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Tag: États-Unis
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Ecologie: Pourquoi une réponse socialiste?
Le problème environnemental est, à l’heure actuelle, préoccupant pour chacun. Et à juste titre. De nombreuses solutions nous sont présentées, mais sont-elles vraiment efficaces et adaptées à la situation?
Au menu des solutions en vogue: les biocarburants, les panneaux solaires, les voitures électriques, les accords de Kyoto, etc. Nous n’avons que l’embarras du choix. Mais ces alternatives sont-elles vraiment efficaces? Prenons les biocarburants. On nous assure que l’on pourra bientôt rouler « vert », cependant, la culture des plantes destinées à fournir des biocarburant nécessite qu’on grignote de nouvelles forêts. Au Brésil, par exemple, il faut créer de nouvelles terres arables en rognant sur la forêt amazonienne. La déforestation est responsable de 14 % des gaz à effet de serre. Ainsi, indirectement, les biocarburants renforcent la pollution au lieu de la combattre.
On assiste en guise de solution à une véritable campagne de culpabilisation basée sur l’idée « C’est à tout le monde de faire des efforts ». Cela conduit à nous faire payer le coût de la crise écologique alors que notre pouvoir d’achat ne cesse de diminuer. De plus, ce slogan ne modifie pas l’orientation de la production alors que c’est justement la racine du problème. Par exemple, 47% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) proviennent directement des entreprises tandis que ce qui vient des ménages est “négligeable”.
Le Protocole de Kyoto, de 1998, en est un autre exemple. Les pays signataires se sont engagés à diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 5,2 % d’ici 2012 par rapport à 1990, ce qui n’est que de la poudre aux yeux. En effet, les Etats-Unis, premier émetteur de gaz à effet de serre, n’ont pas ratifié le Protocole. En réduisant les émissions de 70 %, 100 ans seraient nécessaires pour résorber les effets des GES ! A quoi riment ces ridicules 5,2 %?
Les problèmes environnementaux s’aggravent de plus en plus. Il est temps d’arrêter de jouer aux hypocrites et de mettre en place de vraies solutions efficaces. Il ne faut pas prendre des chemins détournés qui ne mènent à rien mais plutôt s’en prendre à la racine du problème, qui est le contrôle de la production par les capitalistes.
C’est pourquoi le MAS/LSP revendique :
- La diminution drastique des gaz à effet de serre ! Stop au commerce des droits d’émission !
- La (re)nationalisation du secteur de l’énergie sous le contrôle des travailleurs sans rachat ni indemnité !
- Le développement massif de transports en commun gratuits et de qualité partout !
- La construction massive de logements sociaux de qualité, à prix abordables, et respectueux de l’environnement !
- La fin de la mainmise des entreprises sur la recherche scientifique et le développement d’une recherche scientifique publique, indépendante des actionnaires et du privé !
Mais toutes ces revendications (et les nombreuses autres qui en découlent) se heurtent évidemment à la logique de profit des entreprises et ne seront jamais appliquées dans une société capitaliste. C’est pour ça qu’il est impératif qu’une société vraiment socialiste se mette en place au niveau international. Détruisons le capitalisme avant qu’il ne détruise la planète !
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DETRUISONS LE CAPITALISME, AVANT QU’IL Ne DETRUISE LA PLANETE !
Kyoto, énergie nucléaire, taxes écologiques,… Arrêtons de rire !
Jusqu’à la mi-décembre, un nouveau sommet international de l’ONU pour l’environnement a lieu à Bali. Cette conférence doit débattre d’un nouvel accord sur le climat préparant l’après Kyoto, c’est-à-dire pour une période commençant après 2012. Cependant, même les scientifiques estiment que les objectifs du Protocole de Kyoto étaient largement insuffisants pour fondamentalement améliorer les conditions climatiques.
L’atmosphère se réchauffe, les océans deviennent de plus en plus acides et les glaces fondent. Au moins un quart des espèces vivantes sont menacées d’extinction sur fond de hausse du nombre de désastres environnementaux et alors que l’ONU prévoit cinquante millions de réfugiés environnementaux pour 2010.
Le Protocole de Kyoto n’offre aucune solution. Tout au plus a-t-il permis un juteux commerce où les pays les plus riches peuvent acheter des droits d’émissions aux pays les plus pauvres. De plus, ce Traité entré en vigueur en 2004 n’a jamais été ratifié par les USA et l’Australie et les pays signataires n’ont même pas respecté leurs engagements. Selon différents chercheurs, malgré les intentions, ce protocole n’a pas abouti à des réductions démontrables et a même freiné les débats sur les solutions à apporter à la crise environnementale.
Le problème des alternatives énergétiques reste entier. L’énergie nucléaire est régulièrement mise en avant, sans que l’on ne tienne compte des coûts énergétiques de l’ensemble du cycle de production d’énergie, du stockage des déchets nucléaires ou des ressources limitées d’uranium. C’est la voie suivie par les politiciens belges, sous le prétexte que l’énergie nucléaire est très rentable : priorité aux profits d’Electrabel et aux taxes qui en découlent !
Tous les politiciens tentent de se positionner comme « écologistes », mais la crise environnementale n’a, en Belgique, été qu’une occasion d’imposer de nouveaux impôts sur les emballages. Au Danemark, de telles taxes ont également été introduites, mais au moins les moyens récoltés ont-ils été versés à un fonds pour les mesures environnementales (sans toutefois que ces mesures n’aient été réellement appliquées).
Alors que les politiciens défendent avant tout leur image en prétendant prendre le problème des changements climatiques à bras le corps, seuls 2% de l’énergie produite en Belgique provient d’énergies renouvelables. Mais comment arriver à des alternatives sans plus de moyens pour la recherche? Ou encore si cette recherche est totalement contrôlée par les entreprises pétrolières et autres multinationales? En 2006, la multinationale Exxon Mobil a réalisé 39,5 milliards de dollars de profits, soit dix fois plus que les dépenses du gouvernement américain en recherche énergétique la même année.
De fait, le budget des Etats-Unis pour la recherche consacrée aux énergies alternatives a diminué de moitié depuis 1979. Il s’agit aujourd’hui d’un vingtième des moyens pour la recherche militaire. Et seuls 7,6% de ces moyens financiers sont destinés à la recherche des énergies renouvelables…
Obtenir un « capitalisme écologique » est aussi réaliste que de tenter de domestiquer un ouragan. Ce système est axé autour de la recherche de profits à court terme, même au détriment de l’environnement. Le constat que le système de production capitaliste sacrifie l’environnement et les conditions de vie des générations actuelles et futures, démontre que le capitalisme ne peut pas se développer de manière durable.
La seule question est de savoir si le capitalisme s’éteindra en emportant avec lui la planète ou si le mouvement des travailleurs (qui par leur position dans la production sont les seuls à même de renverser ce système) saura apporter sa réponse : une gestion des ressources et de leur utilisation planifiée avec la participation – et donc le contrôle – de chacun. Rejoignez le MAS/LSP pour renforcer cette voie!
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La Révolution Russe d’Octobre 1917 : quelques leçons, 90 ans après
Toutes les classes dominantes dans l’histoire ont voulu donner à leur mode de production un caractère éternel. Dans la même idée, les prophètes du capitalisme ont toujours tenté d’empêcher les travailleurs de tirer la conclusion que le capitalisme pouvait être changé.
Rappelons-nous seulement la fameuse phrase du pseudo-philosophe américain Fukuyama annonçant à grands cris « la fin de l’histoire » après la chute de l’URSS, voulant ainsi dépeindre le système capitaliste comme l’horizon ultime de la société humaine. Rien qu’à ce titre, la Révolution Russe d’Octobre 1917 fut un événement d’une portée gigantesque : pour la première fois dans l’histoire après la brève expérience de la Commune de Paris en 1871, les travailleurs russes ont pris le pouvoir entre leurs mains et montré que le capitalisme pouvait être renversé.
La révolution russe revue et corrigée par la bourgeoisie
C’est pourquoi étudier la révolution russe est extrêmement important, surtout lorsque l’on voit à quel point, de nos jours, cet événement historique est ‘revisité’ par certains historiens. Marx affirmait que “Les pensées de la classe dominante sont aussi, à chaque époque, les pensées dominantes”. Cette phrase n’a pas vraiment vieillie lorsqu’on voit comment l’anniversaire des 90 ans de la Révolution d’Octobre 1917 est ‘commémorée’ dans la presse et les médias officiels.
Le magazine ‘L’Histoire’ a édité un numéro spécialement pour l’occasion, intitulé “Les crimes cachés du communisme – de Lénine à Pol Pot”.Tout un chapitre porte le titre “Lénine est aussi coupable que Staline”, dossier dont le fil conducteur sert à accréditer la thèse selon laquelle le stalinisme trouverait ses germes dans le léninisme ; Lénine aurait ainsi enfanté les Staline, Mao, Pol-Pot, Kim-Il-Sung et compagnie…Le quotidien gratuit ‘Métro’ avait quant à lui trouvé une manière un peu plus subtile de fêter l’événement : il y a deux semaines, une petite brève relatait la tuerie dans un lycée en Finlande. L’article finissait par une petite phrase tout à fait innocente : “Il a mis ses menaces à exécution le jour anniversaire de la révolution d’Octobre.” Au début du mois, la chaîne de télévision ARTE a passé un reportage-documentaire sur la vie de Léon Trotsky. Ce reportage se concluait par l’épisode de l’assassinat de Trotsky, commentée par un historien affirmant : “En analysant la mort de Trotsky, je pense qu’il est devenu victime d’une machine qu’il avait lui-même construite.” Sur cette conclusion apparaissait le générique auquel venait se greffer la citation d’un poète allemand : “La révolution est le masque de la mort. La mort est le masque de la révolution.” L’idée qui sous-entend cette conclusion ressort sans ambiguïté : si tu joues avec le feu en essayant de faire comme Trotsky, à essayer de renverser le capitalisme, tu vas faire naître un monstre encore plus grand… Mais point n’est besoin de se choquer de ce genre d’analyses. A l’époque même de la révolution de 1917, les journalistes de la bourgeoisie ne s’encombraient pas de toutes ces subtilités mais allaient directement droit au but, comme le montre un magnifique éditorial du ‘Times’ (le quotidien britannique) paru quelques jours avant l’insurrection qui affirmait, tout simplement : “Le seul remède contre le bolchévisme, ce sont les balles.”
Les livres d’histoire évoquent souvent l’année 1917 comme « l’année terrible », illustrant le cauchemard qu’elle a représentée pour les classes dominantes. Et c’est bien par crainte du spectre de nouvelles années terribles que la bourgeoisie continue de faire tout, 90 ans après, pour enterrer les véritables leçons de la Révolution d’Octobre, du rôle que Lénine, Trotsky et le Parti Bolchévik ont réellement joué dans ces événements, et pour réduire cette expérience gigantesque à l’horreur du stalinisme et des goulags.
Une tempête révolutionnaire
La victoire de la Révolution d’Octobre ainsi que les mots d’ordre des Bolchéviks avaient rencontré un enthousiasme libérateur et stimulé le tempérament révolutionnaire des travailleurs et des opprimés du monde entier. Dans les années qui suivirent la révolution russe, des foyers révolutionnaires s’allumèrent aux quatre coins de l’Europe (en Allemagne, en Hongrie, dans le Nord de l’Italie, en Finlande,…) et rencontrèrent un écho considérable jusque dans le monde colonial : en Corée, en Inde, en Egypte, etc. Tous les écrits et les mémoires des politiciens bourgeois de l’époque témoignent de la panique généralisée qui dominait dans la classe dominante, celle-ci craignant de perdre pour de bon le contrôle de la situation face à cette tempête révolutionnaire. En 1919, le premier ministre britannique Lloyd Georges écrivait : “L’Europe entière est d’une humeur révolutionnaire. Tout l’odre social, politique et économique existant est remis en question par les masses populaires d’un bout à l’autre de l’Europe. Si nous envoyons plus de troupes pour combattre la Russie, la Grande-Bretagne elle-même deviendra bolchévique et nous aurons des soviets à Londres.” Même les Etats-Unis étaient traversés par une vague de grèves sans précédent, au point que le président Wilson disait : “Nous devons absolument agir pour plus de démocratie économique si nous voulons contrer la menace socialiste dans notre pays.” Ce n’est pas pour rien non plus si, en Belgique, les acquis de la journée des 8 heures et du suffrage universel (…pour les hommes) ont été obtenus respectivement en 1918 et 1919 : ce sont des concessions qui ont été lâchées par la bourgeoisie belge à une époque où elle craignait les soubresauts révolutionnaires qui contagiaient l’Europe entière.
Il existe un courant de pensée que l’on appelle le courant évolutionniste, suivant lequel la société humaine ne ferait pas de bonds, mais évoluerait de manière linéaire de la barbarie vers le progrès et la civilisation. Cette théorie a souvent été utilisée pour fournir une base soi-disant scientifique contre les idées révolutionnaires. En tant que marxistes, nous pensons au contraire que la société ne se développe pas d’une manière lente et évolutive. Les contradictions dans la société conduisent au contraire à des crises sociales et politiques, à des guerres et à des révolutions, autrement dit à des changements soudains et des tournants brusques. Les retombées qu’a eu la victoire de la révolution russe dans toute une série de pays illustrent à quel point les acquis du mouvement ouvrier ne sont pas tombés du ciel, ou par une constante évolution du capitalisme vers plus de progrès, mais ont été obtenus par des batailles acharnées que le mouvement ouvrier a menée pour les obtenir.
Octobre : un putsch ou une révolution ?
Il est devenu courant aujourd’hui de présenter la révolution d’Octobre comme un putsch réalisé par une minorité de Bolchéviks conspirateurs. C’est probablement une des contre-vérités les plus répandues sur la révolution russe. Le schéma classique consiste à présenter la Révolution de Février 1917 comme la “vraie” révolution populaire, suivi quelques mois après par le “coup d’état”, le “complot” d’Octobre. Le tout vise à dépeindre le Parti Bolchévik comme un petit groupe de gens mal intentionnés qui ont pris le pouvoir de manière despotique, sans l’assentiment populaire.
Pourtant, ce qui donna à l’insurrection dans la capitale Petrograd le caractère d’une petite échauffourée nocturne rapide, réalisée au prix de seulement 6 victimes, et non l’aspect d’un grand soulèvement populaire avec des batailles de rue ouvertes, ne s’explique pas par le fait que les Bolchéviks étaient une petite minorité, mais au contraire parce qu’ils disposaient d’une écrasante majorité dans les quartiers ouvriers et les casernes. Si Lénine dira par la suite que “prendre le pouvoir en Russie fut aussi facile que de ramasser une plume”, c’est précisément parce que la prise du pouvoir en elle-même n’était que le dernier acte visant à la destitution d’un régime totalement brisé, isolé et discrédité politiquement en huit mois d’existence, un régime dont la base sociale s’était littéralement évaporée sous ses pieds. Lorsque les Bolchéviks ont destitué le gouvernement provisoire et transmis le pouvoir aux Soviets, beaucoup pensaient que ce pouvoir ne tiendrait pas trois jours. De la même manière, beaucoup pariaient sur l’inévitable défaite de l’Armée Rouge dans la guerre civile. Si tel ne fut pas le cas, c’est bien parce que les Bolchéviks disposaient d’un programme capable de rallier des millions de travailleurs et de paysans pauvres, en Russie et par-delà les frontières, dans une lutte à mort contre leurs exploiteurs.
La plupart des historiens bourgeois ne comprennent pas -ou plutôt ne veulent pas comprendre- que la révolution n’est pas un processus artificiel créé de toutes pièces, qui peut se fabriquer dans les laboratoire des état-majors des partis politiques, mais est un processus objectif qui a des racines historiques profondes dans la société : les contradictions entre les classes sociales. Pour les marxistes, les révolutions ne sont pas des surprises, mais sont préparées par toute l’évolution antérieure. La révolution arrive inévitablement quand la contradiction entre la structure de la société et les nécessités de son développement arrive à maturité : lorsque l’accumulation quantitative de frustration encaissée pendant des décennies par les classes exploitées atteint un stade qualitatif, lorsque toute cette quantité d’énergie accumulée dans la société augmente jusqu’à faire ‘sauter le couvercle’.
Dans ce sens, la Révolution d’Octobre 1917 n’a été que l’aboutissement d’un processus révolutionnaire ouvert par l’écroulement du régime tsariste en février, et qui, durant cette période qui sépare la révolution de février de celle d’octobre, va voir se déployer une énergie, une vitalité, un bouillonnement incroyable parmi les masses, et une vie politique intense. 1917 fut une année d’action de masses étonnante par la variété et la puissance des initiatives populaires, témoin du déferlement d’un torrent de politisation générale de la société : partout, les ouvriers dans les usines, les soldats dans les casernes et les tranchées, les paysans dans les villages, avaient soif de politique, soif de s’instruire, soif de lire des journaux, de discuter des idées, de participer aux grands débats,…Chaque ville, chaque village, chaque district, chaque province, développait ses soviets de députés ouvriers, soldats et paysans, prêts à assurer l’administration locale. John Reed, le journaliste socialiste américain auteur du célèbre livre ‘Dix jours qui ébranlèrent le monde’ expliquait qu’ « à Pétrograd comme dans toute la Russie, chaque coin de rue était transformée en une tribune publique. » L’intervention active des masses dans les événements constitue l’élément le plus essentiel d’une révolution. Toute cette dynamique de masse illustre l’absurdité des arguments sur le soi-disant ‘putsch’ des Bolchéviks.
Les Bolchéviks et la question de la violence
Bien sûr, il est aujourd’hui de bon ton de présenter le parti Bolchévik comme des bouchers sanguinaires assoiffés de sang. On se souvient notamment de l’image de Trotsky entourée d’une montagne de crânes et de squelettes, dépeint comme un assassin et un bourreau. Des tonnes d’encres ont été déversées pour dénoncer en long et en large la Terreur Rouge et les exactions de la guerre civile. On parle étrangement beaucoup moins du fait que la guerre civile fut suscitée par la volonté des anciennes classes possédantes de Russie et de l’impérialisme mondial de mettre le pays à feu et à sang pour écraser la révolution par tous les moyens, et que le jeune Etat ouvrier fut réduit à une situation de ‘forteresse assiégée’ par un total de 22 armées.
Le général blanc Kornilov illustrait à merveille l’état d’esprit peu soucieux d’amabilité des capitalistes face au pouvoir soviétique lorsqu’il disait : “Si nous devons brûler la moitié de la Russie et décimer les trois quarts de sa population pour la sauver, nous le ferons. Le pouvoir est aux mains d’une plèbe criminelle que l’on ne mettra à la raison que par des exécutions et des pendaisons publiques”. On ne peut donc pas faire une analyse un tant soit peu sérieuse si l’on ne tient pas compte qu’il s’agit là du genre de bonhommes que les Bolchéviks avaient en face d’eux. L’ironie de l’histoire est qu’au début, les Bolchéviks étaient même plus qu’indulgents avec leurs ennemis de classe, au point de libérer les généraux contre-révolutionnaires sur base d’un engagement sur parole qu’ils ne prendraient plus les armes contre le pouvoir soviétique! Bien sûr, les marxistes ne sont pas des apologistes de la violence, surtout lorsqu’il s’agit d’une violence aveugle, réalisée par une minorité isolée et coupée de l’action de masses. Les marxistes russes avaient notamment mené un combat idéologique pendant des années contre les terroristes russes, à commencer par la ‘Narodnaia Volia’ (= ‘La Volonté du Peuple’), organisation terroriste qui voulait combattre l’autocratie par la seule force de la bombe et du revolver. Leur chef disait explicitement : “L’histoire est trop lente, il faut la bousculer”. Cette organisation va perpétrer en 1881 un attentat contre le Tsar Alexandre II, persuadée que cela allait stimuler un soulèvement général des paysans. L’assassinat n’aura aucun écho, les auteurs seront pendus, la répression va s’abattre sur le pays et décapiter la Narodnaia Volia ; Alexandre II, quant à lui, sera simplement remplacé par Alexandre III. Les marxistes ont toujours opposé à ce type de méthodes de terrorisme individuel l’organisation des masses.
Mais les marxistes ont aussi les pieds sur terre; ils ne raisonnent pas sous forme de catégories abstraites –pour ou contre la violence ‘en général’-, mais prennent comme point de départ de leur analyse la situation concrète. Et une réalité concrète est que lorsque la classe opprimée ose se rebeller pour ses droits, les classes dominantes n’hésitent jamais à recourir à une répression impitoyable, à un déferlement d’une violence inouïe, dépassant parfois toute imagination. Il suffirait par exemple de rappeler la répression des Communards de Paris par les bandes de Thiers, qui culmina dans un carnage effroyable, exécutant à bout portant hommes, femmes, enfants et vieillards. Le fusil ne tuant plus assez vite, c’est par centaines que les ouvriers vaincus furent abattus à la mitrailleuse. On s’apitoie souvent sur le triste sort réservée à la famille tsariste exécutée par les ‘Rouges’. On s’apitoie beaucoup moins sur les 5 millions de soldats envoyés par le régime tsariste se faire charcuter dans la boucherie des tranchées, parfois à pieds nus et sans armes. Il faut s’imaginer que les soldats russes devaient parfois partir à l’assaut avec un fusil pour quatre. Il est d’ailleurs clair que l’horreur de cette guerre impérialiste, dont l’unique but était le partage du monde et des sphères de marché entre les grandes puissances, jouera un rôle décisif d’accélérateur des événements révolutionnaires de l’après-guerre. La combativité des masses, étouffée dans un premier temps par la propagande patriotique, va dans un deuxième temps ressurgir à la surface avec une vigueur et une vitalité exceptionnelle.
Le développement d’une conscience révolutionnaire : un processus dialectique
Il n’y a pas de meilleure école que celle de la pratique : l’éducation politique des masses s’effectue à travers leur propre expérience pratique. Ce que l’on constate dans toute période révolutionnaire ou dans toute lutte d’une certaine importance, c’est que dans le feu de l’action, la conscience politique des travailleurs peut faire des bonds gigantesques en avant. Engels disait qu’”il peut y avoir des périodes dans la société humaine où 20 ans apparaissent comme un seul jour, tout comme des moments où une seule journée apparaît comme 20 ans.” L’année 1917 en Russie illustre cette idée : la classe ouvrière russe a plus appris en quelques mois qu’elle n’avait pu le faire pendant des dizaines d’années auparavant. C’est ce qui explique comment un type comme Alexandre Kérensky, très populaire en mars ’17, était unanimement détesté au mois d’octobre. C’est ce qui explique la progression numérique fulgurante du Parti Bolchévik, qui ne comptait que quelques milliers de membres au début du mois de février, déjà 100.000 en avril, près de 200.000 au mois d’août et plus d’un quart de millions au début d’octobre. On voit ainsi que, dans le cours d’une révolution, quand les événements se succèdent à un rythme accéléré, un parti faible peut rapidement devenir un parti puissant : le POUM (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste), dans les six premières semaines qui suivirent l’offensive révolutionnaire de juillet 1936 en Espagne, était ainsi passé d’un parti de 1000-1500 membres à plus de 30.000 membres.
Cela montre que la compréhension de la nécessité d’un parti révolutionnaire au sein de larges couches de travailleurs n’est pas quelque chose d’automatique. Le processus qui part de l’élaboration d’un programme révolutionnaire et de l’accumulation primitive des premiers cadres révolutionnaires jusqu’à la construction de partis révolutionnaires de masse est un processus qui s’accomplit à travers divers stades inégaux de développement. Mais en dernière instance, ce n’est que lorsque les contradictions du système éclatent au grand jour que les conditions objectives se créent pour une large pénétration des idées révolutionnaires au sein de la classe des travailleurs.
Le stalinisme et le fascisme étaient-ils inévitables ?
Une chose est sûre : s’il n’y avait pas eu de Parti Bolchévik en Russie, toute l’énergie révolutionnaire colossale des travailleurs aurait été lamentablement gâchée et aurait repoussé le mouvement ouvrier en arrière pour longtemps au prix d’une défaite catastrophique et sanglante, comme cela s’est d’ailleurs passé en Hongrie avec l’avènement de la dictature militaire du général Horthy, ou en Allemagne et en Italie avec la montée au pouvoir du fascisme. Ces régimes vont liquider avec zèle les syndicats et les organisations ouvrières, torturer et massacrer les communistes et les socialistes par milliers. La communiste allemande Clara Zetkin l’avait compris, elle qui déclarait en 1923 que “le fascisme sera à l’ordre du jour si la Révolution Russe ne connaît pas de prolongement dans le reste de l’Europe.” Le fascisme a été le prix à payer de la trahison des partis de la social-démocratie, et de l’inexistence ou de la faiblesse d’un parti politique de type Bolchévique comme il en existait un en Russie.
Mais ce prix, les travailleurs russes le payeront également. Car ces défaites vont contribuer à l’isolement de la révolution russe dans un pays extrêmement arriéré, et, en conséquence, à sa dégénérescence vers une dictature bureaucratique et totalitaire. En 1924, Staline mit en avant la théorie du ‘socialisme dans un seul pays’, afin de se débarrasser de la tâche de la construction de la révolution mondiale, et pour protéger les intérêts et privilèges de la bureaucratie montante, notamment en empêchant le développement et l’aboutissement d’autres révolutions ouvrières qui auraient pu mettre ces privilèges en péril. Cette dégénérescence sera elle-même facteur de nouvelles défaites (comme lors de la révolution chinoise de 1926-27).
Lorsque Lénine arriva à Pétrograd au mois d’avril 1917, le président du soviet (encore un Menchévik à l’époque) va prononcer un discours rituel d’accueil; Lénine va lui tourner le dos, grimper sur un char, se tourner vers la foule des travailleurs et proclamer : “L’aube de la révolution mondiale est arrivée…Vive la révolution socialiste mondiale!” Ce slogan sera gravé plus tard sur le socle d’une statue de Lénine érigée à cet endroit…mais en y retirant le mot ‘mondiale’! La fameuse théorie de Staline du ‘socialisme dans un seul pays’ était une théorie réactionnaire qui allait à l’encontre de tout l’enseignement marxiste et de toute la tradition internationaliste du Bolchévisme; ce ne fut en fait rien d’autre que le couronnement idéologique de la position de l’appareil bureaucratique stalinien qui va s’ériger et se conforter sur les ruines de toutes ces défaites du mouvement ouvrier.
Le Parti Révolutionnaire : un ingrédient indispensable
Trotsky expliquait que « Sans organisation dirigeante, l’énergie des masses se volatilise comme de la vapeur non enfermée dans un cylindre à piston. » La révolution d’Octobre n’aurait jamais pu aboutir sans l’existence d’un tel parti, capable de donner à la force spontanée des travailleurs une expression politique consciente, organisée et disciplinée ou, pour reprendre l’expression de Lénine, pour “concentrer toutes les gouttes et les ruisseaux du mécontentement populaire en un seul torrent gigantesque.” Toute révolution exige une organisation sérieusement structurée pour définir et mettre en application un programme, une stratégie, des tactiques correspondant aux diverses phases de la lutte et à l’évolution des rapports de force. Comment les Bolchéviks ont-ils été capables de conquérir un territoire géographique aussi vaste que la Russie ? Cela s’explique par le vaste réseau de cadres révolutionnaires que Lénine et le Parti Bolchévik avait construit et formé pendant des années. Pendant la révolution, des détachements d’ouvriers et des régiments de soldats envoyaient des délégués au front, allaient conquérir les régiments arriérés, se cotisaient pour envoyer des délégués dans les provinces et les campagnes dont ils étaient originaires, parfois dans les régions les plus reculées du pays. Certains cadres passaient des journées entières à haranguer les usines, le front, les casernes,…sans relâche. C’est comme ça qu’en quelques mois, en s’appuyant sur le développement de la révolution, le parti a été capable de convaincre la majorité des travailleurs de la justesse de ses mots d’ordre. Cela illustre l’importance de la construction préalable d’un parti de cadres formés et préparés aux événements, éprouvés et trempés dans la lutte, prêts au sacrifice, et capables par l’expérience qu’ils ont accumulée, de jouer un rôle décisif au moment fatidique. Là était toute la force du parti Bolchévik.
Ce dernier n’était pourtant suivi en février 1917 que par une insignifiante minorité de la classe ouvrière. Lors du premier congrès des Soviets en juin, sur 822 délégués, seulement 105 étaient Bolchéviks, montrant qu’une majorité encore imposante des ouvriers soutenait les partis Mencheviks et ‘Socialiste-Révolutionnaire’. Ces partis jouaient littéralement le rôle de commis de la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier : soucieux de respecter les engagements pris avec l’impérialisme étranger, ils appuyaient la poursuite jusqu’à la victoire d’une guerre massivement rejetée par la population, s’évertuaient à freiner les revendications sociales, refusaient d’accorder la terre aux paysans. En d’autres termes, ils faisaient tout pour empêcher la réalisation de revendications qui puissent empiéter sur les intérêts des classes possédantes. Ils prônaient la collaboration entre deux formes de pouvoir irrémédiablement incompatibles et s’appuyant sur deux classes antagonistes : d’un côté, les soviets, épine dorsale de la révolution représentant les masses laborieuses en action, et de l’autre, le gouvernement provisoire représentant la bourgeoisie et les propriétaires terriens. Alexandre Kérensky était la forme achevée de ce rôle conciliateur, étant pendant toute une période à la fois vice-président du Soviet de Pétrograd et membre du gouvernement provisoire. Son action, comme celle de tous les politiciens Menchéviks et S-R, était guidée par l’idée de contenir les masses et de maintenir les Soviets dans le giron de la bourgeoisie. Mais au fur et à mesure que les masses populaires devenaient plus radicales, poussaient pour mettre en avant leurs revendications propres et une politique indépendante, autrement dit au plus les masses évoluaient vers la gauche, au plus ces politiciens étaient repoussés vers la droite. Kérensky finira d’ailleurs par dire : “Le gouvernement provisoire non seulement ne s’appuie pas sur les soviets, mais il considère comme très regrettable le seul fait de leur existence.”
Ce processus illustre qu’il n’y a pas de troisième voie, de solution ‘à mi-chemin’ entre le pouvoir des capitalistes et celui des travailleurs. Et ça, c’est une leçon que les anarchistes espagnols –ainsi que le POUM à leur suite- n’ont pas compris lors de la révolution espagnole de 1936 : dans une situation de dualité de pouvoir, caractéristique de toute situation révolutionnaire, c’est-à-dire au moment crucial où il faut choisir entre deux formes de pouvoir différents, les dirigeants anarchistes de la CNT, refusant a priori toute forme de pouvoir quelle qu’elle soit, vont non seulement accepter de laisser les rênes de ce pouvoir dans les mains de l’ennemi de classe, mais même participer à la reconstitution de l’Etat bourgeois en acceptant des portefeuilles ministériels dans le gouvernement de Front Populaire.
Marx disait que “Dans toute révolution, il se glisse, à côté de ses représentants véritables, des hommes d’un tout autre caractère; ne comprenant pas le mouvement présent, ou ne le comprenant que trop bien, ils possèdent encore une grande influence sur le peuple, souvent par la simple force de la tradition.” Lors de la révolution russe, ce rôle fut incontestablement joué par les Menchéviks et les S-R. Mais ce n’est que peu à peu, et seulement sur la base de leur propre expérience à travers les différentes étapes de la bataille, que les couches les plus larges des masses ont fini par se défaire de ces partis, et par se convaincre que la direction Bolchévique était plus déterminée, plus sûre, plus loyale, plus fiable, que tous les autres partis. Les 8 mois qui séparent Février d’Octobre ont été nécessaires pour que les travailleurs et les paysans pauvres de Russie puissent faire l’expérience du gouvernement provisoire, et pour que, combiné avec le travail mené par le Parti Bolchévik, les larges masses puissent arriver à la conclusion que ce régime devait être renversé car il n’était pas le leur, mais celui de la bourgeoisie et des grands propriétaires ; à l’inverse, le parti Bolchévik était quant à lui le seul parti prêt à les défendre jusqu’au bout, jusqu’à l’ultime conclusion…c’est-à-dire jusqu’au pouvoir.
Mais la condition pour cela était évidemment l’existence même d’une organisation véritablement révolutionnaire capable, de par sa lucidité politique et sa détermination, de contrecarrer l’influence des appareils et des politiciens traîtres et réformistes. L’absence d’un tel facteur sera à l’origine de toutes les défaites révolutionnaires ultérieures. En mai’68, dix millions de travailleurs étaient en grève en France, occupant leurs usines, dressant des comités ouvriers dans tout le pays. La classe ouvrière française était à deux doigts du pouvoir .Mais la bureaucratie stalinienne du Parti Communiste Français refusera de prendre ses responsabilités : elle va dénigrer les étudiants en lutte qualifiés pour l’occasion de “renégats gauchistes” ou de “faux révolutionnaires”, nier le caractère révolutionnaire du mouvement, et détourner la lutte vers la voie électorale avec des slogans tels que “rétablissons l’ordre dans le chaos”. La plus grosse grève générale de toute l’histoire va ainsi refluer faute de perspectives politiques, et c’est ainsi que la plus belle occasion pour les travailleurs de prendre le pouvoir dans un pays capitaliste avancé sera perdue.
La crise historique de l’humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire
Marx affirmait que “les révolutions sont les locomotives de l’histoire”. Mais chacun sait qu’une locomotive a besoin d’un bon conducteur pour arriver à destination, sinon elle risque de dérailler rapidement. De la même manière, si la révolution ne dispose pas d’un bon conducteur pour l’orienter, sous la forme d’une direction révolutionnaire, elle déraille aussi. Et une chose dont nous pouvons être sûrs, c’est que la locomotive de la révolution n’attendra pas les révolutionnaires ; elle ne laisse en général que peu de temps à la confusion et à l’hésitation. Le sort des partis qui ne sont qu’à moitié ou au quart révolutionnaires est de passer en-dessous des roues de la locomotive : c’est ce qui est par exemple arrivé au POUM en Espagne, dont beaucoup des militants vont payer de leur vie les erreurs et les hésitations de sa direction. C’est aussi ce qui est arrivé au MIR au Chili en 1973, dont de nombreux militants vont finir leur vie torturés dans les geôles de Pinochet. L’approche et les méthodes gauchistes du MIR vont le rendre incapables de développer une assise significative au sein du mouvement ouvrier. Ce qui met en avant un autre élément fondamental : se dire révolutionnaire est une chose ; mais encore faut-il arriver à transcrire le programme révolutionnaire de manière correcte dans la réalité vivante, avec une approche et des revendications qui soient adaptées à chaque situation spécifique, à chaque étape de la lutte, tenant compte du niveau de conscience, des traditions du mouvement ouvrier dans chaque pays, etc. Lénine disait que “le marxisme, c’est avant tout, l’analyse concrète de la situation concrète.” Il est clair par exemple que le slogan “Tout le pouvoir aux soviets” était un slogan directement adapté aux conditions spécifiques de la Russie de 1917. Lors de la révolution chilienne de 1973, un tel slogan aurait dû être traduit par quelque chose comme “Tout le pouvoir aux cordons industriels” les cordons industriels étant les organismes de classe rassemblant les travailleurs et les habitants des quartiers ouvriers qui étaient apparus pendant le processus révolutionnaire au Chili. Mais lorsque les staliniens du Parti Communiste Espagnol vont lancer au début des années ‘30 le mot d’ordre: «A bas la République bourgeoise ! Tout le pouvoir aux soviets ! » à une période où la république venait d’être proclamée et où il n’existait pas l’ombre d’un soviet ou d’un organisme semblable dans toute l’Espagne, le seul résultat qu’ils pouvaient obtenir était de s’isoler complètement des masses…
Cette discussion met en évidence une des principales contributions de Trotsky au marxisme, à savoir le ‘Programme de Transition’. Trotsky expliquait qu’il faut aider les masses, dans le processus de leurs luttes quotidiennes, à trouver le pont entre leurs revendications actuelles, immédiates, et le programme de la révolution socialiste. Ce pont doit consister en un système de revendications transitoires, qui partent des conditions actuelles et de la conscience actuelle de larges couches de travailleurs pour conduire à une seule et même conclusion : la révolution socialiste et la conquête du pouvoir. C’est-à-dire élaborer un panel de revendications qui, en partant des besoins concrets et du niveau de conscience des travailleurs et de leurs familles, sont par essence incompatibles avec le maintien du système capitaliste. Le slogan des Bolchéviks “Pain, Terre et Paix”, dans une situation où la famine rôdait, où la paysannerie avait soif de terre, et où le ras-le-bol de la guerre était général, faisait ainsi directement appel aux aspirations les plus profondes de la majorité de la population laborieuse, et, tout en même temps, renvoyait implicitement à la nécessité de renverser le pouvoir de la bourgeoisie; cette dernière, pieds et poings liés et avec l’impérialisme étranger et avec les grands propriétaires fonciers, était absolument incapable de satisfaire ne fût-ce qu’une seule de ces revendications.
Trotsky commençait son programme de transition en disant que “La crise historique de l’humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire.” Le rôle et la responsabilité de la direction politique dans une époque révolutionnaire sont effectivement d’une importance colossale. Dans une telle époque, en l’absence d’un parti révolutionnaire, les espoirs des masses font place à la désillusion, l’ennemi tire profit de cette désillusion et se remet de sa panique, les masses découragées se lancent dans des explosions désordonnées et sans perspective, et c’est la défaite assurée.
Bien sûr, la construction d’un Parti Révolutionnaire n’est pas seulement importante dans une époque révolutionnaire. En effet, la construction d’un cadre marxiste révolutionnaire solide et préparé ne peut pas s’effectuer du jour au lendemain, mais exige au contraire des délais considérables que la rapidité des processus révolutionnaires ne laisse pas le temps d’entreprendre en quelques jours, semaines ou mois. La société connaît, à côté des périodes d’ouverture révolutionnaire, des périodes d’un tout autre caractère : des périodes de réaction, de recul, durant lesquelles la lutte du mouvement ouvrier ainsi que les idées socialistes sont poussées sur la défensive. Nous avons connu une telle période après la chute des régimes staliniens dans les années ’90, période durant laquelle les révolutionnaires devaient complètement nager à contre-courant dans la société pour pouvoir exister. Dans un tout autre contexte, les Bolchéviks avaient connu une période similaire après la défaite de la révolution russe de 1905. Sous les coups de la répression et de la démoralisation, le parti subit une véritable hémorragie en termes de membres, et mêmes certains cadres dirigeants du parti succombèrent à la pression et au défaitisme ambiants ; pour exemple, Lounatcharsky développa un groupe appelé ‘Les Constructeurs de Dieu’, qui se fixait pour idée-maîtresse de présenter le socialisme sous la forme d’une religion, jugée selon eux « plus attractive » que la lutte des classes pour les masses déçues et démoralisées ! Néanmoins, la volonté infatigable de Lénine de s’acharner, même dans ces conditions difficiles, à construire et à former un cadre révolutionnaire pendant cette période va considérablement aider le Parti Bolchévik à pouvoir affronter les défis et les tâches grandioses qui allaient l’attendre quelques années plus tard.
Lénine avait certes éduqué un cadre sur base de perspectives qui révéleront leur faiblesse dans la pratique en 1917. En effet, jusque-là Lénine croyait encore à l’idée d’une révolution par étapes nettement séparées dans le temps : une première étape à caractère démocratique-bourgeoise, portée par une « alliance démocratique entre le prolétariat et la paysannerie » (c’est-à-dire une révolution prolétarienne dans sa forme, mais bourgeoise dans son contenu), suivie d’une étape socialiste plus lointaine ; ces deux étapes étant entrecoupées d’une période significative de développement capitaliste du pays. Cependant, refusant de s’accrocher aux vieilles formules, et proclamant que « le vieux bolchévisme doit être abandonné », Lénine corrigera ses perspectives à la lumière des événements, lors de l’éclatement de la révolution. Là est toute l’essence de ses ‘Thèses d’Avril’, dans lesquelles il rallie la perspective d’une ‘révolution permanente’ avancée depuis plusieurs années déjà par Trotsky. A partir de ce moment, tout son travail consistera à tenter d’infléchir la ligne du Parti Bolchévik en vue d’une telle perspective : armer politiquement le parti pour le préparer à une rapide prise du pouvoir par les soviets, à l’instauration d’un gouvernement ouvrier et des premières mesures socialistes.
Avec le recul, on peut aisément affirmer que Trotsky disposait de perspectives plus élaborées que Lénine. Mais le développement théorique plus consistant de Trotsky ne peut se comprendre sans tenir compte du fait que durant toutes les années qui précèdent la révolution de 1917, toute l’énergie de Lénine était concentrée sur la construction du Parti Bolchévik, à une époque où, de ses propres aveux, Trotsky n’avait pas encore saisi toute l’importance d’un parti soudé et centralisé comme condition indispensable pour atteindre le but révolutionnaire, et, jusqu’à un certain point, entretenait encore l’illusion d’une ‘réconciliation’ entre la fraction réformiste (les Menchéviks) et la fraction révolutionnaire (les Bolchéviks) de l’ancien POSDR (Parti Ouvrier Social-Démocrate de Russie). C’est finalement la révolution elle-même qui permettra de rassembler les deux hommes autour d’une même perspective et d’une même conception du type de parti nécessaire.
Ne laissons pas ces leçons sur le papier !
A d’innombrables reprises dans l’histoire, les travailleurs ont tenté de suivre la voie des travailleurs russes, de se frayer un chemin vers le pouvoir et vers l’instauration d’une société socialiste. Lors de la révolution portugaise de 1974, les travailleurs en étaient tellement proches que la presse annonçait déjà “la fin du capitalisme” au Portugal ! On pourrait multiplier ces exemples. L’histoire du capitalisme est jalonnée de nombreux combats révolutionnaires héroïques menés par le mouvement ouvrier pour son émancipation. Mais à l’exception de la révolution russe, la défaite a été l’issue de tous ces combats pour la seule raison qu’ils n’avaient pas à leur tête une direction politique expérimentée, préparée à encadrer ces mouvements, à leur donner une perspective, et à les faire aboutir jusqu’à leur conclusion logique et naturelle. Malgré sa dégénérescence ultérieure, malgré les décennies de pourriture du stalinisme, la révolution russe continuera de se distinguer de toutes les autres révolutions ouvrières sur un point essentiel : c’est la seule qui a abouti. Dès lors, s’atteler à la construction d’une organisation révolutionnaire internationale est la leçon la plus générale, mais aussi la plus importante, que l’on puisse dégager d’une telle discussion aujourd’hui, afin d’éviter de nouvelles défaites au mouvement ouvrier et d’assurer un meilleur avenir pour les générations futures.
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Stagflation: syndrôme d’une maladie chronique
Stagflation. Le mot a lui seul effraie les économistes et les politiciens bourgeois, à leurs yeux le pire mal que puisse contracter l’économie. La stagflation désigne le développement combiné d’une inflation (hausse des prix ) et d‘une stagnation économique.
Eric Byl
Intervention de l’Etat
De la grande dépression de 1929-33 le Britannique John Maynard Keynes avait tiré la leçon que les autorités feraient mieux de « corriger » et de « tenir sous contrôle » l’économie capitaliste. Keynes pensait pouvoir éviter les dépressions catastrophiques du passé par de fortes dépenses publiques, si n écessaire au prix de déficits financiers provisoires.
Dans la période d’après-guerre, la menace du « communisme » semblait très réelle. Le capitalisme venait de perdre le contrôle d’un tiers du globe. Les capitalistes étaient donc prêts à faire des concessions considérables pour sauver leur système. Ce sont ces conditions exceptionnelles qui ont permis de mettre les idées de Keynes en pratique. Il n’en fallait pas plus aux « réformistes » des partis socialistes pour se convertir au keynésianisme et déclarer que le marxisme était désormais « dépassé ».
Récession et inflation
Mais les dirigeants capitalistes étaient étourdis par la croissance économique apparemment indéfinie et n’avaient pas remarqué le réveil du monstre de l’inflation que préparait l’injection massive de crédit. Marx avait pourtant expliqué le rôle de l’argent dans la circulation des marchandises dans un système capitaliste. Il démontrait que si l’on met en circulation deux billets de banques là où il ne pourrait y en avoir qu’un, l’argent supplémentaire sera absorbé par les marchandises en circulation et les prix doubleront.
Tant que la production capitaliste a continué à croître, aucun problème ne s’est posé. Mais dès qu’elle s’est heurtée aux limites du marché, l’inflation a explosé. La valeur du dollar s’est effritée. Le gouvernement américain à du découpler le dollar de l’or. Cela a mis en danger tout le système monétaire mondial et a déclenché pour la première fois depuis les années ’30 une guerre commerciale. D’une moyenne de 12% par an, la croissance du commerce mondial est tombée à 4% par an entre 1973 et 1978. Pour faire face à la baisse de 12% de la valeur du dollar, les pays producteurs du pétrole réunis dans l’OPEP ont augmenté le prix du pétrole.
Le facteur fondamental de la crise était néanmoins la baisse du taux de profit (qui mesure le rapport entre le profit réalisé et le capital investi). Le développement de la science et de la technique exige une division du travail de plus en plus prononcée dans des unités de production de plus en plus sophistiquées et de plus en plus coûteuses. Ceci mine le taux de profit et entrave la course au profit. Pendant la crise de 1974-75, la croissance des investissements est retombée de 6% à 2% par an et le chômage dans les pays capitalistes développés a doublé.
La stagflation a été surmontée au moyen des politiques néo-libérales – lancées par Thatcher en Grande-Bretagne et Reagan aux Etats-Unis et appliquées ensuite ailleurs – qui ont consisté en une attaque directe contre les salaires et les conditions de travail, couplée à une diminution des dépenses publiques et une augmentation des taux d’intérêt. Les dirigeants capitalistes ont en fait décidé de laisser la stagflation suivre son cours – ou plus précisément d’en faire payer les frais par les travailleurs et leurs familles. La Grande-Bretagne est devenue un désert industriel tandis que les Etats-Unis et les autres pays capitalistes avancés ont subi une sérieuse désindustrialisation.
La pause provoquée par la chute du stalinisme a pris fin
En partant cette année à la retraite, le dirigeant de la Banque Fédérale américiane Alan Greenspan a déclaré dans son livre « Le temps des turbulences » : « Je n’envie pas mon successeur. A mon époque, il y avait beaucoup de pays en développement qui, après la guerre froide, accueillaient l’idéologie du libre marché. Les bas salaires dans ces pays faisaient baisser les coûts. En conséquence l’inflation restait basse et les banquiers centraux pouvaient stimuler l’économie de façon relativement simple en baissant le taux d’intérêt. Ce temps est fini. »
Avec la chute des régimes staliniens en 1989, la main-d’oeuvre disponible sur le plan mondial a doublé, le taux d’exploitation des travailleurs a augmenté fortement et le taux de profit s’est restauré. Mais tout cela touche à sa fin : Greenspan s’attend maintenant à une période de stagflation et d’insécurité sur les marchés financiers.
Au cours des dix dernières années, les Etats-Unis ont servi d’ « acheteur en dernier recours » mais, en 2005, le déficit de la balance des paiements a atteint la somme record de 805 milliards de dollars ! Tout autre pays dans une telle situation aurait été déclaré en faillite. Mais aucun pays ne désire que ce géant économique chute, par peur qu’il entraîne l’économie mondiale dans son déclin. Des investisseurs étrangers détiennent des obligations d’Etat américaines pour une valeur de 12.000 milliards de dollars. Les banques nationales asiatiques, et surtout la banque chinoise, et les institutions de crédit ne sont pas prêtes à perdre tout cela. Elles essaient donc, surtout depuis la crise immobilière de cet été, de diversifier leurs réserves en d’autres monnaies. Par conséquent, le financement de la montagne de dettes des Etats-Unis est de plus en plus menacé. Si le dollar s’écroule, les Etats-Unis devront monter fortement leurs taux d’intérêt pour conserver leur attrait pour les capitaux étrangers. Mais en même temps cela fera tomber la consommation américaine. Cela entraînerait le reste de l’économie mondiale, y compris l’Asie, dans une spirale vers le bas.
En même temps, l’inflation revient. Certes, certains prix baissent – ceux des produits de consommation durable (télés, ordinateurs, téléphone,…) et ceux des produits bon marché venant de Chine et d’Asie. Par contre, la hausse du prix du pétrole, et à la suite celle du prix des autres matières premières, et les profits phénoménaux des dernières années ont assuré une abondance de capitaux qui a un fort effet d’inflation.. Provisoirement cette abondance de capitaux est absorbée par des investissements non-productifs dans la spéculation sur les actions et les obligations ainsi que dans l’immobilier. Si ces prix s’écroulent aussi, cette masse de capitaux se libérera et provoquera un effet d’inflation terrible. Si, en plus, le protectionnisme freine l’arrivage de marchandises bon marché venant d’Asie, nous entrerons bientôt dans une situation de récession économique combinée à une inflation galopante de 5 à 8 % (voire plus), bref à une stagflation.
Une telle situation est à l’ordre du jour, mais le calendrier exact est difficile a estimer. Cela peut se produire à tout moment comme cela peut également être reporté. Mais plus ce sera postposé, plus la crise frappera durement, tout comme la désintoxication est plus dure si l’intoxication a été longue.
L’effet sur la lutte de classe est difficile à juger. La période précédente de stagflation a provoqué une vague révolutionnaire qui a menacé l’existence du système. Les réserves construites pendant la période d’après- guerre et l’autorité qu’avaient les partis socialsites et « communistes » (là où ils avaient une base de masse) ont finalement pu freiner ce mouvement. Mais il suffit de se rappeler les effets qui subsistent de Mai ’68 – le mouvement de démocratisation de l’enseignement qui n’est toujours pas entièrement détruit – ou de la révolution portugaise des Oeillets et des diverses révolutions dans les anciennes colonies afin d’en estimer l’impact profond.
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Une crise économique mondiale est-elle inévitable ?
La base de la croissance économique mondiale de ces dernières années a été l’augmentation du pouvoir d’achat de la population américaine. Cette augmentation reposait sur la croissance de sa richesse virtuelle (sur base de l’envolée des prix des maisons) de pair avec une politique de crédits à bon marché qui incitait les familles à contracter des emprunts. Donc, alors que le salaire réel des familles américaines baissait insensiblement depuis des années, celles-ci ont consommé avec de l’argent qu’elles devaient encore gagner !
Kristof
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La Chine: une roue de secours ?
Selon les économistes bourgeois, la Chine peut, en formant son propre marché intérieur, devenir le moteur de l’économie mondiale et relayer les USA.
L’impressionnante croissance chinoise est essentiellement basée sur des investissements étrangers, en majorité américains, permettant de produire à bas coût pour l’exportation. La Chine est ainsi fortement dépendante des USA et de l’Europe. Si la croissance ralentit dans ces pays, cela aura un effet majeur sur la Chine.
Si la Chine veut se doter d’un marché intérieur considérable, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, alors les salaires doivent augmenter de manière importante. Mais cela saperait la base de sa croissance et des profits !
Dans le passé, la Chine a maintenu une position exportatrice favorable en aidant les Etats-Unis à tenir debout. Elle a financé les déficits de la balance commerciale des USA (800 milliards d’euros par an !) en plaçant son argent dans les banques américaines. La baisse continuelle du dollar rend cela intenable. Quelques banques chinoises auraient déjà commencé à « diversifier » discrètement leurs investissements dans d’autres pays. Si cette tendance continue, le deuxième débouché de la Chine – les USA – se rétrécira et l’Europe, le marché le plus important, partagera les coups et la Chine finira elle aussi par en faire les frais.
[/box]Crise immobilière aux USA
Les hausses successives des taux d’intérêt ces derniers mois ont posé de plus de plus de difficultés à un nombre grandissant de familles. Plus d’un million d’Américains ont vu leur maison saisie pour défaut de paiement. Une véritable crise s’est ainsi développée sur le marché immobilier américain. Son intensification au cours de l’été a mis à mal les institutions financières qui gèrent les hypothèques ou qui les revendent sur les marchés financiers. Des dizaines de milliers de personnes ont été licenciées. Une pénurie de crédit s’est développée parce que les banques ont d’un coup exigé des taux plus élevés pour les emprunts à risque. Cela fait que la crise menace de s’étendre vers d’autres secteurs, ce que les différentes banques centrales ont tenté de surmonter en accordant aux banques des crédits d’une valeur de plusieurs centaines de milliards de dollars.
Le marché américain de l’immobilier est en crise et le bout du tunnel n’est pas proche. Les ventes de maisons ont diminué de 6,5 % en août pour atteindre le niveau le plus bas depuis 2001. Le niveau actuel est 22 % plus bas qu’il y a un an. En août, le prix de vente demandé par les constructeurs de maisons était 7,5 % moins élevé que l’an dernier et en septembre, les ventes de maisons neuves ont atteint leur niveau le plus bas depuis mars 1993. Durant ce même mois de septembre, 223.538 familles n’ont pas pu payer leur hypothèque (le double de septembre 2006 !). La confiance des constructeurs américains de maisons a atteint son niveau le plus bas depuis 22 ans.
Allan Greenspan, l’ancien président de la FED (la banque centrale américaine), a déclaré que la baisse du marché immobilier « sera plus importante que ce à quoi la plupart des gens s’attendent ». Selon David Rosenberg (de la banque Meryl Lynch), cette chute pourrait même atteindre 20 %, du jamais vu ! Pour Robert Shiller (de la Yale University), l’effondrement des prix de l’immobilier qui s’annonce sera le plus important depuis la « Grande Dépression » qui a commencé avec le krach boursier de 1929.
La crise immobilière commence donc à gagner en importance et pourrait engendrer un effet boule de neige si de plus en plus de propriétaires immobiliers souhaitaient vendre leur maison rapidement alors qu’il existe déjà actuellement un excès de maisons en vente.
Suite à la crise du crédit, les banques adoptent dans le monde entier des conditions plus rigoureuses pour accorder des emprunts ce qui, selon la Banque Centrale Européenne, devrait encore s’aggraver au trimestre prochain. Cela n’a pas uniquement des conséquences pour les familles qui veulent contracter une hypothèque, mais aussi pour les entreprises.
L’économie U.S. s’essoufle
La crise immobilière et la crise de crédit qui en résulte contaminent aussi d’autres parties de l’économie. La FED a admis à la mi-octobre que l’économie américaine est en train de ralentir. Le FMI a baissé de 0,9 % sa prévision de croissance pour les USA en 2008, la ramenant à 1,9 %, trop peu pour maintenir en équilibre le taux d’emploi. La hausse du chômage est d’ailleurs déjà visible.
En août, les commandes des entreprises ont connu leur plus forte diminution depuis le début de l’année (-3,3 %). Les profits des banques ont fortement reculé durant le troisième trimestre, de même que ceux d’entreprises de construction comme Caterpillar.
Les taux d’intérêt peu élevés et les prévisions économiques revues à la baisse ont rendu le dollar moins attractif pour les investisseurs étrangers. Le dollar ne s’effondre pas uniquement face à l’euro mais également vis-à-vis d’autres monnaies. Une économie américaine affaiblie pourrait inciter à ne plus investir dans le dollar, ce qui ne ferait que rendre la probabilité d’une crise mondiale plus tangible.
Vers une récession mondiale ?
La crise immobilière aux USA peut – entre autres à cause des conditions de crédit plus rigoureuses – s’étendre vers d’autres pays. Dans les autres pays capitalistes développés, par exemple, les prix immobiliers ont augmenté encore plus rapidement qu’aux Etats-Unis au cours des quinze dernières années (+70% depuis 1990 contre +50% aux USA). En Espagne, en Irlande et en Grande-Bretagne, les prix ont doublé durant cette période et les familles disposent de moins en moins de réserves financières, ce qui rend ces pays d’autant plus vulnérables. Beaucoup de pays ont vu leur position en matière d’exportations s’affaiblir à cause de la faiblesse du dollar. Ainsi l’euro se trouve depuis un moment déjà au-dessus du seuil sensible de 1,40 $/euro.
Le FMI a accompagné ses prévisions de croissance de déclarations selon lesquelles la crise financière « contraindra les gouvernements sur le plan mondial d’adopter des modifications substantielles à leurs propositions de budget ». Et qui en seront les victimes ? Avant tout les salariés et leurs familles.
Il est donc possible que nous soyons à l’aube d’une récession économique. La bourgeoisie réussira-t-elle à la postposer ? Ce n’est pas à exclure, mais les « solutions » au sein du capitalisme sèment inévitablement les graines d’une crise future plus importante encore.
Files d’attente au Royaume Uni
La banque britannique Northern Rock illustre la fragilité croissante du système financier. Ses gros profits de l’an dernier ont été réalisés en concluant et en commercialisant des emprunts, surtout hypothécaires. Avec la crise du crédit, la confiance des investisseurs a disparu, créant la panique. La banque centrale du Royaume-Uni, la Bank of England (BoE), a dû se porter à son secours à la mi-septembre en mettant à sa disposition 3 milliards de livres.
La cotation en Bourse de Northern Rock s’est alors effondrée et se sont formées devant ses guichets d’énormes files (jusque sur la rue !) de clients désirant solder leurs comptes. Ces files n’ont disparu qu’au troisième jour, lorsque le gouvernement s’est porté garant pour la banque.
Afin d’éviter toute extension, la BoE a finalement renfloué les caisses de Northern Rock de 10 milliards de livres. Le message qui en ressort pour les investisseurs est limpide : prenez des risques, si nécessaire, nous interviendrons avec des moyens publics si vous avez des problèmes !
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La menace d’invasion augmente l’instabilité régionale
Le combat sanglant entre les troupes turques et les guérilleros séparatistes kurdes du PKK sur la frontière Turquie/Irak a énormément attisé les tensions entre les deux pays. Le Parlement turc a décidé par 509 votes contre 19 d’accepter les exigences des chefs militaires du pays pour envahir la région Kurde au nord de l’Irak. Ils veulent débusquer des unités du séparatiste et interdit Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK).
Kevin Parslow, Socalist Party (section anglaise du Comité pour une Internationale Ouvrière).
Une invasion pourrait être lancée d’un moment à l’autre, avec de graves conséquences sur la population principalement Kurde de la région. Elle saperait aussi les puissances impérialistes occupant l’Irak, alors que Bush plaide actuellement pour un retrait des troupes. Economiquement, les marchés mondiaux ont déjà réagi avec inquiétude, le prix du pétrole a ainsi récemment atteint $90 le barril.
La minorité kurde de Turquie établie dans le sud-est du pays a, comme leurs compatriotes de Syrie, d’Iran et d’Irak, jusqu’à récemment, peu ou pas du tout de droits depuis que l’impérialisme a partagé l’ancien Empire Ottoman suite à sa chute durant la Première Guerre Mondiale.
Les Kurdes forment la plus grande nationalité sans Etat au monde. Historiquement, en Turquie, ils n’ont eu aucune reconnaissance jusqu’à tout récemment : ils ont maintenant des droits linguistiques et d’éducation limités. Leurs droits politiques ont été sévèrement réduits et les partis politiques kurdes sont souvent exclus des élections ou sont enfermés s’ils soutiennent publiquement l’indépendance ou même l’autonomie.
Le PKK, formé en 1978, a mené une campagne contre l’armée turque et des cibles économiques depuis 1984, mélangeant des combats de guerilla et des attaques ciblées – 17 soldats turques sont ainsi décédés dans une embuscade la semaine dernière. Mais l’incapacité du PKK à battre la puissance militaire turque a mené à des doutes sur ces tactiques et a conduit à un cessez-le-feu effectif entre 2000 et 2004.
Mais avec des réformes limitées et aucun mouvement vers l’autonomie (le PKK a laissé tomber la revendication d’indépendance), le PKK a repris ses activités militaires. Son dirigeant, Abdullah Öcalan, est arreté depuis 1999 et est emprisonné dans une prison turque d’où il aurait apparemment appelé a un cessez-le-feu.
Pourtant, durant ces derniers mois, le PKK a repris ses attaques sur des cibles en Turquie. L’armée turque croit qu’elles sont lancée depuis des bases au Kurdistan irakien. Les chefs militaires veulent entrer dans cette zone et tenter de battre le PKK avec le soutien du Parlement. A cause des méthodes du PKK, il y a parmi la population turque une légère approbation pour les propositions de l’armée et une grande hostilité contre les revendications nationales des Kurdes.
La Turquie est la seconde puissance armée de l’OTAN, derrière les USA et l’armée se considère comme la gardienne de la constitution laïque turque. Elle a mené quatre coups contre des gouvernements élus depuis 1960 à des moments où l’instabilité politique et économique menaçait leur position dominante dans la société.
Mais les militaires ont reçu un camouflet en juillet 2007 quand ils ont appelés à une élection générale après s’être opposés à la proposition de l’AKP – Parti de la Justice et du Développement, parti à l’origine islamiste avant que ses dirigeants ne prennent leurs distances avec cette idéologie – qui voulait qu’un de ses membres, Abdullah Gul, soit nommé au poste de président. L’AKP a facilement gagné ces élections principalement sur base de la croissance économique du pays et a donc pu nommer son candidat.
La volonté de s’attaquer au PKK provient assurément en partie de la nécessité de reconstituer le prestige de l’armée dans la société. De plus, tant l’armée que le gouvernement craignent la création d’un Etat kurde indépendant dans le nord de l’Irak. Une étape importante vers ce nouvel Etat vient d’être franchie avec la signature de contrats pétroliers directements passés entre le gouvernement régional kurde irakien et les multinationales pétrolières.
Une bonne partie de l’irak a déjà été dévastée par l’invasion américano-britannique et ses conséquences. Si la Turquie envahit elle aussi le pays, la partie de l’Irak a pour l’instant le moins souffert subira davantage de dévastations.
Certains dirigeants kurdes irakiens veulent d’ailleurs que le PKK se retire vers la Turquie pour empêcher la catastrophe, mais d’autres veulent que le gouvernement irakien empêche physiquement l’armée turque d’envahir la région tandis que les chefs arabes estiment que c’est aux forces kurdes de défendre leur région.
Le peuple kurde est descendu dans les rues de villes irakiennes telles qu’Irbil pour protester contre la décision prise par le Parlement turc. La plupart des Kurdes n’accepteraient pas une attaque de la part de l’armée turque. Nombreux sont ceux qui sont persuadés que l’armée turque interviendrait dans le nord de l’Irak pour des intérêts politiques et économiques sur le dos des ethnies de la région.
Les intérêts américains
Les relations entretenues entre les Etats-Unis et la Turquie étaient par le passé très amicales, mais se sont refroidies ces dernières années. Bien que les USA soutiennent l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne, l’hostilité du peuple turc envers l’impérialisme américain a empêché le gouvernement de permettre à Bush et Blair d’employer le territoire turc pour envahir le nord de l’Irak en 2003.
Les tentatives actuelles des USA pour empêcher toute incursion turque en Irak n’ont pas été aidées par une note déposée devant le Congrès américain selon laquelle la mort de jusqu’à un million et demi d’Arméniens turcs entre les mains de l’Empire Ottoman entre 1915 et 1917 était un « génocide ».
Aucun doute n’existe sur l’existence de ce massacre, mais c’est une offense criminelle de soulever ce fait en Turquie. Un nationaliste de droite turc a ainsi récemment assassiné le principal journaliste arménien turc Arat Dink. Le fils de ce dernier a d’ailleurs aussi été, avec un autre journaliste arménien, condamné à un an de prison avec surcis pour provocations contre l’histoire officielle turque.
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Les biocarburants, arnaque du siècle ?
Gaz à effet de serre, trou dans la couche d’ozone, bouleversements climatiques,… L’écologie, selon un sondage de la Commission Européenne, est la première prio-rité des Européens et principalement des Belges. Non sans raison. Pour tenter de résoudre le problème, plusieurs projets ont été mis sur pied dont les biocarburants, véritable avancée scientifique pour certains, phénomène de mode pour d’autres.
Ces biocarburants sont obtenus à partir de blé, de colza, de maïs ou de canne à sucre. Une fois produits, les biocarburants sont mélangés à de l’essence ou du diesel. L’intérêt est qu’ils permettent de réduire la consommation de pétrole et la quantité de gaz carbonique rejeté dans l’air.
On peut toutefois se demander si les biocarburants sont aussi écologiques qu’on le prétend. Les processus de fabrication et de raffinage de certains carburants “verts” consomment ainsi autant d’énergie qu’ils ne permettent d’en économiser et favorisent la déforestation. La canne à sucre, dont le Brésil est le premier producteur mondial, peut servir de matière première aux biocarburants. Le problème est que la production ne permettra pas de répondre aux besoins actuels du marché : il faut non seulement la canne en tant que denrée alimentaire, mais aussi en tant que matière première pour les biocarburants et les terres cultivables ne sont pas illimitées. Il faut donc créer ces terres en rognant sur la forêt amazonienne.
L’engouement pour le bioéthanol provoque aussi une hausse des prix du maïs qui se répercute sur toutes les denrées alimentaires. Si le prix du maïs s’envole, tous les produits à base de maïs subiront le même sort (il y a déjà eu des émeutes à Mexico suite à l’envolée des prix du maïs). En plus, les stocks de céréales n’ont jamais été aussi bas depuis trente ans. Si cette inflation ne s’arrête pas, cela constituerait une raison supplémentaire pour amener les banques centrales à relever leur taux d’intérêt. En 1972, il y avait déjà eu une crise semblable : la montée des prix de l’alimentation avait accompagné celle du pétrole, plongeant les Etats-Unis, suivis par l’économie mondiale, dans la récession économique.
Les coupeurs de canne ont eux aussi du souci à se faire. Un travailleur brésilien produit 10 tonnes de canne par jour à lui seul. Pour le bioéthanol, on s’apprête à récolter un type de canne génétiquement modifié, plus légère car elle retient moins d’eau et, surtout, contient une plus grosse quantité de sucre. Génial! Oui, mais pas pour le travailleur. En effet, si la canne est plus légère, il devra en faucher le triple pour atteindre ses 10 tonnes journalières.
C’est maintenant clair, les indus-tries de biocarburants se retrouvent face à un dilemme. Certains de leurs dirigeants commencent a reconnaître que les biocarburants ne sont pas la solution idéale et placent leurs espoirs dans les biocarburants de la deuxième génération. La différence est que ceux-ci sont fabriqués à base de cellulose, sont plus rentables et plus écologiques, bien que les problèmes soulevés ci-dessus soient à peine atténués. De plus, le développement de cette nouvelle génération n’est pas encore arrivé à son terme. Les industries de biocarburant proposent, en attendant, de fonctionner avec les produits à base de maïs. Mais un patron accepterait-il de fermer son usine après y avoir investi des milliards? Et ce simplement pour des raisons de type écologique ?
On le voit, les biocarburants sont loin d’être la solution miracle au problème de la pollution automobile. Et, même si tous les problèmes qu’ils posent aujourd’hui étaient résolus et s’il est clair que rouler sans rejeter de gaz à effet de serre serait formidable, d’autres mesures essentielles s’imposent pour lutter contre la pollution et le réchauffement climatique. Il faut supprimer le commerce absurde des droits d’émission, rendre les services de transports publics gratuits et écologiquement propres, mettre en avant les réseaux ferroviaires ou maritimes pour le transport de marchandises, (les transports sont responsables de 14% de l’émission des GES, les gaz à effet de serre)… Mais surtout arrêter de culpabiliser le consommateur et plutôt s’en prendre aux industries (23% de l’émission de GES) et natio-naliser le secteur de l’énergie (24% de l’émission de GES).
Tout cela ne sera pas faisable tant que nous serons dirigés par des hommes politiques qui s’aplatissent devant les patrons et les actionnaires…
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Soins de santé de qualité contre marché « libre »
Le film ‘Sicko’ de Michael Moore nous offre une belle occasion de discuter plus profondément des soins de santé aux Etats-Unis. Comment fonctionne ce système? Et y a-t-il des alternatives?
Le choc des chiffres
Une enquête, réalisée dans treize pays industrialisés a comparé 16 indicateurs médicaux. Les Etats-Unis y ont reçu une cote très basse : l’avant-dernière position du classement. Ainsi, les USA ont-ils obtenu le pire résultat en ce qui concerne l’insuffisance pondérale à la naissance et la mortalité infantile pendant le premier mois suivant la naissance. La durée moyenne du séjour en maternité y est très basse : seulement deux jours. En Belgique, en 2000, la moyenne était de plus de cinq jours ; dans les pays de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique), quatre jours.
Selon une enquête de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), sur un total de 25 pays, les Etats-Unis se classent 15e au niveau de la qualité des soins de santé. Cette enquête de l’OMS a tenu compte de l’état de santé général de la population. La caricature du mauvais style de vie du «gros Américain» n’a donc pas d’impact sur le classement. Divers paramètres ont été utilisés pour mener l’étude: le pourcentage de la population qui fume, la consommation d’alcool, l’utilisation de graisses animales saturées, le taux de cholestérol,…
Si l’on jugeait selon le ‘mauvais’ style de vie, les Japonais emporteraient la première position! Le Japon connaît notamment un pourcentage élevé de fumeurs : 61% des hommes et 14% des femmes. Mais malgré cela, le Japon est en première position en ce qui concerne les soins de santé. Un autre chiffre alarmant: les Etats-Unis sont en 27e position en ce qui concerne la longévité.
Les “listes d’horreur” des soins de santé américains
Le Journal of the American Medical Association du 26 juillet 2006 a donné un exemple saisissant de la mauvaise qualité des soins de santé aux Etats-Unis. Dans ce pays, les erreurs médicales constituent la troisième cause de mortalité. Chaque année, 225.000 Américains meurent d’erreurs médicales dont 12.000 pour cause de chirurgie superflue, 80.000 suite aux infections dans les hôpitaux, 106.000 à cause des effets secondaires des médicaments, etc.
4 à 18% des patients qui subissent un traitement polyclinique en subissent des effets négatifs qui nécessitent à leur tour un traitement supplémentaire chez un autre médecin. En chiffres bruts, cela signifie:
- 116 millions de consultations supplémentaires chez un autre médecin
- 77 millions de prescriptions supplémentaires
- 17 millions d’interventions supplémentaires de premiers secours
- 8 millions d’hospitalisations supplémentaires
- 3 millions de traitement supplémentaires de longue durée
- 199.000 décès suite à un traitement supplémentaire (donc une succession d’erreurs)
- un total de 77 milliards de dollars de frais médicaux supplémentaires
D’après les chiffres de l’OCDE, en 2001, la Belgique a dépensé 9% de son produit intérieur brut (PIB) en soins de santé. Les USA étaient en première position de ce classement avec 13,9% du PIB. Etrange lorsque l’on sait que les Américains doivent payer eux-mêmes la majorité de leurs frais médicaux. Seulement un quart de la population jouit d’une assurance garantie par des programmes d’aide publics et près de 47 millions d’Américains ne disposent d’aucune forme d’assurance maladie. La part des dépenses publiques dans le total des dépenses de soins de santé s’élève en moyenne à 72% dans les pays de l’OCDE, mais à seulement 44% aux Etats-Unis. Et ce sont pourtant les USA qui dépensent le plus en soins de santé (4.900$ par habitant), malgré leur inefficacité et leur coût élevé.
Caisses de soins de santé: D’abord les actionnaires, puis les patients
Aux Etats-Unis, les soins de santé sont en principe régulés par le soi-disant « marché libre ». Résultat: chaos total. Il existe d’innombrables formes d’organisation, chacune ayant sa propre dynamique économique, ses frais, son lot d’assurances, sa qualité et son accessibilité. Les clients concluent des contrats avec des clauses de soins auprès de prestataires bon marché répartis sur de vastes territoires. Les gens sont orientés vers le centre A pour les soins de première ligne, vers l’hôpital B pour l’aide médicale d’urgence, vers le bâtiment C pour les hospitalisations, vers la polyclinique D pour les diabètes, vers la maison de repos E, etc.
Les sociétés d’assurance et les prestataires de soins (hôpitaux, médecins de famille, maisons de repos,…) sont organisés dans les Health Maintenance Organisations (HMO). Ces industries concluent aussi des contrats avec les employeurs pour leurs salariés. Certaines font partie du secteur non-marchand, d’autres sont commerciales, cotées en Bourse et emploient les managers les plus cher du pays.
L’unique but des soins de santé aux Etats-Unis est la réalisation de profits. Plus on dépense pour soigner les patients, moins il y a de dividendes à distribuer aux actionnaires. Dans le film de Michael Moore, ce mécanisme est mis à nu. Les assurances-maladie privées font tout pour éviter de rembourser un assuré. On va jusqu’à recruter des détectives qui enquêtent sur le passé médical du patient afin de pouvoir lui réclamer de l’argent en cas de « rétorsion d’informations » lors de la conclusion du contrat. Ainsi, un cancéreux peut se voir refuser le remboursement de ses frais médicaux pour avoir omis de signaler une infection bactérienne.
D’un point de vue médico-technique, l’offre de soins professionnels est satisfaisante. Du moins pour ceux qui y ont accès. En pratique, les soins de santé de bonne qualité aux Etats-Unis sont un privilège des riches. Ceux qui n’y ont pas droit doivent en appeler à la charité et aux soi-disant ‘dispensaires collectifs’ (‘community health centers’).
Aux Etats-Unis, la médecine préventive est quasi-inexistante et se limite à la diffusion de dépliants informatifs, des vaccinations et des enquêtes auprès de la population. Les soins de santé sont entièrement centrés sur les individus et se limitent en fait à des soins curatifs. Si on veut vendre la maladie et la santé sur un marché économique, les soins de santé doivent être regroupés en paniers de ‘produits’ négociables à un certain prix. La prévention n’y trouve pas sa place.
L’approche commerciale a pour effet de déresponsabiliser les individus et les collectivités. L’impossibilité d’investir dans la santé et dans l’usage rationnel des possibilités génère le consumérisme, la surconsommation et l’usage inapproprié. Tout ceci contribue à gonfler la facture qui se répercute finalement dans la médecine curative, d’où les coûts élevés aux Etats-Unis.Aux Etat-Unis, mais également en Europe, l’idée de “liberté de choix” n’est qu’un alibi pour le marché des soins de santé. Mais la plupart des gens n’ont pas la possibilité d’y faire leur marché. Tout y est régulé par l’offre et la demande de soins.
La santé publique en Europe : Terre promise ?
Ces dernières années, en Europe également, la tendance est à la commercialisation des soins de santé. Les avocats du système américain affirment que le ‘libre’ marché dans les produits de soins aboutira à l’efficacité, à la maîtrise des coûts, au libre choix et à la qualité.
Plusieurs tentatives ont été faites pour donner les soins de santé en pâture aux vautours du privé par le biais des institutions internationales (entre autres l’OMC et l’UE). Par exemple, seule la pression syndicale a permis d’éviter (provisoirement ?) que le secteur de la santé (et ses dérivés) tombe dans le champ d’application de la directive “Bolkestein”.
Bien loin de la vision idyllique qu’en donne “Sicko”, les soins de santé en Europe souffrent de graves carences. A l’instar d’autres secteurs, la politique néo-libérale y a laissé des traces profondes. Les mesures d’économie n’épargnent pas ce secteur et les problèmes sont donc le plus souvent dus à un manque de moyens qui met sous pression les systèmes de soins de santé universels comme le NHS (National Health Service) en Grande-Bretagne.
Et en Belgique ?
La pression financière accrue sur les soins de santé qui deviendrait intenable pour les pouvoirs publics sert d’argument massue pour justifier l’ouverture du secteur au privé. Ainsi, les longues listes d’attente dans le secteur des maisons de repos constituent l’alibi parfait pour des initiatives privées. Dans ce secteur, les maisons de repos commerciales sont en train de gagner du terrain : il y a déjà 7 grandes sociétés d’investissement qui sont actives sur le terrain. Elles y font évidemment des bénéfices, ce qui implique des économies sur le personnel, les bâtiments, l’infrastructure,… L’engagement de ces sociétés d’investissement n’est évidemment pas dicté par l’amour des personnes âgées…
Dans les hôpitaux, on sous-traite les tâches secondaires (comme les services de nettoyage) et on privatise les activités les plus lucratives. Dans certains hôpitaux (publics), il y a plusieurs catégories de personnel qui coexistent : à côté du personnel nommé en voie d’extinction, il y a les contractuels qui sont engagés dans des entités juridiquement distinctes où les salaires et les conditions de travail sont nettement inférieures…
Une commercialisation accrue ne peut qu’aboutir à terme à un système de soins de santé à deux vitesses : une offre de base accessible à tous et des soins de luxe pour ceux qui peuvent se le permettre.
David et Goliath…
Les soins de santé à Cuba et aux USA
Le cauchemar des soins de santé aux Etats-Unis contraste avec la situation à Cuba. Malgré les critiques que l’on peut faire au régime cubain, il est frappant de constater que la santé publique y est meilleure qu’aux Etats-Unis. A Cuba, les soins de santé sont gratuits et universels. Il y a un système de soins intégrés qui met l’accent sur la prévention. Les médecins soignent leurs patients mais agissent aussi sur les causes. Ils appliquent un politique médicale au niveau des quartiers. Dans les laboratoires cubains, la recherche sur les vaccinations est très poussée.
Des milliers de médecins cubains travaillent dans 68 pays différents. Rien qu’au Venezuela, il y a près de 20.000 travailleurs de la santé cubains. Pas mauvais pour un pays du Tiers-Monde avec autant d’habitants que la Belgique. Les médecins compétents ne deviennent donc pas forcément des vampires assoiffés d’argent…
Ce que nous proposons
Notre remède à la soif de profit de l’industrie pharmaceutique, à la commercialisation rampante et au cancer de la médecine de presta-tion: la création d’un service de santé public et national qui coiffe, organise et coordonne les différents services de santé dans l’intérêt de la santé publique et pas du profit ou du prestige de quelques individus et institutions.
La mise en oeuvre d’un tel système se heurte au fonctionnement du capitalisme. Une autre santé publique n’est possible que dans un autre monde : un monde socialiste.
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Le néoliberalisme: un système malade !
“Sicko” ou l’industrie de la santé américaine mise à nu
Dès le 10 octobre, nous pourrons voir dans les cinémas belges le documentaire « Sicko » du réalisateur Michael Moore. Après « Bowling for Columbine » et « Fahrenheit 9/11 », il dévoile une autre catastrophe nationale au Etats-Unis : les soins de santé.
Moore s’est construit une réputation de critique acerbe des puissants du monde auprès d’un large public. Quand les entreprises américaines des soins de santé ont appris qu’elles seraient le sujet du prochain film de Michael Moore, un véritable état de siège a commencé. Cela a manifestement eu pour effet que nulle part dans le film, on ne voit une confrontation physique entre Michael Moore et des membres de conseils d’administration ou des porte-paroles de l’industrie de la santé, ce qui est pourtant le cachet du critique américain. Mais pas de panique : le film a d’autres tours de force.
A travers le film, en comparant les soins de santé américains avec ceux des autres pays industrialisés, il montre le véritable désastre sanitaire aux Etats-Unis. Ce film montre le rôle évident de « Tricky Dick » alias le président Nixon dans cette catastrophe.
Il est cependant regrettable que le film n’aborde le problème que pour ceux qui ont une assurance maladie, ce qui laisse un gros point aveugle de 47 millions d’Américains qui en sont dépourvus. Obtenir une assurance n’est pas une panacée, mais ceci n’est que le début du calvaire. Les assurances maladie étant privées, la soif de profits conduit ici aussi à des situations absurdes et surréalistes que Michael Moore met en scène. La manière badine avec laquelle Michael Moore cadre les histoires adoucit les faits, mais on en a pas moins envie de crier vengeance : quelques témoins y ont littéralement perdu la vie.
Sur l’air connu de Star Wars, défile à l’écran la liste (35 pages!) des maladies pour lesquelles il est impossible de prendre une assurance maladie privée. Une visite à Guantanamo Bay montre jusqu’où cette absurdité peut aller. La prison/forteresse américaine sur le sol cubain est le seul lieu aux Etats-Unis où existent des soins de santé universels et gratuits,… alors que de nombreux sauveteurs du 11/9 sont abandonnés à leur triste sort.
Ce documentaire de Michael Moore a, comme d’habitude, le mérite de dénoncer des injustices. Cependant, on peut regretter le ton quelque peu moralisateur (typiquement américain) de la critique et de son approche des soins de santé européens qui est tout sauf nuancée. L’Europe est présentée comme le pays de cocagne où la politique néolibérale de ces dernières années n’a été apparemment qu’un mauvais rêve. Mais c’est oublier le démantèlement de la sécurité sociale en Europe. Le Service National des Soins de Santé (NHS) en Grande-Bretagne est mis sur un piédestal, alors qu’il ne se passe pas une semaine sans qu’il y ait d’actions contre la fermetures de cliniques.
“Sicko” est cependant vivement recommandé à tous ceux qui veulent savoir quel avenir nos politiciens néolibéraux et les patrons nous préparent.
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Pôle Nord. La glace recule, l’impérialisme avance
Pôle Nord
Une véritable bataille s’est engagée ces derniers mois pour le contrôle de la région du Pôle Nord, sous les plis du drapeau de la recherche scientifique.
Frederik De Groeve
Le Danemark et la Russie essaient l’un comme l’autre de prouver par des données sismographiques que le Pôle Nord leur appartient sur le plan géologique. Le Canada et les Etats-Unis veulent marquer ce territoire en envoyant de nouveaux navires de patrouille et de projetant d’y installer de nouvelles bases militaires. Enfin, la Norvège veut aussi avoir son mot à dire puisqu’elle possède le territoire voisin du Spitzberg. Comment expliquer cet intérêt soudain pour le Pôle ?
L’accumulation des gaz à effet de serre – principalement le CO2 issu de l’utilisation massive de combustibles fossiles comme le pétrole – provoque un réchauffement du climat. Et – bien que les politiciens et les médias en donnent souvent une image déformée et confuse – le réchauffement de la terre a des conséquences catastrophiques pour l’homme et la nature. Ces conséquences sont déjà clairement visibles maintenant et ne feront qu’augmenter à l’avenir. Et parmi ces conséquences, il y a la fonte rapide de la calotte glaciaire.
Suite à la diminution de la couche de glace, la région polaire devient navigable pendant les mois d’été. Il y a quelques semaines, des chercheurs russes et danois ont atteint le Pôle Nord en bateau.
L’intérêt pour le Pôle n’est pas que scientifique : de nombreux indices font penser que, sous le fond de l’océan, se trouvent des réserves de pétrole et de gaz qui seraient facilement exploitables après la fonte complète de la calotte glaciaire.
En préparant une « ruée vers l’or noir » sous le territoire du Pôle, les puissances capitalistes admettent ouvertement n’avoir nullement l’intention de solutionner les problèmes de climat. Tous ces pays, à l’exception des Etats-Unis, ont pourtant signé le protocole de Kyoto, qui était présenté comme une tentative pour limiter le réchauffement de la terre. Mais la réalité nous montre que ce protocole n’était qu’un cache-sexe. En fin de compte, ce sont les intérêts économiques qui priment. La présence potentielle de pétrole sous les glaces du Pôle est beaucoup plus intéressante pour les capitalistes que la bombe à retardement écologique qu’on place sous la planète.