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  • La grève générale étudiante contre la ‘‘justice’’ capitaliste sexiste espagnole fut un grand succès!

    Madrid. Photo : Libres y Combativas

    Le Sindicato de Estudiantes (SE) et Libres y Combativas, la plate-forme féministe socialiste du SE et d’Izquierda Revolucionaria (section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’État espagnol) avaient appelé à une grève générale étudiante. Les classes ont été vidées et plus de 100.000 personnes ont manifesté dans les rues !

    Cette grève générale étudiante, qui s’est déroulée le 10 mai, entendait réagir face au jugement scandaleux qui a disculpé de viol cinq hommes se surnommant La Manada (la meute). Elle fut un grand succès. Plus d’un million d’élèves ne se sont pas rendus aux cours et plus de 100 000 d’entre eux ont assisté à plus de 60 manifestations organisées par le Sindicato de Estudiantes et Libres y Combativas. Le centre-ville de Madrid a été occupé par plus de 20.000 jeunes dans une atmosphère exceptionnellement combative. Il en va de même pour Barcelone où plus de 40.000 personnes ont rempli les rues de la capitale catalane. Au Pays Basque, des milliers de personnes ont défilé à Bilbao, Gasteiz, Donosti et Iruña, ainsi que dans toutes les provinces d’Andalousie, de Valence, de Galice, d’Aragon, d’Extremadura, etc. Des dizaines de milliers d’élèves ont crié haut et fort ‘‘c’était un viol’’, ‘‘Sœur, nous sommes ta meute’’, ‘‘Je te crois’’ et ‘‘A bas la justice sexiste’’ !

    Ce fut une journée extraordinaire de lutte au cours de laquelle les étudiants ont exprimé leur soutien et leur solidarité avec la victime de “la meute” ainsi que leur rejet de toutes ces attaques sauvages au sein d’un système de ‘‘justice” qui protège leurs auteurs.

    Libres y Combativas et le Sindicato de Estudiantes tiennent à remercier les dizaines d’organisations féministes qui ont participé à cette grève, de même que les travailleurs de Kellys et de Coca Cola, l’organisation de défense de la mémoire des victimes du franquisme et le mouvement de défense des pensions publiques, qui ont tous soutenu cette journée d’action et y ont participé.

    Ce que nous avons démontré ce jour-là, c’est que les féministes qui défendent un programme de lutte et d’anticapitalisme élargissent leur influence. C’est un féminisme qui n’a pas peur d’appeler les choses par leur nom, qui n’hésite pas à dénoncer le système judiciaire qui protège les violeurs et qui combat les politiques réactionnaires du PP, de Ciudadanos et de toutes les personnes qui se prétendent féministes tout en soutenant ce système capitaliste qui nous opprime et nous tue.

    Le jugement de “La Meute” fait partie intégrante de la misère imposée quotidiennement par le système capitaliste et ce gouvernement de droite corrompu à des millions de femmes, de jeunes et de travailleurs. Le 26 avril (lorsque la sentence a été prononcée) sera considéré comme un jour d’infamie, comme le jour où la “justice” espagnole a permis une attaque brutale contre l’un de nos droits les plus fondamentaux, celui de ne pas être violées, en absolvant ceux qui devaient être blâmés.

    Ce qui est arrivé n’est pas un accident. Cela fait partie intégrante de ce voyage dans le temps qui rappelle l’époque du franquisme et qui voit le PP au pouvoir encourager tous les éléments les plus réactionnaires du système judiciaire à attaquer les opprimés, à commencer par les femmes. C’est la “justice” capitaliste. Les artistes, les syndicalistes, les tweeters et les féministes sont harcelés par des procès, des amendes et des peines d’emprisonnement tandis que tous les voleurs qui détiennent des cartes de membre du PP, les banquiers qui nous expulsent et les patrons qui nous exploitent continuent de régner sur la société. C’est ce qu’ils appellent la “démocratie”, mais nous savons que c’est loin d’être le cas.

    Nous nous sommes habitués à cette “justice” sexiste soulignée par des cas précédents. Ils veulent nous envoyer un message clair : ceux qui se défendent sont persécutés tandis que les sexistes et les politiciens et patrons corrompus connaissent l’impunité.

    Aujourd’hui, une fois de plus, nous avons marqué l’histoire avec la lutte pour la liberté. Mais nous ne pouvons pas baisser notre garde. Libres y Combativas et le Sindicato de Estudiantes appellent tous les jeunes à rester mobilisés contre toutes les oppressions. Nous vous invitons à nous rejoindre pour construire un mouvement féministe révolutionnaire et anticapitaliste.

    10 de Mayo · Huelga Estudiantil contra La Manada

  • Entrevue avec Xaquin Garcia Sinde, militant du collectif syndical espagnol Ganemos CCOO

    Pour un syndicalisme combatif, de classe et démocratique !

    Nos camarades quebecois d’Alternative Socialiste ont réalisé cette interview de Xaquin Garcia Sinde, militant du collectif syndical espagnol Ganemos CCOO (Gagnons la Confédération syndicale des Commissions ouvrières, CCOO). Le CCOO est la plus grande centrale syndicale en Espagne. Cette entrevue a été réalisée par William G. en mars 2018.

    Notons que le camarade Xaquin fait face à la répression de l’État espagnol, de l’entreprise Navantia où il travaille depuis 37 ans et aussi de la bureaucratie syndicale qui n’aime pas qu’un travailleur conscient s’organise avec ses camarades pour lutter de façon démocratique et combative.

    Où travailles-tu et quelle est ton expérience dans le milieu syndical ?

    Je travaille sur les chantiers navals militaires espagnols de Navantia situés dans la ville de Ferrol en Galicie. J’appartiens à la Confédération syndicale des commissions ouvrières (CCOO) depuis mon premier jour de travail comme apprenti-soudeur dans l’entreprise il y a 37 ans. Durant toutes ces années, j’ai participé à d’innombrables luttes à Navantia, où je fus délégué syndical, dans des luttes d’autres entreprises et dans d’autres de type général, comme des grèves générales de différentes envergures (locale, régionale, étatique). À l’intérieur du syndicat, j’ai fait partie de la commission exécutive régionale de la fédération métallurgiste de la CCOO et de la commission exécutive régionale de toute la Galicie, qui regroupe toutes les fédérations sectorielles de la CCOO.

    À cause de mon activité syndicale, toujours réalisée avec une approche socio-politique socialiste, les services secrets espagnols m’ont déclaré un danger pour la sécurité nationale pour « une participation continuelle à des organisations et à des groupes dont les idées défendent une stratégie révolutionnaire : de classe, anticapitaliste et internationaliste. »

    Ganemos CCOO est surtout actif dans quels secteurs ?

    Notre activité la plus importante se concentre dans la métallurgie, les transports, les services sociaux, l’enseignement, les technologies de l’information et le commerce.

    Comment fonctionne Ganemos ? Quelles sont ses principales activités ?

    Nous avons un fonctionnement assez décentralisé. Dans chaque entreprise, nous nous réunissons pour analyser les choses et nos propositions. Nous réalisons aussi des réunions de portée locale ou régionale quand les circonstances l’exigent. Périodiquement, nous réalisons des conférences de portée nationale pour mettre en commun toutes nos expériences.

    Quelle est l’attitude de la direction de la CCOO en lien avec les activités et les positions de Ganemos ?

    Ganemos est né suite à l’énorme malaise généré dans la base de la CCOO à cause d’un grave scandale de corruption qui incluait l’utilisation, de la part de certains membres de la haute direction de la CCOO (et aussi de l’UGT, l’autre grande confédération syndicale), de cartes bancaires dont les dépenses étaient payées par une caisse d’épargne publique. Bien que la haute direction ne trouve rien de drôle au fait que nous existons, généralement ils ont choisi de nous ignorer et de faire comme si nous n’existions pas. Mais cela n’a pas empêché que nous ayons eu des représailles sélectives comme l’expulsion de plusieurs délégués syndicaux du commerce à Madrid ou de l’ex-secrétaire générale d’une fédération régionale de l’enseignement.

    Concernant les positions syndicales, en ce moment même, elles sont aux antipodes. Nous défendons un syndicalisme combatif, de classe, assembléiste et démocratique pendant que la direction de la CCOO a totalement cédé face aux coupures du Partido Popular (PP) et maintient en Espagne une paix sociale totalement artificielle.

    Est-ce qu’il existe d’autres groupes d’opposition syndicale à l’intérieur de la CCOO ? Si oui, lesquels, et quels sont les liens que Ganemos entretient avec eux ?

    Il existe le Secteur Critique fondé en 1995 qui s’est affaibli progressivement au fil des années. Plusieurs personnes de Ganemos participaient en son sein (j’ai moi-même été membre de la coordination nationale), mais nous l’avons abandonné parce qu’il s’est converti en une plate-forme orientée fondamentalement sur les processus des congrès et sur le fonctionnement interne de la CCOO alors que nous pensons que l’orientation doit être vers l’ensemble de la classe ouvrière : vers toutes les personnes salariées d’une entreprise ou d’un secteur, vers l’ensemble des personnes travailleuses d’une entreprise en lutte.

    Quel est le rôle d’Izquierda Revolucionaria (Gauche Révolutionnaire) dans Ganemos ?

    Ce n’est pas du tout un secret que la formation de Ganemos CCOO a été une initiative de Izquierda Revolucionaria (IR), la section espagnole du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), comme ce n’est pas non plus un secret que je milite dans IR depuis 1985. Bien entendu, cela ne veut pas dire qu’IR supervise toutes et chacune des activités développées au nom de Ganemos CCOO dans chaque entreprise, sinon que la proposition syndicale de Ganemos CCOO est élaborée depuis une perspective politique marxiste, ce qui veut dire qu’elle s’oriente sur une transformation socialiste de la société.

    Comment évolue la situation syndicale avec la crise économique qui affecte gravement la classe ouvrière espagnole ?

    Nous assistons à un processus généralisé de dégradation des conditions de vie et de travail de la classe ouvrière, avec une chute salariale moyenne de 15-20% dans la dernière décennie, l’apparition du phénomène des travailleurs pauvres, des coupures dans la couverture de l’assurance-chômage, les pensions, la santé et l’enseignement public, etc.

    Mais au lieu d’organiser la résistance contre ces agressions, les directions syndicales sont complètement disparues. Ou pire encore : elles ont accepté les coupures, comme la réforme des pensions qu’elles ont signée avec le gouvernement du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) en 2011, qui a élevé l’âge de la retraite de 65 à 67 ans et qui incluait toute une série de mesures qu’on estime qui entraîneraient une réduction des pensions autour de 20% en une décennie. Systématiquement, dans les entreprises aussi, elles acceptent des réductions dans les droits des travailleurs ou des licenciés. Ce syndicalisme défaillant a une autre conséquence : il mène à un modèle d’organisation hiérarchique dont les dirigeant-es se sentent chefs et prétendent décider pour les travailleurs. Cela découle de ce que, quand sont acceptées les réductions des droits, la participation des travailleurs devient un problème. Tout cela a plongé les syndicats espagnols dans une profonde crise. La perte de prestige et la perte d’autorité sont énormes.

    Le niveau des grèves est très faible, mais les principales luttes contre les abus patronaux qui ont eu lieu dans la dernière période (comme la grève de la sécurité privée à l’aéroport de Barcelone l’été dernier) n’ont pas été convoquées ni par la CCOO ni par l’UGT, sinon par des petits syndicats. Ces derniers, devant cette situation, ont surgi comme des champignons, bien que leur taille, le fait d’être concentré dans une entreprise ou un secteur, et le manque de perspective politique socialiste rendent difficile qu’elles soient une alternative des masses à la bureaucratie syndicale. Nous ne choisissons pas d’abandonner la CCOO pour former un petit syndicat, mais plutôt de promouvoir une plateforme qui permet de regrouper les personnes travailleuses les plus conscientes et combatives pour éviter qu’elles s’en aillent à la maison démoralisées devant la pénible situation actuelle du mouvement syndical.

    Comment s’articule le travail syndical avec la montée de Podemos et d’autres forces politiques de gauche anticapitaliste ?

    Avec Podemos, nous ne pouvons rien articuler parce qu’ils ne réalisent aucun travail syndical (à moins que par travail syndical, on veut dire maintenir des réunions avec les hautes directions de la CCOO et de l’UGT). En ce qui a trait aux autres forces politiques de gauche anticapitaliste, en général il n’y a pas beaucoup d’opportunités parce qu’IR est la seule qui maintient depuis des décennies une orientation systématique vers les usines, pendant que les autres ont soit tout perdu durant la traversée du désert provoquée par la chute du stalinisme en 1989, soit concentré leur travail sur d’autres fronts, ou sont allées dans les syndicats minoritaires.

    Il peut y avoir plus de possibilités d’articuler quelque chose quand une entreprise entre en conflit, mais l’expérience nous démontre qu’il y a différentes approches: pendant que d’autres groupes se concentrent exclusivement sur la solidarité, nous pensons, sans diminuer l’importance de la solidarité qui évidemment est très importante, qu’il y a quelque chose de beaucoup plus important qui est d’apporter aux travailleurs-euses l’analyse du rapport de forces entre les deux classes en lutte, et la stratégie, les tactiques et les méthodes adéquates pour vaincre. Pour obtenir cela, d’abord, tu as à gagner le droit d’être écouté par les travailleurs-euses, ce qui signifie être impliqué à fond et humblement dans leur lutte, de ne pas se limiter à aller là avec des petits drapeaux pour faire une photo et la mettre sur internet.

    Comment la lutte catalane pour le droit à l’autodétermination et le nationalisme espagnol virulent des derniers mois se répercutent-ils dans la lutte des classes et le syndicalisme en Espagne ?

    Les derniers mois ont été une intense campagne de chauvinisme espagnol qui incluait l’encouragement à exhiber des drapeaux espagnols sur les résidences. Cette campagne a percé une partie des travailleurs bien que de manière très inégale. Pour commencer, parce que l’Espagne est un État plurinational où les identités sont très marquées, et logiquement, la sensibilité sur la question catalane est beaucoup plus majeure dans les deux autres nations de l’État espagnol (le Pays Basque et la Galicie), où c’est très exceptionnel de voir un drapeau espagnol dans une fenêtre, chose que l’on ne peut dire d’autres zones d’Espagne comme l’Andalousie, un fief du PSOE.

    L’autre facteur, c’est l’idéologie politique. La dictature franquiste qualifiait quiconque qui s’y opposait d’être « antiespagnol » ; l’Espagne, c’était eux, les fascistes. En conséquence de cela, au sein de très vastes secteurs des travailleurs-euses a pénétré un rejet des symboles patriotiques espagnols, et ce fossé fait que, même si on est en désaccord avec le processus catalan, il y a beaucoup de travailleurs-euses qui rejettent le patriotisme espagnol pour sa puanteur franquiste. Et la situation s’aggrave encore plus parce que plusieurs pensent que le Parti Populaire sont les héritiers du franquisme.

    En ce qui concerne la Catalogne, la CCOO et l’UGT ont eu un rôle néfaste en s’opposant par exemple à la grève générale du 3 octobre convoquée pour protester contre la répression policière brutale durant le référendum du 1er octobre. Selon notre opinion, ils auraient dû lier la lutte pour le droit à l’autodétermination en Catalogne avec la lutte pour un programme de revendications qui améliorent réellement la douloureuse situation des travailleurs-euses dans tout l’État. À moyen terme, nous verrons si l’attitude de la CCOO et de l’UGT en Catalogne aura certaines conséquences importantes, mais en principe, il n’y a pas eu de conséquences significatives dans le mouvement syndical.

    Dans le terrain politique, la question catalane a mis à l’épreuve toutes les organisations et les tendances de la gauche. Et, malheureusement, il faut dire que Podemos et Izquierda Unida (Gauche Unie) se laissèrent pousser par la peur d’un possible recul électoral au lieu de maintenir une position ferme en faveur du droit à l’autodétermination en optant pour une position équidistante. Le résultat s’est vu dans les élections catalanes du 21 décembre : ils sont passés de 11 députés à 8.

  • Massacre à Barcelone. Solidarité avec les victimes.

    A bas le terrorisme et la guerre impérialiste ! Leurs guerres, nos morts !

    Le 17 août, une brutale attaque terroriste a été commise à Barcelone. Une fourgonnette a remonté l’allée centrale piétonne de la Rambla sur plus d’un demi-kilomètre en fauchant des centaines de personnes sur son chemin. En résultat tragique de cette attaque, 13 personnes ont perdu la vie, plus de 100 personnes ont été blessées (certaines de manière critique) et la population de la ville a été profondément choquée alors qu’une journée de vacance se transformait en cauchemar. Cette attaque, immédiatement revendiquée par l’Etat islamique (Daesh), a été suivie par une autre quelques heures plus tard dans la ville de Cambrils (dans la province de Tarragone). 5 terroristes y ont été abattus et une femme poignardée par l’un d’entre eux est décédée.

    Déclaration d’Izquierda Revolucionaria (Gauche révolutionnaire, section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’Etat espagnol) 

    Izquierda Revolucionaria et le Sindicato de Estudiantes (syndicat étudiant) souhaitent exprimer leur souffrance, leur soutien et leur solidarité avec les victimes, leurs familles, leurs proches et tous ceux qui ont vécu ces terribles moments et craint pour leur vie.

    A travers le monde, ce sont des millions de travailleurs et de jeunes qui se sont sentis solidaires des victimes de cet horrible attentat terroriste et des milliers de personnes qui ont participé à la grande vague de solidarité qui a suivi : ceux qui ont fait la queue pour faire don de leur sang, ceux qui ont ouvert la porte de leur maison, de leur taxi, de leur magasin, de leur voiture,… pour aider les victimes. Ce fut une fantastique démonstration de solidarité avec ceux qui ont vu la barbarie qui a également frappé les rues de Paris, de Nice, de Bruxelles, de Manchester, d’Orlando, etc. Cette barbarie est également trop familière pour des millions de personnes innocentes dans d’autres parties du monde, comma au Moyen-Orient et en Afrique.

    Bien entendu, l’État a également réagi, par des lamentations et des appels à l’unité hypocrites de la part de ceux-là même qui ont soutenu et instigué les guerres impérialistes qui ont détruit des pays entiers pour remplir les poches d’une poignée de multinationales et garantir les intérêts stratégiques des grandes puissances. Leur consternation apparente face au massacre de Barcelone semble ne pas avoir été méritée par les milliers de personnes qui meurent chaque jour en Syrie, en Irak ou en Afghanistan, dans ces guerres que le Parti Populaire (PP) et les autres dirigeants de droite d’Espagne ont soutenues avec les autres ‘‘gardiens de la Paix’’ des Etats-Unis et de l’Union européenne.

    Merkel, Hollande, Macron, May, Trump, Rajoy,… poursuivent les mêmes objectifs qu’Aznar, Blair et Bush à leur époque, quand l’invasion de l’Irak a été lancée, il y a de cela 14 ans. Les conséquences sont claires. Ces guerres n’ont apporté ni la paix ni la liberté, mais bien la barbarie, la mort et la destruction tandis que des millions de réfugiés ont cherché à fuir des situations intolérables et sont traitées de manière inhumaine aux portes de l’Europe.

    Utiliser le terrorisme afin de répandre le poison du racisme et de l’islamophobie

    Nous avons pu voir à bien d’autres occasions comment les défenseurs du système profitent d’événements terribles tels que les attentats terroristes. A l’aide de mots tels que ‘‘liberté’’, ‘‘démocratie’’, etc., ils instrumentalisent ces attaques comme prétextes pour justifier des mesures adoptées à l’encontre des travailleurs et des jeunes, en sapant nos droits démocratiques et en propageant un poison raciste et xénophobe.

    C’est notamment l’approche des médias de droite, qui font la promotion du racisme et de la haine des musulmans. Alfonso Rojo (directeur de Periodista Digita) a ainsi réagi à ces événements en déclarant: ‘‘peut-être que ceux qui ont encouragé l’immigration de non-Espagnols en Catalogne doivent maintenant expliquer cela.’’ Isabel San Sebastián, une autre figure connue des médias, a directement relié les terroristes aux musulmans en affirmant: ‘‘Nous les avons rejetés d’ici une fois et nous le ferons encore’’ (en référence à la reconquête par les royaumes chrétiens des territoires de la péninsule ibérique et des îles Baléares occupés par les musulmans au Moyen-Âge, NDT). Il ne s’agit pas que de déclarations individuelles, elles représentent le sentiment qui vit au sein du PP et de la droite.

    Les déclarations anti-terroristes des dirigeants du PP ou de Ciudadanos, de la Monarchie et de tous ceux qui ont profité des guerres et de leurs millions de morts ne sont toutefois qu’une façade qui vise à cacher des intérêts de classe concrets. Aucun d’entre eux n’a de problèmes avec la conclusion de juteux contrats de vente d’armes entre le gouvernement espagnol et l’Arabie saoudite, même s’il est de notoriété publique que l’Arabie saoudite aurait financé l’État islamique et que de nombreuses armes qui lui ont été vendues par l’Espagne sont utilisées dans la guerre menée au Yémen. Ils n’ont pas de problèmes non plus avec le régime d’Erdogan dans l’Etat turc, alors qu’il a protégé l’État islamique pendant de nombreuses années et avec lequel l’Union européenne a signé un accord honteux portant sur la question des réfugiés.

    Leurs arguments et leur hypocrisie destinée à justifier les guerres criminelles, le meurtre d’innocents et la haine raciste – même emballés dans une indignation ‘‘anti-terroriste’’ – ne nous trompent pas. Nous connaissons – et dénonçons – la véritable motivation de leurs politiques de coupes budgétaires, d’austérité et d’attaques contre les droits démocratiques. Les travailleurs et les jeunes de Barcelone la connaissent aussi. C’est pourquoi ils ont expulsé les groupes d’extrême droite des manifestations de solidarité qui ont fait suite aux attaques. Leurs guerres, nos morts !

    Le terrorisme et le mouvement catalan pour l’auto-détermination

    Les porte-parole de la classe capitaliste ont émis leurs déclarations racistes et hypocrites habituelles. Au lendemain de l’attaque, l’éditorial du journal El Pais a également sauté sur l’occasion pour s’en prendre au ‘‘processus’’ lié au mouvement d’autodétermination de la Catalogne. Ils ont appelé le ‘‘gouvernement catalan et les forces politiques catalanes à s’occuper des véritables problèmes de la Catalogne’’ et à mettre fin à la ‘‘chimère sécessionniste’’. Cette terrible attaque terroriste pourrait maintenant être utilisée pour réprimer davantage le droit démocratique du peuple catalan à décider de son avenir.

    Des arguments grotesques ont été employés contre le droit à l’autodétermination et en faveur de la criminalisation de tous ceux qui les défendent. Nous n’avons pourtant pas lu d’éditoriaux d’El Pais abordant les ‘‘véritables problèmes de la Catalogne’’, comme ils disent. Ces problèmes sont les réductions budgétaires dans la santé et l’éducation, le licenciement des enseignants, la répression contre les mouvements sociaux et les expulsions de logements. Leur hypocrisie ne connait pas de limites. Si le poison raciste de la droite n’était pas encore suffisant, cette dernière essayent également de séparer les travailleurs et les jeunes de Catalogne de ceux du reste de l’Etat espagnol.

    Le capitalisme utilise n’importe quelle prétexte pour diviser les opprimés par la peur, la xénophobie ou tout autre moyen. En agissant de la sorte, il vise à nous monter les uns contre les autres, nous qui sommes allés ensemble dans la rue contre les attaques du PP et des capitalistes et partis de droite catalans qui ne cherchent qu’à défendre leurs propres privilèges. Ils veulent diviser la classe ouvrière et la jeunesse, ceux qui ont démontré qu’ils disposent du pouvoir de vaincre les capitalistes et leurs partisans dès lors qu’ils se battent.

    Le capitalisme, c’est la barbarie !

    Les horribles meurtres qui ont eu lieu dans les rues de Barcelone et la réaction répugnante des capitalistes et de leurs médias illustrent à nouveau la morale pourrie sur laquelle reposent ce système et ses représentants. Tant qu’ils seront dominés par la droite et par la bourgeoisie – qu’elle soit catalane, espagnole ou autre – les travailleurs et les jeunes ne pourront jamais connaitre de véritables progrès. Les intérêts de classe des capitalistes ne laissent aucune place aux droits, à la liberté ou à la dignité. Ceux qui paient les conséquences de leurs politiques – qui subissent les conséquences du terrorisme, de la guerre, du chômage et de la pauvreté – doivent être unis contre ceux qui nous condamnent à la barbarie. Ce n’est qu’en unissant les forces de tous les opprimés sous la bannière du socialisme international, au-delà des frontières nationales, des religions, de la couleur de peau et de la langue, que nous pourrons en finir avec l’horreur et les catastrophes que le capitalisme signifie pour la majorité de l’humanité.

  • Etat espagnol: des centaines de milliers de participants aux mobilisations du 8 mars!

    A l’occasion de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes du 8 mars, la campagne ‘Libres y Combativas’ et le Sindicato de Estudiantes avaient appelé à une grève étudiante contre la violence sexiste et en faveur de la défense des droits des femmes de la classe des travailleurs.

    La campagne ‘Libres y Combativas’ est une plateforme féministe et socialiste lancée par le Sindicato de Estudiantes (dont nous avons déjà parlé à plusieurs reprises sur ce site à l’occasion des grèves étudiantes de la fin de l’an dernier) et par des membres d’Izquierda Revolucionaria (organisation qui est actuellement en processus de fusion avec le Comité pour une Internationale Ouvrière, dont le PSL est la section belge). Leur appel à la grève étudiante contre les violences sexistes et en défense des droits des travailleuses a attiré dans la rue des centaines de milliers d’étudiants à travers tout l’Etat espagnol.

    Il s’agit d’une étape historique puisque jamais auparavant une grève de cette dimension n’avait pris place à l’occasion du 8 mars et de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Des assemblées et des actions de protestation ont eu lieu dans plus d’un millier d’écoles et de campus. Des centaines de personnes ont signé pour rejoindre Libres y Combativas afin de renforcer les rangs des féministes anticapitalistes, révolutionnaires et socialistes.

    Grève contre les violences sexistes dans l'Etat espagnol

  • Etat espagnol : Pour un Podemos orienté vers la lutte et la transformation sociale

    L’Assemblée Citoyenne de Podemos (son Congrès), appelée Vistalegre II, aura lieu les 10, 11 et 12 février prochains. Il y aura un avant et un après cet événement concernant l’avenir de la formation violette. Des milliers de travailleurs, de jeunes et de militants sociaux sont en attente face au conflit qui a éclaté au sein de Podemos. Les grandes entreprises et leurs partis interviennent ouvertement dans cette bataille, en la faveur de certains dirigeants. En dépit des commentaires dominants, cette crise ne représente pas qu’une lutte de “pouvoir” entre fractions. Il s’agit du reflet de pressions de classes sociales antagonistes.

    Par Izquierda Revolucionaria (en savoir plus sur IR et le Comité pour une Internationale Ouvrière)

    L’explosion sociale qui a donné lieu à l’émergence de Podemos

    Le 15 mai 2011, la rage accumulée des années durant a soudainement émergé à la surface, conduisant à l’une des périodes les plus mouvementées de la lutte des classes dans l’Etat espagnol. Pendant une longue période se sont succédé les grèves générales, les marées citoyennes, les marches pour la dignité, les conflits dans les quartiers et dans l’enseignement, les grandes manifestations pour le droit de à l’autodétermination. Ces luttes furent des exemples de combativité et de participation démocratique qui ont remis en question l’appareil syndical et les sociaux-démocrates garants de la paix sociale. Cette rébellion gigantesque arévélé au grand jour quelle était l’indignation contre la récession économique dévastatrice, mais elle a également généré la plus grande crise de gouvernance de la soi-disant transition démocratique (le régime instauré après la fin dictature en 1978, NDT) et a représenté un saut qualitatif dans la conscience politique de toute une génération.

    C’est ce contexte explosif qui a créé l’espace vital pour l’irruption de Podemos sur la scène politique, un événement qui a bouleversé la carte politique et le rapport des forces dans la gauche. Le discours du dirigeant de Podemos Pablo Iglesias – contre la caste, contre les privilégiés et leur système, en défense de la majorité travailleuse, des droits et des services sociaux – a fait appel à l’imagination et aux sentiments de millions de personnes, de la base la plus active de la gauche sociale et politique aux novices qui s’approchaient pour la première fois du militantisme. A cette époque, Podemos a connu une croissance explosive et des dizaines de milliers de personnes se sont organisées dans les cercles qui ont peuplé tous les territoires de l’Etat.

    Après les résultats spectaculaires des élections européennes de mai 2014 et des élections régionales et locales de 2015, cette dynamique a vite été brisée. Au lieu de renforcer une alternative de rupture avec le système, la direction a entrepris un virage à 180 degrés et a placé tous ses espoirs dans le domaine institutionnel. La force essentielle de Podemos, issu de la capacité de mettre à genoux le régime, a été bloquée. Les conséquences négatives de cette stratégie sont évidentes au regard du bilan des prétendues « mairies du changement ». Les bonnes intentions et les belles déclarations sur la «gestion efficace» des ressources publiques se sont heurtées au mur des intérêts capitalistes et du très dense réseau des grandes entreprises qui ont accumulé des profits fabuleux grâce à la privatisation des services publics essentiels. Ce mur ne peut être rompu qu’avec une politique ferme de reprise en mains publiques afin de placer les besoins de la majorité au dessus de la logique de profit du secteur privé.

    La lutte de classe reflétée au sein de Podemos

    Après les élections générales du 26 juin, où Podemos a perdu un million de voix, les divisions au sein de la direction de Podemos ont éclaté jusqu’à atteindre une virulence difficile à imaginer. Certains ne voient dans cette bataille qu’une lutte pour le pouvoir. Pour une large couche d’arrivistes qui sont arrivé à Podemos pour bénéficier d’une vie tranquille et confortable, les miels de la politique parlementaire et institutionnelle sont une fin en soi qu’ils défendront bec et ongles. Mais ce conflit reflète, surtout, les pressions de la lutte des classes. On trouve d’une part des pressions provenant des capitalistes et de la droite, qui essayent de transformer Podemos en une formation social-démocrate honorable, respectueuse du système et de ses lois. D’autre part, on voit la pression de la base sociale de Podemos, des millions de personnes qui estiment que c’est avec la mobilisation que nous pourrons transformer la société et rompre avec la logique du capitalisme.

    Dans cette lutte interne, Íñigo Errejón et ses partisans défendent clairement l’idéologie et la pratique social-démocrate de Podemos. Le “numéro deux” de la formation a déclaré à plusieurs reprises que l’engagement à travailler dans les “institutions” est au cœur de leur stratégie politique. Il parvient même à mettre en question le rejet de Podemos du défunt pacte entre le PSOE (la social-démocratie) et Ciudadanos (C’s, formation populiste de droite) – antécédent frustré de la grande coalition PP-PSOE-C’s qui gouverne aujourd’hui. Il s’oppose au maintien de la confluence électorale entre Izquierda Unida et Podemos, mais il a par contre montré son inclinaison à conclure un pacte avec le PSOE, dont la direction a pourtant réalisé un coup d’Etat interne destiné à faciliter l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement de droite. Ses déclarations vont toujours dans le même sens, en affirmant que “nos adversaires aiment voir” en Podemos “une force formellement très radicale mais matériellement incapable de transformer les conditions de vie du peuple”. Il identifie ainsi une position de confrontation au système avec une gesticulation stérile.

    Il n’est pas étonnant que cette “musique” sonne si douce aux oreilles des capitalistes et de leurs porte-paroles. Comme toujours, El País (un des principales journaux espagnols) donne le ton: “Errejón défend un Podemos beaucoup plus moderne, démocratique et ouvert, complètement différent de la confusion générée par Iglesias autour d’une stratégie de radicalisation idéologique et de mobilisation dans la rue qui dilue la force et la capacité de négociation du parti au Parlement et dans les institutions”.

    Le modèle défendu par Errejón & Co a déjà été testé par le PSOE pendant les quarante dernières années. Mais, il est important de signaler que si Errejón est allé si loin, c’est principalement dû aux erreurs et hésitations de Pablo Iglesias. La vision du “changement” politique comme un simple exercice électoral dans lequel la lutte de masse avait déjà joué son rôle. Elle a également été préconisée par Iglesias. Ses déclarations publiques justifiant la capitulation de Tsipras en Grèce, sa prise de distance avec la révolution vénézuélienne en faisant écho du message de la réaction, son empressement à faire montre de « responsabilisation » pour se montrer « à la hauteur » en tant que dirigeant,… tout cela a renforcé le discours et l’audace des couches les plus modérées et à droite de Podemos dans l’actuelle crise interne. Cela explique aussi en grande partie de ce qui est survenu aux dernières élections générales.

    Tout juste après avoir perdu un million de voix à ces dernières, Pablo Iglesias a déclaré que le travail parlementaire et institutionnel serait sa priorité. Mais il a vite constaté que cette approche ouvrait la porte à la droite – tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de Podemos – et offrait un tapis rouge à tous ceux qui voulaient l’affaiblir et finalement l’écarter. Au cours de ces derniers mois, Iglesias a émis des réflexions assez précises. Il a publiquement questionné si l’image de modération que Podemos avait adoptée n’était pas la cause des résultat électoraux. Il a parlé de l’erreur d’essayer d’occuper l’espace de la social-démocratie pour pas “effrayer” une couche des électeurs. Plus récemment, il a insisté sur la nécessité de retourner dans la rue et sur la nécessité d’une grève générale contre la politique antisociale du PP. “La tranversalité ne veut pas dire de ressembler à nos ennemis, mais de ressembler à la PAH (Plateforme d’Affectés par les Hypothèques)” dit-il correctement.

    Le document de Pablo Iglesias pour Vistalegre II souligne: “… La construction d’un mouvement populaire n’est pas un fétiche, mais la seule voie pour avancer (…) Disposer seulement de députés, de porte-paroles et d’un bon discours connecté aux besoins de la majorité, ce n’est pas suffisant (…) Pour gagner, nous avons besoin des gens organisés, actifs et capables de se mobiliser (…) Le rôle des représentants publics ne peut pas se limiter à travailler dans les différents parlements. Sa principale fonction devrait être de représenter des “militants institutionnels” (…) Nos représentants dans les institutions ne peuvent pas devenir des politiciens, ils doivent rester des militants et accomplir leur tâche au service de l’intérêt collectif…”.

    Un Podemos pour la transformation socialiste de la société

    Le plus grand danger pour Podemos est de s’accommoder au système, comme l’affirme Iglesias. Pour cette raison, il est absolument nécessaire d’élaborer une ligne politique claire de même qu’un programme qui propose des mesures telles que la nationalisation des secteurs stratégiques de l’économie, qui est opposé aux coupes budgétaires et à l’austérité, qui défend la santé et l’éducation publique, le droit à un logement décent et des libertés démocratiques, y compris le droit à l’autodétermination. Faire des clins d’œil à la gauche de temps en temps ne suffit pas. Les réflexions sans aucune conséquence pratique ne suffisent pas. La seule façon de se connecter solidement aux masses, la véritable force de Podemos comme gauche transformatrice, c’est de défendre une alternative socialiste contre la crise capitaliste et de s’impliquer directement dans les luttes quotidiennes des travailleurs et des mouvements de la jeunesse.

    Beaucoup des choses ont été exposées dans cette bataille. Bescansa (co-fondatrice de Podemos) a démissionné en essayant d’imposer l’image d’un “choc de trains” entre frères. Cela est dépourvu de sens mais, surtout, à qui cela profite-t-il ? En fait, ses idées et ses pratiques ne sont pas très différentes de celles d’Errejón.

    D’autres courants, tels qu’Anticapitalistas, émettent des critiques qui ont du sens. Mais il y a une contradiction entre les paroles et les actes. Anticapitalistas a le contrôle de la mairie de Cádiz, celui de la direction de Podemos en Andalousie et il dispose de plusieurs députés et conseillers municipaux. Où est leur impulsion vers la mobilisation sociale? Leurs mesures concrètes au profit des classes populaires et en faveur de la désobéissance civile aux lois capitalistes ? Il est vrai qu’Anticapitalistas peut finalement faire incliner la balance vers Pablo Iglesias. Mais il est devenu évident que, pour bon nombre de ses dirigeants, la stratégie prioritaire est de gagner du terrain dans le dispositif et d’obtenir des meilleurs positions dans les listes pour députés ou conseillers, en abandonnant complètement l’idée de convertir Podemos en une gauche capable de transformer la société.

    En tant que marxistes révolutionnaires, nous ne maintenons pas une position neutre dans cette bataille. Izquierda Revolucionaria soutient Pablo Iglesias face à ceux qui ont l’intention de transformer Podemos en une formation social-démocrate classique.

    Nous les faisons de la seule façon cohérente: en l’appelant à défier ses adversaires sur le terrain de l’action. Pablo Iglesias devrait axer sa politique sur la mobilisation des masses contre les politiques de droite et leurs alliés dans le parlement (PSOE et C’s). Il doit promouvoir une campagne active dans toutes les entreprises, les centres d’études et les quartiers pour une grève générale pour la nationalisation de l’électricité (et finir avec la pauvreté énergétique), pour des revenus décents, pour l’augmentation drastique des pensions, pour la création d’un parc de logements publiques avec des loyers sociaux, pour l’abrogation de la LOMCE (loi de l’enseignement) et la défense de la santé publique,…

    Si Pablo Iglesias part à al confrontation avec tous ceux qui défendent la paix sociale et les intérêts des élites, que feront Errejón et ses partisans ? Qu’est-ce que le PP, le PSOE ou C’s diront? Et qu’est ce que des millions de travailleurs, des jeunes, de la majorité opprimée embourbée dans la précarité et le chômage diront? La réponse est évidente.

    Dans les prochains mois, le gouvernement mettra en œuvre une nouvelle série d’attaques antisociales et de coupes budgétaires. Il est difficile de déterminer à l’avance le rythme auquel se développera la riposte sociale à cette nouvelle offensive. Mais il est indéniable qu’elle se produira et qu’elle tiendra compte de l’expérience politique acquise au cours de la période précédente. Ce contexte influencera de façon décisive le futur de Podemos, tout en ouvrant la voie aux idées du marxisme révolutionnaire.

  • Etat espagnol. Congrès historique du Sindicato de Estudiantes

    Les 19 et 20 novembre dernier, 300 jeunes militants issus de pas moins de 26 villes espagnoles – accompagnés de dizaines de syndicalistes et de militants de la classe ouvrière – se sont réunis à Madrid à l’occasion du 18e congrès du Sindicato de Estudiantes (Syndicat des étudiants, SE). Divers membres et représentants du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), parmi lesquels le secrétaire général du Socialist Party Peter Taaffe, ont eu le privilège d’y assister. Cette rencontre historique pour tous ceux qui y ont participé fut une étape décisive dans la lutte contre le nouveau gouvernement minoritaire du Parti Populaire (PP). Une nouvelle grève générale étudiante avait été appelée par le SE pour le 24 novembre et, quelques jours plus tard, le gouvernement reculait quant à l’instauration des «revalidas» (voir notre article à ce sujet). Cet article a initialement été publié avant la tenue de cette deuxième grève générale étudiante.

    Fondé en 1986 et forgé dans la chaleur d’un autre mouvement étudiant historique qui a battu le gouvernement de Felipe Gonzalez, le Sindicato de Estudiantes est aujourd’hui à l’épicentre de la lutte de classe. Il a mobilisé et organisé la grève générale des étudiants du 26 octobre (26O) à laquelle deux millions d’étudiants ont participé tandis que plus de 200.000 d’entre eux défilaient dans les rues.

    Face à un gouvernement hésitant, la victoire à portée de main

    Le 26O a ouvert une brèche dans la situation, brisant la «paix sociale» étouffante des dernières années. Dans son discours d’ouverture, Ana Garcia, secrétaire générale du SE, a expliqué que la lutte contre les attaques antisociales dans l’enseignement et particulièrement contre les examens de «revalidation» anti-ouvrières est vite devenue le dossier le plus problématique du nouveau gouvernement. A la veille de la tenue de ce congrès, la presse parlait du retrait imminent des «revalidations». Même des ministres l’ont laissé.

    Ana et d’autres, cependant, ont répondu correctement: “Nous n’en croyons pas un mot. Jusqu’à ce que cela soit officiel, nous continuons la lutte.” Le 24 novembre, le SE va de nouveau vider les salles de classe et remplir les rues avec une autre grève générale étudiante. Si le gouvernement commençait son mandat avec une nouvelle défaite face à la campagne de mobilisation du SE, cela aurait un énorme impact. Le message que la lutte menée avec des méthodes militantes est payante ne sera pas oublié dans les rangs du mouvement syndical. La politique de paix sociale et de collaboration de classe des dirigeants syndicaux n’a pas obtenu de tels résultats.

    Francisco Garcia, secrétaire général du syndicat des enseignants CCOO, de loin le plus important syndicat d’enseignants du pays, a pris la parole devant le congrès. Sa direction avait échoué à s’associer avec les étudiants pour faire du 26O une grève générale de tout le secteur de l’éducation, en dépit de l’intense pression exercée à cette fin. Il a toutefois été contraint de reconnaître le succès de la grève et de louer le rôle du SE en tant que principal représentant des étudiants en lutte. Il a également exprimé son soutien à la grève du 24 novembre mais, encore une fois, la direction du syndicat ne mobilisera pas les enseignants. À la suite de son discours, les camarades du SE ont salué ses paroles par une ovation massive, soulignant que le temps des mots est passé, qu’il est maintenant temps de lutter pour la défense de l’éducation publique et de notre avenir.

    Sa présence ainsi que celle du Président de la CEAPA (association espagnole des parents) et d’un membre de premier plan d’Izquierda Unida ont témoigné de la qualité du SE. Le caractère de classe du SE et le lien incassable qu’il entretient avec la classe ouvrière ont été soulignés tout au long du Congrès. Orateur après orateur ont rappelé qu’il ne s’agissait pas d’un simple syndicat étudiant avec mais bien d’un syndicat d’étudiants ouvriers, attaché à la lutte de la classe ouvrière dans son ensemble contre l’austérité et le capitalisme.

    L’atmosphère était électrisante tout au long du week-end. Les participants, dont beaucoup n’ont rejoint le syndicat qu’au cours des dernières semaines ou derniers mois, étaient remplis de confiance et de combativité. La colère contre la classe dirigeante, la tristesse de l’émigration de masse et la détermination à lutter pour un avenir ont été vivement illustrés.

    En dépit de leur jeunesse et du fait qu’ils étaient nouveaux dans la lutte, ils ont déjà organisé une mobilisation de masse victorieuse. Une des choses les plus visibles dans ce Congrès fut la manière dont de nouveau dirigeants de masses se lèvent parmi la jeunesse et la classe ouvrière, en particulier parmi les jeunes femmes.

    Des centaines de personnes célèbrent l’anniversaire du SE et d’Izquierda Revolucionaria / El Militante

    Le samedi soir, un rassemblement conjoint a été organisé pour célébrer le 30e anniversaire du SE et le 40e anniversaire d’Izquierda Revolucionaria / El Militante (IR), l’organisation marxiste révolutionnaire qui a formé le syndicat et qui continue de le diriger.

    Plus d’une douzaine d’orateurs ont pris la parole. Antonio Garcia Sinde, dirigeant syndical d’IR, a parlé de la naissance de Nuevo Claridad, une organisation trotskyste travaillant dans des conditions clandestines sous la dictature franquiste. Un petit groupe de jeunes révolutionnaires, a-t-il expliqué, a pris contact avec la Tendance Militant en Grande-Bretagne (devenue aujourd’hui le Socialist Party) et a développé les méthodes nécessaires pour construire une force puissante. Ils ont bientôt occupé une position dirigeante dans le mouvement ouvrier et socialiste au Pays basque et dans d’autres régions. Des représentants de COMUNA, une organisation de prisonniers politiques sous Franco, ont également salué le rassemblement.

    Des intervenants de toute l’histoire du SE et d’El Militante ont abordé l’histoire du syndicat de sa fondation au mouvement anti-guerre et à la lutte en réponse aux attentats terroristes de Madrid en 2004.

    Xaquin Garcia Sinde, syndicaliste de l’industrie des chantiers navals et cadre historique d’IR, a également parlé de l’histoire des deux organisations et du potentiel que peut atteindre une petite organisation armée d’idées, de tactiques et de programmes. Les représentants de la lutte héroïque des travailleurs de Coca Cola, qui ont mené une bataille militante depuis plus de deux ans, ont été salués comme des héros lors du rassemblement.

    El Militante / Izquierda Revolucionaria a été fondée comme une section du Comité pour une Internationale Ouvrière, mais une scission de nos forces a pris place au début des années ’90, ce qui a les conduits à parcourir un chemin différent pendant plus de 20 ans. Les racines communes des deux organisations ont été mises en lumière durant tout le week-end. Les références au Militant britannique, à la bataille de Liverpool dans les années 1980, etc. ont été multiples. La participation au week-end de camarades du CIO et de Peter Taaffe, représentant le Secrétariat international du CIO, a constitué un élément clé du processus de discussions et de collaborations dans lequel nous nous trouvons à nouveau. Sean Burns, du Socialist Party (section du CIO en Irlande du Nord) a également pris la parole au nom des jeunes camarades du CIO présents et qui étaient venus du Portugal, d’Irlande, d’Angleterre et du Pays de Galles, de Belgique et d’Allemagne.

    Peter a reçu une standing-ovation avant même qu’il n’ait commencé à parler! Il a salué le Congrès au nom du Socialist Party, héritier de l’héritage du Militant qui a vaincu Thatcher non pas à une, mais à deux reprises. Il a expliqué comment nos réussites passées et actuelles, ainsi que celles du SE aujourd’hui, démontrent la nécessité d’une direction révolutionnaire et de méthodes et tactiques adéquates, même dans la lutte pour arracher des réformes. La construction de l’unité entre le CIO et IR représente une étape importante dans la construction de cette direction socialiste révolutionnaire, qui sera la clé de la prochaine période internationale.

    La salle s’est de nouveau levée tandis que Peter expliquait que si le XXe siècle avait été celui de la lutte révolutionnaire, le XXIe serait celui de la victoire révolutionnaire. Paraphrasant les héroïques sans-culottes de la révolution française dont le mot d’ordre était «tremblez tyrans, les masses arrivent», il s’est adressé à Donald Trump en disant: «Trump, la classe ouvrière arrive».

    Juan Ignacio Ramos, qui fut le premier secrétaire général du SE lors de la bataille historique de 1986/87 et qui est actuellement secrétaire général d’IR, fut le dernier orateur. Son récit graphique de la façon dont un petit groupe révolutionnaire audacieux avait construit une rébellion de masse de la jeunesse contre le gouvernement Gonzalez, menant à trois mois de grèves étudiantes et d’occupations, était électrisant. Les victoires remportées par ce mouvement – y compris l’enseignement gratuit de deuxième niveau et la construction d’écoles – figurent parmi les droits défendus aujourd’hui par le SE.

    Juan Ignacio a détaillé toutes les tentatives du gouvernement Gonzalez : affrontement, tentative de corruption de dirigeants du SE naissant,… Tout cela fut vain. Le caractère incorruptible, audacieux et révolutionnaire est aujourd’hui encore bien visible de tous et ce Congrès en fut le parfait témoignage.

    Le SE et IR ont un énorme potentiel de croissance et de développement. Beaucoup d’étudiants présents ont pris la décision de rejoindre IR pendant le week-end, reconnaissant que combattre et être organisé est la clé, mais que ce n’est pas suffisant. Une direction politique socialiste révolutionnaire doit également être construite.

    Tous les membres du CIO qui ont assisté au congrès sont convaincus qu’IR est sur la bonne voie vers la construction d’un tel instrument politique.

  • Etat espagnol. Victoire du Syndicat des étudiants contre le gouvernement du PP!

    Des mobilisations historiques ont poussé le gouvernement à reculer

    Quelques jours après la dernière grève générale étudiante appelée par le Sindicato de Estudiantes contre les “Revalidas Fanquistas” (un système visant à limiter l’accès à l’enseignement qui existait à l’époque de la dictature franquiste), les faits ont démontré que nous avions raison : la lutte paie.

    Déclaration du Sindicato de Estudiantes (Syndicat des étudiants)

    Suite à une rencontre entre le ministère de l’Education et les représentants des régions autonomes, les revalidas – proposées par Wert, l’ancien ministre de l’Education – ont été abandonnées. Ces examens réactionnaires visaient à exclure des étudiants issus de la classe ouvrière des universités. Le nouvel accord garantit que la simple réussi du Bachillerato (en fin de secondaire) sera traitée de la même manière que le PAU (l’examen d’entrée à l’université). Les examens de réévaluation, les revalidas, qui devaient être dispensées à la fin de la dernière année du secondaire et de l’école primaire, ne seront plus obligatoires et n’ont aucune portée académique. Ces tests seront purement indicatifs. En d’autres termes, ils ne seront introduits que dans certaines écoles et comme des tests indicatifs.

    Cet accord signifie que nous avons réussi à vaincre les Revalidas Franquistas et, ce faisant, que nous avons empêché des centaines de milliers de jeunes d’être jetés hors des salles de classe !

    Cette victoire est le fruit de la lutte menée par des millions d’étudiants au cours de ces dernières années et est tout particulièrement due aux grèves étudiantes historiques de ces 24 octobre et 25 novembre, à l’initiative du Sindicato de Estudiantes.

    Ces grèves ont vidé les salles de classe et ont rempli les rues pour protester contre ces examens injustes et réactionnaires. Cette victoire a également été permise grâce à la présence à nos côtés des parents et des enseignants. Certains pourraient être tentés de revendiquer la victoire pour eux-mêmes, comme au PSOE (le parti social-démocrate), alors que ce parti a soutenu la formation du nouveau gouvernement de Mariano Rajoy!

    En réalité, la seule raison pour laquelle le gouvernement du PP a cédé sur cette question d’importance stratégique pour eux, c’est la mobilisation et la lutte dans la rue.

    Il s’agit d’une première victoire. La lutte doit continuer dans le but d’en finir avec la LOMCE (une réforme de l’éducation) de même que pour s’assurer qu’il ne reste pas la moindre virgule de cette contre-réforme franquiste.

    Nous avons déclaré au gouvernement et à leurs amis – Cuidadanos (le parti de droite des Citoyens) et les dirigeants du PSOE – que nous sommes conscients de l’importance de cette victoire. Nous ne leur permettrons pas de poursuivre leurs attaques contre l’éducation publique avec leurs dernières manœuvres sous la forme du «Pacte pour l’éducation». Nous leur avons dit qu’ils ne nous tromperaient pas et qu’il n’y aurait pas de pacte s’ils refusaient de reconnaître et de mettre en œuvre les revendications des millions de personnes qui ont lutté sans relâche dans le cadre de la Marea Verde (des protestations de masse en défense de l’enseignement qui ont pris place en 2011/12).

    Leurs revendications sont les suivantes : le retour des 7 milliards d’euros volés au budget de l’éducation publique; le réengagement des 32.000 enseignants licenciés; l’abrogation du projet LOMCE et des examens 3 + 2; la suppression des subventions publiques pour l’enseignement religieux et privé.

    Si le gouvernement décide de prendre le chemin qu’ils ont suivi ces dernières années, ils doivent être conscients d’une chose: nous allons à nouveau prendre la rue.

  • [INTERVIEW] Les étudiants espagnols en première ligne contre le nouveau gouvernement

    anagarcia

    Entretien avec Ana Garcia, secrétaire générale du Sindicato de Estudiantes

    Une grève étudiante historique a eu lieu dans l’Etat espagnol le 26 octobre dernier à l’initiative du Sindicato de Estudiantes (SE). 200.000 jeunes avaient notamment défilé dans les rues de tout le pays. Cette lutte n’est pas terminée et une nouvelle grève étudiante prend place en ce moment-même. Nous en avons discuté avec Ana Garcia, Secrétaire générale du SE. Ana est également membre d’Izquierda Revolucionaria, une organisation marxiste de l’Etat espagnol avec laquelle le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) et sa section sur place, Socialismo Revolucionario, établissent des liens étroits de collaboration politique et de solidarité.

    Félicitations pour votre réussite historique du 26 octobre! Peux-tu nous donner une idée de l’ampleur du mouvement?

    Pour nous, la force de cette grève du 26 correspondait tant à la gravité qu’à la brutalité de l’attaque du gouvernement contre l’éducation publique. Parmi les étudiants du secondaire, la participation à la grève était de 90% ! Elle fut encore plus forte chez les étudiants des dernières années, ceux qui ont le plus à perdre à court terme.

    Les manifestations étudiantes étaient phénoménales. Elles furent énormes dans les plus grandes villes, Madrid et Barcelone (où respectivement 60.000 et 50.000 personnes ont défilé). D’autre part, des mobilisations ont pris place dans plus de 70 villes grandes et petites dans tout le pays. La force des manifestations et de la participation à la grève était assez constante dans chaque région de l’État.

    À Bilbao, la plus grande ville du Pays basque, plus de 10.000 personnes ont défilé, ce fut la plus grande manifestation de la jeunesse depuis de nombreuses années. En Catalogne, la manifestation de Barcelone était d’une ampleur historique, mais des milliers d’autres jeunes ont également marché dans de plus petites villes catalanes. L’énorme force des mobilisations au Pays basque, en Catalogne et en Galice – en dépit de l’opposition de nombreuses organisations étudiantes nationalistes – est particulièrement significative.

    Dans tout le reste de l’État, de l’Andalousie à Murcie en passant par les îles Canaries, ces manifestations furent les plus importantes depuis des années, en général depuis les «marches pour la dignité» de mars 2014. À Madrid, là où des syndicats d’enseignants se sont joints à nous, plus de 60% des enseignants ne se sont pas rendus travailler. Cela démontre quel est le potentiel pour de nouveaux mouvements de grève généralisés. Une grève générale de l’enseignement est fermement à l’ordre du jour. Nous lutterons de toutes nos forces pour que cela devienne une réalité, notamment au travers de la nouvelle journée de lutte du 24 novembre.

    En réalité, notre grève symbolise l’ouverture d’une nouvelle phase de la lutte de classe en Espagne. Un scénario nouveau et explosif est apparu après une période où les espoirs et les attentes de beaucoup de gens étaient concentrés sur le plan électoral. Les crises qui ont explosé dans le PSOE (le parti social-démocrate) ainsi qu’au sein de Podemos dans une moindre mesure en témoignent également. Notre grève a coïncidé avec la trahison historique de la direction du PSOE, qui a remis le pouvoir au Parti Populaire (PP, droite).

    Nous sommes fiers d’avoir impulsé la première réponse de masse face à cette trahison. Cela a servi d’avertissement au nouveau gouvernement de Rajoy concernant l’avenir qu’il devra affronter, en confrontation des luttes des travailleurs et de la jeunesse.

    Peux-tu nous parler de la préparation de la grève? Pourquoi les enseignants se sont-ils joints à la grève à Madrid uniquement ?

    Les dernières attaques gouvernementales contre l’enseignement ont été annoncées de manière parfaitement lâche, pendant les vacances d’été, afin de tenter de prendre le mouvement par surprise et de profiter de la «passivité» de la période estivale.

    Nous (le syndicat des étudiants) avons immédiatement compris l’ampleur de ces attaques de même que la nécessité d’une réaction militante. Nous avons lancé en urgence une proposition de discussion sur la ‘‘Plate-forme pour la défense de l’éducation publique’’, une plateforme unitaire des syndicats d’enseignants, de parents et d’organisations étudiantes qui est née du mouvement de masse «Marea Verde» de 2012. Nous avons proposé l’organisation d’une grève générale dans le secteur de l’éducation.

    La réponse des dirigeants des principaux syndicats d’enseignants – CCOO, UGT et STEs – fut de dire qu’ils étaient d’accord avec nous sur la gravité de ces attaques et le danger qu’elles représentent. Ils ont toutefois refusé d’appeler à la grève. Cela correspond malheureusement à la ligne de conduite dominante dans le mouvement syndical en ce moment. Tout en s’opposant en théorie à l’austérité, la majorité des dirigeants syndicaux défendent en pratique une politique de paix sociale et de démobilisation. C’est l’un des facteurs qui profitent le plus à la bourgeoisie dans la situation actuelle.

    L’organisation des parents d’Espagne, le CEAPA, a toutefois adopté une approche différente en acceptant de soutenir notre appel à la grève générale de l’éducation et en participant à cet appel pour que les syndicats d’enseignants adhèrent à la grève. Leur soutien a sans aucun doute été un facteur important dans le succès de cette journée.

    Comme cela a toujours été le cas ces dernières années, le refus des dirigeants syndicaux de mener une lutte sérieuse a provoqué un mécontentement généralisé. Comme nous le souhaitions, notre grève est devenue un point de référence pour les activistes du mouvement syndical, non seulement dans le domaine de l’éducation mais aussi ailleurs. En fin de compte, sous pression de la base, les enseignants de Madrid et les syndicats de l’éducation ont tous appelé à faire grève. En Andalousie, l’un des plus grands syndicats d’enseignants a suivi. Beaucoup d’autres syndicats sont venus déclarer leur soutien, sans toutefois appeler à la grève.

    Bien entendu, la préparation la plus importante pour la grève a été menée chez les étudiants eux-mêmes. Pour commencer, nous avons organisé des distributions massives de centaines de milliers de tracts et d’affiches informatives, expliquant ce qui était en jeu dans la lutte et en présentant notre proposition de grève. Sur cette base, nous avons organisé des assemblées et des comités de grève dans des centaines d’écoles.

    Des dizaines de milliers d’étudiants ont assisté à des centaines d’assemblées organisées dans les semaines ayant précédé la grève. Ils ont discuté de son organisation et voté en masse pour y participer. Nous sommes intervenus directement dans près de 600 écoles en prévision de la grève. Dans ce processus, nous avons recruté des milliers de nouveaux militants pour le syndicat le SE.

    Au lendemain de la grève, Rajoy a annoncé quelques changements concernant les “revalidations franquistes”. Qu’est-ce que cela signifient en réalité?

    Absolument rien. Ses déclarations visaient à semer la confusion et à démobiliser le mouvement. Ce qu’il a effectivement dit, c’est que les ‘‘revalidas’’ (un système de validation des études qui vise à exclure un grand nombre d’étudiants) prendront bien place cette année, sans avoir de ‘‘conséquences juridiques’’. C’était déjà ce qui était prévu! L’objectif est d’introduire les ‘‘revalidas’’ et de les établir comme faits sur le terrain avant de leur donner des conséquences juridiques et scolaires l’année prochaine.

    Notre réponse est claire: nous demandons un retrait immédiat de cette attaque.

    La campagne internationale de solidarité et de soutien du Comité pour une Internationale Ouvrière a-t-elle eu un impact sur la grève?

    Cela a eu un impact énorme, surtout sur le moral de ceux qui luttaient pour construire la grève. Nous avons été impressionnés par la quantité de messages de soutien et de solidarité, les vidéos, les photos et les lettres qui arrivaient constamment de militants, de syndicalistes et de combattants de la classe ouvrière et des jeunes du monde entier.

    Recevoir un soutien actif et la solidarité de plus de 25 pays a eu un énorme impact, cela souligne également le caractère international de notre lutte. Les coupes budgétaires et la privatisation de l’éducation ont constitué un élément stratégique important de la politique capitaliste à travers le monde. Les mouvements de la jeunesse et d’étudiants que nous avons vus en témoignent. Voir des jeunes de ces pays – le Chili, la Grande-Bretagne, la Grèce, l’Italie, le Québec, là où des mouvements étudiants massifs nous ont inspirés ces dernières années – se mobiliser en solidarité avec NOTRE grève a été une expérience fantastique !

    Le cas de Hong Kong, où le consul général d’Espagne a attaqué les membres de Socialist Action (section du Comité pour une Internationale Ouvrière à Hong Kong) alors qu’ils organisaient une manifestation de solidarité a eu un impact particulier. Cela a été relayé par les médias espagnols, à la télévision nationale, et dans les principaux quotidiens capitalistes comme El Pais et El Mundo.

    Le jour de la grève, une représentante des Socialist Students (équivalent des Etudiants de Gauche Actifs en Angleterre & au Pays de Galles), Claire Laker Mansfield, était présente à Madrid et s’est adressée à la manifestation. La liste des villes et des pays du monde qui se joignaient à nous pour protester ce jour-là a eu un impact électrifiant sur la manifestation. Nous tenons à remercier le Comité pour une internationale Ouvrière et tous ceux qui ont participé à cette campagne

    Pouvez-vous nous en dire plus sur le SE, son histoire et son rôle?

    Le SE est une organisation d’étudiants et de jeunes organisant des étudiants à tous les niveaux. Nous nous définissons comme combatifs, anticapitalistes et révolutionnaires. Nous nous considérons non seulement comme un syndicat étudiant (ce que nous sommes bien sûr), mais aussi comme une union d’étudiants de la classe ouvrière qui, en réalité, sont ceux qui ont vraiment à lutter pour un droit d’accès à l’éducation. Par conséquent, nous avons toujours considéré notre lutte comme étant liée à celle de la classe ouvrière contre le capitalisme.

    Le SE a été fondée dans les années ‘80 par des membres de l’organisation “Nuevo Claridad” (qui est devenu plus tard “El Militante” et qui est maintenant Izquierda Revolucionaria). Il est né dans la chaleur d’un mouvement populaire de masse contre les politiques du premier gouvernement ‘‘socialiste’’ dirigé par Felipe Gonzalez, en 1986. D’énormes espoirs avaient été placés dans ce gouvernement par la classe ouvrière et la jeunesse. Mais sa politique fut opposée à leurs intérêts.

    Il y a donc eu un massif mouvement de grèves et d’occupations en opposition à la politique de Gonzalez concernant l’enseignement. Cette lutte a arraché des gains importants, notamment la mise en œuvre d’un enseignement gratuit dans le secondaire, la construction de centaines de nouvelles écoles publiques dans tout le pays et le droit légal de faire grève pour les étudiants. Nombre de ces conquêtes restent encore de mise aujourd’hui. Mais il nous faut lutter pour leur défense. Le SE est resté un représentant dynamique de l’organisation et de la lutte des jeunes depuis cette date.

    Qu’est-ce que l’avenir réserve au SE et à la lutte de classes dans l’Etat espagnol ? Comment considérez-vous la situation politique actuelle ?

    Nous travaillons déjà tous pour le succès de notre prochaine grève le 24 novembre en renforçant la conscience et la construction du mouvement. Nous devons consolider la croissance importante de manifestants que nous avons constatée pendant la grève ainsi que les milliers de nouveaux militants du SE pour construire une grève encore plus grande et plus puissante.

    Il n’y a jamais de garantie de succès ou de dépassement du niveau de notre dernière grève. Cependant, nous croyons que le 26 octobre, ainsi que la manifestation de masse qui a eu lieu au parlement contre la formation du nouveau gouvernement, a montré le désir de lutter contre celui-ci, en particulier parmi la jeunesse ouvrière.

    Nous continuerons à lutter pour une grève générale de masse dans le secteur de l’éducation ainsi que pour la construction de manifestations militantes de masse et d’actions de grève à travers le mouvement ouvrier et la gauche pendant la prochaine période. La crise du PSOE et le glissement vers la gauche dans les discours du leader de Podemos, Pablo Iglesias, sont autant d’éléments qui expriment et accentuent la profonde radicalisation et polarisation dans cette nouvelle situation.

    Ce nouveau gouvernement, illégitime et corrompu, aura une tâche difficile à relever pour mettre en œuvre les mesures d’austérité exigées par le capitalisme et l’Union européenne. Il sera confronté à une classe ouvrière mobilisée orientée à gauche et qui résistera farouchement. La gauche et le mouvement ouvrier doivent se préparer d’urgence pour une nouvelle période de lutte dans les rues et sur les lieux de travail.

    Je suis membre d’Izquierda Revolucionaria (gauche révolutionnaire) parce que je crois que pour mettre fin à l’austérité, le mouvement doit être armé d’une perspective et d’un programme socialistes et révolutionnaires.

    L’expérience de la crise a jusqu’ici exposé la faillite du crétinisme parlementaire et des appels naïfs à un ‘‘compromis’’ avec la classe dirigeante. Dans l’éducation, comme dans tous les autres secteurs, nos droits ne peuvent être réellement satisfaits que par une rupture totale avec les politiques capitalistes. Seules les politiques socialistes, la propriété publique et le contrôle démocratique de la richesse et des ressources peuvent garantir une éducation publique de qualité à la classe ouvrière.

    Les mouvements de masse de la période à venir remettront à l’ordre du jour la perspective d’un changement révolutionnaire de société, seul chemin capable d’offrir un avenir décent à notre génération.

  • La grève massive des étudiants espagnols fait vaciller le gouvernement

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    De nouvelles actions déjà prévues pour faire pression sur le gouvernement du PP (Parti populaire) – Rapport d’une participante

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    Ana Garcia (secrétaire générale du Sindicato de Estudiantes (à gauche) et Claire Laker-Mansfield, organisatrice nationale des Socialist Students.

    Une vague de protestation a balayé les rues et les places de l’Etat espagnol le 26 octobre dernier. Deux millions de personnes, principalement des élèves du secondaire, ont participé à une grève organisée par le Sindicato de Estudiantes (SE- syndicat des étudiants). Claire Laker-Mansfield, organisatrice nationale des Socialist Students (équivalent des Etudiants de Gauche Actifs en Angleterre et au Pays de Galles), a été invitée à y participer par Izquierda Revolucionaria, une organisation qui joue un rôle de premier plan dans SE. Voici son rapport.

    La grève a été forte – plus de 90% de participation. Mais les étudiants ne sont pas simplement restés chez eux. Plus de 200.000 jeunes ont rejoint les manifestations organisées dans plus de 60 villes. La journée fut une puissante expression de résistance. À Madrid seulement, 60.000 étudiants sont sortis dans les rues. L’atmosphère de la manifestation était un mélange de colère, de détermination et de puissance. Ce fut la première manifestation majeure pour des milliers de participants de même qu’une première expérience d’action collective.

    Au-delà de la colère, on pouvait aussi constater de la joie et de l’optimisme, sur base de la confiance renouvelée que l’austérité n’est pas un fait imposé, mais qu’elle peut être combattue et vaincue. La revendication la plus importante de la grève était d’abolir les «revalidations» introduites par le gouvernement. Celles-ci existaient déjà sous le régime du dictateur Franco, il s’agit d’une série d’examens obligatoires que les étudiants doivent passer à différentes étapes de leur scolarité. Les étudiants qui ne réussissent pas ces tests seront empêchés de progresser vers la prochaine étape de leurs études académiques.

    S’ils sont mis en œuvre de la manière prévue par le gouvernement, ces examens empêcheront des milliers d’étudiants, surtout ceux issus de milieux ouvriers, d’accéder à l’université. Pis encore, des milliers d’autres pourraient être forcés de quitter l’école plus tôt, avec presque aucune qualification formelle. En réalité, l’intention cachée est de marquer les jeunes comme étant des «échecs» et de limiter leurs attentes en termes de perspectives d’avenir.

    En réalité, c’est le capitalisme qui est en échec. Le taux de chômage des jeunes en Espagne s’élève actuellement à 45%. La grève des étudiants était aussi, en partie, une protestation contre les perspectives désespérées auxquelles sont confrontés les jeunes. En plus d’exiger la fin des «revalidations» franquistes, la grève était également contre le «LOMCE» – un décret du gouvernement qui inclut des coupes budgétaires croissantes dans l’enseignement.

    L’un des chants qui revenait le plus souvent était «Si Se Puede» : oui nous le pouvons ! L’utilisation de ce slogan, utilisé tout d’abord par le mouvement contre les expulsions de logements qui a traversé l’Espagne, a illustré la manière dont les étudiants grévistes se considéraient comme faisant partie d’un mouvement global contre l’austérité et ses effets. «Travailleurs et étudiants ensemble» a été chanté à plusieurs reprises pendant que la marche continuait. À Madrid, les enseignants étaient également en grève ce jour-là. Leurs syndicats ont soutenu la grève et ont appelé à une manifestation qui a continué dans la soirée. Mais cela n’a pas été répété ailleurs. Le caractère isolé de la grève des enseignants à Madrid n’est pas dû à un manque de colère ou de volonté de prendre des mesures parmi les travailleurs de l’éducation. Les dirigeants syndicaux ont peur de ce qui pourrait être ainsi déclenché. Comme en Grande-Bretagne, les dirigeants syndicaux de droite tentent de bloquer le développement de la lutte des masses

    Mais malgré les incohérences des dirigeants syndicaux, des dizaines de milliers de travailleurs se sont joints à la manifestation qui avait été appelée à Madrid ce soir-là. L’un des facteurs de succès de la grève a été le soutien de l’Association nationale des parents d’élèves (CEAPA). En plus de participer à la marche du soir et d’appeler à celle-ci, la CEAPA a également aidé des milliers de parents à garder leurs jeunes enfants hors de l’école pendant la journée de grève. C’était la première action d’une telle ampleur depuis un certain nombre d’années. Et cela a permis de libérer l’énorme mécontentement et la colère qui existe au sein de la société espagnole.

    Quelques jours plus tard, une manifestation de masse a eu lieu à Madrid contre la formation du gouvernement de droite du Partido Popular (PP). Les manifestants ont crié à plusieurs «traîtres» en faisant référence à la capitulation des dirigeants du PSOE (Parti social-démocrate). La majorité des députés du PSOE se sont abstenus lors d’un vote parlementaire pour élire le Premier ministre.
    Cette abstention a permis de donner le pouvoir au PP, en dépit de leur incapacité à obtenir la majorité dans les élections. Ainsi, le 26 octobre, la colère suite à cette trahison historique était énorme.

    Le SE (Syndicat des Etudiants) a déclaré que, à moins que le gouvernement ne réponde à ses demandes, notamment en dégageant les «revalidations» franquistes, une nouvelle grève étudiante aurait lieu en novembre. Compte tenu de la colère qui bouillonne, il y a toutes les chances que cela puisse être aussi grand, ou même plus, que la première. Tout au long de la journée, les dirigeants du SE, dont Ana Garcia, la secrétaire générale, ont été interviewés par les principales chaînes de télévision, les journaux et autres médias. Ana a pu exprimer la colère et la détermination intense de ses membres. Cela contrastait avec les dirigeants des principaux syndicats. Mais Ana a également été en mesure de soulever la nécessité d’une lutte généralisée – aidant à exercer une pression sur le sommet des syndicats pour que ceux-ci fassent leur « travail ».

    La solidarité internationale organisée par les socialistes et les syndicalistes du monde entier a grandement contribué à renforcer la confiance et la détermination des étudiants et des travailleurs.

    Au cours de la manifestation, je n’ai pu mentionner qu’un petit nombre des actions de solidarité organisées par le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) et ses sections. Mais chaque exemple que j’ai donné a engendré d’énormes acclamations. L’action organisée par le CIO à Hong Kong – pendant laquelle le consul général espagnol a physiquement agressé et attaqué un manifestant – a servi à démontrer la crainte de l’establishment de mouvements comme celui-ci, ainsi que les conditions dangereuses dans lesquelles les socialistes travaillent dans de nombreuses régions du monde. Cette action a fait une impression particulière et a depuis été rapportée dans deux grands journaux nationaux en Espagne. Mais c’est aussi l’ampleur de l’effort de solidarité qui a aidé les gens à s’y intéresser. Il y a eu des manifestations dans plus de 20 pays à travers le monde !

    La grève qui a eu lieu le 26 octobre a donné aux travailleurs et aux jeunes d’Espagne un nouveau goût pour la lutte. Elle a rompu la paix sociale fragile qui existait et a ouvert la voie à une nouvelle phase dans la lutte contre l’austérité et le système capitaliste qui l’impose. Cette détermination à combattre ne s’arrêtera pas aux frontières de l’Espagne. Partout dans le monde, sur base du capitalisme, la prochaine génération est confrontée à un sombre avenir.

    Certaines des réactions les plus fortes lors des rassemblements à Madrid sont venues lorsque les orateurs ont soulevé la nécessité d’un changement socialiste de société. C’est un avant-goût des grands mouvements à venir, des mouvements qui lutteront pour la fin du système capitaliste et pour l’instauration d’une société socialiste dans l’intérêt des 99%.

    Ce n’était pas seulement à Madrid que des milliers d’étudiants se sont joints aux protestations. Voici quelques exemples des manifestations fantastiques qui ont eues lieu partout dans l’État espagnol. Au Pays Basque, plus de 10.000 personnes ont manifestés à Bilbao, 5 000 à Donostia et des milliers de plus à Vitoria, Gasteiz et Iruña. En Catalogne, plus de 50.000 personnes ont rempli les rues de Barcelone, avec des milliers de plus à Tarragone et Girona et des dizaines d’autres villes. Près de 10.000 personnes ont manifesté à Valence, avec des milliers d’autres à Alicante ; 5.000 en Galice, 3.000 à Coruña et des milliers d’autres dans d’autres villes. En Andalousie, 15.000 personnes ont manifesté à Grenade, 10.000 à Séville, 7.000 à Malaga, 2.000 à Cadix et plus de 1.000 à Almeria et Huelva … Des milliers ont également défilé à Extremadura, aux îles Canaries, aux îles Baléares, en Murcie, en Castille Y León, à Castilla La Mancha et à Cantabria.

  • Espagne : La direction du PSOE donne le pouvoir au PP

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    Un nouveau gouvernement a été formé et il sera d’un tout nouveau type. Mariano Rajoy a été élu premier ministre mais uniquement grâce à l’abstention des 68 parlementaires du PSOE qui ont ainsi trahi comme jamais à la fois les membres de leur parti et leur base sociale et électorale. Le nouveau gouvernement PP est faible et critiqué de toutes parts: sa tâche s’annonce difficile. Les développements autour de la formation du gouvernement illustre la profondeur de la crise du capitalisme en Espagne. Une nouvelle phase de la lutte des classes s’ouvre, marquée par le retour des mobilisations de masse.

    Décalration d’Izquierda Revolucionaria 

    Des convulsions dans le PSOE

    Dans diverses assemblées convoquées en urgence, une large majorité des membres du PSOE ont voté pour le NON au soutien de Rajoy, c’est aussi l’avis de 70 % des électeurs du PSOE, mais tout cela ne compte pour rien. Le comité fédéral du parti a fait la sourde oreille pour donner le pouvoir au PP, ouvrant alors les portes pour des coupes budgétaires et une austérité plus brutales. Ce fait restera dans l’histoire comme une des plus grandes trahisons de la social-démocratie espagnole.

    La direction putshiste du PSOE conduite par les «barons» du parti et Felipe Gonzalez – et derrière eux la grande bourgeoisie et ses porte-parole médiatiques – a agit avec le plus grand cynisme en refusant aux membres le droit de décider démocratiquement au sujet d’une question de toute première importance. Ils ont par la suite exigé une discipline totale de la part des parlementaires. En dépit des menaces, 15 députés du PSOE, dont l’ensemble des élus du PSC (la partie catalane du PSOE) ont voté NON à Rajoy. Pedro Sanchez (l’ancien dirigeant du parti dégagé par le putsh de la direction) a démissionné de son poste de député pour s’opposer à la droite du parti.

    La décision de Pedro Sanchez de simplement démissionner est discutable. Il aurait pu jouer un rôle au sein du parlement pour lutter contre l’aile pro-capitaliste du PSOE et organiser les forces de ce qui pourrait devenir une future aile gauche. Malgré cela, dans les heures précédant la trahison du PSOE, il a appelé au parlement à un congrès du parti immédiatement et ce juste après avoir rejeté la politique de la direction. Il a aussi appelé à ”refonder le PSOE en dehors du PP” et pour ”rendre leur voix aux membres du parti”. Ces déclarations ont eu un énorme impact sur la base du parti.

    Pedro Sanchez s’est engagé à faire le tour des sections locales du PSOE afin de rassembler les forces et de se préparer à reprendre le poste de secrétaire général. Felipe Gonzales, Suzana Diaz & Co ne se sont pas encore opposés à ce que Sanchez tente de nouveau de se faire élire au poste de secrétaire général. La bataille sera longue et dure au sein du parti et ce sera un facteur important à considérer dans les perspectives à court terme.

    Une capitulation historique

    Le masque est tombé et toutes les déclarations démagogiques des dirigeants du PSOE ont été reléguées au passé. La vérité est concrète. Cette trahison est un programme politique en soi. Elle représente une décision stratégique aux conséquences énormes et démontre à quel point la direction du PSOE est liée à la classe dominante. Dans les faits, cela représente une forme de «coalition tripartite» entre le PP, le PSOE et Ciudadanos comme l’a correctement déclaré le dirigeant de Podemos, Pablo Iglesias.

    Cette abstention ne mènera pas à un «agenda réformiste» comme le prétendait le dirigeant du PSOE Juan Ramon Jauregui. En fait, elle permettra de poursuivre la politique d’austérité du PP et d’infliger de nouvelles souffrances à des millions de personnes. Les dirigeants du PSOE se sont révélés incapables de rompre avec les diktats d’austérité des banques et de l’Union européenne quand ils étaient au pouvoir, est-il seulement imaginable qu’ils le fassent maintenant ?

    La démarche actuelle de la bourgeoisie, même si elle a dû y réfléchir à 2 fois, est finalement d’accélérer la ”pasokisation” du PSOE (en référence au parti social-démocrate grec, le Pasok, atomisé après avoir soutenu la politique d’austérité, NDLA) afin de ruiner ce dernier au lieu de sacrifier le PP. Toutes les conditions d’une crise interne du PSOE sont présentes. Il s’agit de la plus grave des décisions de la part de la classe dirigeante. La direction du PSOE a joué un rôle crucial dans la garantie de la stabilité capitaliste en Espagne au cours de ces dernières décennies.

    Il est important de rappeler que Felipe Gonzalez et la direction du PSOE ont profité au cours de ces dernières décennies des énormes réserves sociales que le parti s’étaient construites sur base de la mémoire historique de millions d’hommes et de femmes qui ont souffert de la longue nuit de la dictature franquiste, mais aussi sur base de la croissance économique de la période post-transition. Ils ont également été aidés par le fait que l’aile droite traditionnelle suinte le franquisme par tous les pores.

    Mais plus de trois décennies passées à défendre les intérêts capitalistes tant en Espagne qu’à l’échelle internationale ont laissé leur marque. Les privatisations, l’entrée dans l’OTAN et l’UE, la répression brutale au Pays Basque, l’intervention dans les guerres impérialistes et les atteintes aux droits démocratiques,… La perte de crédibilité politique du PSOE s’est développée au cours de ces 10 dernières années et s’est même accélérée avec le déclenchement de la crise économique.

    Il est inutile de blâmer un ou l’autre dirigeant pour ce processus. La cause fondamentale de la crise actuelle du PSOE est politique: une époque de déclin organique du capitalisme. Les conquêtes sociales sont éliminées les unes après les autres tandis que l’austérité et les coupes budgétaires dominent. Les dirigeants sociaux-démocrates se soumettent à cela et à toutes les conséquences qui y sont liées. Nous l’avons observé en France avec Hollande, en Allemagne avec le SPD, en Grèce avec le PASOK et en Grande-Bretagne avec les Blairistes (les partisans de la ligne de Tony Blair lorsqu’il était à la tête du Parti travailliste, NDLR). En Espagne, la dynamique fut identique: coupes budgétaires, réformes constitutionnelles pour soutenir les banques, soutien au nationalisme espagnol (ce qui a conduit le PSOE à une position marginale au Pays Basque et en Catalogne), sans parler d’une arrogante défense de la «gestion» capitaliste. Tout cela a clairement situé le PSOE à la droite de l’échiquier politique. La raison fondamentale de l’explosion actuelle et de la crise du PSOE réside cependant dans la lutte des classes et dans son impact sur la conscience de millions de personnes.

    Réformes ou révolution ?

    Le glissement vers la gauche au sein de la jeunesse et de la classe ouvrière est le facteur le plus important dans la crise du capitalisme espagnol. Il a brisé le système des deux partis et rompu avec l’hégémonie du nationalisme espagnol. C’est un changement vers la gauche né de la mobilisation sociale extraordinaire des dernières années, dont l’ampleur n’a pas été vue depuis les grandes luttes contre la dictature de Franco dans les années 1970. Avec le mouvement «indignados», les grèves générales, les «marches pour la dignité», les mouvements pour la défense des soins de santé et l’enseignement, les luttes étudiantes et les manifestations de masse pour le droit à l’autodétermination en Catalogne,… des millions de travailleurs ont tourné le dos au PSOE et aux principales bureaucraties syndicales.

    Ces mouvements reflétaient des changements importants dans la conscience de masse. L’un des principaux facteurs présents était leur profond radicalisme et leur hostilité envers les appareils bureaucratiques de la social-démocratie et des grands syndicats qui ont maintenu leur stratégie de paix sociale qui offre de l’oxygène aux attaques antisociales du PP. C’est ce qui a créé l’espace pour l’émergence et le développement de Podemos, qui est devenu une alternative à la bureaucratie social-démocrate. La croissance explosive de la formation de Pablo Iglesias ne peut s’expliquer que par cette grande explosion sociale ainsi que par la tendance à la rupture avec le système que reflètent toutes ces mobilisations.

    Podemos, en remportant la moitié de la base électorale du PSOE, a illustré la profondeur de la crise de la social-démocratie. L’évolution de la situation a toutefois posé des questions plus intéressantes qui doivent être analysées.

    Après leur ascension fulgurante, les dirigeants de Podemos ont procédé à l’abandon de la lutte dans les rues. Ils cherchaient à occuper l’espace de la social-démocratie traditionnelle. Cela n’a cependant pas permis d’atteindre les résultats escomptés. Loin d’apporter le succès électoral, ce tournant vers «l’institutionnalisme» – avec la gestion de nombreuses grandes villes sans rompre avec les privatisations et la logique capitaliste, ainsi que l’abandon de certains aspects parmi les plus avancés de son programme – a sapé la base de Podemos parmi certaines couches de travailleurs et de jeunes.

    La crise du PSOE, et celle qui se développe au sein de Podemos, reflète le débat fondamental qui a toujours été présent dans le mouvement ouvrier : celui entre réformes et révolution. Pour la social-démocratie et pour beaucoup de dirigeants des nouvelles formations de gauche, rien n’existe en dehors de la charade parlementaire et institutionnelle. Ils rejettent le marxisme et affirment qu’il est incapable de répondre aux nouveaux «défis politiques» du 21ème siècle. Mais lorsqu’ils parviennent au pouvoir, ils capitulent rapidement devant la pression et les exigences des capitalistes. Ce fut le cas avec Alexis Tsipras (Syriza) en Grèce.

    Les vieux dilemmes du mouvement sont à nouveau à l’ordre du jour, car les anciens problèmes n’ont pas encore été résolus. En cette époque de récession mondiale, même une toute petite réforme favorable au peuple nécessite une lutte de classe majeure. Les discours parlementaires sont inutiles. Les négociations et un esprit de «consensus» sont incapables de forcer la main des capitalistes. Pour vaincre les attaques du capital, il nous faut un programme socialiste reposant sur la mobilisation des masses. Ces choses sont un tabou pour la social-démocratie officielle. Pour beaucoup de dirigeants de gauche qui veulent occuper son espace également.

    Construire une mobilisation de masse contre la droite

    L’élection de Rajoy, obtenue grâce à l’attitude du PSOE, donne à ce gouvernement un caractère frauduleux et illégitime, dès son entrée en fonction. La bourgeoisie, en déclenchant la crise au sein du PSOE, cherchait la stabilité pour appliquer son programme de coupes budgétaires. Le résultat final n’est toutefois pas celui escompté.

    Ce gouvernement sera extrêmement faible et devra subir le lourd fardeau d’avoir à tenir compte de Ciudadanos et du PSOE au sujet des aspects fondamentaux de son programme. Le PSOE est en crise profonde, sous le feu nourri des attaques de ses membres de bases et de ses électeurs, tandis que Pedro Sanchez défie la direction actuelle. C’est tout le contraire de la stabilité espérée. A cela s’ajoutent encore de sombres perspectives économiques.

    Pour rendre les choses encore plus compliquées, les choses sont en ébullition chez Podemos. Le changement de discours de Pablo Iglesias a été remarquable ces dernières semaines, mais ce n’est pas tellement une surprise. Cela reflète en fin de compte les processus à l’œuvre dans la lutte des classes ainsi que son impact sur une formation instable telle que Podemos. Iglesias a accepté pendant longtemps la stratégie de démobilisation. Il suffit de se remémorer ce qu’il avait déclaré à la suite des élections du 26 juin. Il avait alors souligné que le travail parlementaire devait être l’axe central de la stratégie de Podemos. Il a largement été prouvé que cette ligne ne favorise que la droite, à l’intérieur et à l’extérieur de Podemos.

    En refusant de défier les politiques du PP dans la rue, Podemos s’est affaibli et, par conséquent, Iglesias également. Cela a renforcé Iñigo Errejón, qui a été plus qu’heureux de diriger le tournant vers la “modération” social-démocrate. Il serait plus heureux encore de remplacer Iglesias à la direction. Voilà d’où provient le changement de ton opéré par Iglesias, sa remise en cause du «confort» du parlementarisme, son appel à un retour vers la lutte de la rue et le repositionnement de l’axe d’action de Podemos vers la défense d’une grève générale et vers une certaine autocritique de son attitude récente. Ce discours est une illustration de l’énorme pression exercée par les masses et de la peur du développement de l’aile droite de Podemos. Ce déclarations encouragent parallèlement la mobilisation sociale et mettent en évidence les énormes difficultés auxquelles Rajoy devra s’adapter.

    La tâche principale à l’heure actuelle est d’orienter l’action de la gauche vers la mobilisation et la lutte. La grève générale des étudiants et de l’éducation du 26 octobre dernier, organisée par le Sindicato de Estudiantes, dans laquelle les marxistes d’Izquierda Revolucionaria ont joué un rôle très actif, a été un événement décisif. Plus de 2 millions d’étudiants ont participé à la grève et 200.000 d’entre eux ont rempli les rues avec plus de 70 manifestations. Cela montre quelle est l’atmosphère parmi les masses, quelle est leur volonté de lutter et de combattre. Il s’agissait de la plus grande mobilisation depuis des années, en particulier depuis les Marches pour la dignité du 22 mars 2014. Cela illustre de quelle façon la situation évolue. Trois jours plus tard, la manifestation au Congrès a réuni 100.000 personnes dans les rues de Madrid. Cela prouve la nécessité de davantage développer le mouvement de masse.

    L’expérience de ces dernières années a eu un impact sur la conscience de millions de personnes. Le PP et les comploteurs du PSOE n’ont pas assez de crédibilité pour nous obliger à avaler une autre série d’attaques contre nos niveaux de vie. Leur marge de manoeuvre a été considérablement réduite, tout comme la marge de manoeuvre que la politique de paix sociale de l’UGT et de la CCOO leur fournit. Unidos Podemos a une chance historique d’émerger comme force dominante à gauche dans la prochaine période. Mais ces possibilités n’existent pas, elles doivent être saisies, comme le sait bien Pablo Iglesias.

    Si Unidos Podemos prend le chemin de la lutte, la situation pourrait rapidement se transformer en faveur des opprimés. Cependant, il ne suffit pas de faire des appels abstraits à la Déclaration des droits de l’homme, ni à la «démocratie» (capitaliste), ni gouverner les grandes villes dans les limites du système tout en frustrant les espoirs de millions de personnes. Unidos Podemos devrait également faire un virage vers la gauche dans le programme, en défendant un programme socialiste capable de faire face à la crise capitaliste.

    Cela exige la nationalisation des secteurs stratégiques de l’économie (y compris les banques), la défense de la santé publique et de l’éducation, le droit à la retraite à 60 ans, la fin du travail précaire, l’interdiction des expulsions, la défense des droits démocratiques et le droit à l’autodétermination du Pays Basque, de la Catalogne et de la Galice. Ce programme transformerait complètement le paysage politique.

    La lutte de classe en Espagne est entrée dans une nouvelle phase, beaucoup plus turbulente que la précédente. La crise du PSOE et de Podemos, l’illégitimité du nouveau gouvernement et la frustration des espoirs électoraux des masses sont une grande école politique pour la classe ouvrière. Cette école et les grands événements à venir, tant en Espagne qu’à l’étranger, offriront d’énormes opportunités pour construire une organisation forte armée d’idées marxistes.

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