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Afrique du Sud : Un an après le massacre de Marikana
Tant les capitalistes que la classe des travailleurs se préparent à des troubles sans précédent
Le 16 août 2012, à Marikana, une ligne sanglante a été tracée dans le sable politique de l’Afrique du Sud après que la police ait froidement abattu 34 grévistes et blessé 78 autres. Les quelques secondes de ce massacre qui sont passées à la télévision ont démoli des décennies d’illusions soigneusement entretenues par le gouvernement de l’ANC (le Congrès National Africain) et l’Etat capitaliste. Ce recours de l’Etat à la forme la plus brutale de répression contre les grévistes de l’entreprise minière britannique Lonmin a mis en branle une nouvelle période de révolution et de contre-révolution dans le pays.
Liv Shange, Democratic Socialist Movement (CIO-Afrique du Sud)
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Pour en savoir plus:
- Afrique du Sud : des convulsions sismiques (juillet 2013)
- Un siècle d’ANC : de l’espoir à la désillusion
- Marikana : le massacre qui changea la face de l’Afrique du Sud
Un an plus tard, l’offensive des patrons des mines contre les emplois et les droits des travailleurs ne cesse de prendre de l’ampleur. Mais les leçons du massacre de Marikana sont profondément enracinées dans la conscience de millions de travailleurs et de jeunes, et cela prépare le terrain pour de plus amples bouleversements axés autour de l’industrie minière, le secteur économique central du pays.
Marikana : nous n’oublions pas
Le massacre du 16 août 2012 était une opération soigneusement orchestrée, dont l’objectif était d’écraser le défi représenté par les travailleurs de Lonmin pour le gouvernement et l’ordre capitaliste. A la suite de jours (et d’années) de répression, des milliers de travailleurs s’étaient rassemblés sur la colline, ‘‘la montagne’’ clôturée de barbelés qui surplombe Marikana, mais ils ont été attaqués par derrière à coups de tirs d’armes automatiques et de canons à eau. Chassés vers l’ouverture de cinq mètres dans la clôture, un premier groupe a été littéralement abattu devant les caméras. La majorité des personnes tuées et blessées a ensuite été portée hors de vue des caméras, au milieu de rochers et de buissons d’une autre petite colline. Beaucoup de victimes ont été abattues à bout portant, dans le dos ou alors qu’elles levaient les bras en l’air pour se rendre. La police a délibérément détruit les visages des morts en roulant sur leurs crânes avec des véhicules blindés. ‘‘L’enquête’’ de la police a par contre été bien moins préparée. Il s’agissait très clairement d’une maladroite tentative de couvrir cette violence.
La véritable histoire de Marikana a été largement connue grâce à la ténacité des travailleurs qui ont poursuivi leur combat après le massacre, la grève se développant même à l’échelle de toute l’industrie minière nationale. Dans les jours qui ont précédé et suivi le massacre, l’opinion publique avait subi un déluge virtuel de propagande vicieuse contre les travailleurs de Lonmin et leur lutte. Suite à la trahison du Syndicat national des mineurs (le NUM), les travailleurs n’ont eu d’autre choix que de prendre eux-mêmes en main la lutte pour un salaire décent. C’est pour ce ‘‘crime’’ qu’ils ont eu à faire face à une répression abjecte et ont été dépeints comme des criminels sanguinaires et assassins, comme des sauvages possédés ou encore comme de malheureuses victimes des manipulations d’une ‘‘troisième force’’. Jeremy Cronin, du Parti ‘‘communiste’’ sud-africain (SACP) a remporté la palme en condamnant publiquement les grévistes en tant que ‘‘gros bras de la mafia du Pandoland’’ (une région d’Afrique du Sud). L’Etat, de son côté, n’a cessé de marteler le refrain de ‘‘l’auto-défense’’ de la police devant la Commission Farlam qui a enquêté sur le massacre. Cela n’a fait qu’illustrer à quel point cette parodie de procès a été déconnectée de toute réalité.
La répression sanglante des luttes des travailleurs en général, et de celles des mineurs en particulier, n’a bien entendu pas commencé à Marikana. Tout juste deux semaines plus tôt, le 1er août 2012, par exemple, cinq travailleurs qui protestaient ont été abattus par la police à l’extérieur Rustenburg, à l’entreprise Aquarius K5. Leurs meurtres n’ont constitué qu’un nouveau paragraphe sur les pages sombres des pratiques des entreprises. L’ampleur de la violence publique infligée aux travailleurs Lonmin, qui a secoué l’Afrique du Sud et le reste du monde, ne devait rien au hasard. Il s’agissait d’une riposte calculée face au plus sérieux défi auquel faisait face l’African National Congress (ANC, Congrès National Africain) : une révolte de mineurs contre le syndicat des mineurs NUM, qui tout au long de l’ère post-apartheid a joué un rôle clé pour contrôler les mineurs et soutenir les patrons de l’industrie minière, l’épine dorsale de l’économie sud-africaine. Le NUM est devenu le pilier du Congrès des syndicats sud-africains (le COSATU) et de l’alliance dirigée par l’ANC au pouvoir (qui comprend également le Parti ‘‘Communiste’’ Sud-Africain). L’autorité du NUM n’était pas seule à être menacée. La capacité de l’ANC à préserver la confiance de la classe dirigeante capitaliste en tant que force capable de ‘‘contrôler la classe ouvrière noire’’ (selon les mots du Business Daily pour résumer la raison d’être de l’ANC) était aussi en jeu. La répression décidée par l’ANC et le grand actionnaire de Lonmin Cyril Ramaphosa (ancien dirigeant du NUM, député de l’ANC et 21e fortune africaine) devait par conséquent affirmer l’autorité de l’Etat-ANC à l’aide de fusils.
‘Ceci n’est pas notre gouvernement’
“Longue vie à l’esprit de nos héros” : commémoration du massacre de Marikana ce 16 août 2013, à l’initiative du WASP.
[/box]La tentative de noyer la grève dans le sang a exposé aux yeux de millions de personnes quel était réellement devenu le rôle de l’ANC, du NUM,… avec une clarté aveuglante et instantanée. L’un des principaux enseignements du marxisme – que le noyau dur de tout Etat se compose de ‘‘bandes d’hommes en armes’’ qui défendent la classe dirigeante, tout en s’appuyant également sur des institutions plus ‘‘douces’’ (comme le parlement en tant que moyen de renforcer régulièrement les illusions ressenties envers le système) et avec l’aide de prolongements comme les syndicats, les partis politiques et les médias afin de justifier l’oppression des uns par les autres – a été soudainement compris bien au-delà de la portée des militants marxistes. Marikana a clarifié que le gouvernement ANC est un gouvernement dirigé par un parti qui n’existe que pour défendre les intérêts des capitalistes, que le NUM est l’outil principal pour mener à bien cette tâche et que la police, les tribunaux et les médias soi-disant neutres ne sont guère plus que les propriétés effectives des grandes de grandes entreprises.
Ce qui découle directement de ces conclusions, c’est la nécessité d’une alternative politique pour la classe des travailleurs. Les mineurs, tout d’abord dans la ceinture des mines de platine de Rustenburg puis dans les mines de tout le pays, ont suivi l’exemple des travailleurs de Lonmin et instauré des comités de grève indépendants. Le permanents syndicaux du NUM, qui gagnaient parfois l’équivalent de dix fois le salaire d’un travailleur ordinaire, ont été chassés des bureaux syndicaux. Grâce à la diffusion de la grève, à son unification et à sa coordination, les compagnies minières et le gouvernement ont été contraints de reconnaître les comités de travailleurs. Dans l’esprit des grévistes, dès le début, cela était lié à la nécessité de renverser le gouvernement des patrons pour le remplacer par un gouvernement des travailleurs. Au fur-et-à-mesure que les travailleurs ont retrouvé confiance dans leur capacité de s’organiser, de combattre et de gagner, l’idée de construire un nouveau parti, une alternative politique à l’ANC et aux partis établis pour défendre les intérêts des travailleurs, a pris racine en tant qu’urgente nécessité. De là sont sortis le Comité de grève national sur base du développement des comités de grève locaux en octobre 2012 et le Workers and Socialist Party (WASP) fondé en décembre 2012.
De nouvelles batailles sur le front des mines
A partir de Marikana, la conscience de classe au sein de la classe ouvrière sud-africaine a atteint un nouveau stade. Les luttes se développent sur divers fronts, des lieux de travail aux communautés locales, sur base quotidienne. Et alors que celles-ci sont en pleine recrudescence, le contexte actuel est que les choses ne peuvent pas continuer comme avant – au sein de la classe ouvrière et de la classe capitaliste. Encore une fois, les contradictions politiques et économiques sud-africaines atteignent leur expression la plus concentrée dans l’industrie minière. Les ventes perdues suite à la vague de grèves d’août-décembre 2012 sont certainement irritantes pour les patrons, mais ce n’est pas cela qui explique les attaques actuelles contre l’emploi dans les mines : c’est le ralentissement inexorable de l’économie mondiale. Les cours de l’or et du platine ont chuté, par exemple, et les profits et marges de manœuvre des multinationales minières s’en sont retrouvés réduits. L’objectif visé par les licenciements actuels est de supprimer l’offre excédentaire de minéraux comme le platine et l’or afin de restaurer la profitabilité tout en s’en prenant à la confiance retrouvée des travailleurs.
Avant les évènements de Marikana, des entreprises minières avaient déjà tâté le terrain pour réduire la surproduction en essayant de fermer des puits de mines autour de Rustenburg. Après avoir été forcés de battre en retraite par le mouvement de grève, ils ont repris l’offensive immédiatement après la fin des grèves en commençant un lock-out (une grève patronale par la fermeture des sites) et en expulsant 6.000 travailleurs au puits de Kusasalethu de l’entreprise Harmony Gold à Carletonville le jour du Nouvel An 2013. Amplats, premier producteur de platine au monde, a suivi en annonçant deux semaines plus tard la mise sous cocon (fermeture avec possibilité de réouverture ultérieure) de quatre puits à Rustenburg, la fermeture d’une mine et le licenciement de 14.000 travailleurs. Sous la pression du gouvernement et de la combativité des mineurs, ces chiffres ont été revus à trois puits et à 6000 travailleurs pour l’instant. Alors que l’AMCU (Association of Mineworkers Union et Construction, née d’une scission de la fédération des syndicats d’Afrique du Sud COSATU) est toujours empêtrée dans les consultations avec les patrons concernant cette ‘‘révision stratégique’’, les patrons agissent déjà et comptent bien finaliser leur projet pour la deuxième moitié de l’année 2013. De son côté, AngloGold Ashanti a annoncé la réduction d’un tiers de sa production mondiale en un an, plus que probablement essentiellement en Afrique du Sud.
Tout comme Amplats, Glencore Xstrata est un cas pilote pour la classe dirigeante. Eux aussi comprennent bien cette vérité de la classe ouvrière : une attaque contre un est une attaque contre tous. Tout au long de l’année 2013, l’industrie minière n’a cessé d’être marquée par des grèves spontanées dirigées par les travailleurs eux-mêmes. À la mine de chrome de Glencore Xstrata à Tubatse (région de Limpopo), 2000 travailleurs ont protesté contre le fait que la société ait protégé un superviseur blanc raciste qui avait agressé un travailleur noir. La société a immédiatement agi en déclarant la grève illégale et en licenciant les 2000 travailleurs avec le soutien de tous les patrons des mines et des spéculateurs internationaux. Les patrons de Xstrata Glencore veulent empêcher toute victoire des travailleurs aujourd’hui engagés dans la bataille pour récupérer leurs emplois, avec le soutien du Workers and Socialist Party (WASP) et du Democratic Socialist Movement (DSM, section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Afrique du Sud, active au sein du WASP). Certains commentateurs bourgeois parlent d’une possible réduction d’emplois de l’ordre de 200.000 postes au cours des quelques prochaines années. Pendant ce temps, la monnaie nationale (le Rand) baisse, de même que le taux de croissance et les recettes fiscales. L’inflation est la hausse, tout comme le taux de chômage et la dette publique. L’économie sud-africaine approche d’un point tournant que craignent tous les analystes pro-capitalistes, car cela peut déclencher une crise sociale globale.
Une paix sans justice ?
En plus de ces attaques contre l’emploi dans les mines, la classe dirigeante veut se débarrasser du système de négociation collective et plus souvent recourir à une répression similaire à celle qui a pris place à Marikana. Une série ‘‘d’accords de paix’’, sous diverses étiquettes, a été conclue au lendemain du massacre. Le dernier en date est ‘‘l’accord-cadre pour une industrie minière durable’’ qui fait suite aux négociations entre le gouvernement, l’industrie et le syndicat, sous la direction du Vice-Président Kgalema Motlanthe (un ancien secrétaire général du NUM). Tout comme les accords précédents, il ne contient que de vagues promesses pour améliorer le niveau de vie dans les communautés minières. Par contre, il est beaucoup plus concret concernant le respect de la loi et de l’ordre, avec notamment le stationnement permanent de la police et ‘‘d’autres forces de sécurité’’ sur toutes les sites miniers. Les travailleurs et les syndicats devraient prendre la responsabilité de maintenir la ‘‘paix’’ alors que les patrons se préparent à la guerre. Pendant ce temps, les menaces et les assassinats contre les dirigeants des travailleurs associés à l’AMCU ont continué, provoquant parfois de sanglantes représailles.
Cet accord-cadre est à considérer dans le cadre des tentatives du gouvernement ANC pour rassurer les capitalistes des mines et la classe dirigeante dans son ensemble sur les capacités de ce parti à regagner le contrôle de la situation après Marikana. Ce n’est bien entendu aucunement un hasard si cet accord intervient au moment du début des négociations salariales dans els secteurs de l’or et du platine, les négociations les plus polarisées depuis des décennies avec par exemple la revendication d’une augmentation de 120% contre l’offre patronale de 5% dans le secteur de l’or et le début d’une vague de licenciements de masse. L’attaque portée contre le Democratic Socialist Movement (CIO-Afrique du Sud) en essayant de prendre pour bouc émissaire la membre du DSM Liv Shange accusée d’être responsable de l’anarchie dans l’industrie minière et menacée d’expulsion fors d’Afrique du Sud (voir notre article à ce sujet) fait partie des efforts visant à amoindrir la capacité de combat des mineurs.
En dépit des efforts de l’ANC, ses déchirements internes continuellement en cours sont la preuve que ses dirigeants, par ailleurs grands gestionnaires d’entreprises, doivent encore être convaincus que les choses peuvent être gardées sous contrôle. Alors que la faction du président Zuma semble toute-puissante pour l’instant, sa paranoïa est une indication qu’elle reconnait que d’autres forces peuvent jouer un rôle grandissant, par exemple autour de du vice-président de l’ANC Cyril Ramaphosa.
De plus en plus, la classe dirigeante sud-africaine se prépare à un ‘‘Plan B’’ sans ANC. La formation de Agang (‘‘Construire’’ en langue Sotho), un nouveau parti politique dirigé par le magnat des mines et ancienne directrice de la Banque Mondiale Mamphela Ramphele est à considérer dans ce cadre. L’opposition de droite de la Democratic Alliance s’acharne actuellement à avaler d’autres partis pour constituer une ‘‘super-opposition’’. L’ancien président de la Ligue de la Jeunesse de l’ANC Julius Malema est désormais le ‘‘commandant en chef’’ des Economic Freedom Fighters (EFF), un parti nouvellement créé, dans l’espoir de tirer profit de cette nouvelle situation avec un programme de revendications radicales. L’ANC devrait avoir à souffrir de lourdes pertes aux prochaines élections au parlement national et aux parlements provinciaux.
Un an après Marikana, nous sommes au seuil d’une tourmente qui pourrait ébranler les bases de l’Afrique du Sud. La classe ouvrière sud-africaine vient seulement d’entamer la reconstruction de ses organisations de classe indépendantes. L’AMCU, le syndicat qui a repris une grande partie des adhésions au NUM dans la ceinture des mines de platine de Rustenburg et dans l’industrie de l’or dans le sillage des dernières grèves, doit encore démontrer comment il se comportera dans la pratique, à commencer par la lutte contre les licenciements. Jusqu’à présent, l’absence apparente de toute stratégie de riposte est une grande source de préoccupation. Le Cosatu, la fédération syndicale à laquelle appartient le NUM, semble de son côté incapable de se remettre de sa capitulation historique face aux patrons de Marikana. Les dirigeants du Cosatu ont toléré le massacre et continuent de soutenir les dirigeants de l’ANC pour leur réélection. Rien n’est fait pour mener des campagnes efficaces, au contraire, la fédération ne cesse de sombrer avec de nombreuses luttes intestines.
Il est grand temps pour les travailleurs, les chômeurs, les jeunes et les étudiants d’agir sur base de la leçon essentielle de Marikana : il n’existe pas de force plus puissante que la classe ouvrière indépendamment organisée et unie dans l’action. Izwi labasebenzi (le Democratic Socialist Movement) appelle les mineurs du Comité national des travailleurs à travailler à l’élaboration d’un plan de contre-attaques conjointes, coordonnées entre les différents secteurs miniers et entre les syndicats afin de stopper les licenciements de masse et de lutter pour des salaires et des emplois décents.
Nous appelons également à une journée nationale d’action contre les suppressions d’emplois, pour la nationalisation des mines, des banques et des grandes entreprises afin de les placer sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs et des collectivités locales, pour l’emploi et des conditions de vie décentes avec un bon logement et un enseignement gratuit pour tous.
Izwi labasebenzi / DSM lutte pour l’unité de la classe ouvrière et exhorte tous les authentiques combattants de la classe ouvrière à s’unir dans la construction du Workers and Socialist Party (WASP). Le meilleur hommage que nous puissions rendre aux camarades fauchés à Marikana est de construire l’arme politique capable de vaincre leurs meurtriers une fois pour toutes : un parti ouvrier de masse armé d’un programme socialiste.
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Afrique du Sud : des convulsions sismiques
L’École d’été internationale du CIO qui s’est déroulée en Belgique la semaine passée, s’est ouverte sur le récit époustouflant des derniers développements épiques de la lutte des travailleurs d’Afrique du Sud, avec l’importante participation du Democratic Socialist Movement (CIO en Afrique du Sud) et le lancement du Parti socialiste et ouvrier (WASP).
Par Nick Chaffey, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)
Le CIO s’est réuni en Belgique cette semaine pour son école d’été annuelle. Des centaines de camarades du CIO venus d’Afrique du Sud, du Nigeria, de Tunisie et du Moyen-Orient, des États-Unis, du Canada et du Québec, du Brésil et du Venezuela, d’Australie, de Chine, de Malaisie, et de toute l’Europe, étaient présents pour discuter de la situation mondiale, du programme du socialisme, et des perspectives pour la lutte de classe des travailleurs mondiale.
La session a été introduite par le camarade Alec Thraves du Socialist Party of England & Wales, qui a effectué plusieurs visites en Afrique du Sud, et par le camarade Mametlwe Sebei du DSM (CIO Afrique du Sud).
L’Afrique du Sud totalement changée par le massacre de Marikana
Alec a commencé par un aperçu des changements rapides qui se sont déroulés après la lutte des mineurs et son impact partout en Afrique du Sud et dans chaque couche de la société. Le meurtre délibéré de 34 mineurs par la police – sous un gouvernement ANC qui est soutenu par la fédération syndicale, Cosatu, et par le syndicat officiel des mineurs, le NUM (National Union of Mine Workers) – a démontré la brutalité des méthodes employées par l’État. La réponse des mineeurs a elle aussi démontré la puissance et la force de la classe ouvrière et le rôle vital que le DSM et le CIO ont joué.
L’expérience du massacre et de la lutte des mineurs a révélé la véritable nature du régime ANC post-apartheid à de larges sections de la classe ouvrière.
Non contents de revenir à une répression digne du temps de l’apartheid, la politique pro-capitaliste du gouvernement a créé une énorme inégalité dans la société, et provoqué un mécontentement croissant de la part des travailleurs. Des luttes se sont développées autour de la revendication d’un salaire décent partout en Afrique du Sud, mais cette revendication a été rejetée par le dirigeant du NUM, qui reçoit lui-même un salaire de 1,5 millions de rands (80 millions de francs) payé par les patrons des mines. Il n’est donc guère étonnant que les travailleurs rejettent ces dirigeants corrompus et développent leur propre lutte militante.
C’est dans ce cadre que le DSM a joué un rôle crucial en organisant la coordination de comités de grève indépendants non officiels, en posant une alternative à la crise et en construisant une nouvelle direction.
Alec a expliqué qu’après son discours à un meeting de masses avec les mineurs, les travailleurs étaient si enthousiastes à l’annonce de la solidarité du CIO, et de la nouvelle des énormes grèves et luttes qui parcourent toute l’Europe, qu’ils ont acheté 250 exemplaires du journal du DSM à la fin du meeting.
Les comités de grève ont dû organiser des meetings illégaux dans des parcs, et tous les jours, les membres du DSM Liv Shange et Sebei apparaissaient dans la presse et à la télé, et recevaient chaque jour de nouvelles demandes d’aller parler à des meetings de masse.
Une société hyper violente
En plus des luttes pour le salaire, les travailleurs sont obligés de lutter même pour les plus basiques des services. Dans certains quartiers, on voit des travailleurs qui vivent dans des abris en tôle qu’en Europe, on n’utiliserait même pas pour y ranger des animaux ni même des outils ! Alec a ainsi expliqué que « Il n’y a pas d’électricité, il n’y a pas d’eau, il y a seulement la misère ». Ces conditions engendrent des problèmes tes que le crime et la consommation de drogues, mais aussi, heureusement, la croissance d’idées révolutionnaires ; le DSM a construit des sections dans les pires bidonville d’Afrique du Sud.
Les femmes militantes ont également fait preuve d’un énorme courage, surtout à Freedom Park, où les femmes ont été terrorisées par les viols atroces perpétrés par le Golf Club Gang, et contre les attaques homophobes qui voyaient des lesbiennes avérées ou non se voir infliger des “traitements correctifs” par des violeurs qui espéraient ainsi les “soigner” de leur “maladie”.
L’Afrique du Sud reste une des plus violentes sociétés de la planète. Récemment, un dirigeant des mineurs du Syndicat association des mineurs et de la construction (AMCU, un syndicat indépendant formé par les travailleurs contre le NUM corrompu) a été assassiné par des miliciens à la solde du NUM. Le secrétaire général du Cosatu a lui aussi parlé de sa crainte de se voir assassiné. Soixante-dix personnes ont été tuées lors de la grève des mineurs, et ç’aurait été plus encore, sans la présence et le rôle joué par le DSM. Alec nous a raconté un meeting dans un parc avec une centaine de travailleurs pendant une étape cruciale de la grève.
La discussion était très dure politiquement, vu le danger qu’il y avait que les mineurs décident de reprendre le travail. Certains militants ont fait une proposition qui était d’envoyer un avertissement aux mineurs avant de partir tuer 50 “jaunes” (ouvriers qui travaillent malgré la grève) le lendemain. Les camarades sont intervenus pour contrer cette proposition, en demandant qu’à la place soit envoyée une délégation de représentants des mineurs pour aller discuter avec eux, démolir les arguments des patrons et convaincre plus de travailleurs de rejoindre la grève.
Avec le soutien d’autres, des mineurs et du DSM, le Parti socialiste et ouvrier (WASP) a été officiellement lancé, et se prépare maintenant à participer aux élections l’an prochain. La lutte de classe est devenue plus intense et plus violente que partout ailleurs, et la conscience socialiste est bien plus grande. Il est vrai que nous avons de dangereux adversaires au sein de l’ANC, parmi les grands patrons et certains dirigeants syndicaux. Toutefois, nos camarades d’Afrique du Sud, comme ceux du Nigeria, du Kazakhstan et du Sri Lanka, ont mis en avant nos idées malgré les mêmes menaces. Nous avons de dangereux adversaires, mais aussi de puissants soutiens parmi les millions de travailleurs, de chômeurs et parmi tous les miséreux qui vivent dans les bidonvilles.
Le rôle du DSM
Le camarade Sebei, un de nos dirigeants sud-africains, nous a informé du travail du DSM et nous a expliqué comment une si petite organisation a pu se voir élevée au point où elle est en ce moment en train de jouer un si grand rôle dans un tel mouvement.
Le DSM s’était préparé à ces évènements, grâce à son analyse complète de la situation à laquelle est confrontée l’économie capitaliste et des relations de classes en Afrique du Sud. Nous avions identifié le maillon faible de l’alliance tripartite (ANC, Parti “communiste” et Cosatu) avec sa tentative de lier et de subordonner la classe ouvrière au gouvernement, surtout vu l’importance de l’extraction de matières premières, et la façon dont le secteur des mines serait le premier touché en cas de crise économique mondiale, surtout à partir du moment où l’économie chinoise commencerait à ralentir. C’est cette analyse qui nous a décidé à nous orienter vers les mineurs de Rustenburg, et qui nous a permis de nous retrouver directement à la tête du mouvement lorsque la grève a éclaté , c’est notre analyse et notre stratégie qui nous a permis de faire cela, et non pas un simple coup de chance, comme certains de nos adversaires (y compris nos rivaux à gauche) l’ont suggéré.
Pendant très longtemps, il a été clair qu’une guerre cruelle et brutale était en train d’être perpétrée contre les mineurs de Rustenburg par leurs patrons. Au cours des quatre dernières années, nous avons vu commencer de grands combats, impliquant des milliers de mineurs. Le DSM a construit une base dans cette ville, et a étendu son influence à toute l’Afrique du Sud. Cette guerre cruelle et sans merci a duré pendant très longtemps.
Cinq de nos membres qui travaillaient dans les mines de Rustenburg ont été tué trois semaines avant le massacre de Marikana.
La direction du DSM a identifié le fait que c’était à Rustenburg que la résistance des mineurs et de la classe ouvrière se développait le plus rapidement. Cette analyse a été rejetée par les autres forces de gauche, qui l’ont décrite comme “gauchiste”. Beaucoup d’autres organisations de gauche avaient tiré la fausse conclusion, vu la faiblesse du Cosatu, qu’il fallait abandonner le travail parmi les travailleurs organisés. Dans un tel contexte, les premières personnes à rencontrer des mineurs ont été les camarades du DSM, et notre intervention nous a élevé à Rustenburg et au-delà, à tout le secteur minier.
Le DSM a utilisé la grève pour mener campagne pour l’idée d’une alternative, qui vivait déjà dans l’esprit des mineurs, après qu’à peine 300 secondes de violence aient exposé toute l’ampleur de la réalité du régime – un régime prêt à noyer la lutte des travailleurs dans le sang uniquement afin de protéger les super-profits des patrons des mines. Après une première intervention à Marikana, le DSM a rassemblé à Rustenburg l’ensemble des comités de grève indépendants qui avaient été construits par les mineurs vus la méfiance envers le NUM, qui est un syndicat qui se bat pour les patrons et non pas pour les travailleurs. Nous les avons amenés autour d’un programme commun et d’un plan d’actions, nous sommes parvenus à briser l’isolement des travailleurs de Lonmin, et nous avons apporté la possibilité de gagner leurs revendications salariales et de remporter une victoire. Ce qui a commencé par une rupture d’avec le NUM, a été le début de la décomposition de l’alliance tripartite de l’ANC, du Cosatu et du PCAS, qui détenait la clé des intérêts capitalistes en Afrique du Sud.
Le WASP
La grève n’est pas retombée après la victoire à Lonmin, mais au contraire s’est étendue à tout le pays, vers le nord dans le Limpopo et dans toutes les régions minières. Lorsque le DSM a convoqué une réunion qui a rassemblé les comités de grève de toute l’Afrique du Sud, cette coalition et son autorité parmi les mineurs et au-delà ont permis le lancement d’un nouveau parti des travailleurs, le WASP.
Lancé le 23 mars, ce parti a connu un succès immense, bien au-delà de nos attentes. Lors de cette réunion où nous attendions 100 personnes, 500 sont arrivées. Certains travailleurs ont marché pendant des kilomètres pour y participer. Toutes les radios, tous les journaux du pays ont mentionné la création du nouveau parti. Dans trois régions où des représentants des mineurs n’avaient pas été envoyés, les mineurs ont marché sur les bureaux de leur syndicat pour demander pourquoi ils n’avaient pas été invités.
Ce qui hante à présent la classe dirigeante, surtout depuis le lancement du WASP, est que sa vision est en phase avec celle de larges couches de la classe ouvrière et de militants du Cosatu. Un sondage dans les syndicats a révélé que l’ANC, le PCSA et l’alliance tripartite sont complètement discréditées aux yeux de la base, qui veut que le Cosatu rompe avec l’ANC pour former un nouveau parti des travailleurs. Malgré le large soutien exprimé au président Zuma lors de la conférence de l’ANC, une majorité de la Cosatu rejette ces déclarations et appellent à cesser le soutien à l’ANC.
Sebei a expliqué que plus intéressant encore est l’attitude des travailleurs vis-à-vis de l’idée du socialisme. Un journaliste demandait : « Pourquoi le reste de la gauche vous déteste-il et vous traite de “gauchiste” ? » Parce que pour nous, la gauche officielle est en réalité à droite par rapport à la vision des travailleurs d’Afrique du Sud. 80 % des délégués Cosatu sont pour la nationalisation et pour que l’industrie soit dirigée par des comités ouvriers, et concluent que les travailleurs ont besoin d’un changement fondamental dans l’organisation de la société, c’est-à-dire, du socialisme. C’est pour cette raison que le programme du DSM qui appelle à la nationalisation des mines, des banques et des monopoles sous le contrôle démocratique des travailleurs est en phase avec les travailleurs actifs et les couches avancées de la classe ouvrière. D’autre principes avancés par le DSM ont gagné un large soutien.
Le principal évènement de la semaine passée a été la démission de 18 conseillers ANC. Ayant entendu parler de notre revendication selon laquelle les représentants doivent être élus, soumis à révocation de leur base, et ne devraient recevoir pas plus que le salaire moyen d’un travailleur, ils ont décidé de nous rejoindre.
Développer le DSM
Après avoir lancé le WASP en tant qu’idée, l’organiser dans la pratique c’est avéré une tâche difficile mais que nous avons brillamment accomplie en construisant le soutien des masses pour notre programme. Cette tâche n’était pas simple, surtout vu le fait que nous n’avions qu’un très petit nombre de cadres expérimentés. La DSM a dû trouver le juste équilibre entre l’effort de construction du WASP et la construction d’une base solide pour le DSM en tant que pilier du nouveau parti.
Le DSM a multiplié par dix son nombre de membres au cours de la dernière période, ce qui est un immense succès, vu la difficulté de développer un cadre du parti dans un contexte d’analphabétisme répandu, avec des militants très combatifs mais qui doivent aussi pouvoir s’assimiler nos idées.
Sebei a expliqué comment le DSM parvient à construire une base solide pour nos idées. Le soutien a gagné suffisamment d’élan pour gagner les travailleurs des transports en plus des mineurs en tant que colonne vertébrale du parti, mais il nous a également permis d’attirer les travailleurs de la chimie et un syndicat de manœuvres agricoles qui a dirigé plusieurs grèves l’an passé.
Ailleurs, le niveau de la lutte grandit autour de la question des services publics, du logement et de l’électricité, deux choses qui sont considérées comme normales en Europe mais qui, en Afrique du Sud, sont le fruit d’une lutte brutale. Dans les semaines qui viennent, le DSM compte convoquer une assemblée de travailleurs, qui rassemblera des mineurs, des travailleurs d’autres secteurs, la base du Cosatu, les militants des quartiers pour les services publics, et les étudiants, afin de lancer une campagne pour l’emploi.
Il est clair que le WASP va se développer en tant que point focal pour tous les travailleurs, y compris des groupes qui nous ont aidé à mener campagne pour le retour de notre dirigeante Liv Shange, qui a été récemment attaquée par le régime. Le régime a en effet profité du fait qu’elle soit rentrée au pays rendre visite à ses parents pour lui refuser un nouveau visa et l’empêcher de revenir en Afrique du Sud où elle vit depuis 10 ans, est mariée et est mère de deux enfants. La campagne pour son retour en Afrique du Sud a forcé le gouvernement à capituler. L’impact de la campagne a été si grand, que Liv est passée à de nombreuses reprises au journal télévisé, avant même les reportages sur l’état de santé de Mandela.
Plus que les facteurs objectifs et les efforts des membres du DSM, Sebei a dit dans sa conclusion que : « Nous avons l’Internationale la plus révolutionnaire, dont les idées, les perspectives, le soutien des camarades et le sacrifice de toutes les sections du CIO, nous ont permis d’accomplir ce travail. Sans l’Internationale, nous n’aurions jamais pu réussir. »
Importance des développements
Au cours de la discussion, notre député irlandais Joe Higgins a fait un bref rapport de sa visite en Afrique du Sud où il a assisté à la fondation du WASP au nom du CIO : « C’était époustouflant, épatant, de voir l’enthousiasme et l’élan de la classe ouvrière qui se bat pour un changement et pour une nouvelle société. Il était extrêmement gratifiant de voir le rôle joué par nos camarades, de voir nos claires idées, stratégie, tactique, être reprises par les travailleurs.
Nous commémorons cette année le centième anniversaire du Dublin Lock Out, une énorme lutte menée par les travailleurs d’Irlande contre les patrons et contre l’État, pour une vie meilleure. Cette lutte s’est vue dirigée par des révolutionnaires comme Jim Larkin et James Connolly, dont les noms resteront à jamais gravés dans le cœur de la classe ouvrière. Il n’est pas exagéré de comparer les évènements de Dublin 1913 à ceux qui se déroulent en ce moment en Afrique du Sud, sous la direction du DSM et du CIO ».
En conclusion à la discussion, un camarade d’Angleterre qui a lui aussi visité l’Afrique du Sud, a dit : « Nos idées sont en train de pénétrer dans la conscience de la classe ouvrière, et d’être reprises comme les siennes. Nous articulons la marche à suivre pour la classe ouvrière, qu’elle-même sent de manière instinctive. Car tous les travailleurs savent au fond d’eux-mêmes qu’ils n’ont pas de voix politique, et qu’ils n’ont rien à attendre d’un éventuel maintien du capitalisme.
Lors de la conférence du DSM en février, après trois jours de longues discussions, un travailleur d’une mine d’or a été tellement inspiré par tout ce qu’il a entendu, qu’il est rentré chez lui et a vendu 50 journaux à ses voisins – je ne pense pas que nous ayons perdu du soutien par le fait qu’il les ait réveillés au milieu de la nuit pour leur parler. Un autre jeune mineur d’or, qui n’avait pas rejoint le DSM, a dit qu’il voulait rejoindre plus que toute autre chose dans le monde.
Le principal problème est de développer notre cadre pour qu’il puisse jouer de manière indépendante, et développer le soutien pour nos idées. Cela demande énormément de temps, et la misère freine notre travail. Chaque tentative d’organiser des évènements hors des localités des camarades demande une collecte de fonds. C’est pourquoi le soutien financier du CIO nous a tellement aidé dans tout notre travail.
Les capitalistes à la recherche d’alternatives
Les élections générales à venir seront les plus polarisées et les plus tendues depuis la fin de l’apartheid en 1994. Le gouvernement de l’alliance tripartite de l’ANC, du PCAS et du Cosatu est sous pression et se disloque. De nombreux analystes disent que le vote en faveur de l’ANC va passer sous la barre des 60 %, ce qui signifie que l’ANC perdrait la majorité des deux tiers qui lui permet de modifier la constitution à sa guise. La classe dirigeante craint cela, et se prépare à des alternatives. L’Alliance démocratique, un parti blanc, est un train de recruter des cadres noirs afin d’attirer les électeurs noirs. Les libéraux ont lancé un nouveau parti autour de célèbres militants noirs. Ils reconnaissent le fait que l’ANC est en train de perdre le soutien de la classe ouvrière.
Mais le plus important est la tendance à gauche à former des nouveaux partis. Le WASP n’est pas le seul sur la scène. Notre programme a de nombreux points avec celui des “Combattants pour la liberté économique” (EFF) de Julius Malema, comme la nationalisation, et Malema a un véritable pouvoir d’attraction envers les jeunes et les pauvres.
Mais « Dis-moi qui sont tes amis, et je te dirai qui tu es », dit le proverbe : le numéro trois de la direction des EFF est un ancien gangster devenu hommes d’affaires, qui a été conseiller en relation public pour les patrons des mines, et dont le nom est mêlé à de nombreux scandales.
« Nous vous attendions »
En même temps que la scission dans l’ANC, on voit des scissions dans le Cosatu, que les syndicats les plus combatifs sont en train de quitter. Les manœuvres agricoles ont été forcé de s’organiser eux-mêmes en reprenant les méthodes des mineurs. Lorsque nos camarades ont visité les grévistes sur leurs fermes du Cap, ces derniers leur ont dit : « Nous vous attendions ».
Les élections générales seront le premier test électoral pour le WASP. Le système électoral sud-africain et notre renommée font en sorte que nos chances d’obtenir au moins un député sont assez élevées (bien que nous ne puissions faire la moindre promesse à cet égard). Il nous faut environ 42 000 votes au niveau national, et le cout pour nous présenter est de 10 millions de francs – plus encore si nous nous présentons en même temps aux élections régionales. Il nous faudra peut-être faire un appel financier afin de soutenir cette campagne.
Nous sommes arrivés à un stade où les travailleurs les plus avancés se sont déjà joints au DSM et où les masses larges sont en route. Si nous n’avions pas pris l’initiative de créer le WASP, nous n’en serions pas là aujourd’hui, nous serions complètement inconnus.
Tous nos camarades du monde entier doivent féliciter le DSM pour l’ampleur des efforts fournis. Ce travail a mis plusieurs années avant de porter ses fruits. Si nos camarades n’avaient pas tenu bon et n’avaient pas maintenu leur position coute que coute, nous n’aurions jamais pu accomplir quoi que ce soit.
Le travail réalisé en Afrique du Sud doit être une source d’inspiration pour toutes les sections du CIO dans le monde entier. Nous pouvons rapidement passer de petits groupes à une influence de masse en un très bref délai. Il y a beaucoup de travail à faire. Avec le soutien du CIO, le DSM restera le joyau dans la couronne de notre Internationale. »
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Afrique du Sud : La répression mise en échec, Liv Shange est de retour !
Ce cas individuel représente dans les faits une victoire pour toute la classe des travailleurs. Depuis ce dimanche 14 juillet, notre camarade Liv Shange est à nouveau en Afrique du Sud. Jusque là, elle était menacée de ne plus pouvoir y revenir à cause du rôle politique qui fut le sien dans le cadre de la lutte des mineurs sud-africains. Le nouvellement créé Workers and Socialist Party avait lancé une campagne en sa défense afin d’instaurer une pression suffisante sur les autorités.
Par Meshack Komane, Democratic Socialist Movement (CIO-Afrique du Sud)
Le contexte
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Pour en savoir plus
- Marikana : le massacre qui changea la face de l’Afrique du Sud
- Afrique du Sud : Workers and Socialist Party (WASP) – premiers pas pour unifier les luttes
- Afrique du Sud : Fondation du Workers and Socialist Party
- Un siècle d’ANC : de l’espoir à la désillusion
- Afrique du Sud : De l’apartheid à Marikana, la lutte pour plus de justice sociale continue
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Le mardi 11 juin dernier, peu de temps avant que Liv ne quitte l’Afrique du Sud pour une visite de famille en Suède, le secrétaire général de l’African National Congress (ANC) Gwede Mantashe avait déclaré à Sandton, à l’occasion d’un forum d’hommes d’affaires, que des étrangers issus de Suède et d’Irlande se trouvaient derrière ce qu’il qualifiait comme étant “l’anarchie de Marikana”. A la suite de cela, il y a eu la tentative d’expulser la militante de premier plan du Democratic Socialist Movement (DSM, section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Afrique du Sud) et du Workers and Socialist Party (WASP, un parti large nouvellement lancé et dans lequel est actif le DSM) Liv Shange (une citoyenne suédoise mariée à un Sud-Africain).
Dans sa déclaration, Gwede Mantashe faisait référence au rôle joué par le DSM et par Liv, entre autres militants, dans la lutte des mineurs de Marikana qui s’est déroulée l’an dernier et qui a laissé de profondes marques sur le paysage politique et syndical d’Afrique du Sud. Ils avaient aidé les mineurs à initier et organiser leurs propres comités de grève et à les coordonner dans un Comité de Grève National. Le nouveau parti qui se présentera aux prochaines élections, le Workers and Socialist Party (WASP), est né de la lutte de Marikana et de ces comités de grève. Le WASP tente notamment d’unir les différentes luttes et communautés ouvrières du pays. Tant les mineurs que le WASP semblent constituer de gigantesques épines dans le pied de Mantashes et de l’ANC, qu’ils essayent de s’arracher par une répression féroce.
Les attaques dont a été victime Liv Shange ne constituent en rien un acte isolé. Une guerre civile larvée est en train de prendre place dans les mines avec la suspension de délégués syndicaux, le harcèlement de syndicalistes et la tenue de procès contre eux, etc. Histoire d’encore plus clarifier la manière dont le gouvernement ANC traite ses opposants politiques – tant au sein de ce parti qu’à l’extérieur – un conseiller local du parti, Tlokwe, vient récemment d’être expulsé… pour avoir dénoncé un fait de corruption majeur ! Dans ce cadre, la victoire remportée contre la répression dans le cas de Liv Shange représente une victoire pour toutes les victimes de la répression dans le pays.
La campagne de défense de Liv Shange
Cette campagne a collecté des centaines de signatures de soutien de différents syndicats, organisations et militants. De nombreuses signatures ont été collectées dans les mines de Rustenburg et de Carletonville. Des personnalités sud-africaines bien connues comme l’écrivain Don Materra ont ouvertement déclaré soutenir Liv Shange. Des lettres de soutien et de protestation sont arrivées de tout le pays et du reste du monde au Département des Affaires Intérieures. Parmi elles se trouvait notamment une lettre écrite par Paul Murphy, le député européen irlandais du Socialist Party qui répondait aux accusations portées par Mantashes.
Ce dimanche, après une longue et nerveuse attente, un groupe de camarades du WASP, de syndicalistes et de militants a pu chaudement accueillir Liv, qui a notamment été portée en l’air par des membres du Comité des travailleurs d’Amplats. La concession qui a été obtenue est qu’elle dispose dorénavant d’un permis de séjour de trois mois, temps qu’elle pourra mettre à profit pour régulariser sa situation d’immigrée en Afrique du Sud. Le combat contre la menace de l’expulsion de Liv se poursuit donc.
‘‘Les autorité ont effectué un virage à 180° ces derniers jours, et c’est très clairement la conséquence de la pression instaurée par la campagne’’, a-t-elle déclaré. Tout cela fait partie des efforts du gouvernement visant à désarmer les travailleurs dans le cadre des attaques que les patrons des mines sont en train de lancer. ‘‘Je ne suis pas intimidée et je continuerai à soutenir avec mes camarades les luttes des mineurs et de la classe ouvrière’’ a-t-elle encore affirmé.
L’inscription ‘‘An injury to Liv is an injury to all’’ (‘‘Une attaque contre Liv est une attaque contre tous’’) figurait sur les affichettes tenues à l’aéroport. Une victoire pour Liv est aussi une victoire pour tous. La gauche, les syndicats et les collectivités de travailleurs se doivent maintenant d’unifier toutes les luttes qui se mènent contre la répression et de discuter de la meilleure stratégie à adopter pour combattre les patrons des mines et le gouvernement, acquis à ces derniers.
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Perspectives mondiales : ‘‘L’ère de l’austérité’’ prépare des convulsions sociales sismiques
Nous vivons une des périodes les plus dramatiques de l’Histoire
Les travailleurs grecs, suivis par les portugais et les espagnols, sont à l’avant-garde du mouvement contre cette interminable austérité. Plus personne ne peut aujourd’hui affirmer que la classe ouvrière reste passive face aux attaques du système capitaliste malade et pourrissant. Sa résistance s’est exprimée par une série de grèves générales épiques, mais elle a encore à créer un parti de masse ainsi qu’une direction dignes d’elle pour cette bataille entre travail et capital qui va dominer le début du 21ème siècle. La tâche du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), grâce à la clarté théorique de ses idées liée à un programme orienté vers l’action, est d’aider à créer cette nouvelle direction, une direction capable d’assurer la victoire de la classe ouvrière.
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Ce texte est un résumé du projet de document sur les perspectives mondiales discuté lors de la dernière réunion du Comité Exécutif International (CEI) du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) qui a eu lieu en décembre. Le document final est disponible, en anglais, sur le lien suivant.
[/box]Le caractère instable des relations mondiales (qui peuvent entraîner l’éclatement d’un conflit dans de nombreux endroits du monde et à n’importe quel moment) s’est illustré lors des récents affrontements entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza. Ils se sont limités à un échange de roquettes et de missiles et un accord de cessez-le-feu a été atteint, mais la guerre pourrait reprendre et un assaut d’Israël sur la Bande de Gaza n’est pas à exclure. En retour, des troubles auraient lieu dans le Moyen-Orient.
D’autre part, une ou plusieurs guerres régionales sont toujours de l’ordre du possible. La Syrie représente un véritable baril de poudre avec le régime de Bachar el-Assad assiégé et menacé d’être renversé, mais avec une opposition divisée sur des lignes sectaires. Les véritables socialistes ne peuvent soutenir ni Assad ni l’opposition, mais doivent s’orienter vers les masses que nous pouvons atteindre avec une voie clairement indépendante basée sur un programme et des perspectives de classe.
Certaines minorités du pays recherchent encore la protection d’Assad par craintes des conséquences d’une victoire de l’opposition, laquelle bénéficie clairement d’un soutien prédominant de la part de la majorité sunnite de la population, avec une influence grandissante significative d’organisations du type d’Al-Qaïda. De plus, l’intervention de la Turquie contre le régime a augmenté la tension entre les deux pays. Des affrontements armés pourraient avoir lieu entre eux, ce qui pourrait devenir hors de contrôle. Une intervention de l’Iran dominé par les chiites pour soutenir les chiites en Syrie n’est pas non plus à exclure. Pareillement, le conflit pourrait déborder au Liban avec l’éclatement de conflits sectaires. Cela en retour pourrait conduire Israël à saisir l’opportunité de lancer des attaques aériennes contre les supposées infrastructures nucléaires iraniennes, avec sans doute en riposte des salves de missiles et de roquettes de la part de l’Iran et du Hezbollah contre les villes et infrastructures israéliennes.
Au cours du récent conflit, le régime israélien et la population, plus largement, ont été pris de court par la capacité des roquettes du Hamas de frapper au cœur même de Tel Aviv. Le CIO s’oppose aux prétendues ‘‘frappes chirurgicales’’ d’Israël (qui ne sont en rien chirurgicales) qui ont tué au moins 160 Palestiniens. Mais nous ne soutenons pas pour autant les méthodes du Hamas, qui a lancé des roquettes à l’aveugle contre les villes les plus peuplées d’Israël. Cela a uniquement servi à jeter la population d’Israël dans les bras de Netanyahou, dont les actions punitives seraient soutenues par 85% de la population tandis que 35% soutiendraient maintenant une invasion de Gaza, opération qui verrait des centaines et des milliers de Palestiniens tués ou mutilés, de même que des Israéliens. Le peuple palestinien a le droit de résister aux méthodes terroristes de l’Etat Israélien, mais cette tâche peut être mieux accomplie par des mouvements de masse dans but de faire séparer la classe ouvrière d’Israël du régime vicieux de Netanyahou. En cas d’invasion de Gaza ou d’un autre territoire occupé, le peuple palestinien a tous les droits de résister, avec des armes si nécessaire, contre les envahisseurs.
Les mineurs sud-africains montrent la voie
Nonobstant l’influence des facteurs géopolitiques comme les guerres sur le cours des évènements (ce qui peut, sous certaines circonstances, sérieusement altérer nos perspectives), les principales caractéristiques de la situation présente sont l’approfondissement de la crise du capitalisme mondiale et la réponse combattive des la classe ouvrière et des pauvres.
Cela est symbolisé par le magnifique réveil de la classe ouvrière sud-africaine à la suite des mineurs. Ces grèves héroïques, à l’instar des révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, ont inspiré la classe ouvrière des pays industriels avancés. Un élément ‘‘d’Afrique du Sud’’ pourrait lui aussi être exporté en Europe avec un mouvement similaire au sein des syndicats afin de renverser les dirigeants qui refusent d’organiser la classe ouvrière pour sérieusement résister aux attaques du capitalisme.
A la suite des mineurs, d’autres pans de la classe ouvrière d’Afrique du Sud sont eux aussi entrés en action dans cette grève qui est en ce moment la plus grande et la plus sanglante au monde.
Cette lutte a également été caractérisé par un haut degré de conscience de la classe ouvrière (un héritage qui a su être préservé après les révolutions avortées des années 1980, avant la fin du régime de l’apartheid). Cela s’exprime par l’aspiration à la construction de nouveaux syndicats combattifs pour les mineurs afin de remplacer le syndicat officiel des mineurs, complètement corrompu, le NUM. Confrontés à l’ANC tout aussi corrompue, les mineurs (avec l’aide du Democratic Socialist Movement, le DSM, section du CIO en Afrique du Sud) ont lancé un appel pour un nouveau parti de masse des travailleurs. Cela ne peut que renforcer les revendications du même type portant sur la question de la représentation indépendante de la classe ouvrière dans tous les pays (c’est-à-dire la majorité) où la masse des travailleurs n’a pas de parti, pas même un capable de les représenter ne fut-ce que partiellement.
Même le magazine The Economist, la voix du grand capital, a déclaré : ‘‘le meilleur espoir pour le pays dans les années à venir est une scission réelle dans l’ANC entre la gauche populiste et la droite afin d’offrir un vrai choix aux électeurs.’’ C’est surprenant, sinon incroyable, au premier abord. Aucun journal capitaliste ne propose cela pour la Grande Bretagne ! Mais ce qui alarme The Economist, c’est que face au discrédit de l’ANC (un fossé de la taille du Grand Canyon existe à présent entre les seigneurs, chefs et rois de l’ANC et la classe ouvrière), les masses appauvries ont commencé à se tourner brusquement vers la gauche, vers les véritables militants pour le socialisme, les membres du DSM. Ils vont donc remuer ciel et terre pour essayer d’empêcher les masses d’aller dans notre direction, même si cela signifie de mettre en place une alternative ‘‘populiste’’ pour bloquer le développement d’un vrai parti de masse des travailleurs.
Les élections américaines
Le plus important évènement de cette période, au moins dans l’Ouest capitaliste, a été la réélection d’Obama aux USA. Il a été le premier président à être réélu depuis 1945 avec un taux de chômage supérieur à 7,5% dans le pays. Certains stratèges du capital (ou certains imaginant l’être) ont tiré des conclusions complètement fausses hors du résultat de cette élection. Ils affirment que la principale raison pour laquelle Obama a été élu, c’est que le peuple américain blâmait Bush, l’ancien président, pour les catastrophes économiques actuelles. Cela a sans doute été un facteur, certes, mais ce n’était ni le seul, ni le plus décisif. Une grande polarisation a pris place dans la société américaine avec les électeurs d’Obama (malgré leur déception face à son bilan) se rendant massivement au bureau de vote pour empêcher le candidat des 0,01% des riches et des plutocrates, Romney, de remporter les élections.
Il y avait une réelle peur de ce que signifierait une victoire de Romney, qui aurait fait tourner à l’envers la roue de l’histoire, briser les aides sociales et les réformes limitées dans la santé, etc. Cela a fait accroître la participation électorale qui, même si elle n’était pas aussi élevée qu’en 2008, était néanmoins d’un niveau historique. Le vote populaire a été serré, Obama l’emportant par 50,8% contre 47,5%. Mais il est crucial que la majorité des femmes l’aient soutenu, avec une majorité encore plus forte concernant les jeunes femmes. Il a aussi gagné 80% du vote des minorités (Latinos et Afro-Américains), bien sûr, et des sections significatives de travailleurs syndiqués (dans l’automobile par exemple) ont milité pour lui et l’ont soutenu. Dans cette élection, ce n’était pas seulement une question de victoire du ‘‘moindre mal’’ pour Obama pour ‘‘arranger l’économie’’. Bien sûr, il ne sera pas capable de le faire, à cause du caractère de la crise économique.
Le magnifique résultat de la candidate de Socialist Alternative aux élections de la chambre des représentants de l’Etat de Washington (un splendide 28% des suffrages) a été un triomphe non seulement pour nos camarades Américains mais pour l’ensemble du CIO.
C’était la confirmation du fait que présenter des candidats des travailleurs indépendants peut conduire au succès, et à un nouveau parti de masse des travailleurs. De plus, cela s’est produit au cœur même de la plus grande puissance capitaliste au monde. Cette élection est un avant-goût de ce à quoi nous pouvons nous attendre ailleurs dans la prochaine période, en particulier en Afrique du Sud et en Europe, et cela montre le potentiel qui existe dialectiquement aux USA pour les idées et le programme du socialisme.
L’héritage des trahisons social-démocrates et staliniennes n’existe pas aux USA, ce qui en fait un terrain encore plus favorable pour les vraies idées du socialisme en comparaison de nombreux endroits d’Europe et d’ailleurs à ce stade. De notre point de vue, il en va de même pour la victoire d’Obama. Son deuxième mandat pourrait préparer la voie à la création d’un troisième parti, mais d’un parti de la classe ouvrière cette fois, socialiste, radical et populaire. Bien sûr, toutes les perspectives sont conditionnées par la façon dont l’économie se développera aux USA et dans le monde entier.
L’économie mondiale fait face à une série de crises
L’économie américaine (l’une des seules à ré-atteindre le niveau de production d’avant 2008) a ralenti pour atteindre son rythme le plus faible depuis 2009, avec une croissance de moins de 2% alors que, simultanément, toutes les plus grandes économies mondiales ont perdu de la vitesse. Si les Républicains refusent un accord avec Obama, si les USA échouent face à la falaise fiscale, cela pourrait presque automatiquement plonger l’économie mondiale (fondamentalement stagnante) dans une nouvelle dépression encore plus profonde. Les intérêts des capitalistes devraient logiquement forcer les Républicains à chercher un accord avec Obama. Mais le système politique des USA, conçu à l’origine pour une population prédominée par les petits fermiers au XVIIIème siècle, est maintenant complètement dysfonctionnel, de même que le Parti Républicain.
En 2009, lors de l’un de ses discours parmi les plus révélateurs devant les banquiers américains, Obama a déclaré : ‘‘Mon administration est tout ce qu’il y a entre vous et les fourches.’’ Mais lors des élections, cela ne lui a pas pour autant apporté le soutien de la bourgeoisie américaine dans son ensemble, qui a en général préféré Romney. Cela tend à montrer qu’une classe ne reconnait pas toujours ce qui est dans son meilleur intérêt ! Ce sont les stratèges et les penseurs de la classe dominante, parfois en opposition avec ceux qu’ils sont sensés représenter, qui sont préparés à défendre les meilleurs intérêts des capitalistes et à planifier le chemin à suivre. Aujourd’hui, le problème pour eux est que les différentes routes qui mènent toutes le capitalisme à la ruine.
Leur perte de confiance est visible dans leur refus d’investir ainsi que dans les avertissements des institutions sacrées du capitalisme : le FMI, la Banque Mondiale, etc. Leurs perspectives de sortie rapide hors de la crise actuelle ont toutes été balayées. Dorénavant, ils sont plongés dans un pessimisme total. Le premier ministre britannique David Cameron et le Gouverneur de la Bank of England ont averti que la crise peut durer encore une décennie, et c’est le même son de cloche au FMI. Le thème des ‘‘banques zombies’’, d’abord employé au Japon, est à présent utilisé pour décrire non seulement les banques mais aussi les économies de l’Amérique, de l’Europe et du Japon. Comme dans le cas du Japon, les économistes bourgeois prédisent une ‘‘décennie perdue’’ pour certains pays et pour l’ensemble de l’Europe. Ils comparent cela à la dépression de 1873 à 1896, au moins en ce qui concerne l’Europe. Martin Wolf, du Financial Times, réfléchit ainsi : ‘‘l’âge de la croissance illimitée est-il terminé ?’’ en citant beaucoup une nouvelle étude ‘‘La Croissance Economique des USA Est-Elle Terminée ? L’Innovation Hésitante Confronte Les Six Vents Contraires’’. (NBER Working Paper no 18315)
Cela a posé la question essentielle du rôle de l’innovation dans le développement du capitalisme, et en particulier dans l’amélioration de la productivité au travail. Les auteurs de l’étude mentionnée ci-dessus ont conclu qu’il y avait eu ‘‘trois révolutions industrielles’’ depuis 1750 qui ont été cruciales pour le développement du capitalisme.
La première s’est située entre 1750 et 1830, a vu la création des machines à vapeur, du filage du coton, des chemins de fer, etc. La deuxième était la plus importante des trois avec ses trois inventions principales : l’électricité, le moteur à combustion interne et l’eau courante avec la plomberie, dans une période relativement courte, de 1870 à 1900. Ces deux révolutions ont pris à peu près 100 ans pour que leurs effets se répandent complètement dans l’économie. Après 1970, l’augmentation de la productivité a nettement ralenti, pour un certain nombre de raisons. La révolution informatique et internet (décrits par les auteurs comme la révolution industrielle n°3) ont atteint leur apogée à l’ère d’internet, fin des années 1990. Selon cette étude, son principal impact sur l’économie s’est altéré au cours des 8 dernières années. Les chercheurs en concluent que, depuis les années 2000, l’invention a largement été concentrées dans les appareils de loisir et de communication qui sont plus petits, plus smart et ont plus de capacités, mais ne changent pas fondamentalement la productivité du travail ou le niveau de vie de la même manière que la lumière électrique, les voitures à moteur et la plomberie. Cela ne veut pas dire que la science et la technique n’ont pas le potentiel de considérablement rehausser la productivité, mais le problème est posé par l’état actuel du capitalisme en déclin, incapable de développer pleinement le potentiel de ses forces productives. La baisse tendancielle du taux de profit (et les baisses réelles de rentabilité) décourage les capitalistes d’adopter des innovations qui pourraient développer les forces productives.
Il y a ensuite le problème de la ‘‘demande’’ qui en retour a conduit à ‘‘une grève de l’investissement’’, avec un minimum de 2000 milliards de dollars de ‘‘capital au chômage’’ dans la trésorerie des entreprises américaines. Et le problème du surendettement par-dessus tout. Styajit Das, du Financial Times, admoneste la bourgeoisie américaine qui ‘‘parait incapable d’accepter la vérité : la perspective d’une croissance économique faible ou nulle pour une longue période. (…) Le maintien de la croissance nécessite toujours plus d’emprunts. En 2008, aux USA, 4 ou 5 dollars de dettes étaient nécessaires pour créer 1 dollar de croissance, contre 1 ou 2 dollars dans les années 1950. A présent, la Chine a besoin de 6 ou 8 dollars de crédit pour générer 1 dollar de croissance, une augmentation de 1 à 2 dollars par rapport à il y a 15 ou 20 ans.’’
Le capitalisme ne fait pas face à une crise, mais à une série de crises. Ses partisans essaient de faire accepter à la classe ouvrière la perspective d’une croissance faible, voire de pas de croissance du tout, et ainsi qu’elle soit plus encline à accepter de voir ses conditions de vie se réduire drastiquement, comme en Grèce. Nous devons contrer cela par notre programme et en mettant en avant les possibilités illimitées (évidentes même aujourd’hui) qui sont présentes pour autant que la société soit organisée de façon rationnelle et planifiée, c’est-à-dire grâce à l’instauration du socialisme.
L’insoluble crise de l’Europe
La crise économique en Europe est la crise la plus sérieuse à laquelle fait face le système capitaliste. Cette crise parait insoluble avec la politique d’austérité qui ne fonctionne clairement pas, l’éclatement de conflits et la mise en garde du FMI contre ‘‘l’austérité excessive’’ appliquée par les gouvernements nationaux en Europe avec la bénédiction des autorités de l’UE et de la Banque Centrale Européenne (BCE). La BCE a d’un côté cherché à implanter, comme l’US Federal Reserve et la Bank of England, une forme de keynesianisme par l’achat d’obligations d’Etat ainsi qu’en accordant des prêts meilleurs marché à certaines banques et pays. Mais de l’autre, ces mêmes autorités (la ‘‘Troïka’’) ont été l’instrument des politiques d’austérité. Pourtant le FMI critique ‘‘l’effet multiplicateur’’ négatif qui s’opère quand une austérité drastique est appliquée (coupes dans les dépenses d’Etat, pertes d’emplois, etc.) car cela réduit les revenus de l’Etat. La BCE et les gouvernements nationaux rétorquent avec l’argument de ‘‘l’absolue nécessité’’ de faire des coupes dans les dépenses d’Etat, accompagnées de toutes les autres mesures d’austérité, de privatisation, etc. Mais en dépit de toutes les attentes, l’austérité a eu pour effet d’éteindre les braises économiques qui subsistaient encore durant la crise.
Il est vrai que les politiques keynésiennes ont échoué à générer la croissance. Dans la situation actuelle, cela revient à ‘‘pousser un objet avec une corde’’. Cela a conduit les nouveaux keynésiens, comme l’ancien monétariste thatchérien Samuel Brittan, à faire pression pour des mesures plus audacieuses ; il défend ce qui revient à une ‘‘chasse au trésor’’ géante, dans une tentative désespérée de faire bouger l’économie. Il suggère, en plaisantant seulement à moitié, d’enterrer des montagnes de cash, et que les aventuriers qui les découvriraient aillent les dépenser ! Il n’y a pas d’indication que cela se produise, cependant. Les largesses qui ont été distribuées jusqu’ici ont été utilisées pour payer les dettes, pas pour augmenter les dépenses. C’est une indication du désespoir de la classe dominante pour une amélioration, à ce stade. Le keynésianisme a été partiellement essayé et a échoué, mais cela ne signifie pas que, face à une explosion révolutionnaire, les capitalistes ne vont pas recourir à des mesures keynésiennes de grande ampleur. Des concessions peuvent être accordées, et par la suite les capitalistes vont tenter de les reprendre par le biais de l’inflation.
Même à présent, les autorités européennes tentent d’éviter que la Grèce soit en défaut de paiement en suggérant que plus de temps lui soit donné pour payer. Cela ne va pas empêcher les attaques sauvages contre la classe ouvrière grecque, qui sont appliquées sans état d’âme par l’UE. Cela ne va pas non plus résoudre les problèmes de base de la Grèce, qui vont encore s’accumuler avec la dette colossale. Un défaut de la Grèce est donc toujours probable, ce qui aura d’énormes répercussions dans toute l’Europe, dont en Allemagne, lourdement endettée envers les banques d’autres pays. Il est même possible que l’Allemagne elle-même prenne l’initiative de quitter la zone euro, telle est l’opposition politique intérieure contre la politique de renflouement. Même la proposition de donner à la Grèce plus de temps pour payer ses dettes rencontre une opposition de la part des capitalistes allemands parce que cela signifierait d’effacer une petite partie de leur dette. Il est possible que, en ce qui concerne l’Espagne et certains autres pays, ‘‘la canette soit envoyée plus loin’’. Mais, en fait, la canette va devenir trop grosse pour pouvoir être envoyée au loin ! Par conséquent, une rupture de la zone euro reste en jeu.
Même les Chinois sont alarmés par la tournure des événements en Europe. Un haut fonctionnaire Chinois, Ji Liqun, assis au sommet d’un fond souverain d’Etat de plus de 350 milliards d’euros, a averti que le public européen est à un ‘‘point de rupture’’. Auparavant, il avait argumenté que les Européens devraient travailler plus, mais il reconnait maintenant que la profondeur de la colère publique pourrait conduire à un ‘‘rejet complet’’ des programmes d’austérité. ‘‘Le fait que le public descende dans les rues et recoure à la violence montre que la tolérance du public en général a atteint ses limites’’, a-t-il commenté. ‘‘Les syndicats sont maintenant impliqués dans des protestations organisées, des manifestations et des grèves. Ca sent les années ‘30.’’ Ses préoccupations inexprimées sont que l’exemple de la classe ouvrière européenne puisse faire des vagues en Chine. Il craint d’autre part pour la sûreté des investissements chinois en Europe.
La Grèce est la clé de la situation
En ce moment, l’Europe est la clé de la situation mondiale : c’est là que la lutte des classes est la plus aigüe, c’est là que se trouvent les plus grandes opportunités pour une percée de la gauche et des forces révolutionnaires. Mais s’il en est ainsi, la Grèce est en conséquence la clé de la situation en Europe, suivie de près par l’Espagne et le Portugal dans la chaine des maillons faibles de l’Europe capitaliste. Comme Trotsky le disait de l’Espagne dans les années ‘30, non pas une mais 3 ou 4 révolutions auraient été possibles si les travailleurs grecs avaient une direction prévoyante et un parti de masse à sa tête. Le jour de la dernière grève générale, un programmeur informatique grec a commenté dans le journal britannique The Guardian : ‘‘Personnellement, je suis épaté qu’il n’y ait pas encore eu de révolution.’’ La télévision britannique a aussi commenté que seulement 3% de la population soutient effectivement les mesures d’austérité du gouvernement et de la Troïka. Avec tous les tourments que les Grecs sont forcés d’endurer, à la fin du programme d’austérité actuel, la dette de la Grèce sera encore de 192% du PIB ! En d’autres termes, il n’y a absolument aucune chance que cette dette soit payée. L’austérité sans fin est cependant l’avenir que le capitalisme a décrété pour le peuple grec.
Toutes les conditions pour la révolution ne sont pas seulement mures, mais pourries. 19 jours de grève générale (parmi lesquelles quatre de 48h et le reste, de 24h) témoignent des réserves colossales d’énergie dont disposent les travailleurs grecs et de leur capacité à résister. Cependant, ils en ont conclu que, malgré une lutte magnifique, la Troïka et les capitalistes grecs n’ont pas encore capitulé. Il est donc nécessaire de se tourner vers le front politique, vers l’idée d’un gouvernement de gauche capable de montrer la voie pour sortir de la crise. Ce processus a trouvé place malgré le fait que les masses soient sceptiques vis-à-vis de Syriza et de sa direction. Des sections significatives des masses sont prêtes à soutenir Syriza, qui reçoit actuellement 30% de soutien dans certains sondages, mais ils ne sont pas prêts à rejoindre ses rangs et à s’engager activement. Il y a une part de cet élément dans beaucoup de pays. La forte déception consécutive à l’échec des partis ouvriers a entraîné un scepticisme extrême envers ceux-ci, même ceux qui sont formellement de gauche. La volonté est bien présente de soutenir les formations et partis de gauche aux élections, mais pas de leur donner du temps et de l’énergie en s’engageant dans leurs rangs et en les construisant. Les travailleurs ont été déçus dans le passé et craignent d’être à nouveau laissés tomber. Bien sûr, cet état d’esprit peut et va être modifié une fois qu’ils auront vu ces partis véritablement accomplir ce qu’ils ont promis. Cependant, au lieu d’aller vers la gauche, les partis de gauche en général – et Syriza en particulier – ont eu tendance à aller vers la droite, en baissant leur programme et en ouvrant même leurs portes à d’ex-dirigeants de la social-démocratie (comme le Pasok en Grèce) qui ont ouvertement joué un rôle de briseurs de grève dans la dernière période.
Dans les circonstances de la Grèce, les tactiques souples employées par nos camarades grecs – tout en restant fermes sur le programme – répondent aux besoins de cette situation très complexe. Nous devons avoir l’œil non seulement sur les forces de gauche à l’intérieur de Syriza, mais aussi sur les forces importantes qui se situent à l’extérieur et qui, dans certains cas, ont revu leurs positions politiques. Nous ne pouvons pas dire à quel moment le gouvernement actuel va s’effondrer (car il va surement s’effondrer), avec la probable arrivée au pouvoir d’un gouvernement de gauche emmené par Syriza. Mais nous devons être préparés à une telle éventualité, dans le but de pousser ce gouvernement vers la gauche, tout en aidant à créer des comités démocratiques populaires qui peuvent en même temps soutenir le gouvernement contre la droite mais aussi faire pression pour la prise de mesures en défense de la classe ouvrière. Il n’est pas impossible qu’une nouvelle force semi-massive significative émerge des tactiques dans lesquelles nous nous sommes à présent engagés.
Cela implique non seulement une concentration sur les développements dans la gauche et dans les partis des travailleurs mais aussi contre les dangers de l’extrême-droite, et en particulier celui de la montée du parti fasciste Aube Dorée, dont le soutien est récemment monté jusqu’à 14% dans les sondages, mais qui est maintenant descendu autour des 10%. Une des raisons de cette diminution est la formation de comités de masse antifascistes, que nous avons aidé à initier et dans lesquels nous avons attiré des travailleurs, des jeunes et des réfugiés. Ce travail est d’une importance exceptionnelle et pourrait être le modèle pour le genre de situation à laquelle la classe ouvrière peut être confrontée dans beaucoup d’autres pays à l’avenir.
Si la classe ouvrière et la gauche échouent à mener à bien une révolution socialiste, l’Histoire témoigne qu’ils devront en payer de lourdes conséquences. Les tensions sociales qui existent en Grèce ne peuvent être contenues pour toujours dans le cadre de la ‘‘démocratie’’. Il y a déjà une guerre civile voilée, avec plus de 90% de la population opposée aux ‘‘un pour cent’’ et cela peut exploser en un conflit dans le futur. Quelques éléments d’extrême-droite en Grèce ont discuté de l’idée d’une dictature, mais ce n’est pas immédiatement à l’agenda. Tout mouvement prématuré qui paraitrait imiter le coup d’état militaire de 1967 pourrait provoquer une grève générale totale, comme en Allemagne en 1920 avec le Putsch de Kapp, et entraîner une situation révolutionnaire. De plus, un coup d’Etat ne serait pas acceptable en ce moment pour l’impérialisme, la ‘‘communauté internationale’’, dans cette ère de ‘‘démocratie et de résolution des conflits’’.
Dans un premier temps, les capitalistes vont plus probablement recourir à une forme de bonapartisme parlementaire, comme le gouvernement Monti en Italie, mais en plus autoritaire. La position économique et sociale risquée de la Grèce va demander un gouvernement plus ferme et plus à droite qu’en Italie, avec le pouvoir de renverser le parlement ‘‘en cas d’urgence’’. Si cela ne fonctionne pas, et qu’une série de gouvernements de caractère similaire est incapable de forcer l’impasse sociale, et si la classe ouvrière, faute d’un parti révolutionnaire conséquent, échoue à prendre le pouvoir, alors les capitalistes grecs pourraient passer à une dictature ouverte.
Nous devons avertir la classe ouvrière que nous avons encore du temps en Grèce, mais nous devons utiliser ce temps pour préparer une force capable d’accomplir un changement socialiste de société. Le 14 novembre dernier, la réponse dans toute l’Europe a illustré que les luttes de la classe ouvrière sont liées entre elles. Si les travailleurs grecs brisaient les chaines du capitalisme et en appelaient aux travailleurs de l’Europe de l’Ouest, ou au moins aux travailleurs du Sud de l’Europe, il y aurait une énorme réponse pour un appel pour une confédération socialiste – qui impliquerait probablement l’Espagne, le Portugal et peut-être l’Irlande dans un premier temps, sinon l’Italie.
La Chine à la croisée des chemins
Comme le montre le fait que la première visite d’Obama après sa victoire électorale était en Asie, l’impérialisme américain a identifié ce continent comme une région-clé (plus importante que l’Europe, par exemple, stratégiquement et économiquement). Il s’agissait en partie de réaffirmer l’enjeu économique de l’impérialisme américain mais aussi à avertir la Chine de l’importance des intérêts stratégiques militaires des USA. Cela paraissait nécessaire à cause de la réaffirmation militaire de la Chine, qui a été révélée récemment dans les clashs de la marine chinoise avec le Japon à propos d’îles inhabitées contestées. Le Japon commence à construire ses forces militaires, seulement pour sa ‘‘défense’’ bien sûr ! Cela signifie que l’Asie va devenir un nouveau dangereux théâtre de conflits militaires, avec la montée du nationalisme et la possibilité de conflits déclarés, où les diverses puissances seront préparées à se confronter les unes aux autres, avec les armes si nécessaire, afin de renforcer leur influence, leur pouvoir et leurs enjeux économiques.
La Chine est le colosse de l’Asie, la deuxième puissance au monde après les USA. La façon dont elle se développe va avoir un effet énorme, peut-être décisif, sur la région et le monde. Et la Chine est certainement à la croisée des chemins, comme son élite dirigeante le comprend bien. Comme beaucoup de groupes dirigeants dans l’Histoire, elle sent les tensions contradictoires monter d’en bas et est incertaine concernant la façon de les gérer. Les érudits Chinois décrivent la situation actuelle du pays à The Economist comme ‘‘instable à la base, découragée dans les couches moyenne, hors de contrôle en haut.’’ En d’autres termes, en ce moment, les ingrédients pour une révolution fermentent en Chine. Le temps des taux de croissance spectaculaires de l’ordre de 12% est révolu. La Chine est aujourd’hui telle une voiture embourbée dans la neige : les roues tournent mais le véhicule n’avance pas. La croissance s’est probablement contractée entre 5 et 7%. Le régime revendique une certaine ‘‘reprise’’ mais ne s’attend pas au retour d’une croissance à deux chiffres. Cela va automatiquement affecter les perspectives pour l’économie mondiale. Un taux de croissance de plus de 10% n’était possible que par l’injection de ressources, qui est monté jusqu’à 50% du PIB investi dans l’industrie, ce qui est énorme et sans précédent. Cela a en retour généré du mécontentement et du ressentiment contre la croissance des inégalités et la dégradation de l’environnement ainsi que contre l’accaparation illégale des terres collectives par des fonctionnaires avides.
Cela et les conditions de surexploitations dans les usines ont généré une opposition énorme parmi les masses avec 180.000 manifestations publiques en 2010 (et ce chiffre a augmenté depuis), en comparaison à l’estimation officielle de 40.000 en 2002. Le retrait du ‘‘bol de riz en fer’’ (la sécurité sociale) et les attaques contre la santé et l’éducation ont ajouté au mécontentement. Cela a forcé la direction à réintroduire un minimum de couverture-santé. La direction chinoise est hantée par la gestion de ce volcan et par la voie économique à adopter. Le village de Wukan s’est soulevé il y a un an et a été victorieux après des batailles avec la police pour réclamer des terres qui leur avaient été volées par la bureaucratie locale. Ceci était symptomatique de ce qui se passe sous la surface en Chine : une révolte souterraine qui peut éclater à n’importe quel moment. A cette occasion, les fonctionnaires locaux ont battu en retraite mais d’un autre côté, les manifestants n’ont pas donné suite à leur mouvement. Il semble que cet incident et beaucoup d’autres sont ‘‘de petits soulèvements qui ne cessent de bouillonner à travers toute la Chine.’’ (Financial Times)
Beaucoup de protagonistes pensent naïvement que si seulement les seigneurs de Pékin connaissaient l’échelle de la corruption, ils interviendraient pour y mettre fin. Quelque chose de similaire se produisait en Russie sous le stalinisme. Au départ, les masses tendaient à absoudre Staline de toute responsabilité dans la corruption, pour laquelle il n’aurait pas été ‘‘au courant’’. Cela était considéré comme étant le crime de la bureaucratie locale et non pas de Staline lui-même. Mais l’arrestation de Bo Xilai et le procès de sa femme ont aidé à dissiper ces illusions dans la Chine actuelle. Il a été accusé d’avoir abusé de sa position pour amasser une fortune, acceptant d’énormes pots-de-vin tout en permettant la promotion de ses amis à de hauts postes. Bo, membre du sommet de l’élite (un prince rouge, fils d’un dirigeant de la révolution chinoise) est accusé de complicité de meurtre, de corruption passive et de corruption à grande échelle. Cela pose naturellement la question de la manière dont il a pu s’en sortir si longtemps.
En réalité, ce ne sont pas ces crimes (bien qu’ils soient probablement vrais) qui ont conduit à son arrestation et à son procès imminent. Il représentait un certain danger pour l’élite et faisait campagne pour un poste au plus élevé en évoquant, élément très dangereux pour l’élite, certaines expressions radicales du maoïsme associées à la Révolution Culturelle. En faisant cela, il aurait pu inconsciemment libérer des forces qu’il n’aurait pas été capable de contrôler, qui auraient pu aller plus loin et exiger des actions contre les injustices du régime. Qui sait comment cela se serait terminé ?
Le régime chinois est en crise. Il est assez visiblement divisé sur les prochaines étapes à accomplir (en particulier sur la question économique). Un prince rouge l’a exprimé brutalement au Financial Times : ‘‘La meilleure époque de la Chine est révolue et le système entier a besoin d’être remanié.’’ Les commentateurs bourgeois de journaux comme The Economist, le Financial Times, le New York Times, etc., ont récemment recouru à la terminologie qu’utilise le CIO, en décrivant la Chine comme ‘‘un capitalisme d’Etat’’. Ils n’ajoutent pas la clause que nous y ajoutons, ‘‘un capitalisme d’Etat avec des caractéristiques uniques’’. Cela est nécessaire pour différencier notre analyse de la position rudimentaire du Socialist Workers Party et d’autres, qui décrivent inexactement les économies planifiées du passé de cette façon. Le sens de la marche de la Chine est clair. Par le passé, le secteur capitaliste a augmenté au détriment des entreprises d’Etat. Mais récemment, et en particulier depuis le plan de relance de 2008, il y a eu une certaine recentralisation et le pouvoir économique a tendu à être plus concentré dans le secteur d’Etat, à tel point que maintenant les entreprises d’Etat pèsent maintenant 75% du PIB total. D’un autre côté, selon The Economist : ‘‘Les experts ne s’accordent pas à dire si l’Etat représente la moitié ou un tiers de la production chinoise, mais sont d’accord pour dire que cette part est plus basse qu’elle l’était il y a deux décennies. Depuis des années, depuis la fin des années 1990, les entreprises d’Etat paraissent battre en retraite. Leur nombre a décliné (à environ 114000 en 2010, une centaine d’entre elles étant des champions nationaux contrôlés centralement), et leur part dans l’emploi a chuté. Mais à présent, même alors que le nombre de compagnies privées a augmenté, la retraite de l’Etat a ralenti et, dans certaines industries, s’est inversées.’’
Il est clair qu’une discussion féroce a lieu derrière les portes fermées de l’élite. Les ‘‘réformateurs’’ sont en faveur d’un programme déterminé de démantèlement du secteur d’Etat pour se tourner de plus en plus vers le ‘‘marché’’. Ils proposent de lever les dernières barrières à l’entrée et l’action du capital étranger. Selon la rumeur, le nouveau ‘‘dirigeant’’ Xi Jinping, malgré la rituelle rhétorique du ‘‘socialisme avec des caractéristiques chinoises’’ soutient ces réformateurs. D’un autre côté, ceux qui ont proposé l’ouverture, dans l’économie mais aussi avec des réformes ‘‘démocratiques’’ limitées, paraissent mis à l’écart. Des études ont été réalisées sur la façon dont d’anciennes dictatures comme la Corée du Sud aurait réussi une ‘‘transition froide vers la démocratie’’. Elles ont eu lieu quand l’expansion économique ne s’était pas épuisée et même alors, il s’agissait d’un contexte de mouvement de masses. La ‘‘transition’’ proposée en Chine prend place au milieu d’une crise économique massive. Il paraitrait que les dirigeants chinois étudient avidement le rôle de Gorbatchev en Russie. Il avait d’abord l’intention de ‘‘réformer’’ le système et a fini par présider son démantèlement. Dans la Chine actuelle, des réformes importantes d’en haut provoqueront une révolution d’en bas. On ne peut pas exclure qu’une période ‘‘démocratie’’ très faible (avec le pouvoir encore aux mains des anciennes forces, comme aujourd’hui en Egypte avec l’armée et les frères musulmans au pouvoir) pourrait se développer après un soulèvement révolutionnaire en Chine. Mais cela ne serait qu’un prélude à l’ouverture des vannes à un des plus grands mouvements de masse dans l’Histoire.
Conclusions
En quatre ou cinq ans de crise économique mondiale dévastatrice, nous pouvons conclure qu’il y a des perspectives très favorables pour la croissance du marxisme, avec toutefois certaines réserves compte tenu du fait que la conscience (la vision large de la classe ouvrière) doit encore rejoindre la situation objective, qui peut encore être décrite comme prérévolutionnaire, surtout à l’échelle mondiale.
Les forces productives n’avancent plus, mais stagnent et déclinent. Cela a été accompagné d’une certaine désintégration sociale de certaines sections de la classe ouvrière et des pauvres. En même temps, de nouvelles couches de la classe ouvrière se créent ainsi que de parties de la classe moyenne (prolétarisées) et sont forcées d’adopter les méthodes traditionnelles de la classe ouvrière avec les grèves et les organisations syndicales. Le pouvoir potentiel de la classe ouvrière reste intact, même entravé et affaibli par les directions syndicales droitières ainsi que par la social-démocratie et les partis ‘‘communistes’’.
Le CIO n’a pas encore fait de percée décisive dans un pays ou un continent. Cependant, nous avons maintenu notre position globale en termes de membres et, surtout, nous avons augmenté notre influence dans le mouvement ouvrier. Beaucoup de travailleurs sympathisent et regardent de notre côté, ils peuvent nous rejoindre sur base des événements et de notre militantisme. Nous devons faire face à la situation en formant et préparant nos sympathisants pour le prochaine période tumultueuse, dans laquelle de grande opportunité se présenteront de renforcer les organisations et partis du CIO et l’Internationale dans son ensemble.
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Massacre en Afrique du Sud : l’ANC révèle sa véritable nature
Il est très loin le temps où les anciens prisonniers de Robben Island scandaient avec le peuple en lutte ‘‘Amamdla… ngawethu’’ (le pouvoir… nous appartient). Aujourd’hui, alors que l’ANC est au pouvoir depuis la fin de l’Apartheid, la situation des masses laborieuses est toujours catastrophique. La désillusion est immense envers l’ANC qui perpétue l’exploitation capitaliste faisant des ravages en Afrique du Sud. Le massacre des mineurs est une illustration du combat à mort mené par la bourgeoisie locale et internationale pour préserver ses intérêts au détriment de la majorité sociale.
Par Alain (Namur), article tiré de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste
Alors que l’Apartheid est tombé il y a 21 ans, l’Afrique du Sud reste l’un des pays les plus inégalitaires. La population noire représente 80% de la population mais ne possède que 5% des richesses. La question agraire est loin d’avoir été résolue, seuls 3 à 4% des terres arables ont été redistribuées. Les fermiers blancs possèdent encore 80% des terres cultivables.
La société sud-africaine est touchée à tous les niveaux par les maux qu’engendre la société capitaliste. Un Sud-africain sur dix est atteint par le SIDA, ce qui fait de l’Afrique du Sud l’un des pays les plus touchés par cette épidémie. Les violences envers les femmes atteignent également des sommets, près d’un million de femmes sont violées chaque année, principalement dans le cadre du cercle familial. En 2008, des Zimbabwéens ont été brulés vif par des habitants d’un bidonville de Johannesburg sur fond de crise de l’emploi et de concurrence entre travailleurs. La violence du système capitaliste est très dure dans ce pays pourtant érigé en modèle pour l’ensemble de l’Afrique noire.
Le 16 août dernier, la violence de la classe capitaliste s’est encore sauvagement déchainée. La police a mené un assaut meurtrier contre les mineurs de Lonmin à Marikana alors que ces derniers luttaient pour des augmentations salariales. La grève a éclaté le 10 août dans cette région, troisième productrice de platine au monde. Des milliers de travailleurs ont suivi le mouvement initié par l’AMCU (scission du syndicat majoritaire le NUM). Dès le début, la lutte a pris des aspects insurrectionnels avec des collisions entre policiers et grévistes. Le 15 août, les dirigeants de la mine ont cessé les négociations en remettant la situation dans les mains des forces armées. Le lendemain, un assaut a été lancé. Bilan : une quarantaine de morts. Les images de grévistes abattus presque de sang-froid ont choqué le monde entier.
Les méthodes brutales et meurtrières utilisées pour briser la grève n’ont pas réussi à entamer la détermination des travailleurs. Cela a au contraire entrainé un immense sentiment de colère parmi l’ensemble des travailleurs de la mine et même du secteur minier à travers le pays. L’élite dirigeante craint maintenant une contagion de cette colère à tous les secteurs de la société.
Le Democratic Socialist Movement, DSM (parti-frère du PSL en Afrique du Sud), est activement intervenu dans la lutte. Tout d’abord en jouant un rôle dans l’organisation des travailleurs et dans l’élaboration d’une stratégie capable d’unifier toutes les couches de la société derrière les mineurs, ensuite en organisant la solidarité internationale (lettres de protestations, manifestations de soutien aux mineurs, intervention au Parlement Européen,…). Finalement, la direction de Lonmin a accepté une augmentation de salaire de 11 à 22%. Mametlwe Sebei, membre du DSM et porte-parole du comité de grève, a déclaré à l’agence Reuters : “C’est une victoire.” Mais depuis lors, le mouvement s’est étendu aux autres mines du pays…
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Nigéria : Les élections générales de 2011 seront-elles différentes de la farce de 2007 ?
Le problème clé est : quel choix nous offre-t-on ? Que défendent les différents partis ? Et, l’un d’entre eux représente-t-il les intérêts de la classe ouvrière, des pauvres et de tous ceux qui s’opposent à la classe capitaliste corrompue ?
Democratic Socialist Movement (CIO-Nigéria)
Le professeur Attahiru Jega, président de la Commission électorale indépendante nationale, et le président Goodluck Jonathan ont, à plusieurs reprises, juré que les élections générales de 2011 seront bel et bien libres de tout incident. Même les pays capitalistes avancés, les principaux bénéficiaires du système capitaliste au Nigéria et dans d’autres pays sous-développés, expriment leurs sentiments selon lesquels le reste du monde serait heureux d’assister à des élections transparentes et paisibles en 2011. Lors de ses premières interventions devant les médias, le nouvel ambassadeur américain au Nigéria, M. Terence McCulley, a résumé son point de vue et celui des pays impérialistes lorsqu’il a déclaré : ‘‘J’espère que le processus de 2011 sera meilleur et respectera la volonté du peuple nigérian.’’ Par conséquent, nous posons la grande question : les élections générales de 2011 au Nigéria seront-elles plus “transparentes” et “respecteront-elles la volonté du peuple nigérian” mieux que la grande farce qui a été connue sous le nom d’“élections générales” de 2007 ?
Les commentateurs bourgeois voudraient pouvoir répondre immédiatement à cette question avec une note d’optimisme. Ils se dépêcheront de mettre en avant le passé radical du président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) actuel, largement perçu comme un militant respectable, en tant qu’ancien président du syndicat du personnel académique des universités (Academic Staff Union of Universities – ASUU), un syndicat de gauche, et qui ne va certainement pas permettre que qui que ce soit utilise la CENI pour manipuler ou truquer les élections. Au contraire de l’ancien président Obasanjo, qui avait ouvertement déclaré que les élections fédérales de 2007 seraient une affaire de “vie ou de mort”, le président Jonathan a, au cours de ses divers discours et visites auprès des gouvernements régionaux à travers le pays, répété à de nombreuses reprises sa promesse selon laquelle le gouvernement va assurer des élections libres et honnêtes en 2011, où chaque vote comptera. Hélas, si l’on prend en compte de manière scientifique l’ensemble des principaux facteurs, logistiques et politiques, qui détermineront la nature de ces élections, le peuple nigérian devrait s’attendre à ce que la période postélectorale soit faite d’une continuation de la détérioration de son mode de vie et d’attaques encore plus grandes sur ses droits démocratiques, quel que soit le parti ou la coalition qui sortira vainqueur de ce processus, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau des régions.
Une autre période électorale dominée par le chaos et les intérêts personnels
À moins d’un amendement de la constitution de 1999, de nouveaux gouvernements doivent être élus aux niveaux fédéral et régionaux avant le 29 mai 2011. Ceci signifie donc que la CENI doit faire tout ce qui est en son pouvoir afin d’organiser les élections générales partout dans le pays avant la fin avril 2011. Au moment où nous écrivons, la CENI a provisoirement décidé que le mois de janvier sera utilisé pour commencer à établir le nouveau registre des électeurs, la condition minimale pour la tenue d’élections démocratiques, surtout étant donné que beaucoup de questions se posent quant à la crédibilité et à l’exactitude du registre des électeurs actuel, qui a été compilé par la CENI dirigée par le très douteux Professeur Maurice Iwu. Cela signifie que la CENI n’aura qu’environ deux à trois mois pour rédiger le nouveau registre des électeurs qui reprendrait au moins 80 millions de Nigérians sur une population estimée à 140 millions. Jusqu’à présent, on attend toujours que soient rédigés le Décret électoral et l’amendement constitutionnel qui doivent servir de base légale à ces élections ! Et si on prend aussi en compte que la période d’après les élections sera comme d’habitude dominée par les disputes et plaintes de tous les candidats, et le processus qui est requis pour résoudre tout ce bazar par la voie légale, alors il semblera clair à tout élément conscient de la jeunesse et de la classe ouvrière que les élections de 2011 ne seront rien d’autre qu’un grand vacarme, un autre tour de magouilles et de chamailleries !
Mais pour les masses laborieuses du Nigéria, l’enjeu va au-delà d’un registre électoral crédible pour une élection démocratique. Le véritable enjeu est : quel choix avons-nous ? Que défendent tous ces différents partis, et y a-t-il l’entre eux qui représente les intérêts de la classe ouvrière, des pauvres, et de tous ceux qui s’opposent à la classe dirigeante corrompue ?
Que ce soit le PDP actuellement au pouvoir, ou que ce soit un des grands partis d’opposition, tous, sans exception, défendent une politique anti-pauvres dans tous leurs programmes et mesures économiques.
Au lieu de se pencher sur un programme et sur des mesures qui puissent mettre à contribution les immenses richesses naturelles et humaines que possède le Nigéria, afin de garantir des conditions de vie décentes pour tout un chacun, tous ces partis qui nous dirigent, au fédéral comme dans les régions, se bousculent pour proposer et mettre en œuvre des mesures anti-pauvres qui ne vont faire qu’empirer les conditions de vie du peuple nigérian partout dans le pays. C’est pourquoi tous les PDP, ANPP, ACN, APGA et même le gouvernement de l’Etat d’Ondo qui est le seul à être contrôlé par le Labour se font les champions de mesures capitalistes pro-riches de privatisation, dérégulation, commercialisation, etc. À présent, dans tout le pays, quel que soit le parti politique au pouvoir, l’Etat ou les conditions des infrastructures de base telles que les routes, l’électricité, l’eau, ou des services sociaux indispensables telles que le logement, la santé ou l’éducation n’ont jamais été pires. Malgré cette situation déplorable, tous les partis dirigeants sont bien décidés à poursuivre la mise en œuvre d’une politique qui ne fera que remplir encore plus les poches des éléments capitalistes et des grandes corporations.
C’est pourquoi tous ces grands partis prônent religieusement le concept du “partenariat public privé” en tant que meilleure solution pour développer l’économie et l’industrie ruinées du Nigéria. Selon ce concept douteux, le manque honteux de bonnes routes carrossables est censé être compensé par des profiteurs privés qui seront autorisés à construire des routes puis à prélever des péages afin de récupérer leur investissement. Mis à part le fait que sur base de l’expérience concrète, cette approche a déjà montré qu’elle ne peut s’appliquer qu’à certaines routes potentiellement bien profitables, le cout réel de cette politique pour la société est impossible à chiffrer. Selon l’idéologie pro-riches et pro-capitaliste qui prévaut aujourd’hui et qui est embrassée par tous les partis dirigeants, chaque aspect essentiel de la vie, comme le logement, la santé, l’éducation, les offres d’emploi, les routes, les voies aériennes et fluviales, est une marchandise qui ne devrait être accessible qu’à ceux qui ont l’argent de se la payer.
C’est la raison centrale pour laquelle tous les partis au pouvoir partout dans le pays se sont mis d’accord sur le fait que l’éducation, la santé, l’électricité, l’eau, etc. doivent être entièrement privatisés au bénéfice des marchands de profits.
Il était donc aisé de prévoir que les grands partis bourgeois et leurs apprentis égoïstes ne se sont focalisés que sur des questions de division, telles que la “régionalisation”, le “caractère fédéral”, les embrouilles “Nord-Sud” ou “chrétiens-musulmans” et toutes sortes d’autres histoires qui n’ont rien à voir avec le vrai problème, à savoir comment apporter des conditions de vie décentes aux masses de la population, qu’elles habitent dans le riche delta du Niger, ou dans le reste du Nigéria.
On constate malheureusement que la morale pro-riche et pro-capitaliste qui constitue désormais la base de la politique des partis dirigeants en ce qui concerne l’économie ou la société a été maintenant ouvertement ancrée dans les affaires politiques et dans le processus électoral. À présent, le Décret électoral tout comme la direction de tous les partis politiques au pouvoir ont prescrit d’immenses sommes, appelées “frais de nomination”, pour quiconque désire se présenter en tant que candidat. Dans les faits, ceci signifie que seuls de gros richards et/ou les personnes sponsorisées par ces mêmes sacs à pognon peuvent espérer jouer un rôle quelconque dans les élections à venir. Il suffit donc de faire remarquer qu’une campagne électorale où seuls peuvent se présenter les plus riches personnes au sein des divers partis, ne pourra jamais être appelée “transparente” ni ne reflétera la “volonté” des Nigérians dans leur masse. En outre, la véritable raison pour laquelle de nombreux candidats à la candidature se disaient prêts à payer eux-mêmes leur “frais de nomination” est qu’ils espèrent bien pouvoir rembourser ces couts électoraux en mangeant l’argent public si jamais ils parvenaient à être élus. Par conséquent, les masses ordinaires doivent affronter bien en face le fait que ces élections ont déjà été truquées à leur détriment, bien avant que la campagne électorale à proprement parler n’ait même commencé.
Une méga-coalition des partis d’opposition peut-elle changer les choses ?
Certains prétendent que seule une grande coalition de tous les partis d’opposition parviendra à reprendre le pouvoir au PDP et ainsi à mettre un terme à la putréfaction qui domine à présent l’ensemble du paysage économique et politique de notre pays. Hélas, cette proposition qui semble de prime abord attractive ne peut se réaliser que si les soi-disant partis d’opposition ont un programme et une manière d’être qui soient fondamentalement différentes du détestable PDP qu’ils cherchent à remplacer. À présent, il y a beaucoup de bruit au sujet des grands partis d’opposition qui sont en train de s’associer afin de présenter une alternative unie et coordonnée face au PDP.
Il faut cependant noter que ceci n’est pas quelque chose de nouveau dans la politique du Nigéria. Au cours des premières et deuxièmes Républiques, les partis d’opposition ont formé ce qu’on a appelé la Grande Alliance Progressive Unie (United Progressive Grand Alliance – UPGA) et l’Alliance des Partis Progressistes (Progressive Parties Alliance – PPA). Sous le régime civil actuel, il y a eu des discussions quant à l’éventuelle formation d’une méga-coalition des partis d’opposition afin de chasser le PDP du pouvoir. Toutefois, dans la mesure où la plupart des éléments de cette soi-disant opposition sont toujours impossibles à différencier du parti qu’ils désirent remplacer, ce phénomène réduit du coup leur opposition aux simples calculs égoïstes qui leur permettront d’être ceux qui hériteront ensuite de la responsabilité de l’injuste ordre économique et politique existant. De la sorte, tous ces partis d’opposition n’ont jamais été capables de mettre sur pied une véritable plate-forme d’opposition contre le parti au pouvoir.
Par conséquent, tout comme dans la période précédente, le désir actuel de former une méga-opposition contre le PDP lors des élections de 2011 peut au final être sacrifié sur l’autel des ambitions personnelles de tous ces individus qui souhaitent devenir présidents, gouverneurs, sénateurs, etc. et surtout maintenant, étant donné l’énormité scandaleuse des salaires et des dotations de responsables politiques, en plus de tous les privilèges et opportunités de piller les ressources et l’argent public que tous ces postes octroient.
Y a-t-il un espoir pour les masses ?
Sur base de la configuration politique du moment, les élections générales de 2011 ne seront comme d’habitude rien de plus qu’une compétition pour le pouvoir politique de la part de différentes sections de l’élite de bandits capitalistes au pouvoir. Malgré les promesses de Jega et de Jonathan d’organiser des élections libres et démocratiques, le résultat des élections, dans la situation actuelle, sera certainement à l’avantage des riches et de ceux qui contrôlent aujourd’hui le pouvoir politique en utilisant une combinaison d’argent et d’appareils d’État.
Seuls un véritable programme ouvrier, avec la perspective d’utiliser les ressources humaines et naturelles du pays de manière planifiée et démocratique pourra fournir une plateforme politique réellement capable de susciter le soutien enthousiaste et les sacrifices héroïques de la part des masses populaires, et pourra triompher des politiciens capitalistes égoïstes et de tous les partis politiques au pouvoir lors des élections de 2011. Malheureusement, la grande majorité des dirigeants syndicaux et du Labour Party formé par le Congrès du travail nigérian (Nigeria Labour Congress – NLC) ne sont pas en ce moment en train de réfléchir ou de travailler à une telle alternative politique et économique pour la classe ouvrière. Au lieu de s’efforcer à bâtir le Labour Party en tant que voix politique des masses laborieuses, ses principaux dirigeants font tout ce qui est possible pour en faire tout bêtement un autre parti bourgeois.
Le Labour Party ne dispose pas d’un programme économique et politique clair qui soit radicalement différent de celui des grands partis capitalistes tels que le PDP, l’ANPP, l’ACN, etc. Dans l’état de Ondo, qui est le seul à être gouverné par le parti, on professe la même politique néolibérale, pro-capitaliste de privatisation et de dérégulation des secteurs-clés de l’économie. Aujourd’hui, afin d’espérer devenir président ou gouverneur sous le régime PDP au pouvoir, les candidats doivent payer à leur parti la somme non remboursable respectivement de 10 millions et de 5 millions de naïras (50 000 € et 25 000 €). Ce qui est très embarrassant, c’est que c’est la direction du Labour Party qui a été la première à mettre en place cette mesure honteuse, et que le PDP n’a en fait fait que copier le Labour. Donc, plutôt que d’avoir un Labour Party qui se développe en tant que plate-forme pour la classe ouvrière et pour les masses opprimées en général, il est en train de rapidement devenir un autre parti bourgeois, un phénomène qui pourrait rendre le parti incapable de décoller pour de bon, sans parler de véritablement servir les intérêts politiques et économiques des masses populaires lors des élections à venir.
Les principaux dirigeants syndicaux n’ont malheureusement pas offert une véritable alternative ouvrière face à la pourriture politique et économique du capitalisme. Politiquement, ceci est causé par leur perspective qui s’efforce de faire du mouvement ouvrier un arbitre cherchant à obtenir des élections libres et démocratiques entre les différentes couches de bandits capitalistes ! Au lieu de chercher à construire un parti politique ouvrier indépendant avec pour but de former un gouvernement ddes travailleurs et des pauvres, qui ferait passer les secteurs-clés de l’économie entre les mains du public, via leur contrôle et leur gestion démocratiques par des comités élus de travailleurs, de paysans et de jeunes, en tant que base pour garantir les besoins politiques et économiques de tout un chacun, et non pas seulement des quelques éléments capitalistes et des classes moyennes, comme c’est aujourd’hui la règle – au lieu de faire cela donc, la plupart des dirigeants Labour actuels conservent la perspective erronée selon laquelle les véritables intérêts des masses laborieuses peuvent être obtenues sans devoir renverser ce système injuste.
Par exemple, d’importants dirigeants du NLC et de la Confédération syndicale (Trade Union Congress – TUC) croient réellement qu’une oasis économique, capable de pourvoir aux besoins économiques des travailleurs, peut être créée à travers des projets économiques directs de la part des syndicats. Voilà l’impression qui est créée par des dirigeants centraux des deux fédérations syndicales qui existent en ce moment, tandis qu’ils sont en train de négocier des prêts valant des milliards de naïras afin de mettre sur pied des services de transport gérés par les syndicats.<^>Le Président-général de la TUC, Peter Esele, a récemment tenté de fournir un genre de justification théorique pour ce qui n’est rien de plus qu’une tentative d’effectivement intégrer le mouvement ouvrier dans le ccapitalisme, en défendant le fait que les besoins de la classe ouvrière doivent être satisfaits par la création d’entreprises sans but lucratif et “pro-labour” dans le cadre global de l’économie capitaliste ! Écoutez-le plutôt : « Je n’appartiens pas à l’école de pensée selon laquelle le Labour devrait être neutre, parce que je crois que c’est par la participation que nous pourrons pousser le pays dans la direction vers laquelle il doit aller. Le Labour ne doit pas être neutre ; nous devons avoir une position sur tous les enjeux, et une manière dont on peut faire cela, est qu’il nous faut des muscles financiers. Donc, si nous nous asseyons tous dans une pièce et perdons notre temps à nous critiquer, et non pas afin d’offrir des solutions ni d’apporter de nouvelles idées, je ne pense pas que je veux appartenir à un tel mouvement » (The Guardian du 5 novembre 2010).
Oui, nous autres membres du DSM sommes entièrement d’accord avec Esele sur lee fait que « Le Labour ne doit pas être neutre et doit avoir une position sur chaque enjeu », que ce soit un enjeu économique ou politique, et qui a le potentiel de susciter l’intérêt des travailleurs, positivement ou négativement. C’est pourquoi, depuis notre fondation, nous avons toujours défendu le contrôle public sur les secteurs-clés de l’économie, y compris les banques, et leur contrôle et gestion démocratique par les travailleurs et par les couches populaires. Cependant, cette stratégie révolutionnaire doit être radicalement différente de la conception de Esele qui désire apporter des « muscles financiers » aux syndicats, un phénomène qui ne ferait qu’accentuer l’étranglement bureaucratique du mouvement syndical, avec le développement de syndicats qui se reposent en grosse partie sur le business et non sur les cotisations de leurs membres, ce qui sape le pouvoir des travailleurs de la base à exercer un contrôle sur leurs dirigeants.
Les défis à relever par les masses
Sur la base de tout ce que nous venons d’expliquer, les travailleurs et les pauvres ne peuvent s’attendre après les élections de 2011 qu’à un approfondissement de leurs souffrances et de l’oppression. Toutefois, les capitalistes et les exploiteurs ne doivent pas trop se réjouir de la faiblesse politique des dirigeants syndicaux et du Labour Party qui en ce moment tend à renforcer l’idée fausse qu’il n’y a pas d’alternative à la putréfaction capitaliste actuelle et à l’échec complet des politiciens capitalistes. Mais il ne faut pas non plus oublier ni sous-estimer le bon côté de la situation politique actuelle.
Malgré le manque d’une direction générale et cohérente de la part des hauts dirigeants syndicaux, il y a une nouvelle tradition de lutte et de résistance qui se développe parmi les sections de la classe ouvrière. Le personnel enseignant de toutes les universités de la zone sud-est sont en ce moment en grève à durée indéterminée depuis des mois dans certaines zones pour de meilleures conditions de travail et plus de moyens pour l’éducation. Depuis quelque temps, les syndicats du secteur de l’électricité mènent de l’agitation contre la privatisation de la Compagnie énergétique du Nigéria (Power Holding Company of Nigeria – PHCN) et pour un financement adéquat du secteur. Les travailleurs de la santé dans de nombreux états de la fédération sont soit en grève, soit en train de mener une agitation féroce pour plus de financement des hôpitaux publics et pour de meilleures conditions de service pour toutes les couches du personnel. Bien que l’Histoire ne se répète jamais de la même manière, il ne faut pas oublier que seulement deux mois après la farce des “élections” de 2007, il y a eu une grève générale massive et largement sooutenue qui n’a malheureusement pas permis de satisfaire aux revendications parce que les dirigeants syndicaux ont signé un compromis boiteux.
Ce qui manque par contre, et c’est regrettable, est une lutte et une campagne unies impliquant les travailleurs du public comme du privé, aux niveau fédéral comme régional, et une direction nationale cohérente au sein des syndicats et sous la forme d’un véritable parti ouvrier qui puisse donner à cette résistance ouvrière non-coordonnée la vision et la force appropriées. Quoiqu’il en soit, la direction du NLC et de la TUC ont accepté d’organiser une grève d’avertissement de trois jours du mercredi 10 novembre au vendredi 12 novembre 2010, quant au refus du gouvernement du président Jonathan de faire appliquer le salaire minimum pourtant ridicule de 18 000 naïras (85€) par mois qui a été négocié avec les représentants du gouvernement aux niveaux fédéral et régional.
C’est là un premier pas dans la bonne direction, qui s’était long fait attendre. Nous, membres du DSM, avons toujours défendu l’idée que seule des actions de masse et non pas des “tactiques de relations industrielles” peuvent forcer les élites dirigeantes de tous les différents partis politiques à mettre en application des mesures capables d’améliorer le mode de vie de la population. Force est pourtant de constater que la direction du mouvement ouvrier n’apparait pas encore vouloir accepter le fait que la lutte de masse est une nécessité et non pas un outil pour “effrayer” ou “intimider” la classe dirigeante. Écoutons John Odah, le secrétaire général du NLC : « Nous soupçonnons le président Jonathan d’être en train de faire pression sur les gouverneurs d’état pour qu’ils n’appliquent pas le nouveau salaire minimum national. Le président Jonathan a un rendez-vous avec l’Histoire. Il peut soit se placer du côté des travailleurs opprimés et voir son nom être inscrit en lettres d’or dans les cœurs des Nigérians, soit se ranger du côté des gouverneurs et rater l’occasion en or d’être adulé par les travailleurs nigérians » (The Nation du 7 novembre 2010).
Plutôt qu’une perspective futile, qui cherche apparemment à liguer une section des brigands capitalistes contre l’autre, le DSM appelle de tous ses vœux à des mobilisations et à des luttes de masse y compris des manifestations et des grèves, là et quand elles sont nécessaires, avec une attention particulière sur la construction d’un parti politique ouvrier de masse qui puisse arracher le pouvoir de manière permanente aux pillards capitalistes et sur cette base commencer l’édification d’une société socialiste véritablement démocratique, dans laquelle les ressources de la société seront véritablement utilisées pour pourvoir aux besoins de tous et non pas d’une infime minorité, comme c’est le cas dans l’injuste désordre capitaliste actuel.
