Tag: Europe occidentale

  • Augmentation de la flexibilité, réductions de charges, cadeaux fiscaux,… VW nous remercie avec 4000 licenciements

    Augmentation de la flexibilité, réductions de charges, cadeaux fiscaux, investissements sur le dos de la communauté, …

    La restructuration de VW.

    Parce qu’il y a trop de voitures produites?

    D’après ce qu’on nous dit, le marché européen aurait une capacité de production de 26,5 millions de voitures alors que le marché ne pourrait en absorber que 20,5 millions. Volkswagen ne peut pas faire appel à cet argument.

    « Volkswagen a dit que les livraisons destinées à la consommation mondiale ont augmenté durant le premier trimestre jusqu’à 1.361 millions de voitures contre 1.183 millions l’an dernier. La part de marché augmente spécialement en Allemagne et dans d’autres marchés importants en Europe occidentale. » (De Tijd, 28/04/2006).

    Parce qu’il n’y a pas de profits ?

    En 2005, VW a réalisé un profit de 1,12 milliards, ce qui équivaut au double des résultats obtenus en 2004. Les chiffres pour 2006 ne sont pas encore complets, mais malgré une cotisation unique pour les pensions de 688 millions d’euros, les profits de cette année seraient encore bien plus élevés qu’en 2005. Le chiffre d’affaires a augmenté de 7%. VW en veut toujours plus, l’objectif de ce plan de restructuration étant d’augmenter les profits jusqu’à 5,1 milliards d’euros en 2008.

    La communauté paie, l’actionnaire se remplit les poches

    En plus des 4.000 ouvriers et employés de Volkswagen qui perdent leur emploi, il faut encore compter les 8.000 emplois qui vont tomber chez les sous-traitants. Le gouvernement a dépensé notre argent afin de récompenser la direction de VW : la diminution des charges patronales, les baisses de charges pour le travail en équipe et le travail de nuit, et encore un cadeau récent pour les heures supplémentaires. En outre le gouvernement a généreusement investi 35 millions d’euros dans l’Automotive Park, sensé ancrer solidement VW en Belgique. Cette stratégie a clairement fait faillite. Le gouvernement se plaint maintenant du « nationalisme des Allemands », de «l’intérêt propre des syndicats allemands », du «manque de marché libre ». Ils oublient de mentionner qu’en Allemagne aussi 20.000 emplois sont menacés. Les dons qu’ils ont offerts aux patrons de VW, n’était-ce pas une entrave au libre marché ?

    Le gouvernement aurait mieux fait de récupérer les investissements de soutien et les baisses de charges des années précédentes afin de les réorienter vers leur but premier annoncé : le maintien de l’emploi !Des tas d’autres entreprises sont également confrontées à des restructurations. Les ouvriers et les employés de tout le pays partagent notre sort. Beaucoup d’entre eux n’attendent que d’exprimer leur solidarité et leur colère avec les travailleurs de VW.

    Après Peter Hartz, l’ancien directeur du personnel de VW, c’est maintenant au tour de Klaus Volkert, l’ancien président du CE d’être ramassé. Sur 10 ans, il aurait encaissé 1,9 millions d’euros en échange de la « paix sociale ». Moins de lobbying envers les patrons et les politiciens, et plus de participation à la base ne ferait pas de mal à la solidarité entre les travailleurs.

  • Libéralisation des marchés: Ce sont les actionnaires qui y gagnent, pas nous!

    Et vous, vous vous en sortez ? Depuis la libéralisation du secteur télécom, nous avons le choix entre 26 opérateurs et 65 tarifs. Pour fournir l’énergie, nous disposons de 6 fournisseurs privés différents, en plus de 9 intercommunales mixtes et de deux sociétés de contrôle. Depuis le 1er janvier, nous avons la possibilité de passer par plusieurs sociétés privées pour un envoi postal de plus de 50 grammes. Le transport ferroviaire de marchandises a déjà été libéralisé et le transport de voyageurs s’y prépare aussi.

    Eric Byl

    Tout cela serait, paraît-il, avantageux pour “le consommateur”, c’est-à-dire vous, moi et nos familles. Mais, pour sortir de cette jungle des fournisseurs et des tarifs, le consommateur devra être quelqu’un de super-informé, ayant beaucoup de temps libre, capable de déchiffrer les contrats jusque dans les petites lettres et disposant d’une connexion au réseau internet. Combien de personnes répondent à ces critères ? Sur le « marché de l’électricité », seuls 12% des usagers ont changé de fournisseur (De Morgen, 14.01.2006). Et une personne sur deux a déjà constaté des problèmes, allant de factures vagues ou erronées à un mauvais service après-vente en passant par l’absence de factures intermédiaires (De Standaard, 13.01.2006).

    Profits nets 2005

    • Suez: 2,08 millards d’€, 48% de plus qu’en 2004
    • Electrabel et Distrigas: 1,28 millard d’€, 79% de plus qu’en 2004
    • Nuon: 1,14 millard d’€, 18% de plus qu’en 2004 Les actionnaires de Nuon ont reçu 322 million d’€ en dividendes, contre 119 million d’€ en 2004
    • La moitié des utilisateurs ont connu des problèmes après avoir changé de fournisseur d’énergie: facture en retard, double facturage, …
    • Pannes électriques avec 5 cm de neige tombée!
    • 22.000 « compteurs de budget » en 2005 contre 11.600 entre 2002 et 2004
    • 10.800 emplois perdus à Belgacom en 10 ans

    En Flandre, où la libéralisation du secteur de l’énergie s’est appliquée plus tôt, le parti «socialiste» (SP.a) commence à réaliser qu’il y a un problème et constate que “souvent les défavorisés sont victimes de leur ignorance… Souvent ils ne savent même pas qu’ils sont libres de chercher un fournisseur d’énergie bon marché”. (De Standaard, 25.05.2005). Présenté de cette manière, il semblerait que c’est parce que nous sommes des crétins que nous payons trop ! Les fournisseurs ne montrent pas plus de respect : l’année passée, 36.000 foyers ont vu leur électricité coupée par leur fournisseur et n’ont plus droit qu’à la fourniture minimum des distributeurs, soit 7,5% de plus que l’année précédente. En 2004, 2.250 foyers ont subi une coupure totale. Les chiffres pour 2005 ne paraîtront qu’au milieu de 2006, mais on sait déjà que ce nombre à fortement augmenté. Une nouvelle expression est née en Flandre : les « energiearmen », les “pauvres à cause de l’énergie”.

    Mais il y a aussi des « riches à cause de l’énergie ». En 2005, le profit net de Belgacom a été de 959 million d’€, dont 500 millions ont été versés aux actionnaires. Bellens, le patron de Belgacom, reçoit chaque jour un salaire comparable au salaire mensuel de 6 membres du personnel. Et, ici aussi, ce sont d’autres consommateurs – ceux qui travaillent ou qui ont travaillé dans les sociétés actuellement libéralisés – qui ont fait les frais de la fête : entre 1996 et juin 2005, le personnel de Belgacom à diminué de 24.309 à 13.569 travailleurs, ce qui a coûté aux contribuables 250 millions d’€ en allocations et en pertes de rentrées.

    Ce n’est pas mieux ailleurs. A La Poste travaillent actuellement 35.000 postiers, 9.000 de moins qu’il y a 10 ans. Chez Electrabel, le personnel a manifesté pendant Batibouw contre le non-respect de la garantie d’emploi pourtant inscrite depuis 40 ans dans les conventions collectives. Rien d’étonnant alors qu’en terme de services, la libéralisation soit une affaire foireuse, au point qu’à l’occasion des nombreuses pannes d’électricité qui se sont produites au cours de cet hiver, Freddy Willockx, le bourgmestre de St. Niklaas, a pu déclarer : “Je me demande si je vis en Amérique Latine ou en Europe Occidentale”.

    Ces derniers jours, on commence à discuter ouvertement, au gouvernement et dans la presse, de l’échec de la libéralisation du marché d’électricité. Pas à cause de ses conséquences antisociales (il ne faut pas rêver !), mais parce qu’Electrabel renforcera encore son monopole de fait si la fusion entre sa société-mère Suez et Gaz de France a lieu. Vande Lanotte, président du SP.a, affirme avoir la solution: “Il faut refaire la libéralisation du marché d’énergie”. Non merci, Monsieur, on a déjà donné. Ce que nous voulons, c’est un vrai service public accessible à tous, de bonne qualité et à prix raisonnable. Mais, pour cela, il faudrait oser tailler dans les profits de tous ceux qui se sont enrichis grâce à la libéralisation.

  • Attaque d’ampleur contre l’enseignement supérieur flamand. Un avant-goût de l’avenir de l’enseignement francophone

    Attaque d’ampleur contre l’enseignement supérieur flamand.

    Le «plan Vandenbroucke», du nom du ministre «socialiste» de l’enseignement flamand, vient d’être dévoilé. Ce nouveau décret qui doit régler le financement de l’enseignement supérieur néerlandophone à partir de 2007 est clairement néo-libéral et veut rogner les moyens de fonctionnement de la plupart des instituts d’enseignement de façon drastique.

    Tim Joosen

    Les universités et les hautes écoles devront faire des millions d’euros d’économies

    Même si l’enseignement est géré de manière séparée dans les communautés flamande et française, les mauvais coups qui se préparent d’un côté annoncent toujours des mesures semblables de l’autre par la suite. Comprendre ce que signifie le plan Vandenbroucke et développer la solidarité avec les étudiants et les enseignants flamands est donc primordial.

    La grande majorité des universités et des écoles supérieures devraient supporter de fortes réductions. En fait, seule l’Université Catholique de Leuven (KUL) en sortirait gagnante en voyant sa dotation passer de 17 à 22 millions d’euros. Les grandes victimes seraient surtout les universités plus petites et les hautes écoles: l’Université d’Anvers (UA) perdrait 8 à 10 millions d’euros et l’Université Flamande de Bruxelles (VUB) de 9 à 11 millions tandis que la Haute Ecole de Gand devrait se débrouiller avec 3 à 5 millions en moins chaque année.

    Il est évident que ceci va dans le sens des réformes de Bologne qui prévoient l’existence d’un marché international de l’enseignement en 2012 dans lequel les institutions se concurrenceront sans merci afin d’attirer moyens financiers et étudiants.

    Vandenbroucke fait clairement le choix de ne conserver qu’une grande université d’élite en Flandre, l’Université Catholique de Leuven, destinée à affronter la concurrence à un niveau international. A côté d’elle ne subsisterait qu’un réseau d’universités et de Hautes Ecoles de moindre valeur… et sous-financées.

    L’enseignement n’est plus un service mais un marché

    Avec ce décret, l’enseignement doit être soumis au marché libre et ne peut plus être considéré comme un service à la population.

    Cette orientation se manifeste à travers la nouvelle clé de répartition que VDB veut instaurer. Jusqu’à présent, les pouvoirs publics octroient de l’argent aux institutions en fonction du nombre d’étudiants inscrits. Ces subsides étant fixés à long terme, la concurrence est donc sans objet.

    Dans l’avenir tracé par Vandenbroucke, les moyens financiers des universités et des hautes écoles seraient désormais calculés en fonction du nombre d’étudiants qui auraient réussi, du nombre de doctorats,… Les moyens de fonctionnement seraient chaque année redistribués entre les différentes institutions selon leurs résultats. Et cela dans le cadre d’un système où les universités et les hautes écoles, devraient, à l’instar des entreprises, entrer en concurrence les unes avec les autres pour attirer des moyens complémentaires.

    La quantité avant la qualité

    Les formations et les institutions plus modestes seraient sanctionnées sur le plan financier au détriment de celles qui comptent un grand nombre d’étudiants. Pourtant les rapports de commissions de visite, qui contrôlent actuellement la qualité dans l’enseignement supérieur, démontrent que des instituts plus petits, davantage centrés sur les étudiants, obtiennent de meilleurs résultats que des institutions plus importantes. Apparemment, la qualité de l’enseignement se situe bien loin dans les priorités de VDB.

    Au nom de la «libre concurrence», c’est la position de monopole de l’Université de Leuven qu’on est en train de développer. Les écoles ne pourraient espérer compenser ces mesures grâce à la présence d’étudiants boursiers. Certes, ceux-ci ramènent plus de subsides aux écoles que d’autres étudiants, mais aucun moyen financier n’est prévu pour proposer des kots bon marché, des repas de qualité et des équipements sociaux pour attirer ces étudiants boursiers.

    Protestations contre le décret de financement

    La publication du décret de financement a provoqué de vigoureuses réactions dans l’enseignement supérieur et la plupart des directions des hautes écoles et des universités ont déjà protesté auprès du ministre. Même au sein de l’université de Louvain, la majorité du personnel académique n’est pas favorable à ce modèle d’enseignement néolibéral. Sous la pression des protestations des autorités académiques, VDB a d’ailleurs déjà dû postposer son plan d’un an, jusqu’en 2008.

    Diviser pour mieux régner

    Les économies qui sont proposées aujourd’hui cadrent exactement avec le modèle d’enseignement supérieur que la bourgeoisie veut promouvoir. Actuellement, il y a un surplus de personnes hautement diplômées en Europe Occidentale et les patrons ne veulent plus payer ces diplômes qui coûtent cher. De plus, l’énorme secteur de l’enseignement doit être intégré au modèle du marché, de sorte que les grandes multinationales aient aussi leur mot à dire sur l’enseignement et la recherche scientifique.

    Vandenbroucke tente de diviser les différentes universités et hautes écoles afin de gagner la bataille, en utilisant la tactique de «diviser pour mieux régner». Il est conscient que cela fait des années que le mouvement étudiant est paralysé en Flandres et que de larges secteurs des syndicats d’enseignants ont une attitude passive. Mais il n’y a qu’une chose qu’il perd de vue: la bataille doit encore être livrée…

    Comment se lancer dans la bataille ?

    Ce qui importe à présent, c’est de mener la lutte le plus efficacement possible. Nous ne pouvons résister à l’arrogance de VDB que par un mouvement massif du personnel et des étudiants.

    Pour cela, nous n’avons pas grand chose à attendre de la part des bureaucrates de la Fédération des Etudiants Flamands (VVS) et des directions syndicales. Nos militants dans les universités et l’enseignement supérieur et notre organisation étudiante ALS (Actief Linkse Studenten, l’équivalent flamand d’Etudiants de Gauche Actifs) travailleront à construire un rapport de forces à la base pour se lancer à l’attaque des plans de VDB.

    Quelle alternative?

    > Plus d’argent pour l’enseignement supérieur !

    Les revendications que nous devons mettre en avant peuvent se résumer à un mot d’ordre: nous voulons plus d’argent pour l’enseignement supérieur! Nous ne pouvons que soutenir la revendication de l’ACOD ( la CGSP flamande) d’augmenter les dépenses pour l’enseignement afin de ramener celles-ci au niveau qu’elles atteignaient en 1980, c’est-à-dire 7 % du Produit Intérieur Brut.

    Il ne faut pas entamer des discussions sur la répartition de l’argent, mais discuter au contraire de la nécessité d’un refinancement global de l’enseignement pour en améliorer la qualité. En outre, nous voulons un refinancement public et pas d’une ingérence des grandes entreprises dans l’enseignement et la recherche scientifique: cela signifierait offrir la recherche scientifique presque gratuitement au patronat, en plus de tous les autres cadeaux (réductions de charges patronales) que celui-cil a déjà reçu. Il n’en est pas question!

    Avec cet argent supplémentaire, on pourrait réduire la pression au travail qui a terriblement augmenté ces dernières années dans l’enseignement. Une amélioration des conditions de travail pourrait permettre au personnel enseignant de se consacrer davantage au suivi des étudiants et au personnel administratif et technique de collaborer plus efficacement au développement de l’enseignement.

    > Un salaire d’études plutôt que des droits d’inscription faramineux

    Il faut introduire un salaire étudiant qui doit permettre à chacun de suivre un enseignement supérieur, de plus en plus difficilement accessible.

    Les réformes actuelles vont renforcer cette tendance, entre autres avec la proposition de ne plus financer les diplômes de 3e cycle, ce qui obligerait les étudiants à payer tous les coûts de ces études, avec des minervals s’élevant à plusieurs milliers d’euros par an.

    > Une recherche scientifique indépendante

    Il faut mettre un terme aux ingérences croissantes des entreprises dans les recherches scientifiques universitaires. Actuellement, beaucoup d’instituts effectuent des pré-recherches à bon marché pour des multinationales.

    Un meilleur financement public permettrait aux chercheurs de travailler de façon indépendante et d’entamer des débats sur les priorités à mettre en avant pour la société en matière de recherche scientifique.

    > Organiser la lutte

    Nous appelons tous les étudiants et membres du personnel dans l’enseignement supérieur à se mobiliser avec nous contre le plan de libéralisation de VDB.

    En organisant des comités dans toutes les universités et les écoles supérieures, les étudiants et le personnel peuvent créer une dynamique pour lancer la lutte.

    Ces comités permettraient à la fois de mener la discussion sur la stratégie et le programme à mettre en avant et de mobiliser à la base pour des actions.

    Ensemble, nous pouvons couler le plan VDB!

  • Théorie. La révolution espagnole 1931-1939

    D’emblée, certains se demanderont pourquoi nous parlons de « révolution » espagnole. Et effectivement, lorsque nous parcourons les manuels d’histoire, on évoque le plus souvent ces événements sous le terme de « guerre d’Espagne » ou « guerre civile espagnole ». Il ne s’agit cependant pas d’une simple querelle de termes ; il s’agit d’une déformation consciente de l’idéologie dominante visant à éluder tout le caractère de classe de ce conflit. C’est donc volontairement que nous utilisons le mot « révolution ». Ce mot a le mérite d’éviter tout malentendu et de mieux cerner ces événements dans leurs justes proportions.

    Cédric Gérôme

    La révolution espagnole est pour nous une expérience historique extrêmement riche en leçons. Il s’agit tout en même temps d’une confirmation éclatante de la théorie de la révolution permanente développée par Trotsky, d’une démonstration pratique, si besoin en est encore, de la faillite des méthodes anarchistes dans la lutte du mouvement ouvrier révolutionnaire, et enfin, d’un exemple de plus du rôle objectivement contre-révolutionnaire qu’a joué le stalinisme dans la lutte des classes.

    Trotsky disait que l’héroïsme des travailleurs espagnols était tel qu’il eût été possible d’avoir 10 révolutions victorieuses dans la période 1931-1937. Pour exemple, on a dénombré pas moins de 113 grèves générales et 228 grèves partielles en Espagne rien qu’entre février et juillet ’36 ! Malheureusement, par le manque d’un parti révolutionnaire à même d’amener le mouvement à ses conclusions logiques, la politique du « Front Populaire » prônée par les staliniens va ouvrir la voie à 40 ans de régime fasciste pour la classe ouvrière espagnole. Il est donc plus qu’important d’étudier les leçons de cet épisode de l’histoire pour éviter de reproduire les mêmes erreurs.

    L’Espagne: le maillon faible

    Dans les années ’30, l’Espagne est un des maillons les plus faibles de la chaîne du capitalisme européen. L’Espagne reste à cette époque un pays arriéré, agricole, où 70% de la population vit dans les campagnes. Dans l’ensemble du pays, la terre appartient essentiellement à la classe des propriétaires fonciers ; 50.000 d’entre eux possèdent la moitié du sol. Le poids de l’Eglise catholique espagnole donne une image assez claire de ce monde rural médiéval : à côté de la masse paysanne qui compte encore 45% d’illettrés, on dénombre plus de 80.000 prêtres, moines ou religieuses, ce qui équivaut au nombre d’élèves des écoles secondaires et dépasse de 2 fois et demi le nombre d’étudiants…Si l’Espagne a connu un « âge d’or », période de floraison et de supériorité sur le reste de l’Europe au 15è-16ème siècle, cette situation s’est transformée en son contraire suite à la perte de ses positions mondiales, celle-ci s’étant achevée au 19ème siècle par la perte des dernières colonies en Amérique du Sud.

    Dans le courant du 19ème siècle et durant le 1er tiers du 20ème siècle, on assiste en Espagne à un changement continuel de régimes politiques et à des coups d’état incessants (les « pronunciamentos »), preuve de l’incapacité aussi bien des anciennes que des nouvelles classes dirigeantes de porter la société espagnole en avant. En réalité, la société de l’ancien régime n’avait pas encore fini de se décomposer que déjà la société bourgeoise commençait à ralentir. Trotsky analysait la situation comme suit : « La vie sociale de l’Espagne était condamnée à tourner dans un cercle vicieux tant qu’il n’y avait pas de classe capable de prendre entre ses mains la solution des problèmes révolutionnaires ».

    Cependant, la période de la première guerre mondiale et le rôle neutre que va y jouer l’Espagne, vont amener de profonds changements dans l’économie et la structure sociale du pays, créer de nouveaux rapports de force et ouvrir de nouvelles perspectives. Cette période va en effet voir s’amorcer une industrialisation rapide du pays, et son corollaire : l’affirmation du prolétariat en tant que classe indépendante. Les années 1909, 1916, 1917, 1919 seront des années de grandes grèves générales en Espagne, mais dont les défaites successives vont préparer le terrain pour la dictature militaire bonapartiste du Général Primo de Riveira. Il s’agira par là de mettre un terme à l’agitation ouvrière et paysanne, en s’en prenant aux principales conquêtes ouvrières et aux relatives libertés démocratiques qui permettaient, dans une certaine mesure, l’organisation des ouvriers et des paysans.

    Cependant, cette dictature n’assure aux classes dominantes qu’un bref répit. L’inflation galopante qui dévore les salaires et le niveau de vie, puis la crise économique de ’29 qui mine profondément la base du régime vont obliger le roi, pour préserver la monarchie, à se débarasser de Primo de Riveira en 1930. Et de la même manière, un an plus tard, les classes possédantes obligeront le roi Alfonso XIII à faire ses bagages et sacrifieront la monarchie dans le but de sauver leur propre peau ;autrement dit, dans le but de ne pas faire courir au pays le risque d’une révolution « rouge »…

    La République : portier de la révolution

    Le 14 avril 1931, la République est donc proclamée. Il ne s’agit toutefois que d’un changement de façade, du remplacement d’un roi par un président, d’une opération à laquelle ont recours les classes possédantes afin de bénéficier d’un nouveau sursis et de calmer les ardeurs des masses. Mais cela aura l’effet inverse : la proclamation de la République nourrit les aspirations des masses et ouvre un processus révolutionnaire qui s’étendra sur plusieurs années. Pendant toute cette période cependant, le facteur subjectif (la direction du mouvement ouvrier) restera en retard par rapport aux tâches du mouvement : c’est la faiblesse de ce facteur qui conduira le mouvement à sa perte.

    L’anarchisme dispose à l’époque d’une influence beaucoup plus importante en Espagne que dans les pays industrialisés d’Europe Occidentale. La CNT (Confédération Nationale du Travail), de tendance anarcho-syndicaliste, rassemble autour d’elle les éléments les plus combatifs du prolétariat espagnol, même si elle n’a aucune perspective et aucun programme à offrir à sa base. En 1918, elle réunit déjà plus d’un million de syndiqués. Cette prépondérance des anarchistes en Espagne s’explique par plusieurs raisons :

    – le rôle de premier plan qu’a joué la CNT dans l’organisation de la grève générale insurectionnelle de 1917 <br- le tournant à droite que connaît le PSOE (Parti Socialiste Ouvrier Espagnol) après la première Guerre Mondiale, suivant la tendance générale de toute la social-démocratie en Europe. Cela va se marquer fortement en Espagne par le fait que le PSOE et la centrale syndicale qu’il contrôle, l’UGT (Union Générale des Travailleurs) se prononcent en 1923 pour une collaboration avec la dictature militaire. Le secrétaire général de l’UGT, Francisco Largo Caballero, celui que d’aucuns qualifieront par la suite, et à tort, de « Lénine espagnol », sera même conseiller d’Etat sous Primo de Riveira !

    – l’inconsistance du Parti Communiste Espagnol, qui sera affaibli tant par la répression systématique qu’il subit sous la dictature que par sa politique sectaire qui l’isole des masses. En effet, à partir de ’24, le PCE subit le même sort que tous les PC, soumis mécaniquement aux ordres et zigzags de la bureaucratie stalinienne en URSS. Pour exemple, lors de la proclamation de la République, le PCE, suivant la ligne ultra-gauche de l’Internationale, reçoit la consigne de lancer le mot d’ordre de : « A bas la République bourgeoise ! Tout le pouvoir aux soviets ! » dans un pays et à une période où il n’existe pas l’ombre d’un soviet ou d’un organisme semblable. Le résultat de cette politique désastreuse est qu’en avril ’31, moment de l’avènement de la République, le PCE ne compte pas plus de 800 membres dans l’ensemble de l’Espagne.

    Le premier gouvernement républicain est formé d’une coalition entre les Socialistes et les Républicains. Ces derniers sont les principaux représentants politiques de la bourgeoisie et se caractérisent par un programme social extrêmement conservateur. Trotsky expliquait : « Les républicains espagnols voient leur idéal dans la France réactionnaire d’aujourd’hui, mais ils ne sont nullement disposés à emprunter la voie des Jacobins français, et ils n’en sont même pas capables : leur peur devant les masses est bien plus forte que leur maigre velléité de changement. » Et de fait, cette coalition républicano-socialiste, à cause de la crise mondiale du capitalisme, est bien incapable de tenir ses promesses et de réaliser les tâches élémentaires, bourgeoises, qui se posent au pays : la réforme agraire, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, et la résolution de la question nationale. Celle-ci est particulièrement aigüe en Espagne, dans la mesure où, l’unification nationale n’étant pas arrivée à son terme, deux régions –bastions de l’industrie-, la Catalogne et le Pays Basque, manifestent de sérieuses tendances séparatistes. Cela rajoute un élément explosif au contexte de crise générale que traverse la société espagnole.

    L’impuissance du nouveau gouvernement face aux problèmes historiques du pays alimente les contradictions sociales et les divergences au sein du mouvement ouvrier. Celui-ci s’engage dans une série de grèves qui sont réprimées sans ménagement. Parallèlement, la paysannerie s’engage dans des tentatives de saisir la terre, mais là aussi , la seule réponse du gouvernement est d’envoyer les troupes. La CNT, à la tête de laquelle domine le courant aventuriste, putschiste et anti-politique de la FAI ( Fédération Anarchiste Ibérique), s’engage quant à elle dans une série d’insurrections locales, éphémères et désorganisées qui sont violemment réprimées dans le sang. Quant au PC, il continue d’appliquer mécaniquement les analyses et les mots d’ordre élaborées dans le cadre de la politique dite « de la 3ème période », caractérisée par son sectarisme et son refus de l’unité ouvrière.

    La définition de la social-démocratie comme « social-fasciste », qui aboutira en Allemagne à la victoire sans combat des bandes hitlériennes, est appliquée à la situation espagnole. Mais ici, les staliniens vont encore plus loin : ils étendent cette définition aux anarchistes, désormais qualifiés d’ « anarcho-fascistes » ! Il est évident que cette politique contribue davantage à les isoler.

    Pendant ce temps, les communistes oppositionnels s’efforcent de promouvoir une autre politique. Sous l’impulsion d’Andrès Nin, ancien cadre de la CNT et ami personnel de Trotsky, ainsi que d’autres militants trotskistes, l’opposition de Gauche, appelée « Izquierda Comunista » (=Gauche Communiste) est créée officiellement en Espagne en 1932. A peu près à la même période se crée également le Bloc Ouvrier et Paysan, dirigé par d’anciens membres du PCE, et dont le principal dirigeant, Joacquin Maurin, ne cache pas ses tendances boukhariniennes. Ce parti refuse de prendre position entre trotskistes et staliniens, et adopte une ligne très opportuniste sur la question nationale, se déclarant « séparatiste » en Catalogne et soutenant, sans distinction, tous les mouvements indépendantistes catalans.

    Le fascisme : la réaction bourgeoise en marche

    Les élections d’octobre ’33 donnent l’avantage à la droite, qui profite de la faillite de la coalition socialiste-républicaine des 2 années précédentes. Pour ce nouveau gouvernement, il ne s’agit plus simplement d’une alternance de pouvoir, mais d’un début de contre-attaque contre le mouvement ouvrier, pour laquelle d’autres moyens qu’électoraux seront employés si nécessaire. Le nouveau gouvernement, présidé par un certain Lerroux, donne d’exorbitantes subventions au clergé, diminue les crédits de l’école publique, engage massivement dans la police et l’armée. Les groupes d’extrême-droite descendent dans la rue avec la protection ouverte des autorités ; les fascistes commencent à attaquer locaux et journaux ouvriers.

    Mais la victoire de la droite n’est pas la seule conséquence de la politique de collaboration de classes des socialistes. Dans les rangs du PSOE, et plus particulièrement de la Jeunesse Socialiste, se dessine un courant qui remet radicalement en question la défense de la démocratie bourgeoise et l’optique réformiste de la direction. Ce développement aura d’importantes répercussions par la suite…

    Après plusieurs hésitations, le gouvernement Lerroux décide d’intégrer dans son cabinet 3 membres de la CEDA, parti catholique d’extrême-droite. La CEDA est sans cesse menacée d’être débordée sur sa droite, soit par sa propre organisation de jeunesse , la Juventud de Accion Popular (J.A.P.) que dirige Ramon Serrano Suner, beau-frère de Franco, admirateur d’Hitler et de Mussolini, grand pourfendeur de « juifs, franc-maçons et marxistes », soit par la Phalange, au programme et aux méthodes typiquement fascistes, que dirige José Antonio Primo de Riveira, fils du dictateur et agent du gouvernement fasciste italien.

    L’épisode de la « Commune Asturienne »

    La nouvelle composition du gouvernement, comprenant 3 ministres d’extrême-droite, est considérée comme une déclaration de guerre par le mouvement ouvrier. Elle provoque sa réaction immédiate ; les travailleurs espagnols sont en effet bien décidés à ne pas subir le même sort que leurs camarades allemands et autrichiens, qui viennent de succomber sous la botte du régime nazi. L’UGT lance le mot d’ordre de grève générale, tandis que la CNT, sur le plan national, ne bouge pas. Finalement, 3 foyers insurrectionnels se déclarent : Barcelone, Valence et les Asturies. A Barcelone et à Valence, le gouvernement rétablit facilement son autorité, du fait que la CNT s’est positionné contre la grève et a ainsi brisé le front unique.

    Dans les Asturies en revanche, la CNT rejoint la lutte, ce qui donne à celle-ci un autre impact. Dans tous les villages miniers se constituent des comités locaux qui prennent le pouvoir. Etant sûr de tenir le reste de l’Espagne, le gouvernement central emploie les grands moyens et écrase dans le sang ce que l’on appellera la «Commune Asturienne ». La répression est féroce : plus de 3000 travailleurs tués, 7000 blessés et plus de 40.000 emprisonnés. L’instigateur de cette répression n’est autre que Francisco Franco.

    Création du POUM et entrée en scène des staliniens

    Après cet épisode, on assiste à des reclassements rapides au sein du mouvement ouvrier. Trotsky préconise l’entrée de la Gauche Communiste dans le PSOE afin d’opérer la jonction avec l’aile gauche des Jeunesses Socialistes en train de se radicaliser. Nin, comme la majorité des dirigeants de la GC, refuse le conseil de Trotsky, rompt avec celui-ci et s’oriente vers une fusion avec le Bloc Ouvrier et Paysan. Cette fusion aboutira à la création du POUM (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste) en 1935, qui compte alors quelques 8000 militants et une base ouvrière réelle, surtout en Catalogne, mais qui ne dispose pas d’un caractère national. C’est là une lourde responsabilité et une grave erreur qu’ont pris sur eux les dirigeants de l’Opposition de Gauche, laissant sans perspectives cette jeunesse socialiste qui se cherche et qui, comme le disait Trotsky, « en arrivait spontanément aux idées de la 4ème Internationale ».

    Car dans le même temps, l’Internationale Communiste stalinienne opère un tournant radical à 180° et adopte une ligne complètement nouvelle lors de son 7ème congrès, préconisant la politique du Front Populaire, à savoir une coalition programmatique avec les républicains bourgeois. Rompant ainsi son isolement et jouant sur le prestige de la révolution russe dans cette période de troubles révolutionnaires, le PCE va ainsi réussir à attirer vers lui l’aile gauche du Parti Socialiste. Cela aboutit, en avril ’36, à la fusion entre la minuscule Jeunesse Communiste et la puissante organisation de la Jeunesse Socialiste, donnant naissance à la JSU (Jeunesse Socialiste Unifiée) qui constitue dès lors le levier principal de l’influence stalinienne en Espagne. En Catalogne, le PCE et le PSE fusionne carrément pour former le PSUC (Parti Socialiste Unifié de Catalogne) qui adhère, dès sa fondation, à la 3ème Internationale. De plus, le « tournant politique » de 1935 et les circonstances particulières de la guerre civile redonnent au communisme un visage attractif auquel cèderont, au moins dans un premiers temps, bien des libertaires endurcis.

    Le Front Populaire : une combinaison politique pour tromper les travailleurs

    A l’approche de nouvelles élections, alors que la polarisation de classes est à son plus haut niveau et que le danger fasciste se fait de plus en plus menaçant, un pacte d’alliance électorale – le futur Front Populaire- est signé entre les Républicains, le Parti Socialiste, le Parti Communiste, l’Esquerra catalane (parti nationaliste bourgeois) …et le POUM. Le programme du Front Populaire mentionnait pourtant explicitement le refus de la nationalisation des terres et des banques, le refus du contrôle ouvrier, l’adhésion à la Société des Nations,…bref, un programme qui, en toute logique compte tenu de ses principaux signataires, ne dépassait pas le cadre de la société bourgeoise. Les socialistes le qualifient d’ailleurs sans ambages de « démocratique bourgeois ».

    Le Front Populaire, présenté comme une alliance nécessaire avec la soi-disante bourgeoisie « progressiste » pour constituer le front le plus large contre le fascisme, va en réalité servir à freiner l’action révolutionnaire des masses et donner un sérieux coup de pouce à la victoire du fascisme. Le rôle du Front Populaire est clairement exprimé par cette déclaration du Secrétaire Général du PC de l’époque, José Diaz : « Nous voulons juste nous battre pour une révolution démocratique avec un contenu social. Il n’est pas question de dictature du prolétariat ou de socialisme mais juste d’une lutte de la démocratie contre le fascisme ».

    En réalité, la prétendue bourgeoisie « progressiste » n’existait que dans la tête des staliniens. La bourgeoisie industrielle de Catalogne avait été le plus fervent soutien à la dictature militaire de Primo de Riveira. La bourgeoisie espagnole était une bourgeoisie largement dépendante des capitaux étrangers, et entretenant des liens étroits avec l’aristocratie et les propriétaires terriens. Pour exemple, l’Eglise était simultanément le plus gros propriétaire de terres et le plus gros capitaliste du pays ! Difficile dans ces conditions d’admettre que « la bourgeoisie était dynamique et très intéressée par un changement politique. » (1). Pour tout dire, la bourgeoisie espagnole avait très bien compris que le fascisme était le seul et ultime rempart contre la montée du mouvement ouvrier. C’est pourquoi, déjà à cette époque, elle s’était rangée comme un seul homme derrière Franco…De la même manière que la montée révolutionnaire ne pouvait être véritablement vaincue que par la réaction fasciste, le fascisme ne pouvait être combattu que par la voie de la lutte révolutionnaire. Opposer un barrage légal au fascisme ne pouvait donc servir qu’à endormir les masses et à paralyser leur action ; en d’autres termes, à sauver la bourgeoisie.

    Dès la victoire du Front Populaire en février ’36, la classe ouvrière va montrer dans la pratique sa détermination à aller plus loin que le programme plus que modéré de celui-ci ; autrement dit, à éclater les cadres trop étroits du succès remporté aux urnes. Sans attendre le décret d’amnistie, les travailleurs espagnols ouvrent les portes des prisons et libèrent les milliers de prisonniers de la Commune Asturienne. Des défilés monstres et des grèves éclatent dans tout le pays, pour la réintégration immédiate des ouvriers licenciés, le paiement d’arriérés de salaires aux travailleurs emprisonnés, contre la discipline du travail, pour l’augmentation des salaires et de meilleures conditions de travail. Les cheminots exigent la nationalisation des chemins de fer. A la campagne, les occupations de terre se multiplient, les fermiers refusent de payer leurs fermages. Le gouvernement de Front Populaire, lui, multiplie les appels au calme, demande aux travailleurs de « rester raisonnables afin de ne pas faire le jeu du fascisme », et reste passif, incapable d’apporter la moindre réforme digne de ce nom dans l’intérêt des ouvriers et des paysans.

    De plus, même si deux généraux suspects de conspiration sont éloignés de la capitale (Franco est nommé aux Canaries, Goded aux Baléares), le gouvernement fait preuve d’une grande tolérance vis-à-vis des éléments fascistes présents dans l’armée et l’appareil d’état. « Quelles sont les mesures drastiques qui ont été prises contre les provocateurs fascistes et contre les criminels ? Aucune.», reconnaît après coup Jiminez Asua, député socialiste à Madrid en ‘36. Le contraire eût d’ailleurs été étonnant. S’attaquer aux officiers fascistes de l’armée signifiait s’attaquer à la machine d’état sur laquelle se reposait la classe dominante, avec laquelle les représentants du Front Populaire n’étaient nullement prêts à rompre.

    La contre-révolution déclenche la révolution

    Mais alors que le gouvernement se porte garant de la fidélité des officiers à la république, le coup d’état des Généraux se prépare dans les hautes sphères de l’armée, tandis que Hitler et Mussolini fournissent argent et armes aux fascistes espagnols. Le coup d’état militaire éclate dans la nuit du 16 au 17 juillet 1936. Le chef du gouvernement prononce alors cette phrase célèbre, nouveau témoignage de toute la détermination du Front Populaire à combattre le fascisme : « Ils se soulèvent. Très bien. Et bien moi, je vais me coucher. »

    Contre toute évidence, le gouvernement nie la gravité de la situation, et refuse de distribuer des armes à la population, qui envahit par milliers les rues des grandes villes pour les réclamer. Il est clair que les politiciens bourgeois au gouvernement craignaient mille fois plus une classe ouvrière armée qu’une Espagne fasciste.

    Dès lors, la classe ouvrière prend l’offensive et commence à organiser la lutte armée. Dans la plupart des grandes villes, le peuple assiège les casernes, érige des barricades dans les rues, occupe les points stratégiques. On raconte que dans certaines régions, la population laborieuse se lançait à l’assaut des bastions franquistes avec des armes de fortune tels que des canifs, couteaux de cuisine, fusils de chasse, pieds de chaise, dynamite trouvée sur les chantiers, poêles, fourches,…bref, avec tout ce qu’elle pouvait trouver, et parfois même à mains nues ! La situation est très bien décrite par Pierre Broué (2) : « Chaque fois que les organisations ouvrières se laissent paralyser par le souci de respecter la légalité républicaine, chaque fois que leurs dirigeants se contentent de la parole donnée par les officiers, ces derniers l’emportent…par contre, ces mêmes officiers sont mis en échec chaque fois que les travailleurs ont eu le temps de s’armer, chaque fois qu’ils se sont immédiatement attaqués à la destruction de l’armée en tant que telle, indépendamment des prises de position de ses chefs, ou de l’attitude des pouvoirs publics légitimes ». Bien souvent, les travailleurs peuvent compter sur le soutien ou dumoins la sympathie d’une frange importante des soldats. C’est le cas dans la marine de guerre où la quasi-totalité des officiers sont gagnés au soulèvement, mais où les marins, sous l’impulsion de militants ouvriers, se sont organisés clandestinement en « conseils de marins ». Ces derniers se mutinent ; certains, en pleine mer, exécutent les officiers qui résistent, s’emparent de tous les navires de guerre et portent ainsi au soulèvement des généraux un coup très sérieux. « Au soir du 20 juillet, sauf quelques exceptions, la situation est clarifiée. Ou bien les militaires ont vaincu, et les organisations ouvrières et paysannes sont interdites, leurs militants emprisonnés et abattus, la population laborieuse soumise à la plus féroce des terreurs blanches. Ou bien le soulèvement militaire a échoué, et les autorités de l’Etat républicain ont été balayées par les ouvriers qui ont mené le combat sous la direction de leurs organisations regroupées dans des « comités » qui s’attribuent, avec le consentement et l’appui des travailleurs en armes, tout le pouvoir. » (3)

    La lutte armée ne représente effectivement qu’un aspect de ce vaste mouvement d’ensemble initié par la classe ouvrière : en réalité, la contre-révolution avait déclenché la révolution. Le putsch des chefs militaires ne réussit qu’à accélérer le processus de transformation de la société déjà commencé dans les faits. L’Espagne se couvre de comités ouvriers qui entreprennent la remise en marche de la production et la direction des affaires courantes. Pour exemple, à Barcelone, les travailleurs, dès les premiers jours, prennent en main les transports en commun, le gaz, l’électricité, le téléphone, la presse, les spectacles, les hôtels, les restaurants , et la plupart des grosses entreprises industrielles. Le même processus apparaît dans les campagnes : les paysans non plus n’avaient pas l’intention d’attendre en vain que le gouvernement légifère. Entre février et juillet ’36, la prétendue « réforme agraire » initiée par le Front Populaire avait fourni de la terre à 190.000 paysans…sur 8 millions ! (moins d’un sur 40). A ce rythme, il eût fallu plus d’un siècle pour donner de la terre à tout le monde…C’est pourquoi, rapidement, les villageois se débarassent de leurs conseils municipaux et s’empressent de s’administrer eux-mêmes. Se met alors en place un profond mouvement de collectivisation de la terre, jamais vu dans l’histoire. En Aragon, les ¾ de la terre sont collectivisés.

    Grâce à cette furia et à cette combativité populaire exemplaire, non seulement l’échec de l’insurrection militaire est consommé en quelques jours, mais en outre, les masses détiennent pratiquement le pouvoir entre les mains. La situation qui se crée en Espagne n’est en effet rien d’autre qu’une situation de double-pouvoir. Lorsque les autorités se remettent de leur stupeur, elles s’aperçoivent tout simplement qu’elles n’existent plus. L’Etat, la police, l’armée, l’administration, semblent avoir perdu leur raison d’être. Le gouvernement est suspendu dans les airs et n’existe plus que par la tolérance de la direction des différents partis ouvriers. Fin juillet, les masses contrôlent 2/3 du pays. Elles exercent le pouvoir, mais celui-ci n’est pas organisé ni centralisé. Les « comités » (ou « conseils », « juntes », ou « soviets », qu’importe le nom), organes d’auto-administration de toutes les couches de la population laborieuse, et élus par celle-ci, auraient dû être élargis à chaque entreprise, chaque lieu de travail, chaque district, en y incluant la population paysanne ainsi que les milices ouvrières. Ces comités auraient dû être reliés via des délégués dans le but de former des comités locaux, régionaux, et national. Cela aurait constitué les bases d’un nouveau régime, jetant définitivement par-dessus bord le vieux gouvernement impuissant et passif : la dictature du prolétariat, Etat de type nouveau reposant sur la représentation directe des travailleurs et rompant une fois pour toute avec la « légalité bourgeoise ». Les masses voulaient abattre le capitalisme, tentaient d’imposer une politique révolutionnaire à leurs dirigeants qui étaient trop aveugles, trop malhonnêtes, trop peureux ou trop sceptiques que pour appréhender la situation correctement. Ceux-ci seront les principaux obstacles sur la voie d’une prise de pouvoir effective : la révolution va s’arrêter à mi-chemin.

    Le mouvement ouvrier : analyses

    Anarchistes et anarco-syndicalistes refusent d’engager une lutte pour un pouvoir dont ils ne sauraient que faire vu qu’il serait contraire à leur principe. Ils affirmeront par la suite qu’ils auraient pu prendre le pouvoir mais qu’ils ne l’ont pas fait, non parce qu’ils ne le pouvaient pas mais parce qu’ils ne le voulaient pas. Cela n’empêchera pourtant pas les anarchistes d’accepter finalement des portefeuilles dans les 2 gouvernements : celui de la Généralité de Catalogne d’abord, celui de Madrid ensuite ! Autrement dit, de collaborer à un gouvernement bourgeois et qui plus est, à un moment où sa base dans le rapport de force a disparu…On cerne ici toute la faillite de la théorie anarchiste, prise au piège de ses propres contradictions : n’ayant pas d’alternative et de stratégie pour contrer la politique de la classe dominante, les anarchistes font la politique A LA PLACE de la classe dominante. En renonçant à exercer la dictature du prolétariat, ils acceptent dans les faits à exercer la dictature…de la bourgeoisie. Comme le disait Trotsky, renoncer à la conquête du pouvoir, c’est le laisser dans les mains de ceux qui le détiennent, c’est-à-dire aux exploiteurs.

    Le POUM était quant à lui l’organisation la plus honnête et la plus à gauche en Espagne. Mais bien qu’ils se dénommaient marxistes, les dirigeants du POUM resteront à la traîne des anarchistes pendant tout le conflit, et les suivront jusqu’à entrer dans le gouvernement de Catalogne avec eux. Au moment où l’heure a sonné de préparer la prise du pouvoir par les masses, Andrès Nin affirme que la dictature du prolétariat existe déjà en Espagne. Ensuite, alors que les dirigeants bourgeois profitent de la passivité des organisations ouvrières pour restaurer l’appareil d’Etat bourgeois, celui-ci devient ministre de la Justice en Catalogne. En couvrant ainsi l’aile gauche du Front Populaire, le POUM préparera la voie à sa propre destruction. Pourtant, le POUM avait d’énormes possibilités. Il était passé d’un parti de 1000-1500 membres à plus de 30.000 membres en 6 semaines. Selon certaines sources, il aurait atteint jusqu’à 60.000 membres. Proportionnellement, il était donc numériquement plus fort que le Parti Bolchévik au début de la révolution russe. Malheureusement, oscillant entre le réformisme et la révolution, le POUM commettra toute une série d’erreurs qui lui seront fatales : au lieu de faire un travail dans la CNT, syndicat le plus puissant d’Espagne, les poumistes créeront leurs propres syndicats, laissant ainsi les travailleurs de la CNT dans les mains d’une direction aveugle et minée par la bureaucratie. Au lieu de faire un travail dans l’armée, ils créeront leurs propres milices. Cherchant ainsi des raccourcis dans la lutte des classes, ils isoleront l’avant-garde de la classe et laisseront les masses sans direction.

    Quant aux staliniens, il n’est sans doute pas exagéré de dire qu’ils constitueront l’avant-garde de la contre-révolution espagnole. Pendant tout le conflit, les staliniens nageront complètement à contre-courant de la dynamique révolutionnaire, allant jusqu’à nier le fait qu’une révolution prenait place en Espagne. Il est clair que le but poursuivi à l’époque par Staline dans ce pays n’était pas la victoire de la révolution, mais seulement l’assurance de se constituer de bons alliés contre l’Allemagne nazie pour la 2ème guerre mondiale qui s’annonçait. Staline ne voulait à aucun prix du triomphe d’une révolution sociale en Espagne, parce qu’elle eût exproprié les capitaux investis par l’Angleterre, alliée présumée de l’URSS dans la « ronde des démocraties » contre Hitler. D’ailleurs, les staliniens ne le cachent pas. Dans un livre écrit par Santiago Carillo, président du PCE dans les années ’70, on peut lire : « Il est clair qu’à l’époque, la bourgeoisie européenne n’aurait pas toléré qu’un petit pays comme l’Espagne puisse victorieusement porter une révolution socialiste. A cette époque, nous ne parlions pas de révolution socialiste et nous critiquions même ceux qui le faisaient, car nous voulions neutraliser les forces bourgeoises des démocraties européennes. » Ce qu’on ne précise pas dans ce passage -très instructif, au demeurant-, c’est que les staliniens ne se contentaient pas de « critiquer » ceux qui parlaient d’une révolution socialiste, mais les arrêtaient, les emprisonnaient, les torturaient dans des prisons spéciales du GPU, les assassinaient…En outre, on a beaucoup de mal à croire que les classes dominantes anglaise et française étaient assez dupes pour ne pas se rendre compte qu’une révolution était en train de menacer leurs intérêts capitalistes en Espagne, et cela du simple fait que les staliniens refusaient d’en parler !

    Pour les staliniens, la lutte n’était pas entre révolution et contre-révolution mais entre démocratie et fascisme, ce qui rendait nécessaire le maintien du Front Populaire et de l’alliance avec les républicains bourgeois, le respect des institutions légales, de la démocratie parlementaire et du gouvernement. Le journal « L’Humanité » (journal du PCF) du 3 août 1936 affirmait : « Le peuple espagnol ne se bat pour l’établissement de la dictature du prolétariat mais pour un seul but : la défense de la loi et de l’ordre républicain dans le respect de la propriété. » Un argument souvent utilisé par les staliniens pour justifier la politique du Front Populaire est que celui-ci visait à « avancer un programme plus modéré capable d’attirer la petite-bourgeoisie vers le mouvement ouvrier ». S’il entendait cela, Lénine se retournerait dans sa tombe ! L’histoire du bolchévisme est l’histoire d’une guerre sans relâche contre de telles notions. Le moyen de gagner les couches moyennes à la cause du mouvement ouvrier n’est pas de lier les mains de ce dernier aux politiciens bourgeois, mais bien au contraire de faire tout pour les démasquer , de faire tout pour montrer l’incapacité de la bourgeoisie et de son système politique à résoudre la crise, de faire tout pour démontrer dans l’action que la seule issue se trouve du côté des travailleurs. En Russie en 1917, c’est cette politique de classe intransigeante qui a permis de gagner la confiance de la paysannerie et a ainsi assuré le succès de la révolution. La petite-bourgeoisie, de par sa position intermédiaire dans la société, a tendance, dans la lutte des classes, à se ranger du côté du « cheval gagnant », c’est-à-dire du côté de la classe qui se montrera la plus résolue et la plus à même de gagner la bataille. En Espagne en 1936, la politique de Front Populaire a seulement réussi à pousser la paysannerie et la petite-bourgeoisie des villes dans l’indifférence, voire dans les bras de la réaction fasciste.

    La réaction « démocratique »

    Dans ces conditions, les premiers succès des milices restent sans lendemain. Une machine de guerre moderne entre en action, la situation se renverse : les fascistes reprennent du terrain et procèdent à des massacres féroces. En septembre ’36, tous les comités sont dissous et remplacés par des conseils municipaux à l’image du gouvernement. Le corps des magistrats est remis en fonction, les milices placées sous le contrôle du Ministère de l’Intérieur. Les conseils de soldats qui avaient vu le jour pendant la révolution sont supprimés, les grades, les galons et l’ancien code de Justice Militaire sont remis en vigueur.

    Le gouvernement, selon sa propre expression, « légalise les conquêtes révolutionnaires », ce qui constitue en réalité un moyen d’empêcher leur extension. Le coup d’arrêt porté à la révolution coïncide avec l’arrivée de l’aide matérielle russe (chars, tanks, avions…et police politique), qui s’était jusqu’ici engagée dans un pacte de « non-intervention », et l’entrée en scène, à l’initiative et sous le contrôle des différents partis communistes du monde, des « Brigades Internationales », formées de volontaires de tous pays venus combattre le fascisme.

    La contre-révolution stalinienne, la défaite et son prix

    La « réaction démocratique » fait ensuite place à la contre-révolution stalinienne dans toute sa cruauté, mettant la touche finale à l’étranglement de la révolution. L’Espagne devient un laboratoire pour la prochaine guerre mondiale où Staline va pouvoir démontrer aux puissances occidentales qu’il est un allié solide capable d’arrêter une révolution. Le mot d’ordre principal du PC est qu’il faut « d’abord gagner la guerre », et remettre à plus tard les questions sociales. Ce qu’il faisait mine de ne pas comprendre est qu’on ne pouvait gagner la guerre sans gagner la révolution. Il n’y avait évidemment pas de solution intermédiaire, à partir du moment où l’on admet la structure de classe de la société.

    Les staliniens vont exceller dans un travail consistant concrètement à aider le fascisme à triompher. En novembre ’36, le consul général d’URSS à Barcelone dénonce le journal du POUM « vendu au fascisme international ». La presse stalinienne se déchaîne contre les révolutionnaires, le POUM est dissout et tous ses dirigeants sont arrêtés. Andrès Nin et de nombreux militants trotskistes sont exécutés par la police politique ;on les accuse d’être « des fascistes déguisés qui emploient un langage révolutionnaire pour semer la confusion » (4).

    Le décret de collectivisation en Catalogne est suspendu, les propriétaires récupèrent les terres et les usines. Fin ’37, les premiers conseillers russes seront rappelés : la plupart seront à leur tour exécutés en URSS. Les envois d’armes diminuent rapidement. L’Espagne devient le théâtre d’une guerre classique où un camp se trouve en situation d’infériorité militaire et technique. Le calvaire durera jusqu’en ’39 ; il se terminera par de nombreux supplices et exécutions et par la victoire définitive de Franco.

    Conclusion

    Il s’est présenté en Espagne une situation révolutionnaire exceptionnellement favorable. Malheureusement, il n’y avait pas un parti révolutionnaire avec une direction capable de faire une analyse correcte de la situation, d’en tirer les conclusions nécessaires et de mener fermement les travailleurs à la prise du pouvoir. Trotsky disait que pour la solution victorieuse des tâches révolutionnaires qui se posaient à l’Espagne, il fallait trois conditions : un parti, encore un parti…et toujours un parti. Cette même conclusion peut être tirée de nombreux mouvements révolutionnaires qui jalonnent l’histoire du capitalisme. C’est pourquoi nous pensons que les leçons à tirer de cette expérience sont d’une importance cruciale et conservent toute leur actualité.


    (1) extrait d’une interview de Santiago Carillo, président du PCE dans les années ’70

    (2) voir Pierre Broué, « La Révolution et la Guerre d’Espagne » (p.87-88)

    (3) voir Pierre Broué, « La Révolution Espagnole 1931-1939 » (p.70)

    (4) José Diaz, discours du 9 mai 1937, « Tres Anos de Lucha » (pp.350-366)

  • Une forte mobilisation anti-NSV à Gand!

    Après la condamnation du Vlaams Blok pour racisme et le bon effet de la stratégie médiatique du Vlaams Belang pour se montrer lui-même comme la « seule opposition » à l’establishment, la question d’ une véritable alternative et d’une stratégie efficace pour combattre l’extrême-droite devient cruciale. Cela s’est illustré clairement lors de la manifestation anti-NSV d’hier soir (2/12) à Gand. Près de 1.500 jeunes ont défilé à travers les rues de Gand, ce qui est la plus grande marche anti-NSV depuis le début des années 90’. Le NSV rassemblait à peine 150 à 200 manifestants.

    Geert Cool

    La manifestation était très combative et s’est déroulée paisiblement. Les slogans étaient lancés à tue-tête et comportaient également des revendications sociales. Contrairement au Vlaams Belang, qui propose la formation d’une opposition mais qui en réalité est pour une politique d’austérité plus dure, nous voulons construire une opposition active qui est capable d’apporter des perspectives au mouvement pour gagner la lutte.

    Contre la stratégie de « diviser pour régner »

    Il devient évident que le Vlaams Belang n’a pas d’alternative avec son soit-disant « plan pour la qualité de la vie » qui a été voté à Deurne dans le conseil de district. Le parti y revendiquait une répression plus dure contre les victimes du système actuel. Un exemple concret : à la place de revendiquer des sacs poubelles bons marché, ils ont défendu une politique plus sévère pour les gens qui abandonnent leurs déchets dans la nature. A la place de revendiquer des maisons sociales de meilleure qualité et en plus grand nombre, ils ont plaidé la restriction de l’accès aux habitations sociales pour les immigrés. Contre la politique de diviser pour régner, une réponse unitaire et active des travailleurs et des jeunes est nécessaire.

    Nous proposons au mouvement anti-fasciste de travailler avec nous pour mobiliser pour la Marche des Jeunes pour l’Emploi le 19 mars. L’objectif est d’apporter la possibilité d’organiser des gens sur le plan local, et de démarrer activement une campagne pour une manifestation capable d’unifier les différents mouvements. Au cours de la préparation de cette manifestation nous serons également actifs localement, par exemple sur les bureaux de pointage.

    Une manifestation paisible

    La manifestation a démarré à 19h00 au « Zuid » de Gand, et est passée entre-autre par le quartier Heirnis, un quartier populaire du centre-ville. Nous trouvons qu’il est important de passer dans les quartiers ouvriers pour montrer que la lutte anti-fasciste ne peut être gagnée que s’il y a unité entre les travailleurs et les jeunes. Dans le quartier Heirnis nous avons reçu d’ailleurs énormément de réactions très positives. Le lundi soir un groupe de militants du MAS avait fait le tour du quartier pour vendre notre mensuel, et en un soir nous en avions vendu 61 exemplaires.

    La manifestation a pris fin au « Zuid » à Gand où il y a encore eu quelques courts discours. Ensuite les manifestants se sont apprêtés à retourner chez eux ou à aller boire un verre dans le quartier étudiant. A l’extérieur il fallait cependant compter sur des manifestants d’extrême-droite et la police.

    Le NSV s’est encore ridiculisé

    Avec seulement 150 à 200 manifestants, le NSV s’est à nouveau ridiculisé. Le NSV manifestait contre l’adhésion de la Turquie à l’UE et disait dans son communiqué de presse, entre autre, que des « hordes turques » formaient déjà une menace pour le « Avondland », autrement dit que les Turcs formaient selon le NSV une menace pour la civilisation de l’Europe occidentale. Nous ne sommes pas les défenseurs de l’Union Européenne et donc nous ne sommes également pas pour l’adhésion de la Turquie, mais sur base d’un point de vue de classe. Nous plaidons pour les intérêts des travailleurs et de leurs familles et nous résistons en cela contre l’UE. Le NSV se base uniquement sur des arguments racistes.

    Le NSV n’est cependant pas parvenu à mobiliser sérieusement. Avec le lancement de leur campagne, l’organisation a reçu beaucoup de mauvaises réactions d’étudiants et de jeunes qui étaient actifs contre l’extrême droite. Malgré le fait que le Vlaams Belang ait récolté 22 % des voix à Gand aux dernières élections, seulement 150 fascistes sont descendus dans la rue. C’est une expression du manque de soutien actif qu’ont des groupes comme le NSV.

    Quartier étudiant occupé :

    Il y a eu quelques problèmes dans le quartier autour de la rue d’Overpoort quand un gros groupe de fascistes s’est formé. Quelques centaines d’antifascistes ont été attaqués physiquement par le NSV sous la direction du responsable national des jeunes du Vlaams Blok, Hans Verreyt. Une équipe de gros bras qui n’étaient clairement pas des étudiants, ont chargé les antifascistes. Dans les bagarres organisées par le Vlaams Belang, ils ont frappé violemment de nombreux manifestants. Le Vlaams Belang se profile comme un nouveau parti « acceptable » mais nous avons vu dans la pratique que leur vieux noyau de fascistes durs est toujours dominant. Des antifascistes ont été physiquement frappés, surtout ceux qui sont d’origine immigrée ou ceux qui sont bien connus comme militants actifs du MAS. Un bon nombre de nos camarades ont été blessés par ces crapules fascistes.

    La police attaque les victimes :

    Au lieu de se retourner contre les fascistes qui étaient en claire minorité, la police a fait face aux antifascistes avec leur autopompe et un certain nombre de nos camarades dirigeants ont été arrêtés de manière très dure. Lorsqu’un groupe de nos militants a pris la route de la gare pour retourner dans leurs villes respectives, un responsable du district de Bruxelles du MAS a été violemment frappé et arrêté par un groupe de policiers. Et ce malgré que le MAS se soit clairement prononcé contre la violence, en face de l’extrême droite et de la police. Apparemment la police avait vraiment peur d’arrêter les brutes du Vlaams Belang et elle trouvait plus facile de s’attaquer aux jeunes de gauche. Notre supériorité numérique flagrante a fait que bon nombre de fascistes ont été raccompagnés dans leur bus et ont dû quitter la ville. Les étudiants de gauche dominaient très clairement le quartier étudiant Overpoort.

    Un rapport de force très clair :

    Le Vlaams Belang peut récolter de nombreuses voix aux élections, mais il est clair que leur noyau dur est isolé dans la société. Ca s’est illustré dans la différence de manifestants des deux côtés : 1500 contre 150 fascistes dont une grosse partie était des habitués des batailles de rue. Cela n’est pas accepté par des couches larges de la population. Avec le MAS, nous allons continuer à mener campagne contre la violence fasciste et contre l’illusion que le Vlaams Belang constitue une alternative aux politiciens traditionnels.

  • MARCHE DES JEUNES POUR L’EMPLOI

    Une réponse à la politique du gouvernement et du patronat

    IL ÉTAIT LARGEMENT reconnu que le gouvernement et le patronat allait entamer l’attaque contre les acquis des travailleurs et leurs familles vers la fin de 2004. La résistance n’a pas attendu le moment où ces attaques allaient s’intensifier. Les dernières semaines, on a assisté aux grèves dans le secteur non marchand, dans l’enseignement francophone, à La Poste et à la STIB (transports en commun bruxellois). Le secteur privé, exception faite pour l’aéroport de Zaventem, demeure relativement calme, mais derrière les apparences la tension monte. L’automne chaud est déjà une réalité, mais malheureusement le mouvement ouvrier ne dispose pas d’un programme, d’une stratégie et surtout d’une direction capable de gagner la bataille.

    Eric Byl

    Les partis traditionnels de gauche

    Les travailleurs n’ont pas à compter sur le soutien des partis traditionnels prétendument «de gauche». Pour Ecolo et Agalev, il n’a fallu qu’une seule participation au pouvoir pour qu’ils apparaissent clairement dans quel camp ils jouaient. Grâce à ces deux partis on nous a imposé nombre de sanctions (contre la décharge de déchets clandestins, contre les fumeurs,…) et de nouveaux impôts (des taxes écologiques, eau de surface, essence,…), mais l’industrie et les gros pollueurs n’étaient jamais touchés. Deleuze (Ecolo), ancien Secrétaire d’État, voulait éviter la confrontation avec le patronat sur Kyoto en achetant de l’air propre à l’ex-Union Soviétique.

    Au gouvernement, Agalev surtout a compris l’art de mépriser la population. Mieke Vogels a menacé en tant que ministre flamande de la Santé de courtcircuiter les syndicats. Byttebier, qui lui a succédé, a insinué que pas mal d’handicapés fraudaient. Maintenant qu’il est chassé du gouvernement, Groen a fait sa réapparition dans les manifestations du non marchand. Mais ces manifestations sont organisées autour des mêmes revendications que les Verts rejetaient brutalement quand ils siégeaient sur les bancs du gouvernement.

    La social-démocratie participe au gouvernement depuis 1988. Pendant cette période la flexibilité a tellement augmenté que 39,5% des travailleuses sont aujourd’hui engagées à temps partiel. Les jeunes doivent presque exclusivement recourir au travail intérimaire. Les bâtiments publics et les entreprises publiques, construits avec l’argent de la communauté, sont vendus pour un quignon de pain aux amis du secteur privé. En échange, les dirigeants «socialistes» reçoivent des postes bien rémunérés dans une série de conseils d’administration. LucVanden Bossche, ancien ministre SP.a, a reçu en récompense le poste de directeur de Biac, la société qui exploite de l’aéroport de Bruxelles National. Le bourgmestre de Gand, Beke, siège au conseil d’administration de Dexia. Pour cette charge (assister à 7 réunions par an!), il reçoit 34.000 euros par an. Si le PS joue ici et là le jeu d’enfant terrible, le SP.a est l’instigateur de la politique d’austérité. Vande Lanotte et Vandenbroucke ont bataillé depuis le début de l’année pour la mise en oeuvre de mesures «structurelles». Vandenbroucke est l’arrogant responsable de la chasse aux chômeurs. Vande Lanotte est celui qui prépare la privatisation des services publics.

    Les directions syndicales

    Les syndicats organisent au moins 58% des travailleurs actifs (sans compter les prépensionnés et les chômeurs), ce qui représente une hausse de la syndicalisation de 8% sur dix ans. Si les syndicats s’étaient servi de cette force, le gouvernement et le patronat aurait pu faire une croix sur tous leurs plans d’austérité. Cela exige par contre une alternative contre la politique actuelle et c’est exactement cela qui fait défaut aux directions syndicales.

    Elles ne voient pas comment aller à contre-courant de la logique néo-libérale. Elles ont donné leur accord à l’introduction du travail intérimaire et des contrats précaires. Elles ont accepté la disparition de presque 10 000 postes de travail chez Belgacom au prix de cadences infernales. Elles sont maintenant sur le point d’accepter la scission de la SNCB qui coûtera à terme 10.000 emplois et menacera la sécurité des voyageurs et du personnel. A La Poste elles ont avalé Géoroute et Poststation qui feront disparaître 10.000 emplois.

    Faute d’une alternative réelle, les directions syndicales ne dépassent pas le stade d’une opposition superficielle. Si la pression d’en bas devient trop forte, elles organisent des actions pour donner un peu de voix à la colère, en mobilisant les travailleurs de façon divisée. Le mot «mobiliser» ne décrit pas vraiment la situation, car les directions syndicales «démobilisent». En fait, la politique syndicale actuelle consiste à organiser des manifestations d’enterrement lors des fermetures et d’entretenir des relations d’affaires avec les politiciens amis.

    Le lien entre l’ACV et le CVP, prédécesseur du CD&V , a toujours été problématique. Des gouvernements CVP successifs ont abusé de leurs liens avec l’ACV pour vendre leur politique aux travailleurs. Maintenant que le CVP n’est plus l’instrument le plus important de la bourgeoisie, le PS et le SP.a sont mis en avant. Les dirigeants de la FGTB et de l’ABVV ne se servent pas de leurs positions dans les bureaux politiques de ces deux partis pour imposer une politique plus sociale mais, inversement, pour faire avaler à la base syndicale la politique antisociale de ces deux partis.

    Cette démarche est plus d’une fois récompensée par une fonction publique lucrative. Tant que l’ACV restera dominé par le CD&V et la FGTB par le SP.a et le PS, les syndicats accumuleront les défaites dans la lutte des travailleurs.

    La crise structurelle

    Si on suit le patronat et ses valets politiques, la Belgique ne peut que se maintenir au sommet qu’en restant plus efficace que tous les autres pays du monde. «Efficace» ne signifie pas «plus social» ou « de meilleurs services et plus nombreux» ou «la satisfaction maximale des besoins d’un maximum de personnes». Non, «efficacité» doit exclusivement être synonyme de «rentabilité». Si l’on prend en considération les 30 dernières années, depuis la crise de 1974, alors notre système économique ne s’avère pas si «efficace». Il est vrai que les profits des entreprises ont considérablement augmenté. Cela ne résulte cependant pas de la croissance globale des richesses, mais de la politique de pillage au détriment de notre santé et de nos revenus. Les travailleurs de Belgique sont n°2 du monde, derrière la Norvège, au niveau de la productivité. Nous produisons en moyenne 11% de plus de valeurs par heure que nos collègues américains, 32% de plus qu’en Grande Bretagne, 39% de plus qu’au Japon et 8% de plus qu’en France. Notre système économique est tellement efficace que des personnes actives ne travaille même pas. Qui a du travail est en proie à un stress anormal. La Belgique est au premier rang mondial en matières de maladies liées au stress: l’infarctus et les dépressions.

    Selon les patrons et les politiciens qui les servent, les travailleurs belges coûtent trop cher. Entre 1981 et 2001 le coût salarial réel par unité produite a diminué annuellement de 0,3%. L’an dernier cette diminution se chiffrait au moins à 1,4%! On pourrait prétendre que les inactifs prennent tout l’argent.

    Mais en réalité, en vingt ans les pensions sont passées de 34% du salaire moyen à 32%. Ceux qui «profitent» des allocations de chômage ont subi la même perte en valeur: de 42% par rapport au salaire moyen à 28% en 20 ans. Il n’est donc pas étonnant que la pauvreté ait progressé. Au début des années 90 il y avait 6% de pauvres (chiffres officiels), c’est maintenant 13%. Voilà pour cette fameuse efficacité.

    Les propositions patronales pour les négoociations de l’accord interprofessionnel

    En préparation du budget et des négociations pour un nouvel accord interprofessionnel, le patronat, depuis l’été, a préparé l’une après l’autre diverses propositions. Il utilise comme un pied de biche l’exemple de Siemens en Allemagne: un allongement de la durée du travail sans adaptation du salaire. Le patronat prétend ainsi «sauver l’emploi». A Marichal Ketin (Liège), le patron avait proposé d’aug-menter le temps de travail de 36 à 40 heures et de licencier entre 10 et 20 intérimaires. En voilà une drôle de façon de «sauver» l’emploi! Heureusement, il n’a pas réussi à faire gober cela aux travailleurs.

    Pour la majorité des patrons, le débat sur le temps de travail est un épouvantail mis en avant pour effrayer les travailleurs et imposer d’autres mesures de régression sociale. La fédération patronale du métal, par exemple, réclame davantage la baisse des charges et surtout le gel des salaires. Dans la construction les patrons réclament surtout l’annualisation du temps de travail. Dans le secteur de distribution et de l’alimentation, la question centrale porte sur un assouplissement des heures supplémentaires.

    Afin d’être sûr que ce recul social sera accepté, on menace beaucoup. On essaye de nous faire croire que l’élargissement de l’Europe va mener à une invasion de main-d’oeuvre à bon marché. La Commission Européenne veut permettre que des travailleurs de l’Europe de l’Est soient embauchés, en Europe occidentale, aux salaires de l’Est! Il est évident que cela va saper les salaires et les conditions de travail ici. En même temps, Vandenbroucke veut obliger les chômeurs à accepter n’importe quel emploi. Sa chasse aux chômeurs n’a rien à faire avec la prétendue «fraude sociale». Pour chaque poste vacant, il y a au moins 7 candidats. Chaque examen d’embauche suscite la candidature d’un nombre impressionnant de demandeurs d’emploi. Celui qui veut suivre une formation à l’Orbem ou au Forem doit patienter pendant des mois ou n’y a pas droit. L’objectif de la politique d’exclusion est d’utiliser les chômeurs pour saper les conditions de travail et les salaires de ceux qui ont encore du travail. Selon le rapport sur les salaires du Conseil Central de l’Economie, en préparation des négociations sur l’accord interprofessionnel, il n’y a, comme par hasard, toujours pas de marge pour une augmentation des salaires. Les salaires en Belgique ont progressé apparemment de 1,4% de plus que les salaires dans les trois pays voisins (France, Allemagne, Pays-Bas). Ce ne sont évidemment que des moyennes. Les salaires de managers comme Jan Coene, qui s’est octroyé une récompense de 800 millions de FB en trois ans, y sont aussi inclus. Par ailleurs, quand on dit que nos salaires ont «progressé plus rapidement» que dans les pays voisins, il est plus exact de dire qu’ils ont «baissé moins vite». En comparaison avec le patronat allemand et néerlandais, la Belgique est loin de la situation «optimale». En bref: malgré la misère dans laquelle vivent nos pensionnés, malgré la montée officielle du nombre de pauvres, nos patrons et leurs serviteurs politiques ont l’eau à la bouche quand ils rêvent d’une politique aussi anti-sociale que celle de Schröder et de Balkenende.

    Construire un rapport de forces

    Jamais dans l’histoire il n’y a eu autant de richesses et autant de profits qu’aujourd’hui. Mais il n’y a jamais eu non plus autant de pauvres. Plus que jamais il faut que les travailleurs et leurs familles contrôlent la richesse qu’ils produisent et qu’ils l’utilisent pour satisfaire les besoins de l’ensemble de la population. Si les dirigeants syndicaux le voulaient, ils pourraient paralyser toute l’Europe. Mais la nécessité de se réapproprier les richesses disponibles, accaparées aujourd’hui par un petit nombre de parasites, cette idée ne leur vient pas à l’esprit. Leur attitude mène au défaitisme chez beaucoup de travailleurs.

    Le défaitisme peut temporairement paralyser le mouvement ouvrier, mais ne contrebalance pas les effets de la situation vécue. Chaque secteur se met en mouvement l’un après l’autre, souvent sans les directions syndicales qui ne peuvent garder les travailleurs sous contrôle. La seule capacité qu’elles développent magnifiquement c’est de fractionner la lutte secteur par secteur. Mais si on veut forcer le gouvernement et le patronat à faire des concessions, l’action coordonnée et généralisée est indispensable. C’est précisément ce que les directions syndicales essaient à tout prix d’éviter depuis la grève contre le Plan Global de 1993.

    Marche des jeunes

    Le MAS seul ne peut pas transformer cette situation. Nous pouvons tout au plus intervenir dans la situation politique et sociale sur base du mécontentement dans divers secteurs. Dans une période de montée rapide du chômage et avec en arrière-plan une chasse aux chômeurs, nous avons décidé de faire un appel avec notre campagne Blokbuster à une nouvelle Marches des Jeunes pour l’Emploi. En 1982 et 1984 il y avait des dizaines de milliers de jeunes dans la rue contre le chômage. Ces marches étaient préparées par de nombreux comités locaux de mobilisation dans les écoles et les entreprises. Ce n’étaient pas des manifestations comme les autres, mais des campagnes menées pendant toute une année.

    En 1993 Blokbuster et les Jeunes FGTB ont organisé une petite Marche des Jeunes de 7.000 manifestants. Cette Marche s’est tenue juste après la chute du stalinisme, quand le capitalisme semblait pour beaucoup de gens le seul système possible. De plus les Jeunes CSC avaient refusé de participer. La «petite gauche» était, comme d’habitude, plus occupée à insulter les organisateurs qu’à mobiliser. Le journal La Gauche appelait Blokbuster «une filiale de la maison de mère britannique Militant» et dépeignait les Jeunes FGTB comme «une organisation inerte avec juste un fichier de membres» . Solidaire ne pensait pas grand-chose de cette Marche des Jeunes.

    Aujourd’hui la situation est totalement différente. Le chômage monte à nouveau en flèche. Le gouvernement a lancé une offensive. Différents secteurs sont en lutte. Il ne manque qu’une initiative capable d’unifier les luttes et d’offrir une perspective. Nous pensons que la Marche des Jeunes pourrait jouer ce rôle. En avril 2004 Blokbuster a contacté les jeunesses syndicales avec une proposition d’une Marche des Jeunes en octobre. Elles ont marqué finalement leur accord pour le 19 mars 2005.

    Nous craignons toutefois que les jeunesses syndicales ne pensent pas au même type de Marche que nous. Nous la voyons comme un point culminant où des comités locaux dans les entreprises, les écoles et les quartiers mobilisent pendant des mois avec des tracts, des réunions, des sessions d’information dans les entreprises, des actions locales devant les agences d’intérim, à l’ONEM, etc. La Marche elle-même, on la voit comme une marche combative où les jeunes pourront mettre en avant avec force leurs revendications sur l’emploi et les conditions de travail. Pas par des émeutes ou d’autres sottises, mais par une présence massive et décidée.

    Nous craignons cependant que les jeunesses syndicales pensent plutôt en termes d’une grande city parade, avec plein de ballons, des chars carnavalesques, de la musique à plein tube, des groupes de danseurs, mais pas beaucoup de réelle mobilisation autour des revendications concrètes. Le caractère final de cette Marche dépendra en grande partie de notre force. Nous appelons nos lecteurs à mettre sur pied partout où ils peuvent des comités pour la Marche des Jeunes autour d’un nombre de revendications concrètes: il faut s’en prendre au chômage, pas aux chômeurs; pas de petits boulots précaires, mais des emplois stables avec un vrai salaire; 32 heures hebdomadaires sans perte de salaire et avec embauche compensatoire.

  • Racisme: Tout ce qui nous divise, nous affaiblit

    MALCOLM X affirmait: "Il ne peut y avoir de capitalisme sans racisme". Il voulait ainsi dire que le capitalisme utilise le racisme pour maintenir sa domination. Le racisme n’a pas été inventé par le Vlaams Blok; il existe depuis la naissance du colonialisme et du capitalisme. Pour le capitalisme, seuls comptent les profits accumulés par une infime minorité. La bourgeoisie se sert de tous les moyens d’oppression pour affermir sa position et de continuer à exploiter les travailleurs. Le racisme est un de ces outils d’oppression.

    Nikei De Pooter

    Avant la Seconde Guerre Mondiale les manuels scolaires expliquaient que les noirs d’Afrique étaient moins intelligents que les Européens. Les classes dominantes avaient alors besoin de thèses pour justifier leur domination militaire directe du continent africain. Les premiers camps de concentration n’ont pas été construits par Hitler en Allemagne, mais en Afrique du Sud par l’Angleterre coloniale.

    Aujourd’hui le discours de la bourgeoisie a changé. Ses parlementaires n’ont plus recours au langage ouvertement raciste, mais ils utiliseront le racisme de façon plus subtile pour diviser tous ceux qui tentent de résister à la politique antisociale.

    Le capitalisme est un système fondé sur l’exploitation. Tant sur l’exploitation des travailleurs d’Europe et d’Amérique du Nord que sur celle des travailleurs du monde néo-colonial. Dans les pays néo-coloniaux nombreux sont ceux qui fuient la misère, les dictatures et les guerres. En Europe occidentale, la peur envers les candidats réfugiés s’amplifie d’autant plus que les travailleurs ayant perdu leur emploi et les allocataires sociaux ont de plus en plus de peine à joindre les deux bouts. C’est en partie dû au chômage, mais aussi aux lois restreignant le droit d’asile qui contraignent les candidats réfugiés à vivre sans papiers et à devoir accepter, par exemple, de payer un loyer exorbitant pour une chambre insalubre.

    Etre sans papiers c’est aussi devoir accepter, pour survivre, un travail clandestin sous-payé, sans avoir la moindre possibilité de faire valoir ses droits face au patron. Une telle situa-tionexerce une pression sur l’ensemble des salaires. Les couches les plus vulnérables de la population belge, les moins qualifiés, les exclus considè-rent les réfugiés comme des concurrents. Les slogans démagogiques sur «Les Immigrés qui prennent le pain des Belges» incitent les victimes de la crise à se battre contre ceux et celles qui sont encore plus bas et vivent dans des conditions pires.

    Les entreprises qui licencient massivement ici font aussi des profits exorbitants Afrique ou en Asie. C’est pourquoi nous avançons la revendication: Il faut s’en prendre aux multinationales et non à leurs victimes !

    Le racisme est un des piliers de la tactique «diviser pour régner». La bourgeoisie fera de même pour opposer les travailleurs ayant un emploi à ceux qui ont perdu le leur ("Les chômeurs sont des profiteurs"). Pour opposer les employés aux ouvriers, les hétérosexuels aux homosexuels, les hommes aux femmes, les Wallons aux Flamands, etc.

    La bourgeoisie utilise un parti comme le Vlaams Blok pour répandredes préjugés racistes. La seule réponse possible à cette stratégie de division et de haine est de lutter tous ensemble pour améliorer les conditions de vie et de travail de chacun.

    On convaincra peu de monde avec des arguments moralisateurs. On ne convaincra la masse des travailleurs de la nuisance des préjugés racistes qu’à partir d’une lutte concrète avec des intérêts communs à tous travailleurs, quelle que soit leur origine. L’opposition fondamentale de notre société n’est pas celle entre Flamands, Wallons, Belges ou Immigrés, mais bien celle entre le monde du travail et le monde patronal.

    Le Vlaams Blok et d’autres organisations néo-fascistes en Europe se basent sur la résis-tance passive de la part de la population. Dans chaque lutte qui se développe, à chaque piquet de grève, la nécessité de l’unité des travailleurs devient concrète. Une fois que la résistance se transforme en action, l’impact des idées d’extrême-droite recule.

    On a constaté cela en France après une lutte de masse contre le plan Juppé en 1995: le Front national a perdu du terrain et a fini par éclater en deux (Le Pen d’un côté, Megret de l’autre). Le gouvernement de la Gauche plurielle (PS + PC + Verts) porté au pouvoir, après la déroute électorale de la droite, a cependant mené une politique de droite, privatisant trois fois plus que le gouvernement Juppé. Cette politique antisociale du gouvernement de Gauche plurielle a de nouveau renforcé l’extrême-droite. Tout cela a permis au FN de regrouper ses forces et de faire un score électoral supérieur à celui de Jospin aux élections présidentielles de 2002.

    On voit donc que pour combattre l’extrême-droite et le racisme, il ne suffit pas seu-lement de lutter contre la politique antisociale. Il faut aussi construire une alternative politique de gauche crédible qui soit capable de faire barrage à la politique néo-libérale et au capitalisme. Si la classe ouvrière ne réussit pas à prendre en mains la direction d’un tel mouvement, et si elle ne pose pas d’alternative conséquente de gauche, toutes sortes de réflexes nationalistes et racistes écloront inévitablement.

    Dernier exemple: en Irak où les divisions selon les ethnies et les religions font rage. Les Kurdes contre les Turkmènes, les Chiites contre les Sunnites et ainsi de suite. Cette division conduira à une régression future du pays et une détérioration des conditions de vie de la majorité de la population irakienne. Si aucune alternative socialiste ne se présente, une alternative capable de combattre la pauvreté et l’exploitation, les divisions feront des ravages dans la population qui se bousculera pour ramasser les miettes laissées par la bourgeoisie.

    Plus que jamais il faut construire un parti mondial, socialiste et combatif!

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