Tag: Elections

  • Une majorité progressiste peut-elle arrêter la politique d’austérité ?

    Robert Verteneuil, président de la FGTB

    Avec l’approche des échéances électorales communales/provinciales en 2018 et régionales/fédérales/européenne en 2019, les discussions sur la manière d’arrêter la politique d’austérité se déplacent du terrain social au terrain politique. Fin 2017, la FGTB Wallonne faisait un appel à une majorité régionale progressiste. À l’occasion des discours du premier mai 2018, elle a appelé à un nouveau pacte social. Comment peut-on s’assurer que ces appels ne restent pas lettre morte ?

    Par Alain (Namur)

    Une majorité de gauche en Wallonie ?

    Selon le sondage paru dans Le Soir en février 2018, PS, PTB et Ecolo totaliseraient pratiquement 50% des voies. Avec la percée du PTB et le rétablissement partiel d’Ecolo, cela a lancé des discussions sur les possibilités de constituer une majorité alternative. Les différents partis y ont réagi de manière contrastée.

    La coprésidente d’Ecolo a déclaré que le parti n’était ni de gauche ni de droite, sans expliquer ce que cela signifiait concrètement en termes de programme et de politique économique. Du côté du PS, la réaction est différente. Il est mis sous pressions par les membres de l’action commune (FGTB et mutualité socialiste) pour mener une autre politique, et ce alors qu’il est en pleine clôture de son chantier des idées et encore empêtré dans les affaires Publifin et Samusocial. Il n’a pas fermé la porte directement. Sans décliner, il se repose sur la réponse ambiguë du PTB qui a affirmé ne pas vouloir monter au pouvoir avant 15 ans pour ainsi appeler au vote utile à gauche.

    Quelle marge politique et quel programme

    Une grande majorité de la population ressent la nécessité de changer de cap au niveau politique. Que ce soit sur la question des pensions ou du travail faisable, une grande majorité de gens ne se retrouve pas dans les projets et la vision de la FEB (Fédération des Entreprises de Belgique) défendue par ce gouvernement.

    Pour les centaines de milliers d’activistes qui n’ont eu de cesse de se mobiliser ces dernières années contre la politique de casse sociale du gouvernement, il est nécessaire de discuter de la nécessité d’un relais politique dans ce combat. Le mouvement social doit se faire entendre et mettre ses revendications économiques et sociales au centre des priorités pour la prochaine période. Il ne s’agit pas seulement d’envoyer des représentants au parlement. Pour la classe laborieuse, il faut que les groupes politiques qui la représentent soient élus sur base d’un programme et de revendications qui soient largement débattus et discutés dans la société. C’était le sens de l’appel de la FGTB Charleroi Sud-Hainaut en 2012. Cela a débouché sur un fascicule de revendications sur lesquelles pourraient s’engager les candidats qui demandent notre voix.

    Lors des discours du premier mai 2018, Robert Verteuneuil (futur président de la FGTB) a évoqué la nécessité d’un nouveau pacte social. Elio Di Rupo dans son dernier livre et lors de ces discours y fait aussi référence. Avec les centaines de milliers d’activistes qui se mobilisent, nous devons en évaluer la possibilité. C’est une chose de mettre ça sur papier, construire une relation de force en se battant pour y parvenir et chercher les partenaires politiques adéquats en est une autre. Arracher des réformes sociales, même limitées, comme le diminution de l’âge de la pension, les 14 euros de l’heure et la réduction collective du temps de travail, pourrait inverser les relations de force et redonner confiance au mouvement ouvrier pour consolider ces avancées avec un vrai changement de société. Faute de quoi, les capitalistes chercheront toujours à revenir sur les conquêtes sociales au moment où les relations de force changeront.

    Cette aspiration en faveur de majorités progressistes peut être utilisé pour discuter à la fois de nos revendications et des méthodes nécessaires pour en arracher la réalisation. Après tout, ce n’est pas parce que des partis qui se disent de gauche constituent un gouvernement que la politique menée est automatiquement de gauche. Pour que cela survienne, il faut résolument rompre avec la rage néolibérale austéritaire. C’est bien différent d’une ‘‘austérité light’’. Les revendications du journal des pensions du front commun syndical (une pension minimum de 1500 euros, équivalente à 75% du dernier salaire, le retrait de l’augmentation de l’âge de la pension, etc.), la réduction du temps de travail sans perte de salaire, un plan massif d’investissements publics dans les services publics, etc. constituent une bonne plateforme de départ pour les campagnes électorales. Nous pourrions utiliser tous les militants pour préparer le terrain en vue d’une telle rupture et pour construire un mouvement avec lequel nous pourrons y parvenir.

  • Appel du 1er mai: débat et états des lieux!

    Par les Jeunes FGTB Charleroi
    Ce jeudi 20 février, 20h, Centre Jeunes Taboo, (8, rue Basslé 6000 Charleroi)
    Le 1er mai 2012, la FGTB Charleroi & Sud Hainaut lançait son appel aux partis de la gauche à s’unir pour proposer une une alternative au capitalisme. Son constat : le PS et Ecolo ont fait le choix du pouvoir et ont trahis la classe des travailleurs avec ou sans emplois.

    • Page de l’évènement facebook

    Le 1er mai 2012 notre régionale FGTB Charleroi & sud Hainaut se positionnait très clairement sur la nécessité d’un rassemblement des forces politiques véritablement de gauche et qui servent de relais de défense des travailleurs face à l’exploitation capitaliste. La régionale avait exprimé très clairement le fait qu’elle ne considère plus le PS et Ecolo comme des partis défendant l’intérêt du peuple et luttant contre la domination capitaliste. Bien au contraire, les exemples sont nombreux des trahissons de ces deux partis qui ont fait le choix de la voie libérale.

    Suite à cet appel et cette prise de position, la FGTB Charleroi & sud Hainaut lançait un travail d’animation et de fédération avec l’ensemble des partis de gauche.


    Dans le même temps elle a publié deux brochures sur son appel et son positionnement politique et anticapitaliste.
    Dernièrement, une avancée a vu le jour : l’union de la LCR et du PC autour du PTB qui feront campagne sous le sigle PTB-GO. Contrairement à ce que certains médias ont affirmé: la FGTB Charleroi n’appelle pas à voter PTB-GO mais se réjouit de ce premier pas vers une unité de la gauche mais en espérant que celle-ci s’élargira par la suite.Nous vous proposons de débattre en présence de notre secrétaire Régional Daniel Piron afin de refaire l’historique depuis 2012. Nous reviendrons sur les raisons de cet appel et le camarade Daniel Piron clarifiera la position de la FGTB Charleroi & Sud Hainaut. Ce sera aussi l’occasion de discuter ensemble des actions à venir et de la stratégie syndicale à mettre en place face aux attaques continues contre les travailleurs et les jeunes.

    • Lien vers le discours de l’appel du 1er mai 2012.
    • Liens vers les brochures

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    => Élections : PTB, VEGA et Gauches Communes – Renforcer la vraie gauche et, surtout, saisir ensemble le potentiel par la suite
  • Choisir entre l’ultra-libéralisme de la N-VA et le néo-libéralisme du PS?

    Tous les partis traditionnels acceptent la destruction des conquêtes sociales, leurs désaccords ne portent que sur des nuances

    Penchons-nous un instant sur de récentes propositions des sociaux-démocrates. Le SP.a est sorti avec des mesures comme le chèque-travail pour les demandeurs d’emploi et le calcul de la pension sur une carrière encore plus longue. Des mesures en réalité antisociales, des cadeaux au patronat que les ‘socialistes’ flamands ont à peine daigné emballer d’une rhétorique de gauche.

    Par Stéphane Delcros, éditorial de l’édition de février de Lutte Socialiste

    De son côté, le PS a parlé d’une taxe sur les gros propriétaires, avançant l’idée de taxer les gros revenus des loyers. Une mesurette en réalité, pas même sociale car les propriétaires compenseraient par une hausse des loyers. Le PS sait d’ailleurs très bien que personne ne le suivra sur ce point. De tels effets d’annonce qui n’engagent à rien, nous en verrons beaucoup ces 4 prochains mois.

    Tous les autres partis semblent devoir se positionner vis-à-vis des ‘extrêmes’: la N-VA et le PS. La première veut saigner à blanc les travailleurs et leurs familles, en usant qui plus est d’une rhétorique ‘antisocialiste’. Le PS ne peut que la remercier pour cette double attention qui lui offre la possibilité d’éviter que la campagne tourne autour des 21 milliards d’euros d’austérité du gouvernement Di Rupo.

    Sur les 69 dernières années, depuis la Seconde Guerre Mondiale, la social-démocratie belge fête cette année son demi-siècle de gouvernement (discontinu). 50 ans, dont la moitié non stop (de 1988 à aujourd’hui), durant lesquelles la politique néolibérale a été appliquée, celle-là même qui a poussé de plus en plus de gens, dégoûtés, vers des ‘alternatives anti-establishment traditionnel’ comme la N-VA.

    Au fil du temps, alors que le soutien aux autres s’effritait pour avoir trop représenté le néo-libéralisme, le PS est devenu la principale arme du patronat belge. A chaque mesure antisociale, comme à chaque élection, il compte sur la direction docile de ‘son’ réseau ouvrier de syndicats, des mutualités,… pour tenter de calmer la colère des travailleurs. Justifiant la non application de son programme à l’aide de la tactique ‘nous ne sommes pas seuls au pouvoir’.

    Alors, choisir entre PS et N-VA ? Certainement pas. Les élites économiques et leur main d’oeuvre politique préfèreraient un gouvernement Di Rupo II, avec un plan d’austérité supplémentaire à la clé. Mais, si les résultats électoraux l’exigent, un gouvernement de droite socio-économique autour de la N-VA et donc probablement sans la social-démocratie n’est pas exclu. Cela signifierait une politique antisociale dure, après laquelle le PS pourrait à nouveau arriver en ‘sauveur des petites gens’ et assurer une nouvelle période où la social- démocratie au pouvoir permettrait de sauvegarder les nouveaux gains du patronat.

    Mais ne les laissons pas tondre la laine sur notre dos. Pendant qu’ils s’affairent à trouver le meilleur moyen pour nous faire payer la crise, tâchons de construire et reconstruire les moyens nécessaires pour riposter. Le fameux ‘sans nous, ce serait pire’ dont le PS abuse commence à être bousculé sur sa gauche par des initiatives syndicales et les premiers succès pour la vraie gauche politique. Et les choses vont s’accélérer. On nous dit qu’il n’y a jamais eu autant de richesses chez les belges ; mais les inégalités vont croissantes. Les 85 personnes les plus riches au monde possèdent autant que la moitié de l’humanité. C’est pour ceux-là que Di Rupo est allé déployer le tapis rouge au Forum Economique Mondial de Davos. Et la seule raison pour laquelle les inégalités sont encore un peu moins criantes ici qu’ailleurs, c’est la force du mouvement ouvrier belge, qui s’est longtemps battu pour conquérir des mécanismes de solidarité collective.

    Il est peu probable que de nouvelles mesures d’austérité d’ampleur arrivent avant les élections. Mais, d’ici là, nous devons préparer sérieusement des outils syndicaux et politiques combatifs et appropriés à la nécessaire résistance de terrain post-électorale. Et ainsi permettre au mouvement des travailleurs et à la jeunesse de lutter avec les meilleures armes. La période électorale nous offre la possibilité de construire et nous préparer dans ce sens ; ne la gaspillons pas.

    => Élections : PTB, VEGA et Gauches Communes – Renforcer la vraie gauche et, surtout, saisir ensemble le potentiel par la suite

  • Elections : PTB, VEGA et Gauches Communes

    Renforcer la vraie gauche et, surtout, saisir ensemble le potentiel par la suite

    S’exprimant en interview au sujet de l’émergence du PTB sur le plan électoral, Anne Demelenne, secrétaire générale de la FGTB, a déclaré: “Le PTB a sa raison d’être, c’est un parti qui met en avant le débat. Je déplorerais simplement que l’on divise la gauche, on n’a vraiment pas besoin de ça en Belgique”. A nouveau, une partie de la direction syndicale nous ressert l’argument du ‘‘sans le PS, ça aurait été pire’’, une rhétorique qui pour beaucoup reste bien calée en travers de la gorge après l’offensive d’une ampleur historique lancée contre nos conquêtes sociales par le gouvernement Di Rupo.

    Par Boris Malarme, article tiré de l’édition de février de Lutte Socialiste

    C’est cette colère qui vit très certainement dans la base syndicale qu’exprime l’appel de la FGTB de Charleroi à rassembler l’ensemble des forces de la vraie gauche pour construire une alternative à la gauche du PS et d’Ecolo ou encore les prises de position de la CNE via les déclarations de son secrétaire général.

    Certaines expériences dans d’autres pays ont toutefois plutôt démontré que l’émergence de nouvelles formations de gauche n’a pas affaibli le débat autour des idées de gauche et leur soutien dans la société, mais l’a au contraire renforcé. Ce débat est crucial aujourd’hui, la classe dominante belge souhaitant que la période qui suivra les prochaines élections (4 ans sans élection, phénomène plutôt rare en Belgique) voit une accélération du rythme et de l’ampleur de l’austérité. Pour elle, le scénario d’un nouveau gouvernement Di Rupo, mieux à même de teinter l’austérité d’un vernis social, est préférable. Elle craint qu’un gouvernement de droite dure avec la N-VA ne mette de l’huile sur le feu au point de provoquer une résistance généralisée.

    Les idées de gauche trouvent un écho grandissant

    A l’image du développement du PTB depuis les élections communales, le lancement du nouveau livre de son porte-parole Raoul Hedebouw, Première à Gauche, rencontre un franc succès. Les soirées de présentation à Liège, Charleroi, Namur et Bruxelles ont rassemblé des centaines de participants. Ce livre va au-delà de la simple présentation d’initiatives du PTB comme Médecine pour le Peuple et la campagne pour la taxe des millionnaires et a le mérite d’aborder des notions de base du marxisme.

    Mais il existe une couche de jeunes anticapitalistes et de travailleurs qui ne se reconnaissent pas dans le modèle proposé par le PTB. En Flandre, le mouvement Rood! avait tenté d’être avec d’autres une composante plus large du mouvement organisé des travailleurs. C’est la raison pour laquelle le PSL a participé à l’initiative. Suite à l’abandon de sa figure publique Erik de Bruyn, qui a considéré son résultat électoral comme un échec, Rood! s’est engagé dans un processus de réflexion sur son orientation et ne participera pas à ces élections.

    D’autre part, le lancement du Mouvement Vega, autour de la coopérative politique liégeoise du même nom (liste sur laquelle le PSL disposait de candidats aux dernières élections communales à Liège) ainsi que de l’ancien parlementaire écolo Vincent Decroly, peut compter sur un certain écho. Vincent Decroly a expliqué à diverses soirées de présentation que la campagne du Front des Gauches(1) en 2010 l’avait poussé à se réinvestir sur la scène politique après plusieurs années de retrait et qu’il avait évolué de l’anti-néolibéralisme à l’anticapitalisme. Lors de ces réunions de présentation, nous avons pu entendre des positions plus ouvertement marquées à gauche que celles habituellement exprimées par la coopérative politique liégeoise Vega.

    Le nouveau mouvement Vega, lancé officiellement à Charleroi le 1er février, est centré autour de trois axes : ‘‘Ecologie, socialisme et démocratie’’. Pour Vega aussi, les problèmes écologiques ne peuvent être résolus qu’en sortant du capitalisme et en étant liés à la question sociale, notamment au partage des richesses. Reste à voir à l’avenir comment ces axes seront concrétisés en termes de programme et d’action. Même si Vega semble plus incliner vers le milieu associatif que celui du mouvement ouvrier organisé, Vincent Decroly a pris le temps au cours de ces soirées de clarifier qu’il soutient l’appel de la FGTB de Charleroi et se retrouve dans son programme anticapitaliste en 10 points.

    A gauche : un besoin d’unité

    L’attention des électeurs opposés aux diverses formes de politique de casse sociale des partis traditionnels se porte souvent en premier lieu sur le PTB. Celui-ci souhaite obtenir cinq élus : deux à Anvers et deux à Liège pour les parlements fédéral, wallon et flamand et un autre au parlement bruxellois en contournant le seuil électoral de 5% via un regroupement de listes. Le PTB est actuellement positionné comme l’organisation la plus à même d’exploiter une partie de l’espace à la gauche du PS/SP.a et d’Ecolo/Groen.

    Pour ces raisons, le PSL a formulé en mai 2013 une proposition à l’ensemble de la gauche pour des listes ‘‘PTB-Unité’’ afin de parvenir à une participation unitaire au scrutin du 25 mai 2014. Après quelques mois sans réponse, le PTB a finalement répondu lors de rencontres, par ailleurs cordiales et franches, que des candidats du PC et de la LCR seraient présents sur leurs listes, mais qu’il n’était question d’unité qu’avec des organisations qui n’ont plus l’ambition de se construire, ce qui nous excluait. Nous déplorons cette attitude, mais éviterons de présenter des candidats là où cela pourrait faire obstacle à l’obtention d’élus de gauche en tenant ainsi compte du fait que l’arrivée des premiers élus de gauche radicale depuis les années ‘80 pourrait renforcer le mouvement des travailleurs dans son ensemble. Cela créerait aussi un débat politique propice à chaque composante de la gauche dans cet environnement politique aujourd’hui dominé par ceux qui veulent faire payer la crise aux travailleurs. A Bruxelles, le PSL compte participer aux élections avec le Parti Humaniste ainsi que tous ceux qui souhaitent renouer avec l’expérience positive des listes ‘‘Gauches Communes’’ déposées aux dernières élections communales. Vega, qui participera aux élections européennes, pourrait également être présent au scrutin bruxellois mais n’exclut cependant pas de former des alliances à gauche. Nous ne savons jusqu’ici pas encore si un accord électoral entre Véga et Gauches Communes est possible.

    Le système de groupement(2) des listes à la Région bruxelloise offre l’opportunité qu’un vote Gauches Communes ou PTB ne soit pas un vote perdu pour un élu de gauche, ce qui permet un vote de conviction pour la liste de gauche de son choix.

    Gauches Communes en campagne

    Il est possible de bénéficier d’un large soutien électoral sur base d’un programme ouvertement socialiste et d’utiliser une position élue afin de renforcer sur le terrain la lutte des travailleurs. C’est ce qu’a illustré la récente victoire de notre camarade Kshama Sawant à Seattle, et ce fut l’objet d’un débat remarquable organisé récemment par le PSL dans la commune bruxelloise de Saint-Gilles. Dans le même esprit, Gauches Communes organise le 1er février un rassemblement pour la gratuité des transports publics et contre l’augmentation des tarifs de la Stib votée au parlement bruxellois, en mobilisant dans les quartiers et parmi la jeunesse. Avec le soutien d’une position élue, ce type de résistance active pourrait trouver un plus large écho.

    Ce genre de campagne et d’action autour de revendications concrètes doivent être liés à une alternative politique basée sur ce qui est nécessaire aux travailleurs et à leurs familles, et non pas sur ce qui est ‘‘réaliste’’ avec des budgets possibles dans le cadre du système capitaliste. Tout comme plus de 80% de la population, nous soutenons l’instauration d’un impôt sur les grosses fortunes. Mais comment éviter la fuite des capitaux ? Il faut sortir des demi-mesures et défendre audacieusement une politique basée sur le refus du paiement de la dette publique et sur la nationalisation des banques et des secteurs vitaux de l’économie sous contrôle démocratique. Voilà de quoi pouvoir lancer un plan radical d’investissements publics massifs pour l’emploi, le pouvoir d’achat, le logement, l’enseignement, l’environnement, la santé, la culture, etc.

    Une fois les élections passées, poursuivons ensemble autour de l’Appel de la FGTB de Charleroi !

    Qu’importe l’exacte composition des prochains gouvernements, ils serviront d’Étatsmajors pour une offensive d’austérité plus franche, à tous les niveaux de pouvoir. La riposte nécessite un front uni à la gauche du PS et d’Ecolo autour d’un programme tel que celui proposé par la FGTB de Charleroi. Le renforcement électoral d’une – ou plusieurs – des composantes de la gauche doit être utilisé pour aider à concrétiser cet appel à la constitution d’un relai politique large des travailleurs, pluraliste et respectueux de ses diverses composantes.


    Notes

    1) Le Front des Gauches était le nom d’une alliance conclue entre le Parti communiste, la Ligue communiste révolutionnaire, le Comité pour une autre politique, le Parti humaniste, Vélorution et le PSL pour les élections de 2010

    2) Mécanisme permettant à des listes du même groupe linguistique de faire déclaration réciproque de groupement afin que leurs voix soient additionnées. La répartition des sièges s’effectue sur base de ce total.

  • Que représente l’expérience de Seattle pour les travailleurs de Belgique et d’ailleurs ?

    Un débat public enthousiasmant tenu à Saint-Gilles

    Pour débuter l’année, les sections bruxelloises du PSL-LSP ont organisé un meeting public autour des politiques d’austérité et de l’augmentation de la pauvreté qui en découle. Trois orateurs ont introduit le sujet, avec notamment Bart Vandersteene, porte parole du PSL-LSP qui a participé à la campagne de Socialist Alternative (parti-frère du PSL aux USA) à Seattle, une campagne qui a permis l’élection au conseil de ville de notre camarade Kshama Sawant. Une cinquantaine de personnes étaient présentes pour cet évènement qui s’est tenu au Pianofabriek, dans la commune de Saint-Gilles.

    Par Nico M. (Bruxelles), photos par MediActivista

    Nous avions également invité Giorgos Karatsioubanis, de la coalition de gauche radicale grecque Syriza. Ce dernier est intervenu au sujet des conséquences désastreuses des politiques imposées par la Troïka en Grèce et appliquées docilement par le gouvernement grec. Il est notamment revenu sur différents aspects de la crise humanitaire que vivent les jeunes et les travailleurs grecs.

    Notre troisième oratrice, Anja Deschoemacker, porte-parole de Gauches Communes, est revenue quant à elle sur la situation belge. Les politiciens traditionnels et la classe dominante tentent de nous faire croire que la Belgique s’en sort bien et semble être épargnée. C’est sans compter sur les mesures d’austérité imposées par Di Rupo Ier et celles que nous pouvons voir venir après les élections de mai 2014 ! Statut unique, réforme des allocations de chômage, pénuries dans le logement ou dans l’enseignement, transferts de compétences sans les budgets nécessaires, etc. la liste des attaques est longue pour un pays qui ‘‘s ‘en sort’’. Pour la classe dirigeante et ses partis traditionnels, l’après élections 2014 sera saisi pour pousser plus en avant les mesures d’assainissements et pour encore plus faire payer les jeunes et les travailleurs.

    Les interventions de Bart ont illustré sur base de l’expérience de Seattle comment la gauche peut engranger des résultats significatifs dans un tel climat, notamment sur base d’une alternative claire et de la mobilisation et l’enthousiasme de centaines de jeunes et de travailleurs. La situation aux USA s’est nettement dégradée depuis 2008, le peu de crédit dont disposait encore cette idée du ‘‘rêve américain’’ a volé en éclat. L’effet des quelques sursauts de croissance a unilatéralement été favorable aux 1% les plus riches alors que pas moins de 5% des Américains se sont vus saisir leur maison au cours de cette période. Dans cette situation et sur la lancée de mouvement tels qu’Occupy, le sentiment s’est développé à travers le pays que le big business peut compter sur les deux grands partis mais que les travailleurs ne disposent par contre d’aucun prolongement politique. A travers tout le pays – mais internationalement également – la campagne et la victoire de Kshama Sawant à Seattle onbt largement été discuté. Il s’agit de la première élue réellement socialiste depuis des décennies ! La revendication phare de l’imposition d’un salaire minimum de 15$ de l’heure a été le symbole d’un programme partant des besoins des travailleurs et de leurs familles et défendant résolument un autre projet de société, un projet de société socialiste. Kshama a également fait face aux menaces de délocalisation de l’entreprise Boeing que les outils de travail et les travailleurs qualifiés doivent rester sur place et continuer à fonctionner. L’expropriation de l’outil et sa collectivisation s’impose comme mesure à prendre.

    Le débat de ce lundi a permis de discuter de ces expériences et de mettre en avant qu’une alternative est possible, et surtout nécessaire. Il est plus que temps aujourd’hui d’aller à l’offensive sur le terrain politique avec notre propre alternative ainsi que nos revendications et de coupler cela à la mobilisation des travailleurs contre les trahisons des partis traditionnels, dont les promesses de campagnes ne font que précéder des mesures d’austérité sauvages.

    L’exemple de Socialist Alternative à Seattle illustre qu’un programme radical, anticapitaliste, socialiste et démocratique ne constitue pas un frein pour engranger des victoires électorales.

    L’appel de la FGTB de Charleroi doit permettre de discuter de l’émergence d’une initiative politique par et pour les travailleurs. Même si cela n’a pas permis l’émergence d’une telle initiative pour les élections de mai 2014, le débat doit se poursuivre.

  • Tout est prêt pour une longue campagne électorale

    Pendant les 6 prochains moins on ne pourra pas y échapper: tous les conseillers en communication des partis de l’establishment se sont mis au travail. Le ton a été donné par toute une série de congrès de partis en préparation de la campagne électorale, l’annonce des propositions soumises à l’approbation du prochain congrès de la N-VA obtenant la part du lion dans les journaux.

    Par Anja Deschoemacker

    Ces congrès n’ont rien livré de bien neuf, du moins en ce qui concerne les thèmes fondamentaux que sont la sécurité sociale, la sortie de crise, la relance de l’économie,… Ces sujets d’importance n’ont bénéficié de la part des partis traditionnels que de vagues déclarations. Leurs ‘‘propositions novatrices’’ ne portent que sur des détails. Seule la N-VA a clairement dévoilé jusqu’où elle était prête à aller dans l’application de l’austérité. Et les choses vont suffisamment loin pour que même l’Open-VLD, les libéraux flamands, préviennent de l’arrivée d’un véritable désastre social si, par exemple, la proposition de la NVA de rembourser la totalité de la dette de l’Etat dans un très court délai était mise en pratique. Diverses figures du MR ont également trouvé que cela allait trop loin.

    Le SP.a a fait de la diminution de la TVA sur l’énergie son principal cheval de bataille électoral, le CD&V aurait abandonné sa résistance au gouvernement sur ce point. Les sociaux-démocrates flamands voulaient ainsi afficher un profil ‘‘de gauche’’ – la proposition pour la diminution de la TVA émanant à l’origine du PTB – dans l’espoir de pouvoir une fois de plus convaincre les électeurs de voter pour ‘‘le moindre mal’’.

    Contrairement au PTB, le SP.a explique cependant qu’une diminution de la TVA aura aussi des conséquences favorables pour le patronat (et le gouvernement) : le fait que l’indice pivot ne serait dépassé que plus tard ferait économiser pas mal d’argent aux patrons du privé comme du public. Il ne faudrait pas se montrer comme étant de la ‘‘gauche irresponsable’’ devant le patronat…

    Le PS compte sur ses liens avec les syndicats, les mutualités et d’autres composantes du mouvement ouvrier pour tenir le coup. L’index n’a pas été aboli, les allocations de chômage ne seront pas limitées dans le temps, il n’y a pas eu de licenciements massifs dans les services publics…

    Voilà le message à faire passer : sans le PS, les choses auraient été bien pires ! Que l’index ait été encore un peu plus bidouillé (les soldes sont notamment reprises dans le calcul de l’index, ce qui mine notre pouvoir d’achat) ; que les diverses mesures sur le chômage condamnent des dizaines de milliers de femmes et de jeunes à des allocations ridicules et les rendent donc dépendants de leur partenaire ou de leurs parents et que des dizaines de milliers d’autres font face à la menace de voir leurs allocations supprimées ; que beaucoup de fonctionnaires qui partent en pension ne soient pas remplacés avec toutes les conséquences que cela implique en termes de pressions sur le personnel restant alors que les jeunes qui sortent de l’enseignement ne trouvent pas d’emplois ;… de tout cela, la direction du PS préfère ne pas dire un mot.

    Eh oui, les querelles classiques entre sociaux-démocrates et libéraux vont bon train, les chrétien-démocrates se présentant comme une sorte de ‘‘force tranquille’’, comme le ‘‘milieu politique responsable’’. Mais il est toutefois clair que les trois familles politiques traditionnelles et les partis ‘‘verts’’ se trouvent d’un côté et la N-VA de l’autre, et pas uniquement quand on parle de confédéralisme. La N-VA ne cache pas sa politique agressive, les autres partis préfèrent enrober l’austérité dans un emballage ‘‘social’’ afin d’éviter de provoquer de larges contestations.

    Rien de neuf depuis 2010?

    En comparaison de 2007 et 2010, les choses se présentent différemment : une alliance a été conclue contre la N-VA. Cela n’a toutefois rien à faire avec une inquiétude quant aux intérêts des travailleurs. C’est plutôt la volonté d’assurer de disposer d’un gouvernement en bon état de fonctionnement dont il est question, pour le moment où la bourgeoisie voudra lancer de grandes attaques structurelles en passant à l’acte pendant le ‘‘calme électoral’’ post-2014. C’est très précisément dans l’objectif de présenter la facture de la crise aux travailleurs de manière plus efficace que ce front anti-N-VA a été créé.

    Pour la classe des travailleurs, il n’y a rien de bon à trouver, ni dans un camp, ni dans l’autre. Des partis traditionnellement liés aux syndicats, on ne peut s’attendre qu’à quelques mesurettes diluées dans un océan d’austérité. A la N-VA, il n’est question que d’austérité dure, mais les chances que cela soit de suite rejeté par l’action du mouvement des travailleurs et par une résistance de masse est plus que probable en s’y prenant ainsi.

    Mais, contrairement à 2007 et 2010, on assiste aux premiers pas timides posés dans la direction du développement d’une conscience de classe. L’influence de l’appel de la FGTB de Charleroi est encore limitée en ce moment et la direction de la FGTB soutient toujours un appel pour le ‘‘moindre mal’’ pour les élections de 2014. Mais le travail de Piron et des siens est inestimable, même si les premiers résultats restent pour le moment encore sous la surface. Il ouvre la discussion parmi les syndicalistes les plus conscients et les plus politisés sur le type de parti nécessaire pour la classe des travailleurs, sur la base sur laquelle un programme de classe doit être élaboré,… Le PSL participe activement à cette initiative. Même si cet appel ne conduit pas à temps à de véritables listes unitaires de gauche, le progrès électoral du PTB offre aux jeunes et aux travailleurs combatifs au moins la possibilité de faire un vote de protestation à gauche, ce qui va aussi nourrir la discussion sur la nécessité d’un parti de gauche large et sur la lutte pour des revendications de gauche.

    Qui arrivera au pouvoir en 2014 ?

    Là où pendant longtemps les sondages montraient une croissance constante de la N-VA, les sondages les plus récents montrent que cette croissance s’est au moins arrêtée. Le front des partis traditionnels et des verts qui s’est constitué autour du gouvernement Di Rupo Ier et durant les négociations sur la sixième réforme d’Etat a évidemment beaucoup joué. Au lieu de constamment s’attaquer entre eux, ils ont maintenant tous la N-VA dans le collimateur.

    Mais il y a plus. L’attitude de la presse flamande n’est plus celle de 2010, quand les journalistes bourgeois succombaient massivement à la tentation face au dirigeant charismatique de la N-VA, Bart De Wever. Dans la dernière période il y a eu un tournant dans la presse dite ‘‘de qualité’’ et la N-VA est mise en avant de façon plus négative : le référendum contre la privatisation à Saint-Nicolas balayé par la majorité communale ; l’éclatement de la coalition autour de la N-VA à Turnhout ; les propositions de la N-VA qui s’attaquent au droit constitutionnel (taxe sur les étrangers à Anvers, interdiction du foulard au conseil communal de Boom,…) ; les querelles publiques autour des déclarations de Bracke,… Parallèlement, une approche plus positive a été adoptée envers le gouvernement fédéral et surtout envers Di Rupo lui-même, qui peut aujourd’hui se réjouir – selon les sondages – de disposer d’une certaine ‘‘popularité’’ en Flandre également.

    Et d’autres institutions bourgeoises se sont aussi mises dans le camp anti-N-VA. Ainsi, le gouverneur de la province d’Anvers a aboli la première proposition de taxe sur les étrangers dans la ville et, récemment, la Cour Constitutionnelle a envoyé à la poubelle le décret flamand ‘‘habiter dans sa propre région’’ comme discriminatoire et en contradiction complète avec plusieurs directives européennes.

    Tout est alors prêt pour rendre possible la poursuite du gouvernement Di Rupo, éventuellement rejoint par les verts, ce que veut la bourgeoisie. La condition pour une formation de gouvernement rapide est cependant que la N-VA n’obtienne pas de score trop élevé : avec un résultat en-dessous des 30%, le jeu prendrait sans doute fin rapidement. Avec un résultat compris entre les 35 et les 40% – ce que le N-VA n’a plus obtenu dans les derniers sondages – cela deviendrait bien plus difficile.

    Si la N-VA devient incontournable – si, en d’autres termes, elle obtient la moitié des voix avec le Vlaams Belang – la bourgeoisie va devoir fouiller dans sa vielle boîte à malice. L’histoire belge comprend quelques exemples de partis non-traditionnels devenus grands et qui ont été brulés par le gouvernement, généralement en leur donnant des postes de ministres sur des terrains où des attaques antisociales dures sont prévues. De tels gouvernements sont instables et tombent alors rapidement, après quoi les partis ‘‘fiables’’ reprennent à nouveau le flambeau. S’il faut un tel détour – un gouvernement de droite sous la direction de la N-VA et sans PS et SP.a – cette brève période gouvernementale va toutefois être utilisée afin d’instaurer nombre de mesures durement antisociales, des attaques qui ne seront pas (entièrement) annulées par le gouvernement ‘‘responsable’’ et ‘‘social’’ qui suivra.

  • Second tour des élections présidentielles chiliennes, encore une fois l’abstention est victorieuse.

    L’instabilité sociale et politique persistera durant la prochaine période

    Le Chili est entré dans un nouveau cycle politique, un pourcentage élevé de la population ne croit plus dans les institutions démocratiques de la bourgeoisie. En effet, la droite de ”l’Alianza” ou le centre gauche de la ”Concertación”, l’actuelle Nouvelle Majorité, sont les grands perdants du deuxième tour de l’élection présidentielle. Seul 5,6 millions des 13 millions d’électeurs se sont déplacés pour aller voter, cela représente une abstention de 57% !

    Celso Calfullan, Socialismo Revolucionario (CIO -Chili)

    Le jour des élections, le dimanche 15 décembre, tous les journalistes ont montré des bureaux de votes vides ou les responsables de certains bureaux qui dormaient car personne ne venait voter.

    Dire que l’abstention démontre clairement une position politique serait absurde, mais le fait que la majorité de la population ne va pas voter indique l’absence d’une vraie démocratie au Chili. Les gens ont arrêté de croire qu’en participant, sous les conditions actuelles, ils pouvaient changer quoi que ce soit avec leur vote. Cet élément doit être mis en rapport avec l’énorme mal-être qui existe parmi la population chilienne, illustré par les grandes mobilisations des années 2011 et 2012, où plusieurs millions de jeunes et de travailleurs sont sortis manifester dans les rues de toutes les villes du pays.

    Un autre élément important à prendre en compte est que ceux qui ont effectivement été voter sont fondamentalement les personnes issues des vieilles générations, pratiquement personne de moins de 40 ans n’a participé à ces élections. Ainsi, ceux qui n’ont pas été voté sont précisément ceux qui étaient dans les rues durant les grandes mobilisations sociales de ces dernières années et n’ont aucune confiance dans le fait que les nouvelles autorités puissent faire quelque chose de concret pour résoudre leurs problèmes.

    Un ras-le-bol est clairement perceptible parmi la population, spécialement parmi la jeunesse qui n’a pas vécu sous la dictature et qui ne vit plus avec la crainte de la répression ou d’un retour à la dictature si elle va ”trop loin”. Les étudiants et les jeunes travailleurs n’ont connu que les gouvernements de la Concertation et de la droite et se sentent floués.

    Nous devons aussi ajouter que le soutien réel à Bachelet est très faible. En effet, il est théoriquement de 62%, mais avec une participation à 43% le soutien réel ne s’élève qu’à 25%, ce qui est beaucoup moins que ce qu’elle n’a obtenue lors des élections présidentielles de 2005, quand elle a été élue présidente pour la première fois.

    Le mouvement étudiant n’a aucune confiance en Michelle Bachelet, d’autant plus avec les antécédents répressifs de son ancien gouvernement. Le mouvement a déjà menacé de recevoir le futur gouvernement avec des mobilisations et des manifestations. Les jeunes veulent voir des mesures concrètes qui mettent fin à l’enseignement privé et au profit dans l’éducation.

    Tout semble démontrer que la ”Lune de Miel” du futur gouvernement sera très courte et quant aux grandes espérances que certains ont pour Bachelet, la déception aussi sera grande. Ce sera comme verser de l’essence sur le feu social que nous avons vu au cours des années précédentes.

  • Elections chiliennes : Victoire de l’abstention

    Avec un niveau de 51,4%, l’abstention a largement gagné le premier tour des élections chiliennes du 17 novembre dernier. Cela est révélateur du désintérêt des électeurs pour le système politique actuel et nuance grandement la ‘‘victoire’’ de Michelle Bachelet, la candidate social-démocrate. En effet, non seulement elle n’a pas été élue dès le premier tour comme initialement espéré mais, en plus, ses 3.070.012 voix (46.67%) ne correspondent qu’à 22.7% des électeurs.

    Par Pablo N (Bruxelles)

    Quant à la candidate de la droite et de l’extrême-droite, Evelyn Matthei, elle n’a obtenu que 1.645.271 voix (25.01%), soit à peine 12.1% du corps électoral. Ce score correspond à la base traditionnelle de la droite putschiste et montre clairement qu’elle n’a pu remporter les élections de 2010 que grâce au dégoût profond de la population envers la Concertación (coalition de centre-gauche qui était au pouvoir depuis le début des années nonante). Le gouvernement de la Concertación (maintenant Nouvelle Majorité) dirigé par Bachelet fut marqué par de grandes mobilisations, particulièrement des jeunes écoliers, et par la répression des grévistes ou du peuple Mapuche (littéralement ‘‘Peuple de la terre’’, communauté originaire du centre-sud du Chili et de l’Argentine représentant environ 4% de la population chilienne), qui laissa plusieurs morts. Contre ces derniers, ce même gouvernement appliqua d’ailleurs une loi ultra-répressive “anti-terroriste” datant de la dictature de Pinochet. La décomposition de cette coalition paraissait inéluctable, mais elle fut stoppée par le prestige de la présidente et par l’arrivée du Parti Communiste Chilien en son sein.

    Le potentiel pour la gauche radicale

    Au niveau de la gauche, le candidat Marcel Claude qui avait suscité l’espoir d’un bon résultat électoral n’a pas réussi à massivement attirer les jeunes qui se sont mobilisés ces dernières années ainsi que la majeure partie de l’électorat traditionnel de gauche. Il n’a pu récolter que 184.906 voix (2.81%).

    Pourtant, avec la participation de centaines de bénévoles, le mouvement de Marcel Claude Todos A La Moneda (auquel participaient le Parti Humaniste chilien, le Mouvement Rodriguiste et Socialismo Revolucionario, l’organisation-sœur du PSL au Chili) avait un potentiel incroyable. Ainsi, il proposait le programme politique de gauche le plus radical depuis la fin de la dictature avec entre autres la convocation d’une assemblée constituante, la renationalisation du secteur du cuivre et des ressources naturelles en général, la fin du système des pensions privées (AFP), l’accès gratuit à l’éducation et à la santé ou encore la construction d’un Etat à caractère plurinational tenant compte des communautés originaires comme nations à part entière. Il a pu, jusqu’à un certain point, bénéficier de l’appui de la jeunesse qui d’habitude ne participe pas aux élections. Il a également réussi à avoir l’appui de dizaines d’organisations et des comités du mouvement se sont autoconvoqués dans tout le pays.

    Nous analysons que cette défaite est en partie due à l’impossibilité de certaines organisations ou de certains individus de la gauche chilienne de dépasser leur intérêts mesquins ou de réprimer leur arrogance. Ainsi, la fragmentation des forces anticapitalistes fut un grand obstacle pour la formation d’une force électorale crédible, capable de toucher et d’organiser une bonne partie de la population. De plus, la campagne électorale a été menée de manière très présidentielle, sans considération pour les candidats parlementaires et les candidats conseillers régionaux du mouvement. Mais les difficultés électorales de la gauche ne sont pas attribuables uniquement à ces points faibles. Le retard dans la conscience des masses et le monopole des partis capitalistes dans les médias dominants sont aussi des facteurs importants à prendre en compte.

    Ceci étant, les Comités de Campagne de Todos A La Moneda ont été une opportunité pour que les militants de plusieurs horizons et tranches d’âge puissent se rencontrer, surpassant quand même une certaine division. Une proposition de constituer un Front des Travailleurs dans tout le pays est née dans le mouvement et est en train de prendre forme. Si ce Front des Travailleurs se constitue réellement, en tant que premier pas pour l’unification et la conscientisation de la classe ouvrière et la jeunesse chilienne, ce sera finalement le plus grand apport de cette campagne. De plus, un secteur du mouvement étudiant regroupé autour de la Izquierda Autónoma Universitaria (la Gauche Autonome Universitaire) a réussi à faire élire un candidat au parlement chilien.

    En conclusion, l’abstention des secteurs les plus jeunes et les plus dynamiques, le dégoût pour l’establishment, les inégalités sociales brutales, l’endettement privé général et l’accentuation de la baisse de croissance chilienne promettent un gouvernement avec très peu de légitimité et de fortes mobilisations sociales. Cela donne également un terrain propice pour les idées vraiment démocratiques et socialistes dans les prochaines années.


    Nos candidats

    Celso Calfullan de Socialismo Revolucionario était candidat pour le conseil de Santiago. Il a reçu 16.500 voix dans le deuxième district électoral, un des meilleurs résultats du mouvement ‘Todos a la Moneda’. Patricio Guzmán, également membre de Socialismo Revolucionario, a recueilli 13.000 voix pour le Sénat à Santiago Oriente.

  • Succès retentissant pour une socialiste révolutionnaire à Seattle

    Kshama Sawant est élue avec 95.000 voix (50,6%) ! Le socialisme contre-attaque aux USA

    10 jours avant la tenue des élections locales, on pouvait lire dans le quotidien Seattle Times: “Nous pouvons déjà désigner les vainqueurs. Ce sont les socialistes. (…) Il est remarquable de constater qu’au cours de la campagne politique à Seattle de cette année, quasiment la totalité de son [Sawant] agenda a dû être repris même par les deux candidats-maires.” A ce moment-là, la majeure partie des commentateurs considéraient encore que Kshama Sawant ne remporterait pas le siège. Une fois devenu clair qu’elle avait pu réunir 95.000 voix, la presse locale n’a plus été seule à faire part de son étonnement, les médias nationaux et même internationaux se sont emparés du sujet de ce spectaculaire saut en avant.

    Par Bart Vandersteene

    Une éruption de mécontentement

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    La politique locale aux USA

    A Seattle, il n’y a pour toute la ville que 9 sièges au conseil de ville. Lors de la précédente législature, tous étaient du Parti Démocrate. Cette année, quatre de ces sièges étaient remis en jeu. Chaque habitant avait à choisir entre deux candidats pour chaque siège (après la tenue d’un premier tour en août).

    Extrait d’un article du quotidien britannique The Guardian

    ‘‘Son élection montre qu’elle n’a pas eu peur de se profiler comme une socialiste, mais aussi que les électeurs n’ont pas craint de l’élire en tant que telle. Ce n’est pas seulement la preuve que le socialisme est devenu populaire, les gens ont conclu qu’ils étaient peut-être depuis longtemps des socialistes pour ne le réaliser que maintenant. (…) L’espoir aujourd’hui n’est pas seulement que Sawant constitue un nouveau souffle progressiste pour Seattle, mais qu’elle en inspire d’autres, elle démontre que si l’on endosse pleinement l’étiquette du socialisme, cela peut être considéré comme un compliment.’’

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    La société américaine traverse actuellement une période de profonds changements. Pour une grande partie de la population, le fameux ‘‘rêve américain’’ gît brisé à leurs pieds. La crise a exposé au grand jour toutes les faiblesses du capitalisme et a ouvert un nouveau chapitre dans l’histoire du pays. Le soutien pour le parlement n’est plus que de 9%, contre 45% dix ans passés. Un sondage a aussi récemment dévoilé que 60% des Américains veulent voir un troisième parti émerger pour rompre la domination du système bipartite. A la base de ces chiffres se trouve l’énorme fossé entre riches et pauvres qui va grandissant, mais aussi l’incapacité d’instaurer un système de soin de santé décent pour tous, la spectaculaire augmentation de l’endettement des étudiants, les salaires de famine (qui touchent 12% de la masse salariée…), ces millions de personnes qui ont perdu leur maison,…. La liste des raisons pour lesquelles les gens se détournent de ce système est sans fin.

    Construire une voix de gauche et socialiste

    Le premier mouvement à avoir exprimé cette colère fut le Tea Party, de droite et conservateur. Leur campagne hystérique contre Obama et toute leur rhétorique affirmant qu’il voulait répartir les richesses et instaurer le socialisme a toutefois suscité un grand intérêt pour les idées du socialisme.

    Le président américain est pourtant loin d’être socialiste. Obama a luimême récemment précisé à ce sujet lors d’une rencontre patronale organisée par le Wall Street Journal : ‘‘Les gens disent parfois que je suis un socialiste. Mais non, allez voir ce qu’est un véritable socialiste. Vous aurez alors une idée de ce que c’est d’en être un. Je parle ici de diminution des taxes pour les entreprises. Ma réforme des soins de santé était basée sur le principe du libre marché. Et la dernière fois que j’ai regardé la Bourse, elle se portait très bien.”

    L’espoir de l’arrivée d’un changement était grand au moment de son élection et de sa réélection. Aujourd’hui, c’est la déception qui domine. En paroles, Obama a su donner une certaine expression à l’aspiration pour un changement. Mais dans les actes, il a révélé sa véritable nature, celle d’un ardent défenseur des intérêts de l’élite économique. Cela a ouvert un espace à la gauche des Démocrates. Socialist Alternative, notre organisation-soeur américaine, a été parmi les premiers à percevoir ce potentiel. Notre victoire électorale est un bon exemple de ce qui s’offre à la gauche pour les années à venir. Si cette opportunité n’est pas saisie, le danger est réel que les forces électorales conservatrices et réactionnaires puissent être en mesure d’en profiter.

    Construire le soutien aux idées du socialisme

    La victoire de Seattle est une indication de la direction dans laquelle se dirige la société américaine. Des idées qui jusqu’à tout récemment encore étaient rejetées comme bien trop folles gagnent aujourd’hui en audience.

    Juste après l’annonce de sa victoire, Kshama Sawant a pu prendre la parole lors d’une grande assemblée des travailleurs de Boeing. Pour la énième fois, cette entreprise a menacé de délocaliser sa production, un chantage qui lui a rapporté un nouveau cadeau fiscal historique de l’État de Washington : 8,7 milliards de dollars. Mais leur soif de profit est inapaisable. Les managers ont, par-dessus le marché, réclamé une révision extrêmement drastique des pensions des travailleurs ! Pour ces derniers, la coupe était pleine et ils ont voté à une large majorité contre cette proposition, même sous la menace de la délocalisation brandie par Boeing.

    Kshama Sawant a stupéfait les travailleurs par son langage radical et très inspirant. ‘‘La seule réponse à donner quand la direction de Boeing menace de partir, c’est de dire que les machines restent ici. Les travailleurs qualifiés et expérimentés aussi sont ici, nous continuerons à travailler, nous n’avons aucunement besoin de managers. Ce ne sont pas eux qui font tourner l’usine, ce sont les travailleurs. Ils peuvent partir, nous reprendrons l’entreprise sous propriété publique.’’

    Les forces socialistes ont dû nager à contre-courant très longtemps aux États- Unis, plus encore que dans le reste du monde. Cette percée des socialistes révolutionnaires est une source d’inspiration pour tous ceux et toutes celles qui se battent pour un autre monde, un monde socialiste.

  • [INTERVIEW] USA : Victoire éclatante pour une socialiste révolutionnaire à Seattle!

    Des “conséquences fracassantes” aux Etats-Unis et internationalement

    Le soir du 15 novembre 2013 restera une date marquant une étape historique dans la construction d’un nouveau mouvement socialiste aux États-Unis, la plus grande puissance capitaliste au monde. Kshama Sawant, candidate de Socialist Alternative (les partisans du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) aux USA) a été capable de remporter un siège au conseil de Seattle après que son adversaire ait concédé avoir perdu. C’est la première fois depuis de nombreuses décennies qu’un socialiste révolutionnaire remporte une élection aux Etats-Unis en battant le parti Démocrate, un parti qui prétend être favorable aux travailleurs. Le décompte des voix se poursuit toujours et confirme l’avance croissante de Kshama Sawant dans cette ville. En date du 18 novembre, Kshama avait reçu le suffrage de 93.168 personnes.

    Sarah Wrack, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    Pourquoi avez-vous, avec Socialist Alternative, decide de vous presenter à ces élections ?

    L’an dernier, nous avions déjà mené campagne pour la Chambre des représentants de l’Etat de Washington, j’étais alors candidate contre le président de la Chambre, Frank Chopp, probablement le parlementaire le plus puissant de l’Etat (Lire notre article Socialist Alternative remporte un score historique contre le Président de la Chambre des Représentants de l’Etat de Washington).

    Derrière notre décision de mener cette campagne électorale, il y a notre analyse politique des conditions qui ont émergé suite au mouvement Occupy. Ce mouvement a été très actif puis, vers fin 2011 – début 2012, il a commencé à bifurquer vers des campagnes telles que Occupy Homes au Minnesota (contre les expulsions et les saisies immobilières) et ainsi de suite. Mais dans la plupart des cas, le mouvement commençait à perdre son souffle. Le sujet le plus important à ce moment était la réélection de Barak Obama et le fait que, pour ceux qui se considèrent comme des progressistes, la priorité était d’obtenir cette réélection parce qu’il était impensable de voir le Républicain Mitt Romney arriver à la Maison Blanche.

    Bien entendu, Socialist Alternative est d’accord pour dire que l’aile droite ne doit pas disposer d’une telle opportunité, mais nous avons également fait remarquer que les Démocrates ne constituent en rien une alternative et que dans l’ensemble, la classe des travailleurs n’a pas bénéficié de la politique des deux partis du Big Business, qui sont dans les faits deux ailes d’un même grand parti pro-capitaliste.

    En fait, l’administration Obama est en elle-même un bon exemple de la manière dont les Américains progressistes placent leurs espoirs dans les Démocrates années après années pour ensuite devoir faire face à toute une série de trahisons. Toutes les promesses concernant les soins de santé, les détentions à Guantanamo Bay, la fin de l’occupation de l’Afghanistan et les attaques de drones,… n’ont pas été tenues. Les attaques de drones ont augmenté, la présidence d’Obama a été marquée par le plus grand nombre d’expulsions de sans-papiers et, en tant que professeur, je peux vous garantir que l’assaut contre l’enseignement public et contre les syndicats d’enseignants a été plus aigu sous Obama.

    La question qui se posait à Socialist Alternative était de voir comment pouvoir poursuivre les discussions politiques et d’approfondir la clarification portant sur la nécessité de rompre avec les deux partis de Wall Street et de rompre également avec le système capitaliste lui-même. Lancer notre propre campagne et illustrer par la pratique ce qu’une campagne populaire véritablement indépendante pouvait être nous a semblé constituer une stratégie efficace.

    Nous avons mené campagne en refusant l’argent des grandes entreprises et sans chercher le soutien de l’establishment du parti Démocrate.

    L’an dernier, nous avons obtenu 29% des voix, un score tout à fait remarquable : plus de 20.000 personnes avaient voté pour nous. Et nous nous sommes battus pour notre droit d’avoir ‘‘Socialist Alternative Party’’ sur le bulletin de vote (et non tout simplement le nom du candidat), tout comme nous avons cette année aussi mené ouvertement campagne sous le nom de Socialist Alternative.

    Comment la campagne a-t-elle été organisée?

    Les premières personnes impliquées ont été les membres de Socialist Alternative. Notre objectif principal au début était de développer la plate-forme de la campagne. Le thème fut discuté et débattu dans toutes les sections locales de Socialist Alternative. Nous avons particulièrement souligné trois points, dont la revendication d’un salaire minimum de 15 $ de l’heure, ce que nous avions déjà défendu l’an dernier. Cette année, puisque nous étions impliqués dans une campagne menée à travers toute la ville, notre revendication d’un salaire minimum a été discutée dans toute la ville de Seattle. Le second point concernait le droit de disposer d’un logement abordable et d’un contrôle des loyers. Le troisième était l’instauration d’une taxe sur les millionnaires pour financer le transport en commun et l’enseignement.

    Notre campagne était placée sous le slogan : ‘‘make Seattle affordable for all’’ (rendre Seattle abordable pour tous), car Seattle est une ville très riche mais profondément inégalitaire. Y vivre est inabordable pour la grande majorité des gens, et en particulier dans les rangs des travailleurs à bas salaire.

    Dès le début, il était clair que ces revendications attiraient l’attention enthousiaste de la classe des travailleurs à Seattle, ce qui nous a aidé à développer notre réseau de volontaires. De nombreuses personnes se sont senties galvanisées à l’idée d’une campagne électorale tellement différente du business-as-usual des politiciens pro-capitalistes.

    Le fait que nous nous sommes engagés, en cas de victoire, à ne garder que le salaire moyen d’un travailleur a particulièrement suscité l’intérêt. Un membre du conseil de Seattle (qui en comprend 9) gagne 120.000 dollars par an, un salaire très élevé qui n’est devancé qu’au conseil de Los Angeles. La plupart des gens ne savaient pas qu’il en était ainsi et nous avons bénéficié d’un large écho en affirmant que nous ne garderions que le salaire moyen d’un travailleur, en consacrant le reste à la construction des mouvements pour la justice sociale.

    C’est donc à travers la politique à la base de la campagne que nous avons été capables de construire une grande base de bénévoles. Plusieurs membres de Socialist Alternative ont travaillé à temps plein pour les organiser. Nous avions un bureau de campagne où étaient organisées des réunions de travail quotidiennement, en collaboration avec la direction locale de Socialist Alternative.

    Nous avons de cette manière pu être en mesure de prêter attention à tout ce qui se passait dans la ville et de profiter de toutes les opportunités pour parler de la campagne, pour la faire connaître et disposer d’espaces dans les médias, chose véritablement nécessaire puisque nous étions en lutte contre un puissant Démocrate implanté au conseil depuis 16 ans déjà. Nous avons été capables de faire fortement ressortir les conséquences néfastes de sa politique mais aussi de celle de l’administration de Seattle en général et de montrer à quel point ces politiciens sont totalement en dehors de la réalité quotidienne des travailleurs. Grâce à tous ces efforts, nous avons pu construire une base de plus de 350 bénévoles, une grande source d’énergie pour la campagne.

    Dans la dernière ligne droite, ce qui a beaucoup aidé la campagne, ce fut l’organisation d’une centaine d’actions le week-end précédant le jour du scrutin. Des partisans de Socialist Alternative se sont placés avec des affiches à tous les carrefours majeurs de la ville, plusieurs bannières ont été déployées au-dessus des autoroutes autour de la revendication d’un salaire minimum.

    Cela nous a vraiment aidé pour convaincre les gens d’aller voter. La politique de la ville est tellement hors de la réalité des travailleurs et de leurs familles qu’il est normal que nombre parmi eux ne fassent pas attention à la campagne électorale, qu’ils trouvent ennuyeuse. Ils considèrent les membres du conseil comme de riches blancs issus de la classe supérieure, qui ne sont pas au courant de ce qui se passe sur le terrain et ne s’en soucient pas. Le défi auquel nous avons dû faire face ne consistait donc pas seulement à influencer des électeurs, mais aussi à pousser les habituels abstentionnistes à aller voter pour cette fois.

    Nous avons également désiré approfondir le dialogue avec les gens. Nous sommes marxistes, nous ne pensons pas que l’arène électorale est la plus favorable pour la construction des mouvements sociaux. Nous avons voulu montrer un exemple de la manière dont cela pouvait être fait, avec une implication active dans la campagne. Je pense que c’était là notre plus grand défi, et que nous nous en sommes plutôt bien sortis.

    Mais nous ne pouvons pas tout simplement parler de notre campagne. Nous devons aussi mentionner qu’elle a été menée au même moment que la lutte des travailleurs des fast food. A Seattle tout particulièrement, ces travailleurs en lutte étaient très confiants en leurs possibilités, et nous nous sommes montrés solidaires de leur combat. Un scrutin portant sur l’instauration d’un salaire de 15 $ de l’heure a aussi été lancé à Seatac, une ville voisine de Seattle où se trouve l’aéroport international. Le thème était très précisément la question du salaire des travailleurs des aéroports. Tout cela a contribué à l’élan de la campagne.

    Comment les gens ont-ils réagi au fait que vous vous êtes présentés ouvertement comme socialistes ?

    Pour la plupart des gens, ce qui est surtout ressorti, c’est que nous luttions pour un salaire minimum de 15 $ de l’heure.

    Ce qui est vraiment attiré l’attention, c’était l’audace dont nous avons fait preuve sur cette question, contrairement à ce qui se fait généralement. Pas mal de gens qui approuvaient notre campagne et avaient l’expérience des partis bourgeois nous disaient : ‘‘vous devez baisser le ton, ne critiquez pas tellement l’administration.’’ On m’a même souvent demandé: ‘‘pourquoi devez-vous toujours commencer chaque discours en disant: ‘‘Je suis un membre de Socialist Alternative’’?’’

    Ils voulaient me dissocier de Socialist Alternative parce que la politique électorale américaine est normalement centrée sur des personnes et des personnalités, pas sur des organisations collectives ou l’effort collectif. Mais nous avons complètement rejeté cela. Nous avons été plus audacieux et avons été implacables en présentant notre politique et affirmant clairement que chaque personne qui aimait cette campagne et son aspect combatif devait savoir que cela avait directement à voir avec le fait que nous sommes des socialistes révolutionnaires.

    Beaucoup de gens ne se souciait du reste pas tellement de l’étiquette, ils se souciaient du fond de la campagne. Mais pour une certaine couche, cela était important. Certains disaient ‘‘Eh bien si c’est ça une campagne socialiste, et que je suis d’accord avec tout, alors peut-être bien que je suis moi-même un socialiste, peut-être que j’ai besoin d’entrer en discussion avec Socialist Alternative.’’ Des personnes ont rejoint notre organisation, où sont en discussion à cette fin, parce qu’ils ont approuvé ce que nous avons dit et que leur confiance a été renforcée par notre ardeur à nous battre pour la victoire.

    Quels sont vos projets maintenant ?

    Tout d’abord aujourd’hui [le 17 Novembre] nous avons un grand meeting pour réunir tous ceux qui ont participé à la campagne et pour célébrer notre victoire. Mais il sera également question de donner une idée de la voie à suivre pour l’avenir : que doit-il maintenant se passer ?

    Nous ne voulons pas limiter à parler de la campagne et de ce que nous allons faire au conseil de Seattle, nous voulons aussi aborder la signification de cette victoire. Quelle est la signification de la victoire d’un socialiste révolutionnaire au conseil d’une grande ville américaine ? En de nombreux points, il s’agit d’un bouleversement pour la gauche en général, en particulier aux Etats-Unis mais aussi au niveau international. Si cela a été possible, qu’est ce qu’on peut faire d’autre ?

    La raison pour laquelle nous obtenons l’attention des médias nationaux et internationaux n’est pas que nous avons gagné un siège au Conseil de Ville. Normalement, tout le monde s’en fiche. Ce qui est frappant, c’est qu’une personne ouvertement socialiste remporte un siège, que la campagne n’a pas bénéficié de l’argent des grandes entreprises et qu’elle n’a pas reposé sur l’appareil du parti Démocrate pour l’emporter. Nous avons besoin que la gauche tire parti de ces enseignements et se rende compte qu’il existe une ouverture pour construire des mouvements et construire une alternative anticapitaliste viable qui luttera pour les travailleurs, contre les deux partis de Wall Street.

    Au Conseil, notre première priorité sera de pousser l’application d’un salaire minimum de 15 $ de l’heure. Nous allons rédiger une ordonnance à cette fin à destination du Conseil. Mais nous n’avons aucune illusion sur le fait que cela sera facile. Les grandes entreprises vont résister bec et ongles parce que Seattle est une ville importante, et qu’il leur faut éviter tout précédent. Cela pourrait avoir un effet domino sur d’autres villes. Nous devons donc continuer à soutenir la construction d’une mobilisation de masse autour de cette revendication.

    Une des choses à laquelle nous allons maintenant œuvrer est l’organisation d’un meeting de masse, notre objectif est de réunir 10.000 personnes mais nous verrons comment ça se passe, début d’année prochaine, en soutien à cette revendication des 15 $ de l’heure.

    J’ai vu beaucoup de commentaires disant qu’il y a quelque chose d’unique à Seattle. Bien sûr, il y a toujours des choses différentes d’une situation à l’autre, mais je pense qu’il est important pour la gauche de partout réaliser que, compte tenu de la crise du capitalisme (et en particulier en Europe au vu de la politique d’austérité qui y a été appliquée), il est absolument certain que de grandes possibilités existent. Si cela peut se produire dans l’antre de la bête, il n’y a aucune raison que cela ne puisse pas être fait ailleurs. Mais ce n’est pas automatique, et c’est pourquoi nous devons consciemment construire nos forces.

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