tant Van Cau que Marcourt et les autres. En disant que nous détériorons l’étiquette de la Wallonie, que nous faisons fuir les investisseurs financiers,…En plus nous sommes isolés dans la mesure où la CSC agit de concert et a accepté de négocier le plan dès le mois de janvier ». Il n’est pas bien difficile de répondre à C.Viroux que si la FGTB de Charleroi et la centrale générale étaient isolées, c’est parce qu’elles le voulaient bien. En effet en refusant de décréter une grève régionale interprofessionnelle de 24 heures à Charleroi, on se condamnait à l’isolement. Il y a même des responsables syndicaux ou autres qui vont jusqu’à motiver ce refus en disant : « Et si une grève interprofessionnelle était un fiasco, est-ce que cela suffirait à dissuader les patrons d’appliquer le plan ? » A tous ceux-là, nous répondons avec fermeté qu’à chaque fois que la FGTB régionale ou nationale à donné un mot d’ordre d’action ou de grève, il a été couronné de succès. Il n’y a aucun exemple qui démontre le contraire. Et ceux qui, par peur ou incompétence, prétendent le contraire démontrent sans équivoque qu’ils n’ont pas confiance dans la capacité de lutte de la classe ouvrière.

    S’il ne voulait pas rester isolé, tout l’appareil syndical interprofessionnel devait impérativement étendre le conflit. Mais il a refusé – se condamnant ainsi à rester isolé – et ce refus a gravement hypothéqué la réussite de la grève. Certains travailleurs et militants se posent aussi la question suivante : « 24 heures de grève aurait-elle été suffisante pour empêcher les patrons de licencier ? ». A ce genre de question personne ne peut répondre avec certitude. Mais ce qu’on peut affirmer avec certitude, c’est que les patrons des autres usines n’auraient pas apprécié que des grèves de solidarité aient lieu dans leurs propres entreprises. Ce faisant, on aurait pu briser la solidarité des patrons entre-eux. Mais pour ouvrir cette brèche dans le front patronal qui soutenait AGC, il fallait vraiment le vouloir.

    Les patrons eux aussi n’ont pas manqué de constater qu’il n’y avait pas cette volonté d’aller plus loin dans la lutte de la part des directions syndicales tant FGTB que CSC. C’est pour cela qu’ils sont restés fermes sur leurs positions.

    Encore une fois, il faut le dire, nous n’avons pas à inventer de nouvelles méthodes de luttes. Elles existent depuis toujours, elles sont restées les mêmes. C’est le rapport de force, la solidarité, la grève, l’occupation d’usine, la lutte de classe. Ce sont ces méthodes de luttes que les travailleurs eux-mêmes emploient tous les jours. C’est le seul langage que les patrons comprennent. Nous devons continuer à nous appuyer sur ces méthodes éprouvées de lutte qui ont jadis permis au mouvement ouvrier d’aller partout de l’avant.

    Pourquoi l’appareil a-t-il freiné l’élargissement de la grève ?

    Sous la pression de la base et vu l’arrogance patronale, c’est seulement après trois mois que la régionale FGTB annonce finalement dans un communiqué de presse qu’elle «se prépare à mettre en œuvre une réaction syndicale interprofessionnelle ». Mais ce n’étaient que des intentions, qu’une façade, car lors de la dernière assemblée interprofessionnelle FGTB du lundi 14 mars, Di Santo, président métal FGTB, a fustigé la nécessité de l’appel à une grève régionale de 24 heures. Cet appel venait d’être remis en avant pour la deuxième fois par Gustave Dache, avec sa critique par rapport au frein que constitue la position de l’appareil interprofessionnel dans le refus de l’élargissement de la grève. En réaction, A. Di Santo a notamment dit : « Je ne permettrai plus qu’on vienne critiquer le syndicat, ça, je le répète, je ne le permettrai plus et celui qui n’est pas d’accord avec ça il doit partir, il n’a plus rien à faire ici. Oui, Gustave Dache, c’est à toi que je m’adresse. Nous devons tous sortir d’ici la tête haute en chantant l’Internationale, parce que Splintex c’est une victoire ». L’attaque de Di Santo mettant à mal la liberté de critique et la démocratie au sein des instances syndicales a été désavouée. La salle ne l’a pas suivi, au contraire beaucoup de délégués ont été choqués par l’attitude autoritaire, anti-démocratique et bureaucratique de Di Santo. D’ailleurs quelques délégués et militants sont intervenus à la tribune pour défendre le droit à pouvoir continuer à exprimer un avis critique ou une position qui serait minoritaire. Certains pouvaient penser que cette attitude était un accident de parcours mais en réalité c’est le naturel bureaucratique qui revient à la surface dès que l’appareil est mis en cause. Ils sont très vite agacés quand ils sont critiqués et il n’a d’ailleurs pas été désavoué publiquement par les autres responsables du bureau syndical; ils se soutiennent mutuellement comme par réflexe. On aurait pu s’attendre à ce que certains permanents et délégués, qui se profilent à gauche, interviennent dans le débat pour défendre la liberté d’expression et de critique, mais ils ont préféré s’abstenir en considérant peut-être que ça ne les concernait pas.

    Si certains bureaucrates pensent qu’ils vont étouffer la liberté d’expression, ils se trompent. Nous allons continuer à nous exprimer avec encore bien plus de force la prochaine fois et cela dans le respect des principes démocratiques. La liberté de pensée, d’expression et de critique sont les bases fondamentales de la démocratie et ne peut en aucun cas être limitée ou étouffée. Toute tentative dans ce sens est contradictoire avec les principes et les statuts de la FGTB. Ceux qui dans la pratique, lors d’assemblées ou autres, ne respectent pas ces droits et principes démocratiques et tentent de les supprimer n’ont pas leur place au sein de la FGTB. Certains de ceux qui s’y sont essayés dans le passé, face à des délégués combatifs ayant une juste perspective politique et syndicale, s’y sont cassés les dents.

    Depuis de nombreuses années, la classe ouvrière est dominée par la politique social-démocrate réformiste des directions ouvrières comme celle du PS et de la FGTB. Tant qu’il s’agit de se placer sur le terrain du réformisme pour obtenir de petites améliorations, de petites mesures de rattrapage vis-à-vis de la hausse du coût de la vie, alors et alors seulement les appareils syndicaux poussés par la base répondent parfois positivement et sont disposés à des mobilisations limitées dans le temps. Mobilisations qui ne dépassent pas un certain cadre autorisé et toléré par la démocratie bourgeoise et qui n’est pas trop préjudiciable aux patrons. Mais comme on le constate, un demi-siècle de collaboration de classe prônée par la social-démocratie et les réformistes n’a pas adouci d’un iota le cœur des capitalistes. Les appareils réformistes tant syndicaux que politiques répugnent à poser le moindre acte qui aille dans le sens des méthodes traditionnelles de la lutte de classe employées depuis toujours par les travailleurs en grève. Les appareils syndicaux réagissent violemment et avec la plus grande détermination contre tous ceux qui veulent défendre et s’appuyer sur les méthodes traditionnelles de la lutte de classe sans compromissions pour arracher les revendications ouvrières et faire triompher les luttes. Il faut rappeler que les plus grandes conquêtes sociales ont été arrachées par la lutte de classe. La nature bureaucratique des appareils syndicaux revient régulièrement à la surface dès lors qu’ils sont un temps soit peu mis en cause. En effet à l’occasion de la soirée de solidarité avec AGC-Splintex qui a eu lieu à Lodelinsart, le camarade Silvio Marra, ex-délégué FGTB des Forges de Clabecq, a pris la parole pour apporter sa solidarité à la grève d’AGC et expliquer ce que les travailleurs de Clabecq avaient fait pour mobiliser 70.000 personnes pour la défense de l’emploi ; il a également exprimé son amertume de ne pas avoir reçu le soutien des instances nationales de la FGTB dans le conflit de Clabecq. Pour Christian Viroux, permanent verrier, c’en était trop ; il s’en est pris au camarade Marra en lui disant : « Il ne faut pas venir foutre la merde ici ». Les bonzes syndicaux en sont arrivés à ne plus permettre la moindre petite critique, où est donc le respect de la démocratie à la FGTB ? Bien que la centrale générale FGTB a soutenu les ouvriers en grève, étant plus proche d’eux et de leur volonté de lutte, le secteur du verre à d’ailleurs fait grève à plusieurs reprises également mais il n’a plus le poids qu’il avait dans le passé. Il n’empêche que sur le fond, sur l’essentiel, elle à aussi refusé d’étendre la grève à tous les secteurs de l’interprofessionnelle, seul moyen efficace de faire face à l’agressivité d’une multinationale. Face aux multinationales, il y a belle lurette que le temps du corporatisme est révolu. Il n’est pas possible non plus, à la longue, pour les grévistes de rivaliser financièrement avec les multinationales.

    L’absence de prolongement politique aux luttes syndicale et le rôle du PS.

    Beaucoup de permanents syndicaux FGTB ont leur carte au PS. C’est presque une obligation ; s’ils veulent faire carrière au syndicat, ils doivent être des fonctionnaires disciplinés et obéissants. Les liens entre le PS et la FGTB sont encore très forts. Avec un parti qui défendrait vraiment les travailleurs sur la base de la lutte de classe en les mobilisant, le problème ne serait pas pareil. Mais nous avons un PS qui se trouve en coalition permanente avec d’autres partis dans les gouvernements et qui est pourtant en position dominante; mais le PS, au lieu de défendre les revendications ouvrières, joue le rôle du médecin au chevet du capitalisme malade d’un cancer généralisé. Il gère la crise capitaliste en bon gestionnaire. Le PS qui prétend être le parti des travailleurs fait l’inverse de ce qu’il doit faire. Il gère une économie capitaliste au lieu de la combattre, cette économie qui est dans un état de développement où les contradictions ne cessent de s’accroître et où le chômage et la misère gagnent de plus en plus de terrain, où une partie importante de la population est en situation de pauvreté (15%) et est laissée au bord de la route. Dans ces conditions le PS ne veut certainement pas de conflits qui pourraient mettre à mal sa position au sein des institutions de l’Etat, il fait tout ce qu’il peut avec la collaboration de l’appareil syndical afin de limiter les conflits comme celui de Splintex. De même le PS veut circonscrire les conflits de peur d’éloigner les éventuels investisseurs à venir en Wallonie. Il joue ainsi le rôle du pompier au service du patronat. La tradition réformiste du PS qui touche de larges secteurs de l’appareil syndical FGTB, tradition qui ne conçoit l’amélioration de la société que par la voie parlementaire, s’accorde très mal avec des mots d’ordre de grève régionale ou nationale, car il existe toujours le risque qu’une grève régionale de 24 heures s’élargisse et prenne un caractère nettement politique surtout avec un conflit comme celui de Splintex qui reçoit un grand appui parmi l’ensemble des travailleurs.

    L’idéologie réformiste, qui prédomine au sein des instances syndicales FGTB qui considèrent toujours le PS comme leur relais politique, pèse également sur les délégations syndicales qui n’ont pas une longue expérience de la lutte de classe et qui sont facilement enclines également à accepter le réformisme parce qu’elles ne voient pas ou ne croient pas dans l’efficacité d’un syndicalisme combatif qui remet en cause le capitalisme. On peut encore citer l’exemple d’un ex-délégué verrier FGTB qui n’est pas membre du PS mais qui est depuis longtemps un électeur assidu du PS. Il n’est pas aveugle pour autant. Quand il intervient à la tribune, il critique le PS pour sa politique réformiste et son manque de soutien aux travailleurs en général et à la grève de Splintex en particulier et « estime que le MR n’a plus le monopole du libéralisme, le PS s’en chargeant lui-même » . Il lui est répondu par Marcel Bierlaire président de la FGTB de Charleroi « Si vous avez des critiques à faire au PS, vous devez aller les faire au PS mais pas ici ».

    Pourquoi avons-nous autant insisté pour que l’interprofessionnelle donne le mot d’ordre de 24 heures de grève avec piquets devant les usines à Charleroi ?

    1) Parce que d’une part, la direction d’AGC, filiale de la multinationale japonaise avait le soutien inconditionnel de la FEB et aussi de la police, de la justice, de la presse et du politique. Les plus hauts dirigeants du PS en particulier ne sont pas restés au balcon. Le 2 décembre le Ministre de l’Emploi Marcourt (PS) a réuni d’urgence le comité d’alerte pour faire libérer la direction afin qu’elle puisse négocier, mais quand la direction a bloqué les négociations, ne voulant pas dépasser les Conventions Collectives du Travail conclues dans les autres usines verrières, Marcourt n’est plus intervenu sauf pour déclarer qu’il « fallait sauver l’essentiel des 560 emplois restants et laisser éliminer les 249 emplois que la direction avait prévus. » Le Ministre-Président Van Cauwenberghe (PS) a dit à plusieurs reprises que « ce n’est pas à Fleurus qu’on gagne la bataille contre la globalisation ». Il a considéré la grève de Splintex « comme une tache noire pour la Wallonie ». Freya Van den Bossche (SP.a), Ministre fédérale de l’Emploi, a autorisé et permis l’intervention des robocops sans raison aucune – si ce n’est que pour impressionner les grévistes – vu que la police locale assumait le maintien de l’ordre normalement.

    Laurette Onkelinks (PS), Ministre de la Justice, n’a fait aucun commentaire quand le tribunal a infligé 7.500 euros d’astreintes aux grévistes, mettant à mal les libertés syndicales. Ces attaques patronales mettant à mal les libertés syndicales se répètent de plus en plus. Le conciliateur social A. Blaimont n’a pas eu non plus une attitude impartiale dans le conflit. Il a déclaré dans la presse qu’il était « estomaqué » par le résultat du vote négatif. « C’était un texte acceptable; évidemment il y avait 249 emplois perdus, mais on en sauvait 566 autres, on se retrouve maintenant dans une situation où je me demande si l’usine ne va pas être fermée ». Il ne voit pas ce qu’il va pouvoir encore apporter dans ce conflit pour aider l’entreprise à sortir de la crise.

    2) Et d’autre part, devant cette concentration de forces pour soutenir les patrons d’AGC, il était impératif et nécessaire – si les appareils syndicaux voulaient vraiment que la lutte soit gagnée – d’organiser un soutien équivalent afin de créer un rapport de force en faveur des grévistes et de mettre dans la balance, pour faire le contre-poids, toute la force, tout le poids de la classe ouvrière. Il n’y a pas d’autres moyens plus efficaces que d’étendre la grève aux autres usines et de commencer par une grève générale interprofessionnelle de 24 heures à Charleroi. Nous pensons que les patrons et une multinationale agressive ne plient que face aux grèves régionales et, s’il le faut, nationales. Ces 24 heures de grève proposées ne devaient pas être une fin en soi, mais le début d’actions plus dures. Je ne pense pas comme le sous-entendent certains camarades que ces 24 heures de grève soient « la panacée », mais l’histoire des luttes sociales du mouvement ouvrier nous enseigne que les patrons ne comprennent qu’un seul langage, le langage de l’action généralisée.

    Vote secret ou vote à main levée ?

    Dans le conflit, alors que les travailleurs réunis en assemblée générale pratiquaient le vote à main levée afin de prendre des décisions démocratiquement – il était question de la poursuite ou non de la grève – la direction d’AGC a tenté d’imposer et finalement obtenu l’application du vote secret.

    Il faut tenir compte du fait que les moyens d’information dont dispose le patronat sont beaucoup plus importants que ceux dont disposent les organisations ouvrières. Dans ces conditions, il est plus facile au patronat d’influencer les travailleurs à son avantage via les médias (qui manquent toujours d’objectivité dans les conflits). Les travailleurs, eux, ont comme moyen d’information principal les assemblées générales et la force combative qu’elles dégagent pour orienter la lutte dans le sens ouvrier. Les décisions prises collectivement en assemblée générale sont pour les travailleurs l’expression de la démocratie ouvrière de base la plus totale.

    Les méthodes de vote individuel à bulletin secret comme aux élections législatives n’ont rien à voir avec la pratique démocratique des méthodes traditionnelles employées depuis toujours par les travailleurs en lutte. Dans tous les mouvements sociaux, il y a toujours une partie des travailleurs qui sont plus conscients, plus décidés, plus combatifs et qui veulent agir collectivement pour le bien de l’ensemble où la solidarité collective est primordiale. C’est ce qu’on appelle l’avant-garde, qui tire le mouvement vers l’avant. Et l’autre partie, qui est moins consciente, moins décidée, plus hésitante, où l’individualisme est le plus important. Il prend souvent le dessus sur le collectif. C’est ce qu’on appelle l’arrière-garde, qui tire le mouvement vers l’arrière.

    Le vote à main levée va dans le sens de l’intérêt de la solidarité collective. Tandis que le vote à bulletin secret privilégie les intérêts individuels au détriment du collectif.

    C’est pour toutes ces raisons que les patrons – et souvent les appareils syndicaux – préférent les votes à bullletin secret car l’individualisme est synonyme de fatalisme qui se résume en fin de compte à accepter la crise capitaliste.

    Pourquoi les appareils syndicaux sont-ils un tel frein ?

    La peur des arguments patronaux n’a pas été absente dans cette lutte, la menace de fermeture a servi comme argument massue pour impressionner les permanents en charge qui y ont trouvé un faux prétexte pour accepter la reprise du travail et le plan patronal. L’argument sous-jacent pour accepter était « Nous ne voulons pas prendre le risque d’être responsables de la fermeture ». C’est pour cela qu’ils ont signé le protocole d’accord le soir du 13 mars 2005 à Namur. Protocole qui comprenait d’ailleurs au point 2.2 «Quelles que soient les modalités d’organisation de cette assemblée et l’issue de celle-ci, les organisations syndicales s’engagent à signer le préaccord joint au présent protocole »

    Le vote par les travailleurs de Splintex qui devait avoir lieu le 15 mars, pour se prononcer sur l’arrêt ou la poursuite de la grève, n’était pas encore connu que les appareils syndicaux en front commun FGTB-CSC avaient déjà signé deux jours plus tôt. C’est comme cela que les appareils syndicaux conçoivent en pratique la démocratie. Ils ont cédé à la pression et à l’ultimatum de la multinationale japonaise.

    Dès le début, la stratégie syndicale n’était pas à la hauteur de l’enjeu. Les appareils syndicaux ont emmuré et laissé pourrir le conflit au lieu d’organiser la solidarité à l’ensemble des autres usines de la régionale de Charleroi et de profiter du temps qui leur était disponible par le fait que la direction d’AGC, qui n’était pas pressée, faisait traîner les négociations. L’occupation de l’usine couplée à un élargissement de la lutte, proposition faite le 16 janvier, n’a pas été reprise non plus par la délégation syndicale, ni par l’appareil FGTB-CSC sous prétexte que les ouvriers auraient pu endommager l’outil. Alors que les ouvriers sont les premiers à défendre leurs outils de travail et que la police aurait eu beaucoup plus de mal à déloger les travailleurs qui occupent l’usine qu’à casser un piquet. Les patrons auraient eu également plus de mal à faire redémarrer partiellement l’usine avec les jaunes qui, suite à des pressions patronales et financières, ont cédé et repris le travail. Dans une situation qui s’enlisait, il était évidemment plus facile aux patrons d’organiser de l’intérieur de l’usine les non-grévistes afin de réclamer la reprise du travail et d’exercer des pressions sur les grévistes. Dès le début, la stratégie patronale était de briser la grève, d’organiser sous la conduite des cadres un comité anti-grève qui était comme un loup dans la bergerie; il n’est pas impossible que le patronat utilise ce genre de comité à l’avenir pour briser les futures grèves, voire constituer un embryon de syndicat corporatif jaune encore plus à droite que la C.S.C. Dans un conflit avec des objectifs importants comme c’était le cas à Splintex, il doit être constitué dès le début par les grévistes eux-même réunis en assemblée générale un comité de grève révocable par celle-ci ; Cette assemblée doit élire les ouvriers les plus combatifs et les plus déterminés indépendamment de l’affiliation syndicale. Ce comité de grève doit tenir une assemblée générale tous les jours afin que l’ensemble des travailleurs soient tenus au courant de tout et participent activement au développement de la lutte. Un plus grand nombre de travailleurs se sent alors plus concernés, plus impliqués, ils se sentent partie prenante et ce n’est pas toujours les mêmes qui se retrouvent au piquet. De plus, ils ne sont pas tenus par les éventuels accords précédents (par exemple des accords de paix sociale), ils n’ont qu’un seul objectif, la victoire de la grève.

    Pendant le conflit d’AGC à Fleurus, il y a eu trois manifestations à l’appel des syndicats :

    -La première le 13 décembre où 6.000 travailleurs manifestent dans les rues de Charleroi dans le contexte des négociations interprofessionnelles.

    -La deuxième le 25 janvier où 3.000 travailleurs manifestent contre l’intervention des tribunaux dans les conflits sociaux. Entre autres dans le conflit de Splintex où des astreintes sont d’abord fixées à 5.000 puis à 7.500 euros.

    -La troisième le 11 mars (à l’appel de la seule FGTB) où 1.500 travailleurs manifestent dans les rues de Fleurus. Il faut noter que c’est la première et unique manifestation qui était organisée directement et exclusivement pour la défense de l’emploi d’AGC et seulement après 100 jours de grève, quand le conflit était presque terminé. Comme d’habitude, les drapeaux rouge sont présents, mais cette fois on sentait bien que le cœur n’y était plus. On avait l’impression, après les remerciements des responsables syndicaux, que l’on assistait à un enterrement de première classe. Pourtant les grévistes n’avaient pas encore dit leur dernier mot. Ils croyaient toujours comme au premier jour de grève que la lutte qu’ils menaient pour la défense de l’emploi était et restait juste et n’était pas encore terminée. Ils étaient toujours disposés à continuer la lutte.

    Le témoignage d’Elise (nom d’emprunt), épouse d’un travailleur d’AGC avec 18 ans d’ancienneté, qui était souvent avec son mari au piquet, est sans équivoque. Il mérite d’être rappelé, car ce témoignage paru dans La Nouvelle Gazette du 11 mars 2005, cerne très bien le problème qui était posé par les travailleurs pour le maintien de l’emploi pour eux et leurs enfants. Elle y dit :

    « Pour l’emploi de nos enfants aussi. Cela fait trois mois que nous vivons des moments difficiles, sans plus de rentrées de salaires, nous avons trois enfants : 18, 17 et 13 ans. Ils sont malheureux de ce qui se passe mais ils savent que leur papa se bat pour l’emploi. Et s’il n’y a pas d’emploi pour nous, il n’y en aura pas pour nos enfants ».

    Quelques jours après la manifestation de Fleurus, le mardi 15 mars, les grévistes étaient venus en nombre devant l’usine pour connaître le résultat du vote; ils étaient impatients. Ils discutaient entre eux. Ils disaient, une fois de plus, qu’ils avaient manqué de soutien, y compris des instances supérieures de la FGTB. Un ouvrier gréviste disait : « A part la manifestation du début à Charleroi (pour les négociations interprofessionnelles) il n’y a pas eu pour nous une grande action, pourtant quand ils veulent mobiliser, ils le peuvent. C’est ce qu’ils sont en train de faire pour la manifestation de samedi prochain à Bruxelles. » (il s’agit des manifestations du 19 mars à Bruxelles à l’appel du FSE, de la CES et de la Marche des Jeunes) ». Ce témoignage exprime (même si comme on l’a vu par après, la FGTB n’a que très peu mobilisé pour cette journée du 19 mars et, par peur du potentiel que pouvait représenter la Marche des Jeunes, a freiné sa mise en place et la mobilisation) que les travailleurs sont conscients du fait que l’appareil a une capacité de mobilisation immense, mais qu’il ne s’en sert que pour ses propres intérêts.

    Quel rôle a joué la CSC ?

    L’appareil national et régional de la CSC pratique depuis toujours et partout une politique de collaboration de classe avec les patrons qui déteint sur les délégations syndicales CSC. Dans la pratique de tous les jours elle est le relais du patron dans l’usine, même si dans certains cas, poussée par la base, elle doit aller plus loin qu’elle ne le veut. Dans le conflit d’AGC elle est restée fidèle à elle-même. L’appareil de la CSC est toujours le premier à rompre l’unité à la base qui existe, même en pleine lutte. Dans la grève de Splintex cette attitude habituelle s’est confirmée. Le permanent régional CSC R. Wanty déclarait dans une conférence de presse que « la direction d’AGC s’installe dans le conflit; une délocalisation est à craindre » et il se disait « prêt à négocier, même seul s’il le fallait ». Alors que l’assemblée du personnel s’était prononcée le matin même et avait donné mandat aux délégués pour ne pas négocier si le patron ne revoyait pas sa copie, la CSC voulait négocier à tout prix et était fin prête à accepter le plan patronal sans grande discussion, ouvrant ainsi une brèche dans le front uni des travailleurs FGTB-CSC. Tout au long du conflit, une grande partie des affiliés CSC s’en sont pris à l’attitude de la délégation CSC. Mais au cours des dernières semaines, les travailleurs ont condamné la position de la CSC qui a fait ouvertement le jeu des patrons, renforçant ainsi la tendance des moins combatifs à reprendre le travail. Ils ont même demandé la démission du délégué principal CSC. Il ne faut jamais oublier qu’à l’origine de la naissance du syndicalisme, la CSC a été créée par les patrons pour combattre la FGTB. Il est incontestable que dans cette grève la CSC a joué un rôle néfaste et qu’elle porte une lourde responsabilité dans la défaite de ce conflit. Parfois, certains délégués CSC de base vont plus loin que leur direction, mais ça reste exceptionnel car dans la plupart des cas comme à Splintex, ils se sont alignés sur la direction régionale et nationale de la CSC.

    Le rôle du PTB

    Le PTB, parti stalinien, a été félicité publiquement par C. Viroux à la manifestation de Fleurus pour sa position de non-ingérence dans le conflit d’AGC. Le PTB a relayé dans ses tracts et dans sa presse les revendications des travailleurs de Splintex. Il est resté à la remorque de l’appareil syndical sans donner de perspectives autres que celles que celui-ci autorisait. Et surtout il n’a pas soutenu la proposition d’une grève de 24 heures à Charleroi qui avait été faite en assemblée interprofessionnelle des délégués. Cette attitude est curieuse vu que le PTB écrit dans son journal du 8 décembre 2004 : « Pour beaucoup, la victoire dans cette lutte sociale dépendra de la solidarité venant des autres entreprises ». Et plus tard, le 2 février 2005 dans Solidaire, il écrit : « Le PTB propose une grève de 24 heures dans toute la région » Mais si on est vraiment convaincu que c’était nécessaire, il ne suffit pas de l’écrire une fois pour toute dans son journal comme une proposition platonique. Il faut tout faire pour que cette proposition soit diffusée largement par des tracts afin qu’elle soit acceptée et imposée aux appareils syndicaux à travers la pression exercée par les travailleurs. Mais cela n’a pas été le cas ; au contraire, dans la pratique le PTB a préféré ne pas affronter les appareils syndicaux avec cette proposition de 24 heures de grève qui ne convenait pas aux bonzes syndicaux. Il y a là une contradiction évidente qui doit être considérée en fin de compte comme une attitude de suivisme, le PTB ne voulant pas entrer en opposition avec la position de l’appareil syndical. En plus lors d’une réunion dans le local du PTB, un ex-délégué qui critiquait le refus de l’interprofessionnelle FGTB d’étendre la grève a été prié de se taire ; comme respect de l’expression démocratique et de ceux qui ne pensent pas comme eux, ils sont très loin du compte. Ce parti opportuniste et sectaire n’exerce que très peu d’influence sur les ouvriers. En fin de compte, le PTB a eu comme position de suivre l’appareil syndical comme une fin en soi et on connaît le résultat pour les travailleurs qui se retrouvent sur le pavé.

    Le rôle du POS

    Le POS a distribué un tract où on pouvait lire: « l’interprofessionnelle doit passer à l’action en appelant à une grève générale régionale de 24 heures ». Mais ses militants et ex-délégué FGTB ne se sont pas battus dans les assemblées interprofessionnelles pour arracher ce mot d’ordre. Ils n’ont pas non plus appuyé la proposition quand elle a été faite dans l’assemblée, ils ont préféré suivre l’appareil syndical qui n’en voulait pas en disant comme A. Henry à la tribune syndicale : « C’est quand les robocops sont intervenus à Splintex qu’il aurait fallu faire une grève de 24 heures; ça n’a pas été fait mais ce n’est pas grave ». Si c’est grave parce qu’un mot d’ordre de 24 heures de grève générale régionale, bien qu’il soit correct de le proposer dans un tract comme l’a fait le POS, n’est pas suffisant en soi. Il faut que ses militants se battent contre l’appareil syndical pour l’obtenir si on ne veut pas que ce soit seulement de la propagande de parti. Dans certains conflits comme celui de Splintex il faut oser prendre ses responsabilités et affronter démocratiquement l’appareil syndical qui refusait de généraliser la grève de Splintex. Toujours revenir sur les grèves du passé, comme celle qui s’est déroulée en 1975 à Glaverbel-Gilly, même si elle a été importante, n’est pas une attitude correcte qui correspond à la réalité d’aujourd’hui, car le contexte de 1975 n’est pas du tout le même qu’en 2005. C’est pendant l’assemblée interprofessionnelle au moment où la discussion était très vive entre les bonzes syndicaux et certains délégués et militants de base qu’à choisi A. Henry pour dire à la tribune : « je pense personnellement que l’interprofessionnelle a fait son travail, elle s’est démenée pour trouver le matériel de projection pour projeter le film sur la grève de Glaverbel en 1975 ». Au lieu d’emboîter le pas et de couvrir les appareils syndicaux, les militants ou ex-délégués qui se revendiquent du marxisme doivent s’efforcer à chaque occasion de dénoncer les freins que constituent les appareils syndicaux réformistes. Comme cela a été le cas dans la grève de Splintex. Tous ceux qui n’agissent pas en conséquence n’ont pas du tout compris ce qu’il y a d’essentiel dans le marxisme, à savoir la lutte anti-capitaliste sans complaisance pour les directions du mouvement ouvrier qui freinent les luttes.

    S’il est exact de dire comme le fait A. Henry dans son article paru dans La Gauche d’avril 2005, n°12, où il écrit entre autres: « Car cette solidarité doit être plus que jamais une participation active au combat quotidien des grévistes, elle ne peut pas se limiter seulement à une aide financière épisodique. Elle doit au contraire être partie prenant et intégrale de la lutte et ce à l’échelle nationale, européenne, internationale ». Nous pouvons être d’accord avec cette prise de position, mais il est regretable qu’elle vienne quand le conflit est terminé. Alors que pendant la grève, dans la pratique, il a pris une position tout à fait contraire en empêchant toute initiative du comité de soutien sous prétexte de « non-ingérence dans le conflit ». Plusieurs militants du comité de soutien voulaient aller dans le sens qu’il indique dans son article. C’est-à-dire être partie prenante et intégrale dans la lutte, ces militants avaient comme objectif principal l’extension de la grève à la région. Mais cela n’a pas été possible car A. Henry a fait barrage. Il a refusé de rompre le lien qui le lie à l’appareil syndical réformiste. C’est suite à ces divergences fondamentales que le comité de soutien s’est coupé en deux tendances.

    Dans le contexte politique d’aujourd’hui, il ne suffit plus d’apparaître à gauche en lançant un appel à la création d’un forum syndical et en écrivant à juste titre d’ailleurs que : « les organisations syndicales sont sclérosées par une bureaucratie étouffante que les syndicalistes ont le devoir de combattre en luttant pour une véritable démocratie ». Et dans la pratique faire juste le contraire. Dans la grève d’AGC-Fleurus les initiateurs de cet appel se sont mis eux-mêmes dans une situation de refus de combattre l’appareil bureaucratique. Ils ont limité leur intervention dans le cadre autorisé par la bureaucratie sans jamais vouloir la critiquer sous prétexte qu’ils n’avaient pas à « s’ingérer dans le conflit ».

    Si c’est de cette façon qu’ils conçoivent le devoir de combattre pour une véritable démocratie, c’est qu’ils n’ont toujours pas compris ce qu’il y a de fondamental dans la pratique de la lutte de classe. Quand on écrit ce genre d’appel, il faut être conséquent avec sois-même si on veut éviter que ce soit des paroles en l’air. Toujours craindre de critiquer démocratiquement l’appareil syndical sous prétexte que sans lui nous ne somme rien, ça revient à dire qu’il faudra bientôt lui demander l’autorisation de respirer.

    Que manque-t-il pour gagner les luttes futures ?

    Tous les délégués et militants syndicaux combatifs doivent développer dans les usines une stratégie de lutte de classe sur base de la compréhension qu’un changement de la société est nécessaire, que sous le régime capitaliste tout acquis n’est que provisoire. Il reprend aux ouvriers de la main droite ce qu’il leur a donné de la main gauche. Mais il faut aussi avoir la compréhension du rôle de l’Etat dans cette société et de la nature du PS et des appareils syndicaux. Si nous ne voulons plus continuer d’aller de défaites en défaites, nous devons nous organiser à la base dans une tendance de gauche syndicale à l’intérieur de notre syndicat, il n’est nullement question de créer un nouveau syndicat, c’est une question de principe. Mais d’avoir pour objectif d’organiser les travailleurs en rupture avec les méthodes réformistes de collaboration de classe qui ne conduisent inévitablement qu’à des défaites successives. S’organiser afin de gagner les luttes qui se développent et contre les attaques répétées des patrons. Mais cela n’est pas suffisant, il faut aussi s’organiser afin d’avoir un prolongement politique qui s’appuie sur les méthodes traditionnelles de la lutte de classe. Pour cela il faut construire un grand parti ouvrier s’appuyant sur un programme anti-capitaliste, organe de combat de la classe ouvrière pour permettre la transformation socialiste de la société. Pour empêcher les délocalisations continuelles, il faut un programme qui empêche les multinationales de délocaliser en exigeant pour les entreprises qui menacent de fermer le remboursement des aides publiques qu’ils ont reçues ainsi que la nationalisation sans rachat ni indemnité sous contrôle ouvrier. Un grand parti ouvrier qui lutte contre le capitalisme et qui ne fait aucune concession politique, ni au PS ni aux appareils syndicaux, n’existe pas encore à ce jour. Le MAS est partie prenante dans cette construction; il est encore petit à l’heure d’aujourd’hui, mais ses militants agissent sur le plan syndical et politique avec des revendications et un programme qui va dans un sens anti-capitaliste et anti-réformiste.

    C’est aux travailleurs et à son avant-garde qu’incombe la tâche d’atteindre ce but. Le MAS veut contribuer à la construction d’un grand parti ouvrier. « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ». Nous, les syndicalistes, savons par expérience que le syndicat est le dernier rempart des travailleurs contre toutes les attaques patronales. Mais il ne faut pas pour autant se mettre un bandeau sur les yeux. Il faut toujours et en toutes circonstances savoir faire le bilan d’un conflit quel qu’en soit le résultat. C’est au travers de la lutte, de la discussion, de la critique que le mouvement ouvrier a progressé et certainement pas en voulant nous faire prendre des vessies pour des lanternes comme tentent de le faire depuis plusieurs années les bonzes syndicaux.

    Cette brochure ne va pas faire que des heureux mais si ceux qui osent critiquer l’appareil syndical sont considérés par les bonzes syndicaux comme des anti-syndicalistes, alors il faut se poser la question : le syndicat en 2005 est-il encore une organisation démocratique? Si ce n’est plus le cas, alors il faut le dire ouvertement afin que les travailleurs sachent à quoi s’en tenir. Dans la pratique de la lutte de classe, la vérité à ses droits. La ligne politique qui en découle doit être placé au dessus des éventuelles amitiés où camaraderies qui peuvent exister.

    LE SOCIALISME EST MAITRE DE L’HEURE,

    MAIS IL FAUT POUR CELA QUE TOUS CEUX QUI SE DISENT SOCIALISTES, SOIENT DIGNES DE CE NOM.

    OUI A LA LUTTE DE CLASSE

    NON A LA COLLABORATION DE CLASSE

    VIVE LA GREVE DES TRAVAILLEURS DE SPLINTEX


    P.S. : Il y a encore beaucoup de choses à dire sur la grève d’AGC. Mais nous allons nous arrêter ici pour le moment. Nous ne manquerons pas de revenir sur ce conflit qui restera dans les mémoires des travailleurs. En tout cas, tous ceux qui s’y sont investis resteront marqués pour toujours.

  • Accord interprofessionnel. Elio et Freya dans le camp du patronat

    Accord interprofessionnel

    Pour la première fois en Belgique, un accord interprofessionnel a été rejeté par un syndicat, la FGTB. Le contenu de l’accord sera cependant appliqué car le gouvernement a décidé de l’imposer d’autorité.

    Guy Van Sinoy

    A l’annonce du rejet par la FGTB, la bourgeoisie a poussé des hurlements grotesques: «La FGTB saute à la gorge du patronat» (L’Écho, 8/2/05). La CSC et la CGSLB, qui avaient approuvé le projet, n’ont pas osé signer sans la FGTB et ont appelé le gouvernement à l’appliquer intégralement par voie d’autorité. Ce que le gouvernement s’est empressé de faire quelques jours plus tard.

    Un projet qu’il fallait zapper

    Le projet d’accord prévoyait: une norme de hausse salariale maximale de 4,5% [y compris l’in-dex (on prévoit 3,3%), les augmen-tations barémiques (0,5% l’an), la hausse tendancielle du salaire moyen due à la diminution d’emplois non qualifiés (0,5% l’an)]. Etant donné la hausse de productivité (de 1 à 1,5% l’an), une norme de 4,5% signifie une baisse réelle des salaires par unité produite.

    Le projet prévoyait aussi que la limite des heures supplémentaires passerait de 65 heures à 130 heures. Le gouvernement avait promis 250 millions d’euros de cadeaux au patronat pour faire passer plus facilement l’accord.

    Accepter un tel accord, c’était se mettre un carcan autour du cou avant de négocier les conventions collectives dans les secteurs. La manifestation syndicale du 21 décembre à Bruxelles (50.000 manifestants) a montré que les militants de base ne voulaient pas d’un tel carcan.

    Fracture communautaire ?

    La CSC a approuvé le projet à 74,8%, la CGSLB à 67%. La FGTB l’a rejeté à 52% (67% de non en Wallonie, 55% de non à Bruxelles, 52% de oui en Flandre). Immédiatement les médias ont parlé de « fracture communautaire » au sein de la FGTB. Quand il s’agit d’essayer de diviser les travailleurs, la presse au service de la bourgeoisie n’en rate pas une!

    Au comité national de la FGTB, les centrales détiennent 2/3 des mandats et les régionales 1/3. C’est donc le poids des centrales qui pèse le plus dans la balance, et en particulier celui des grosses centrales. Le SETCa a rejeté le projet à 98% et la CMB (métal) à la majorité des 2/3. La Centrale générale a voté pour, mais d’extrême justesse: à Anvers et à Gand l’accord a été rejeté. La CGSP a voté pour à 80%, le textile et le transport à 100%. La Centrale de l’Alimentation : 50% pour, 49% contre.

    A la CSC, la LBC (les employés en Flandre, la plus grosse centrale de la CSC), a voté contre, de même que la CNE (les employés du côté francophone). La CNE et la LBC couvrent notamment le secteur du non-marchand, actuellement en lutte. Les fédérations CSC de Liège, Verviers, Mons, Brabant wallon, Charleroi ont voté contre. Anvers a voté contre à 100%. Au Limbourg il y a eu une forte opposition.

    Qu’est-ce que ça change ?

    Si le gouvernement l’impose, cela revient-il au même que si l’accord avait été signé? Pas du tout. Il faut savoir que la norme de 4,5% n’est qu’indicative. Autrement dit, dans les conventions de secteurs il est légalement permis d’aller au-delà. Si l’accord avait été accepté par les syndicats la norme aurait aussi été indicative, mais dans la mesure où les syndicats l’auraient acceptée, elle devenait un engagement moral à respecter dans les conventions de secteur. Cette norme de 4,5% a donc beaucoup moins de poids, en particulier pour les centrales qui ont massivement voté contre.

    Elio et Freya dans le camp du patronat

    Personne ne doutait que la ministre de l’Emploi Freya Van den Bossche (SP.a), qui trouvait l’accord «fantastique», l’appliquerait d’autorité s’il était rejeté par les syndicats. Cela fait un bon bout de temps que les politiciens du SP.a (Vandenbroucke, Vande Lanotte, Luc Van den Bossche,…) s’en prennent ouvertement et cyniquement au monde du travail.

    Elio Di Rupo par contre, à force de gesticulations verbales, parvient encore à donner du PS l’image d’un parti de gauche moderne. Mais c’est au pied du mur qu’on voit le maçon ! A peine rentré de Porto Alegre où il était allé faire le guignol, Elio a donné le feu vert à Verhofstadt pour faire appliquer le contenu de l’accord.

    Le SP.a et le PS sont les meilleurs garants de la politique de la bourgeoisie. Ceux qui votent pour ces partis, en pensant que c’est un moindre mal, se mettent eux-mêmes la corde au cou. Les travailleurs ont besoin d’un nouveau parti. Le MAS entend participer à ce travail de reconstruction du mouvement ouvrier. Et, dans l’immédiat, le meilleur moyen de progresser dans cette voie est de nous rejoindre.

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