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Tag: Culture
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Qui prétend faire du rap sans prendre position ? (1)
Le RAP (Rythms and Poetry) est, avec le break dance, le graff et le djing l’une des 4 disciplines du hip hop. Depuis sa naissance dans les quartiers défavorisés du Bronx au début des années ‘70, le rôle du rappeur a évolué. Historiquement, le fait de parler de rap engagé ou conscient était un pléonasme, aujourd’hui de plus en plus privilégient le rap pour le rap, sans message, festif, divertissant. Le rap aurait-il vendu son âme au profit du profit ? Comment est-on passé de rappeurs politiquement engagés, enracinés dans leurs communautés et nés dans la période post mouvements des droits civiques et Black Power, aux gangsters de studio (héros rêvés de ce système capitaliste, répandant l’appât du gain, le non-respect des femmes et l’ignorance) qui tournent en boucle aujourd’hui à la radio et à la télévision ?
Par Yves (Liège)
L’école de la rue
‘‘[L’art] n’est pas un élément désincarné se nourrissant de lui-même, mais une fonction de l’homme social, indissolublement liée à son milieu et à son mode de vie.’’ (2) L’art est un phénomène social et les artistes ont une responsabilité sociale envers leurs communautés et envers leur art.
Le hip hop est né dans les quartiers Sud du Bronx, à New York ; la décennie suivant l’assassinat de Malcolm X et Martin Luther King Jr, à une époque où J. Edgar Hoover (patron du FBI) s’efforçait à démanteler et détruire les leaders noirs et révolutionnaires qui s’organisaient et commençaient à articuler leurs discours contre le capitalisme et pour le socialisme plutôt que vers le communautarisme et le nationalisme noir (à l’instar des Black Panthers). La guerre impérialiste du Vietnam envoyait des jeunes adultes mourir à des milliers de kilomètres de chez eux, et les gangs et la drogue (crack et héroïne) gangrénaient les ghettos urbains. En plus de ça, la fin de la croissance économique de la période post seconde guerre mondiale et la restructuration massive de l’échec des politiques économiques keynésiennes d’interventionnisme d’Etat en néolibéralisme, la théorie du ruissellement (selon laquelle une réduction fiscale des entreprises bénéficiera aux populations pauvres via des réinvestissements), la désindustrialisation de certaines zones urbaines qui, abandonnées par le gouvernement et fuies par les revenus moyens, se sont ghettoïsées et ethnicisées, les taux de chômages exorbitants (jusqu’à 60% – officiellement – chez les jeunes) et les baisses de salaires dans ces zones urbaines par rapport au reste des USA, finirent de dresser les conditions matérielles qui permirent la naissance du hip hop.
C’est historiquement Afrika Bambaata qui, en transformant le gang Black Spades en Universal Zulu Nation en 1973, utilisa le terme hip hop pour définir un mouvement culturel fondé sur la paix, l’amour et l’unité, réorientant l’énergie des membres de gangs vers quelque chose de positif pour leur communauté.
Sois journaliste de ta propre vie
Le rap a permis aux jeunes de toutes origines ethniques de s’exprimer politiquement, socialement et culturellement, dressant un tableau lyrique de la situation dans leurs quartiers : brutalités policières, discriminations à l’embauche (quand il y a de l’emploi), délabrement de l’enseignement public, absence de considération de leurs élus, etc. Cette génération oubliée, qui peignait sur les trains abandonnés et les murs, se donnant ainsi une visibilité dans l’espace public, qui n’avait pas accès aux instruments de musiques de leurs parents bluesmen et jazzmen, se mit à parler poétiquement et de façon rythmée sur les instruments de leurs parents (djing) ou sur les beats sortant de la bouche de leurs beatboxeurs.
Mais c’est véritablement en 1982, avec ‘‘The message’’, où Grandmaster Flas and the Furious Five décrivaient les conditions de vie dans leur ghetto, que le rap pris une tournure sociale tout en rencontrant un succès commercial. Certains rappeurs des années ’80 (KRS-One) lançaient des appels à organiser et organisaient des mouvements pour l’arrêt de la violence dans les quartiers (Stop the violence movement), pointant du doigt le chemin autodestructeur que suivaient certains jeunes, ils poussaient à l’auto-éducation et à la recherche de connaissances afin de briser ce cercle vicieux.
Le groupe Public Ennemy qui s’est rendu célèbre avec ‘‘Fight the Power’’ a articulé, plus loin que Run-DMC, des idées de changement social et collectif, d’anti-impérialisme et d’identification culturelle. Le but, comme disait Tupac (fils et filleul de Black Panthers) était ‘‘à l’opposé de promouvoir la violence, mais de montrer les détails imagés des conditions de vies des ghettos en espérant qu’il y ait du changement’’, ceci sans se poser en organisateurs politiques. ‘‘Les travailleurs culturels, tels que les artistes hip hop devraient faire plus que de rapper leurs problèmes: ils doivent construire des organisations et récolter les fonds et le pouvoir politique nécessaire pour tenter de les régler sur base et avec l’aide de leurs auditeurs.’’ (3)
De 50cent à 100 millions
Le hip hop est aujourd’hui international, et en 1999 ses fans consommaient l’équivalent de 150 milliards de dollars annuellement en disques, habits, accessoires, etc. Dr. DRE a gagné 110 millions en 2011 rien qu’en prêtant son nom à des casques audio (4)
Le ‘‘telecommunication Act’’ qui a étendu le droit de propriété des radios et télévisions à des entreprises (selon le Congrès américain ‘‘un marché dérégulé servirait mieux les intérêts du public’’), a conduit à l’absorption rapide de petites stations de radio locales par des grandes sociétés. Elles ont ainsi perdu leur rôle communautaire (et des emplois) et certaines ont systématisé l’usage de playlists standardisées.
L’image du rappeur dealer, gangster n’a pu être possible qu’avec les dérégulations néolibérales des marchés qui ont permis depuis 1970 le rachat massif des maisons de disques indépendantes par les 4 sociétés (Sony/ATV, EMI, Universal, Warner) qui se partageaient en 2000 plus de 80% de la distribution mondiale. Elles investissent massivement dans le matraquage radio quand elles ne possèdent tout simplement pas ces radios (ce qui laisse moins d’espace aux artistes indépendants). Elles n’ont aucun intérêt à promouvoir des artistes qui questionnent le système capitaliste. De plus, cette image d’authenticité (street credibility) mise en scène, remplie de stéréotypes raciaux, tend à justifier des politiques tels que les contrôles au faciès et rend la population moins sensible aux taux d’incarcération des minorités.
Aujourd’hui, avec des vecteurs tels qu’Internet, les labels musicaux participatifs, les radios et les maisons de disques perdent de plus en plus leur monopole sur la distribution. On assiste au retour de rappeurs engagés, spirituels, conscients, politiques et surtout à celui d’un public de plus en plus nombreux à les écouter et à les soutenir.
Ils sont très peu à parler véritablement de révolution socialiste (Dead Prez, Immortal Technique) mais de plus en plus d’entre eux dénoncent les pratiques des régimes totalitaires (weld-el 15 en Tunisie, qui a récemment été condamné à 22 mois de prison ferme), poussent à la réflexion et lancent des mouvements de contestation (collectif Y’en a marre au Sénégal). Le rap politique et engagé existe, mais il ne nous est pas présenté aussi facilement que ces nouveaux coons (acteurs ou actrices qui adoptent le portrait stéréotypé des noirs) et il faut malheureusement chercher pour le trouver.
NOTES
1) Calbo « je boxe avec les mots », arsenik,
2) Trotsky “Littérature et révolution”, 1924
3) Marable, “The Politics of Hip Hop.”
4) http://www.dailymail.co.uk/news/article-2199025/Dr-Dre-built-headphones-empire-paid-110million-year.html, http://www.hamptoninstitution.org/capitalismhiphoppartone.html#.UjixYY6_Zc8 How Capitalism Underdeveloped Hip Hop: A People’s History of Political Rap, Derek Ide, http://www.socialistworld.net/doc/1044 The politics of hip hop, Nicki Jonas
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Retirons notre sport des mains des requins capitalistes !
La compétition tronquée par le grand business
Avec la faillite du Beerschot AC, aucune équipe anversoise ne jouera en première division la saison prochaine. Jamais cela ne s’était produit auparavant dans le football belge. Les raisons de la ‘disparation’ des clubs anversois ne doivent certainement pas être trouvées du côté d’un éventuel manque d’enthousiasme chez les supporters ; ceux-ci sont toujours restés massivement derrière leur équipe. La mauvaise gestion de certaines personnes qui considèrent nos équipes comme des investissements intéressants pour s’enrichir eux-mêmes est à la base de la crise de notre football. C’est un signal typique de l’évolution que vit le football belge et international : le caractère populaire du sport est de plus en plus victime de la logique des investissements tournés vers le business de la petite élite qui peut se la permettre.
Par un supporter de football anversois
Une équipe de football est en premier lieu portée par le réseau social qui l’entoure. Ce sont les grands noyaux de travailleurs qui, semaine après semaine, investissent leur argent et leur temps dans leur équipe favorite, qui sont la base du football. Malgré le fait qu’ils n’ont quasiment rien à dire dans la gestion de l’équipe, ils continuent à la soutenir du fond du cœur. Ce sont les intérêts de ces gens – la colonne vertébrale de chaque équipe de football – qui disparaissent à l’arrière-plan, loin derrière les intérêts d’une petite minorité de grippe-sous qui veulent s’en prendre à notre passion.
Le City marketing étouffe la ville d’Anvers
Bart De Wever, bourgmestre NVA d’Anvers, s’est violemment heurté à la réalité lorsqu’il pensait avoir trouvé la solution idéale pour résoudre la crise du football anversois. En quelques minutes, il a clarifié n’avoir rien compris de l’esprit du sport et de la mentalité des supporters anversois. Dans le cadre du City marketing, il proposait de fonder une nouvelle équipe sous le nom Antwerpen United. Si cela n’était pas possible, le bourgmestre envisageait même de reprendre une équipe issue de Flandre occidentale pour la faire jouer dans le stade du Beerschot, le Stade Olympique à Kiel.
Mais la réalité, que De Wever n’a absolument pas comprise, c’est que les équipes et les clubs sont très fortement liés à leur base locale, à cause du réseau social qu’ils créent, et par la fonction sociale qu’ils jouent dans la société. Pour une telle construction artificielle, il n’y a, ni à Anvers ni ailleurs, aucune base de soutien. Anvers connait trois grands noyaux de supporters (Antwerp, Beerschot et Berchem), et aucun des trois n’est intéressé par un plan de city marketing qui balance à la poubelle l’historique et la tradition de ces équipes.
Un millier de fans de football anversois se sont rendus à l’hôtel de ville sur la Grande Place pour protester contre cette situation. Ils revendiquaient des investissements de la ville dans les équipes et les structures sociales existantes, au lieu de construire un montage élitiste et artificiel où seul un petit nombre d’hommes d’affaires a quelque chose à gagner. Le fait que la ville ne veuille pas faire cela est dans la logique de la ligne politique antisociale de la majorité au conseil communal : l’appauvrissement et la casse des espaces publiques, combinés à des projets mégalomanes qui appauvrissent la population mais enrichissent les city managers.
Le qataris Saint-Germain contre l’Oligarchie de Monaco
Notre football nous est volé. Parmi les équipes qui arrivent encore à jouer au top, rares sont celles qui n’ont pas étés reprises par de riches oligarques russes ou des cheiks pétroliers du Qatar. Il y a 10 ans, Chelsea FC a été racheté par Roman Abramovitch, avec l’idée de sortir de la grisaille annuelle habituelle qui était de jouer en milieu du tableau et de se battre pour une éventuelle qualification européenne. Manchester City FC a connu une même évolution 5 ans plus tard, racheté par un homme d’affaire des Émirats arabes unis, et est désormais devenu une équipe du top européen. Il y a 2 ans, le Paris Saint-Germain a été repris par Qatar Sports Investments et est ainsi redevenu champion de France cette année après 19 années d’attente. Et dernièrement, l’AS Monaco est remonté en Ligue 1 française après sa reprise par le milliardaire russe Dmitry Rybolovlev, et ambitionne déjà de défier Paris pour le titre l’an prochain. A partir de maintenant, le championnat français risque fort de ressembler à un duel PSG-ASM, ou plutôt nantis qataris contre nantis russes. Qui va gagner? On s’en fout. Qui va perdre ? Le football, et ses vrais supporters.
Le flux naturel de la compétition est bouleversé : le sport disparait à l’arrière-plan et les intérêts commerciaux règnent. Un réel amateur de football a seulement un mot pour cela : la falsification de la compétition.
Football : le plus riche gagne
‘‘Le football est un jeu simple : 22 hommes courent après un ballon pendant 90 minutes et à la fin, ce sont les Allemands qui gagnent.’’ La fameuse phrase de Gary Lineker a un fond de vérité : à la fin, ce sont très souvent les plus riches qui gagnent. La compétition est de moins en moins honnête et passionnante. Dans la lutte concurrentielle qui s’exerce au sein du système capitaliste, il y a une tendance à la formation de monopoles, avec un nombre toujours plus petit d’entreprises qui restent debout.
En Belgique, aussi, depuis des années, ce sont les mêmes équipes qui dominent le sommet du classement. De temps à autre, une équipe plus populaire arrive à casser ce cordon, mais il est pratiquement impossible de construire la structure financière nécessaire pour définitivement appartenir à ce cercle limité des équipes du sommet. Notre compétition est ainsi formatée, avec un spectacle terne, délavé et prédictible, où seuls les matchs entre les clubs du top 5 ‘‘en valent la peine’’. Que de telles montagnes d’argent passent dans le football du top n’est pas seulement frustrant, mais c’est aussi mortel pour notre sport en lui-même.
Les éléments sociaux et sportifs vont de pair
‘‘Anvers a besoin d’une seule équipe au sommet, financièrement saine: pour deux, où même trois, il n’y a pas de place dans cette ville.’’ C’est un argument que les supporters anversois entendent éternellement. Cet argument n’est valable qu’à cause de la situation fondamentalement malsaine dans laquelle notre football se trouve. Dans les années ’50, Anvers comptait jusqu’à 4 équipes en D1, mais c’était dans une époque où le monde du football était fondamentalement différent.
A cette époque, les joueurs jouaient avec leur propre équipe, et n’étaient pas encore vendu sur le marché de transferts pour des montants astronomiques. Les supporters donnaient une contribution active et participative à la vie de leur équipe, les managers et investisseurs n’avaient pas encore découvert le football comme un jouet lucratif. Celui qui jouait du bon football pouvait atteindre le sommet. Entretemps, les équipes de football locales jouait leur rôle parmi la jeunesse en entretenant les jeunes de façon constructive. C’est ainsi que le sport doit être.
Ce scenario est aujourd’hui très loin de la réalité quotidienne. Aujourd’hui, le football est géré par les revenus TV, les courtiers et le big business. Les supporters doivent payer des prix toujours plus élevés pour aller regarder une équipe qui les écoute de moins en moins, et qui les gardent à bonne distance. Ce n’est plus notre sport.
Le PSL s’oppose à la manière dont le football moderne est organisé, et revendique le fait que la classe des travailleurs se réapproprie son passe-temps favori, sa passion. Dans les divisions inférieures, certains clubs montrent qu’il est possible d’avoir une équipe gérée par les supporters qui tente de répondre aux besoins sociaux attendus d’une équipe de football. Des exemples pareils doivent être utilisés et élargis par des supporters de football qui comprennent que seule une société socialiste peut sainement organiser une compétition sportive. C’est seulement ainsi que le football pourra redevenir un lieu d’apprentissage pour la jeunesse et de rencontre pour les travailleurs, synonyme de détente dans le réseau social de leur région.
‘‘Reclaim the game’’ : stoppez ces reprises, fusions et contrats qui cassent notre football et nos compétitions ! Les supporters sont l’âme de l’équipe : nous avons notre mot à dire !