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  • Révolution 2.0 : potentiel et limites

    Elle se prénomme Facebook. La petite fille née en février dernier est un enfant de la Révolution. En lui donnant ce prénom, ses parents ont voulu faire honneur au réseau social et à son rôle dans la révolution égyptienne. Au delà de l’anecdote on assiste à un phénomène majeur dont l’ampleur et la vitesse de propagation n’ont pas fini de nous surprendre.

    Par Jean (Luxembourg)

    En Tunisie et en Egypte, les nouveaux médias web 2.0 ont joué un grand rôle dans les mobilisations contre les dictatures en place. Les blogs et les réseaux sociaux ont à la fois servi de caisse de résonance pour les appels à la mobilisation et les revendications populaires, d’antidote contre la censure et d’outil de débat pour la construction du mouvement. Un cocktail explosif pour des systèmes politiques qui supportaient très mal la critique ou la simple liberté de parole.

    Internet, surtout depuis ses développements “sociaux” (blogs, réseaux sociaux, plateformes collaboratives…) est une révolution technologique comparable à l’invention de l’imprimerie.

    Sauf que cette fois-ci, l’évolution est beaucoup plus rapide. L’accès à l’information est pour ainsi dire immédiat et illimité, à condition d’avoir accès à internet. La nouveauté est que chacun peut désormais participer à la production du “Savoir”, de l’information, peut lancer des idées ou des débats. Il y a quelques années encore, le débat public se déroulait exclusivement sur les plateaux de télévision, et la barrière à l’entrée était très élevée. Aujourd’hui, de parfaits anonymes peuvent acquérir une influence grâce à un blog ou une autre forme de présence online.

    Sommes-nous rentrés dans l’ère des Révolutions 2.0 ? Les modes d’action traditionnels sont-ils dépassés? Faut-il craindre des dérives, des tentatives de récupération ? Autant de questions auxquelles les révolutionnaires doivent répondre s’ils veulent qu’un jour le monde change vraiment de base.

    Hossam al-Hamalawy, est un journaliste indépendant égyptien, et un des bloggeurs les plus en vue dans son pays. C’est un acteur majeur de la “Révolution 2.0”. Mais il relativise sa portée : “Le web 2.0 a été un instrument pour diffuser l’information. je sais que les médias principaux on appelé ça une révolution Facebook mais ce sont des gens en chair et en os qui sont allés dans la rue se confronter à la police, et même quand le gouvernement à coupé internet pendant 4 jours, en plus de couper les réseaux de communication et les SMS, la mobilisation a continué… Donc, le web 2.0 a joué un rôle important, mais ce n’était pas le seul facteur qui a mené les gens dans la rue”.

    Rappelons aussi que la chute des dictateurs en Tunisie et en Egypte n’a été possible que grâce à l’entrée en action de la classe ouvrière organisée, et par des grèves dans des grandes entreprises. Car Internet ou pas, la lutte des classes se construit toujours avec les mêmes ingrédients : syndicats indépendants, conscience de classe, arrêts de travail, grève générale… Les nouveaux médias peuvent également être utilisés dans ce processus, mais les discussions entre salariés sur leur lieu de travail resteront irremplaçables.

    La “Revolution 2.0” est également une réalité car elle a été lancée par une nouvelle classe ouvrière urbaine et éduquée qui a utilisé ses outils de travail pour rompre son isolement. Dans ce contexte, la question des technologies utilisées n’est pas négligeable, mais c’est la détermination des jeunes et des travailleurs en lutte qui a fait la différence et qui a pu précipiter la chute des régimes.

    Les modes d’action traditionnels ne sont donc pas dépassés. Il s’agit plutôt d’utiliser les nouveaux médias pour les renforcer. Par contre, il faudra rester vigilant quant à l’évolution de notre environnement numérique, détenu entièrement par des grandes firmes capitalistes. La collaboration de Google avec les autorités chinoises, et les débats français autour du projet Hadopi nous le rappellent régulièrement. Bien sûr, on voit mal la bourgeoisie occidentale couper Internet pendant plusieurs jours au premier petit vent de révolte. Mais elle a des moyens plus subtils de filtrer et de fliquer nos communications. Elle se prépare de plus en plus à une “cyber-guerre” (un budget annuel de 30 milliards $ y est consacré aux Etats-Unis) orientée officiellement contre le terrorisme et l’espionnage industriel mais qui pourrait très bien “déraper” sur nos libertés fondamentales.

    Pour s’en prémunir, un contrôle démocratique de l’Internet et des principaux réseaux sociaux, moteurs de recherche, etc. ne serait pas un luxe. Mais cela ne sera possible qu’avec une très forte pression révolutionnaire à l’échelle internationale.

  • Tunisie, Égypte,… Quelles perspectives et quel programme pour les masses?

    Lors de la discussion sur les perspectives internationales du Comité National du PSL-LSP qui s’est tenu ce weekend, un bonne part des interventions ont eu trait au processus actuellement à l’oeuvre dans le Moyen-Orient et au Maghreb. Le texte suivant reprend quelques uns des éléments qui ont été mis en avant, mais la discussion a été plus large et comprenait aussi des aspects historiques (Nasser, la crise du canal de Suez, le pan-arabisme,…) ou encore la situation au Yémen et en Algérie, thèmes sur lesquels nous reviendrons.

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    Des mouvements qui ne tombent pas du ciel

    Dans le document du 10e Congrès Mondial du CIO consacré au Moyen Orient et à l’Afrique du Nord, il était dit ”tous les despotes et les régimes autoritaires de la région ont peur de mouvements de révolte de masse. Des mouvements en Iran ou en Egypte sont possibles, qui peuvent alors en inspirer d’autres. Si la classe ouvrière n’en prend pas la direction, ces mouvements peuvent prendre des directions très différentes.”

    Le mouvement en Tunisie a constitué une source d’inspiration pour toute la région: le Yémen, la Syrie, la Jordanie, l’Algérie,… Ces actions ne tombent pas du ciel, elles sont le résultat d’un cocktail explosif fait d’un chômage énorme, d’une très large pauvreté très large (en Égypte, 40% de la population vit avec moins de deux dollars par jour), d’une politique répressive de la part de régimes autoritaires, mais aussi des traditions de lutte dans la région.

    Dans cette région aussi, la crise capitaliste a suivi une politique néolibérale très dure. Entre 2004 et 2009, l’Égypte a attiré 42 milliards de dollars d’investissements extérieurs, investissements obtenus avec la promesse qu’il n’y aurait pas de taxes sur les profits. Une partie du secteur bancaire a été privatisée pour des entreprises d’autres pays et les principaux actionnaires des banques viennent d’Italie ou de Grèce. La Bourse égyptienne, entre 2004 et 2009, s’est développée en étant multipliée par douze.

    La crise s’est développée depuis 2009, avec la chute du prix du pétrole et une diminution des investissements, mais l’Égypte est une des places dans le monde où même avec cela, l’économie a continué à croître. Mais cette poursuite de la croissance économique, la population ne l’a pas plus ressentie qu’avant. Différents mouvements avaient déjà eu lieu ces dernières années et qui exprimaient cela.

    Entre 2004 et 2008, 194 grèves s’étaient développées chaque année en Egypte, surtout dans les centres textiles et à Suez. Entre 1992 et 2010, le gouvernement a mené sa politique de privatisation, et c’est dans cette période que ceux qui ont moins de deux dollars par jour sont passé de 20 à 44%. 66% de la population a moins de 25 ans, le poids de la jeunesse est extraordinaire et, parmi les chômeurs, 90% a moins de 25 ans. Cela illustre encore une fois que le mouvement ne tombe pas du ciel. Entre 2008 et 2010 il y a eu 1600 grèves chaque année, soit trois fois plus que durant la période précédente.

    Différentes multinationales sont présentes en Égypte, comme la multinationale française Lafarge (construction). L’Égypte représente pas moins de 10°% de ses profits. Mais on trouve aussi des entreprises Solvay, Unilever, la Société Générale, Heineken,… En Tunisie, quelques 2.500 multinationales sont présentes, dont plus d’un millier de françaises qui engagent 110.000 travailleurs. Les 146 entreprises belges emploient 20.000 travailleurs.

    Ce mouvement n’est pas uniquement basé sur des revendications démocratiques, c’est aussi une expression de la crise mondiale et du fait que toute une génération de jeunes n’a aucune perspective pour l’avenir. La crise capitaliste a brisé chaque espoir d’un meilleur avenir, cette illusion était présente et a été réduite à néant.

    On peut parler de mouvements révolutionnaires dans la région, avec une majorité de la population participant activement au mouvement dans l’intention de changer le statuquo en leur faveur et pour retirer la gestion de la société hors des mains de l’élite et des classes dirigeantes. Les manifestations sont massives et très populaires, avec beaucoup de travailleurs, des pauvres mais aussi des couches moyennes. Les appels initiaux ont été diffusés par des nouveaux médias, c’est une bonne manière de les utiliser. Mais il serait exagéré de dire que c’est une révolution Facebook. Ainsi, seulement 6% de la population égyptienne est sur Facebook.

    Dans les débats autour de ces évènements, il y a beaucoup de comparaisons avec les mouvements révolutionnaires du passé, comme les Révolutions colorées de la décennie précédente. Des explosions de colère ont ressemblé à cela, mais le mouvement actuel est bien plus profond. La conscience des masses est plus élevée et la conscience des classe est présente, c’est plus difficile à récupérer pour la bourgeoisie. On mentionne aussi la Révolution iranienne de 79, mais il est clair qu’il y a beaucoup de différences avec cela. On parle encore de la chute du stalinisme en 89-91. En fait, toutes les comparaisons ont leurs limites, et chaque révolution a ses propres éléments et sa propre dynamique.

    En Tunisie, le mouvement est rapidement parvenu à une première victoire. D’autres régimes tirent la conclusion que faire des concessions est dangereux, cela peut renforcer le mouvement. Chaque concession de Ben Ali a renforcé la confiance des masses, chaque concession a illustré le pouvoir du mouvement. La fuite de Ben Ali n’a ainsi pas stoppé le mouvement, ni la recomposition du gouvernement, ni la démission des ministres de l’UGTT. Les mobilisations continuent, avec toutefois un caractère différent.

    Différents secteurs connaissent des grèves. On essaye là aussi de stopper les protestations avec des concessions: les éboueurs ont reçu une augmentation de salaire de 60%. Des programmes sociaux ont été introduits par le gouvernement. Le régime tunisien a implosé, et cela a constitué un catalyseur pour le développement du mouvement en Égypte.

    L’Egypte

    L’Égypte diffère de la Tunisie au niveau économique (avec le canal de Suez) et politique. C’est aussi la population la plus grande de la région. L’Égypte est un des piliers les plus importants de l’impérialisme américain. Une de ces facettes est la relation avec Israël, un des alliés les plus farouches de Moubarak à l’heure actuelle. Le régime israélien a appelé Moubarak à utiliser la violence contre le mouvement. Le soucis de la classe dirigeante israélienne, c’est l’impact que cela aurait sur les masses palestiniennes. Il y a le problème du blocus de Gaza, auquel le régime de Moubarak collabore. Cette politique est très impopulaire en Égypte même, et ce qui se passerait avec un changement de régime n’est pas clair.

    Depuis mercredi, il est clair que le mouvement révolutionnaire en Égypte est compliqué. Jusque mardi, c’était plutôt joyeux. Mardi, il y avait plus d’un million de manifestants au Caire. La façon dont les choses s’étaient déroulées en Tunisie avait créé des illusions sur la facilité de renverser un régime. Mais depuis mercredi, le régime a utilisé les forces de la contre-révolution. La base sociale pour cela, c’est le sous-prolétariat du Caire, mais aussi les fonctionnaires du régime qui ont beaucoup à perdre. On peut faire la comparaison avec la manière dont le régime tsariste s’est opposé à la révolution de 1905 en Russie. Le mouvement sera-t-il assez fort pour aller contre le pouvoir? Les manifestations de vendredi ont confirmé que le mouvement est encore en train de croître et n’a pas perdu de ses forces, mais le potentiel n’est pas utilisé: pas de marche vers le palais présidentiel par exemple. C’était le ”jour du départ”, mais peu a été fait pour que Moubarak dégage vraiment.

    Pour arriver à une défaite fondamentale du régime, la classe ouvrière doit intervenir en tant que classe. Comme en Tunisie, il y a des liens très forts entre les directions syndicales et le régime. Tous les dirigeants sont membres du parti de Moubarak. Le régime exerce un contrôle sur la fédération syndicale. C’est vrai, mais dans les dernières luttes, des militants de base se sont opposés aux directions syndicales. Le syndicat des contrôleurs de taxes a même quitté la fédération syndicale pour rejoindre une nouvelle structure syndicale qui défend le salaire minimum, la sécurité sociale,… C’est difficile d’avoir énormément de précisions, mais ce nouveau syndicat est impliqué dans les comités de quartier.

    Le mouvement doit partir à l’offensive pour éviter que le régime et les Etats-Unis n’organisent une transition favorable aux capitalistes. Les revendications sociales doivent être centrales dans le mouvement afin d’également mobiliser les couches les plus passives.

    Les Frères Musulmans ont hésité avant de s’impliquer. Mais en même temps, des rapports disent que parmi ceux qui ont défendu la place du Caire, il y avait beaucoup de Frères Musulmans. Les cadres étaient contre tout soutien au mouvement, ce sont les jeunes qui ont fait pression, ce sont ces jeunes qui, mercredi dernier, participaient à la défense des manifestants contre la contre-révolution. Un scénario ”à l’iranienne” est peu probable, mais il est possible que les Frères remplissent le vide politique. Quelque soit le régime qui succèdera à Moubarak, il ne pourra toutefois pas collaborer avec Israël de la même manière. En Palestine, tant le Hamas que le Fatah sont contre le soutien au mouvement, ils voient les dangers pour leur propre position. Tout changement de régime en Égypte modifie en fait radicalement les choses au niveau du moyen-orient.

    Les Frères Musulmans peuvent jouer un rôle, mais ce n’est pas vraiment le cas aujourd’hui. La direction de Frères dit que leur modèle est plutôt celui de l’AKP d’Erdogan en Turquie et pas le modèle iranien. Ce n’est bien entendu que ce qu’ils disent, mais c’est aussi possible que cela soit une réflexion de ce qu’ils constatent: dans la rue, l’idée d’une société islamiste ne vit pas. Bien entendu, ils savent que s’ils rentrent dans le vide politique existant, ils vont se trouver dans une situation très compliquée, et c’est la raison pour la quelle eux aussi mettent en avant El Baradei pour qu’il négocie avec le régime.

    L’armée tente de gagner du temps pour, avec les USA, sauver l’élite et leur propre position dans la société égyptienne. Mercredi, pour beaucoup de manifestants, c’était clair que l’armée avait laissé l’espace pour ceux qui soutenaient le régime. Le chaos peut aider l’armée et cela peut renforcer parmi la population l’idée d’un appel à l’ordre. Mais l’armée n’est pas quelque chose d’homogène. Il y a eu des fraternisations entre soldats et manifestants en certains endroits. Pour les manifestants, il est crucial d’avoir une approche envers les simples soldats pour les détacher de la hiérarchie.

    Extension internationale

    Un des éléments important dans cette vague de révolte et de révolution, c’est la dispersion internationale. C’est un élément important, mais loin d’être neuf. A l’époque de Nasser, lors de la crise du canal de Suez en 1956, ce dernier avait mis en avant une grève générale dans toute la région, appel qui a joué un grand rôle dans la défaite de l’impérialisme. Mais le nationalisme arabe de Nasser a eu ses limites. Khadafi aujourd’hui est un des derniers représentants de cette époque du nationalisme arabe, qui a eu de grandes répercussions dans la région.

    Le développement de cette situation en Égypte a des incidences ailleurs. En Chine, ils essayent d’étouffer les évènements. Les médias ne parlent que de hooligans qui viennent tout casser au Caire. Le régime craint la propagation des protestations, et d’autres aussi, l’Iran par exemple. Khamenei, l’actuel Guide Suprême, a essayé de félicité le ”mouvement pour la libération musulmane” et, comme le Tea Party aux USA, le régime affirme que le mouvement ne vise qu’à instaurer un régime islamiste. De tels mouvements peuvent se développer dans d’autres régions, et un des éléments clé est le prix de l’alimentation. L’agence alimentaire américaine a publié un rapport sur l’insécurité alimentaire qui disait que les gens ont trois options: se révolter, migrer ou mourir. Il y a une grande possibilité qu’une grande révolte se développe sur ce thème.

    L’impérialisme ébranlé

    Personne n’a vu venir le mouvement en Tunisie. En un mois seulement, Ben Ali a tout perdu. L’énorme vitesse à laquelle le régime a été poussé dans la défensive, la vitesse à laquelle l’armée a été séparée de Ben Ali, la formation rapide des comités qui ont notamment jeté leurs patrons, tout cela est phénoménal. Entretemps, le régime cherche à voir comment canaliser la situation de double pouvoir qui existe. Le problème pour la bourgeoisie et l’impérialisme en Tunisie, c’est qu’ils n’ont pas quelqu’un comme El Baradei ou Amr Moussa, le président de la ligue arabe, qui est égyptien. Les USA continuent à miser sur le premier ministre, mais nous devons voir comment les relations de force vont se développer.

    Blair a parlé de Moubarak comme de quelqu’un de très courageux et une force œuvrant pour le bien et Obama, moins directement toutefois, est sur une position similaire. Pour donner une idée du rôle crucial de l’Égypte pour USA: depuis 1979, le pays reçoit 1,3 milliard de dollars de soutien militaire par an de la part des USA. C’est plus ou moins le même montant que ce que les USA donnent au Pakistan et à Israël. L’armée égyptienne est la 10e au niveau mondial, et elle joue un rôle crucial pour défendre les intérêts de l’impérialisme dans la région.

    L’impérialisme recherche des figures capables de restaurer la stabilité, mais c’est dans la rue que le résultat du mouvement va se jouer.

    Le double pouvoir et le rôle d’une direction révolutionnaire

    On peut conclure que le mouvement a jusqu’ici été très spontané et sans véritable organisation, mais on voit aussi un développement important de l’auto-organisation, comme avec la manière dont la sécurité a été organisée place Tahir, très impressionnante, de même que la façon dont des comités de quartier ont été instaurés en Tunisie ou en Égypte pour défendre les quartiers contre les pillages. Des comité sont lancés dans les entreprises aussi, et tout cela peut être la base pour développer un gouvernement des travailleurs et des petits paysans.

    Un processus révolutionnaire ne se développe pas de façon linéaire. En Tunisie, on assiste à un reflux du mouvement, malgré le développement d’une grève dans les métros à la suite de la victoire obtenue par les éboueurs par exemple. Cela contraste tout de même fortement avec la grève générale contre le régime et les protestations des semaines précédentes.

    Cette période était en fait déterminée par les premiers éléments d’une situation de double pouvoir où les comités de vigilance et les comités de quartier se développaient face au pouvoir du régime. Le danger du vol de la révolution tunisienne avec la complicité des institutions internationales est réel. La direction de l’UGTT soutient le gouvernement de Ghannouchi composé de patrons issus de l’étranger. Il faut réclamer un Congrès Extraordinaire de l’UGTT basé sur l’élection de représentants de la base afin de changer de direction syndicale.

    Mais il manque aussi une direction révolutionnaire. Le danger le plus grand est constitué par cette absence de direction qui laisse l’espace pour des figures bourgeoises. Il y a des mouvements comme dans les syndicats, qui sont importants et qui rendent très très difficile pour le régime de pouvoir revenir à la précédente situation, tant en Egypte qu’en Tunisie. Le résultat du mouvement sera décidé par l’organisation des masses: il faut renforcer les comités de base et les pousser à l’offensive contre le gouvernement.

    Le limogeage des PDG dans les entreprises en Tunisie et les barrages de travailleurs refusant que les anciens directeurs reviennent posent directement cette question: qui prend la direction des usines? Le gouvernement ? Les travailleurs ? D’autres capitalistes ? Nous devons considérer le développement de comités dans les entreprises, les écoles,… comme la base de la future société socialiste. Il ne suffit pas de s’opposer à la politique libérale, aborder la question du contrôle ouvrier est un point crucial dans le développement du mouvement aujourd’hui.

    Il ne suffit pas de réclamer la dissolution du RCD (le parti de ben Ali), la liberté d’expression et syndicale,… Saluer le développement des comités de base est très bien, mais il faut surtout amener la question de la prise du pouvoir par ces comités, les élargir et appeler à une Assemblée Constituante Révolutionnaire sur base de délégués démocratiquement élus dans les comités de base. Contre des mots d’ordre vagues de formation d’un gouvernement intérimaire qui jouisse de la confiance du peuple, il faut pousser la nécessité d’une démocratie des travailleurs basée sur les comités de base et les travailleurs.

    Concernant la police, réclamer une police basée sur la supériorité de la loi et les droits de l’homme est illusoire et totalement insuffisant à l’heure où l’on voit des bandes contre-révolutionnaires attaquer physiquement les locaux syndicaux, les militants,… La défense du mouvement doit être basée sur l’extension des comités, et cela vaut aussi pour la justice, etc. Ces comités doivent aussi être étendus à l’armée pour organiser les soldats qui ont fraternisé avec la révolution. Cela doit être la base pour fractionner l’appareil d’État. La direction de l’armée a lâché Ben Ali, mais ne veut pas que le mouvement aille plus loin.

    Enfin, concernant notre travail militant, nous devons accorder une grande attention aux sensibilités qui existent vis-à-vis de la question nationale. Il n’est pas question de crier à la révolution du ”monde arabe”, la question est beaucoup plus vaste. Les berbères, par exemple, ne sont pas arabes et sont opprimés au Maroc et ailleurs. On trouve également des berbères en Algérie, en Libye, en Tunisie et en Egypte. Ce terme de ”monde arabe” exclut aussi l’Iran, et l’on se rappelle encore des puissants mouvements de 2009.

    On ne peut jamais prédire comment les choses vont se développer, mais ces mouvements confirment la confiance que le Comité pour une Internationale Ouvrière et ses sections, comme le PSL-LSP en Belgique, a toujours eu envers les capacités des masses pour se battre en faveur de leurs conditions de vie. Une fois ces mouvements initiés, cela a conduit à une détermination très profonde. Ces mouvements ont même confirmé les méthodes traditionnelles de la classe ouvrière, même initiés de façon spontanée par les masses.

    Bien entendu, c’est aussi la confirmation gigantesque de la nécessité d’une organisation révolutionnaire capable de garantir que l’énergie d’un tel mouvement soit utilisée pour aller vers une une société orientée vers la satisfaction des intérêts des masses, c’est-à-dire une société où les secteurs clés de l’économie sont retirés de la soif de profit du privé pour être démocratiquement planifiés, une société socialiste.

  • Egypte : “Nous ne partirons pas tant qu’il ne partira pas!” – Témoignage de la place Tahrir au Caire

    A la suite des manifestations massives du 1er février au Caire et à Alexandrie, le Président Hosni Moubarak s’est dit prêt à partir en septembre. Mais les manifestants de la place Tahrir au Caire continuent toutefois leurs actions pour forcer Moubarak à quitter le pouvoir. Hier après-midi, des confrontations dramatiques ont eu lieu, quand des partisans du dictateur ont attaqué les protestataires, y compris avec des armes à feu, montés sur des chevaux et des chameaux. Les forces armées sont restées “neutres”, émettant un ordre de dispersion pour les deux camps. Voici ci-dessous une interview d’un correspondant du CIO présent au Caire.

    socialistworld.net

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    Actions de solidarités

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    Que se passe-t-il au Caire?

    “A la place Tahrir et dans les rues avoisinantes, il y a des milliers et des milliers de manifestants. Je n’ai jamais vu quelque chose de semblable. Les manifestations ont commencé très tôt le matin et nous sommes maintenant très tard le soir (le 1er février). Même s’il y a officiellement un couvre-feu, un très grand nombre de personnes reste sur la place. La foule est dense et il est très difficile de se déplacer. Tout le centre-ville est contrôlé par les manifestants et totalement dénué de la présence des forces de police. Il y a toujours de soldats aux alentours, mais ils ne sont pas très visibles. L’ordre est maintenu par des comités de défense dans lesquels sont presents des gens de diverses religions. Ils vérifient les documents des passants, s’assure que rien ne peut être utilisé comme provocation et distribuent des tracts comprenant des instructions sur la manière de se comporter sur la place. Le niveau d’auto-organisation et de discipline est impressionnant. Des centres médicaux et un centre de presse ont aussi été installés, de même que des cantines.

    “Un des volontaires m’a dit qu’il avait découvert la présence d’un policier en vérifiant les papiers d’identité (le travail de chacun est inscrit sur les documents d’identité égyptiens). Il l’a livré à l’armée. Il y a visiblement un accord pour procéder de la sorte, même s’il l’on ne sait pas se que fait l’armée des policiers. La police, les “gardiens de l’ordre”, sont interdits aux manifestations, même s’ils ont quitté l’uniforme, parce que les gens pensent qu’ils sont principalement là pour faire des provocations, ce qui pourrait se terminer de façon tragique dans les circonstances actuelles.

    “Le manifestation est constituée de groupes autour d’orateurs avec des mégaphones qui crient des slogans ou livrent des informations importantes. Des meetings se déroulent autour des stands de différents partis politiques. Parmi les manifestants, on trouve un grand nombre de jeunes très militants, préparés à aller jusqu’au bout. Beaucoup de femmes participent aussi aux protestations. Tout le monde crie qu’ils ne partiront pas avant que Moubarak s’en aille. Quelqu’un a crié à un moment, probablement un provocateur, que Moubarak avait démissionné, mais il a immédiatement été interrompu par les manifestants qui criaient “Ne croyez pas les rumeurs, que personne ne parte avant que le président ait officiellement démissionné.” Il faut aussi préciser que les slogans ne sont pas orientés que vers une personne, mais contre le régime en lui-même.

    “Internet ne fonctionne pas au Caire, et les messages sms ne passent pas, il y a une véritable soif d’informations. Pour l’instant, les téléphones portables fonctionnent. Les autorités ont interdit la diffusion de la chaîne Al-Jazeera. J’ai rencontré le dirigeant du bureau du Caire d’Al-Jazeera, qui vit dans une tente et y coordonne le travail de ses correspondants et des équipes-caméras.

    ‘‘Alors que je marchais parmi la foule, j’ai fait une rencontre assez surprenante. Quelqu’un, que je ne connaissais pas, m’a appelé de mon nom! Il m’a expliqué que je ne le connaissais pas mais qu’il était ami avec moi sur Facebook! Nous avions visiblement échangé quelques commentaires sur la situation en Egypte. De nombreuses personnes m’ont demandé se que je faisais au Caire et, quand je leur expliquais que je venais spécialement pour soutenir leur lutte, Ils étaient très agréablement surpris. Mais des touristes ont également pris part aux manifestations, j’ai pu entendre des slogans en italien, en espagnol et dans d’autres langues. J’ai aussi rencontré deux Anglais avait une pancarte déclarant, en arabe ; “Moubarak, il est temps de partir, nous avons besoin de prendre une douche!” Il n’y a visiblement plus d’eau dans des hôtels. Parfois, ce sont des Egyptiens eux-mêmes qui écrivent des pancartes et des tracts en anglais, pour que ceux qui regardent les reportages aux télévisions à l’étranger comprennent ce qui se passe. A cause du blocage de l’information, les gens ne savent pas grand chose des protestations à l’étranger en solidarité avec leurs luttes, mais quand de telles informations parviennent aux oreilles des manifestants, elles sont chaudement acclamées.”

    Quelles sont les revendications des manifestants? Quels sont leurs slogans?

    “Leurs revendications concernent clairement des thèmes sociaux et démocratiques: le président doit démissionner, il faut la liberté d’expression, une nouvelle constitution et de nouvelles élections à tous les niveaux. J’ai vu une femme avec une pancarte qui disait “L’armée doit nous défendre – oui. L’armée doit nous diriger – non”. Dans d’autres termes, même si les manifestants traitent chaudement l’armée, ils n’ont aucune envie de la voir prendre le pouvoir.

    “Parfois, on peut voir des slogans progressistes, même si les revendications sont un peu confuses, comme “rendez au peuple ce qui lui a été volé”, sans que la manière de réaliser cela soit claire. J’ai vu des slogans comme “Ramenez les salaries au niveau des prix” et “Pour un salaire minimum de 200 dollars”. Mais, en general, on ne voit pas de programme clair ni d’analyse précise. Un autre élément important est la revendication de l’abolition de loi d’urgence, qui est appliqué en Egypte depuis plus de 30 ans et est utilisée pour réprimer les mouvements de la population.

    “Partout, on peut sentir que l’atmosphère de révolte continue à croître, il y a une explosion de protestations reflétée de toutes sortes de façons: pancartes, slogans peints sur les murs ou sur le sol, sur les voitures, sur les bus, sur les visages, les vêtements,… On voit aussi de petites pièces de théâtres et toutes sortes de tracts sont distribués, par milliers, tout comme des appels, des déclarations, parfois sans aucune signature, parfois simplement issues d’individus.”

    Quelles forces sont-elles impliquées dans les protestations?

    “Toutes sortes de forces sont présentes : de gauche, de droite ou islamistes. Les groupes de gauche se limitent à des revendications démocratiques, elles reflètent simplement les revendications des masses. Elles appellent à la démission du président, Moubarak, à de nouvelles élections et à une nouvelle constitution, sans toutefois faire de l’agitation autour d’un programme socialiste.

    “Les islamistes des Frères Musulmans ne participant pas vraiment aux protestations. Quand tout cela est apparu, ils ne sont pas intervenus. Maintenant, sous la pression de leur base, ils ont été forces de descendre dans les rues. Mais ils ont une influence quasiment insignifiante sur les slogans, les revendications, et l’atmosphère présente lors des manifestations. Une fois, j’ai vu un groupe de jeunes criant des slogans démocratiques. Une personne a commencé à crier “Allah Akbar”, mais personne dans la foule n’a repris l’appel, il a juste été ignoré. Il a alors essayé de rentrer plus loin dans la foule en continuant à crier, jusqu’à ce que plusieurs personnes lui dissent de rester tranquille. “Allakh Akbar” n’est pas un slogan, cela n’appelle personne à faire quoi que ce soit, cela ne représente aucune revendication ni aucun programme. Mais quand arrive l’heure de la prière et que les prêtres appellent les croyants à prier, une part significative de la manifestation participe. Juste après, les manifestants reprennent les slogans démocratiques. Personne ne crie en faveur de la sharia. Il y a aussi beaucoup de femmes qui participent aux protestations.

    “J’ai parlé avec plusieurs coptes (des chrétiens d’Egypte), qui étaient très nombreux aux manifestations. C’est un symptôme important. A la nouvelle année, à Alexandrie, une attaque terroriste à la bombe contre une Eglise Chrétienne a mené à une situation très tendue dans la ville et ailleurs. Les coptes ont organisé des manifestations, ont demandé plus de sécurité, et ont même crié des slogans anti-Islam. Mais maintenant, cette situation a été transformée. Vous pouvez voir comment, en quelques jours, parfois en quelques heures, l’unité du mouvement pour les droits démocratiques et sociaux a unifié les chrétiens et les musulmans. L’unité dans la lutte relègue à l’arrière plan toutes les différences superficielles. J’ai vu des personnes porter un foulard avec un croissant de lune croisé avec une croix, le symbole de l’unité entre coptes et musulmans. Quand l’Eglise, par la voix du vieux patriarche, a publiquement supporté Moubarak, même quelques coptes ont regardé” cela comme une chose positive, en disant que maintenant les chrétiens seraient moins sous l’influence des de leurs représentants et de l’Eglise en tant que symbole d’autorité.

    “L’opposition a déjà formé une coalition de différents partis, de gauche, de droite et d’islmaistes. Ils soutiennent les revendications générales des masses, mais demandent aussi que Durant les 6 mois de transition, jusqu’au départ de Moubarak, un gouvernement de ‘salut national’ soit constitué. Durant cette période, ils promettent d’organiser des elections à tous les niveaux, et de faire un nouveau projet de constitution.

    “La gauche, en participant à cette coalition, aide dans les faits cette section de la bourgeoisie qui est actuellement maintenue à l’écart du pouvoir par le régime de Moubarak. Les slogans et revendications de cette coalition sont largement distribués et la masse des manifestants ne s’y oppose pas, même si les principales figures dirigeantes sont regardées avec scepticisme. C’est particulièrement le cas de l’ancien dirigeant de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, Mohammed Al-Baradei, qui vient juste de rentrer en Egypte. Mais pour l’instant, personne ne met en avant un programme alternatif, même à gauche.

    “Dans le vide politique qui existe actuellement, qui commence déjà à être occupé par la droite, la gauche se doit d’être très active, de distribuer des tracts, de proposer leur alternative propre, et de construire une organisation – même s’il existe des problèmes pratiques pour mettre ses idées sous forme écrite puisque tous les magasins sont fermés.”

    Le Comité pour une Internationale Ouvrière appelle:

    • Pour des actions de masse de la part des travailleurs, y compris une grève générale, pour le renversement immédiat de Moubarak et de ce régime pourri et brutal.
    • Pour l’obtention des droits démocratique immédiatement, avec le droit de se rassembler, de faire grève et de s’organiser dans des syndicats indépendant et démocratiques.
    • Pour l’élection de comités démocratiques des masses en lutte, pour se défendre contre la répression d’Etat, dans les lieux de travail, les quartiers, les écoles et les universités, reliées entre eux aux niveau régional et national, pour élargir et organiser la résistance
    • Pour des comités de base des policiers et soldats, au côté des masses et purgés des officiers et de la hiérarchie
    • Non au sectarisme – Pour l’unité de tous les travailleurs au-delà des lignes religieuses
    • Aucune confiance envers un nouveau régime ‘d’unité national’ basé sur les intérêts de la classe dirigeante et de l’impérialisme
    • Pour l’élection immédiate et libre vers une assemblée constituante révolutionnaire – Pour un gouvernement de la majorité des travailleurs et des travailleurs ruraux
    • Pour un salaire minimum, la garantie d’avoir un travail, un programme massif de construction de logements et de développement de l’enseignement et des soins de santé
    • Pour la fin du blocage égyptien de Gaza – Pour l’auto-détermination de la Palestine et pour l’unité des travailleurs et des actions de masse pour renverser les dictateurs de la région
    • Pour la nationalisation des grandes compagnies égyptiennes, des banques et des secteurs principaux de l’économie et leur planification démocratique pour satisfaire les besoins des masses et non de l’élite
    • Pour une Egypte socialiste et une confédération socialiste de la région, sur une base volontaire et égalitaire

  • Egypte : Le régime de Mubarak ébranlé par les plus fortes manifestations depuis 30 années

    “La Tunisie est la solution”

    Ces manifestations ont pris place le 25 janvier, le Jour de la Police, un jour férié national commémorant la lutte de la police d’Ismailia contre l’occupation britannique en 1952. Aujourd’hui, les forces de police de Mubarak sont directement à l’opposé d’un mouvement de libération! Elles sont utilisées pour réprimer violemment les travailleurs et les jeunes qui veulent manifester leur colère contre une élite corrompue et fabuleusement richissime.

    David Johnson, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

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    Plus d’infos:

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    Ceux qui ont appelé à manifesté ont directement été inspirés par le magnifique mouvement des masses tunisiennes. On retrouve parmi ces initiateurs le ‘Mouvement de jeunes du 6 avril’ et le groupe facebook ‘Nous sommes tous des Khaled Saeid’, du nom du jeune qui a été tué par la police à Alexandrie en 2010 après avoir dénoncé la corruption qui y règne.

    On estime à 15.000 le nombre de personnes qui ont pris part aux mobilisations dans la capitale, Le Caire, avec des départs de différents endroits de la ville convergeant vers la place Tahrir. Des centaines de manifestants ont brisé les cordons de sécurité et ont été rejoints par des passants, y compris des familles avec leurs enfants. Sur les banderoles, on pouvait notamment lire en plusieurs endroits “La Tunisie est la solution”. D’autres appelaient à la chute du régime égyptien et à la démission du Premier Ministre. Des affiches montrant Hosni Mubarak et son fils détesté, Gamal, ont été arrachées avec colère.

    Dans un premier temps, la police ne semblait pas trop savoir comment répondre à un tel nombre de protestataires, dépassant très largement les quelques centaines qui participent habituellement à ce genre de mobilisation. Par la suite, ils ont recouru à des cannons à eaux ainsi qu’à des gaz lacrymogènes contre les manifestants, ces derniers chargeant une autopompe et ouvrant la porte du conducteur pour le tirer hors du véhicule. La jeunesse s’est montrée particulièrement brave dans les confrontations avec la police, tenant leurs positions et repoussant la police et de nombreuses occasions.

    Des rapports ont également fait état de luttes entre manifestants et forces de police du district du Caire de Mattariya. Quelques 15.000 manifestants ont occupé les rues de Kafr El-Sheikh, dans le nord du pays, 2.000 à al-Mahalla al-Kubra (où une grande grève s’était déroulée en 2006). Plus de manifestants étaient présents à Alexandrie, Dar El-Salam, Boulaq, Maadi, Ard El-Lewa et Imbaba. Au Sinai, la route vers l’aéroport de Al-Goura à Rafah, ainsi que la route de Al-Mahdiya, ont été bloquées avec des voitures et des pneus enflammés. A Suez, deux manifestants ont été tués par la police.

    De précédentes protestations initiées par Facebook et des groupes de jeunes le 6 avril 2009 et 2010 avaient reçu des réponses mixtes. La police a habituellement réussi à protéger les centres-villes et à empêcher de grands rassemblements. Les protestations au Caire ne durent habituellement qu’une heure, mais elles se sont poursuivies tard dans la nuit ce 25 janvier, jusqu’à ce que la place soit finalement vidée par la police. Des sites comme Twitter et Bambuser ont été bloqués pour éviter tout partage d’information ou de vidéo.

    Opposition

    Quelques partis d’opposition ont soutenu l’appel à manifester – les nasséristes, Ayman Nour’s al-Ghad et al-Karama. D’autre, al-Wafd et al-Tagammu, les ex-partis ouvriers, ne l’ont pas fait. Le plus grand groupe d’opposition, les Frères Musulmans, sont apparus très confus sur cette question de soutenir ou non le mouvement. Ses dirigeants ont hésité jusqu’au jour même tandis que les jeunes membres créaient des pages Facebook en soutien des protestations. Un porte parole des Frères Musulmans a déclaré : “Les protestation de la place Tahrir sont spontanément apparues, (…) nous n’avons envoyé personne. Le gouvernement sait exactement qui représente ces manifestations. Nous espérons qu’il accèdera aux demandes du peuple."

    L’Eglise Copte (chrétiens d’Egypte) a appelé ses membres à éviter les cortèges de manifestants, trois semaines seulement après que des centaines de chrétiens aient protesté après l’attentat à la bombe d’Alexandrie, et n’ont rencontré que la violence de la police. Un prêtre a déclaré: “La Sainte Bible nous recommande d’obéir à nos Rois et dirigeants; des appels à manifester sont destructifs et nous prions donc pour le salut de l’Egypte.”

    Bien entendu, le gouvernement n’a aucune intention d’aller dans le sens des revendications de manifestants pour plus d’emplois, pour un salaire minimum et pour la fin de la corruption, de la répression et des torture de la police. Il pourra éventuellement faire des concessions dans le feu des protestations de masse, mais comme la Tunisie l’a démontré, chaque concession augmentera la confiance des travailleurs et des jeunes pour aller plus loin dans leurs revendications.

    La détermination des travailleurs et des jeunes contre le régime marque une nouvelle étape en Egypte. Plus jamais le régime de Mubarak ne sera en état de maintenir sa poigne sur le pays par la peur comme il a pu le faire précédemment. Jusqu’ici, la classe ouvrière égyptienne a à peine fléchi un muscle, mais l’atmosphère dans le pays est déjà électrique.

    La tâche la plus urgente actuellement est la formation par les travailleurs de leur propre parti, armé d’un programme socialiste visant à transformer la société. Nous appelons à l’instauration d’un salaire minimum d’au moins 1.200 Livres Egyptiennes (soit l’équivalent de 150 euros); à la garantie pour chacun d’avoir un emploi; au droit de faire grève et de s’organiser dans des syndicats démocratiques et indépendants; à un programme massif de construction de logements, à la garantie de l’accès à l’enseignements et aux soins de santé pour tous, à la fin de la brutalité policière et à des élections libres pour une assemblée constituante démocratique et pour un gouvernement des travailleurs et des travailleurs ruraux. Cela doit être lié à la nationalisation des grandes entreprises, des banques et des grands domaines pour satisfaire les besoins des travailleurs et des pauvres.

    L’étincelle de la révolution tunisienne a donné naissance à une flamme qui maintenant s’étend au monde arabe. Les évènements d’Egypte participant à ce processus, et il en ira ainsi jusqu’à ce que tous ces régimes pourris de la région soient renversés et que les ressources de la région seront utilisées pour mettre un terme à la pauvreté et à la répression de ces masses qui ont déjà souffert si longtemps.

  • Stop aux chanteurs homophobes ! Sexion d’Assaut : ‘‘On est homophobe à 100% !’’

    Depuis quelques jours, de nombreuses associations dénoncent les propos homophobes tenus par le groupe de rap Sexion d’Assaut : ‘‘l’homosexualité est une erreur, une déviance, un péché intolérable’’. De quoi faire trembler leur maison de disques. Le groupe est actuellement le premier vendeur de disques en France avec pas moins de 350.000 albums vendus, des chiffres inconnus dans le rap français depuis dix ans… et des comptes en banque garnis en conséquence.

    Après un été chargé en concerts déprogrammés, en prises de parole enflammées, c’est bien plus qu’un énième groupe de rap qui dérape. C’est dans une interview pour le magazine International Hip-Hop que le groupe Sexion d’Assaut répand sa morve : ‘‘On a beaucoup attaqué les homosexuels parce qu’on est homophobes à cent pour cent et qu’on l’assume!’’ Au fil de l’interview, le groupe enfonce le clou sur ce ‘‘phénomène de mode’’, ce ‘‘péché’’ qu’est l’homosexualité dont il faut se repentir par rapport à l’islam, la seule religion ‘‘dans le vrai’’. ‘‘On est très croyants et même dieu a envoyé un prophète chez les gays pour les rappeler à l’islam et leur pardonner leurs péchés.’’ Face à l’étonnement du journaliste, abasourdi par ce qu’il vient d’entendre, ils répondent ‘‘On ne peut donc pas se permettre de dire ouvertement que pour nous, le fait d’être homosexuel est une déviance qui n’est pas tolérable! On ne comprend absolument pas que le mariage gay et l’adoption pour les gays soient acceptés dans certains pays!’’

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    A lire également:

    • Un homme agressé à Bruxelles parce qu’il est homo : L’homophobie n’a pas pris de vacances !
    • [DOSSIER] Lesbiennes, gays, bis, trans, hétéros – Défendons la liberté de choix de l’orientation sexuelle!
    • Rubrique LGBT de ce site

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    Aujourd’hui, le groupe est inquiet et divisé, moins sur le fond de la polémique, mais plutôt sur la manière d’assurer les futures rentrées sur leur comptes en banques. En effet, le groupe vient de lancer sa nouvelle tournée, plusieurs concerts sont déjà prévus en France et en Belgique. L’annulation d’un seul concert représenterait des pertes substantielles, à éviter à tout prix. Alors forcément, certains membres du groupe essaient de faire bonnes figures, s’enlisent dans des déclarations bancales et contradictoires sur Twitter : les propos auraient été ‘‘mal rapportés’’ par une journaliste qui ‘‘a la haine contre le groupe’’. Pourtant, leur maison de disques Sony confirme que ces propos nauséabonds ont bien été tenus : ‘‘On était atterrés en écoutant l’enregistrement.’’ Leur participation aux MTV Music Awards est par ailleurs remise en question. En ce qui concerne les mises en garde de la maison de disque, le groupe réplique : ‘‘Mais on nous a déjà fait beaucoup de réflexions et on nous a dit qu’il était mieux de ne plus trop en parler dans nos nouveaux disques parce que ça pouvait nous porter préjudice, que notre public pourrait se sentir concerné. Imagine, il y a même des gays qui viennent nous voir en concert!’’ Enfin, plus pour très longtemps… Néanmoins, le groupe traine depuis toujours une réputation d’homophobes. Alors simple flirt avec l’homophobie ou combat de toujours ?

    Des appels au meurtre comme antécédents !

    Le groupe a déjà tenu, dans ses précédents albums, de véritables appels au meurtre contre les gays. En attendant la localisation du «prophète chez des gays», on peut toujours relire les paroles de la chanson On t’a humilié ‘‘Je crois qu’il est grand temps que les pédés périssent, coupe leur le pénis, laisse les morts, retrouvés sur le périphérique. Lointaine est l’époque où les homos se maquaient en scred. Maintenant, se galochent en ville avec des sappes arc-en-ciel. Mais vas-y bouge, vas-y bouge. Toutes ces pratiques ne sont pas saines, nos corps ne seront qu’un tas de cendres, la mort ne sera qu’une passerelle’’, entend-on dans Cessez le feu. Et de continuer… ‘‘T’as froid dans le dos quand un travelo te dit “vas-y viens”. Car tu sais que l’homme ne naît pas gay mais qu’il le devient’’ dans le morceau A 30%. ‘‘Bien trop de gays qui s’aiment et en plus se marient’’ dans Vous aussi ou ‘‘Toujours anti-homos’’ dans Rescapé. Pour ne citer que celles-là… Des chansons qui tournent en boucle sur Youtube, sans doute écoutées frénétiquement par des jeunes encore en manque d’esprit critique.

    Quand on voit l’indifférence qui règne autours ce genre de propos, il ne faut pas s’étonner de la montée de violence envers les homosexuels. C’est ainsi que la banlieue pauvre de Marseille a été le théâtre d’une agression particulièrement brutale le mois passé. David, un jeune étudiant, se balade avec un ami par une chaude soirée du mois d’août près du périphérique quand soudain, une bande de 10 jeunes bavant de rage se jette sauvagement sur eux : ‘‘sale pédé, on va t’arranger!’’ Les coups pleuvent. David perd connaissance. Il se réveille dans l’ambulance baignant dans son sang et souffre de multiples traumatismes, de quatre fractures au niveau du visage et plusieurs dents cassées. Après une opération maxillo-faciale, David conservera les deux mâchoires collées par des bridges métalliques. Il s’alimente aujourd’hui par une paille et devrait rester les deux mâchoires soudées pendant 4 à 8 semaines. Certain semblent avoir bien retenu la leçon de Sexion d’Assaut. Si nous voulons empêcher de tels actes homophobes, nous devons rester intransigeants face à ceux qui veulent diffuser la haine. Nous devons lutter pour empêcher toute prise de parole qui incite à la haine contre les homosexuels.

    Pas de place pour les homophobes !

    Rares sont les groupes de rap qui luttent contre l’homophobie et la misogynie comme Calavera, CelluleX, Piloophaz et Rapaces, beaucoup sont des noirs américains qui veulent faire vivre l’héritage du combat pour les droits civiques en luttant pour les gays. N’oublions que le bras droit de Martin Luther King était ouvertement homosexuel. Le problème aujourd’hui, c’est qu’il y a trop de tolérance vis-à-vis de l’homophobie dans le milieu du rap. Sexion d’Assaut n’est pas le premier groupe à faire davantage parler de lui pour ses propos haineux que pour sa musique. C’est ainsi que le chanteur Krys, qu’on entend plus aujourd’hui, affirmait : ‘‘Brûlez tous les bisexuels, les transsexuels, les homosexuels et les travestis, de cette mission là je m’investis. Coup de fusil sur les PD clic clac boum. Ils méritent tous de brûler’’. Il prétendait alors que l’homophobie n’est qu’une ‘‘opinion’’ liée à ses ‘‘convictions religieuses’’. C’est malheureux, mais ce n’est pas un cas isolé. Beenie Man, Capleton, Admiral T, Bounty Killer, Buju Banton, D. Pleen, Lieutenant, Sizzla et Straika,… tous ont déjà été dénoncés par plusieurs associations LGBT, et plusieurs de leurs concerts annulés.

    « Out of the closets and into the streets »

    De son côté, Sexion d’Assaut sera en concert à Bruxelles le 02 novembre à l’Ancienne Belgique à 20h, sans doute précédé par un comité d’accueil… En effet, plusieurs associations LGBT se mobilisent d’ores et déjà. Fortes de leur succès au festival Couleur Café cet été, les associations sont à présent montées à bloc. Elles avaient obtenu l’annulation pure et simple du concert de l’homophobe Bennie Man grâce à une mobilisation soutenue. Un groupe sur Facebook rassemble déjà des centaines de réactions : « Sexion D’Assaut, groupe homophobe: BOYCOTT ! ».

    Au delà de la chanson, nous voulons lutter contre toutes les discriminations et en particulier contre l’homophobie dans les écoles et sur les lieux de travail. C’est pourquoi le PSL/LSP participe chaque année à la Gay Pride et milite toute l’année avec du matériel contre l’homophobie lors de différents festivals, manifs, meeting et autres. Tout ce qui nous divise, nous affaiblit!

  • Révolution iranienne : vers où aller ?

    La classe des travailleurs doit rejoindre la lutte pour y jouer un rôle décisif

    Trente ans après la révolution de 1979, l’Iran a de nouveau explosé en convulsions révolutionnaires, avec des millions de personnes défilant dans les rues pour protester contre la manipulation certaine des élections présidentielles. Quelques heures seulement après la fermeture des bureaux de vote, le Président Mahmoud Ahmadinejad et ses cohortes au sein de la dictature théocratique ont annoncé leur victoire écrasante, avec 64% des voix pour un taux de participation de 85%.

    Tony Saunois, CIO

    Les manifestations de masse se poursuivent

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    • Appel à la solidarité du PSL/LSP en français et néerlandais (PDF)
    • Appel à la solidarité du PSL/LSP en anglais (PDF)
    • Appel à la solidarité du PSL/LSP en persan (PDF)
    • Protestations de masse en Iran
    • Iran 1978-79: Une révolution volée à la classe ouvrière
    • Rubrique "Asie" de socialisme.be
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      Cette seule annonce a suffi à faire surgir des centaines de milliers de personnes dans les rues – selon certaines sources, jusqu’à trois millions de personnes ont pris part à ce qui est la plus grande manifestation jamais vue à Téhéran. Les étudiants, la classe moyenne et des couches entières de la population de chômeurs, de pauvres et d’employés ont submergé les rues, exigeant qu’on leur «rende leurs votes» et qu’Ahmadinejad quitte le pouvoir. Quelle que soit la manière dont cette crise révolutionnaire se développe au cours des semaines à venir, il est clair que l’Iran ne sera jamais plus le même. Ce mouvement de masse pour le changement marque le début de la fin de la dictature en place.

      Évidemment, aucune analyse précise du résultat des élections n’est possible, mais l’étude des données avancées par le régime – effectuée par l’Université de Saint Andrews en Écosse – donne des résultats incroyables. Dans certaines zones, le taux de participation aurait été de 100%. Ahmadinejad aurait apparemment mobilisé assez de soutien pour accroître son vote de +113% par rapport à 2005. Pour que les chiffres mis en avant par le régime s’avèrent correctes, Ahmadinejad aurait dû remporter les votes de tous ceux qui n’ont pas voté en 2005, de tous ceux qui avaient alors voté pour le candidat «centriste», Rafsanjani, et 44% des voix de ceux qui avaient voté pour Karubi, un candidat plus réformiste.

      Une caractéristique frappante de ce mouvement et de la période précédant les élections a été l’apparition sur le terrain de la lutte de jeunes femmes – un événement sans précédent dans l’histoire iranienne récente. Ce facteur s’est reflété au cours de la campagne électorale: pour la première fois en Iran, la femme de Mir Hoseyn Moussavi, Zahra Rahnavard, a joué un rôle dirigeant et a attiré des foules massives, surtout composées de jeunes femmes, demandant «l’égalité».

      La censure de la presse et la restriction du droit de se rassembler n’ont pas empêché la diffusion des nouvelles de ce mouvement. La jeunesse en particulier a utilisé Facebook et Twitter pour organiser les manifestations, promouvoir la cause et rendre publique la répression utilisée contre elles. L’Iran dispose du plus grand nombre au monde de «bloggeurs» par personne.

      Les manifestations de masse qui ont inondé l’Iran à la suite de l’annonce des résultats électoraux marquent un tournant crucial. Défiant la «loi» et la répression brutale des forces de sécurité étatiques, elles illustrent le fait que les masses ont commencé à perdre leur crainte du régime et sont prêtes à le défier et à le provoquer. Ceci représente un changement décisif dans la psychologie des masses de tout mouvement dirigé contre une dictature. Confrontés au déploiement des forces paramilitaires brutales que sont les Basiji, les manifestants de Téhéran ont lancé le slogan «Tanks, fusils, Basiji: vous êtes maintenant impuissants!»

      Jusqu’à présent, il ne fait aucun doute que ce sont les étudiants et la jeunesse qui se sont trouvés à l’avant plan de ce mouvement. Les couches éduquées et cultivées de la jeunesse bouillonnent de mécontentement face à la nature étouffante et répressive du régime théocratique qui leur a ôté la liberté de choisir leur habillement, leur musique, leurs relations personnelles et leur communication. Pour les jeunes gens dans les rues, une tenue trop moulante, des cheveux trop hérissés, ou un «mauvais goût» en matière de musique suscitait la colère des matraques des Basiji. Avec une population composée selon les estimations de 60 à 70% de moins de trente ans, de telles restrictions étaient impossibles à maintenir indéfiniment. Quelle que soit l’importance de ces facteurs, ce mouvement les surpasse, réclamant tous les droits démocratiques et illustrant une soif de changement à travers l’ensemble de la société iranienne. Ceci est reflété dans la participation et dans le soutien larges en faveur de ce mouvement et qui vivent parmi les couches plus âgées de la population.

      Outre tout cela, se trouve toute la frustration et la déception accumulées par de larges couches de la population au cours des premières années de la Présidence d’Ahmadinejad. Ahmadinejad a été élu en 2005 et a conservé une base de soutien importante, en particulier parmi certaines couches dans les régions rurales et pauvres. Même au cours de ces élections, il semble y avoir une fracture entre les zones urbaines, plus larges, et les zones rurales. L’ampleur de cette division n’est pas encore complètement apparente. Par exemple, l’International Herald Tribune a publié un rapport provenant d’un petit village du nom de Bagh-e-Iman, près de la ville de Shiraz, au sud-ouest du pays. Selon ce rapport, la majorité des 850 villageois soutenaient Moussavi; pourtant c’est l’inverse qui a été déclaré lors du décompte des voix. Ceci, malgré le fait que les partisans d’Ahmadinejad y ont été hués au cours des assemblées électorales. Des convois entiers de voitures de villageois pleines à craquer se sont alors rendus à Shiraz pour y rejoindre les manifestations. Qui plus est, l’Iran dispose maintenant d’immenses centres urbains où vit aujourd’hui la majorité de la population, qui conserve des liens importants avec leur famille demeurée à la campagne. Selon des estimations récentes, près de 70% de la population habite en ville.

      Un populiste réactionnaire

      Le soutien d’Ahmadinejad parmi la population pauvre a été bâti sur base d’un populisme réactionnaire, dénonçant la corruption, la riche élite libérale et utilisant une politique nationaliste bruyante dirigée contre l’impérialisme occidental et en particulier américain.

      Lors des élections de 2005, il a repris un des slogans de la révolution de 1979, «Une République des pauvres». Après la révolution, d’importantes sections de l’économie iranienne ont été remises entre les mains de l’État, mais plutôt qu’une République des pauvres, c’est une République des riches, de l’oligarchie corrompue des Mollahs qui est apparue. En 2005, Ahmadinejad a aussi fait la promesse de redistribuer la manne pétrolière de manière plus équitable, en faveur des pauvres, et a introduit des subsides pour certains biens de consommation. Après son élection, toute une série de projets d’infrastructure ont également été entrepris. Cette rhétorique contrastait avec celle de Rafsanjani, son opposant «réformiste», lequel a été battu en 2005 sur base de son caractère corrompu et de ses liens avec les riches oligarques.

      Pourtant, la campagne populiste d’Ahmadinejad en faveur des pauvres n’a pas empêché son régime de brutalement attaquer les chauffeurs de bus de Téhéran et d’autres lorsqu’ils ont entrepris des actions de grève afin de défendre leurs intérêts.

      Toutefois, avec une inflation galopante qui s’élève à 30%, la hausse du chômage, qui aujourd’hui touche environ 25% des moins de trente ans, et le récent abandon des subsides pour l’essence et certains produits alimentaires, la frustration et la colère se sont accrues au cours de la dernière période.

      Ahmadinejad a aussi militarisé le gouvernement tant au niveau local que national, ce qui a mené à une répression accrue ainsi qu’à une hostilité croissante, surtout de la part de la jeunesse. Sur vingt-et-un postes ministériels, il en a octroyé quatorze à d’anciens officiers des Gardiens de la Révolution, comme lui. Le Basij a aussi reçu des droits d’extraction pétrolière, ce qui a mené à des allégations de corruption, alors qu’il était justement censé l’éradiquer.

      Jusqu’ici, la force du mouvement, inédit en Iran depuis la révolution de 1979, a contraint le régime à effectuer toute une série de zigzags en guise de réponse, et a ouvert des fractures et des divisions en son sein. Au départ, le Conseil des Gardiens s’est contenté d’officialiser le pseudo-résultat des urnes, et a rejeté les demandes de recomptage. Il a ensuite fait marche arrière et a concédé un recomptage partiel de certaines urnes «contestées». Très récemment, il a accepté le fait qu’un peu plus de six cents urnes contestées soient recomptées. Toutefois, même si l’on obtenait par miracle la concession d’un recomptage complet, cela ne voudrait en réalité rien dire. Après tout, qui serait chargé de contrôler les contrôleurs? Selon Robert Fisk, un journaliste anglais, une bagarre a éclaté parmi les parlementaires réactionnaires sur la réponse à donner face à la phrase d’Ahmadinejad selon qui les manifestants ne sont rien de plus que «poussière et cendres».

      Comme Trotsky l’a fait remarquer dans son œuvre monumentale qu’est «L’Histoire de la Révolution russe», l’arrivée des masses sur le terrain de la lutte avec l’ampleur que nous voyons en ce moment constitue une des caractéristiques d’une révolution. Dans ce sens, l’on peut dire que c’est une révolution qui se déroule en ce moment en Iran.

      Khamenei

      Quel type de révolution?

      Toutefois, il y a différents types de révolution. Historiquement, il y a eu les révolutions bourgeoises des 17e et 18e siècles en Europe, qui ont balayé la société féodale. Il y a également eu la révolution socialiste comme celle qui s’est par exemple déroulée en Russie en 1917, et qui a eu pour conséquence le renversement du capitalisme et du féodalisme, et la mise en place d’une démocratie ouvrière. Celle-ci a été suivie par une contre-révolution politique, lorsque le régime bureaucratique de Staline a émergé et a ôté son pouvoir politique à la classe salariée.

      Il peut également y avoir des troubles révolutionnaires qui ont pour conséquence un changement de pouvoir politique, mais qui conservent intactes les anciennes relations sociales et de propriété. En Iran pour l’instant, c’est une révolution politique qui est entrain de se produire, dans le cadre du capitalisme. Toutefois, une révolution est un processus, et au cours de ce développement peuvent émerger des questions et des revendications sociales qui l’amènent en conflit avec le système social du capitalisme. Les débats et les disputes qui se sont déroulés à la télé entre Moussavi et Ahmadinejad lors de la campagne électorale ont joué un rôle central dans l’essor de la population et surtout de la jeunesse, qui a été ensuite entraînée dans le mouvement de manière active, et est devenue une force motrice, qui conduit la lutte depuis que les soi-disant résultats des élections ont été annoncés.

      La question cruciale maintenant en Iran est de savoir comment ce mouvement va se développer, et le type du nouveau régime qui va en ressortir. A ce stade des événements, on ne peut pas dire avec certitude comment la crise actuelle va se dérouler et se développer. La classe salariée va-t-elle surgir à l’avant-garde de la lutte pour la tirer en avant? Il est toutefois clair que c’est une nouvelle ère qui s’ouvre en Iran, et que les troubles et la révolution vont se développer tout au long d’une période prolongée, avec de nombreuses crises et de nombreux revirements de situation.

      Lénine a défini quatre principales conditions pour le développement d’une révolution socialiste.

      Premièrement, des fractures et des divisions doivent s’ouvrir au sein de la classe dirigeante et de ses représentants politiques. Deuxièmement, la classe moyenne doit se trouver dans un état d’hésitation, avec une couche importante parmi elle qui soutienne la révolution. Troisièmement, la classe salariée doit être organisée et doit afficher une évidente volonté de lutte – se plaçant à la tête du processus révolutionnaire. Quatrièmement, il faut un parti socialiste révolutionnaire de masse, avec une direction décidée, et un large soutien pour ses idées parmi d’importantes couches de la population – et en particulier, le soutien des couches actives des salariés.

      Il ne fait aucun doute que les deux premières conditions sont présentes en Iran à l’heure actuelle. Cependant, il serait idiot et irresponsable de prétendre que, dans l’état actuel du mouvement en Iran, ces deux conditions y ont déjà muri. La troisième condition – la volonté de lutte de la part de la classe salariée – n’est pas clairement évidente à ce stade-ci. La classe ouvrière n’a pas encore clairement marqué ce mouvement, agissant en tant que force indépendante. La quatrième condition de Lénine – celle d’un parti de masse et d’une direction socialistes révolutionnaires – doit encore y être construite. Le degré de volonté de lutte par les travailleurs doit encore être mis à l’épreuve par des comités de lutte démocratiquement élus et des syndicats indépendants, qui sont encore inexistants.

      L’absence d’une conscience de masse chez la classe salariée quant à son rôle indépendant, et l’absence d’une direction révolutionnaire, deviennent des obstacles objectifs à la révolution. Sans une estimation précise de ces facteurs, il est impossible d’estimer correctement les perspectives pour la révolution qui commence à se dérouler en Iran.

      Fractures au sein du régime

      Il ne fait aucun doute qu’une fracture majeure s’est ouverte au sein du régime au pouvoir en Iran. Elle s’est même étendue aux forces qui soutiennent Ahmadinjad, jusqu’à y provoquer des bagarres, concentrées autour de la réaction à adopter face au mouvement de masse qui semble les avoir prises par surprise. L’arrestation de membres de la famille de l’ancien Président Rafsanjani indique la profondeur de cette fracture ouverte au sein de l’élite dirigeante.

      Le conflit entre Ahmadinejad et Moussavi représente également une division parmi les dirigeants. Tandis que les masses dans les rues se sont ralliées à Moussavi et placent de grands espoirs et illusions en lui, lui-même, ainsi que ses principaux partisans, a fait partie du régime théocratique. Moussavi, qui était Premier Ministre à l’époque de la crise des otages de 1979, a été responsable pour la répression contre les militants de gauche, et n’a rien fait pour s’opposer à la «fatwa» prononcée contre l’écrivain Salman Rushdie par le Guide Suprême de l’époque, l’Ayatollah Khomeini.

      Lors de cette campagne électorale, il a promis la réforme du système existant, une plus grande libéralisation économique, la baisse du chômage et une «plus grande égalité» entre hommes et femmes, mais tout cela au sein du régime théocratique clérical actuel. En essence, son programme consiste en un plan de réformes d’en haut pour empêcher une révolution d’en bas, afin de maintenir l’ordre existant.

      Pourtant, cette division importante et cruciale a ouvert la porte à travers laquelle les masses se sont déversées dans l’arène de la lutte. La détermination d’Ahmadinejad et de ses partisans à se maintenir au pouvoir coûte que coûte a encore plus élargi la fracture entre eux. Le fait que l’Ayatollah Khamenei, Guide Suprême de la nation, décide de conserver Ahmadinejad à son poste, et exige la fin des manifestations sous peine de voir la répression s’aggraver, menace de renforcer le conflit et de le porter un cran plus haut. Après avoir commencé par réclamer une réforme du système, le mouvement se trouve maintenant directement confronté à la figure de Khamenei, ce qui l’amène en collision avec l’ensemble de l’État théocratique.

      Au début de la guerre civile espagnole, Trotsky a expliqué qu’en 1931, le général Berenguer avait agit en tant que portier, ouvrant la porte à travers laquelle les masses se sont engouffrées dans la lutte. On peut aujourd’hui dire la même chose de Moussavi, lequel, ayant ouvert la porte, tente maintenant de la refermer à nouveau. Malgré ses tentatives, la pression demeurera, et risquera de la faire voler en éclats.

      Au moment où nous écrivons, il n’est pas encore très clair de savoir si les masses sont prêtes à aller encore plus loin, pour porter le mouvement vers une telle confrontation directe. Toutefois, les indications données par les personnes interviewées, de même que les rapports qui nous parviennent via Twitter et Facebook – et qui sont une caractéristique de ce mouvement – montrent que la déclaration de Khamenei a enragé une couche importante de la population. Les étudiants de l’Université de Téhéran ont déclaré une occupation permanente du campus après la déclaration du vendredi 19 juin. Ils ont appelé à une grève pour le mardi 22 juin. Cependant, confrontées à un déploiement massif des forces de sécurité, les manifestations du week-end des 20 et 21 juin ont semblé bien plus petites. Alors que les étudiants ont fait montre d’un grand héroïsme tout au long du mouvement, le niveau de la répression semble avoir intimidé d’autres couches de la population, qui préfèrent rester en-dehors du mouvement de protestation. Ceci n’aurait pas été le cas si la classe salariée avait marqué ce mouvement en tant que force indépendante et organisée.

      Il est maintenant possible que, confronté à une répression féroce, le mouvement ralentisse et s’interrompe temporairement pour une certaine période. Ceci est d’autant plus probable que la classe salariée tarde à rejoindre la lutte de manière décisive. Si une telle situation devait se produire, nous pouvons être certains que ce mouvement fera à nouveau irruption dans un futur proche.

      Toutefois, le mouvement de protestation qui s’est déroulé jusqu’ici s’est accru malgré les tentatives de démobilisation effectuées par Moussavi – qui a même appelé à l’annulation d’une manifestation de masse. Malgré cela, des centaines de milliers de gens sont descendus dans les rues, illustrant le fait que ce mouvement se développe d’en bas, malgré les tentatives de sa direction de l’empêcher. Moussavi est tout comme Ahmadinejad terrifié par le mouvement de masse – encore plus à l’idée qu’il puisse se transformer en un mouvement indépendant de la classe salariée.

      La classe des travailleurs

      La question cruciale qui se pose maintenant est de savoir si oui ou non la classe salariée est prête à rejoindre la lutte de manière décisive. Si un tel cas se produisait, alors le renversement du pouvoir d’Ahmadinejad serait clairement mis à l’ordre du jour. Bien que, selon certains rapports, les chômeurs et d’importantes couches de la population pauvre aient rejoint les manifestations à Téhéran nord (une zone plutôt habitée par des classes moyennes) et que les ouvriers du bâtiment aient acclamé la manifestation de l’opposition tandis qu’elle passait, nous n’avons encore reçu aucun rapport faisant état de travailleurs partant en grève ou formant leurs propres organes de lutte. Toutefois, certains indices montrent qu’un tel processus serait en train de se mettre en place.

      Les chauffeurs de bus de Téhéran, qui jouissent d’une longue histoire de lutte contre le régime, ont publié une déclaration soutenant le mouvement et ceux qui combattent la répression du régime. Ils ont appelé à une journée de protestation pour le vendredi 26 juin. Il semblerait également que les ouvriers de l’usine automobile de Khowdrow ont imposé une grève de 30 minutes au début de chaque pause en guise de protestation contre la répression contre les manifestants.

      En outre, les chauffeurs de bus, dont le chef Mansur Osanlu purge une peine de cinq ans de prison pour les grèves qu’il a organisées dans le passé, tout en soutenant les manifestations, ne soutiennent aucun des candidats à l’élection présidentielle, puisqu’aucun d’entre eux ne représente la classe des travailleurs. Selon d’autres rapports, des discussions quant à l’organisation d’une grève générale se déroulent en ce moment.

      La révolution est un processus vivant qui se développe d’heure en heure et de jour en jour. De nombreux mouvements révolutionnaires ont commencé par l’entrée en lutte des étudiants universitaires et de couches de la classe moyenne, qui ont ensuite été rejoints par classe salariée, laquelle porte l’ensemble de la lutte à un niveau différent et supérieur. Cela a été le cas en France en 1968, et en Iran en 1979. La question, maintenant que la répression s’intensifie, est de savoir si le mouvement est prêt à se battre jusqu’au bout et à prendre les mesures nécessaires pour défier et renverser le régime.

      Au cas où Ahmadinejad et son régime adoptent une politique encore plus répressive et brutale, causant de nombreux décès, cela pourrait mettre le feu aux poudres et lancer les travailleurs dans la lutte. Certaines sources mentionnent une douzaine de personnes tuées par les forces de sécurité le 20 juin. La déclaration de Khamenei et le déploiement de l’appareil d’État constituaient une stratégie hautement risquée. Si de plus gros combats avaient eu lieu, provoquant le décès de plusieurs centaines voire milliers de personnes, ceci aurait été le détonateur pour la classe salariée qui serait entrée en lutte de manière plus consciente et décisive.

      Beaucoup d’étudiants proviennent de familles pauvres et bénéficient de bourses et d’aides afin d’accéder à l’université. Confrontées à l’explosion de la classe salariée alliée à la jeunesse, il n’est guère assuré que les forces répressives de la machine étatique demeureraient intactes.

      Bien qu’il y ait eu des tirs et des attaques brutales sur les étudiants de l’Université de Téhéran, surtout de la part des Basiji, il y a aussi des témoignages de Basiji refusant d’attaquer les manifestants. La composition sociale des Basiji en fait une force extrêmement peu digne de confiance lorsqu’il s’agit de l’utiliser contre les manifestants. Le gouvernement prétend que ses effectifs s’élèvent à 12 millions de miliciens (sur une population totale de 70 millions d’Iraniens). Pour beaucoup d’analystes, il s’agit là d’une exagération, et les effectifs réels ne s’élèveraient qu’à la moitié de ce nombre. Le Basij est une organisation relativement facile à rejoindre, ne requiert finalement que peu d’entraînement, et n’exige pas un service à plein temps. Selon une source, son noyau dur ne s’élèverait qu’à environ 90.000 personnes. Le reste des miliciens proviennent de leurs familles, parmi lesquelles nombreuses sont les personnes qui ont participé aux manifestations d’opposition.

      Au cas où le mouvement gagnerait encore plus de force, et surtout si la classe salariée devait rejoindre la lutte de manière organisée et déterminée, alors les différentes ailes de l’appareil étatique pourraient scissionner et se fragmenter. D’importantes couches de cet appareil passeraient du côté des manifestants. C’est là sans nul doute ce que craignent les gros bonnets au sein du régime.

      Ce mouvement a mis à jour les divisions de classe et sociales massives qui existent dans la société iranienne. Si la crise devait se poursuivre et si la révolution ne prend pas les mesures décisives pour aller de l’avant et pour finalement obtenir que la classe salariée, soutenue par la classe moyenne, la jeunesse et les paysans pauvres, prenne en main la gestion de la société, alors de nouvelles divisions peuvent également commencer à apparaître.

      Il y a une forte conscience nationale iranienne. Cependant, la population est composée de toute une série de groupes ethniques. On estime qu’elle est constituée de 52% de Perses, de 24% d’Azéris, de 8% de Gilakis et de Mazandaranis, et de 7% de Kurdes. Moussavi lui-même a parlé en Azéri lors de certains rassemblements (1). C’est là un nouveau point de fission qui pourrait s’ouvrir à un certain stade.

      L’éruption du mouvement en Iran représente un point tournant dans la lutte des masses. Il n’est encore qu’à ses stades initiaux, mais va déjà plus loin que les événements de 1999 et se développe rapidement. Il reste à voir si cette crise révolutionnaire, qui comporte d’importants éléments d’une situation pré-révolutionnaire, est à comparer avec celle de Russie en 1905 ou en 1917. La révolution de 1905 a été vaincue car elle ne bénéficiait pas du soutien des paysans des zones rurales. Elle a été une anticipation de la révolution de 1917. La révolution de 1917 a été menée par la classe ouvrière, avec le soutien et l’implication actifs de la paysannerie. Cette différence entre 1905 et 1917 est peut-être également présente dans la crise qui se déroule en Iran aujourd’hui. En 1905, les masses, et en particulier la classe salariée de Saint-Pétersbourg, s’étaient mises en action. Au début, elles désiraient simplement plaider auprès du Tsar, menées par un prêtre du nom de Père Gapon. Aujourd’hui en Iran, les masses ont demandé des droits démocratiques et la réforme du système existant, et reprenaient de même des slogans religieux. Toutefois, dans la Russie de 1905, les travailleurs avaient formé leur propre organe de direction, le Soviet (conseil populaire), qui joua un rôle décisif, et qui refit surface lors des grandes révolutions de 1917. Ce genre de développement ne semble pas encore avoir pris place en Iran.

      Toutefois, la révolution de 1905 fut vaincue, et une période de contre-révolution et de répression a suivi. Pourtant, 1905 fut un précurseur décisif pour la révolution de 1917, qui eut pour conséquence finale la prise du pouvoir par la classe salariée.

      L’Iran de 2009 pourrait n’être qu’une anticipation d’un mouvement encore plus grand à venir. Si tel devait être le cas, quand bien même le régime actuel parviendrait à se maintenir pour une certaine période, la crise et les antagonismes sociaux demeureront et s’intensifieront, et mèneront certainement à de nouveaux troubles révolutionnaires. L’absence d’un véritable parti et d’une véritable direction socialistes révolutionnaires, couplée à la confusion politique qui existe assurément après trente ans de régime théocratique et à la retraite idéologique organisée internationalement quant à l’idée d’une alternative socialiste, signifie que la révolution en Iran va nécessiter un développement plus prolongé.

      Une alternative socialiste

      Le fait que Hugo Chavez, le Président “socialiste” du Venezuela, a, de manière scandaleuse, soutenu et défendu Ahmadinejad, ne peut qu’ajouter à la confusion. Ceux qui, parmi la gauche, ont de manière opportuniste décidé de garder le silence quant à la politique erronée de Chavez vis-à-vis d’Ahmadinejad et d’autres régimes et quant à d’autres enjeux n’ont pas aidé les masses iraniennes à suivre la bonne voie et à adopter l’idée d’une alternative socialiste authentique.

      La tâche cruciale qui se pose maintenant en Iran, afin de vaincre Ahmadinejad et de mener le mouvement en avant, est d’assurer que des organisations réellement démocratiques soient formées afin de diriger la lutte. Des comités de grève, impliquant la classe moyenne, doivent être élus dans chaque entreprise, chaque université et chaque quartier. Plus que tout, ces comités doivent être prêts à appeler à la grève générale et à appeler la base de l’armée, des Gardiens de la Révolution, du Basij, et des autres organisations répressives de l’État, à rejoindre le mouvement, à renverser leurs officiers et à former leurs propres comités.

      L’appel à un recomptage des voix par l’appareil étatique actuel ne résoudra pas la crise et ne peut pas remporter la confiance du peuple. Des comités de lutte élus pourraient poser la base pour l’organisation d’élections à une Assemblée constituante révolutionnaire afin de déterminer l’avenir du pays. Le comptage de toutes les voix pour une telle Assemblée doit être supervisé par des comités démocratiquement élus.

      L’édification d’un gouvernement ouvrier et paysan, sur base d’un programme socialiste révolutionnaire, visant à rompre avec le capitalisme, est la seule voie qui puisse mener à la conquête de véritables droits démocratiques et à l’égalité pour l’ensemble du peuple iranien, exploité par le système actuel et par le capitalisme.

      De telles revendications doivent inclure la liberté d’assemblée, le droit de former des partis politiques, de former des syndicats indépendants, de produire des journaux et des programmes télévisés sans censure étatique, de même que la libération de tous les prisonniers politiques et de tous ceux qui ont été arrêtés pour s’être dressés contre le régime.

      La nouvelle ère qui s’ouvre en Iran ouvre la perspective de travailleurs et de jeunes tirant les conclusions nécessaires quant à quel programme et quelle organisation sont nécessaires pour assurer une victoire durable et mettre un terme à la dictature et à la pauvreté subies sous le régime actuel. Le rôle des socialistes révolutionnaires est d’aider ces jeunes et ces travailleurs à trouver cette voie.


      (1) Musavi lui-même est natif de la province iranienne d’Azerbayjan oriental, principalement peuplée d’Azéris

      (2)En juillet 1999, les étudiants de l’Université de Tehran ont organisé une manifestation contre la fermeture d’un journal, qui fut fortement réprimée par les autorités. Les émeutes qui s’ensuivirent durèrent une semaine et se propagèrent dans les autres grandes villes iraniennes.


      Le Comité pour une Internationale Ouvrière, CIO

      Cette analyse est issue du CIO.

      Le capitalisme est un système mondial et il doit être combattu à la même échelle. C’est pourquoi le Parti Socialiste de Lutte fait partie d’une organisation marxiste internationale: le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), un parti mondial actif sur tous les continents. Notre lutte en Belgique s’inscrit dans le cadre d’une lutte des travailleurs du monde entier pour un société socialiste car si la révolution socialiste éclate sur le plan national, elle se termine sur l’arène internationale. La démocratie ouvrière et la planification socialiste de la production ne peuvent se limiter à un seul pays. C’est d’ailleurs l’isolement de la Russie soviétique qui a conduit à sa dégénérescence à partir de 1924.

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