Tag: Dockers

  • Appel à la solidarité: Attaque brutale des patrons contre les dockers de Lisbonne en grève

    portugal_greveL’Association des Opérateurs du Port de Lisbonne, qui représente les intérêts des entreprises qui opèrent au port de Lisbonne, a décidé, dans une attaque horrible et désespérée, de lancer un licenciement collective des dockers de Lisbonne. Ils sont en ce moment en grève contre la loi des ports et contre l’accord de travail proposé par les patrons, qui permettrait une augmentation dramatique de la précarité et une diminution sévère des salaires et des droits des travailleurs, ouvrant ainsi la voie à plusieurs nouvelles attaques contre les droits des travailleurs des ports et les lieux de travail à travers l’Europe. Ce licenciement pourrait affecter plus de 320 dockers de Lisbonne et leurs familles.

    Par Socialismo Revolucionário (section portugaise du Comité pour une Internationale Ouvrière)

    Les dockers de Lisbonne sont en grève pour défendre une véritable convention collective de travail qui en finirait avec la précarité, qui préserverait leurs droits difficilement conquis et inclurait les travailleurs précaires en leur donnant les mêmes droits que les dockers permanents. Ils luttent avec bravoure contre les attaques patronales et pour des droits identiques pour tous les dockers, dans une lutte qui peut avoir un effet décisif au Portugal et en Europe.

    Les dockers de Lisbonne ont une fière tradition d’internationalisme et de solidarité, ils ont dirigé et soutenu plusieurs luttes contre l’austérité au Portugal et, au travers de l’International Dockworkers Council, ils ont également soutenu l’action des travailleurs dans le monde. Le syndicat des dockers va aussi organiser une marche contre la précarité et l’austérité le 16 juin à Lisbonne. Il nous faut soutenir leur combat.

    Cette dernière attaque a été la plus forte d’une longue campagne de peur, d’intimidation, de chantage et d’agression organisée par les patrons contre les dockers de Lisbonne. Nous exprimons notre totale solidarité avec eux et nous condamnons l’attaque brutale des patrons.

    Envoyez vos messages de solidarité au syndicat des dockers de Lisbonne ainsi que des lettres de protestation aux entreprises du port. Vous trouverez ci-dessous différents modèles de lettres.

    Les lettres de solidarité doivent être envoyées au Syndicat des Dockers :  setc@sapo.pt.

    Les lettres de protestation doivent être envoyés à l’Association des Opérateurs du Port de Lisbonne et membres associés:

    • L’Association des Opérateurs du Port de Lisbonne (AOPL) – email: diraopl@aopl.pt; phone +351 21 393 99 11
    • Liscont – site: www.liscont.pai.pt Phone +351 213 927 500
    • TCSA/SOTAGUS email: administracao@sotagus.pt Phone: +351 21 862 56 30
    • TMB email : tmb@tmb.pt ; Phone: +351 218 621 160
    • Multiterminal: email- multitcsa@mail.telepac.pt ; Phone: +351 213 474 805

    Lettre de solidarité

    “Salutations

    À travers nos camarades de Socialismo Revolucionário, nous avons pris connaissance de la lutte des dockers de Lisbonne contre la précarité et pour les droits des travailleurs, et de l’attitude honteuse des patrons qui veulent procéder à un licenciement collectif des dockers de Lisbonne.

    Nous sommes totalement solidaires des dockers de Lisbonne et du Portugal dans leur lutte pour de bonnes conditions de travail et de salaire.

    Nous nous opposons complètement à cette attaque des patrons et de l’AOPL : au licenciement collectif des dockers de Lisbonne et à la campagne de peur, d’intimidation et de chantage contre les travailleurs et les syndicalistes qui luttent avec bravoure pour leurs droits mais aussi pour les droits de tous. ”

    Lettre de protestation

    “À qui de droit,

    Nous avons pris connaissance du licenciement collectif des dockers de Lisbonne que votre organisation est en train de mener. Nous  considérons cela comme une actions des plus lâches et méprisantes dans une campagne de peur, d’intimidation et de chantage contre les travailleurs qui essayent de protéger leur droits difficilement conquis et mérités.

    Nous condamnons complétement l’attaque que votre organisation est en train de perpétrer contre les dockers de Lisbonne, et vos actions pour les casser les salaires, les droits du travail et pour accroitre la précarité et l’insécurité au travail.

    Nous sommes totalement solidaires des dockers de Lisbonne et du Portugal dans leur lutte pour droits de travail et contre la précarité et les salaires misérables.”

  • Aidé de l’Europe, le gouvernement défie les dockers

    dockersLe 18 janvier, l’Autorité portuaire à Anvers a tenu une conférence de presse sur le bilan record de 2015, avec quelque 208,4 millions de tonnes de marchandises ayant transité par le port de la métropole l’an dernier. Les syndicats ont mené campagne aux portes de la conférence : ce résultat est le fruit des efforts des dockers ! Mais en guise de remerciement, ces derniers voient leur statut attaqué.

    Par Luc (Anvers), article tiré du mensuel Lutte Socialiste

    Suite à plusieurs plaintes, la Commission européenne a ouvert une procédure d’infraction contre la loi-Major, un arrêté royal du 12 janvier 1973 qui assure que le travail dans un port est effectué par des travailleurs reconnus, bien formés, conscients des dangers propres au travail portuaire. Le Vice-Premier ministre Kris Peeters a travaillé à une proposition de ‘‘modernisation’’ qui, selon lui, satisfera la Commissaire européenne aux Transports, la slovène Violeta Bulc. Tout à fait dans la lignée du gouvernement, il propose de laisser place à la négociation jusqu’au 1er juillet et, en cas d’échec, il en fera un texte de loi. C’est plutôt pratique pour le gouvernement et le patronat portuaire de pouvoir se cacher derrière l’Europe. Espèrent-t-ils ainsi se protéger de la colère des dockers ?

    Le journal économique De Tijd s’est penché sur cette proposition dans son édition du 15 décembre. Le système de ‘‘pool’’ serait libéralisé alors qu’il a jusqu’ici assuré que seuls les dockers reconnus puissent travailler dans un port. Une phase de transition est prévue de 2017 à 2020 pour progressivement diminuer le nombre de contrats permanents. A partir de 2020, les employeurs pourraient également procéder à des recrutements par contrats journaliers, pour autant qu’ils travaillent encore au côté de dockers reconnus. La proposition de Peeters repose aussi sur une flexibilisation du travail en équipe, notamment en vue d’effectuer une plus grande variété de tâches.

    Pour les syndicats, les contrats journaliers et les équipes multitâches constituent des points de rupture. La sécurité des travailleurs est ainsi mise en péril et le principe du ‘pool’ ne s’appliquera plus dans les faits. Même certains patrons sont opposés aux contrats journaliers. Une bonne partie des travailleurs portuaires avec des contrats à long terme travaillent pour de gros acteurs du secteur, mais la flexibilité et la productivité sont déjà élevées. Un journaliste néerlandais avait d’ailleurs fait remarquer en décembre dans les pages du Het Laatste Nieuws: ‘‘Votre croissance de 8% du volume du transport maritime nous fait mal, c’est certain. Chez nous, la croissance est nulle. Nous admirons également vos dockers qui déchargent les navires efficacement et rapidement.’’ Dans de telles circonstances, cela n’a probablement pas beaucoup de sens d’entrer dans un conflit social de longue haleine.

    La seconde partie de la proposition de Peeters traite des travailleurs qui assurent la logistique. Outre le contingent général des activités liées à l’eau, environ 6.000 dockers, il existe aussi un contingent logistique qui représente environ 1.500 travailleurs. La flexibilisation a beaucoup plus touché ce domaine. Il est déjà aujourd’hui possible de n’y engager que des intérimaires et de les reconnaitre par la suite. Selon Fernand Huts (surnomé le Tsar du port d’Anvers) et d’autres patrons, c’est principalement là qu’il faut frapper. La proposition de Peeters permettrait aux employeurs de ne plus les reconnaitre du tout et d’engager qui ils veulent. Ces travailleurs logistiques tomberaient toutefois toujours sous la même Commission paritaire et connaitraient donc les mêmes salaires et conditions de travail. Dans la pratique, cela ne ferait donc aucune différence majeure avec la situation actuelle, mais cela ouvre bien sûr la porte à de nouvelles attaques ultérieures. Pour Huts et d’autres patrons, de même que pour l’Open VLD et la N-VA, ce n’est pas assez, il faudrait déjà s’en prendre aux conditions de travail et aux salaires.

    Négocier et faire des concessions, cela n’arrêtera rien

    Le secrétaire fédéral Marc Loridan (FGTB – Union Belge du Transport) a déclaré qu’il y a bien des négociations, mais uniquement à leurs conditions. Mais la menace du ministre Peeters d’appliquer de force sa proposition en l’absence d’accord entre syndicat et patronat place les patrons aux commandes des discussions. Seule la crainte de troubles sociaux explique pourquoi ils veulent rencontrer les syndicats.

    La stratégie actuelle des syndicats est de convaincre quelques grands acteurs du secteur à prendre ouvertement position contre certaines des atteintes à la loi-Major. Certains des patrons ont ainsi déclaré ne pas être demandeurs de l’introduction des contrats journaliers.

    Ne compter que là-dessus, c’est une stratégie dangereuse. Une entreprise comme DP World est par exemple mondialement connue pour ses positions loin d’être pro-syndicales. D’autre part, d’autres concessions risquent d’être exigées en procédant de la sorte. Il est d’ailleurs frappant de voir que dans les tracts syndicaux, seuls les contrats journaliers et les équipes multitâches constituent des points de rupture, pas l’embauche de contrats à long terme à l’extérieur du ‘pool’, ni l’assouplissement du système de changement d’équipe, ni la fin du travail portuaire reconnu dans la logistique.

    Pas mal de concessions ont déjà été faites par les travailleurs, mais les attaques se poursuivent. A Zeebrugge, les équipes multitâches sont acceptées et, à Gand, un accord a été conclu avec les syndicats pour réviser le chargement et le déchargement des navires. Ben Weyts (N-VA) a expliqué: ‘‘Cet accord permet de décharger un navire avec un seul docker au lieu de quatre.’’ Les concessions n’arrêteront pas les attaques. Autre exemple : la scission entre un contingent général de dockers et un logistique n’a pas fait cesser les attaques, au contraire. Aujourd’hui, ils sont tous couverts par la même Commission paritaire, mais combien de temps cela durera-t-il encore ? Toutes ces concessions sont aussi responsables de la division des travailleurs, non seulement entre les différents ports belges, mais aussi entre catégorie de travailleurs.

    La loi-Major fut acquise par la lutte, c’est ainsi que nous la protègerons

    La même logique est à l’œuvre au niveau européen. Précédemment, l’Europe a lancé diverses directives portuaires qui ont attaqué les dockers européens (les ‘‘paquets portuaires’’ 1 et 2 de 2003 et 2006). Les dockers ont lutté en masse à chaque reprise dans toute l’Europe. Malgré une tentative de criminaliser le mouvement en 2006, ce fut une victoire. L’establishment européen craignait la grève générale de tous les ports européens. Depuis lors, il a changé son fusil d’épaule et les régimes spéciaux des dockers ont été attaqués individuellement, pays par pays, afin d’éviter toute lutte unifiée.

    En 2003 et 2006, c’est la lutte qui a payé et permis de repousser l’offensive. Il faut faire de même aujourd’hui. De nombreux dockers se plaignent du manque d’informations. Il est possible d’y remédier en organisant des assemblées générales pour discuter de la situation et de la mise en œuvre d’un plan d’action.

    Le danger est que la lutte reste isolée. La fois dernière, des actions avaient eu lieu à travers toute l’Europe. Aujourd’hui, il faudra tisser des liens avec d’autres secteurs pour riposter à la libéralisation et au dumping social. Pensons au rail ou au transport routier. Avec un bon plan d’action, il est possible de lutter ensemble et d’arracher des victoires.

  • Comment l’establishment utilise l’Europe pour briser le statut des dockers

    dockersLa Commission européenne exigeait de la Belgique qu’elle adapte la loi Major, qui régit le travail portuaire et protège les dockers, d’ici le 23 octobre. Cette date-butoir a toutefois été repoussée. Le Ministre Peeters (CD&V) a déclaré qu’il travaillait à l’élaboration d’une loi-major ‘‘light’’, mais que celle-ci pouvait être rejetée par l’Europe dans le but de poursuivre la libéralisation du travail portuaire.

    Ce qui pose essentiellement problème à la Commission européenne c’est le fait que seuls les dockers reconnus peuvent travailler. La Commission veut, tout comme les patrons des ports, une libéralisation qui permettrait à n’importe qui d’exercer du travail portuaire à n’importe quelles conditions, y compris des intérimaires ou l’équipage de bateaux qui n’ont pas le même profil professionnel que les dockers.
    Diverses propositions sont travaillées en ce sens depuis 1997. Une directive sur la libéralisation a été rejetée en 2003, mais une nouvelle est à nouveau arrivée sur la table en 2006. Les dockers ont à chaque fois démontré que la lutte paie contre ces attaques. A chaque fois, de grandes manifestations de dockers ont eu lieu dans toute l’Europe. En 2006, les autorités ont tenté de criminaliser l’action syndicale en envoyant des forces policières phénoménales contre les dockers à Strasbourg.

    Mais pour le patronat, chaque victoire ne peut être que temporaire. Depuis, les régimes spécifiques pour le travail portuaire ont été détricotés dans la plupart des pays européens. L’UE fait tout pour accélérer ce processus de libéralisation. Ainsi, une partie de la règlementation espagnole du travail portuaire a été condamnée par la Cour de Justice. Si le statut des dockers est détruit dans la plupart des pays, cela rendra plus facile une offensive européenne contre les dernières bastions et les dernières protections. Toute la législation rejetée en 2003 et en 2006 grâce à la résistance des dockers deviendrait alors la règle.

    Vendredi, le professeur de droit maritime Eric Van Hooydonck a expliqué sur Radio 1 que la législation du travail portuaire en Belgique est la plus règlementée d’Europe. Cette protection n’est évidemment pas pour plaire aux patrons et à l’Europe. Ce spécialiste estime que la Belgique sera finalement poursuivie et reconnue coupable en raison de la protection du travail portuaire. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi les politiciens belges ont adopté une attitude si attentiste, Van Hooydonk a répondu : «Je croix que de nombreux partis sont heureux que la Commission européenne tire les marrons du feu et se salisse à appliquer une refonte du travail alors que tout le monde sait que c’est inévitable.» Selon lui, en raison de la position de force des syndicats dans le port et de la menace de grève, l’UE est le seul organe capable de réaliser une attaque fondamentale sur les travailleurs du port. Le rôle de l’UE est une fois de plus illustré : il s’agit d’un outil de défense des intérêts de l’établissement capitaliste, un niveau de pouvoir bien pratique derrière lequel les politiciens peuvent se cacher pour imposer ce qu’ils voulaient de toute manière.

    L’establishment fait tout pour rendre le travail portuaire meilleur marché et moins sûr. Malgré toute l’attention portée à la sécurité, il y a déjà en moyenne deux morts par an parmi les quelques 8.000 travailleurs portuaires reconnus à Anvers. Une libéralisation du travail portuaire ne sert qu’à remplir les poches des patrons et ce, au détriment tant du revenu que de la sécurité des dockers. Une libéralisation peut être stoppée sur base de luttes, le caractère international de la lutte de 2003 était important. S’opposer avec d’autres secteurs, comme les chemins de fer par exemple, contre la vague de libéralisation peut aussi mener à des victoires !

  • 2e journée de grèves régionales : le port de Gand bloqué

    La zone portuaire de Gand était totalement à l’arrêt hier. Tous les quelques centaines de mètres, il y avait un piquet, non seulement aux grandes entreprises, mais aussi chez de nombreux sous-traitants et chez les petites entreprises. A Oleon Evergem, le piquet était particulièrement remarquable. La dernière grève dans cette entreprise remonte à 20 ans! Seuls quelques anciens s’en souvenaient encore.

    Rapport et photos par Geert

    Chez ArcelorMittal, l’ancien Sidmar, et chez Volvo, il y a traditionnellement de plus grands piquets. A Sidmar, plusieurs délégations de solidarités étaient présentes, ainsi que des dirigeants syndicaux nationaux. À son apogée, le piquet comprenait probablement plus de 200 participants. Outre les représentants de la gauche radicale, le SP.a était aussi là, à bord d’un bus qui a sillonné la zone portuaire. Maintenant que ce parti n’est plus au gouvernement, cela lui est à nouveau possible…

    Sur le piquet d’ArcelorMittal à Zelzate, nous avons discuté avec Peter, de la délégation FGTB. “La grève est très bien suivie. Seuls ceux qui sont nécessaires à la maintenance de l’équipement sont à l’intérieur. Il y avait très peu de volontaires pour prendre cette tâche en main.” Nous lui avons demandé s’il pensait que le gouvernement lâcherait rapidement des concessions et s’il allait falloir organiser d’autres actions très prochainement. “Je pense que nous devons aller plus loin. Les partis actuellement au gouvernement sont contre le peuple. Le peuple doit donc se révolter. Prenez le saut d’index. Apparemment, ils veulent créer du travail à nos frais. Non, ce n’est pas l’index le problème. Le fait que les riches ne paient pas, voilà ce qui est le problème. Ce ne est pas aux travailleurs de faire des concessions. Le débat autour du coût du travail est une fausse discussion, les employeurs bénéficient chaque année de 10 milliards d’euros de réductions de charges. Le coût du travail par produit en Belgique n’est pas plus élevé que dans les pays voisins. ”

    Un peu plus loin se trouvaient d’imposants piquets chez Honda et Volvo, avec quelques plus petits entre les deux. L’ensemble de la zone portuaire est à l’arrêt, c’est certain. Volvo est bloqué la route à plusieurs endroits. Les dockers et les travailleurs de l’automobile s sont trouvés pour bloquer ensemble divers points d’accès, comme cela fut aussi le cas à d’autres endroits. Détail remarquable : le blocage du carrefour est surveillé par un drone. Big Brother se rapproche…

    Ci-dessous, quelques photos de Oleon, du port, de Sidmar, de Honda et de Volvo.

  • Le plus grand rassemblement syndical en 28 ans … noyé dans des articles sur les émeutes

     

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    Photo : MediActivista

    La manifestation du 6 novembre dernier a constitué la plus grande mobilisation syndicale depuis pas moins de 28 ans. C’est extrêmement significatif de la préparation pour les grèves régionales des 24 novembre, 1er décembre et 8 décembre ainsi que pour la grève générale nationale du 15 décembre. On ne pouvait imaginer meilleur moyen de convaincre les centaines de milliers de sceptiques de rejoindre le mouvement. Mais une semaine plus tard, dans les médias, cela ne semble plus être qu’un fait divers. L’essentiel de l’attention a été accordée aux troubles qui ont suivi la manifestation. Qui donc peut bien avoir intérêt à ce que cela se produise de la sorte? Est-ce une coïncidence si des provocateurs issus de la police et des militants d’extrême droite ont été signalés parmi les émeutiers?

    Le premier ministre officieux, Bart De Wever, a été prompt à déclarer dès jeudi dernier qu’une telle chose ne se produira pas à Anvers, là où il est bourgmestre, et que la police serait préparée à intervenir pour la manifestation du 24 novembre. Les médias ont ainsi immédiatement eu le prétexte pour poursuivre leur couverture des émeutes de la manière dont nous l’avons vu les jours après.

    De Wever ne savait visiblement pas qu’il y avait grève le 24 novembre et pas manifestation. Lors d’une grève, le travail est stoppé et il y a des piquets de grève aux entreprises. Toute personne qui a vu de près un conflit social devrait le savoir. De Wever n’en savait-il rien? A-t-il délibérément participé à la campagne de criminalisation de la contestation sociale? Était-ce par ignorance ou par provocation délibérée qu’il a parlé d’une manifestation à Anvers?

    Le secrétaire régional de la FGTB d’Anvers, Dirk Schoeters, a confirmé ce lundi sur Radio 1 : « Le front commun syndical ne prévoit aucune manifestation, nous l’avons communiqué à la police la semaine dernière déjà. » La FGTB Horval a noté à juste titre : « Il semble logique que De Wever informe les gens, mais il leur fait peur. Peur qu’Anvers soit une ville assiégée. Provoquer la violence pour répondre par la violence. C’est ce qu’a fait Thatcher en Angleterre.”

    L’objectif poursuivi est on ne peut plus clair : tenter de peser sur le large soutien dont dispose la résistance anti-austérité en assimilant toute résistance active à la violence, aux émeutes et autres afin de criminaliser la contestation. Avec ses déclarations dans les médias, De Wever ne fait que jeter de l’huile sur le feu. Est-ce pour préparer le terrain à la répression des piquets de grève ? Au moment du mouvement de grève contre le gel des salaires en janvier 2012, alors que De Wever n’était pas bourgmestre, ce dernier avait expliqué que la police aurait dû être déployée afin de maintenir l’activité du port. Il a depuis lors été élu et se retrouve aujourd’hui à la tête du conseil communal et de la police. Afin de parvenir à limiter le droit de grève, il se sert d’une image créée de toutes pièces et qui ne correspond en rien à la réalité : l’image selon laquelle une grève est synonyme de violence.

    Cette campagne médiatique de dénigrement a aussi été utilisée afin d’empêcher tout rapprochement entre le mouvement social au sens large et la police, elle-même sujette d’attaques portant sur les pensions. N’oublions pas que la première grande manifestation avant le rassemblement syndical du 23 septembre était une manifestation de la police. Peut-être De Wever pourra-t-il louer quelques provocateurs le 24 novembre pour mettre en pratique ses messages apocalyptiques? Cela ne devrait pas être difficile à trouver parmi les têtes brûlées que l’on trouve dans son parti.

    Que cela soit clair : les troubles causés par une petite minorité à la fin de la manifestation du 6 novembre étaient bien évidemment contre-productifs. Il est certain que des provocateurs y ont été impliqués. Que pensent d’ailleurs les agents de police du fait que leur sécurité ait été compromise par des provocateurs issus de leurs propres rangs? Des rapports font également état d’infiltration de la manifestation par des néonazis (il y a notamment des photos de néonazis faisant connaissance avec les canons à eau). Un travailleur d’origine chilienne présent à la manifestation a douloureusement rencontré cette clique en voulant savoir ce qui se passait. Il a été sauvagement frappé au visage par l’un des émeutiers avec le commentaire suivant : « fous le camp, sale arabe »!

    Ce ne serait pas la première fois que des provocateurs de la police déclenchent des troubles violents dans le but de criminaliser le mouvement et de saper son soutien public. Dans le mouvement anti-globalisation, c’est ce que nous avions déjà vu en 2001 à Göteborg et plus particulièrement à Gênes sous la direction de Berlusconi. Un jeune manifestant y est décédé. A Anvers, lors d’une manifestation organisée par la campagne antifasciste flamande du PSL et des Etudiants de Gauche Actifs, Blokbuster, des policiers en civil avaient revêtu des chasubles rouges de Blokbuster pour ensuite tenter de se mêler à la manifestation. Seul le fonctionnement efficace de notre service d’ordre a permis, en les faisant sortir, d’éviter qu’ils ne jouent un rôle néfaste en incitant de jeunes manifestants à la violence.

    Il a unilatéralement été question de pointer du doigt les dockers d’Anvers après la manifestation, même s’il est vrai que certains auront pensé qu’il s’agissait de la meilleure manière de défendre leur statut. Tout comme les travailleurs des chemins de fer, de Bpost et d’innombrables autres, les dockers font face à la libéralisation. Ces dernières années, à la place de réunir tous ces secteurs dans la lutte, les syndicats les ont laissés isolés chacun dans leur secteur. Dans ces circonstances, il semble impossible de pouvoir tenir tête à une directive européenne. Si les dockers ont jusqu’ici pu éviter la libéralisation du travail portuaire, ce n’est pas parce qu’ils ont gentiment été trouver les institutions européennes à Strasbourg. Certains ont décidé de donner quelques claques. Mais nous pensons que la crainte de l’establishment pour tout conflit social prolongé durant lequel les ports auraient été longtemps fermés a été bien plus décisive que les violences elles-mêmes.

    Les services de police connaissent eux aussi fort bien ce contexte. Ils savaient donc exactement où envoyer leurs agents provocateurs pour obtenir le meilleur effet. Selon les dockers, quelques jeunes immigrés ont également été impliqués dans les troubles. Nous n’en savons rien, mais cela pourrait bien être le cas, ils ont une longue expérience de contrôles arbitraires et d’autres formes de harcèlement policier. En voyant l’opportunité de prendre leur revanche, au côté de dockers flamands, il ne fait aucun doute que certains l’auront saisie. Éviter que différents groupes ne restent isolés et se laissent aller à des tactiques désespérées nécessite une stratégie syndicale commune afin d’unifier la lutte contre la libéralisation de tous les secteurs. Une stratégie destinée à vaincre avec efficacité.

    Chaque faiblesse du camp des travailleurs sera exagérée jusqu’à l’absurde et pleinement exploitée par le gouvernement de droite dure qui se rend bien compte qu’il est sous pression. Les sévères attaques contre nos conditions de vie et toutes nos conquêtes sociales doivent être combattues. La manifestation phénoménale du 6 novembre, avec la participation de peut-être 150.000 manifestants, a constitué la plus grande mobilisation syndicale depuis 1986. Le gouvernement tentera systématiquement de briser cette unité. Nous ne pouvons pas nous laisser attraper dans ce piège.

    Comme nous l’avons déjà écrit pour ce site et notre journal, Lutte Socialiste : « Cette épreuve de force peut être remportée, ce gouvernement peut chuter. Mais cela exigera des efforts conscients et déterminés pour aller vers l’unité la plus grande possible dans l’action. Ce besoin d’unité est perçu de manière instinctive, mais peut aussi se retrouver sous pression. L’unité entre étudiants et travailleurs dans secondaire et le supérieur en Flandre peut et doit être organisé sur les écoles via des assemblées générales afin de discuter ensemble de l’application du plan d’action jusque dans ses moindres détails. Il en va de même plus globalement, jusqu’à la moindre entreprise. Il faut convoquer des assemblées du personnel, en front commun, tous ensemble ; ouvriers et employés ; verts, rouges et bleus. Mais il faut aussi des assemblées générales au niveau de chaque ville pour réunir les délégués des assemblées d’écoles et d’entreprises afin de continuer à forger cette unité. » Des assemblées du personnel seraient utiles pour assurer la participation de tout le monde et repousser chaque tentative de semer la discorde et / ou la confusion et le doute.

    La lutte pour renverser le gouvernement Michel ne sera pas évidente. Il ne se laissera pas faire comme ça. Le 6 novembre n’était à ce titre que le début d’un plan d’action ambitieux. Tirons-en les leçons pour les étapes suivantes. Le mouvement syndical doit par exemple comprendre son propre service d’ordre lors des manifestations et grèves pour extraire les éléments réactionnaires et discuter avec les manifestants pour les convaincre de ne pas céder aux provocations de ceux qui ont tout intérêt à ce qu’une manifestation dégénère. Ce n’est que de cette façon que nous pourrons veiller à ce que les journées de grève régionales nous conduisent peut-être vers la plus grande grève générale de l’histoire de Belgique!

    media

  • Une manifestation nationale qui a illustré la force de notre nombre.

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    Le plan d’action syndical commence bien!

    Tous les médias déclarent que plus de 100.000 manifestants étaient présents. C’est vrai, cette manifestation était réellement massive. A Bruxelles-Nord, les premiers manifestants sont partis vers 10h30 et les derniers n’ont suivi leurs traces qu’à 14h30 ! 100.000 personnes, c’est à n’en pas douter une sous-estimation. Les directions syndicales parlent de 120.000 participants et peut-être même il y avait-il beaucoup plus de monde.

    Les dizaines de milliers de manifestants étaient venus de tout le pays. Parfois, il a fallu laisser trois trains partir avant de pouvoir monter dans un autre, tous simplement en raison de l’affluence massive. Certains trains sont directement partis vers Bruxelles-Midi puisque la gare du Nord était bondée.

    Loin d’être un évènement anodin, la manifestation fut une expression de la résistance de masse contre un gouvernement profondément détesté. Des dizaines de milliers de collègues de manifestants se sont dit désolés de ne pas être là. Aujourd’hui, très clairement, nous avons vu quelle était la puissance de notre nombre.

    Comme il fallait s’y attendre, les médias n’ont pas manqué de rapidement faire du tapage autour de n’importe quelle forme d’incident : des gens attendaient leur bus en vain à l’arrêt, la circulation était perturbée dans et autour de la capitale, etc. Le fait que les provocations policières aient dû essuyer la riposte des dockers a été suffisant pour parler d’émeutes et, bien entendu, pour ne plus parler que de ça. L’attention médiatique démesurée qui a été accordée à cet épisode est à considérer comme une tentative désespérée de nuire au large soutien dont jouit la résistance sociale contre ce gouvernement de droite dure. Nous ne pouvons nous laisser prendre à ce piège.

    Mais la rhétorique de division et la propagande antisyndicale ont aujourd’hui eu moins d’impact qu’à l’accoutumée. Les raisons derrière ce constat sont évidentes : le gouvernement de droite dure a lancé une offensive en règle contre tous les travailleurs et les allocataires sociaux. Travailler plus longtemps pour un salaire moindre, bénéficier de moins de services publics, payer plus cher à peu près tout,… cela nous concerne tous et la colère et tout aussi grande que partagée.

    La manifestation a d’ailleurs impressionné par son caractère bigarré avec une bonne participation de jeunes, de moins jeunes, de travailleurs, d’élèves du secondaire et d’étudiants. De tous les coins du pays, des milliers de personnes sont venues pour participer à leur toute première manifestation.

    Le plan d’action syndical vers la grève générale du 15 décembre commence donc très très bien. Si cette dynamique se renforce lors des grèves régionales et lors de la grève générale nationale, le gouvernement aura un sérieux, très sérieux problème. Mais après le 15 décembre, le mouvement ne devra pas être stoppé pour quelques concessions de la part de ce gouvernement des riches.

    Ce gouvernement et le patronat vont de nouveau déclarer jusqu’à en être malade qu’il n’y a pas d’alternative et que l’adoption de mesures douloureuses est nécessaire. Mais aujourd’hui vient d’être publié dans les médias le scandale des milliards d’euros d’impôt éludés par les grandes sociétés via le Luxembourg. Hier, Trends.be a écrit que les entreprises belges disposent d’une réserve de 240 milliards d’euros : une montagne d’argent qui n’est pas investi dans la production puisque ça ne rapporte pas assez. Et c’est à nous de faire un effort ?

    Il existe des alternatives à cette politique d’austérité. Mais il ne faut pas attendre grand-chose de Di Rupo & Co. Ce dernier a déjà déclaré que 70% des mesures actuelles ont été mises en œuvre par le précédent gouvernement. Faire tomber le gouvernement Michel par la grève pour voir revenir aux affaires un nouveau gouvernement Di Rupo, ce n’est pas une solution. Pas mal de manifestants étaient entièrement d’accord sur ce point.

    Après cette démonstration de force phénoménale, il est très clair que renverser ce gouvernement à l’aide d’une résistance de masse est de l’ordre du possible. Dans le cadre de la construction des prochaines étapes du plan d’action syndical, nous devons discuter de ce par quoi nous voulons remplacer Michel 1er.

    Nous devons défendre une alternative de rupture avec les politiques anti-travailleurs : défendre l’arrivée d’un gouvernement des travailleurs qui prendra à cœur de satisfaire les besoins de la majorité de la population au lieu de sacrifier les conditions de vie de la majorité pour chercher à vainement étancher la soif de profit d’une infime élite capitaliste. C’est ce que nous entendons par une alternative socialiste démocratique.

  • Retour sur la manifestation de la CES du 4 avril

    50.000 participants à la manifestation de la Confédération Européenne des Syndicats
    Une atmosphère radicale parmi les manifestants

    Selon les organisateurs, plus de 50.000 manifestants venus de 21 pays différents ont participé à la manifestation européenne qui s’est tenue à Bruxelles le vendredi 4 avril dernier, un nombre bien au-delà des 40.000 personnes initialement prévues, en dépit du caractère plutôt abstrait de ces manifestations. Les dirigeants de la Confédération européenne des syndicats (CES) livrent des analyses plus ou moins correctes de la situation à laquelle font face les travailleurs mais, malheureusement, cela ne donne pas suite à des appels clairs à l’action. D’autre part, les dirigeants de l’Union Européenne basés à Bruxelles se sont habitués à ces mobilisations qu’ils considèrent comme d’inévitables nuisances qui ne mettent pas vraiment en danger leur agenda néolibéral. Ils pourraient se tromper. Le taux de participation, l’ouverture évidente pour des revendications plus radicales que les officielles et l’atmosphère nerveuse présente à cette manifestation reflètent la pression de la base pour des actions plus décisives.

    « Notre message est simple », a déclaré Bernadette Ségol, Secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats: « L’austérité ne fonctionne pas (…) Alors que les dirigeants de l’UE se félicitent de la fin de la crise de l’euro, nous affirmons que la crise du chômage et de la pauvreté n’a pas encore été abordée. (…) Dans 18 des 28 pays de l’UE, les salaires réels ont baissé. En Grèce, ils ont baissé de près d’un quart – et cela ne tient pas encore compte de l’augmentation de la fiscalité directe! Les salaires ont baissé, après ajustement à l’inflation, et pas seulement en Espagne, au Portugal et en Hongrie, mais aussi au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Plus de 26 millions d’Européens ne travaillent pas du tout. Il y a 10 millions de chômeurs de plus qu’en 2008. La situation des jeunes est pire encore. 7,5 millions de jeunes Européens ne sont ni au travail, ni dans l’enseignement, ni en formation. Beaucoup des plus instruits et des plus ambitieux ont tout simplement abandonné leur pays d’origine pour aller chercher du travail ailleurs ».

    Que propose la CES ?

    «Il est important que les dirigeants de l’UE se rendent compte que la seule austérité ne guérira pas nos difficultés économiques – au contraire, le taux de chômage élevé et la baisse des salaires réduisent les dépenses, et donc la demande de biens et de services ». Mais la CES laisse toutefois la porte ouverte à davantage d’austérité lorsqu’un de ses représentants déclare : «Le fait que les États-Unis aient investi dans la croissance tout en limitant les dépenses publiques dans certains domaines explique pourquoi la croissance économique et la création d’emplois sont plus élevés aux États-Unis. » De toute évidence, les dirigeants de la CES ont besoin d’une urgente clarification de la part de leur collègues d’outre-Atlantique concernant le taux de chômage ainsi que la destruction sociale qui frappent les États-Unis.

    « Il est nécessaire d’investir dans les infrastructures, l’enseignement, la formation, la recherche et le développement de nouvelles industries », poursuivent-ils. La CES plaide en faveur d’un plan de relance de 2% du PIB européen investis en 10 ans afin d’atteindre une croissance durable et une réelle création d’emplois.

    La CES qualifie cela de « nouvelle voie pour l’Europe ». Rien n’explique comment cela pourrait être obtenu ni, quand bien même serait-ce le cas, comment cela pourrait bien suffire à éradiquer la pauvreté et le chômage dans un cadre capitaliste. La perspective offerte par la CES aux chômeurs se résume à une nouvelle décennie de misère. Ce discours traine loin derrière ce que nous avons pu entendre lors de la manifestation, sans encore parler de ce qui serait nécessaire pour véritablement s’en prendre au chômage et à la pauvreté…

    Le mécontentement du monde du travail

    Les manifestants allemands exigeaient l’imposition d’un salaire minimum légal ainsi qu’un impôt sur la fortune. Des travailleurs néerlandais du secteur du nettoyage s’opposaient à la sous-traitance. Des manifestants lituaniens dénonçaient l’interdiction des grèves pour des augmentations de salaires dans leur pays. Les militants français de la CGT dénonçaient le prétendu «pacte de responsabilité» conclu entre leur gouvernement et les patrons et qui vise à faire payer la crise actuelle du système aux travailleurs et à leurs familles. La nouvelle voie pour l’Europe dont ils ont besoin est certainement bien différente de celle proposée par la CES et ils ne considèrent en aucun cas les sociaux-démocrates (comme le Parti socialiste français) comme des alliés.

    Bien que loin d’être suffisantes, les revendications défendues par les syndicats belges contre le chômage et la précarité, contre le dumping social, contre l’augmentation de la pauvreté et des inégalités et contre la dérèglementation offraient au moins une approche de mobilisation plus concrète. Leur mobilisation a néanmoins été mal organisée. Les délégués syndicaux avaient la possibilité de quitter le travail pour se rendre à la manifestation, mais sans appel officiel à la grève afin que leurs collègues de travail puissent faire de même. Certains d’entre eux ont expliqué qu’ils avaient dû arracher les tracts des mains de leurs représentants syndicaux qui ne prenaient pas la peine de mobiliser, estimant que leurs membres ne seraient de toute manière pas intéressés. La mobilisation a essentiellement été utilisée par la direction de la CES afin de présenter des revendications plutôt faibles pour les dirigeants de l’UE dans la perspective des élections européennes. Il s’agissait d’un évènement unique, isolé, sans que la moindre initiative ne soit annoncée en tant que prochain pas, sans même parler d’un véritable plan d’action pour assurer que ces exigences très limitées soient entendues.

    La mobilisation

    Avec un appel à la mobilisation audacieux, le taux de participation aurait facilement pu être doublé ou triplé. Pas mal de délégués syndicaux sont restés chez eux ou sont tout simplement restés travailler, en partie à cause du manque d’information, en partie parce qu’ils ne veulent pas que leurs collègues considèrent que les délégués syndicaux prennent encore un « jour de congé » tandis que les autres travailleurs ne sont pas invités à les suivre. C’est aussi en partie parce qu’ils en ont marre des manifestations qui n’ont aucun suivi.

    Cependant, en conséquence de la croissance des agressions patronales sur les salaires, les pensions et les contrats de travail, certaines couches de travailleurs ont saisi l’occasion pour exprimer leur opposition et démontrer leur détermination, en essayant de pousser les dirigeants syndicaux vers l’organisation d’actions plus déterminées.

    On trouvait dans le cortège de nombreuses délégations de lieux de travail menacés de fermeture ou empêtrés dans des «restructurations», notamment des travailleurs du nord de la France, et d’autres travailleurs impliquées dans des luttes salariales ou portant sur les prépensions.

    La délégation la plus proéminente était constituée par 1.500 dockers d’Anvers, Gand et Zeebrugge. Ils ont immédiatement pris la tête de la manifestation et se sont retrouvés en pleine confrontation physique avec la police. Scandaleusement, Bernadette Ségol de la CES s’est distanciée de leur action. « J’espère que la violence d’une infime minorité ne portera pas atteinte au message sérieux et pacifique de l’écrasante majorité. » Pas un mot, donc, sur l’attaque de la Commission européenne contre la loi belge qui indique que seuls les dockers officiellement reconnus ont le droit de travailler au port, y compris dans les départements logistiques. Pas un mot non plus sur le fait que la Commission européenne soutient ainsi ouvertement l’un des patronats les plus agressifs de Belgique !

    Si Ségol, la CES et les fédérations syndicales belges avaient adopté une position plus ferme contre la privatisation et la libéralisation, s’ils avaient coordonné de larges campagnes nationales et européennes au lieu de laisser les travailleurs des différents pays et des différents secteurs isolés, si elles avaient fait appel à la solidarité et avaient offert de réelles perspectives de victoire, alors les dockers ne se seraient pas sentis obligés de recourir à la violence, comme ils l’avaient également fait en 2006 à Strasbourg pour défendre leurs emplois et leurs conditions de travail. A cette époque, ils avaient réussi à bloquer les directives européennes. A cause de gens comme Ségol, beaucoup d’entre eux tirent la conclusion regrettable que c’est la seule façon d’arrêter l’UE dans sa destruction de leurs emplois, de leurs conditions de travail et de salaire.

    Ségol, au lieu de s’excuser, comme elle l’a fait, face à l’opinion publique et à la police, aurait dû présenter ses excuses aux dockers pour l’absence de combativité de la CES, pour la faiblesse de ses propositions et pour l’absence d’un échéancier d’actions concret qui offre une stratégie destinée à remporter la victoire sur base d’une lutte coordonnée et de la solidarité dans l’action.

    Luttons pour défendre les droits des travailleurs !

    Le PSL estime que les dirigeants de la CES et des syndicats belges devraient adopter une position plus combative dans la défense des droits des travailleurs. Cela comprend l’organisation de campagnes contre la privatisation et la libéralisation, contre le gel des salaires et pour de réelles augmentations de salaire, pour de vrais emplois et pour une réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires, pour des salaires minimaux décents et pour la défense des services publics.

    Tout comme les syndicats, nous trouvons que l’Europe devrait être différente et meilleure, mais nous ne pensons pas que cette Europe capitaliste peut tout simplement être réformée en une «Europe sociale». Les travailleurs ont besoin d’une perspective politique différente et de leurs partis indépendants basés sur un programme qui rejette les directives européennes, exige l’annulation du paiement des dettes publiques et défend la nationalisation des secteurs-clés de l’économie sous le contrôle et la gestion des travailleurs. En combinaison de la solidarité internationale et d’une lutte coordonnée, cela pourrait poser les bases d’une Europe véritablement « différente et meilleure », une fédération socialiste des Etats européens.

  • Les dockers remportent d’importantes victoires au Portugal et au Chili

    Longue vie à l’internationalisme de la classe ouvrière ! Un exemple pour les autres secteurs. 

    Danny Byrne, CWI

    Dans un contexte où les partons et les gouvernements infligent aux travailleurs du monde entier leur agenda de « choc et effroi », attaque antisociale après attaque antisociale, toute victoire considérable obtenue par le mouvement ouvrier international doit être criée sur tous les toits. C’est le cas des dockers qui, ces dernières semaines, ont remporté d’importantes victoires dans des conflits-clé au Portugal et au Chili. Ils en sont revenus aux méthodes militantes testées et éprouvées par le mouvement ouvrier : une lutte conséquente et durable avec l’organisation de la solidarité internationale au-delà des frontières,  notamment avec des gréves de solidarité.

    Portugal: victoire éclatante après 2 ans de lutte

    Ces exemples montrent que malgré le rôle pernicieux des directions syndicales de droite dans la plupart des pays, qui agissent comme un véritable frein pour la lutte, la classe ouvrière peut encore effectuer des pas en avant quand elle est organisée sur base de méthodes militantes. Ils montrent aussi comment, malgré la domination du syndicalisme de négociation et de conciliation et de la quasi-passivité des dirigeants syndicaux devant les attaques patronales, les fières traditions militantes de notre classes ne se sont pas du tout éteintes.

    Au Portugal, les travailleurs et les jeunes ont fait face à l’austérité de la Troïka depuis des années et ont courageusement résisté, y compris au cours de quatre grèves générales. Cependant, la direction du mouvement syndical au niveau national a échoué à unir ces luttes dans un plan d’action militant durable pour vaincre les attaques de la Troïka et du gouvernement, permettant aux mobilisations d’une journée isolées de se perdre dans de longues périodes de démobilisation.

    Les dockers, en rompant avec cette approche et en s’engageant dans un combat militant de deux ans, ont présenté une voie alternative à l’ensemble du mouvement : celle de l’action durable et déterminée qui peut obtenir des résultats. Ils faisaient face à un plan destiné à transformer le port de Lisbonne en un repaire du travail précaire, dans le cadre du programme de privatisations imposé par la Troïka et appliqué par le gouvernement. Les patrons avaient établi une compagnie de recrutement parallèle chargée d’employer du personnel sur des bases précaires avec une un tiers de salaire en moins, afin de mettre un terme aux conditions de travail décentes dans le port.

    La riposte des travailleurs a été faite de deux années de grève militante et de « grève du zèle ». Ils ont héroïquement fait face à la répression, 47 travailleurs ont été licenciés en raison de leur rôle dans la grève. Leur victoire a été éclatante. Non seulement ils ont obtenu la ré-embauche des 47 camarades licenciés, mais aussi la fin des contrats précaires et un nouvel accord de négociation collective qui va inclure les travailleurs initialement embauchés comme précaires. Cette victoire lance une clé à molette dans les projets de la classe capitaliste visant à rendre de plus en plus précaires les conditions de travail de toute la classe ouvrière portugaise.

    Ce conflit a été exemplaire en termes de militantisme mais aussi de par la démocratie ouvrière instaurée par le syndicat, les décisions importantes étant discutées et décidées dans des assemblées générales de travailleurs. Comme le commente Francisco Raposo, militant de la CGTP et membre de Socialismo Revolucionario (section du Comité pour une Internationale Ouvrière au Portugal) : « Cette lutte était vraiment une percée dans la lutte des classes au Portugal. Le syndicat des dockers n’est pas affilié à la CGTP, la principale centrale syndicale. Cependant les méthodes et le militantisme des dockers provoquent une réaction dans certaines couches de la CGTP. »

    Chili : La grève des dockers locaux s’étend et obtient des victoires nationales

    Au Chili en janvier, quand les dockers de Mejillones se sont mis en grève seuls pour des revendications salariales et contre les pratiques anti-syndicales (leur deuxième grève en un an) certains ont condamné cette lutte à l’isolement et à l’échec. Cependant, quand la police a attaqué le camp des grévistes qui abritait aussi leurs femmes et enfants, blessant un travailleur, le vent a tourné.

    Cette grève était également importante parce qu’elle défiait non seulement le patronat portuaire, mais aussi le Code du Travail draconien du pays, hérité de la dictature de Pinochet. Sous ces lois, les patrons refusent de négocier collectivement avec les travailleurs, insistant pour diviser ceux qui ont des contrats fixes et les travailleurs temporaires (qui représentent 80% des dockers).

    Les travailleurs ont refusé cette imposition anti-démocratique et ont intensifié leur action. Les travailleurs de 9 ports de tout le pays ont rejoint la grève, amenant leurs propres revendications (contre la répression anti-syndicale et le non-paiement des salaires dans la plupart des cas). A nouveau, cela est très significatif puisque ce même Code du Travail de Pinochet interdit les grèves de solidarité !

    Après un mois de grève, les dockers ont obtenu au niveau national la grande majorité de leurs revendications, dont le droit de négocier collectivement. Werken Rojo, le nouveau journal de Socialismo Revolucionario (section du CIO au Chili) explique : « ce conflit aura de grandes implications sur toute la classe ouvrière du Chili. Tout d’abord, il montre que l’action déterminée, la solidarité, qui suppriment la camisole de force du Code du Travail, peuvent permettre aux travailleurs de gagner ».

    Leur victoire, comme celle des dockers portugais, reflète aussi le grand pouvoir économique dont jouissent les dockers (mais aussi les travailleurs de beaucoup d’autres secteurs) étant donné le « tournant vers l’exportation » du capitalisme dans beaucoup de pays, en particulier ceux du Sud de l’Europe. Au Chili, la presse capitaliste a fait état de pertes de plusieurs millions de dollars pour les compagnies exportatrices en raison de la grève, en particulier en ce qui concerne l’export de marchandises périssables.

    Longue vie à la solidarité internationale en action !

    De plus, ces deux victoires montrent un autre élément, crucial pour le mouvement ouvrier mondial – celui de l’action de solidarité internationale. Deux journées d’action internationale ont été organisées en soutien aux dockers portugais ; la dernière a compté des actions de solidarité et des grèves en Suède, en France, aux USA et dans d’autres pays. Au Chili, en même temps que de se propager à tout le pays, la lutte des dockers a reçu un soutient actif crucial des dockers de toute l’Amérique Latine et au-delà, avec des ports argentins bloquant les marchandises chiliennes et des menaces d’actions de ce type dans des ports européens et états-uniens dans les jours précédant la victoire.

    Le CIO a souvent souligné la nécessité pour le mouvement ouvrier mondial de coordonner l’action au-delà des frontières, en mobilisant le pouvoir international de la classe ouvrière dans une économie mondiale de plus en plus interconnectée. Ce besoin est particulièrement criant en Europe, où la Troika et les gouvernements capitalistes infligent une offensive de misère coordonnée aux travailleurs sur tout le continent, en particulier dans le Sud, ce qui pose la nécessité d’une résistance coordonnée internationalement, y compris par des grèves internationales. Nous appelons le mouvement syndical mondial à suivre le brillant exemple des dockers portugais et chiliens qui ont montré que ces méthodes donnent des résultats.

  • Hong Kong : fin de la grève des dockers après 40 jours

    Les délégués syndicaux déclarent une “demi-victoire”

    La grève des 500 dockers de Hong Kong, qui a paralysé le troisième plus grand port du monde, vient de se terminer après 40 jours. La confédération des syndicats de Hong Kong (HKCTU) qui représente les grévistes a obtenu un accord d’une hausse de 9,8 % de salaire à partir du 1er mai. Cette grève a été la plus longue grève de l’histoire de Hong Kong depuis la fameuse grève des marins de 1922 (qui avait duré 55 jours). Elle est le signal d’un “retour” de la lutte de classe dans cette ville qui est pourtant célèbre en tant que bastion, véritable phare du capitalisme, où la lutte de classe est censée ne pas exister.

    Par Vincent Kolo, chinaworker.info

    Cette grève a éclaté après des années d’intensification de l’exploitation et d’aggravation des conditions de travail, surtout pour les travailleurs des entreprises sous-traitantes, dont le salaire réel est aujourd’hui inférieur à celui qu’ils recevaient dans les années ’90. Cette grève a eu un grand impact, loin au-delà de l’industrie portuaire, ébranlant l’ensemble du paysage politique et révélant au grand jour l’avidité et la brutalité du propriétaire du port, M. Li Ka-Shing, le huitième homme le plus riche du monde (31 milliards de dollars, à Hong Kong, un immeuble sur 7 lui appartient), et de ses amis capitalistes.

    Cette grève a démontré le rôle décisif de la classe ouvrière dans la société en tant que force de changement, qui a gagné un immense soutien de la part de très larges couches de la classe moyenne, comme les étudiants et la société civile. Ce soutien était visible tout au long de la grève, malgré le fait qu’en termes de nombres, seule une minorité de dockers y a participé. Imaginons l’impact que pourrait avoir une grève de milliers ou de centaines de milliers de travailleurs.

    Qu’ont obtenu les grévistes ?

    La HKCTU a décrit le résultat de la grève comme étant une “demi-victoire”. La grève est parvenue à exercer une telle pression sur les employeurs que ceux-ci ont finalement été forcé d’augmenter leur offre de hausse salariale jusqu’à 9,8 % – leur position de départ était de 5 % + 2 % (en comptant des primes secondaires). L’accord qui a été signé le 6 mai laisse cependant bon nombre de questions ouvertes.

    La plupart des travailleurs sont frustrés du fait qu’ils n’aient pas pu obtenir une “hausse à deux chiffres”. Les travailleurs avaient en effet demandé une hausse de 20 %, et les négociateurs syndicaux, qui avaient divisé par deux cette revendication, avaient toujours clamé vouloir une hausse à deux chiffres et ne pas signer pour moins que ça. Les patrons ont délibérément placé leur “dernier prix” à 9,8 %, dont le montant est symbolique puisqu’en-dessous de 10 %. Pour les capitalistes, ce qui était important ici n’était pas le fait d’économiser quelques dollars, mais de remporter une victoire psychologique.

    L’assemblée de masse des grévistes le 3 mai avait rejeté cette offre de 9,8 %, qui a pourtant été acceptée trois jours plus tard par leur direction syndicale. Le 6 mai, lors d’une nouvelle assemblée convoquée après signature de cet accord, 20 % des travailleurs ont encore une fois voté contre, ce qui est toujours une portion importante des grévistes et révèle un climat d’appréhension. Mais parmi beaucoup de travailleurs, est apparue l’idée que cela était le meilleur accord que l’on pourrait obtenir, après près de six semaines de lutte, pendant lesquelles les patrons ont maintenu une ligne très agressive, annonçant qu’ils ne reviendraient plus à la table de négociations.

    Ce mouvement impressionnant comporte de nombreuses leçons pour le mouvement ouvrier au sens large. Il est à présent nécessaire de dresser un bilan – de reconnaitre ce que la lutte a obtenu, mais aussi de poser la question : n’aurait-on pas pu obtenir plus ? Les dirigeants de la HKCTU et de nombreux sympathisants des grévistes parmi les ONG et le mouvement étudiant ont, de notre point de vue, présenté une vision trop optimiste de l’accord, ignorant toutes sortes de questions cruciales concernant la stratégie à mettre en œuvre et ce qui aurait pu être obtenu à la place. Ce n’est pour nous pas suffisant de se contenter de généralités telles que : « La lutte va à présent continuer mais sous une forme différente…», etc.

    On pourrait bien entendu dire cela de toutes les grèves. Mais pour les travailleurs, qui ont fait de gros sacrifices économiques pendant cette lutte, et dont certains risquent de perdre leur emploi, il faut une évaluation plus sérieuse. La section du CIO à Hong Kong, Socialist Action, a activement soutenu la grève en récoltant presque 36 000 dollars hongkongais (2,3 millions de francs CFA!), intégralement reversés aux dockers grévistes. Nous avons proposé des mesures concrètes de lutte aux dockers et avons participé à leur mise en application, comme par exemple la distribution de tracts le matin au port pour demander aux non-grévistes de rejoindre le mouvement. Nous avons souligné l’intérêt d’une approche plus offensive, comme on l’a vu avec le barrage routier qui a été mis en place de manière non concertée le 25 avril, qui a temporairement bloqué l’accès au terminal de Kwai Tsing tout en gagnant le soutien des chauffeurs de camions. Malheureusement, plutôt que de montrer cet exemple comme un modèle à suivre pour intensifier la lutte, les dirigeants de la HKCTU ont préféré parler “d’incident isolé”.

    Quelles garanties pour les grévistes licenciés ?

    Une autre question brulante est le destin des 100 grévistes qui étaient employés chez la compagnie Global Stevedoring Service, une entreprise sous-traitante du port qui a fait faillite pendant la grève. La fermeture de cette entreprise et le licenciement de l’ensemble de sa main-d’œuvre est le résultat d’un complot visant à mettre pression sur les grévistes. En fait, cette entreprise était loin d’un d’être une unité indépendante – comme les patrons voudraient nous le faire croire –, mais en fait, est une entité “autonome” créée de toutes pièces en tant que sous-traitant de la principale compagnie portuaire, Hutchison Port Holdings, et qui appartient comme elle à Li Ka-Shing, le patron du port. La question de la sous-traitance et des travailleurs temporaires reste aussi ouverte, alors que c’était justement cette question qui était la principale source du conflit.

    Il est clair qu’aucun accord ne peut être considéré comme acceptable à moins que des garanties ne soient obtenues pour les travailleurs de Global, qui ont été un des piliers de la grève. Certains de ces travailleurs ont confié à nos camarades leur déception par rapport à la manière dont cette grève s’est terminée. Ils ont le sentiment que la direction syndicale n’a pas donné assez de considération à leur propre situation. La HKCTU a annoncé le retour au travail le 9 mai, mais sans rien dire concernant le sort des travailleurs de Global, se contentant d’appeler le gouvernement à “aider” ces travailleurs à retrouver un emploi.

    Des leçons cruciales

    Alors que cette grève peut, à toutes sortes de niveaux, servir de source d’inspiration pour l’ensemble de la classe des travailleurs, certaines leçons d’une importance cruciale doivent être tirées. Au début de la grève, les dirigeants de la HKCTU ont sous-estimé la résistance acharnée des patrons, et pensaient qu’il suffirait de s’assurer la sympathie de la population pour remporter la victoire. Mais vu que seule une minorité des travailleurs du port est partie en grève, il aurait mieux valu surestimer plutôt que sous-estimer l’ennemi. Les dirigeants du syndicat ont également trop insisté sur des manifestations et des meetings – ce qui est aussi important, mais qui n’est pas un substitut pour les méthodes traditionnelles de la classe ouvrière qui sont le piquetage, les barrages, et l’appel aux autres travailleurs à rejoindre la grève ou à “éviter” le travail normalement effectué par les grévistes. Si ces mesures avaient été adoptées de manière systématique, cette grève aurait déjà pu gagner plus de “mordant”.

    La direction de la HKCTU, qui est politiquement proche de et influencée par les dirigeants bourgeois pro-“démocratie”, a à la place de ces méthodes de lutte, adopté une attitude prudente au sujet de nombreuses questions tactiques décisives, de peur de “perdre le soutien du public”. Mais ce risque n’a jamais été sérieux. Le soutien public était immense. C’est au total 9 millions de dollars hongkongais qui ont été récoltés parmi la population pour les grévistes (600 millions de francs CFA !). Il n’y a aucune contradiction entre la mise en place d’un piquet de grève et le maintien d’un large soutien public.

    Ces problèmes tactiques doivent bien évidemment être considérés dans le contexte actuel, qui est fait d’attaques brutales de la part du patronat, constitué de plusieurs firmes sous-traitantes se trouvant toutes sous les ailes de la principale entreprise portuaire, Hutchison. Les patrons ont accusé le syndicat de mener une “lutte de classe” (comme si les patrons sont toujours pacifistes), et ont recouru à toutes sortes de coups bas pour briser la grève. Il y a eu trois jugements du tribunal visant à limiter la liberté de piquetage et de manifestation des grévistes, le recrutement de travailleurs journaliers afin de briser la grève, et la “faillite” orchestrée de Global en pleine grève. Un autre obstacle a été le rôle ignoble joué par le syndicat “jaune” pro-Pékin, la HKFTU (Fédération syndicale de Hong Kong), qui a tout fait pour saboter la grève et liguer la majorité des dockers qui travaille directement pour le port et n’était pas partie en grève, contre leurs camarades grévistes qui travaillent pour les sous-traitants.

    Socialist Action avait dès le départ de la grève proposé d’intensifier les actions au terminal portuaire, en mettant en place des piquets et des barrages routiers, tout en appelant plus de travailleurs à rejoindre la lutte. Les décisions juridiques contre la grève ont imposé d’importantes restrictions physiques aux grévistes, et auraient dû être remise en cause de manière plus énergique – pas par des procédures d’appel juridique, mais par l’organisation d’une campagne de protestation contre la partialité de classe très claire de ces décisions juridiques. Cela pose aussi la question de savoir quand il devient nécessaire pour les travailleurs en lutte de défier la loi lorsque celle-ci est injuste, et de la manière dont cela peut se faire.

    Les dirigeants de la HKCTU ont sans cesse mis en avant la nécessité d’éviter toute action qui puisse provoquer des arrestations ou la répression. Cette question est en effet trop importante pour être traitée à la légère. Mais le risque de répression ne devrait pas devenir un argument général contre toute idée de piquetage visant à empêcher autant d’opérations portuaires que possibles. Si les grévistes avaient été arrêtés pour avoir exercé leur droit fondamental de tenir un piquet de grève, cela aurait généré une énorme vague de sympathie publique, qui aurait provoqué un émoi public encore plus grand contre les compagnies portuaires déjà très peu populaires, les mettant encore plus sous pression.

    Dans leurs efforts d’éviter toute confrontation avec les autorités légales, les dirigeants de la HKCTU ont malheureusement limité l’efficacité de la lutte et ont retenu leur pleine puissance de frappe. C’est cela qui a finalement permis à Hutchison de maintenir un certain niveau d’opérations tout au long de la lutte, et de donner l’impression qu’après plusieurs semaines d’action, la grève avait atteint une impasse.

    Les patrons et le camp pro-gouvernement sont déjà en train de tenter d’exploiter à leur avantage la fin de cette grève et en particulier, l’échec des grévistes qui n’ont finalement pas obtenu de hausse à deux chiffres, en utilisant cet argument dans leur propagande selon laquelle la lutte ne mène finalement à rien. Wong Kwok-kin, un des cadres du syndicat jaune, HKFTU, a ainsi déclaré : « L’organisateur de la grève est parvenu à mobiliser divers partis politiques et associations de la société civile derrière son mouvement, ce qui leur a permis de tenir relativement longtemps. Mais même ainsi, les travailleurs n’ont pas pu obtenir leur objectif d’une hausse de salaire à deux chiffres, et cela donne à présent au public l’idée que cette tactique n’a finalement rien donné ».

    En réalité cependant, si la détermination et l’esprit des dockers avait été lié à une stratégie, à une organisation et à des méthodes combatives, comme nous l’avons mis en avant, la classe ouvrière serait une force invincible.

    L’arnaque de la sous-traitance

    Le contexte de la grève des dockers est celui de 15 ans de diminution des salaires réels et d’aggravation des conditions de travail, alors que le prix du logement et autres dépenses quotidiennes a explosé. Les dockers de Hong Kong gagnaient avant la grève 55 dollars hongkongais de l’heure (3600 francs CFA), c’est-à-dire moins que les 60 dollars (3900 francs) qu’ils gagnaient en 1995, au moment où les opérations portuaires ont été livrées à la sous-traitance. La HKCTU ne s’est pas clairement opposée à la sous-traitance et n’a pas mentionné ce problème en tant que question fondamentale lors de la grève actuelle, alors que le problème de la sous-traitance est absolument central dans le conflit portuaire et doit être combattu. Par exemple, la HKCTU a accepté en avril, dans une autre région de l’empire économique de Li Ka-shing, un nouveau plan de sous-traitance qui affectera 100 travailleurs à Watsons Water.

    Hutchison, comme toutes les autres entreprises partout en Asie, utilise la sous-traitance afin de faire diminuer les salaires, éviter les congés maladies et autres avantages, et afin de briser la force des syndicats. Des militants syndicaux qui étaient venus d’Australie et des Pays-Bas apporter leurs vœux de solidarité, et qui travaillent dans des ports appartenant eux aussi à Hutchison (cette compagnie possède 13 % du trafic portuaire mondial), ont illustré dans leurs discours l’énorme différence qui existe entre les conditions de salaire et de travail chez les travailleurs qui sont parvenus à bloquer la sous-traitance en forçant Hutchison à employer directement l’ensemble du personnel, et chez les travailleurs de Hong Kong pour qui la sous-traitance semble maintenant impossible à stopper.

    Les travailleurs venus d’Australie de la part du Syndicat des travailleurs maritimes d’Australie ont décrit les conditions de travail au port de Hong Kong comme étant un “enfer sur terre”, un “travail d’esclave”. Ils ont raconté que les dockers australiens reçoivent l’équivalent de 647 000 dollars hongkongais par an (42 millions de francs CFA) pour une journée de huit heures, alors que les dockers de Hong Kong ne reçoivent que 216 000 dollars hongkongais par an (14 millions de francs CFA) pour des journées de 12, voire 24 heures. La question des heures supplémentaires n’a elle aussi pas été touchée dans l’accord signé à la fin de la grève (il n’y a aucune prime de nuit ni de week-end pour les dockers des sous-traitants).

    De même, les dockers venus du port de Rotterdam aux Pays-Bas, qui sont directement employés par Hutchison, ont dit gagner 50-60 % de plus que leurs camarades de Hong Kong, alors qu’ils ne travaillent que 178 heures par mois, contre 330 heures par mois au port de Hong Kong.

    Construire des syndicats combatifs

    Les dockers de Hong Kong n’ont pas en ce moment le degré d’organisation syndicale de leurs camarades en Australie et en Europe. Il est clair que la force et la cohésion syndicales (surtout considérant le rôle joué par la HKFTU) sont des facteurs cruciaux lorsqu’on doit estimer ce qui peut être obtenu par la lutte, y compris par cette lutte-ci. Dans ce sens, nous sommes d’accord sur la phrase “La lutte continue sous d’autres formes”, c’est-à-dire qu’il faut maintenant tirer l’expérience de cette lutte portuaire pour construire un syndicat puissant, démocratique et combatif pour les dockers, qui sera un modèle pour les autres sections de la classe des travailleurs. Socialist Action s’engage à continuer à donner toute notre assistance dans cette lutte. Mais il est aussi nécessaire de complètement tirer les leçons de cette lutte, surtout en ce qui concerne les tactiques d’extrême prudence mises en avant par la direction de la HKCTU qui ont refusé de déployer toute la puissance de la grève qui aurait pu bloquer une partie beaucoup plus importante des activités portuaires. Ces questions doivent être résolues afin d’obtenir une victoire lors de la prochaine lutte.

  • Soutien du Vlaams Belang aux dockers?

    Lors d’une réception du syndicat socialiste des transports UBOT/BTB à Gand, des représentants du Vlaams Belang ont remis un chèque de mille euros aux dockers condamnés. Pourtant, le président du VB n’avait pas jugé utile de voter contre la directive portuaire au Parlement Européen.

    Lors des actions contre le Pacte de Solidarité, le VB avait exigé une sévère répression policière contre les blocages routiers des grévistes, et durant son congrès économique, le VB a exigé que les syndicats adoptent une personnalité juridique.

    “Les syndicats ne sont-ils pas une institution particulièrement unitaire et, surtout le syndicat socialiste, trop orienté vers une société très étatiste dans le sud du pays?” se demandait le parti néofasciste en novembre. Quelques mois plus tard, le parti fait don de plus de 1000 euros au syndicat des transport socialiste.

    L’UBOT a annoncé qu’ils allaient rendre l’argent. C’est pourtant inutile comme l’a déclaré Frank Vanhecke, le président du VB : “L’UBOT ne doit rien rendre vu que Francis Van den Eynde avait remis un grand chèque factice dimanche passé, avec lequel le syndicat pouvait venir chercher l’argent chez nous aujourd’hui”.

    Autrement dit: le soutien effectif des dockers n’était pas l’objectif du VB. Il s’agissait uniquement de publicité à bon marché. Les fascistes ne sont jamais des alliés pour les syndicats et les travailleurs.

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