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Tag: Fiscalité
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Imposons à l’agenda l’impôt sur la fortune!
Le président américain Joe Biden veut taxer plus lourdement les sociétés et les gros revenus. Les conservateurs britanniques, le FMI et l’OCDE font des plaidoyers similaires. Veulent-ils que les riches paient pour la crise ? Et si oui, cela résoudra-t-il les problèmes croissants de l’économie capitaliste ? Et que va faire le gouvernement belge ? Saisira-t-elle l’opportunité d’une fiscalité plus équitable, ou espère-t-il au contraire, avec tout le patronat, que cela puisse lui procurer un avantage concurrentiel ?Par Éric Byl, édito de l’édition de mai de Lutte Socialiste
« There is no alternative » ?
Il est frappant de constater que ces propositions émanent précisément des pays et des institutions qui, il y a 40 ans, ont inauguré l’ère néolibérale. À l’époque, on louait la « main invisible du marché». Au nom du profit, les capitalistes ont déclaré une guerre de classe unilatérale contre les conquêtes des travailleurs. Les charges salariales devaient être réduites, la flexibilité accrue, nous devions faire toujours plus avec moins. L’incertitude, les libéralisations, les privatisations et les réductions d’impôts pour les entreprises et les hauts revenus régnaient. Le gouvernement devait se concentrer sur ses tâches essentielles : créer un climat accueillant pour les entreprises privées et fournir une bonne infrastructure. Mais pour le reste, il devait surtout dégraisser.
C’est ce que nous a martelé la machine de propagande capitaliste. De nombreux travailleurs, des syndicalistes aussi, et certainement les politiciens de « gauche » ont été entraînés dans la logique. « There is no alternative » (TINA, il n’y a pas d’alternative) disait Thatcher, gourou par excellence du néolibéralisme. Ceux qui sortaient du cadre, comme le gouvernement français de l’époque, sous Mitterrand, ont fait face à une grève du capital et ont rapidement corrigé le tir. Mais le dégraissage de l’État est devenu une illusion. Dans l’ensemble, les dépenses publiques ont continué à augmenter. Une économie moderne et de haute technologie nécessite un enseignement et des infrastructures adaptés et donc plus coûteux. La réduction des services sociaux et l’augmentation du niveau d’exploitation se sont traduites par une augmentation des dépenses liées à la répression et par des déficits profonds dans le domaine des soins de santé. Enfin, la privatisation des bénéfices et la nationalisation des pertes lorsque les choses tournent mal, comme ce fut le cas en 2008/2009, coûtent des montagnes d’argent.
De la spirale infernale à une augmentation des impôts ?
À partir des années 1980, une guerre fiscale a fait rage entre les différents pays capitalistes, entraînant une course vers le bas. De 40 % en 1980, le taux officiel mondial moyen d’imposition des entreprises est tombé à moins de 24 %. En Belgique, le taux a été réduit de 45 % à 34 % dans les années 1980, puis à 25 % aujourd’hui à partir de 2017. Les taux les plus élevés de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, qui pouvaient atteindre 72 %, ont été ramenés à un maximum de 50 % en deux réformes. À partir des années 1980, les revenus du patrimoine ne sont plus ajoutés aux autres revenus, mais font l’objet d’un prélèvement libératoire avec des taux beaucoup plus faibles (15 à 25%). Aux États-Unis, Trump a réduit le taux d’imposition des sociétés de 35 % à 21 %.
Biden veut maintenant ramener ce taux à 28 %, taxer plus lourdement les revenus supérieurs à 400.000 dollars par an et introduire un impôt minimum global de 21 % pour les sociétés. Les conservateurs britanniques veulent faire passer l’impôt sur les sociétés de 19 à 25 % en quatre ans. Le FMI veut une taxe de solidarité pour les hauts revenus et les entreprises qui ont bien tourné durant la pandémie. Outre le caractère limité – elles concernent moins de 10% des 2.300 entreprises visées par le plan initial de l’OCDE – ou temporaire de ces réformes, elles comportent également un fort élément nationaliste. Les multinationales seraient taxées en fonction de leurs ventes, un avantage pour les pays au niveau de vie plus élevé, ce qui favorisera également les délocalisations. De plus, Biden veut utiliser les sommes récoltées pour investir dans les infrastructures dans le cadre de la guerre froide avec la Chine. Mais il reconnaît du même coup implicitement l’échec de l’idéologie néolibérale et l’énorme mécontentement de la base de la société, qui mine le capitalisme et ses partis politiques.
Les grandes entreprises et les riches n’accepteront pas cela à la légère. Les experts fiscaux bien rémunérés dissimuleront les revenus pour éviter l’impôt. Selon l’Alliance mondiale pour la justice fiscale, quelque 427 milliards de dollars de recettes fiscales sont perdus chaque année. Le taux d’imposition effectif moyen des sociétés aux États-Unis n’est que de 11,2 %. Et plus elles sont grosses, plus elles trouvent d’échappatoires. En 2019, les 50 entreprises bénéficiant du plus grand abattement fiscal en Belgique n’ont payé en moyenne que 1,7 % d’impôt sur les bénéfices, les 1000 premières entreprises selon les bénéfices réalisés ont payé en moyenne 6,3 %. En bref, nous sommes favorables à la taxation des riches, mais nous ne nous faisons pas d’illusions. Un véritable accès aux richesses passe par l’ouverture des livres de comptes et par la nationalisation des entreprises clés sous le contrôle démocratique des travailleurs et des opprimés et par une véritable coopération internationale.
La justice fiscale
Les propositions de Biden et consorts permettront-elles de relancer durablement l’économie ? Avec les interventions monétaires des banques centrales et les mesures de relance budgétaire, elles représentent un tournant majeur dans l’espoir de maintenir le capitalisme à flot. Cependant, elles sont insignifiantes par rapport aux phases précédentes qui ont conduit à une croissance soutenue. La Belle Époque, les années folles et l’État-providence d’après-guerre ont tous été précédés par des économies de guerre dans lesquelles le gouvernement a pris le contrôle total avec des investissements publics massifs. Les mesures de Biden se rapprochent plus de celles du New Deal de Roosevelt, mais elles n’ont pas suffi à sortir les États-Unis de la dépression des années 30 ; cela ne s’est produit que pendant et après la guerre.
Le gouvernement belge va-t-il suivre le mouvement ? Lorsque nous voyons à quel point les incitations de « nos » gouvernements sont limitées, même par rapport aux normes européennes, cela ne semble pas bon. La FEB et, dans son sillage, les gouvernements belges, espèrent que les pays voisins interviendront et prendront le relais. En ce qui concerne la fiscalité, nous ne devons pas nous attendre à plus que quelques changements cosmétiques sauf sous grande pression du mouvement ouvrier. Cela aurait été l’occasion d’introduire une taxe du type que propose le PTB sur les millionnaires. Elle serait certainement appréciée dans l’opinion publique, mais elle ne nous sera pas donnée gratuitement. S’il y a jamais eu un moment pour que le PTB et les syndicats traduisent leur langage sur la justice fiscale en une mobilisation réelle et concrète, c’est bien celui-là. -
Le capitalisme fait-il payer les riches ? Réponse socialiste au sujet de Biden, du FMI et des hausses d’impôts

Bien que la proposition de Biden fasse payer plus d’impôts à Google dans certains pays, c’est aussi un moyen d’éviter différents types de taxes numériques à différents niveaux (Photo : Outreach Pete / Flickr CC). Pourquoi le FMI, Joe Biden et le gouvernement britannique, parmi de nombreuses autres institutions et gouvernements capitalistes, préconisent-ils soudainement une augmentation des impôts ? Ces mesures résoudront-elles les problèmes qui s’accumulent dans l’économie capitaliste ?
Per-Ake Westerlund, Rattvisepartiet Socialisterna (ISA en Suède)
En un court laps de temps, les propositions suivantes ont été annoncées :
- Le gouvernement britannique conservateur va augmenter l’impôt sur les sociétés de 19 à 25 % au cours des quatre prochaines années.
- Le nouveau président américain, Joe Biden, propose d’augmenter l’impôt sur les sociétés de 21 à 28 %, ainsi que l’impôt sur les personnes gagnant plus de 400.000 dollars par an, afin de financer un plan d’infrastructure de 3 à 4 billions de dollars. En outre, la nouvelle administration souhaite la création d’une limite mondiale (minimale) pour l’imposition des sociétés.
- Le Fonds monétaire international, FMI, préconise que “les hauts revenus et les entreprises qui ont prospéré pendant la crise du coronavirus devraient payer des impôts supplémentaires en signe de solidarité”.
Ces propositions marquent-elles un changement politique important ? Voici un commentaire pour illustrer la réponse : « L’autre semaine, j’ai vu en gros titre que le FMI mettait en garde contre les réductions de dépenses et des emprunts publics. Le rapport m’a arrêté dans mon élan. Après avoir été, pendant un demi-siècle environ, le gardien de la flamme sacrée de la prudence budgétaire, le FMI disait aux responsables politiques des riches nations industrielles qu’ils ne devaient pas s’inquiéter outre mesure de l’énorme accumulation de la dette publique pendant la crise du Covid-19. John Maynard Keynes avait été déterré, et le monde était sens dessus dessous. (…) C’était le FMI qui parlait… C’est l’organisation qui, des années durant, ne disposait que de quelques réponses simples pour tous les problèmes économiques auxquels vous pouviez penser : réduction des dépenses budgétaires, réduction de la taille de l’État et/ou libéralisation du marché. Ces conseils ont été baptisés « consensus de Washington » en raison de la localisation du FMI. » (Philip Stephens, commentateur politique en chef, Financial Times, 19 février)
Il est également révélateur que ces propositions émanent principalement des mêmes partis et gouvernements qui ont lancé la vague néolibérale dans les pays capitalistes « avancés », les États-Unis et la Grande-Bretagne, dans les années 1980 et 1990. Le plan de Biden comporte les toutes premières augmentations d’impôts aux États-Unis depuis 1993.
Pourquoi cela se produit-il ?
Pour reprendre les termes de l’OCDE : « En 1980, les taux d’imposition des sociétés dans le monde étaient en moyenne de 40,11 %… Depuis lors, les pays ont pris conscience de l’impact que des taux élevés d’imposition des sociétés ont sur les décisions d’investissement des entreprises, de sorte qu’en 2020, la moyenne est désormais de 23,85 pour cent. »
L’OCDE répète le prétexte officiel des réductions d’impôts néolibérales en faveur des riches : libérer les « investissements des entreprises ». En réalité, avec les attaques contre les finances du secteur public dont ces réductions d’impôts faisaient partie, parallèlement à la réduction des salaires et à la détérioration des conditions de travail, la classe capitaliste menait une guerre de classe contre la classe ouvrière, afin d’augmenter ses profits.
Cette « libération » des forces du marché n’a jamais atteint les objectifs de stabilité, de croissance et d’amélioration de la vie de toutes et tous que ces politiciens promettaient lorsqu’ils s’adressaient à un public de masse. Au contraire, elle a entraîné une augmentation record des inégalités, détruit le bien-être là où il existait et accéléré la crise climatique. Il y a environ 20 ans, ce système avait déjà été profondément remis en question par le mouvement contre la mondialisation capitaliste.
La crise financière de 2008-2009, suivie de la « grande récession », a souligné la fragilité du système. Des idées telles que la « taxe Tobin » sur les transactions financières et des propositions similaires de l’économiste Thomas Piketty reflétaient la prise de conscience croissante parmi les capitalistes et leur personnel politique que quelque chose devait être fait. Certains milliardaires ont commencé à préconiser une augmentation des impôts et même le FMI a mis en garde contre les inégalités.
Mais aucun gouvernement n’a franchi la ligne. L’austérité pour le peuple et les milliards pour les riches, voilà quelle était la médecine des années 2010. Cela a créé vague après vague de luttes et de mouvements de travailleurs et d’opprimés au cours de cette décennie. Alors qu’elle touchait à sa fin en 2019, une vague de révoltes de masse s’est répandue sur la planète, qui s’est poursuivie depuis, avec seulement une courte pause lorsque la pandémie a commencé.
Par conséquent, ce tournant dans les politiques gouvernementales repose sur les raisons fondamentales suivantes : 1) L’échec complet de l’idéologie néolibérale à stabiliser l’économie durant les décennies précédentes. 2) La crainte d’un mécontentement et de révoltes de masse venant d’en bas, sapant davantage le capitalisme et ses partis politiques.
Bien entendu, la pandémie et la crise qu’elle a déclenchée ont joué un rôle important. Dans la plupart des pays, une intervention massive de l’État a été nécessaire pour éviter un effondrement économique total. Les entreprises ont été payées pour ne pas faire faillite et même les travailleurs ont reçu un peu d’argent, surtout aux États-Unis, pour maintenir la consommation (qui compte pour 70 % de l’économie américaine).
L’OCDE explique : « Les estimations pour l’ensemble de l’OCDE en 2020 suggèrent une augmentation de 5 points de pourcentage du PIB du déficit primaire ajusté au cycle économique (une mesure de l’orientation budgétaire) ; et une augmentation de près de 17 points de pourcentage du PIB pour la dette publique brute. » La dette moyenne des États du G20 est passée de 82,1 % du PIB en 2019 à 103,2 % en 2021.« Sans ces mesures fiscales et monétaires, la contraction mondiale de l’année dernière aurait été trois fois plus grave. Cela aurait pu être une nouvelle Grande Dépression », a commenté la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva.
Guerre fiscale et paradis fiscaux
Depuis plus d’une décennie, l’OCDE et les pays du G20 négocient pour trouver des solutions mondiales à la concurrence fiscale entre gouvernements. Les écarts entre les impôts sur les sociétés, bien qu’ils aient été réduits partout, restent importants : 5,5% à la Barbade, 9% en Hongrie, 12,5% en Irlande, 32% en France et environ 35% dans de nombreux pays d’Afrique et d’Amérique latine. Il existe parallèlement des pays à la fiscalité nulle, des paradis fiscaux tels que les îles Caïmans, Jersey, les Émirats arabes unis, etc.
Le site web de l’ONG « Global Alliance for Tax Justice » estiment que « les pays perdent au total plus de 427 milliards de dollars d’impôts chaque année à cause de l’évasion fiscale des entreprises internationales et de l’évasion fiscale privée, ce qui coûte aux pays l’équivalent du salaire annuel de près de 34 millions d’infirmières chaque année – ou le salaire annuel d’une infirmière toutes les secondes. »
Les systèmes d’évasion fiscale ont été exposés, par exemple, par les Panama papers, divulgués en 2016, qui ont démontré la culpabilité de grandes banques et entreprises renommées. Les entreprises se livrent à toutes sortes de transactions et de manœuvres pour dissimuler l’ampleur de leurs bénéfices afin d’échapper à l’impôt. Les paradis fiscaux sont d’autre part grands ouverts aux criminels et au blanchiment d’argent.
La guerre fiscale entre les pays a longtemps été décrite comme une course vers le bas. La diminution des revenus pour le secteur public a évidemment aidé les gouvernements de droite favorables aux réductions budgétaires et aux privatisations. Les États-Unis disposaient d’un taux d’imposition des sociétés de 35 %, mais Trump et les républicains l’ont abaissé à 21 % en 2017, juste en dessous de la moyenne mondiale. L’augmentation proposée par Biden, à 28 %, ne fait donc finalement que le rétablir à mi-chemin du niveau précédent.
En Europe, l’Union européenne a été le principal vecteur du néolibéralisme en poussant à la privatisation et à la déréglementation. Au sein de l’UE, la concurrence fiscale s’est poursuivie. Lorsque la Commission européenne a ordonné à Apple de payer 13 milliards d’euros d’impôts à l’Irlande, le gouvernement irlandais a refusé d’accepter la décision en déclarant qu’Apple avait déjà payé « le montant correct ». Le Socialist Party (section irlandaise d’Alternative Socialiste Internationale et parti-frère du PSL/LSP) a souligné à quel point la faible taxation des grandes entreprises s’accompagnait d’une forte austérité pour les travailleurs.
Que peut donc faire Biden ?
L’augmentation des impôts américains proposée par Biden est censée accroître les revenus de l’État de 2 à 2,5 billions de dollars. Comme elle s’étale sur une période de 15 ans, il s’agit en fait d’une augmentation modeste. Elle peut être comparée à la valeur du marché boursier américain, qui dépasse les 50.000 milliards de dollars.
La proposition internationale de Biden a été diffusée auprès de 135 gouvernements dans le cadre des négociations fiscales de l’OCDE. Elle a reçu des réponses positives de Berlin et de Paris, et une proposition finale est censée être prête d’ici l’été.
Cette proposition comprend ce que l’OCDE appelle deux piliers : 1) un taux minimum mondial d’impôt sur les sociétés de 21 % et 2) une proposition selon laquelle les multinationales devraient payer des impôts en fonction de leurs ventes dans chaque pays. Cette dernière proposition était clairement rejetée par Trump, qui a préféré la poursuite des réductions d’impôts. La proposition de Biden, même si elle implique que Google ou Microsoft paient plus d’impôts dans certains pays, est toutefois un moyen d’éviter les taxes numériques à différents niveaux mises en œuvre par les gouvernements nationaux.
Un minimum mondial augmenterait également les recettes fiscales aux États-Unis, car il y aurait moins de raisons de déplacer les sièges sociaux à l’étranger pour des raisons fiscales, et pour les entreprises américaines à l’étranger qui paient aujourd’hui 10,5 % d’impôts. Il y a un fort élément nationaliste dans la proposition apparemment « mondiale » de Biden. D’autres nouvelles annonces politiques de Biden, telles que le renforcement du rôle de l’État et les plans d’investissement dans les infrastructures, font également partie de la stratégie des Etats-Unis dans la nouvelle guerre froide avec la Chine.
Cette proposition globale est également très modeste. Elle profitera aux pays les plus riches et ne fera rien pour arrêter l’augmentation des inégalités dans le monde. Elle ne couvre que moins de dix pour cent des 2.300 entreprises figurant dans le plan initial de l’OCDE pour les impôts mondiaux.
La popularité à court terme de M. Biden, qui découle de ses mesures de relance et des pronostics récemment plus positifs concernant l’économie américaine, lui confère certains avantages. Néanmoins, la droite républicaine et une partie au moins des grandes entreprises s’opposeront à son plan. Et bien sûr, de nombreux gouvernements auront des objections à l’égard d’un taux d’imposition mondial, surtout en cette période de nationalisme croissant des capitalistes et des partis politiques.
Les propositions du FMI sont également limitées, bien qu’elles signifient un changement de cap. Ce que le FMI propose, c’est une taxe temporaire et limitée pour les superprofits réalisés pendant la pandémie.
Vitor Gaspar, responsable de la politique fiscale du FMI, a déclaré : « La vaccination sera probablement le projet d’investissement mondial au rendement le plus élevé jamais envisagé ». Avec tant de personnes affectées négativement par la crise, une « taxe de solidarité » sur les bénéfices extraordinaires aurait un « impact symbolique », a-t-il ajouté.
Si le FMI a également formulé des commentaires positifs sur l’impôt sur la fortune et l’impôt sur les successions, tant le FMI que l’OCDE soulignent que toute mesure de soutien et toute dépense publique seront temporaires. Les travailleurs ne doivent pas s’habituer à l’aide de l’État.
Les marxistes et l’impôt
Les politiciens et les médias qualifient souvent les impôts élevés de politiques socialistes. Et bien sûr, nous sommes en faveur d’une augmentation des impôts pour les milliardaires et les grandes entreprises. Dans le même temps, nous mettons en garde contre les limites d’une politique d’augmentation des impôts.
Dans le cas de Biden, les mesures positives telles que l’augmentation des allocations familiales portent le message suivant : « Le président s’occupe du problème, pas besoin d’un mouvement de masse organisé démocratiquement ». Dans le cadre du capitalisme, chaque mesure n’est que temporaire et, dans ce cas, il y a même une limite temporelle explicite à la mesure : septembre ou décembre 2021. Même si Biden propose de rendre cet avantage permanent, il n’y a en fait aucun réel gain à long terme pour les travailleurs dans la loi de relance de 1,9 billion de dollars adoptée en mars.
L’augmentation des impôts ne sera pas tout simplement acceptée en silence par les entreprises et les riches. Ceux-ci engageront des milliers d’experts en évasion fiscale et ils augmenteront les prix ou réduiront les salaires afin de transférer la charge sur la classe ouvrière.
Pendant toute une période, de 1945 à 1980 environ, la Suède était considérée comme un modèle où l’augmentation des impôts et le bien-être public allaient de pair pour améliorer la vie des travailleurs. Mais cela a pris fin, car les impôts n’ont pas modifié l’équilibre réel du pouvoir économique et de la propriété. Les capitalistes ont pu riposter, car la social-démocratie a accepté de rester dans le cadre du capitalisme. Une « économie sociale de marché » à la Piketty est impossible.Il est vrai que des augmentations d’impôts relativement faibles suffiraient à financer des logements moins chers, des retraites plus élevées, le financement des écoles et des hôpitaux, etc. Mais sous le capitalisme, de telles mesures sont temporaires. Toute mesure de ce type dans le cadre du capitalisme est temporaire. La facture finira par peser sur les travailleurs et les pauvres, au niveau national et international.
Le récent changement de politique ne sauvera pas le capitalisme de la crise. Les tensions et les contradictions nationales, la dette massive et le danger d’inflation s’ajouteront plus tard à tous les autres facteurs de crise de ce système.Les marxistes ne sont pas des pom-pom girls pour les politiciens qui augmentent les impôts. Nous soutenons les réformes positives, et nous nous préparons aux luttes pour les défendre et les améliorer. Au cours de l’année à venir, il est probable que les politiciens rentreront en eaux troubles dès lors qu’ils tenteront d’abolir les mesures temporaires d’assistance aux travailleurs. Nous avons besoin de partis politiques de la classe ouvrière et de mouvements sociaux de masse et démocratiques qui luttent pour un changement de système, pour abolir le capitalisme et établir une société socialiste démocratique.
Contrôler les grandes entreprises, les Amazon et les Jeff Bezos, avec des taxes est aussi difficile que d’arrêter la crise climatique en essayant de contrôler les compagnies pétrolières privées. Pour les marxistes, taxer la richesse privée ne suffit pas, la question clé est celle de la propriété de la richesse. Pour prendre un réel pouvoir sur l’économie, la nationalisation des grandes entreprises est nécessaire, sous le contrôle démocratique des travailleurs et des pauvres, dans le cadre d’une véritable coopération internationale.
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La Taxe Amazon passe à Seattle, la classe des milliardaires contre-attaque

Comment aller chercher l’argent où il est ?
En novembre 2013, Kshama Sawant, première conseillère communale socialiste depuis plus d’un siècle dans une ville majeure des USA, était élue conseil de Seattle. Depuis lors, plusieurs victoires furent obtenues par les travailleurs de Seattle, dont la plus emblématique fut le salaire minimum à 15$ de l’heure. Un des défis majeurs à Seattle est l’accès au logement : les loyers y augmentent de manière vertigineuse et le nombre de SDF y atteint des sommets. La mobilisation constante sur ce sujet a finalement aboutit à la revendication d’une taxe sur les grandes entreprises de Seattle afin de financer un programme de construction de logements abordables et d’aide aux SDF. Le 14 mai dernier, sous la pression de longs mois de campagne intense, le conseil communal vota une telle taxe. Avant de la révoquer sous la pression du big business.
Par Clément (Liège)
Une crise profonde, un mouvement qui vient de loin
Pour des couches de plus en plus large à Seattle, se loger est devenu inabordable financièrement. Au cours des 6 dernières années, le loyer des appartements a augmenté de 635$ par mois (+57%). Plus de 41% des locataires sont en situation de ‘rent burdened’ (loyer excessivement élevé). Pour un appartement une chambre (2000$ en moyenne), un travailleur au salaire minimum devrait travailler 87h par semaine, pour éviter de tomber dans la pauvreté. Quand à devenir propriétaire, c’est tout simplement hors de portée : le prix moyen d’une maison unifamiliale a plus que doublé en 5 ans pour atteindre les 820.000$.
Début 2017, on comptait plus de 11.000 SDF à Seattle, soit une augmentation de 31% par rapport à l’année précédente (qui représentait déjà une augmentation de 19% par rapport à la précédente). Seattle se place ainsi en 3e position des villes américaines où il y a le plus de SDF (après New-York et Los Angeles). De vastes campements se développent sur les terrains vagues, sous les ponts d’autoroutes,…
Malgré ‘‘l’Etat d’urgence’’ sur le sans-abrisme décrété par la ville de Seattle, ces camps sont expulsés de manière brutale (600 expulsions en 2016). Les ‘‘solutions’’ proposées à la crise du logement reposent sur la logique de marché. La maire Jenny Durkan a ainsi négocié avec les gros promoteurs immobiliers de la ville la construction de 10.000 nouveaux logements en 2017. Un record qui ne changera rien à la crise des loyers, puisque ces projets visent avant tout la rentabilité maximum et seront donc destinés aux tranches de revenus élevés.
Les dernières années ont connu de nombreux mouvements et quelques victoires, dont un contrôle sur les loyers des logements insalubres, l’affectation d’un budget de 29 millions $ pour la construction de logements à loyer abordable, des aides pour les personnes poussées au déménagement par l’augmentation des loyers,… Dans toutes ces mobilisations, Socialist Alternative a joué un rôle crucial, y compris en utilisant le siège de Kshama pour faire entendre la voix des travailleurs au conseil communal (souvent littéralement), mais aussi pour mettre en avant des mots d’ordre audacieux et organiser le mouvement.
Il ne faut pas douter que cette série de victoire a permis de construire la confiance et de préparer l’étape suivante : faire contribuer les mastodontes économiques à Seattle.
Une campagne pour taxer les riches et répondre aux besoins des travailleurs
Plusieurs entreprises extrêmement prospères comme Starbucks, Boeing, Google et bien entendu Amazon sont largement implantées à Seattle, développant aussi bien des emplois précaires et sous-payés qu’un grand nombre d’emplois de cadres hautement rémunérés. Dans une économie basée sur le marché et le profit, il en résulte une contradiction aigüe : les chantiers pour des bureaux ou des appartements de haut standing se multiplient, alors que la plupart des travailleurs ordinaires peinent à se loger.
Comment se fait-il que des entreprises qui dégagent des milliards de profits ne contribuent pas à répondre aux besoins élémentaires des habitants de Seattle ? L’exemple le plus frappant est celui d’Amazon, qui emploie plus de 50.000 personnes dans son quartier général à Seattle. Son dirigeant Jeff Bezos est devenu l’homme le plus riche du monde avec une fortune de 130 milliards de dollars et gagne plus en une minute qu’un manutentionnaire d’Amazon en un an. Sur ses 5,6 milliards de bénéfices réalisés aux USA en 2017, Amazon aura payé… 0$ de taxes. Et l’année 2018 s’annonce encore meilleure avec une diminution de taxe de 789 millions $ consécutivement aux baisses de taxes décidées par l’administration Trump.
Le 1er novembre 2017, lors de la présentation du budget 2018 de la ville de Seattle, plus de 500 activistes se sont rassemblés au conseil municipal à l’appel de Socialist Alternative et du mouvement ‘‘Housing for all’’. Leurs revendications : l’arrêt des expulsions des campements de SDF et l’instauration d’une taxe sur les grandes entreprises afin de financer la construction de logements sociaux et de centres d’hébergement pour les sans-abris.
L’aile conservatrice du conseil communal a plusieurs fois tenté de réduire l’aide aux SDF et rencontra une forte mobilisation de la population pour la défense des budgets existants et la nécessité d’aller chercher les moyens nécessaires dans les poches des grandes entreprises. Ces actions impliquaient des activistes du droit au logement mais également des syndicats et divers groupes progressistes et organisations politiques. D’autres mobilisations furent organisées devant le siège d’Amazon. Les réunions du Comité pour les droits humains, le développement équitable et le droit au logement, présidées par Kshama Sawant, furent déplacées en dehors des heures de travail pour garantir que les travailleurs puissent y intervenir. On imprima les affiches des manifestations sur les imprimantes du conseil communal. Un Guide citoyen sur Amazon dénonçant la manière dont la société évite les taxes, mais aussi la pénibilité des conditions de travail et les bas salaires, fut produit et distribué.
La pression du mouvement finit par contraindre le conseil communal à mettre l’idée d’une taxe annuelle de 150 million sur les plus grosses entreprises de Seattle à l’agenda du conseil communal. Outre les habituels cris d’orfraie des médias et experts de tous poils sur la nocivité d’une telle taxe, une véritable campagne de chantage fut lancée avec notamment la suspension par Amazon de ses projets de construction, menaçant ainsi 7000 emplois dans le secteur. Enfin, le personnel politique de la classe capitaliste a tenté de vider la proposition de son contenu. Jenny Durkan, maire de Seattle dont la campagne électorale fut financée à hauteur de 350.000 $ par Amazon, a introduit une contre-proposition pour diminuer de moitié le montant de la taxe, la limiter à 5 années et réduire la proportion de cette nouvelle source de financement affectée au logement social.
La mobilisation fut cependant plus forte et le 14 mai, le conseil communal fut contraint de voter une version de la taxe qui rapporterait 75 millions par an. Il s’agissait certes d’une version allégée de la proposition d’origine, mais comme les activistes du mouvement et Socialist Alternative l’avaient souligné, il s’agissait d’un premier pas positif vers de nouveaux acquis. A peine cette taxe était-elle passée qu’elle commençait à faire des émules dans d’autres villes du pays.
L’empire contre-attaque
Dans un régime basé sur la recherche du profit, la moindre avancée pour les travailleurs sera combattue par la classe capitaliste. Dans le cas présent, la Taxe Amazon n’aurait représenté que 0,26% des bénéfices des entreprises concernées ; pour Amazon, cela aurait correspondu à 28 millions par an, autant dire une bagatelle.
Aussitôt la taxe votée, différentes entreprises touchées par la taxe ont levé plus de 375.000$ afin de lancer une campagne appelée NoToHeadTax : récolter les signatures nécessaires pour organiser un referendum sur la taxe. Différentes vidéos disponibles sur internet illustrent que le mensonge est probablement la méthode favorite de cette campagne : on peut y voir des démarcheurs expliquer avec aplomb et insistance qu’il s’agit d’une taxe annuelle de 275$ sur le salaire des travailleurs de Seattle. Avec de telles méthodes, ils furent capables de récolter plus de 300.000 signatures. Suffisamment pour pousser 7 des 9 conseillers communaux à révoquer la taxe qu’ils avaient votés à l’unanimité un mois plus tôt.
Les leçons de ce combat sont importantes. D’une part il est clair de nouveau que c’est la lutte qui paie et qui permet aux 99% de remporter des victoires, de faire plier l’establishment politique et économique. D’autre part, chaque avancée sociale n’est malheureusement que temporaire si on laisse les leviers économiques et politiques aux mains des mêmes. Les mouvements sociaux doivent prendre l’espace nécessaire de discuter cela et de s’armer politiquement en défendant l’expropriation de ces entreprises et les mesures socialistes pour remplacer un système capitaliste incapable de fournir une vie décente à la majorité.
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Paradise Papers : le naufrage fiscal des Etats se poursuit

Affiche du Réseau pour la justice fiscale (RJF) lors de la Marche des solidarités à Charleroi le 23 octobre 2017. Les révélations des Paradise Papers offrent un nouvel éclairage sur l’ampleur des pratiques d’ingénierie fiscale internationale. Selon le Fonds Monétaire International (FMI), les pratiques d’optimisation fiscale des multinationales coûtent à elles seules chaque année quelque 600 milliards de dollars en recettes fiscales perdues par les Etats au niveau mondial. A cela s’ajoute encore ce que les ménages les plus fortunés parviennent à cacher dans les paradis fiscaux, une perte de 200 milliards de dollars annuels d’impôts, toujours selon l’estimation du FMI. 80 % de ces montants sont le fait des 0,1 % les plus riches de la planète.(1)
Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste
Ces chiffres ne font pas l’unanimité mais toutes les estimations démontrent que nous parlons d’un phénomène massif et systémique. La cascade de révélations de ces dernières années nous porterait à croire que moins d’argent se dirige aujourd’hui vers les paradis fiscaux, mais c’est tout l’inverse. Pour l’économiste Gabriel Zucman(2) ‘‘les fortunes détenues dans les paradis fiscaux ont augmenté d’environ 40% à l’échelle mondiale entre fin 2008 et début 2016’’. Il précise en outre que le phénomène concerne de moins en moins de monde, l’augmentation est surtout révélatrice de la croissance de la fortune des fraudeurs. Il estime le montant global des avoirs détenus dans les paradis fiscaux à 7.900 milliards d’euros.
Rien n’a changé, tout a continué ?
Au sommet de Londres d’avril 2009, les pays du G20 ont décrété la ‘‘fin du secret bancaire’’. D’autre part, les principaux paradis fiscaux ont également accepté le principe de la mise en place d’un échange automatique des données entre les banques offshore et les institutions financières nationales. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Et non. La fraude fiscale continue de prospérer.
Pour Zucman, ‘‘en même temps que la pression internationale sur les paradis fiscaux s’est accentuée, l’opacité financière s’est renforcée. (…) La majorité des avoirs détenus offshore est désormais camouflée derrière des sociétés-écrans, des trusts ou des fondations, grâce auxquels ils continuent d’échapper à l’impôt. Les paradis fiscaux recentrent leurs activités sur les ultra riches, dont le patrimoine ne cesse de croître – plus vite que l’économie mondiale. La fraude devient ainsi un sport d’élite, auquel les gouvernements s’attaquent en s’en remettant à la bonne foi des institutions financières de Suisse ou des îles Caïmans, dont l’intérêt est pourtant diamétralement opposé au leur. Le tout dans un épais brouillard statistique.’’
De la fraude vulgaire vers la technologie de pointe
Depuis les révélations des Panama Papers, certains changements ont été accélérés en termes de fraude fiscale. Mais les opportunités de frauder ‘‘légalement’’ et d’éviter de payer un impôt restent nombreuses. Les multinationales et les ultra riches ont les moyens de s’entourer d’une armée de juristes et de comptables capables de profiter de chaque avantage offert par les gouvernements.
Car chaque pays dispose de ses techniques pour protéger ses champions économiques. Les Pays-Bas sont par exemple passés maîtres dans l’art de modifier leur loi dès qu’une mesure est jugée illégale par les autorités européennes afin de préserver leur avantage fiscal. Chaque pays est devenu spécialiste d’un domaine particulier : la Belgique est devenue le paradis fiscal des banques internes des grandes entreprises, l’Irlande est devenue le paradis des sociétés telles qu’Amazon… Les effectifs de fonctionnaires dévoués à la lutte contre la fraude fiscale sont parallèlement dégraissés(3).
Alors que nous subissons depuis des années une austérité sauvage, cette situation suscite une indignation féroce. Cette colère doit être organisée avec un plan d’action et un programme visant à retirer les leviers de l’économie des mains de cette infime minorité de rapaces pour les placer dans les mains de la collectivité.
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Lanceurs d’alerte : deux poids, deux mesures
Trois ans après l’éclatement de l’affaire LuxLeaks, les seules personnes à avoir été inquiétées sont les deux lanceurs d’alerte, Antoine Deltour et Raphaël Halet. Leur procès en cassation a débuté peu de temps après les premières publications des Paradise Papers.
Dans les pages de son édition du 23 novembre, Le Soir s’est demandé ce qui avait changé dans la protection des lanceurs d’alerte. Pas besoin de s’étendre sur le cas belge : ‘‘rien n’a changé depuis 2014’’.
Au niveau européen, selon Mireille Buydens, avocate et professeure à l’ULB : ‘‘il existe déjà une protection pour certains lanceurs d’alerte. Ceux qui dénoncent des abus de marché, des manipulations des cours de Bourse. Et elle est assez bien faite. Mais on n’a pas voulu d’une protection globale. Seuls les lanceurs d’alerte qui travaillent dans l’intérêt des marchés, donc dans l’intérêt des banques, ont été protégés. Pas les autres. La Commission [européenne] sait donc parfaitement y faire quand il s’agit de protéger les lanceurs d’alerte. Mais uniquement lorsque c’est aussi dans l’intérêt des puissants lobbys.’’
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Notes
(1) Arnaud Zacharie, Antonio Gambini, Commission spéciale Panama Papers : vers des recommandations qui manquent d’ambition, article disponible sur le site du CNCDE, cncd.be.
(2) Gabriel Zucman est l’auteur de l’ouvrage de référence La richesse cachée des nations. Enquête sur les paradis fiscaux publié en 2013 et dont la deuxième édition entièrement revue et augmentée a été publiée en octobre dernier.
(3) Nous avons abordé ce qu’il en est en Belgique dans un article précédent : Panama Papers: “C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches”, https://fr.socialisme.be/15747/panama-papers-cest-de-lenfer-des-pauvres-quest-fait-le-paradis-des-richesPhoto -
‘‘C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches’’
Cette citation, vous la connaissez probablement déjà. Elle nous vient du 19e siècle, de la plume de Victor Hugo. Elle refait régulièrement surface dans les médias à l’occasion de chaque rebondissement dans les affaires de scandales fiscaux.Par Nicolas Croes
Les Paradise Papers, révélés en novembre 2017 par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), concernent des montages d’optimisation fiscale pratiqués par des multinationales et célébrités planétaires. L’économiste français Gabriel Zucman estime que cette optimisation fiscale des entreprises et des grandes fortunes représente 350 milliards d’euros (le FMI parle de 800 milliards), de pertes fiscales par an aux États du monde entier. La colère et l’indignation face à ce chiffre est d’autant plus grande qu’il prend place dans un contexte de crise et de politiques d’austérité.
Cette fuite constitue la deuxième plus grande révélation de documents exploités par les médias après les Panama Papers en avril 2016. Depuis lors, il y a encore eu les Malta Files (mai 2017) et les Bahamas-Leaks (septembre 2016). Avant cela, il y a eu les SwissLeaks (février 2015), les Luxembourg Leaks (novembre 2014), les China Leaks (janvier 2014) et les Offshore Leaks (avril 2013).
Ces scandales – qui ont levé un coin du voile sur le monde des paradis fiscaux, de l’évasion fiscale et du blanchiment d’argent – ont tous été l’oeuvre du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), à l’exception des Malta Files.
Il ressort des premières analyses des Paradise Papers que s’il y a eu quelques fraudes, la plupart des cas dévoilés sont ‘‘a priori légaux’’, selon le journal français Le Monde (qui participe au ICIJ) mais ‘‘l’ampleur des sommes échappant à l’impôt est telle que la question se pose aussi en termes d’éthique’’.
Pour Gabriel Zucman (qui a étroitement collaboré avec l’ICIJ pour analyser ces documents), les personnes ou entreprises qui recourent à de telles pratiques de fraude ou d’évasion fiscales, c’est le 0,01% des plus riches. Pour lui, il y a une réelle concentration de la fraude chez les plus nantis, qui peuvent recourir à une armée de juristes et d’avocats pour masquer leurs pratiques. Les banques privées ont bien compris que les ultras riches deviennent de plus en plus riches. Elles se spécialisent donc dans la gestion de leurs fortunes (des ménages dont les avoirs atteignent les 50 millions d’euros). Leur fortune augmente beaucoup plus rapidement que l’économie, ce qui explique que l’argent augmente dans les paradis fiscaux.
De la dénonciation à l’action
A l’époque, les Panama Papers avaient conduit à la démission du premier ministre islandais, touché de plein fouet par le scandale. Sans l’entrée en action des masses, sans que la colère et l’indignation ne s’expriment dans la rue, nous pourront encore assister à d’autres révélations de ce genre sans que rien ne bouge. Nous vivons des temps où la jeunesse et tous ceux qui souffrent de ce système tolèrent de moins en moins des pratiques en cours depuis longtemps pourtant. C’est ce qu’ont illustré la colère et les sondages dévastateurs autour de Publifin ou du Samusocial. C’est le même processus qui avait mis hors course Fillon lors des élections présidentielles françaises. Le succès des hashtags #mettoo et #balancetonporc a aussi montré que la coupe était pleine contre les discriminations ancrées dans cette société.
Les Paradise papers & Co sont autant d’arguments à utiliser pour renforcer la lutte contre les politiques d’austérité et contre leur monde, celui de l’arrogance des riches. Ce sont également autant d’arguments en faveur de mesures drastiques telles que la nationalisation sous contrôle démocratique de la totalité du secteur financier et d’autres mesures de type socialiste. Une fois de plus, le capitalisme nous démontre qu’il n’est un paradis que pour les riches tandis qu’il organise la misère de la large majorité sociale. Un tel système n’a de place que dans les poubelles de l’histoire.
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Les paradis fiscaux prospèrent… mais le gouvernement va dans nos poches!
Après un accord d’été glacial, organiser un automne chaud
“Tu ne peux dépenser plus que ce que tu as” est une des expressions préférées de Bart De Wever. Mais ça ne s’applique pas à tout le monde. Alors qu’on va chercher des milliards dans les soins de santé, la sécurité sociale, les pensions et les services publics, 853 entreprises belges ont parqué 221 milliards d’euros dans les paradis fiscaux en 2016 seulement !Par Michael Bouchez
Le montant exact est ouvert à interprétation. La liste des paradis fiscaux est adaptée chaque année. On ne sait pas non plus très bien combien d’argent est déclaré au fisc et quelle partie est considérée comme frauduleuse. Mais nous savons depuis longtemps que la lutte contre la fraude fiscale manque de moyens et est tout sauf une priorité pour notre gouvernement. A titre de comparaison, la lutte contre la fraude sociale aurait rapporté 180 millions en 2016, c’est-à-dire 1200 fois moins que ce qui a été envoyé dans les paradis fiscaux la même année.
Malgré cela, l’accord d’été de 2017 met de nouveau la priorité sur la chasse aux allocataires, tout particulièrement les invalides et les étudiants qui perçoivent une aide. Le gouvernement veut tout savoir des allocataires sociaux afin d’être sûr qu’ils ne touchent pas ‘‘trop’’ d’argent. De qui parle-t-on ? D’un invalide qui indique qu’il vit seul, alors qu’en réalité il vit avec d’autres personnes par exemple. Alors que nos politiciens cumulent les mandats et vont même jusqu’à toucher une pension alors qu’ils travaillent encore, ceux qui doivent lutter tous les jours pour nouer les deux bouts sont traités de profiteurs et rejetés.
Ces mesures contre la fraude sociale devraient dégager 52,7 millions d’euros. Pour cela, des inspecteurs supplémentaires seront recrutés. A côté de ça, la ‘‘lutte’’ contre la fraude fiscale devrait rapporter 50 millions. Il est particulièrement choquant de voir qu’un montant quasiment identique doit être récolté dans la ‘‘fraude sociale’’ et la fraude fiscale. Avec la même énergie et les mêmes moyens qui sont déployés pour la fraude sociale, on pourrait récolter beaucoup plus en luttant contre la fraude fiscale.
En un an, les 853 entreprises ont pu mettre de côté le montant d’austérité que nous avons dû avaler en 4 ans. 221 milliards, cela représente 245 fois les économies opérées dans les soins de santé (900 millions). La lutte contre la fraude sociale aurait rapporté 180 millions en 2016 : 1200 fois moins que ce qui se trouvait dans les paradis fiscaux cette année-là. C’est aussi 440 fois les nouvelles économies dans la sécurité sociale (502 millions) prévues dans l’accord d’été de 2017. Pour équilibrer le budget de 2019, il faudrait encore trouver 8 milliards. Nous savons déjà où le gouvernement n’ira pas les chercher …
Les seuls qui gagnent deux fois sont les grandes entreprises. Elles verront encore grandir leur capital offshore, car les impôts des sociétés vont diminuer de 34% à 25% en 2020. De cette façon, les moyens deviendront encore plus rares. Ce que De Wever et son gouvernement veulent dire par “ne pas dépenser plus que ce que tu as” c’est faire contribuer les travailleurs encore davantage à l’engraissement des capitalistes.
Un véritable gouvernement de gauche – qui déploierait autant d’efforts pour la population ordinaire que le gouvernement actuel pour les capitalistes – utiliserait ces milliards pour stimuler les infrastructures, l’enseignement, les logements sociaux et les énergies renouvelables par des investissements publics. De cette manière, la richesse produite ne profiterait pas uniquement à une petite minorité, mais à toute la société.
Une politique contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux et un véritable impôt sur la fortune seraient des bons pas en avant. D’un autre côté, nous savons que cela ne se fera pas avec l’approbation des grands actionnaires. Ils menaceront de délocaliser et de fuir avec leurs capitaux. C’est pourquoi un gouvernement de gauche doit se baser sur l’organisation, la mobilisation et la participation de la population pour arrêter la fuite des capitaux par la nationalisation du secteur financier sous le contrôle et la gestion démocratique. On ne contrôle vraiment que ce que l’on possède.
Rompre avec la politique d’austérité est nécessaire, mais cela nécessitera aussi une rupture avec le système. Organisons-nous afin de le rendre possible par notre lutte!
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Panama Papers: “C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches”
(Victor Hugo)

Rassemblement de la FGTB Place de la Monnaie à Bruxelles, 19 avril 2016. Photo: PPICS La conclusion du dernier contrôle budgétaire du gouvernement fédéral est arrivée à un moment très particulier : pile au moment où les Panama Papers étaient à la une de l’actualité. Kris Peeters a justifié le paquet de mesures antisociales des autorités fédérales en expliquant, sans rire, que ‘‘nous vivons tous au-dessus de nos moyens’’… Cerise sur le gâteau, c’est également à ce moment que les rémunérations des patrons du Bel 20 ont été dévoilées : 20% de plus qu’en 2014 (pour atteindre une moyenne de 2,07 millions d’euros).
Dossier de Nicolas Croes
Au même moment encore, le dirigeant de la fédération patronale flamande Unizo Karel Van Eetvelt réagissait à des chiffres d’Eurostat pour exiger du gouvernement de durcir la modération salariale et de revoir les charges salariales à la baisse. Le ministre des Finances Johan Van Overtveldt (N-VA) a également interjeté appel contre la décision de la Commission européenne demandant à la Belgique de récupérer 942 millions d’euros économisés par 35 multinationales à la faveur de l’exonération des bénéfices excédentaires (excess profit rulings). C’est le principe du ‘‘deux poids deux mesures’’ qui règne, en fonction du côté de la barrière sociale où l’on se place. Les chiens sont lâchés sur la soi-disant ‘‘fraude sociale’’ alors que l’enquête sur le volet belge des Panama Papers se fera sans commission d’enquête parlementaire à la Chambre, mais avec une commission spéciale, qui dispose de beaucoup moins de pouvoirs.
Pour boucler son conclave budgétaire d’avril dernier, le gouvernement fédéral a prévu d’aller chercher 65 millions d’euros (à peine!) dans l’évasion fiscale. Mais il compte sur plus du double (150 millions d’euros) en recettes fiscales liées à l’augmentation des accises sur le diesel et le tabac ! Mais les recettes visant à combler le déficit budgétaire sont toujours les mêmes : plus de taxes pour la population, démantèlement de notre sécurité sociale (notamment au travers de réductions fiscales au patronat), attaque contre les chômeurs et les bénéficiaires du CPAS, saut d’index,… À la population de payer pour que les riches continuent leur festin.
Le plus gros client de Mossack Fonseca ? Une filiale de Dexia
Le Soir a révélé que la banque Dexia était – par l’intermédiaire d’Experta, filiale de la Banque internationale à Luxembourg (BIL), elle-même filiale du groupe Dexia – le principal fournisseur d’offshore au monde. Plus de 1.600 sociétés offshore ont ainsi été créées de 1996 à 2011 avec le cabinet panaméen Mossack Fonseca. Rappelons qu’en 2008, le groupe Dexia avait été sauvé de la faillite par l’argent de la collectivité à hauteur de trois milliards d’euros. Son activité de création d’offshores a toutefois tranquillement continué.
Comme en témoignent des échanges internes entre Mossack Fonseca et des dirigeants de Dexia, il ne fait aucun doute que le siège bruxellois du groupe Dexia était au courant des activités de sa filiale Experta. Précisons qu’une partie des administrateurs de la banque ont été nommés par les partis traditionnels, via le holding communal, comme Elio Di Rupo (entré au conseil d’administration en 2004) ou Jean-Luc Dehaene (qui en est devenu président en 2008). Comment expliquer qu’ils n’aient été au courant de rien ? Dans les 11,5 millions de documents des Panama Papers se trouvent les déclarations d’un responsable d’Experta de 2010 selon qui ‘‘chaque décision doit être approuvée par le quartier général’’ de Dexia.
Aux dires du quotidien flamand De Tijd, l’Inspection spéciale des impôts (ISI) savait depuis 2009 au moins que la BIL logeait parfois des comptes non déclarés au fisc. Cette année-là, la section gantoise de l’ISI dirigée par Karel Anthonissen avait démasqué un contribuable belge ayant dissimulé son compte à la BIL derrière une société panaméenne. Le cas avait été signalé à la hiérarchie sans que la section fédérale de l’ISI ne réagisse…
La Belgique : enfer fiscal pour les pauvres, paradis pour les riches
Ce silence complice des autorités envers la fraude fiscale n’est pas un accident. On peut même parler de favorisation consciente. Un des chantiers de Didier Reynders lorsqu’il fut ministre des Finances a d’ailleurs été de dégraisser le personnel du SPF Finances : des quinze services publics fédéraux (SPF), c’est celui-là qui a subi la plus grande perte de travailleurs. Le service a perdu 2375 fonctionnaires de fin 2008 à début 2012 (une réduction de 9,1%) !(1) Le signal est clair : continuez de frauder, nous élargissons les mailles du filet ! Comment dès lors s’étonner du fait que l’administration fiscale affirme s’être montrée tout bonnement incapable de poursuivre les fraudeurs révélés en 2013 dans l’OffshoreLeaks, faute de moyens notamment ?
La police fédérale a d’autre part régionalisé la Computer Crime Unit (les agents ont été répartis dans les différents arrondissements de police) et démantelé l’Office central de la lutte contre la délinquance économique et financière organisée (OCDEFO)(2). Ce détricotage est lourd de conséquences et fragilise grandement la lutte contre la délinquance financière.
Au-delà de la fraude, le système fiscal belge est très généreux pour les comptes en banque bien fournis. ‘‘Le niveau de fiscalité belge est immoral en soi’’ dénonce l’avocat fiscaliste Thierry Afschrift(3). ‘‘Il y a la fraude fiscale (…) et l’évasion fiscale licite, en conformité avec la loi (…) On a remarqué que les autres fuites (Swissleaks, LuxLeaks etc., NDLR) n’ont finalement pas eu beaucoup d’incidences pour les gens qui étaient concernés. (…) Le législateur n’a jamais cherché en Belgique à taxer les très riches. (…) La grande masse, en Belgique, est surtaxée.’’
Le directeur de l’inspection spéciale des impôts des Flandres orientale et occidentale Karel Anthonissen abonde dans le même sens. Des milliards d’euros de bénéfices d’entreprises sont passés sous le nez de la collectivité ces dernières années en raison des innombrables déductions (Déduction des intérêts notionnels,…) : ‘‘Ce qui rentre encore en impôts des sociétés provient des centaines de milliers de petites entreprises’’. Il précise : ‘‘Jusque dans les années nonante, la majorité de l’impôt des sociétés était payée par un petit nombre de grandes entreprises de capitaux, en premier lieu les grandes banques. Ce n’est plus le cas. Ce qui rentre encore en impôt des sociétés est apporté par des centaines de milliers de petites entreprises, soit quelque 3,7% du PIB. (…) L’impôt des sociétés en tant qu’impôt des gains en capital a pratiquement disparu.’’(4)
Précision piquante, ce directeur régional avait été un temps suspendu suite à une plainte du patron du SPF Finances Hans D’Hondt, classée sans suite, déposée en conséquence d’un tweet de Karel Anthonissen dans lequel ce dernier mettait ouvertement en doute la volonté de M. D’Hondt de lutter contre la fraude fiscale… Ah oui, Hans D’Hondt a aussi été impliqué dans la deuxième opération de sauvetage de Dexia en 2011.
Citons encore, dans la réforme fiscale de 2004 amorcée par Didier Reynders (MR), la suppression des tranches de revenus les plus élevées imposées à 55% et 52,5%, suscitant la joie chez les plus riches. Cela représente un manque à gagner annuel de 6 milliards d’euros pour les caisses de la collectivité !(5)
C’est le système économique qui est coupable
Plusieurs conclusions s’imposent. Tout d’abord, ce ne sont pas les richesses qui manquent. Nous ne vivons pas ‘‘au-dessus de nos moyens’’, il y en a qui vivent sur notre dos et ce sont les plus fortunés. Ensuite, ces paradis fiscaux sont connus depuis longtemps, mais le pouvoir politique n’a strictement rien fait pour s’y attaquer, que du contraire. Pour repousser les réfugiés, on peut mettre de côté des accords internationaux comme ceux de Schengen. Mais pour la fraude fiscale, c’est une tout autre histoire. Cette prétendue ‘‘impuissance’’ est un choix politique qui contraste durement avec la réalité subie par les travailleurs, les chômeurs, les réfugiés,… Cela se comprend aisément puisque c’est tout l’establishment capitaliste qui baigne dans ces magouilles, qu’elles soient légales ou non. Le résultat, c’est que 62 personnes possèdent aujourd’hui autant de richesses que la moitié la plus pauvre de l’Humanité.(6) Et nous ne parlons ici que des données officielles…
Sous la pression de l’opinion publique, il peut bien y avoir de grandes déclarations comme les appels à la ‘‘moralisation du capitalisme’’ qui ont suivi l’éclatement de la crise en 2008. Mais rien ne change ensuite. Chaque tentative visant à faire contribuer les super-riches s’est heurtée à la logique de concurrence inhérente à ce système économique. L’énorme richesse qui est parfois cachée dans les paradis fiscaux résulte de la misère sociale de la grande majorité de la population. C’est l’opulence de l’élite qui est à la base de la démolition de nos conditions de vie, mais aussi des tensions sociales et internationales croissantes, jusqu’aux guerres. Si nous voulons obtenir un changement fondamental, nous devons prendre notre avenir en main !
En Espagne, le ministre de l’Industrie, de l’Énergie et du Tourisme du gouvernement sortant, José Manuel Soria, a été contraint de démissionner suite à des preuves de ses implications dans des affaires liées au paradis fiscal. En Islande, les mobilisations ont été si massives que le Premier ministre a dû présenter sa démission peu après que le scandale ait été divulgué. Mais le gouvernement est resté en place et il comprend toujours deux autres personnes impliquées dans le scandale. Les mobilisations se poursuivent encore, et c’est la juste voie à suivre, celle de l’action concrète des masses elles-mêmes. Mais il faut aller plus loin.
La clameur qui s’élève pour exiger un meilleur contrôle du secteur financier est justifiée. Mais soyons clairs : la collectivité ne peut pas contrôler ce qu’elle ne possède pas. Il faut arrêter de donner à l’élite financière la possibilité de nous faire payer leur folie avec nos salaires, nos services publics, nos pensions,… Les réformes ne suffiront pas. Il faut les combiner à la lutte pour un contrôle public et démocratique du secteur financier dans sa totalité, de même que des secteurs clés de l’économie. Il fallait procéder de la sorte avec Dexia ou Fortis à l’époque : au lieu de collectiviser les pertes et de privatiser les profits comme cela a été le cas, il fallait nationaliser ces banques sous contrôle démocratique et refuser de rembourser les pertes aux spéculateurs. C’est la seule manière d’assurer un contrôle des capitaux et ainsi d’empêcher leur fuite.
Nous n’avons encore jamais produit autant de richesse qu’aujourd’hui. Ce ne sont pas les moyens qui manquent, mais la volonté politique. Nous sommes nous aussi favorables à une fiscalité plus juste, mais ceux qui détiennent le capital et les propriétaires immobiliers feront payer la pression fiscale plus forte aux consommateurs, travailleurs ou locataires. Seule une nationalisation des secteurs clés de l’économie sous contrôle démocratique de la communauté offre des garanties par rapport à cela. Nous voulons la fin de ce système dépassé de propriété privée et de course au profit et un socialisme démocratique moderne avec libre utilisation de la connaissance et des moyens au profit de tous.
Nous ne pouvons plus accepter le règne corrompu et criminel de l’élite capitaliste. Nous ne pouvons plus supporter la crise économique, humaine et écologique du capitalisme. Ce système est pourri jusqu’à la moelle. Il est grand temps de se battre et de lier la lutte contre l’austérité à celle pour un autre système économique, pour une transformation socialiste de la société !
Nos revendications :
- Stop à l’austérité et aux attaques antisociales contre les travailleurs et leurs familles !
- Pour la levée immédiate du secret bancaire et l’instauration d’un cadastre des fortunes !
- Pour le renforcement de la lutte contre la grande fraude et l’évasion fiscales !
- Pour le remboursement complet des 942 millions d’euros de cadeaux fiscaux aux multinationales (Excess Profit Rulings) ainsi que des autres cadeaux fiscaux de ce type (Intérêts Notionnels,…) !
- Allons chercher l’argent là où il est : chez les super-riches et dans les paradis fiscaux !
- Nous ne contrôlons pas ce que nous ne possédons pas : nationalisation du secteur financier sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs et des usagers, sans rachat ni indemnité, sauf sur base de besoins prouvés, afin d’empêcher la fuite des capitaux face à une forte imposition des fortunes !
- Pour le contrôle et la gestion démocratiques publics des leviers de commande de l’économie : nationalisation démocratique des secteurs clés de l’économie (sidérurgie, énergie,…) !
- Pour une gestion rationnelle des ressources naturelles et de la production économique grâce à la planification démocratiquement élaborée de l’industrie et des services, seule manière d’assurer que l’économie soit au service des nécessités sociales de la population !
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Les Panama Papers:
C’est un scandale financier 1500 fois plus gros que celui révélé par Wikileaks basé sur des sociétés-écrans installées dans des paradis fiscaux par l’intermédiaire du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca. Les comptes secrets de plus de 200.000 sociétés ‘‘offshore’’ ont ainsi été divulgués par une association internationale de journalistes d’investigation (le Consortium international des journalistes d’investigation, ICIJ) et 107 médias nationaux.
Au moins 732 habitants de Belgique sont cités (notamment Clemaco, un des grands fournisseurs de l’armée belge) au côté de sportifs (Messi par exemple), de Poutine, de la famille du président chinois Xin Jinping, du roi du Maroc Mohamed VI, du roi Salman d’Arabie saoudite, du président argentin Mauricio Macri, du président ukrainien Porochenko, du premier ministre islandais (qui a démissionné depuis), etc. En France, le FN a lui aussi été éclaboussé.
Il s’agit d’évasion fiscale, mais aussi de fraudes pétrolières en Angola, de trafic de fournitures militaires à la Syrie, de crimes odieux comme de la traite d’êtres humains,… tout cela couvert par le silence des sociétés-écrans.
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AB InBev : bière & soif de profits
Le CEO d’AB Inbev Carlos Brito se trouve en tête des patrons du Bel 20 (l’indice boursier qui regroupe les grandes entreprises belges) qui gagnent le plus. En 2015, son bonus a triplé pour quasiment atteindre les 3 millions d’euros ! En tout, sa rémunération s’élevait cette année-là à 4,6 millions d’euros.
L’actionnaire majoritaire d’AB InBev, c’est la famille Spoelberch (fortune estimée de 14 milliards d’euros), dont plusieurs membres figurent dans les révélations des Panama Papers (à l’instar des scandales de fraude de LuxLeaks et de SwissLeaks).
AB Inbev figure aussi parmi les entreprises belges qui ont le plus profité des accords fiscaux belges et devrait rembourser 164 millions d’euros pour ne rien avoir payé d’impôts sur ses 293 millions d’euros de bénéfices.
Un bel exemple qui illustre à quel point ce système est fait sur mesure pour l’élite parasitaire capitaliste.
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Et aux États-Unis ?
Jusqu’ici, il a fort peu été question des USA dans les Panama Papers. Mais une étude d’Oxfam-USA vient de dévoiler que les cinquante plus grandes entreprises du pays ont planqué pas moins de 1.400 milliards de dollars dans des paradis fiscaux entre 2008 et 2014. Sur le même laps de temps, ces entreprises ont bénéficié de 11.000 milliards de dollars de fonds publics via des garanties sur prêts ou des aides fédérales. L’évasion fiscale des multinationales coûterait 111 milliards de dollars aux finances publiques américaines et priverait également les pays pauvres de 100 milliards de recettes fiscales.
Pour Raymond Offenheiser, président d’Oxfam America, ‘‘Les immenses sommes que les grandes compagnies ont amassées dans des paradis fiscaux devraient être utilisées pour combattre la pauvreté et reconstruire les infrastructures aux États-Unis et ne pas être dissimulées dans des centres offshore comme le Panama, les Bahamas ou les Iles Caïmans’’.
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La directive ‘‘Secret des affaires’’
Deux semaines à peine après les révélations des Panama Papers, le Parlement européen a voté une directive hautement controversée destinée à protéger le ‘‘secret des affaires’’. Officiellement, il s’agit de lutter contre l’espionnage industriel, mais de nombreux journalistes et lanceurs d’alertes y ont vu une menace contre la liberté d’informer (7).
Les entreprises peuvent dorénavant arbitrairement décider si une information a une valeur économique ou non et donc si elle peut être divulguée pour ensuite engager des poursuites contre les journalistes ou les lanceurs d’alertes responsables de fuites. En cas de condamnation par un juge, des sommes astronomiques pourraient être exigées au fauteur de trouble. Des journalistes craignent même que l’on puisse assister à des peines de prison dans certains pays !
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Notes :
(1) ‘‘Le nombre de fonctionnaires diminue, la charge des pensions augmente’’, rtbf.be, 18 janvier 2013
(2) ‘‘STUPEUR : l’équipe des super flics de la lutte contre la délinquance financière va être démantelée’’, RTL-info, 22 mai 2015.
(3) L’Echo, édition du 14 avril 2016.
(4) ‘‘L’impôt des sociétés a disparu’’, carte blanche, LeVif.be, 20 avril 2016.
(5) Jan Béghin ‘‘De schande van een rijk land’’ (“La honte d’un pays riche”)
(6) ‘‘62 personnes possèdent autant que la moitié de la population mondiale’’, oxfam.be, 18 janvier 2016.
(7) Citons notamment : des lanceurs d’alertes tels qu’Antoine Deltour (à l’origine du scandale des LuxLeaks), Hervé Falciani (affaire HSBC) ou Stéphanie Gibaud (qui a dénoncé l’évasion fiscale d’UBS), l’ancien journaliste d’investigation Denis Robert, le président de Reporters sans frontières Christophe Deloire ou encore Edwy Plenel (Mediapart). -
Panama Papers. Le capitalisme ne peut pas être réglé, il doit être renversé!
“C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches.” (Victor Hugo)La ‘‘plus grande fuite de l’histoire’’ 2,6 téraoctets d’information, 11,5 millions de documents. La base de données du cabinet d’avocats Mossack Fonseca au Panama est parvenue aux mains du Consortium international pour le journalisme d’investigation. Des entreprises comme Mossack Fonseca offrent diverses possibilités aux riches de la planète (parmi lesquels plus de 700 de Belgique dans ce cas précis) pour planquer leur argent. Concrètement, il s’agit de vol des moyens de la collectivité par le biais de l’évasion fiscale ; d’argent noir ; de fonds illégaux obtenus par les drogues, le trafic d’armes, la traite des êtres humains ;…
Ce scandale enfonce le clou sur différents sujets. Tout d’abord : ce ne sont pas les richesses qui manquent. Chaque fois que les gouvernements lancent une nouvelle opération d’austérité, c’est toujours aux jeunes, aux travailleurs et aux allocataires sociaux de payer. Les super-riches sont systématiquement protégés. Ce n’est pas la crise pour tous le monde… En Belgique, la coalition de droite au fédéral a même osé poursuivre son offensive antisociale après la publication des documents de Panama sous l’argument qu’il ne resterait plus que la sécurité sociale comme source de moyens à dégager !
Il convient en second lieu de noter que l’utilisation des paradis fiscaux est connue depuis très longtemps déjà, sans que rien n’ait été fait à leur encontre. Les Panama Papers ne constituent pas le premier scandale de ce type. Récemment, le Swiss-Leaks et le Lux-Leaks avaient déjà démontré que Panama et les îles Vierges étaient des paradis fiscaux. Mais rien n’a été entrepris.
Troisièmement, il est frappant de constater à quel point «l’impuissance» des gouvernements face à de telles fraudes contraste avec la manière dont les attaques sont lancées par les autorités contre les jeunes, les travailleurs ou encore les réfugiés. Pour surveiller les textos envoyés par des jeunes de gauche lors d’une action à la Bourse, pas de problème ! Mais pour les fraudeurs qui cachent des milliards d’euros aux contributions, par contre… Pour stopper les réfugiés, les frontières sont renforcées et des accords internationaux tels que ceux de Schengen peuvent être mis de côté sans soucis. Mais pour la fraude fiscale, c’est une autre histoire.
Ces documents de Panama ne représentent qu’une infime partie émergée de l’énorme iceberg des milliards de dollars cachés dans les paradis fiscaux. Pourquoi des gens doivent-ils encore mourir de faim aujourd’hui ? Pourquoi les salaires doivent-ils diminuer ? Pourquoi nos conquêtes sociales doivent-elles être réduites ou supprimées ? Pourquoi devons-nous payer pour une crise dont nous ne sommes pas responsables alors que les spéculateurs et les super-riches deviennent toujours plus riches?
En 2105, nous avons connu un saut d’index en Belgique. Cette année-là, les patrons du Bel 20 ont gagné 20% de plus qu’en 2014. La moyenne de leurs revenus annuels avoisine les 2 millions d’euros. La logique que l’establishment capitaliste voudrait nous faire avaler – qu’il faudrait «tous» nous serrer la ceinture en raison de la crise – a une nouvelle fois reçu une belle claque. Cet argument ne suit d’ailleurs aucune logique, il s’agit d’un mensonge idéologique qui constitue le cœur de l’austérité néolibérale.
Au regard des personnalités impliquées dans ce scandale, il est clair que c’est l’ensemble de l’establishment qui est impliqué. Il ne s’agit pas d’excès, mais de la nature-même du système et de l’état «normal» du milieu des affaires sous le système capitaliste. Mais pour la majorité de la population, tout cela est fort loin d’être normal. En Islande, les mobilisations ont été si massives que le Premier ministre a dû présenter sa démission peu après que le scandale ait été divulgué. D’autres noms seront encore dévoilés à n’en pas douter au cours des prochains jours et des prochaines semaines. Les conséquences politiques peuvent être lourdes dans différents pays comme en France, où le FN est éclaboussé, ou aux Etats-Unis dans le cadre des élections présidentielles.
C’est le système qu’il faut changer!
Peut-être que d’autres têtes rouleront à la suite de celle du Premier ministre islandais. Mais il faudra bien plus que cela pour obtenir de véritables changements.
Six ans après le déclenchement de la crise, tous les appels et toutes les propositions visant à réglementer le secteur financier sont restés lettres mortes. Chaque tentative visant à faire contribuer les super-riches s’est heurtée à la logique de concurrence inhérente au système. “C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches”, disait avec justesse Victor Hugo. L’énorme richesse qui est parfois cachée dans les paradis fiscaux résulte de la misère sociale de la grande majorité de la population. C’est l’opulence de l’élite qui est à la base de la démolition de nos conditions de vie mais aussi des tensions sociales et internationales croissantes, jusqu’aux guerres.
La clameur qui s’élève pour exiger un meilleur contrôle du secteur financier est justifiée. Mais soyons clairs : la collectivité ne peut pas contrôler ce qu’elle ne possède pas. Il faut arrêter de donner à l’élite financière la possibilité de nous faire payer leur folie avec nos salaires, nos services publics, nos pensions,… Les réformes ne suffiront pas. Il faut les combiner à la lutte pour un contrôle public et démocratique du secteur financier dans sa totalité, de même que des secteurs clés de l’économie.
Ce secteur financier sous propriété publique démocratique devrait fonctionner dans le cadre d’une économie socialiste démocratiquement planifiée, basée sur la satisfaction des besoins sociaux et du respect de l’environnement, dans lequel s’articuleraient également d’autres secteurs clés de l’économie collectivisés tels que l’énergie, les soins de santé,… Nous ne pouvons plus accepter le règne corrompu et criminel de l’élite capitaliste. Nous ne pouvons plus supporter la crise économique, humaine et écologique du capitalisme. Ce système est pourri jusqu’à la moelle. Il est grand temps de se battre pour un autre système économique, pour une transformation socialiste de la société!
- Stop à l’austérité et aux attaques antisociales contre les travailleurs et leurs familles !
- Allons chercher l’argent là où il est: chez les super-riches et dans les paradis fiscaux !
- Nationalisation des banques et des grandes entreprises sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs et des usagers, sans rachat ni indemnité sauf sur base de besoins prouvés !
- Avec le contrôle et la gestion publiques des postes de commande de l’économie, une planification socialiste de l’industrie et des services sera possible afin de consacrer les moyens nécessaires à la satisfactions des besoins de la majorité de la population.
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Où est passé l'argent? Assez de cadeaux aux patrons et aux riches!
Utilisons les richesses dans l’intérêt de la collectivité !
Étonnement et inquiétude chez l’establishment politique et économique belge en mars : il manque plusieurs milliards d’euros dans le budget fédéral. C’est le bulletin de ce gouvernement ouvertement de droite. Celui qui chantait l’incompétence de ses prédécesseurs et la nécessité de gouverner avec des comptables ‘sérieux’. Celui qui allait appliquer une austérité dure ; faire les réformes ‘nécessaires’. Au final : des milliards envolés. L’opposition refile la patate de l’incompétence au ministre des finances N-VA Johan Van Overtveld. Mais il ne s’agit pas tant d’incompétence, mais d’approche politique. C’est tous leurs choix politiques qu’il faut changer !Par Stéphane Delcros
De quelle profondeur, ce trou budgétaire ? Tous les montants y sont passés, et jusqu’à 4 milliards d’euros d’effort budgétaire à réaliser pour atteindre le fameux équilibre en 2018, en intégrant les dépenses supplémentaires pour les politiques de sécurité et la crise des réfugiés. Le gouvernement fédéral, pour tenter de justifier ses mensonges, nous a encore ressorti le fait que certaines politiques décidées n’ont pas encore donné leurs effets, comme le tax shift. Et, à grand renfort de bidouilleries comptables et de ‘trucs’ budgétaires, il a finalement réussi à réduire la somme à 1,5 milliards d’euros ‘maximum’ (du moins, à l’heure d’écrire ces lignes). Mais ce sont clairement des manœuvres, qui ont pour but de tenter de cacher la réalité : la politique d’austérité et de cadeaux aux patrons ne permet pas de remettre l’économie sur les rails de la croissance, au contraire. Une étude récente de l’Université de Gand montrait d’ailleurs qu’à politique inchangée, la croissance moyenne par habitant resterait sous les 1% jusqu’après 2070… C’est la politique d’austérité qui mine l’économie !
Le 5 mars dernier, dans le journal De Tijd : ‘‘Peu à peu, il devient clair que le gouvernement a effectivement dépensé l’argent par milliards en réductions d’impôts pour les entreprises et les travailleurs, argent qu’ils n’ont pas. Avec un déficit de plus de 10 milliards d’euros et une dette de 107 pourcents du produit intérieur brut, il n’y a vraiment pas de place pour dépenser de l’argent supplémentaire. C’est seulement lorsque le budget est sous contrôle que le pays peut se permettre une telle chose. Le gouvernement attend les réductions d’impôts pour stimuler la croissance économique et donc apporter plus de recettes fiscales dans les coffres mais, en ce moment, on n’en remarque rien.’’ Un bel effort d’analyse. Mais si des cadeaux ont bien été massivement donnés aux entreprises, la grande majorité de la population n’a rien reçu, que du contraire : saut d’index, hausse de la TVA, attaques sur les malades de longue durée… Cette politique antisociale ne va d’ailleurs que continuer si nous ne redémarrons pas la riposte massive et organisée.
Les discussions sont en cours au sein du gouvernement concernant la réponse à apporter au(x) milliard(s) à aller chercher. Trouver de nouvelles recettes ? De nouvelles économies de dépenses ? Toucher à la sécurité sociale ? L’establishment politique veut encore essayer de s’en sortir avec une nouvelle régularisation fiscale, la réduction des dépenses publiques par la ‘modernisation’ de l’appareil d’Etat, l’extension des flexijobs… Les tensions et conflits ouverts dans le gouvernement s’accélèrent et continueront, surtout entre le CD&V et la NVA. S’il est clair qu’aucun des partis de la coalition n’en sortira complètement indemne, rappelons-nous qu’ils sont tous d’accord sur le fait que la facture sera à nouveau présentée aux travailleurs et à leurs familles.
Ce dont nous avons besoin, c’est d’un budget centré sur les intérêts de la majorité de la population, en rassemblant les richesses disponibles et croissantes et en les utilisant efficacement : pour assurer l’infrastructure nécessaire ; pour garantir le meilleur fonctionnement de tous les services à la collectivité ; pour fournir à chacun un accès à un emploi décent avec un salaire permettant réellement de vivre, à un logement à prix abordables et à un enseignement de qualité, gratuit et accessible à tous ; pour assurer que les nouvelles technologies soient mises au service de la défense de notre environnement, de l’amélioration de notre qualité de vie et de l’élargissement de nos temps libres, plutôt que de grossir les rangs du chômage ou des personnes dépendantes du CPAS.
Organisons-nous pour mettre un terme à ce gouvernement des riches et à toute la politique d’austérité ! Construisons ensemble une autre société, dans l’intérêt de la collectivité !
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[INTERVIEW] Le Tax Shift ne laisse pas subsister d’espoir au CD&V
La CSC doit être prête au combat!A la place d’un transfert de fiscalité du travail vers le capital, le Tax Shift a représenté une nouvelle attaque antisociale. Nous en avons parlé avec une secrétaire de la LBC (centrale flamande des employés de la CSC), Tina De Greef.
Interview réalisée par Anja Deschoemacker et publiée dans l’édition de septembre de Lutte Socialiste.
La décision prise par le gouvernement autour du Tax Shift illustre qu’il ne faut rien attendre du CD&V. Qu’en pense-t-on à la CSC?
Tina: “Différentes figures de la CSC se sont exprimées négativement sur le Tax Shift. La CNE (centrale francophone des employés de la CSC) a calculé que la sécurité sociale et l’Etat contribuent trois fois plus que le capital! Même Luc Cortebeeck, l’ancien président de la CSC, a déclaré que le CD&V ne fait pas assez la différence. L’ancien président de la LBC Ferre Wyckmans a déclaré ‘‘nous sommes encore plus trompés qu’avant’’, en ajoutant que si la manifestation du 7 octobre ne donne rien, il faudra considérer des actions plus dures.
‘‘Maintenant tout l’accent doit être mis sur la mobilisation du 7 octobre. Mais il faut tirer les leçons des actions précédentes contre ce gouvernement. Une manifestation ne va pas suffire si même le mouvement massif de l’an dernier n’a livré qu’une promesse vide. Et nous ne pouvons compter que sur notre propre force, la force du mouvement ouvrier organisé contre le gouvernement et le patronat.’’
Cet été, nous avons été témoin des tensions entre Marie-Hélène Ska (CSC) et Marc Goblet (FGTB). Ce dernier a notamment dit : ‘‘Ils (le sommet de la CSC) continuent à croire que le CD&V et Kris Peeters peuvent peser’’.
Tina: “Le plan d’action de l’année passée s’est notamment terminé sur la promesse d’un Tax Shift favorable aux travailleurs. Cette attitude s’est heurtée à une opposition historiquement grande dans les rangs de la CSC, ce qui a fait que l’accord salarial a finalement été approuvé avec une majorité extrêmement faible, mais sans qu’il ne dise qu’il fallait stopper la lutte contre le saut d’index et la politique d’austérité.
‘‘En réalité, le scepticisme était grand dans les rangs de la CSC quant au rôle progressiste possible du CD&V. Au Congrès de la CSC, le parti n’a pas été mentionné dans la liste des partis pro-austérité durant le speech de clôture. Pour beaucoup de participants, c’était ridicule. A ce même congrès, la direction nationale a essayé de marginaliser la méthode de la grève, une tentative bloquée par le congrès. C’est la preuve qu’à la base la confiance que l’on peut obtenir des choses par la concertation sociale diminue.
‘‘Qu’importe l’opinion de la direction, on ne peut nier que ce gouvernement continue ses attaques contre les travailleurs et les syndicats et que le CD&V est incapable de changer le caractère de ce gouvernement. Ne rien faire ne sera pas une option pour la CSC. Un nouveau plan d’action doit être élaboré et nous ne pouvons pas cette fois-ci nous laisser freiner par une chimère.’’
Pourtant, la CSC et Beweging.net continuent soutenir de les liens avec le CD&V.
Tina: “C’est vrai. Mais la CNE/LBC a déjà depuis longtemps fait le pas de ne pas considérer le CD&V en tant que partenaire privilégié. Des similarités existent entre cette discussion dans la CSC sur le CD&V et celle dans la FGTB sur le PS. Dans le cadre du syndicalisme de concertation qui s’est développé après la Deuxième Guerre mondiale – quand le capital était bien obligé de faire des concessions au mouvement ouvrier – cela arrangeait les grands syndicats d’avoir un partenaire au gouvernement. Mais ces 30 dernières années, les concessions ne sont venues que d’un seul côté, celui des travailleurs. Au lieu de se porter garants de la défense des intérêts des travailleurs, ces partis n’ont rien fait d’autre que d’offrir un peu d’accompagnement social à la dégradation des acquis sociaux.
‘‘La base le comprend très bien, surtout après la mobilisation brillante de l’an dernier et le constat actuel suivant: nous avons été trompés et nous en payons le prix par de nouvelles mesures antisociales. Nous devons aussi constater que le CD&V est bien moins compétent dans le rôle de ‘‘l’opposition sociale au gouvernement’’ que le PS.
‘‘Si la direction des grands syndicats entretient des liens avec des partis comme le CD&V et le PS, ce n’est pas grâce à un quelconque soutien à la base mais par manque d’alternative. Dans d’autres pays, quand des alternatives de gauche crédibles se sont développées, le lien entre la base syndicale et de tels anciens partis n’a plus tenu qu’à un fil.
‘‘Le PS et, dans une moindre mesure, le CD&V ont pu maintenir leur soutien électoral chez les travailleurs grâce à l’idée du “moindre mal”. Si nous voulons plus, il nous faut avant tout compter sur notre propre force, celle de la mobilisation de la classe des travailleurs. Ensuite, il nous faut un nouvel instrument politique, un large parti de lutte acharné à défendre les intérêts de la classe des travailleurs. Cette discussion doit être saisie par tous les militants de gauche dans tous les syndicats. Le mouvement qui arrive peut offrir l’opportunité de poser des pas concrets en cette voie.’’