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Tag: Elections
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Une belle mise en scène pour la campagne électorale la plus longue de notre histoire
Budget(s), statut unique, monarchie,…
Cet été, alors que beaucoup d’entre nous jouissaient de vacances bien méritées, les divers gouvernements du pays n’ont pas été inactifs. Nous avons été témoins d’une mise en scène remarquable – orchestrée par les partis traditionnels avec l’aide des médias dominants – pour lancer dans les meilleures circonstances la campagne électorale la plus longue de notre histoire.
Par Anja Deschoemacker, article issu de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste
Le calme avant les élections
Pour la fin septembre, les budgets de tous les niveaux de pouvoir (fédéral, régions et communautés, communes) devaient être présentés pour pousser le déficit budgétaire du pays sous les exigences européennes (un déficit maximal de 2,15% concernant la Belgique). L’ampleur de cette nouvelle opération d’austérité (à nouveau plus de 4 milliards d’euros) passera toutefois inaperçue à la plupart des gens. Il est vrai que les coupes budgétaires, par définition, ne font sentir leurs effets qu’après coup, mais l’effet d’annonce suffit déjà généralement à gonfler le mécontentement et à entraîner une lutte. Cet automne, par contre, les partis traditionnels sont parvenus à faire disparaître cet effet d’annonce : pour le gouvernement fédéral – celui dont il est le plus question – on ne parlera ‘‘que’’ de 200 millions d’euros, puisque 2,4 milliards d’euros d’assainissements divers ont déjà été décidés cet été.
La Région Wallonne et la Communauté Française (la Fédération Wallonie-Bruxelles) ont elles aussi suivi l’exemple et la moitié des efforts prévus pour 2014 ont été réalisés, soit 300 millions d’euros de restrictions budgétaires. De plus, un nouveau roi est arrivé sur le trône et les médias ont fait leur boulot pour assurer la popularité de Philippe et Mathilde. Mais plus encore, le calme de l’été a été utilisé pour décider de l’unification des statuts ouvrier et employé, une décision unilatéralement favorable au patronat tandis que des centaines de milliers d’employés et d’ouvriers se sont retrouvés les dindons de la farce. Le gouvernement et le patronat n’auraient toutefois pas réussi pareil tour de passe-passe sans l’attitude des sommets syndicaux qui ont laissé faire sans organiser la résistance.
Quid de la N-VA?
L’argument-massue justifiant tout cela est simple à comprendre : éviter que les prochaines élections ne conduisent au chaos et à l’impasse. En d’autres termes, il faut éviter de répéter le scénario de 2010. Les médias les plus sérieux et tous les partis traditionnels affirment clairement que l’enjeu des élections de 2014 est de réussir à bloquer la N-VA, cette dernière ayant une fois de plus confirmé qu’il lui était impossible de rentrer dans un gouvernement fédéral sans confédéralisme. Comme le confédéralisme à la sauce N-VA (avec scission de la sécurité sociale et en rompant toute forme de solidarité entre les deux côtés de la frontière linguistique) est inacceptable pour les partis francophones et puisqu’aucun autre parti flamand ne rejoint la N-VA sur ce point, ce scénario est quasiment exclu.
Les médias, y compris et surtout en Flandre, ont tiré à boulets rouges tout l’été durant sur les frasques des mandataires locaux de la N-VA (un conseiller communal de Dilbeek qui a baissé son pantalon en pleine cérémonie de remise des prix pour ‘‘une blague’’, la ville de Turnhout plongée dans la crise politique ingérable suite à une dissidence de la N-VA, la décision prise à Sint-Niklaas de tout de même privatiser le ramassage des déchets bien qu’une large majorité des habitants se soient prononcés contre par référendum ou encore les tentatives de la NVA-Anvers d’imposer une taxe inconstitutionnelle aux étrangers). Des dissensions internes ont été révélées au sujet de la grogne qui vit contre les sorties de figures de premier plan de la N-VA comme Geert Bourgeois (qui s’est présenté dans la presse en tant que candidat ministre-président flamand) et, surtout, Siegfried Bracke (qui a parlé d’un possible gouvernement fédéral sans confédéralisme, parce que le socio-économique – une austérité plus brutale – est plus important).
Notre voix n’est pas prise en compte
Le ton est donné. Avec de bons outils politiques à sa disposition, la classe des travailleurs ne devrait pas se laisser ainsi mener par le bout du nez par les médias bourgeois et les partis traditionnels. Il lui faut son propre parti, un instrument politique défendant bec et ongles les intérêts de la majorité de la population contre cette idée d’un prétendu “intérêt général” belge. Dans une société capitaliste, ‘‘l’intérêt général’’ se réduit systématiquement à l’intérêt des capitalistes. Les travailleurs ont aussi besoin de syndicats démocratiques avec une direction libre de tout lien avec ces partis bourgeois et bourgeoisifiés. De cette manière, la classe ouvrière organisée pourrait contrer les attaques passées et à venir. La force du nombre est présente pour y parvenir, de même que le degré d’organisation. Mais il n’y a pas de parti des travailleurs et la direction des syndicats est étroitement liée aux partis (surtout le PS mais aussi le CD&V) qui sont centraux dans l’élaboration et l’application du programme de la bourgeoisie.
Qu’un nouveau parti tombe du ciel avant 2014, en parallèle avec une réorganisation des syndicats en instruments de lutte démocratiquement gérés et contrôlés par la base, est très improbable. Mais il n’existe pas d’autre raccourci. Sans cela, nous sommes condamnés à nous battre les mains liées dans le dos. C’est pour ça que les syndicalistes combatifs (FGTB et CSC), les jeunes qui veulent se battre pour un changement de système, les militants de divers mouvements sociaux,… doivent, au cours de cette longue campagne électorale, se concentrer sur la diffusion et la construction de l’appel de la FGTB de Charleroi, rejoint par la CNE, pour la construction d’une nouvelle formation politique de gauche (voir en page 4). C’est, de très loin, le développement syndical le plus important de ces dernières décennies, une opportunité monumentale pour la classe des travailleurs de pouvoir enfin – après avoir perdu ses propres partis à cause de la bourgeoisification du SP.A et du PS – avancer vers un nouveau parti des travailleurs. Un tel parti serait à même de dénoncer la meilleure des mises en scène ainsi que les mensonges les plus sournois des partis bourgeois. Un tel parti impliquerait les travailleurs et leurs familles dans la lutte pour éviter que nos conditions de vie en reviennent à la situation d’avant-guerre. Un tel parti assurerait que des patrons comme Mittal ne soient pas vainqueurs à l’avance. Un tel parti assurerait que les travailleurs ne doivent pas choisir entre la peste et le choléra, entre la stratégie de la NVA et celle des partis traditionnels.
Comme vous pouvez le lire ailleurs dans ce journal, les militants du PSL vont se concentrer sur cette tâche dans les mois à venir : la diffusion et la construction de l’initiative de la FGTB de Charleroi.
Si cette initiative ne parvient pas à livrer une liste de gauche unitaire pour les élections de 2014, nos militants feront tout leur possible là où nous sommes présents pour renforcer cet appel à l’unité de la gauche, même si cela doit signifier de ne pas nous-mêmes déposer de candidats. Informez-vous sur l’initiative de Charleroi et participez-y !
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Norvège : Les partis de droite remportent les dernières élections
Plus tôt ce mois-ci, en Norvège, le Parti Conservateur a gagné les élections, et pour la première fois, le Parti du Progrès, raciste et populiste, fera son entrée au gouvernement. Les conservateurs (Høyre) sont passés de 30 à 48 sièges (26,8%). Les 4 partis qui envisagent la formation du nouveau gouvernement (Conservateurs, Parti du Progrès, Parti des chrétiens et Libéraux) ont obtenu ensemble 96 sièges sur 169. Les partis qui composaient l’ancien gouvernement (Parti travailliste, Parti Socialiste de Gauche et Parti du Centre) ont perdu 14 sièges et n’en partagent plus que 72. Le Parti Vert a obtenu son premier siège. Le taux d’abstention a presque atteint les 80%.
Rättvisepartiet Socialisterna (CIO-Suède)
Que se cache-t-il derrière ces résultats ? La réponse la plus claire nous est donnée par un candidat des Verts à Oslo : ”Il n’y a aucune différence entre les Travaillistes et les Conservateurs… les deux partis suivent une politique commune, mais tentent d’entretenir le mythe que le problème le plus important cette année est de choisir entre leurs dirigeants, Jens Stoltenberg ou Erna Solberg.”
Depuis 2005, les gouvernements travaillistes ont suivi les mêmes politiques que les gouvernements de droite sociaux-démocrates en Suède et dans d’autres pays. Des ”réformes de marché” ont été introduites dans les services de santé, entraînant privatisations, fermetures et fusions d’hôpitaux. La politique d’immigration est devenue plus dure, et le pays a participé à la guerre en Afghanistan avec les Etats-Unis. Comme en Suède, l’environnement est aussi menacé, notamment par les forages pétroliers au nord.
Le gouvernement sortant présentera dans quelques semaines un budget incluant une baisse des impôts sur la fortune et sur les héritages de plus de 250.000 euros. Sur ce sujet, les alternatives des deux gouvernements ne sont que très peu éloignées.
Le plus grand perdant est le Parti Socialiste de Gauche (SV), qui pendant ses 8 ans au gouvernement a pris toute responsabilité pour la politique des travaillistes. Le SV a obtenu le pire résultat de son histoire, et a failli ne pas dépasser le seuil des 4% (il a obtenu 4,1%). Un de ses membres, Hallgeir Langeland, qui a perdu son siège, a admis au journal Aftenposte que c’était le département des Finances qui était aux commandes du dernier gouvernement. Il pense aussi que ”la politique d’asile a été agressivement menée par le FrP (le Parti du Progrès)” et que les travaillistes et les conservateurs ont pris soin de ne pas critiquer le FrP.
Le nouveau gouvernement sera annoncé le 14 octobre. Il est clair que les conservateurs et le FrP y siégeront. Le FrP est passé de 23,9% aux précédentes élections à 26,3% celles-ci, mais il entrera quand même au gouvernement pour la première fois. Il faut considérer l’acceptation de ce parti comme un ”parti comme les autres” par les autres formations politiques comme un avertissement. Il existe nombre de similarités avec les Démocrates Suédois et d’autres partis racistes en Europe, mais aussi des différences. L’approche populiste du FrP consiste à insister sur le fait que la Norvège devrait dépenser davantage des revenus issus de son pétrole, notamment dans l’infrastructure. Le dirigeant du parti, Siv Jensen, a soutenu de manière enthousiaste le Tea Party, parti d’extrême droite américain, et a parlé durant sa campagne d’une ”hystérie climatique”.
Mais le leitmotiv du FrP, ce sont ses arguments racistes anti-immigration. Siv Jensen s’est exclamé lors d’une visite à Malmö en Suède que la ville était sous le joug de la Sharia. Même pendant la campagne électorale, des représentants du parti ont défendu l’importance de protéger ”la culture norvégienne” contre le multiculturalisme. Le FrP coopère ouvertement avec des organisations islamophobes. Plus précisément, le parti exige de limiter le nombre de réfugiés entrant dans le pays à 3000 par an, et veut les garder enfermés dans des camps. Ils veulent aussi limiter les possibilités pour les familles d’immigrés de rejoindre leurs proches, et limiter les mariages des immigrés.
Ces propositions ne deviendront pas directement des priorités gouvernementales. Mais elles font partie du débat et mettent la pression sur les autres partis, qui ne s’offusquent pas du racisme du FrP.
Ce sont des Travaillistes, et particulièrement des jeunes, qui ont été pris pour cible lors du massacre du terroriste raciste Anders Behring Breivik et les bombardements de juillet 2011. Les Travaillistes ont reçu un soutien important après ces attaques. Mais la colère et la tristesse générales qui ont marqué 2011 n’ont pas été organisées en une réelle campagne contre le racisme, et par conséquent le FrP, dont Breivik a fait partie des années durant.
Une majeure partie du manifeste de Breivik rejoint la campagne de haine contre l’islam et le socialiste que mène le FrP. Le dilemme des Travaillistes, c’est que la direction du parti voulait condamner moralement le racisme, mais sans le lier à la lutte contre l’injustice et les politiques de droite, qui forment le terreau de la xénophobie. Le FrP s’en est sorti en faisant profil bas pendant un moment, mais est vite revenu à ses racines.
La perte de votes pour les Travaillistes et le Parti Socialiste de Gauche n’illustrent pas l’impopularité des idées de gauche, au contraire ; elle met doigt sur l’urgence d’une vraie alternative socialiste dans la politique Norvégienne.
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Allemagne : Merkel réelue… mais l’avenir reste instable
Malgré le succès électoral de la coalition CDU/CSU (Union Démocratique Allemande et Union Chrétienne de Bavière) d’Angela Merkel, les élections législatives allemandes du week-end dernier ont été le reflet de l’aliénation de vastes couches de la population vis-à-vis des partis de l’establishment et des institutions de la démocratie capitaliste. Vu l’intensification attendue de la crise de la zone euro et le ralentissement de l’économie mondiale, le nouveau gouvernement sera confronté à une instabilité croissante, et des attaques contre le niveau de vie de la population seront de nouveau à l’agenda.
Sascha Stanicic, porte-parole de Sozialistische Alternative (CIO-Allemagne)
La croissance de l’électorat du CDU/CSU ne peut nous faire oublier que la coalition ‘‘noire et jaune’’ CDU/CSU et Parti libéral démocrate (FDP) a été démise de ses fonctions et a perdu 735.000 voix. Le triomphe de Merkel et sa majorité quasi absolue au Bundestag (parlement national) ont occulté ce fait, mais cela aura des conséquences sur les développements à venir en Allemagne.
Depuis plus de 60 ans, le FDP est vu comme un groupe de pression de capitalistes organisés en parti. Ce parti a toujours été le premier à exiger des attaques contre le niveau de vie et les droits de la classe des travailleurs. Son échec aux élections de 2013 représente un sérieux problème pour la classe capitaliste. C’est la conséquence de l’échec de la propagande des libéraux concernant les pseudos droits civils, une propagande qui a sans cesse eu plus de peine à cacher leur caractère néolibéral. Nombreux sont ceux à avoir accusé le FDP d’être responsable de la polarisation sociale de la société allemande. Lorsqu’il s’est avéré que ce ‘‘petit parti du grand capital’’ n’avait pas réintégré le Bundestag pour la première fois de l’histoire de la République Fédérale Allemande, de nombreuses personnes ont laissé exploser leur joie. Son avenir est incertain. Le parti n’a plus que de faibles représentations dans les parlements et les gouvernements fédéraux. Mais il n’est pas exclu que le FDP s’oriente vers une direction plus nationale-libérale, en comptant subsister en reposant sur le populisme de droite.
L’augmentation des suffrages accordés à Merkel reflète la relative stabilité économique d’un pays entouré d’Etats qui s’embourbent de plus en plus profondément dans la crise de l’euro. Merkel a également consenti à quelques concessions mineures, comme l’annulation de certains frais lors des consultations médicales. Un commentateur a expliqué à la télévision que ‘‘les Allemands ont voté pour la sécurité.’’ Il est vrai que, dans une certaine mesure, l’augmentation de l’électorat du CDU/CSU reflète le sentiment, partagé par de nombreuses personnes, selon lequel Merkel a empêché le pire dans un contexte de crise économique internationale. Mais elle ne peut pas pour autant compter sur un soutien actif, et encore moins sur de l’euphorie. Quand on parle de questions concrètes, l’orientation politique de la population est différente, ce qui a encore récemment été illustré à Hambourg, où se tenait un référendum le même jour que les élections ; et une petite majorité des habitants a voté ‘‘oui’’ à la renationalisation du réseau électrique local.
La victoire de Merkel ne constitue jamais qu’un des aspects de ces élections. L’autre, c’est que jamais auparavant une si grosse partie de l’électorat ne sera pas du tout représentée au parlement. Le taux de participation aux élections n’a que marginalement augmenté (70,8% lors des dernières élections fédérales pour 71,5% cette année), ce qui en fait la seconde participation la plus basse depuis 1945. Plus de 15% des votes sont allés à des partis qui n’ont pas atteint les 5% requis pour entrer au parlement. Jamais auparavant si peu de votes (43%) ont suffi pour former un gouvernement : cela ne représente que 30% de l’électorat. Même une ‘‘grande coalition’’ gouvernementale (où le CDU/CSU se retrouverait aux côtés des sociaux-démocrates du SPD) ne représentera qu’une minorité de la population. Plus de 40% des électeurs se sont soit abstenus, soit ont voté pour de petits partis, et ne sont donc pas du tout représentés au Bundestag.
Ces dernières années, les élections ont suivi un mouvement de balancier, reflet de la volatilité de l’électorat des partis politiques. Les gros succès électoraux, comme ceux du FDP et des Verts dans la passé, sont rapidement oubliés, et la scène électorale reste très changeante.
‘Alternative pour l’Allemagne’
Merkel a réussi à faire l’impasse sur la crise de l’euro pendant sa campagne. Mais le succès du parti ‘‘Alternative pour l’Allemagne’’ (AfD), un parti de droite appelant à l’abolition de l’euro, démontre, avec les potentiels votes de protestation, qu’il s’agit d’un problème important pour une partie de la population. Un problème qui va empirer. Vu la situation, ce fut une erreur de la part de Die Linke (‘‘La Gauche’’) de na pas centrer davantage sa campagne sur le rejet des fonds de sauvetage accordés aux banques.
Le fait que Die Linke ait perdu des voix au profit de l’AfD doit être considéré comme un avertissement. Même si le futur de l’AfD reste encore à écrire, il se peut que le parti n’en reste pas au stade du phénomène éphémère. L’AfD a occupé une partie de la scène politique, portion qui s’agrandira à mesure que la crise de l’euro se creusera. Le parti a réussi à se construire dans tout le pays, et dispose de moyens financiers conséquents. L’AfD a été suffisamment maligne pour éviter d’endosser une image raciste ou trop radicalement nationaliste tout en parvenant à mobiliser l’électorat d’extrême droite. Le parti a de bonnes chances d’accéder au Parlement européen après les élections de l’année prochaine. Il pourrait aussi se baser sur l’euroscepticisme croissant, qui ne fera que croître, surtout si Die Linke ne formule pas une critique claire, de gauche et internationaliste de la crise de l’euro.
Les salaires, les conditions de travail et les pensions ont été les sujets les plus importants aux yeux des électeurs. Cela semble paradoxal vu que le CDU/CSU est un parti aux mains des grandes entreprises, qui s’oppose au salaire minimum et qui veut maintenir l’âge de la retraite à 67 ans. Au vu des leaders des principaux partis à la carte, de nombreuses personnes ont conclu que Merkel était la plus capable de prévenir une crise sociale en Allemagne causée par une ‘‘urgence européenne’’. Le manque d’alternative issue du SPD et des Verts y a contribué. Leur tentative de se présenter comme plus à gauche, plus intéressés par les sujets sociaux et la justice, n’a leurré personne. Ce sont ces partis qui sont à la base de l’introduction de ‘‘l’Agenda 2010’’ néolibéral en 2003 et ses nombreuses attaques antisociales, et peu de gens leur ont pardonné. Les résultats des Verts montrent qu’ils sont devenus un parti bourgeois de la classe moyenne. Mais l’importance de sujets comme les salaires, les conditions de travail et les pensions dans la conscience populaire de la classe des travailleurs reflète aussi le potentiel des syndicats et des luttes sociales. C’est pourquoi les fondations du CDU/CSU sont fragiles. Le nouveau gouvernement prévoit de faire des coupes budgétaires et de procéder à des privatisations et, tôt ou tard, l’opinion générale se retournera contre lui.
Un projet de coalition gouvernementale ?
Merkel a perdu son partenaire de coalition, le FDP. Ses résultats rendront les négociations avec le SPD ou les Verts plus difficiles. Ces deux partis trembleront à l’idée de finir en tant qu’acteurs minoritaires dans un gouvernement CDU/CSU. L’expérience du SPD dans la ‘‘grande coalition’’ de 2005/2009 a rouvert des blessures qui n’ont pas encore fini de cicatriser. Les leaders du SPD se montrent donc très réticents à cette idée. Mais l’affaiblissement des Verts a rendu moins probable une coalition ‘‘noire et verte’’. Une grande coalition est l’issue la plus probable. Bien sûr, le SPD tentera de faire des concessions, qu’il vendra comme des victoires. Ce pourrait même être l’instauration d’un salaire minimum ou d’autres mesures semblables. Il est peu probable que les négociations échouent et que de nouvelles élections soient organisées car elles pourraient mener à une majorité CDU/CSU.
Die Linke
La direction de Die Linke se satisfait des résultats obtenus et met en avant que le parti représente maintenant la troisième plus grande force du pays. Le parti s’est stabilisé et a regagné du soutien depuis l’année dernière et les désastreux sondages d’opinion à son encontre. Les batailles internes se sont momentanément arrêtées mais, surtout, l’arrivée de Bernd Riexinger et de Katja Kipping à la direction du parti ont représenté une orientation plus décidée vers les mouvements sociaux et les luttes syndicales. Cela a motivé une couche de ses militants à s’impliquer davantage. Les slogans clairs sur leurs tracts ont rendu leur campagne très active et ont permis de recruter 500 nouveaux membres durant cette période. Cela prouve que, malgré la situation objective actuelle, il y a toujours un potentiel pour renforcer le parti.
Mais la perte de 1,4 million d’électeurs par rapport à 2009 (moins encore qu’en 2005), l’échec de Die Linke à s’attirer les votes des abstentionnistes ou des électeurs de l’AfD prouvent que les racines du parti ne sont pas assez ancrées dans les communautés ouvrières. De plus, la crédibilité de Die Linke pâtit de son implication régionale dans des coalitions et de des appels permanents à rejoindre une coalition nationale.
Die Linke a maintenant face à lui une deuxième chance, mais pourra-t-il saisir les opportunités qui s’ouvrent à lui ? En cas de grande coalition, le SPD sera également directement responsable des coupes budgétaires. Die Linke sera donc en bonne position pour améliorer son image d’opposant au capitalisme. Mais pour se renforcer ainsi, le parti doit devenir un parti combatif et abandonner tout projet de coalition avec les Verts et le SPD. Des conflits internes vont sans doute se développer autour de cette question. L’année prochaine, de nouvelles élections fédérales se tiendront en Allemagne de l’Est, où se trouve la plus grande base de Die Linke. La question d’une alliance avec le SPD se posera à nouveau, et c’est déjà le cas à Brandebourg.
Certains membres de l’aile droite de Die Linke (y compris le leader du groupe parlementaire, Gregor Gysi) ont récemment publié un livre qui explique la position du parti sur le rejet du déploiement de troupes allemandes à l’étranger, car sans laisser tomber cette position, il était impossible d’entrer au gouvernement national. Cette approche est un sujet de discorde potentiel au sein de Die Linke. Gysi est sorti renforcé de la campagne électorale, et il utilisera surement sa performance contre les éléments les plus anticapitalistes du parti, principalement basés en Allemagne de l’Ouest.
Hessen
Dans ce contexte, les élections fédérales à Hessen, qui ont eu lieu en même temps que celles du Bundestag, sont importantes. La nouvelle entrée de Die Linke au parlement est très importante pour l’aile gauche du parti. Die Linke est connu pour ses liens étroits avec les mouvements sociaux et syndicaux à Hessen.
Mais la dirigeante régionale du parti, Janine Wissler (membre du courant Marx21, qui a quitté l’organisation allemande du SWP britannique), dit être prête à certaines conditions à former une coalition gouvernementale avec le SPD et les Verts. Bien qu’elle dise que cette attitude serait destinée à révéler la vraie nature de ces partis, elle donne l’impression que Die Linke est prêt à tout pour entrer au gouvernement. Au lieu de parler de coalitions, la direction de Die Linke à Hessen devrait dire que son succès électoral est surtout celui de mouvements sociaux de résistance, qui doivent être construits et renforcés.
Die Linke à Hessen, en reconnaissant qu’ils ont une chance de chasser le premier ministre CDU Bouffuer, devrait dire que le parti est prêt à combattre le CDU en rejoignant une minorité gouvernementale SPD-Verts. Mais puisque le SPD et les Verts travaillent dans le cadre du capitalisme et sont prêts pour lancer des attaques contre la classe des travailleurs, Die Linke devrait clairement refuser de signer un contrat de coalition, et à la place voter cas par cas au parlement. Die Linke devrait clairement déclarer qu’il soutiendra toute loi progressiste et se dressera contre toute autre.
Quelles perspectives ?
Un jour seulement après les élections, les médias ont sonné l’alerte d’une intensification de la crise de l’euro et d’un effondrement du système financier.
Les 4 prochaines années en Allemagne ne seront pas semblables aux 3 dernières derrière nous, qui ont connu un redressement économique après une crise majeure. Au lieu de cela, elles seront marquées par une déstabilisation économique croissante et de nouvelles crises.
Chaque nouveau gouvernement européen sera sous pression pour faire payer à la classe ouvrière le prix de la crise du capitalisme. Die Linke peut se renforcer grâce à un développement des luttes et des mouvements de masses, si le parti les soutient fermement.
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Allemagne : Merkel sur la route de sa réélection
Il faut renforcer Die Linke !
L’Allemagne connaîtra de nouvelles élections législatives le 22 septembre prochain. La chancelière conservatrice Angela Merkel (CDU, chrétiens-démocrates) est bien partie pour être réélue, mais son partenaire de coalition libéral risque de perdre pas mal de plumes. Le parti social-démocrate SPD ne parvient pas à menacer la position électorale de Merkel. A gauche, Die Linke (La Gauche) fait campagne pour limiter la casse électorale depuis les dernières élections. En 2009, ce parti représentait encore 12%, mais il risque de tomber à 7 ou 8%. Le texte ci-dessous est un résumé de la déclaration de notre organisation-sœur allemande, le SAV, qui milite au sein de Die Linke.
Les loyers et les prix de l’énergie s’envolent et, une fois leur salaire dépensé, beaucoup de gens doivent encore tenir le coup une bonne partie du mois. Alors que les travailleurs, les retraités et les chômeurs payent de plus en plus, les banques ont été sauvées avec l’argent des contribuables et des milliards d’euros ont été consacrés à des projets de prestige comme ‘‘Stuttgart 21’’ (une nouvelle gare et un nouveau réseau ferroviaire) ou l’aéroport de Berlin.
Beaucoup d’électeurs trouvent que tous les partis se ressemblent et ne comptent donc pas participer au scrutin. Il est vrai que quelque soit la coalition qui sortira des urnes – noire-jaune (chrétiens-démocrates et libéraux) ou rouge-verte (SPD et Verts) – rien ne changera, la politique restera unilatéralement favorable aux riches et aux grandes entreprises. Après tout, il y a dix ans, c’était une coalition socio-démocrates / Verts qui avait appliqué la batterie d’attaques contre nos conditions de travail et nos salaires que constituaient ‘‘l’Agenda 2010’’ et le plan Hartz IV. Ces mêmes partis, prétendument de gauche, ont conduit l’Allemagne à participer à diverses opérations militaires et ont œuvré à la libéralisation accélérée du secteur financier.
Aujourd’hui, le dirigeant du SPD Peer Steinbrück tente de faire croire qu’il s’est découvert une conscience sociale en parlant de la nécessité de redistribuer les richesses. Si le SPD et les Verts réclament maintenant l’instauration d’un salaire minimum, c’est principalement parce que Die Linke défend cette revendication avec un certain succès, ils ont dû lui emboîter le pas. Mais le SPD, les Verts, les chrétiens-démocrates du CDU/CSU et les libéraux du FDP savent pertinemment que de nouvelles mesures d’économies suivront directement le 22 septembre et s’ajouteront à l’austérité aux niveaux local et régional.
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Une députée de Die Linke nous rejoint
“Renforcer le SAV, c’est renforcer la gauche au sein de DIE LINKE”
La députée de Die Linke pour la Basse-Saxe, Heidrun Dittrich, vient de rejoindre Sozialistische Alternative (SAV), notre organisation-sœur en Allemagne. Cela fait suite à toute une période d’intense collaboration au sein de Die Linke et de son courant de gauche, la “Gauche Anticapitaliste’’. En tant qu’élue de notre organisation, elle ne touche que l’équivalent du salaire moyen d’un ouvrier qualifié, le reste étant reversé pour soutenir diverses luttes sociales. Elle ne sera hélas pas réélue en septembre puisqu’elle n’est plus candidate, mais elle restera très impliquée dans la construction de Die Linke et du SAV. Voici ci-dessous une version abrégée de sa déclaration d’adhésion.
Au vu des mouvements de masse qui prennent place sur tous les continents, de l’actuelle absence d’alternative dans l’esprit de nombreuses personnes et de la désillusion face aux partis néolibéraux, la construction de forces socialistes conséquentes est décisive pour montrer une voie de sortie hors de la crise du capitalisme.
Sans cela, des groupes pro-capitalistes ou mêmes fascistes peuvent instrumentaliser la désillusion existante, des mouvements progressistes peuvent tourner à la guerre civile comme en Syrie ou des militaires peuvent prendre le pouvoir comme en Egypte. De tels développements ne peuvent être prévenus que si la classe ouvrière dispose de forces indépendantes qui luttent pour une alternative à une échelle internationale.
J’ai été élue au Parlement allemand sur une liste présentée dans l’Etat fédéral de Basse Saxe en 2009. Je suis d’opinion que notre travail parlementaire doit être premièrement et principalement utilisé, comme Rosa Luxemburg l’avait écrit il y a plus de cent ans, afin d’exposer l’hypocrisie des partis bourgeois, de propager notre alternative politique, de diffuser les revendications des mouvements extra-parlementaires et de renforcer la résistance locale. J’ai toujours été opposée à la conception des positions parlementaires considérées comme un but en soi.
Tout comme les camarades du SAV, je ne pense pas que la crise actuelle est juste une crise des marchés financiers, mais une crise systémique du capitalisme. Cette crise ne pourra pas être résolue par une redistribution des richesses, parce que la force principale au sein du capitalisme est celle de la maximisation du profit. Une solution ne peut être trouvée que dans la socialisation des moyens de production et dans la planification écologique et sociale de l’économie au sein d’une société socialiste. Notre tâche est, à partir des problèmes quotidiens de la population, de montrer une issue socialiste et de construire un pont vers une alternative socialiste.
Afin de fondamentalement changer les relations sociales, nous devons gagner la majorité de la société. Cela ne saurait être possible qu’en stimulant l’entrée en activité militante pour que de plus en plus de gens rentrent en conflit avec le système. Cela ne se fera pas avec des coalitions parlementaires avec des partis bourgeois comme le SPD et les Verts.
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Parvenir à un changement nécessite de construire un rapport de force à partir de la base de la société – dans les entreprises, les universités, les écoles et les quartiers. Dans ce cadre, ces élections de septembre revêtent tout de même une certaine importance car elles offrent l’occasion à Die Linke d’être à nouveau – le plus fortement possible – présent au parlement.
Die Linke : Un parti différent ?
Contrairement à l’ensemble des partis de l’establishment, Die Linke défend l’homme de la rue, le chômeur et le retraité, et utilise pour ce faire tant sa position au parlement que des actions en dehors des institutions. Ainsi, Die Linke mène une campagne active pour soutenir le personnel du secteur de la distribution qui revendique des salaires plus élevés et une convention collective de travail décente. Dans le secteur des soins de santé, Die Linke défend la revendication de l’augmentation du personnel et appuie les actions menées par le personnel hospitalier (y compris les grèves, comme à l’hôpital de la Charité à Berlin). Les actions de Blockupy contre la dictature des banques (tenues à Francfort le 1er juin dernier aux abords de la Banque Centrale Européenne) ont pu compter sur la présence active de députés de Die Linke, qui eux aussi ont été arrêtés. Le parti s’est opposé à tout plan de sauvetage des banques, a voté contre la participation des troupes allemandes aux interventions impérialistes – les prétendus ‘‘militants de la paix’’ des Verts ne peuvent pas en dire autant. Lors du débat sur l’utilisation de drones (des bombardiers téléguidés) en Afghanistan, Die Linke a défendu le slogan : ‘‘Investir dans l’aide à l’enfance au lieu de la tuer avec des drones.’’
Die Linke a joué un rôle actif dans la résistance contre les politiques antisociales et a permis de laisser moins d’espace aux forces populistes de droite. Mais tout cela n’est qu’une face du parti de gauche. Certaines forces en son sein veulent rendre le parti plus ‘‘acceptable’’ en vue de collaborer avec le SPD et les Verts. Mais là où Die Linke participe à des coalitions locales, comme dans le Brandebourg, le parti applique la politique d’austérité. A Berlin, dix ans de coalition ‘‘rouge-rouge’’ (SPD/Die Linke) n’ont apporté qu’une succession de mesures antisociales. Certains veulent faire de même au niveau national.
Die Linke n’est pas un parti homogène, mais c’est le seul parti qui s’oppose à la pensée unique néolibérale. Voter pour Die Linke entraîne le renforcement de la résistance contre les prochaines mesures d’austérité du nouveau gouvernement. Die Linke fourmille de partisans d’une opposition combative, avec une participation active de la base du parti.
Pourquoi s’engager ?
La différence ne sera pas faite au Parlement. Il faut frapper les grandes banques et les grosses entreprises là où ça leur fait le plus mal. Le Parlement et le gouvernement ne sont composés que de pantins à leurs ordres, Die Linke doit jouer un rôle actif dans l’organisation de la résistance contre les marionnettistes !
Il nous faut un puissant mouvement de travailleurs, de chômeurs, de jeunes et de retraités, accompagné d’un parti de masse ayant une orientation socialiste pour que la colère puisse forcer l’arrivée de réels changements et faire plier les super-riches. Un tel parti doit s’élever contre le capitalisme et pour une société socialiste démocratique. Des positions parlementaires peuvent être utilisées à cette fin, mais uniquement comme moyen de renforcer les revendications et les luttes concrètes du mouvement social.
Sans une réponse anticapitaliste globale, l’infime élite qui est aujourd’hui la seule à avoir son mot à dire continuera sa politique antisociale faite de destruction sociale et environnementale, le tout saupoudré des mensonges nécessaire pour nous la faire avaler.