Tag: Culture

  • Sound of Silence : Le secteur culturel en eaux troubles


    Sos. Sound of Silence. Vous avez peut-être vu passer la croix orange sur les réseaux sociaux. Il s’agit d’une initiative du secteur de l’événementiel et de la culture. Le secteur du spectacle a subi une perte de 1 milliard d’euros (95%) ces derniers mois en Belgique. Les chiffres de la société de données Graydon montrent que 23 % des entreprises du secteur, représentant 11.000 emplois, n’arriveront pas à tenir le coup jusqu’à la fin de cette année. Le secteur a mis en place une cellule de crise pour négocier avec le gouvernement.

    Par Koerian (Gand)

    La crise a particulièrement touché le secteur culturel, un secteur qui souffre déjà en raison de décennies de restrictions, notamment sur des subventions de projets. Ce secteur a connu la deuxième plus forte augmentation de contrats de free-lance. La précarité y est proverbiale. Faibles salaires, mauvaises conditions de travail, pas de sécurité d’emploi : la plupart des travailleuses et travailleurs de la culture travaillent dans les mêmes conditions que les coursiers de Deliveroo. Les artistes, les métiers de la production et autres surfent d’un contrat de faux indépendant temporaire à l’autre.

    La crise du coronavirus a frappé un secteur déjà en difficulté, complètement dans les cordes. Selon les chiffres d’Amplo, fournisseur de services de ressources humaines, pendant la première période de confinement, il y avait 73% de free-lances en moins dans le secteur par rapport à la même période l’année dernière, dans le secteur du spectacle, c’était 90%.

    Après la première vague, le secteur a redémarré progressivement, dans le respect des directives du gouvernement (maximum 200 personnes présentes, maintenues à 1,5 mètre de distance) et avec sa propre charte coronavirus. Le secteur du spectacle a une grande expérience du contrôle des foules, ce qui s’avère utile dans une telle période.

    Mais le coup de grâce est venu quelques semaines plus tard, avec le retour de mesures plus strictes. Alors que les passagers étaient autorisés à voyager dans des avions surchargés, que dix d’entre eux étaient autorisés dans des cafés et que l’on devait travailler dans des conditions dangereuses, presque tous les événements ont été annulés. Alors que les autorités n’ont pas fermé des entreprises où des cas d’infection étaient avérés, le secteur du spectacle a dû rester portes-closes alors qu’aucun cas n’y avait été décelé. L’AB à Bruxelles a licencié 200 employés externes ; le Botanique a été contraint de faire de même.

    Les différentes aides et primes coronavirus sont insuffisantes pour la plupart des free-lances puissent vivre, quand ils ont la chance de pouvoir y accéder. Toujours selon Graydon, 90 millions d’euros sont nécessaires pour aider les entreprises les plus touchées cette année. Ce n’est rien en comparaison des 290 millions que Brussels Airlines a été autorisée à encaisser, même après avoir annoncé e nombreuses pertes d’emploi.

    Beaucoup de gens se tirent les cheveux en se demandant pourquoi la culture est si durement frappée. Le secteur créatif représente 6,3 % de l’emploi en Flandre (12,9 % du nombre d’indépendants) et génère 2,5 euros de recettes pour chaque euro de subvention. Cependant, en général, il s’agit également d’un secteur diversifié, progressiste et très actif. Le gouvernement N-VA s’efforce de mettre le secteur au pas, notamment en le plaçant aux mains d’investisseurs privés. Le responsable culture de la N-VA Pohlmann a même parlé d’une guérilla ! Cette logique se trouve aussi derrière les économies réalisées sur le journalisme d’investigation, la radio et la télévision publiques ou encore le travail social. Tout ce qui est trop critique envers la N-VA doit être éliminé.

    L’année dernière, lorsque Mr. Jambon et son équipe ont menacé d’économiser plus de 60 % sur les subventions de projets, le secteur culturel s’est lancé dans l’action de manière unie pour la première fois depuis longtemps. Des dizaines de milliers de personnes se sont réunies lors de différentes actions à Bruxelles, des artistes connus ont utilisé leur notoriété comme une plateforme se sont battus contre les mesures d’économies. Pour la première fois de mémoire d’homme, les grandes et petites maisons de la culture, les indépendants et les employés permanents se sont trouvés côte à côte. De plus, les militants ont déclaré leur solidarité avec d’autres secteurs touchés par l’austérité et ont notamment soutenu les travailleuses et travailleurs sociaux qui étaient également en lutte.

    Bien que l’absence d’organisation locale et les vacances d’hiver aient mis un terme à la lutte, cela a suffi pour que le gouvernement flamand annule la plupart des économies réalisées. Même les mesures de soutien minimales qui existent aujourd’hui pour les artistes auraient probablement été impensables sans cette lutte.

    Si le secteur veut remporter de nouvelles victoires, il devra à nouveau passer à l’action. Ce gouvernement flamand n’a pas l’intention d’écouter le secteur culturel. La création d’une cellule de crise pourrait être une bonne étape pour à nouveau unifier le secteur. Mais négocier avec ce gouvernement ne servira à rien. Dans le meilleur des cas, il accordera un soutien aux grandes sociétés événementielles tandis que les petites maisons de la culture n’auront rien. La création de comités locaux de free-lances et d’employés du secteur, qui discuteraient ensemble des prochaines étapes et travailleraient ensemble à un plan d’action, serait un pas dans la bonne direction. Pourquoi ne pas faire preuve à nouveau de solidarité et envoyer une délégation du secteur à la manifestation de La Santé en Lutte du 13 septembre, comme première étape vers une renaissance du mouvement ?

  • Coronavirus. Secteur de l’événementiel. “Les collègues craignent la faillite de notre entreprise”

    Partout dans le monde, des événements sont annulés à cause du coronavirus. Aucun organisateur d’événements musicaux, sportifs, de foires, etc. ne veut être tenu pour responsable d’une (éventuelle) propagation du virus ou ne veut avoir une gueule de bois financière si personne n’ose venir à l’événement. Le secteur de l’événementiel est donc l’un des premiers à ressentir la crise.

    Par Serge, travailleur du secteur à Bruxelles

    La société pour laquelle je travaille loue du matériel audiovisuel. Depuis des semaines, les locations annulées se succèdent. Bien entendu, cela a un effet direct sur le lieu de travail. Alors qu’auparavant, il arrivait parfois que dix camions par jour viennent chercher du matériel, ce n’est plus que dix camions par semaine. La situation ne promet pas de s’améliorer. La direction a déjà annoncé qu’aucune location n’est prévue pour le mois d’avril.

    L’entreprise emploie normalement environ 300 personnes. 25 d’entre elles travaillent sous contrat intérimaire. Leurs contrats ont récemment été résiliés parce qu’il ne leur reste pas assez d’argent et de travail. Pour le personnel permanent, un système de chômage technique variable est appliqué.

    Ces mesures n’ont surpris personne. Néanmoins, mes collègues sont très inquiets. Personne ne peut prédire combien de temps durera cette crise. La direction a déjà fait savoir que si la situation ne s’améliore pas rapidement, des personnes seront licenciées.

    Le secteur de l’événementiel est caractérisé par une grande inégalité. Alors que les magasiniers gagnent un peu plus que le salaire minimum légal, la direction se déplace en voitures de sport coûteuses. La concurrence dans le secteur est également implacable. Il est essentiel d’avoir à chaque fois une longueur d’avance sur les autres. C’est pourquoi l’entreprise investit massivement dans de nouveaux équipements avec de l’argent qui n’est souvent pas (encore) là. Les dettes s’accumulent. Les actionnaires sont peut-être encore plus inexorables que la concurrence. Malgré la crise, ils veulent voir leur investissement multiplié.

    Tout cela explique que l’entreprise n’a jamais pu mettre de l’argent de côté au cas où les choses ne se passeraient pas comme prévu. Le personnel en paie maintenant le prix. Pour l’instant, cela se limite au chômage technique, mais de nombreux collègues craignent la faillite de l’entreprise.

    Nous allons publier différentes réactions de travailleurs et de jeunes concernant l’impact de la crise du Coronavirus à leur travail et dans leur vie. N’hésitez pas à nous envoyer votre contribution via redaction@socialisme.be

  • Flandre – La culture mise au pain sec et à l’eau

    Un soir de grève/le drapeau rouge (1893) d’Eugène Laermans fait référence aux grèves entre 1886 et 1893 pour le suffrage universel. (Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles) – Image de Wikipédia

    Le ministre-président flamand Jan Jambon (N-VA) et sa bande sabrent à la hache dans le secteur culturel. Les subventions de projets passent de 8,47 millions d’euros à 3,39 millions d’euros. Cela ne représente qu’une fraction du budget flamand, mais c’est une vraie claque pour beaucoup d’artistes. Ce n’est que le plus récent épisode d’une longue suite d’années de coupes budgétaires qui avaient déjà fait baisser le rideau sur une bonne partie d’un milieu culturel autrefois florissant. L’opération est une économie assez symbolique qui repose sur les préjugés populistes des ‘‘artistes paresseux et inutiles’’. Mais elle vise également à imposer le silence à la société civile.

    Par Koerian

    Sortir les artistes de la précarité

    Les artistes font partie de la classe des travailleurs. Il n’y a aucune raison de séparer le travail artistique du travail ‘‘ordinaire’’. Pourtant, il est presque normal que les artistes connaissent des conditions de travail plus précaires. Se produire gratuitement sur scène ou réaliser des affiches ‘‘pour se faire connaître’’, ne pas être payé ou avec un retard abusif, passer d’un contrat mal payé à l’autre: c’est le quotidien de nombreuses acteurs du domaine culturel. La passion pour la profession sert d’alibi à l’exploitation la plus brutale. La précarisation du travail des coursiers de Delivroo et des chauffeurs d’Über s’applique au secteur culturel depuis déjà des décennies.

    Depuis la fin des années 1970 et le début de la politique néolibérale, les emplois permanents et bien rémunérés dans le secteur sont devenus un bien rare et convoité. La nouvelle série d’économies ne fera que renforcer cette réalité. C’est précisément cette précarité qui place des directeurs artistiques comme Jan Fabre dans une position de pouvoir incroyable (en 2018, vingt danseuses qui ont travaillé avec ce chorégraphe l’on accusé de ‘‘gestes déplacés, brimades, harcèlement et chantage sexuel’’, NdT). Ils disposent entre leurs mains de la carrière de dizaines d’artistes, qu’il brise ou favorise aux grès de ses envies. Cette réalité conduit aux abus de pouvoir généralisé dans le secteur mis en lumière par #metoo. Chaque artiste mérite des contrats de travail et des salaires dignes de ce nom.

    Une offensive idéologique

    Pour la N-VA, les économies réalisées sur le journalisme d’investigation, la culture ainsi que la radio et la télévision publiques font partie d’une offensive idéologique. Dans leur discours populiste, les ‘‘culturos paresseux’’ s’opposent fatalement aux ‘‘travailleurs flamands qui bossent dur’’. Comme si le travail culturel n’était pas du travail. Les artistes passent des milliers d’heures à apprendre leur métier. Mais la droite veut l’extinction de tout ce qui n’a pas de valeur commerciale directe. Ce n’est pas un hasard si les secteurs actuellement visés sont précisément ceux qui ont critiqué la politique néolibérale du gouvernement flamand ces dernières années. La N-VA espère que ces coupes budgétaires porteront un nouveau coup à la résistance sociale.

    L’art aux mains du public

    Une autre raison de l’austérité est qu’elle pousse le domaine culturel plus loin dans les mains des investisseurs privés. Les grandes entreprises considèrent l’art comme une donnée de marketing et l’art devient de plus en plus une marchandise spéculative. Fernand Huts, le patron de l’opérateur portuaire anversois Katoen Natie et grand ami de Bart De Wever, a acheté le Couvent des Carmes de Gand pour y organiser l’Exposition sur l’art en Flandre, une entreprise de propagande qui défendait que les entrepreneurs ont été le moteur dynamique de la Flandre depuis le Moyen Age, une aberration historique et une dégradation de notre patrimoine artistique. Nous voulons un libre accès aux musées, intégrés dans le secteur public et gérés par des artistes et le public plutôt que par des galeries privées ! Nous voulons investir dans des centres de musique accessibles ! De tels investissements peuvent redonner aux centres culturels un rôle social et éducatif.

    Investir dans l’éducation (notamment artistique)

    Ces économies culturelles s’ajoutent à une série d’économies déjà opérées dans l’éducation. L’ancienne Ministre de l’Enseignement flamand Hilde Crevits (CD&V) a fait en sorte que les écoles de musique ne puissent consacrer que 15 minutes par élève et par semaine. L’obstacle financier au développement artistique est déjà élevé : les instruments et le matériel de dessin, de peinture et de sculpture reviennent chers. Des coûts qui ne font qu’augmenter dans l’enseignement artistique.

    Il faut investir davantage dans les moyens humains et matériels pour l’enseignement artistique à temps partiel et à temps plein afin de garantir une formation gratuite et accessible pour permettre à chacun de développer son talent.

    Nous devons nous battre

    Les artistes ont à leur disposition moins de possibilités de frapper au portefeuille ceux qui sont au pouvoir et les entreprises, contrairement aux syndicats des secteurs de la chimie ou de l’acier, par exemple. Pourtant, dans le passé, des artistes se sont souvent retrouvés à l’avant-garde de la lutte. Les artistes à l’origine des célèbres séries d’animation Rick &Morty et Bojack Horseman ont récemment réussi à créer un syndicat et à imposer de meilleurs salaires et conditions de travail ainsi qu’une réduction des semaines de travail souvent inhumaines (plus de 60 heures ne faisait pas figure d’exception). Les artistes ont joué un rôle clé dans la Commune de Paris en 1871 (le peintre Gustave Courbet a par exemple appelé à la nationalisation des trésors d’art parisiens) ou encore dans le soulèvement hongrois de 1919. En 1968, pendant la vague révolutionnaire en France, les écoles d’art et les musées ont été occupés par des artistes qui s’opposaient au gaullisme et au capitalisme.

    L’histoire nous enseigne que la façon la plus efficace de lutter dans les arts est de recourir à l’action collective et au mouvement des travailleurs. En Pologne, en 2014, le Forum citoyen pour l’art contemporain, a fait grève en collaboration avec la coupole syndicale Initiative des travailleurs en faveur de meilleures conditions de travail dans les grands musées du pays.

    En Belgique également, nous avons pu constater l’importante solidarité du milieu culturel avec la vague de grèves en 2014 contre l’austérité des gouvernements de droite au fédéral et en Flandre. Hart boven Hard, le pendant flamand de Tout Autre Chose, a participé aux manifestations de masse et des écoles d’art ont organisé des piquets de grève où les étudiants étaient au côté du personnel.

    Travailleurs et artistes : des intérêts communs opposés à l’austérité

    Faisons vivre ces traditions avec des grèves d’artistes soutenues par les syndicats et des actions syndicales soutenues par les artistes. Après tout, ils ont des intérêts communs. La revendication de la FGTB d’un salaire minimum de 14 euros de l’heure est également importante dans le secteur culturel, tout comme la résistance à toute mesure d’austérité doit être reprise par le mouvement syndical.

    L’argent pour des investissements de grande envergure dans la culture existe bel et bien. Les entreprises belges planquent 221 milliards d’euros dans des paradis fiscaux. Et le gouvernement flamand veut leur donner de l’argent supplémentaire en doublant les aides aux entreprises. Si nous voulons un secteur culturel accessible et mieux développé, nous devons nous battre pour arracher ces moyens et qu’une partie soit consacrée à la culture.

    • Un salaire minimum de 14 euros de l’heure pour tous
    • Des contrats solides et permanents pour chaque artiste
    • Un enseignement artistique gratuit à temps plein et à temps partiel
    • Des musées gratuits aux mains du public et sous le contrôle des artistes et des usagers
    • Des investissements dans du matériel public, des salles de répétition et des ateliers
    • 30 heures de travail par semaine, avec maintien du salaire et embauches compensatoire : laissons à chacun le temps nécessaire à l’épanouissement personnel

  • Bad Art: La lutte créative pour un changement révolutionnaire!

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    Bad Art est un nouveau projet destiné à unir et organiser les artistes dans une lutte commune avec la classe des travailleurs. Nous voulons développer des revendications et des stratégies pour défendre les arts et la communauté artistique dans son ensemble. Nous n’avons pas simplement l’intention de créer une autre organisation artistique. Notre approche est anti-capitaliste, internationaliste et socialiste.

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    Couverture de la première édition du magazine Bad Art.

    Nous voulons nous battre pour l’accès aux arts pour tous. Nous voulons protéger la liberté de l’art, quel que soit le genre. Mais surtout, nous voulons nous battre pour un monde où l’art, les artistes et tous les travailleurs puissent vraiment se développer. Pour nous, cela est le véritable socialisme.

    Des nouvelles initiatives se développent à travers le monde qui luttent pour des alternatives au capitalisme. Nous croyons que les artistes ont un rôle important à jouer dans leur développement. Nous voulons relier toutes les luttes des artistes avec les luttes du mouvement ouvrier et vice-versa.

    Nous voulons faire partie d’un mouvement construit à partir de la base dans les quartiers ouvriers, pour contester les attaques du capitalisme sur les artistes et les arts. Et nous voulons aider à équiper ce mouvement avec les idées et la stratégie dont il a besoin pour gagner. Pour qu’une action soit une réussite, nous croyons qu’elle doit se baser sur la masse des créateurs ordinaires et des amateurs d’arts – pas sur les grands noms.

    Nous nous inscrivons dans la tradition des fermes opposants du capitalisme et du stalinisme. Nous voulons offrir un espace de discussions théoriques et historiques. Ces discussions ont pour but de nous aider à mieux comprendre comment se battre.

    Bad Art ne consiste pas à simplement discuter de ce qui ne va pas – il s’agit de lutter pour changer le monde. Cela signifie de s’organiser dans des syndicats, les groupes socialistes, les campagnes de lutte, les collectifs artistiques, etc. Nous avons besoin de nous relier à travers le monde et de développer un programme de mesures et de revendications audacieuses pour changer les choses.

    Beaucoup des premiers membres de Bad Art sont aussi membres du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), qui lutte pour le socialisme à travers la planète. Mais, nous incluons également des artistes qui veulent se battre et ne sont pas membres du CIO. Nous croyons que cette approche inclusive est essentielle et espérons que beaucoup de gens s’impliqueront.

    Pour que cela fonctionne, nous aurons besoin d’argent, de temps et d’efforts. Nous avons produit notre premier magazine, que vous pouvez recevoir en papier ou en version digitale en échange d’un petit don. Nous encourageons les lecteurs à se réunir pour discuter des idées présentées dans ce journal, pour le vendre, écrire des articles et organiser des actions pour défendre l’art.

    Aidez-nous à créer l’action collective nécessaire pour sauver les arts. Formez un groupe Bad Art ou, tout simplement, collaborez avec nous et nos contacts à travers le monde. Ne nous battons pas seuls.

    Contactez-nous si vous voulez vous impliquer pour faire avancer ce projet : Info@Badartworld.net

    Envoyez-nous vos articles, faites nous connaitre vos oeuvres et vos idées qui peuvent aider ce projet à se développer : Editors@Badartworld.net

    Nous avons également un site web badartworld.net et une page facebook.

    Nous espérons apporter une contribution positive à la compréhension de l’art et de ses luttes ainsi qu’aider à mener et gagner nos combats dans la perspective de la lutte pour un avenir socialiste.

  • Art et Révolution

    art_revolutionRapport de la commission consacrée à ce sujet lors de l’école d’été 2015 du Comité pour une Internationale Ouvrière

    Les circonstances poussent de plus en plus de personnes à radicaliser leurs conclusions politiques et plusieurs choisissent l’art comme moyen. La compréhension de l’art et de l’artiste dans la lutte contre le capitalisme est une question clé pour inspirer toute une nouvelle génération.

    Par Marisa (Bruxelles)

    Des millions des personnes s’identifient comme étant des artistes. Certains travaillent dans l’industrie créative, d’autres créent leur propre travail artistique, d’autres encore se consacrent à l’art comme à un passe-temps. Aujourd’hui, la culture des masses et les nouvelles technologies nous invitent à tous devenir des artistes. Néanmoins, la division de classe de la société et la soif de profits nous empêchent d’y participer pleinement.

    Le développement des forces productives sous le capitalisme a changé les conceptions de l’art, de la culture et de la société dans son ensemble. Les nouveaux médias ont accentué l’accessibilité et la participation des masses dans l’art. Mais, même si les possibilités semblent illimitées, en réalité, les choix sont de plus en plus restreints.

    Lorsqu’ils considèrent leur art, plusieurs artistes s’éloignent de la logique du profit. Mais la marchandisation de l’art rentre en conflit avec les raisons pour lesquelles les gens s’intéressent et participent à l’art. Ainsi, les artistes gonflent les rangs des travailleurs précaires. Souvent, ils doivent payer pour présenter leur art sans recevoir aucune prestation.

    La créativité est très utile pour l’économie capitaliste. Par exemple, dans l’industrie créative, les artistes développent des idées qui, à la fin, deviennent propriété de l’entreprise et sont utilisées pour maximaliser les profits. Le capitalisme en tant qu’idéologie dominante, exprime les énergies vivantes pour les transformer en un produit commercialisable.

    L’art et la culture sont les premières à subir l’impact des mesures d’austérité. Face à ces attaques, il y a plusieurs collectifs artistiques et projets politiques qui s’organisent pour défendre l’art. Il y a aussi des travailleurs artistiques qui sont déjà organisés dans des syndicats. Mais il y en a beaucoup qui restent dehors car ils n’ont pas de travail ou parce qu’ils ont un second travail qui n’a aucun lien avec leur activité artistique et qui se trouvent souvent dans des secteurs précaires et peu syndicalisés. Avec des directions syndicales combatives, cette situation pourrait changer.

    Mais pour être efficaces, nous avons besoin d’un mouvement généralisé qui puisse unir les différents groupes autour d’un programme cohérent, un programme de rupture anticapitaliste. Ce programme ne doit absolument pas déterminer le contenu artistique. Il doit garantir les conditions de base pour que l’art soit accessible à tous et puisse se développer librement, en tenant compte des spécificités dans chaque média artistique. La lutte pour défendre l’art et la culture va de la main avec la lutte pour une transformation socialiste et démocratique de la société.

  • Coupes budgétaires dans le secteur culturel : luttons contre l’austérité à tous les niveaux de pouvoir !

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    Les nouvelles mesures d’austérité mettent des pressions supplémentaires dans un secteur qui a eté déjà fortement touché depuis le début de la crise. On se rappelle les projets de coupes budgétaires de l’ancienne ministre de la Culture Fadila Laanan de la Fédération Wallonie-Bruxelles, à hauteur de 50% pour les aides ponctuelles aux projets théâtraux. Mais aujourd’hui avec les nouveaux executifs, les assainissements continuent.

    Tract du PSL / Tract en version PDF

    Les différentes institutions et structures culturelles qui font déjà face à des difficultés financières seront certainement obligées de licencier du personnel, si pas, elles devront réduire leur programme artistique et diminuer leurs activités.

    Ces mesures politiques visent à les pousser à gérer des budgets de plus en plus minces et donc à exécuter les politiques d’austérité imposées par les différents niveaux de pouvoir.

    Jusque là les politiques culturelles étaient soi-disant tournées vers l’autonomie et la démocratie culturelle. Mais face à la crise économique, les responsables politiques montrent leur vrai visage: nous faire payer les conséquences de la crise et les dettes publiques, le secteur culturel n’échappe pas à cette logique. Les investissements publics se basent alors d’avantage sur des notions d’efficacité et de rentabilité. Les institutions sont soutenues ou sanctionnées selon le niveau d’attention médiatique qu’elles attirent. Il s’agit effectivement de développer l’attractivité plutôt que le bien-être des habitants, d’attirer des investisseurs privés et du tourisme au lieu de traiter le sous-investissement du secteur public, d’inscrire la culture dans une stratégie de “city marketing” plutôt que développer l’accessibilité. La conséquence de cette logique est la même que pour les autres secteurs attaqués: dégradation des conditions de travail des travailleurs du secteur culturel et dégradation de l’accès aux arts et à la culture.

    La réforme du “statut d’artiste” est aussi le reflet d’une vision d’un secteur de la culture sans créateurs. Sous le prétexte des sois-disants « abus » du système, la réforme rend l’accés aux allocations encore plus difficile et impose une diminution des revenus. L’intermittence du travail artistique, ce ne sont pas des artistes qui travaillent en dilettante, mais des travailleurs à plein temps qui sont rémunérés par intermittence.

    Pourquoi leur travail n’est-il pas correctement rémuneré? Ne devraient-ils pas recevoir des revenus dignes, avec un vrai statut pour le coup, et sortir de la précarisation structurelle? Cette réforme fait partie des attaques généralisées contre les chômeurs. Il n’y a pourtant pas suffisamment d’emplois pour tous les demandeurs. Le secteur culturel n’échappe de nouveau pas à la logique néolibérale: un maximum de pression sur les conditions de travail afin de faire accepter n’importe quelle condition de travail.

    Les travailleurs culturels ne doivent pas accepter la pression pour mettre leurs activités au service des bénéfices, et se contenter de vouer la plupart de leur temps à des stratégies de marketing. La manifestation massive du 6 novembre, et ses 150 000 manifestants à Bruxelles, a montré la colère qui existe parmi des couches larges de la population. Lors des trois grèves régionales ensuite, l’implication dans la résistance active contre les mesures d’austérité du gouvernement a gagné en puissance. Plus que jamais, le mouvement a intérêt à ce que se développe une dynamique qui implique tout le monde dans l’organisation du plan d’action. Le 15 décembre, sur cette lancée, peut devenir la plus grande grève générale de l’histoire du pays en nombre de participants.

    Ces dernières années, nous avons trop lutté secteur par secteur, de manière isolée. La lutte contre toute la politique d’austérité nécessite un mouvement généralisé.

    Aujourd’hui un tel mouvement est à l’ordre du jour. Le plan d’action devra continuer après le 15 décembre et monter crescendo jusqu’à la victoire de nos revendications. Alors pourquoi chaque secteur ne saisirait-il pas cette occasion pour construire cette lutte en y ajoutant leurs propres revendications sectorielles. Le secteur culturel et artisitique pourrait s’y impliquer de cette manière, en soulignant les coupes budgétaires des différents parlements et motiver le plus grand nombre à s’impliquer dans le plan d’action.

    Face aux coupes budgétaires nous devons défendre notre propre alternative. Plutôt que de couper dans nos services publics, et ce malgré les énormes pénuries déjà présentes, nous avons besoin d’un plan d’investissement public massif qui réponde aux besoins de la majorité et non aux profits d’une minorité. La culture et les arts ne sont pas différents. Avec la logique capitaliste, les grands groupes et les gros producteurs s’accaparent les parts les plus juteuses du marché et bénéficient des conditions de travail rabotées par leurs politiciens. Défendre une culture accessible à tous, un secteur artistique en dehors des objectifs de rentabilité, nécessitera de construire une société socialiste démocratique.


     

    Dans une « Lettre ouverte du secteur culturel bruxellois à tous nos élus politiques», plus de 250 organisations bruxelloises soulignent notamment:

    > Du côté de la Fédération Wallonie-Bruxelles, il a été annoncé une coupe transversale de 1% sur les conventions et contrats-programmes, en sus de la pression déjà exercée sur le secteur depuis plusieurs années (non-indexation des subsides, économies dans les budgets équipements).

    > Les organisations flamandes verront une réduction de leurs budgets de 7,5% à partir de 2015.

    > Les institutions culturelles fédérales (Bozar, La Monnaie/De Munt et l’Orchestre National de Belgique), ainsi que les établissements scientifiques (dont les Musées royaux des Beaux-Arts et les Musées royaux d’Art et d’Histoire) devront réduire de 2,7 € millions leurs dépenses.

    > Au niveau de la Région bruxelloise, le flou règne quant aux mesures liées à l’emploi au sein du secteur culturel, que ce soit par rapport aux postes ACS dont on annonce la révision du système, ou aux réductions de cotisations patronales liées aux prestations artistiques dont le mécanisme n’a pas encore été défini.


     

    Le parti Socialiste de Lutte défend:

    • Rétablissement total de l’indexation, négociations salariales libres et salaire minimum de 15 euros bruts de l’heure !

    • Pas de sape des contrats de travail, stop aux contrats précaires !

    • Bas les pattes de nos pensions. Maintien de la prépension et de la retraite anticipée. Augmentation des pensions à minimum 75% du dernier salaire avec un minimum de 1500 euros par mois!

    • Ni chasse aux chômeurs, ni dégressivité, ni service communautaire ! Attaquons le chômage par la diminution généralisée du temps de travail à 32 heures/semaine sans perte de salaire et avec embauches compensatoires!

    • Nationalisation des secteurs clés de l’économie sous contrôle démocratique de la collectivité !

    • L’économie de marché chaotique et la course aux profits n’offrent aucune garantie d’emplois. Pour une économie planifiée et contrôlée démocratiquement par la collectivité : pour un socialisme démocratique et moderne !

  • Le phénomène Dieudonné

    La France, et par ricochet tout une partie du paysage audiovisuel francophone, a vu augmenter une polémique autour de Dieudonné. Cet humoriste passé par la politique, est devenu un commentateur particulier et fortement controversé de la vie politique française. Le phénomène Dieudonné ne laisse personne indifférent : spectacles interdits, multiples procès intentés contre lui pour ses propos tenus lors de sketchs qui n’en sont plus vraiment,… Dieudonné a été même quasi propulsé au rang ”d’ennemi public numéro 1” par Manuel Valls, le ministre Français de l’intérieur.

    Par Alain (Namur)

    Dieudonné polarise les opinions. Cela force tout le monde à se positionner pour ou contre lui. De Nathalie Arthaud de Lutte Ouvrière en passant par Bernard Henry lévy, François Pirette, Nicolas Anelka et Tony Parker. Au-delà de ces personnalités, il y a une couche de jeunes principalement issus de l’immigration, habitants des quartiers populaires ou non, et aussi une couche de travailleurs qui apprécient sa posture ”anti-système”. Mais, au-delà de la posture, que signifie réellement le phénomène Dieudonné?

    Un phénomène qui n’est pas nouveau

    Ce n’est pas la première fois qu’un artiste polarise autant l’opinion ou défraie la chronique dans l’histoire de France. Les artistes ne sont pas isolés du reste de la société, ils ont grandi et ont été éduqués dans celle-ci. De plus, ils ont un rôle particulier dans la division du travail qu’a établi le capitalisme. Afin d’assurer leur besoins, ils doivent s’assurer que leur art trouve un public qui a les moyens de se le procurer. D’une manière ou d’une autre, l’artiste reflète une image de ce qu’est la société dans ses rapports de classes.

    Un des plus grands écrivains de langue française du 20ème siècle fut aussi sujet à controverse. Louis Ferdinand Céline fut à son époque aussi un des sujets de polémique du paysage intellectuel français de l’époque. Malraux a écrit de lui : ”si c’est sans doute un pauvre type, c’est certainement un grand écrivain.”

    Toute proportion gardée, le parallèle est en effet intéressant avec Dieudonné. Céline fut l’auteur du désormais célèbre et magnifique ”Voyage au bout de la nuit”. Ce livre a été célébré par toute la critique. Le style de Céline a plusieurs particularités, mais une des principales d’entre elles est d’utiliser le langage populaire au contraire de ses contemporains qui écrivaient dans un français académique. Le point de controverse sur Céline porte sur le fait qu’il était connu pour être un antisémite notoire ainsi qu’un misanthrope.

    Son attitude lors de l’occupation allemande a été sujette à caution et il a été accusé de collaborationnisme. Il a aussi mis en œuvre son immense talent pour écrire les ordures antisémites que sont ”Bagatelles pour un massacre” en 1937 et ”L’école des cadavres” en 1938. Il se décrivait lui-même comme ”l’ennemi numéro 1 des juifs”. Léon Trotsky disait de lui en 1933 : ”Louis-Ferdinand Céline est entré dans la grande littérature comme d’autres pénètrent dans leur propre maison. Homme mûr, muni de la vaste provision d’observations du médecin et de l’artiste, avec une souveraine indifférence à l’égard de l’académisme, avec un sens exceptionnel de la vie et de la langue, Céline a écrit un livre qui demeurera, même s’il en écrit d’autres et qui soient au niveau de celui-ci. Voyage au bout de la Nuit, roman du pessimisme, a été dicté par l’effroi devant la vie et par la lassitude qu’elle occasionne plus que par la révolte. Une révolte active est liée à l’espoir. Dans le livre de Céline, il n’y a pas d’espoir.”

    Dieudonné est à l’image de Céline un personnage rempli de talent. Beaucoup de critiques le décrivent comme étant l’humoriste le plus doué de sa génération. Il a toujours décrit dans ses premiers spectacles, avec Elie Semoun, le quotidien des jeunes de cité dans les quartiers populaires. Par ce biais, il a touché à la politique et à son commentaire. Si l’on compare l’évolution de l’humour de Dieudonné depuis le début de sa carrière dans la année ’90 jusqu’à aujourd’hui, on ne peut que faire le parallèle évident avec la dégradation de la situation économique et sociale en France. Celle-ci est d’autant plus sévère dans les quartiers populaires français (ZUP) qui subissent plus fortement le démantèlement de l’état-providence aux niveaux des écoles, des logements sociaux, de l’infrastructure de loisir et de transport,… Depuis les années ’80, le chômage et l’exclusion sociale frappent massivement les jeunes de cités : la fermeture de l’usine Renault à Boulogne-Billancourt (Boulbi) est ainsi l’illustration que la racine des problèmes se trouve bien dans le système économique.

    L’artiste comme reflet de la société

    On peut lancer les pires insultes contre l’humour néfaste de Dieudonné ou le boycotter comme le veut une partie de l’establishment français, cela ne répondra pas aux causes qui poussent les gens à admirer sa posture de ”rebelle antisystème”. L’intervention de la France en Centrafrique est sa 40e opération militaire sur le continent africain. Après avoir soutenu les dirigeants contre qui elle prétend lutter, la bourgeoisie française est très mal placée pour donner des leçons de morale à Dieudonné.

    La plupart des jeunes qui admirent le soi-disant anti-impérialisme de Dieudonné n’ont pas encore rencontré dans leur quartier des anti-impérialistes véritables, ceux qui considèrent que l’ennemi de notre ennemi n’est nécessairement pas notre ami. Est seulement notre ami celui qui se bas pour les intérêts de la classe des travailleurs, contre ceux de la classe de ceux qui possèdent les leviers de l’économie. Ils apprécient donc l’ersatz que constitue Dieudonné en matière d’anti-impérialisme. L’establishment dirigeant dispose bien de ses propres pions qui commettent des atrocités, pourquoi donc, pensent beaucoup de ses partisans, critiquer Dieudonné qui défend Bachar en Syrie, a défendu Ahmadinejad en Iran ou, mais dans un autre registre, Chavez au Venezuela ? C’est le signe que la conscience de classe et la compréhension des méthodes de luttes efficaces contre le système capitaliste dans ces couches de la population sont à reconstruire.

    Dieudonné met en scène les nombreuses erreurs qui résident dans la conscience de ces couches sociales : que ce soit les théories du complot ou les théories négationnistes qui confirment une perte d’autorité des institutions de la bourgeoisie, que ce soit l’antisémitisme diffus qui est, entre autres, lié à l’impasse sur la question Palestinienne.

    Dieudonné donne corps à un ensemble de pensées et d’analyses qui ont remplacé l’analyse de classe dans les consciences. Le danger est que, sans une théorie juste, l’erreur pratique n’est jamais loin. Ainsi, à la mort du jeune antifasciste Clément Méric, Dieudonné a cru bon de défendre l’assassin Esteban Morillo et son groupe de néofascistes liés à Serge Ayoub et ses Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires (JNR). Cela devrait alerter les anciens des quartiers, car c’est justement aux Ayoub (qui fut plus connu sous le nom de batskin) qu’ils avaient à faire dans la rue.

    Dieudonné, un artiste qui ne défend pas notre classe et nos intérêts

    Dieudonné n’est pas de notre classe sociale, c’est un business man qui joue au prolétaire ‘victime’ du système. Avant les années 1980 et sa politique néolibérale (qui se base sur le chômage de masse pour détricoter le rapport de force des travailleurs notamment en faisant une pression à la baisse sur les salaires), le peuplement des quartiers populaires était composé d’immigrés qui travaillaient dans des usines où le travail était souvent rude : en tant que manutentionnaire, mineur, opérateur de production, femme de ménage ou encore docker. L’immigration en France était – et est toujours – pour sa plus grande part constituée de prolétaires. Des femmes et des hommes durs à la tâche ont contribué à créer les richesses dont se gavent en premier lieu les capitalistes français.

    Dieudonné, lui, ne connait pas le dur labeur du prolo, il donne ses représentations à guichets fermés au prix de 40 euros la place. Certains opéras soi-disant réservés aux bourgeois sont meilleurs marchés. Il a construit un ”système Dieudonné” où il est sa propre marque. Le scandale lui sert de campagne marketing. Il serait intéressant de connaitre son patrimoine pour voir si ces fins de mois sont aussi difficiles que ça…

    Il réussit à se faire passer pour un antisystème parce que ceux qui devaient combattre le système ont arrêté de le combattre. Les organisations des travailleurs ont abandonné le combat contre le capitalisme et ce faisant, ils ont aussi abandonné l’encadrement idéologique et social de la classe ouvrière. Les bureaucraties syndicales et les partis de gauche, en premier lieu le PS et le parti communiste, ont abandonné depuis longtemps ceux qui étaient le plus loin des lieux de travail avec des délégations organisés, avant d’abandonner de plus en plus l’ensemble de la classe. Cela permet à tout un tas d’organisation réactionnaire de tout bord de proliférer dans les quartiers populaires. George Marchais, secrétaire général du PCF, parlait déjà à son époque (en 1981) de ”préférence nationale”! Il est dès lors difficile pour les jeunes issus de l’immigration de considérer ce type de parti comme le leur.

    Enfin, Dieudonné sépare plus qu’il n’unit la classe. Il s’est prononcé contre le mariage pour tous et a une conception totalement conservatrice de la famille et des valeurs morales. Cette dernière est un des instruments idéologiques qu’utilise la bourgeoisie pour nous asservir. La famille classique permet au capitaliste, entre autres, de ne pas avoir à payer pour la socialisation du travail domestique. Il se présente comme un militant pour la mémoire de l’esclavage et de la colonisation, mais il a la même morale que les anciens esclavagistes et colonisateurs.

    Dieudonné, comme artiste, n’est pas la cause mais le symptôme. Pour lutter contre les causes qui réussissent à engendrer un tel phénomène, seul un programme qui défend les intérêts des travailleurs et de leurs familles sera efficace. Ce programme, pour réellement s’attaquer aux causes, doit s’en prendre au capitalisme en France et partout dans le monde.

    La construction d’un nouvel outil de discussion collective des travailleurs, des jeunes et des allocataires sociaux est nécessaire pour que toute la classe écarte les fausses solutions et s’unisse de plus en plus massivement contre son seul adversaire: les 1% au sommet de cette société.

    Pour terminer, Trotsky avait dit à propos de Céline : ”Céline, tel qu’il est, procède de la réalité française et du roman français. Il n’a pas à en rougir. Le génie français a trouvé dans le roman une expression inégalée. Parlant de Rabelais, lui aussi médecin, une magnifique dynastie de maîtres de la prose épique s’est ramifiée durant quatre siècles, depuis le rire énorme de la joie de vivre jusqu’au désespoir et à la désolation, depuis l’aube éclatante jusqu’au bout de la nuit. Céline n’écrira plus d’autre livre où éclatent une telle aversion du mensonge et une telle méfiance de la vérité. Cette dissonance doit se résoudre. Ou l’artiste s’accommodera des ténèbres, ou il verra l’aurore.”Dieudonné a résolument choisi les ténèbres. Les prochaines luttes du prolétariat français, qui a de grandes traditions révolutionnaires, veilleront à ce qu’il y reste.


    Note : Un prochain article abordera plus en profondeur la question du sionisme et de l’antisémitisme.

  • Liège : Occupation du Théâtre De La Place

    Liège : Occupation du Théâtre De La Place

    Création d’un espace culturel gratuit et populaire

    Au mois d’août dernier, les locaux du Théâtre de la Place ont été vidés en prévision de l’inauguration du prestigieux (et élitiste) Théâtre de Liège. Destiné à être démoli dans quelques mois, le bâtiment a été investi par nombre de militants culturels liégeois qui ne voyaient aucune raison à ce qu’un pareil édifice reste vide des mois durant. C’est que la scène culturelle, à Liège comme ailleurs, manque cruellement d’espace d’expression… Mais, depuis le 6 septembre, il existe maintenant place de l’Yser (dans le quartier populaire d’Outremeuse) le ‘‘Théâtre À La Place’’ (TALP).

    Par Nicolas Croes

    S’il ne s’agit que d’une réponse provisoire au manque de moyens et de liberté dans le domaine de la culture, elle a le grand mérite de mettre en avant la force de l’action collective dans la défense de la liberté artistique.

    Le bâtiment de l’ancien Théâtre de la Place avait initialement été construit il y a 40 ans, pour une durée de vie d’une vingtaine d’années. Mais les priorités étaient ailleurs… Au final, les nouveaux locaux du Théâtre de Liège ont coûté quelque 23 millions d’euros, une somme toute dévolue à un projet culturel de prestige, dans la droite ligne d’autres projets de prestige tels que la nouvelle Gare des Guillemins. Le monde culturel hors institutions officielles ne bénéficie pas de toutes ces largesses…

    Le contraste entre le Théâtre de Liège et le TALP ne saurait être plus frappant. D’un côté existe un immense bâtiment qui a, entre autres, récemment accueilli sans sourciller le président de la Commission Européenne et architecte de la politique d’austérité José Manuel Barroso. De l’autre existe un espace qui réunit quotidiennement artistes, habitants du quartier, étudiants, curieux… qui font vivre un espace culturel gratuit ouvert tous les jours et géré par des assemblées générales.

    Tous types de projets s’y côtoient, d’expositions d’artistes aux ateliers de danse, de sessions de jam aux projections de films et courts-métrages. Au registre des pièces, les locaux ont notamment accueilli les représentations de ‘‘Fausse Commune’’, une création collective autour de la Commune insurrectionnelle de Paris de 1871, ou encore une autre création collective, cette fois-ci consacrée à la grande grève générale belge de l’hiver 60-61. Un petit bistrot permet même de pouvoir partager ses impressions concernant les représentations et les œuvres exposées autour d’un verre tandis que des soupers populaires à prix libre sont régulièrement organisés.

    D’autre part, un comité de soutien a été lancé, dans lequel on retrouve l’acteur David Murgia (que nous avons déjà eu le plaisir d’interviewer pour sa prestation dans ‘‘Discours à la Nation’’), Marc Emmanuel Mélon (Professeur en histoire du cinéma à l’Ulg), Jean-Pierre Collignon (Ex-chroniqueur à la RTBF) ou encore Hafid Hantout (bien connu des soirées liégeoises avec ‘‘Radio Bistrot’’).

  • [INTERVIEW] Collectif Krasnyi : l’image comme arme de changement social

    Les passionnés de l’image ne manquent pas dans les manifestations, les grèves ou les actions de protestation. Bien souvent, c’est d’ailleurs à ces journalistes improvisés que l’on doit les meilleurs captures de moments de lutte, ces vidéos et reportages-photos insoumis qui permettent de mieux saisir l’atmosphère d’un combat social en comparaison des informations qui passent par les canaux dominants. Reste à chercher à diffuser cette approche au-delà de son simple réseau d’amis ou de collègues… C’est le défi que s’est lancé le Collectif Krasnyi, et nous en avons brièvement discuté avec Laure Miège, par ailleurs également membre du PSL.

    D’où provient votre collectif ?

    Notre collectif était embryonnaire lors des évènements qualifiés d’”émeutes à Matongé” fin 2011 dans les médias. En fait, c’est lors de ces manifestations qu’il est né. Un des photographes à l’initiative du projet y a rencontré un autre, ils ont été arrêtés ensemble, et ont décidé de joindre leurs photos via le collectif. L’envie était forte de dépeindre, par leurs images, une réalité bien différente de celle qui transparaissait quotidiennement dans les médias classiques.

    En l’occurrence, ces “émeutes” que l’on photographiait au quotidien, étaient relatées dans les médias de manière très différente de la réalité que nous observions. Les Congolais y étaient fortement criminalisés alors que nous vivions en direct une énorme répression, dont la violence émanait d’abord des policiers. Le collectif est donc parti d’une constatation : celle que les médias traditionnels, malheureusement les plus vus ou entendus, ne diffusent pas une vision neutre de l’actualité, mais bien un point de vue. Et ce point de vue défend, la plupart du temps, les intérêts des ‘‘grands’’ de ce monde, que cela soit par la façon dont les sujets sont traités ou par le choix des sujets traités. Nous voulions faire un contrepied à cette information clairement orientée.

    Il était important pour nous de mettre l’image au service des gens que nous photographions, contrairement à ce que l’on voit trop souvent. Nous ne voulions pas de cette photographie qui se prétend “artistique”, mais qui n’a de prétention que de servir celui qui la prend, et qui ne se préoccupe en aucun cas des gens qu’elle révèle.

    Le regard que vous portez sur les événements n’est donc pas ‘‘neutre’’…

    Pour nous le regard neutre n’existe pas. Personne ne peut prétendre être neutre. D’une part parce que nous sommes des êtres humains, que nous avons chacun nos expériences, notre propre regard sur les choses. Ensuite parce que le point de vue que nous choisissons de prendre, ou qui s’impose à nous comme une évidence, est propre à chacun. Ainsi, un même sujet, traité soit disant de manière neutre, sera totalement différent s’il se place d’un côté des évènements, ou de l’autre. Nier cette réalité n’est que pur mensonge.

    Enfin, malheureusement, les médias dominants sont aujourd’hui (pardonnez l’expression) ‘‘tenus par les couilles’’ par leurs principaux donateurs c’est-àdire par l’Etat ou encore par de riches milliardaires. Quelle liberté de ton peut on avoir avec la crainte d’incriminer ceux-là même qui nous financent ?

    La question du temps évidemment joue aussi dans l’altération de la qualité de l’information. Pour faire une information de qualité, il faut pouvoir avoir le temps de faire une réelle investigation et de prendre le temps de discuter avec les gens dont l’on veut parler. Or ce temps coûte de l’argent, et la sacrosainte rentabilité domine aussi dans les médias traditionnels. Donc l’information est la plupart du temps ponctionnée par les journalistes dans de grosses banques de données telles que les agences de presse Belga ou AFP, très loin d’être neutres…

    Nous avons donc voulu poser notre propre regard, mais surtout essayer de redonner la parole à ceux qui sont trop souvent condamnés au silence dans les médias traditionnels, renverser cette balance où seule la minorité dominante peut exprimer son point de vue. Nous voulions permettre de voir et d’entendre les personnes qui luttent au quotidien, les victimes qui font face à ceux qui disposent du pouvoir économique et politique.

    Vous référez-vous à de précédentes expériences dans l’histoire des luttes sociales ?

    Bien sûr, nombreux sont ceux qui nous ont inspirés et qui ont été précurseurs de cette mise en image des opprimés, des résistants, de la majorité silencieuse, peu importe comment on l’appelle. C’est le cas de Capa, de certains de Magnum, des Medvedkines, et bien d’autres encore. Il en existe encore beaucoup aujourd’hui, mais ils restent trop souvent dans l’ombre et on connait peu leur travail. C’est aussi une volonté du collectif, réunir tous ceux qui veulent, comme nous, relayer les mouvements sociaux à travers le monde.

    Quelles sont les réalisations dont vous êtes le plus fier, qui vous semblent le mieux illustre votre action ?

    C’est difficile à dire. D’une part parce que nous sommes tous très différents dans le collectif, et que nous aurions sans doute des coups de coeur très différents.

    Mais s’il faut en choisir un, notre reportage sur les mineurs espagnols des Asturies était sans doute une des plus belles expériences pour l’ensemble des membres du collectif.

    Que retirez-vous du contact avec des travailleurs en lutte, des grévistes,… ? Comment êtes-vous reçu dans les mobilisations ?

    De manière générale, nous sommes reçus de manière très chaleureuse, très généreuse de la part des acteurs des mouvements sociaux. Ça commence souvent par un peu de méfiance, mais ça change dès que les gens comprennent que nous ne voulons pas faire un tri sélectif des moments croustillants mais au contraire leur donner la parole. D’ailleurs, cela se comprend très vite puisque nous restons la plupart du temps plusieurs heures avec eux et non quelques minutes comme les journalistes traditionnels.

    Nous avons toujours été très bien accueillis par les gens que nous rencontrons. C’est à chaque fois une agréable surprise, et un moment d’échange très riche, où l’on apprend beaucoup. Une belle leçon d’humanité à tous les coups!

    Comment fonctionnez-vous concrètement concernant votre ligne éditoriale, vos prises de décision,… ?

    Nous avons établi depuis peu des statuts, et nous sommes en train de travailler sur une charte déterminant notre fonctionnement, mais aussi notre ligne éditoriale. Globalement, nous sommes pour laisser une grande liberté à chacun pour exprimer et traiter les sujets en fonction de ses affinités, et de la manière qui lui est propre. Evidemment, le fil rouge reste toujours de relayer autant que faire se peut la parole des acteurs sociaux en résistance.

    Concernant les prises de décisions, nous sommes encore un petit noyau donc nous avons toujours réussi à nous entendre en prenant le temps de discuter. Si nous devions trancher des questions urgentes, ou très polémiques, la majorité aurait force de décision et un bilan de celle-ci serait discuté après.


    www.collectif-krasnyi.be – Le collectif réunit actuellement Karim Brikci- Nigassa, Nelson De Vos, Pierre Vanneste, Laure Miège, Pablo Ortega, et Marieau Palacio.

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