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Cuba : Solidarité avec le peuple cubain contre l’impérialisme et la restauration capitaliste

Il faut défendre les acquis de la Révolution cubaine !
La pénurie de médicaments, ainsi que la crise économique croissante aggravée par la pandémie, a généré un mécontentement croissant parmi les travailleurs cubains, qui sont descendus dans la rue le 11 juillet. La bureaucratie du Parti communiste (PC) au pouvoir a qualifié les manifestations de contre-révolutionnaires et de pro-impérialistes. D’autre part, l’impérialisme et les médias de droite ont tenté de présenter ces manifestations comme étant une « lutte pour la démocratie à Cuba » (ce qu’ils traduisent bien sûr par « une lutte pour le capitalisme »). Ces deux caractérisations sont loin de la réalité.
Réaction d’Alternative Socialiste Internationale
Les manifestations de dimanche dernier, en particulier celles qui ont pris place dans la région de San Antonio de los Baños, près de La Havane, sont les plus importantes depuis la révolution de 1959, et ne sont comparables qu’au “Maleconazo” du 5 août 1994, lorsque des milliers de Cubains ont manifesté sur le Malecon de La Havane dans le contexte de la « période spéciale » de crise économique qui a suivi la chute du mur de Berlin. Cette fois, les causes de la crise sont différentes, aggravées par le blocus américain criminel de l’île, et par la crise sanitaire qui entraîne une baisse du tourisme, « la locomotive de l’économie » comme l’a décrit le Premier ministre, Manuel Marrero (Voir La locomotora de la economía de Cuba es el turismo | Expreso).
Que se passe-t-il à Cuba ?
Des centaines de Cubains sont descendus dans la rue dimanche dernier, exigeant que le gouvernement Diaz-Canel résolve le problème de l’approvisionnement en nourriture et en médicaments qui affecte l’île. Bien entendu, comme nous l’avons souligné, la pénurie de médicaments et d’aliments est le résultat du blocus que les États-Unis maintiennent contre l’île, et qui l’empêche de s’approvisionner en produits de ce type. À cela s’ajoutent les coupures d’électricité et l’inflation croissante, résultat des réformes de libéralisation économique entrées en vigueur au début de cette année, qui ont entraîné une augmentation des prix de 300% dans le cas de l’électricité et jusqu’à 12% dans le panier alimentaire de base.
C’est ce contexte de crise économique et d’augmentation des cas de Covid qui a conduit des milliers de Cubains à descendre dans la rue. Par conséquent, les manifestations, contrairement au discours de l’impérialisme américain et du régime cubain, expriment le mécontentement contre les effets des mesures de libéralisation économique, qui menacent les acquis de la Révolution cubaine sur l’île.
La politique économique dite “Ordenamiento Monetario”, qui impliquait l’abolition de l’une des deux monnaies cubaines, le peso convertible cubain (CUC), n’a pas eu les résultats escomptés et a entraîné d’importantes hausses de prix. Et ce, bien que les pensions aient été augmentées de 500 % et les salaires de 525 %, passant de 400 pesos cubains à 2.100 pesos cubains par mois, pour compenser l’impact de ces mesures. Lors de la promotion de ces mesures, les autorités ont elles-mêmes anticipé une augmentation généralisée des prix ou une inflation de 160%, ce qui signifie, par exemple, une augmentation du prix du pain rationné quotidiennement de 5 cents à un peso. En plus de ces mesures, la Banque centrale de Cuba a fixé un taux de change de 24 pesos cubains (CUP) par dollar. En termes réels, cela a signifié une dévaluation du peso cubain de 2.400 % si l’on tient compte du fait que l’ancien peso cubain (CUP) était évalué à un dollar américain pour les entreprises d’État.
La nouvelle guerre froide et la restauration du capitalisme
La situation économique, aggravée par la pandémie, n’est pas seulement un accident malheureux. L’économie planifiée mise en place à la suite de la révolution a permis de nombreux gains pour la classe ouvrière et les pauvres, notamment en matière de soins de santé et d’aide sociale, mais elle a été mal gérée par l’élite bureaucratique qui comptait sur le soutien de l’URSS. Cette situation économique a empiré de façon spectaculaire après l’effondrement de l’URSS et la perte consécutive d’importantes subventions.
Les sanctions américaines sont alors devenues un facteur beaucoup plus dominant. En conséquence, le régime du PC, peu disposé à céder son pouvoir à une véritable démocratie ouvrière, a choisi de mettre en œuvre la voie des « réformes économiques » et une politique « d’ouverture » économique promue depuis plus d’une décennie, appelée à tort « socialisme de marché », qui s’inspire de la restauration capitaliste en Chine. Il ne s’agit pas d’une question secondaire, mais d’un élément absolument central du processus qui se déroule sur l’île et qui explique la détérioration accélérée des conditions économiques et sociales des masses, dans le but d’attirer les investissements capitalistes.
L’influence de la Chine sur les événements à Cuba et en Amérique latine n’est pas mineure. En effet, une partie de la gauche à travers le continent considère avec intérêt et admiration le « modèle chinois ». Cependant, comme l’a expliqué précédemment Alternative Socialiste Internationale, la Chine d’aujourd’hui ne représente pas une alternative au capitalisme. Au contraire, elle en est l’expression la plus brutale, avec une répression impitoyable des syndicats et une exploitation féroce de la main-d’œuvre. Cela a permis des taux de croissance économique élevés, de 8% en moyenne au cours de la dernière décennie, mais dans le contexte de la crise économique mondiale, cela ne pourra pas être maintenu sans entrer de plus en plus dans des contradictions.
En d’autres termes, la libéralisation économique de l’île inspirée par le « modèle chinois » non seulement n’apportera pas de changement positif à la situation économique de Cuba, mais fera naître de nouvelles et plus grandes contradictions économiques, politiques et sociales qui s’exprimeront à nouveau dans les rues de l’île. Contrairement à ce que certains pensent, la Chine n’agit pas pour aider Cuba ou l’Amérique latine en favorisant, par exemple, la diversification productive de la région, mais au contraire dans l’intérêt du capital chinois. Cela renforcera les chaînes de dépendance basées sur un modèle reposant sur les matières premières et le tourisme, sans alternatives de développement productif. Cela ne fera que condamner Cuba et l’Amérique latine à de nouvelles difficultés dues au sous-développement.
Liberté pour Frank García Hernández et les autres prisonniers politiques
Les manifestations du 11 juillet dernier ne sont donc pas en ce sens dirigées « contre le socialisme » comme les médias impérialistes le prétendent et encore moins « contre-révolutionnaires » comme les a qualifiées Diaz-Canel. Au contraire, elles expriment un véritable mécontentement face à une crise économique et sanitaire aggravée par les contre-réformes capitalistes de ces dernières années. Ces mobilisations ont été brutalement réprimées par la police. Des militants communistes et d’autres activistes de gauche ont été emprisonnés, comme Frank García Hernández, qui a été arrêté dans l’après-midi du 11 juillet et placé en résidence surveillée le lundi 12 juillet.
Alternative Socialiste Internationale exige la libération de Frank García Hernández et des autres prisonniers politiques de l’île. Nous soutenons la lutte des travailleurs et du peuple cubains pour leurs revendications légitimes et nous appelons au renforcement de la lutte contre l’impérialisme et le capitalisme en construisant une alternative véritablement socialiste qui lutte à la fois contre les manœuvres impérialistes contre Cuba et contre la restauration capitaliste sur l’île.
Une alternative socialiste pour Cuba et l’Amérique latine
L’impérialisme parle du prétendu « échec du socialisme », dans un contexte de troubles politiques mondiaux évidents, et le régime cubain tente de présenter ses réalisations comme étant socialistes et communistes. Mais le socialisme n’a jamais été établi à Cuba. La révolution cubaine de 1959, qui a renversé le capitalisme sur l’île, a établi un État reposant sur des conquêtes historiques pour le peuple opprimé de l’île, qui a inspiré à juste titre des centaines de millions de personnes à travers l’Amérique latine et le monde. Mais si la révolution a obtenu des conquêtes importantes, celles-ci ont non seulement été limitées, mais sont aujourd’hui ouvertement en danger face à la crise actuelle, qui résulte des années consécutives d’isolement.
Comprendre cela est crucial afin de lutter à la fois pour la défense des conquêtes des travailleurs cubains face à l’offensive impérialiste et également contre les trahisons du régime cubain et ses réformes procapitalistes. Pendant des années, l’isolement de la révolution cubaine a été le problème majeur de l’île face au blocus économique.
La situation actuelle n’a pas commencé avec les contre-réformes du modèle chinois de « socialisme de marché », mais celles-ci ont aggravé la situation. Elle survient de plus à un moment où l’impérialisme a besoin d’une plate-forme pour lancer une contre-offensive non seulement à Cuba, mais aussi contre le glissement vers la gauche qui s’opère dans l’ensemble de l’Amérique latine. Il existe un risque réel que ces manifestations soient instrumentalisées par l’impérialisme et la droite cubaine.
Il est donc important que les manifestants issus de la classe ouvrière élaborent un programme politique clair qui trace une ligne de démarcation entre les revendications dans l’intérêt de la classe ouvrière et des pauvres et les tentatives parasitaires de l’impérialisme d’utiliser le mécontentement pour servir ses propres objectifs. Dans un premier temps, ces revendications doivent inclure la lutte contre l’inflation et les pénuries alimentaires en plaçant les prix et le système de distribution sous le contrôle de comités élus de la classe ouvrière, en renforçant le système de santé pour assurer la vaccination pour tous et en lançant une campagne de solidarité ouvrière internationale visant à briser les sanctions américaines. Les manifestations doivent être organisées par des comités élus démocratiquement et composés de travailleurs et de pauvres.
Comme il fallait s’y attendre, en réponse aux protestations, le gouvernement Diaz-Canel a appelé ses partisans à défendre la révolution. La révolution doit effectivement être défendue. Mais la classe ouvrière défendra les conquêtes de la révolution en sa faveur, tandis que l’élite dirigeante défend sa domination et ses privilèges tout autant que sa nouvelle politique économique basée sur la libéralisation et la privatisation. Cette politique ne sert pas les intérêts des masses.
Pour défendre les acquis de la révolution, il ne suffit pas de mettre fin aux privatisations et à la libéralisation, il faut aussi instaurer une démocratie ouvrière à tous les niveaux. Cela signifie que la révolution doit s’étendre à d’autres pays pour mettre fin à l’exploitation capitaliste et briser les blocus impérialistes. Y parvenir exige de mettre un terme au règne de la bureaucratie qui dirige le régime.
La défense de la révolution cubaine et de ses acquis ne peut être que la tâche des masses, à Cuba et dans le monde, organisées démocratiquement en assemblées sur les lieux de travail, dans les quartiers, dans les écoles, etc. C’est là que doit être discutée la voie à suivre, non seulement pour défendre les conquêtes de la révolution, mais aussi pour les étendre et améliorer la situation économique et politique du pays. Cela nécessiterait un processus de démocratisation réelle, à la base, qui pourrait clairement défier la propagande des « démocraties » capitalistes.
La seule alternative pour les travailleurs cubains est d’approfondir le processus révolutionnaire sur l’île et d’assurer son extension à la région et dans le monde. Cela n’est possible que par la construction d’une alternative politique pour les travailleurs, une alternative démocratique et combative qui lutte contre le blocus et l’offensive impérialiste ainsi que contre la capitulation de la bureaucratie et la restauration capitaliste que celle-ci dirige. Cette alternative internationaliste doit assumer la tâche de défendre la révolution contre l’impérialisme et contre la restauration capitaliste non seulement sur l’île, mais dans le monde entier. C’est ce que nous nous proposons de construire en tant qu’Alternative Socialiste Internationale, afin de favoriser la lutte anti-impérialiste sur le continent et la lutte pour une Fédération socialiste d’Amérique latine.
- Non aux politiques du régime en faveur du marché et de la restauration capitaliste. Pour le contrôle ouvrier de la production, des prix et de la distribution.
- À bas l’intervention impérialiste. À bas le blocus.
- Pour la libération immédiate des travailleurs et des militants socialistes et communistes emprisonnés.
- Pour la défense des acquis historiques de la révolution cubaine et une direction véritablement socialiste.
- Pour une démocratie radicale par en bas, afin de remplacer le règne de la bureaucratie : pour une véritable démocratie ouvrière.
- Pour l’unification de la lutte anti-impérialiste et de la lutte pour une démocratie socialiste : pour une Fédération socialiste d’Amérique latine.
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Décès de Fidel Castro, dirigeant de la révolution cubaine de 1959
La vie de Castro et la révolution cubaine, par Tony Saunois
La mort de Fidel Castro, à l’âge de 90 ans, a été annoncée ce vendredi 25 novembre au soir par son frère cadet, le président Raul, à la télévision d’Etat cubaine. Des millions de travailleurs à Cuba et dans le monde entier pleureront le décès de ce dirigeant depuis longtemps étroitement associé à la révolution cubaine de 1959 au côté de Che Guevara. Parallèlement, les forces de la réaction capitaliste et impérialisme verront le décès de Fidel Castro comme l’occasion rêvée de complètement restaurer le capitalisme sur l’île. Ces forces réactionnaires visent à détruire tous les acquis de la révolution et de l’économie planifiée, y compris les acquis historiques en matière de santé publique et d’éducation.
Dans le dossier ci-dessous (publié pour la première fois en 2008), Tony Saunois revient sur la vie et l’héritage politique de Fidel Castro et de la révolution cubaine. Cet article aborde également le débat de la voie à suivre pour défendre les conquêtes de la révolution et la question vitale de la démocratie ouvrière et de la lutte pour le socialisme à Cuba et à l’échelle internationale.
La publication de «Fidel Castro : Biographie à deux voix» (2006) a été extrêmement opportune, puisque Castro devait quitter la présidence quelques temps plus tard. Les réponses données par Castro à l’écrivain français Ignacio Ramonet, par ailleurs rédacteur en chef du Monde Diplomatique et fondateur d’ATTAC, illustrent la révolution cubaine et les événements mondiaux survenus depuis 1959. Elles en disent également beaucoup quant aux perspectives politiques pour Cuba et à la méthode de Fidel Castro.
Castro fait valoir à juste titre l’impressionnante conquête sociale acquise en termes de médecine, de santé et d’éducation à la suite de la révolution de 1959/60. ‘‘L’espérance de vie des citoyens cubains est maintenant presque dix-huit ans plus longue qu’en 1959, quand la révolution est arrivée au pouvoir. (…) Cuba a un taux de mortalité infantile de moins de 6 pour 1 000 naissances vivantes au cours de sa première année de vie, derrière le Canada d’une légère marge. Cela nous prendra la moitié du temps qu’il nous a fallu à la Suède et au Japon pour augmenter l’espérance de vie de soixante-dix à quatre-vingts ans. Aujourd’hui, nous sommes à 77.5.’’
À l’époque de la révolution, a-t-il souligné, l’espérance de vie était de 60 ans! A ce moment-là, 50% des médecins avaient fui à l’étranger suite à la révolution. Pour chaque médecin resté, il y en a 15 à l’heure actuelle!
L’enseignement est gratuit est ouvert à tous ceux qui n’ont pas un emploi. Plus de 90.000 étudiants étudient actuellement la médecine, les soins infirmiers ou un autre aspect de la santé. Tout cela en dépit d’un embargo économique imposé par l’impérialisme américain depuis 1960 et malgré un grave déclin économique qui a suivi l’effondrement de l’ex-Union soviétique et la perte conséquente d’importantes subventions économiques.
Tout ceci et d’autres réalisations impressionnantes mentionnées par Castro donnent un petit aperçu de ce qui serait possible avec une économie socialiste planifiée démocratiquement contrôlée et gérée par la classe ouvrière. Autre indication intéressante : certains aspects de la politique étrangère de Cuba. En plus de mobiliser plus de 30 000 médecins pour travailler dans plus de 40 pays, l’une des réalisations les plus impressionnantes a été l’envoi de dizaines de milliers de «volontaires internationalistes» en 1975 vers l’Angola et la Namibie.
En Angola, les 36.000 soldats ont pu combattre l’armée de l’apartheid sud-africaine et, pour la première fois, lui infliger une défaite militaire. Les forces cubaines ont joué un rôle crucial dans la libération de la Namibie du régime sud-africain. Sur 15 ans, plus de 300.000 combattants internationalistes ont rempli leur mission en Angola. Ces luttes ont joué un rôle important dans l’effondrement du régime de l’apartheid. Cuba était, comme le soutient Castro, «le seul pays non africain qui a combattu et répandu son sang pour l’Afrique et contre l’odieux régime de l’apartheid».
L’hostilité de l’impérialisme américain
Dès le début, la révolution cubaine a suscité la colère de l’impérialisme américain qui a cherché à la renverser à de nombreuses reprises. Aujourd’hui, à la suite de la démission de Castro, l’impérialisme américain et ses représentants espèrent vivement la disparition du régime cubain et l’effondrement de l’économie planifiée, qu’ils essaieront d’utiliser pour tenter de discréditer le «socialisme».
Le fiasco de la Baie des Cochons en 1962 est l’intervention la plus connue de l’impérialisme américain contre la révolution, à la suite de la décision de Castro de caractériser de socialiste la révolutionnaire cubaine.
Castro énumère dans cet entretien une série d’autres attaques tentées par les exilés cubains soutenus par les services de sécurité américains et d’autres contre-révolutionnaires. “En 1971, sous Nixon, la peste porcine a été introduite à Cuba dans un conteneur, selon une source de la CIA”. En 1981, le virus de la dengue de type II a été déclenché et a entraîné 158 décès, dont 101 enfants. Selon Castro, «en 1984, un dirigeant de l’organisation terroriste Omega 7, basée en Floride, a admis avoir introduit ce virus mortel à Cuba avec l’intention de faire le plus grand nombre possible de victimes». Il y a d’autre part eu plus de 600 projets visant à assassiner Castro.
Les gains sociaux de la révolution et l’hostilité brutale de l’impérialisme américain révélés dans ce livre illustrent pourquoi Cuba est considérée avec tant de sympathie par beaucoup de travailleurs et de jeunes à l’échelle internationale, tout particulièrement en Amérique latine. Il en va de même pour le Venezuela, mais peut-être dans une moindre mesure en raison de l’échec de la révolution à avancer et à renverser le capitalisme. Cuba et le Venezuela ont été perçus comme les seuls régimes prêts à résister à l’assaut du capitalisme néolibéral au cours des années 1990/2000. Cuba a gagné une sympathie générale en tant que seul régime à gauche prêt à affronter le colosse que Castro (et Hugo Chavez) qualifie à juste titre d ‘ «empire» – l’impérialisme américain.
L’effondrement de l’URSS
La réponse de Castro à une série de questions, en particulier en ce qui concerne les années 1990 et l’effondrement de l’ex-Union soviétique, révèlent un individu très bien informé qui suit attentivement la situation mondiale. Castro, à la suite des expériences désastreuses de restauration capitaliste dans l’ex-Union soviétique, s’est opposé à ce même processus qui se déroulait au même moment à Cuba. Le fait que Cuba ait pu survivre sans rompre complètement l’économie planifiée et totalement restaurer le capitalisme est une conséquence des racines sociales que la révolution avait établies. Plus récemment, le pétrole vénézuélien a représenté une aide sérieuse. Le régime cubain a également été en mesure de maintenir plus de soutien face à la politique agressive adoptée à son égard par l’impérialisme américain.
Castro révèle le rôle joué par Felipe González (l’ancien dirigeant du PSOE espagnol) pour persuader l’ancien chef soviétique Gorbatchev de soutenir une politique de restauration capitaliste. Cela s’est produit lorsque la bureaucratie dirigeante dans son ensemble est passée au capitalisme. González, avec d’autres, comme Manuel Fraga (ancien ministre du régime fasciste de Franco et président de la Galice) ont essayé de persuader Castro d’adopter le même chemin dans les années 1990. “Fraga est un de ces gens, avec González et d’autres (…) qui faisait partie du groupe qui a insisté pour me donner des conseils économiques quand l’URSS s’est effondrée. Il m’a emmené dans un restaurant très élégant une nuit et il a essayé de me donner des recettes économiques. “La formule pour Cuba est la formule au Nicaragua”, a-t-il dit textuellement (…)”
Castro a rejeté ce conseil. Il a dit que la formule proposée «… a mené le Nicaragua dans un abîme sans fond de corruption, de vol, de négligence (…) terrible. (…) ils voulaient que je suive la formule russe, celle que Felipe et ses conseillers d’élite ont pressé Gorbatchev de suivre (…) et il n’y a plus rien. Tous les hommes dont le conseil était de suivre les principes du néo-libéralisme jusqu’à la mort – privatisation, stricte conformité aux règles du FMI – ont poussé de nombreux pays et leurs habitants dans l’abîme.»
Mais alors, pourquoi Castro n’a t-il pas donné de conseils similaires à Tomás Borge et à d’autres dirigeants sandinistes au Nicaragua avant leur défaite?
L’effondrement de la mondialisation et le rôle de la classe ouvrière
Isolé et face à un raz-de-marée de politiques néo-libérales à l’échelle internationale dans les années 1990, Castro explique avoir adopté une politique consistant à acheter du temps avec en tête la perspective d’attende que la «mondialisation s’effondre». «Le capitalisme moderne, soutient-il, est devenu tellement monopoliste qu’il n’y a plus de capitalisme aujourd’hui, il n’y a pas de concurrence. Aujourd’hui, nous avons des monopoles dans tous les grands secteurs ».
A peine 500 sociétés contrôlent 80% de l’économie mondiale. En regardant la crise qui se déroule ces dernières années, Castro conclut: «Ce n’est plus seulement une crise en Asie du Sud-Est, comme en 1977, c’est une crise mondiale, plus la guerre en Irak, plus les conséquences d’une dette énorme, le gaspillage croissant et le coût de l’énergie qui en découle (…) plus le déficit de la part de la principale puissance économique et militaire de la planète.» Castro conclut: «Le monde est mis dans une impasse.»
Quelle est la classe sociale capable de combattre ce système et de construire une véritable alternative socialiste démocratique? Dans ce livre, Castro révèle son manque de compréhension de la classe qui sera en mesure de vaincre le capitalisme et de construire une alternative démocratique socialiste. Cela le conduit à adopter des idées et des méthodes contradictoires. Tout au long du livre, il n’y a aucune référence à la classe ouvrière ni à son rôle central dans la révolution socialiste. Même en se référant à la grande grève générale de dix millions de travailleurs en France en 1968, Castro ne mentionne qu’en passant que De Gaulle était allé en Allemagne pour obtenir le soutien des troupes stationnées là «pour prévenir toute tentative de rébellion populaire».
L’absence de référence à la classe ouvrière révèle l’attitude de Castro à l’égard de la révolution cubaine et, en général, du caractère de la révolution socialiste. Pour Castro, la classe ouvrière ne joue pas le rôle central. Comme le dit Castro, se référant à la révolution cubaine: “Mais pour nous, la guérilla était le détonateur d’un autre processus dont l’objectif était la prise de pouvoir révolutionnaire. Et avec un point culminant: une grève générale révolutionnaire et soulèvement général de la population.”
Autrement dit, une lutte de guérilla soutenue alors par la masse de la population où la classe ouvrière jouait un rôle auxiliaire plutôt que le rôle dirigeant. Comme le Comité pour une Internationale Ouvrière l’a expliqué dans d’autres articles et documents, c’est en raison d’une série de facteurs historiques et subjectifs que la lutte de guérilla s’est déroulée avec succès à Cuba et que ce n’est que lorsque l’armée de guérilla est entrée dans les villes que les masses urbaines sont descendues dans les rues.
Dans ce livre, il y a une certaine divergence entre la façon dont Castro et le Mouvement du 23 juillet considéraient la révolution comment elle a commencé. Castro donne l’impression qu’il avait dès le début un objectif «socialiste» clairement formulé. Toutefois, comme nous l’avons expliqué dans d’autres articles et documents du Comité pour une Internationale Ouvrière et de la Tendance Militant (ancêtre du Socialist party en Angleterre et au Pays de Galles) à l’époque et par la suite, nous ne croyions pas que c’était le cas. En réalité, les dirigeants du mouvement avaient pour objectif de renverser Batista et de créer un «Cuba démocratique moderne». Che Guevara adopta une attitude différente vis-à-vis des autres dirigeants du mouvement. Suite à l’embargo de l’impérialisme américain et à la pression exercée par les masses, les dirigeants furent rapidement poussés dans une direction plus radicale, qui a fini par étouffer le capitalisme.
Tandis que les processus de la révolution cubaine n’empêchaient pas de briser l’ancien régime de Batista, il formait la nature de l’État qui la remplaçait. Bien que la classe ouvrière ait soutenu la révolution, elle ne la dirigeait pas consciemment, comme l’a fait la classe ouvrière lors de la
révolution russe en 1917.Le régime cubain
À Cuba, le capitalisme a été renversé suite à une série de représailles entre le nouveau gouvernement cubain par l’impérialisme américain. Bien que cela ait représenté un grand pas en avant, cela n’a pas abouti à l’établissement d’une véritable démocratie ouvrière et paysanne, comme on l’a vu en Russie en 1917. Cela a engendré un régime bureaucratique (avec quelques éléments de contrôle ouvrier au début, qui sont maintenant largement érodé) qui a géré une économie nationalisée et planifiée.
Le caractère réel de l’Etat est peut-être révélé par inadvertance par Ignacio Ramonet dans son introduction au livre quand il remarque: «Alors qu’il [Fidel Castro] est là il n’est qu’une voix. Il prend toutes les décisions, petites et grandes. Bien qu’il consulte très respectueusement les autorités politiques en charge du Parti et du gouvernement, très «professionnel» au cours du processus décisionnel, c’est Fidel qui décide enfin ».
Castro révèle également comment les aspects de l’Etat fonctionnent pendant les périodes critiques. Il révèle que, face à une décision d’exécuter le chef de l’armée, Arnoldo Ochoa, pour trafic de drogue présumé, c’était «une décision unanime du Conseil d’Etat, qui compte 31 membres. Au fil du temps, le Conseil d’État est devenu un juge et la chose la plus importante est que vous devez lutter pour faire en sorte que chaque décision soit prise avec un consensus des membres.» Le fait que cette décision ait été prise sans dissidence en dit long sur le caractère de ce corps et sur l’influence de Castro, étant donné le caractère très controversé de l’affaire Arnoldo Ochoa.
Castro défend aussi l’idée d’un Etat à parti unique: «Comment notre pays aurait-il pu rester ferme s’il avait été divisé en dix morceaux?” Il esquive cette question en attaquant la corruption et la manipulation des médias dans l’occident capitaliste en défendant qu’il ne s’agit pas d’une véritable démocratie. Cette question est toutefois totalement différente du droit des travailleurs, des jeunes et des intellectuels de former leurs propres partis politiques, y compris les partis trotskystes, et de contester les élections dans une démocratie ouvrière et paysanne.
Un véritable régime de démocratie ouvrière assurerait l’élection démocratique de tous les fonctionnaires, soumis à un processus de révocation par leur base. Les fonctionnaires de l’Etat et du parti ne recevraient pas plus que le salaire moyen des travailleurs qualifiés et la pleine liberté d’expression des opinions et des critiques serait assurée. Un tel régime, surtout après près de cinquante ans au pouvoir, ne devrait avoir rien à craindre du fait que des travailleurs, des jeunes et des intellectuels construisent leurs propres partis et organisations politiques pour défendre l’économie planifiée.
Cela ne signifie pas que le Cuba de Castro a adopté les mêmes traits grotesques que ceux de la Russie de Staline, avec des procès spectacle et des purges de masse, un culte déchaîné de la personnalité autour de Staline, etc. Il n’y a toujours pas de portraits ni de rues nommées d’après Castro. Il n’y a aucune preuve que la torture ait été utilisée par l’Etat. Cependant, cela ne signifie pas que la bureaucratie et qu’un élément de corruption et de privileges n’existent pas à Cuba. Cela a récemment été démontré dans le fait que le gouvernement cubain ait admis que 15% de la population possède 90% des pesos détenus dans les comptes bancaires.
Cuba isolé
Le problème qui s’est posé à Castro dans les années 90, après l’effondrement de l’ex-URSS, a été celui de l’isolement, combiné aux limitations imposées par l’existence d’une bureaucratie et par l’absence d’une véritable démocratie ouvrière.
Des mesures, telles qu’une ouverture partielle de l’économie et une dollarisation partielle ont été introduites par le régime pour tenter d’acheter du temps. Mais cela a accru les contradictions internes au régime, en particulier la dollarisation partielle, phénomène qui a considérablement augmenté les disparités entre ceux qui ont accès au dollar américain et ceux dont ce n’est pas le cas. Cela a fait croître le marché noir et la corruption.
La question de l’isolement de Cuba est liée à la défaite des mouvements révolutionnaires qui ont balayé l’Amérique latine dans les années 70 et 80. Castro ne tire aucune conclusion complète des raisons de ces défaites. Les sandinistes au Nicaragua n’ont pas réussi à vaincre les Contras, affirme-t-il, à cause du service militaire obligatoire. Castro dit: “Le Nicaragua a remporté sa victoire douze ans après la mort du Che en Bolivie. Cela signifie que les conditions objectives dans beaucoup de pays du reste de l’Amérique latine étaient meilleures que celles de Cuba.” Mais la question centrale est de savoir pourquoi les sandinistes ont alors finalement perdu à nouveau contre la contre-révolution? Castro ne donne aucune explication réelle. Il ne fait pas de commentaire quant à l’échec des sandinistes à renverser le capitalisme. Ils ont été empêché de prendre des mesures décisives pour renverser le système, surtout en 1984, en grande partie à cause de la pression exercée par la bureaucratie stalinienne à Moscou qui s’y opposait. Cuba et Castro, ont appuyé la pression de Moscou et, à un moment donné, ont assujetti à l’embargo les avions de combat MIG russes à La Havane qui étaient destinés à Managua, la capitale du Nicaragua.
Commentant la défaite d’Allende, en 1973 au Chili, Castro dénonce correctement le rôle de l’impérialisme américain, mais il ne tire aucune conclusion sur les erreurs des dirigeants des partis socialistes et communistes au Chili. Pourtant, ces défaites, et d’autres, ont été cruciales en Amérique latine pendant cette période. Cela a renforcé l’isolement et la dépendance de Cuba à l’égard de la bureaucratie soviétique.
Castro a poursuivi en un certain sens les erreurs commises par les dirigeants de ces mouvements dans les conseils qu’il a récemment donnés à Hugo Chávez au Venezuela. Castro raconte qu’à l’époque de la tentative de coup d’état de la part de la droite au Venezuela en 2002, il a exhorté Chávez à «entrer en contact avec un officier avec une autorité réelle parmi les rangs des membres du putsch, les assurer de sa volonté de quitter le pays, mais pas de démissionner.”
L’ancien président Allende, argumente Castro, n’a pas d’autre choix que de donner sa vie durant le coup d’Etat de Pinochet en 1973. Il déclare qu’Allende n’avait pas «le soutien d’un seul soldat». Ce n’est pas vrai. De vastes sections de l’armée et de la marine au Chili soutenaient le processus révolutionnaire. Il est estimé qu’Allende a eu le soutien de jusqu’à 30% de l’armée au moment du coup d’Etat. La tragédie est qu’Allende a refusé d’armer et de mobiliser la classe ouvrière.
Castro déclare qu’à l’époque de la tentative du coup d’Etat de 2002 au Venezuela, il avait déclaré à Chavez que rencontrer le peuple pour déclencher une résistance nationale n’avait pratiquement aucune chance de succès. Pourtant, la ‘résistance nationale’ a éclaté spontanément par la base et Chavez a été ramené au pouvoir par les masses elles-mêmes. Ce conseil est un autre exemple qui démontre que Castro ne considère pas les masses et la classe ouvrière comme la force dirigeante d’une révolution, mais comme un auxiliaire pour des organisations de guérilla ou des sections de l’armée.
Tout en entrant en collision avec la bureaucratie stalinienne soviétique, que Castro critique à plusieurs reprises, il ne lui fournit pas d’alternative. Cela résulte encore une fois du manque de compréhension et de confiance de Castro dans la classe ouvrière. En conséquence, les critiques de Castro ont finalement conduit au soutien aux staliniens. Castro a également gardé le silence, parfois, lors de grandes luttes entre l’Etat et les travailleurs et les jeunes de plusieurs pays.
En ce qui concerne le «Printemps de Prague» en 1968, tout en appuyant initialement certaines des revendications pour une plus grande démocratie, la liberté d’expression, Castro a conclu: «Mais à partir de slogans justes, il y a eu une évolution vers une politique ouvertement réactionnaire. Et nous avons du – malheureusement – approuver cette intervention militaire.” Pourtant, en 1968, l’appui à la restauration capitaliste n’était pas l’idée dominante dans l’ex-Tchécoslovaquie. La conscience des masses, à l’époque, était pour la “démocratisation du socialisme” et non pour le capitalisme.
Incontestablement motivé par les intérêts diplomatiques et commerciaux, le régime cubain se tut quand des centaines d’étudiants furent massacrés par le gouvernement mexicain en 1968. Castro ne dit rien de ces événements dans son livre.
En soulevant le spectre de la restauration capitaliste en Tchécoslovaquie, Castro confond cette période avec celle des années 1990 où cette confusion existait dans la population. Castro reprend en fait la justification stalinienne de l’intervention russe en 1968. Castro est clairement opposé à une restauration capitaliste à Cuba, surtout en ayant vu les conséquences que cela a eu en ex-URSS et en Europe de l’Est. Il conclut vraisemblablement que l’ancien chef soviétique Gorbatchev, que Castro décrit à un moment comme un «vrai socialiste révolutionnaire», a fini par être une figure centrale du processus de restauration capitaliste sans en avoir eu l’intention initialement. Comme le dit Castro: “Mais il [Gorbahev] n’a pas réussi à trouver des solutions aux grands problèmes de son pays”.
Boris Eltsine, qui était également un élément central du processus de restauration capitaliste, est décrit par Castro comme un «secrétaire du parti exceptionnel à Moscou, avec beaucoup de bonnes idées».
Castro identifie certains des problèmes cruciaux auxquels l’ex-Union soviétique a été confrontée; les déchets, la corruption, la mauvaise gestion et son incapacité à développer et à utiliser les ordinateurs modernes. Mais il ne parvient pas à offrir de solution claire contre le règne bureaucratique et le gaspillage. Il ne voit pas la nécessité de supprimer la bureaucratie stalinienne et d’établir un véritable système de démocratie ouvrière. Sans cela, aucun des problèmes énormes qu’il identifie ne pourrait être résolus.
Cependant, beaucoup de ces caractéristiques existent de la même manière à Cuba. Castro révèle aussi quelques-uns des conflits qui ont eu lieu entre la bureaucratie soviétique et le régime cubain. Lorsqu’on lui demande si les Cubains ont été consultés au sujet du retrait final des troupes soviétiques de Cuba en septembre 1991, Castro répond: “Consulter. Ils n’ont jamais consulter. À ce moment-là, ils s’écroulaient. Tout ce qu’ils ont fait, c’était sans consultation.”
Castro révèle aussi, dans des lettres publiées en anglais, pour la première fois, l’attitude erratique que son régime a parfois adoptée. La crise des missiles s’intensifiant, Castro explique qu’il a exhorté l’URSS à lancer une attaque nucléaire en premier lieu pour contrer une action offensive directe contre Cuba par les Etats-Unis. «Je suis d’avis qu’une fois que l’agression a eu lieu, les agresseurs ne doivent pas avoir le privilège de décider quand les armes nucléaires seront utilisées (…) à partir du moment où l’impérialisme a déclenché une attaque contre Cuba et à Cuba même et donc contre les forces de l’armée soviétique stationnée ici (…) une réponse soit être donnée aux agresseurs de Cuba et de l’URSS sous forme d’une attaque d’anéantissement.” Khrouchtchev et la bureaucratie soviétique n’ont pas accepté cette proposition.
Aujourd’hui, Castro contredit sa position et ses commentaires antérieurs, lorsqu’on lui demande si Cuba veut fabriquer une bombe nucléaire: «Vous vous ruinerez – une arme nucléaire est un bon moyen de se suicider. »
Staline et Trotsky
Elément significatif, Castro critique ouvertement Staline et conclut: «Le plus intellectuel des deux était, sans aucun doute, Trotsky.» Cela ne veut pas dire que Castro a soutenu les idées et les méthodes expliquées dans les écrits de Trotsky. Castro écarte à tort toute suggestion selon laquelle Che Guevara commençait à chercher une alternative et avait commencé à lire les œuvres de Trotsky ou était en quelque sorte affecté par ses idées. Ce faisant, Castro écarte les preuves du contraire, telles que présentées par Celia Hart, Jon Lee Anderson et l’écrivain mexicain Paco Ignacio Taibo.
Une caractéristique frappante de ce livre est l’attitude de Castro à l’égard des dirigeants mondiaux et des dirigeants pro-capitalistes des anciens partis ouvriers de masse. Pour les marxistes, s’opposer au système que défendent ces dirigeants n’est pas une question personnelle. Pourtant, Castro fait tout son possible pour faire l’éloge de certains de ces dirigeants, en dépit d’avoir ouvertement critiqué leur action. L’ancien président américain Jimmy Carter est décrit comme un «homme d’intégrité». Charles De Gaulle est accrédité d’avoir sauver la France : «ses traditions, sa fierté nationale, le défi français». Un ministre du gouvernement fasciste de Franco en Espagne est, selon Castro, «un Galicien intelligent et rusé». Le président Lula, au Brésil, est salué comme «un combattant tenace et fraternel pour les droits du travail et de la gauche, et un ami de notre peuple» et Castro considère «les réformes que Lula met en œuvre très positivement» en dépit du fait que la grande majorité des «réformes» de Lula ont été des attaques néolibérales contre les droits de la classe ouvrière.
En ce qui concerne l’avenir de Cuba, Castro affirme catégoriquement que la révolution sera maintenue, sans aucune menace de restauration capitaliste. Cependant, en dépit de l’héritage solide qui subsiste et du soutien aux acquis de la révolution, la menace de restauration augmente. Depuis la publication de ce livre, Castro a démissionné en tant que leader du pays. Raul, son frère et d’autres sections puissantes de la bureaucratie cubaine ont l’intention de s’acheminer vers l’ouverture de l’économie de marché à Cuba. Si Castro voit cette menace, il n’est évidemment pas prêt à jouer le rôle de Gorbatchev ou d’Eltsine pour aider ce processus.
La publication de ce livre fournit une vision éclairante de Fidel Castro; de son rôle et de ses méthodes. Surtout, il faut apprendre des expériences que Castro rapporte. Il montre la nécessité vitale de développer la véritable démocratie ouvrière et le socialisme.
Voir aussi :
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[DOSSIER] Nouveau tournant en Amérique latine – La fin de la vague de gauche?
La poignée de main historique entre Barack Obama et Raúl Castro, les troubles au Venezuela, le recul sur toute une série de réformes en Bolivie ainsi que la crise au Brésil sont autant de symboles du nouveau tournant en vigueur en Amérique latine. Les nombreux espoirs en termes de réformes radicales au Venezuela, en Bolivie et en Équateur ont laissé place à la désillusion.Résumé d’un dossier de Tony Saunois
La fin de la croissance économique
Hugo Chávez au Venezuela, Evo Morales en Bolivie,… avaient promis une transition vers le socialisme, mais ces discours n’ont pas été concrétisés par des mesures de véritable rupture anticapitalistes, raison pour laquelle leurs réformes sont à présent menacées. Dans les pays au gouvernement de centre-gauche comme le Brésil, la corruption est toujours aussi endémique, provoquant des crises politiques en sus des problèmes économiques.
Pendant plus de dix ans, le continent a connu une croissance économique rapide qui a encouragé les gouvernements de centre-gauche à mettre en place une série de réformes. Mais même après cette période de croissance, des millions de personnes restent dans la pauvreté. Pétrole, gaz, cuivre, soja et autres matières premières présentes en quantité en Amérique latine ont trouvé d’importants débouchés sur le marché chinois, raison derrière cette croissance. Mais le ralentissement de l’économie chinoise se fait à présent ressentir sur les exportations de matières premières, avec également un impact sur leurs prix.
La dépendance de l’Amérique latine vis-à-vis des exportations de matières premières a conduit à une rapide désindustrialisation. Les matières premières comptent aujourd’hui pour 60 % des exportations brésiliennes. Au Venezuela, le pétrole constitue 96 % des exportations.
Conséquences politiques
La crise a frappé alors que des gouvernements de gauche ou de centre-gauche existent dans plusieurs pays du continent. D’où une grande confusion. Certains parlent d’un virage à droite de la région et il est certain que le mécontentement a ouvert une brèche qu’instrumentalisent diverses forces de droite traditionnelle afin de se construire un plus grand soutien. Il s’agit cependant bien plus de l’expression de l’absence d’une véritable alternative socialiste.
Le Brésil a connu une vague de grèves ce début de l’année (fonctionnaires, enseignants, ouvriers de l’automobile, métallurgistes,…). Dans l’État du Paraná, la fonction publique est partie en grève à durée indéterminée, contraignant le gouvernement régional à annuler ses plans d’austérité. Les ouvriers de Volkswagen et de General Motors ont obtenu des victoires partielles contre des licenciements.
Les immenses scandales de corruption au Brésil (qui impliquent également des cadres du Parti des travailleurs de l’actuelle présidente Dilma Rousseff) ont fait exploser la méfiance envers tout le système politique. La droite joue sur ces évènements et exige la démission de Rousseff. Le PT a répondu en tentant de mobiliser sa propre base, mais beaucoup de militants ne sont plus prêts à s’impliquer. Heureusement, il y a également eu des actions revendiquant des réformes sociales, qui critiquaient tant le gouvernement que la droite. La marche du 15 avril à São Paulo a ainsi réuni 30.000 personnes à l’initiative du Parti pour le socialisme et la liberté (PSoL) et du Mouvement des travailleurs sans toit (MTST), soutenue par le syndicat de lutte CSP-Conlutas (Centrale syndicale et populaire) et même (après hésitations) par le syndicat officiel, la Centrale unique des travailleurs (CUT). Cette marche a été suivie d’autres dans le pays. La direction syndicale subit en ce moment une forte pression de la base qui exige une grève générale nationale de 24 heures.
C’est l’Argentine qui illustre le mieux le fait que la gauche véritable peut se renforcer dans le cadre de la lutte contre la politique d’un gouvernement de centre-gauche qui refuse de rompre avec la logique du capitalisme. La croissance électorale du Front de gauche des travailleurs (FIT), une alliance de différents partis trotskistes, contredit cette idée d’un virage à droite du contenu. Le succès de cette alliance dépendra à présent de sa capacité à se consolider après son succès initial et à attirer des syndicalistes pour construire un nouveau parti large des travailleurs.
Le régime du Venezuela sous pression
La catastrophe économique au Venezuela a été approfondie par la chute du prix du pétrole. L’économie vénézuélienne va reculer de 5 % cette année (la récession était de -4 % l’an dernier). Un tiers des denrées de base (viandes, médicaments, vêtements) ne sont plus disponibles nulle part. Dans la rue, des gens annoncent vouloir échanger du papier toilette contre du savon, etc. Le Venezuela connait actuellement un des plus forts taux d’inflation au monde : environ 70 %.
Cela sape le soutien au gouvernement. Ces problèmes résultent de la spéculation et des efforts des capitalistes pour déstabiliser le pays mais aussi de l’approche bureaucratique suivie par le régime chaviste. Les réformes de Chávez sont remises en question. Le système des soins de santé est en crise : sur 45.000 lits dans les hôpitaux publics, seuls 16.000 peuvent être utilisés en ce moment, faute de moyens. Le soutien au président Maduro est tombé à 30 % dans les sondages. C’est le résultat de l’impasse d’avoir voulu réformer le pays tout en restant dans les limites du capitalisme, sans véritable nationalisation de l’économie sous contrôle et gestion démocratiques de la population. La voie a donc été ouverte pour la déception, ce sur quoi compte la droite.
La fin de l’embargo sur Cuba
L’impérialisme américain a complètement revu sa politique à l’égard de Cuba. Début 2015, Obama et Raúl Castro ont annoncé un accord historique. Obama a reconnu : ‘‘On ne peut pas faire la même chose encore et encore pendant 50 ans en espérant obtenir un résultat différent.’’ Les classes dirigeantes européennes et canadienne, ainsi que la majorité des capitalistes latino-américains, ont choisi une autre approche, à présent également suivie par Obama.
Depuis la révolution cubaine de 1959, l’impérialisme américain a maintenu un strict embargo contre Cuba et a fait différentes tentatives d’y mettre à bas le régime stalinien afin de restaurer le capitalisme, jusqu’à monter une intervention militaire en 1961. Malgré les graves conséquences de l’embargo américain sur l’économie cubaine, les États-Unis n’ont rien obtenu. La révolution cubaine continue en effet à jouir d’un large soutien parmi la population. Les États-Unis ont donc à présent opté pour une autre politique, avec le même objectif. Comme Léon Trotsky le disait à propos de l’ex-Union soviétique, la menace de la restauration capitaliste peut aussi revêtir le masque de ‘‘marchandises bon marché dans le train de l’impérialisme’’ en inondant le pays de marchandises et d’investissements.
La situation révolutionnaire au Venezuela, en Bolivie et en Équateur au début de ce siècle n’a malheureusement pas été utilisée pour s’orienter vers une fédération libre d’États socialistes latino-américains. Les régimes réformistes de Morales, de Chávez et de Rafael Correa ont accompli d’importantes réformes populaires, mais sont restés dans le cadre du capitalisme. Parallèlement, le régime cubain progresse dans la voie d’une restauration capitaliste, dont la tête de pont a été établie dans le secteur touristique, avec des mesures telles que la hausse de l’âge de la pension, la création de zones de libre-échange au port de la baie de Mariel,… Si l’assouplissement des restrictions aux voyages à l’étranger doit être applaudi, les autres mesures menacent les conquêtes de la révolution.
La transition vers une complète restauration du capitalisme ne va pas s’effectuer en ligne droite. Certaines factions au sein du régime ne voient pas cette restauration d’un bon œil. Ainsi, Mariela Castro, la fille du président Raúl, déclarait en janvier que : ‘‘La population cubaine ne veut pas d’un retour au capitalisme.’’ Les secteurs stratégiques de l’économie n’ont pas encore été privatisés ni vendus à des capitalistes étrangers. L’arrivée de Mastercard et de Netflix est à noter, mais cela reste essentiellement symbolique.
La crise et la résistance
Pour les socialistes et pour la classe des travailleurs, chaque pas vers restauration du capitalisme est un pas en arrière. Ce processus sera au final utilisé par la classe dirigeante, surtout en Amérique latine, pour discréditer l’idée selon laquelle le socialisme est une alternative au capitalisme, sans toutefois avoir un effet comparable à l’offensive idéologique antisocialiste qui a suivi la chute des anciens régimes staliniens en Europe de l’Est et dans l’Union soviétique vers 1989-1991.
La fin de l’embargo pourrait donner à Cuba la possibilité de commercer sur le marché mondial. Sans une véritable démocratie des travailleurs, cela risque d’accélérer le développement de la restauration capitaliste. Eviter ce danger exige d’instaurer le monopole d’État sur le commerce extérieur, sous contrôle démocratique de la classe des travailleurs. Dans le contexte d’une nouvelle crise internationale du capitalisme, il est possible que les mesures visant à la restauration capitaliste restent limitées, que Cuba reste coincé dans une situation hybride.
Les conquêtes de la révolution concernant les soins de santé ou l’enseignement seront sans doute maintenus, même si ces secteurs connaissent des pénuries en raison de l’insuffisance des investissements. Certaines couches de la population ont peur de la disparition de ces conquêtes et craignent que leur pays ne se retrouve relégué au rang de simple république bananière. Il faut lutter contre la restauration capitaliste mais aussi pour la démocratie des travailleurs et l’économie démocratiquement planifiée.
L’Amérique latine a besoin d’une alternative socialiste de masse. Il faut pour cela reconnaitre le caractère limité des réformes, même radicales, et des méthodes bureaucratiques suivies au Venezuela, en Bolivie et en Équateur. Ces pays restent prisonniers du capitalisme. Le fait que la droite parvienne à mobiliser de manière populiste et opportuniste au Brésil, au Venezuela et dans d’autres pays démontre l’urgence d’un mouvement socialiste fort. La classe des travailleurs et les socialistes révolutionnaires doivent utiliser cette nouvelle période de crises et de luttes pour construire une alternative socialiste combative.
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Cuba : De nouvelles luttes pour de vieux défis
En décembre dernier s’est tenue une réunion du Comité Exécutif International du Comité pour une Internationale Ouvrière, dont le PSL/LSP constitue la section belge. Un représentant d’un collectif cubain, Obseratorio Critico (Observatoire critique), était également présent. Voici ci-dessous l’intervention qu’il a faite à cette réunion au sujet de la situation cubaine.
Prise de parole de Rogelio M. Díaz Moreno (Observatorio Critico) lors de la réunion internationale du CIO
Les conquêtes de la révolution
Nous savons combien il est difficile de transmettre la complexe et intéressante réalité qui y existe. La fin du soi-disant camp socialiste a coûté à Cuba plus de 80% de ses marchés et de ses subventions soviétiques. En plus de cela, l’agression impérialiste du gouvernement américain s’est accrue, le blocus économique s’est intensifié et le financement des groupes d’opposition de droite a augmenté de plusieurs millions de dollars. En outre, l’activité des groupes promouvant des actes terroristes dans mon pays est toujours tolérée sur le territoire des USA. L’ingérence impérialiste des USA a été et sera un facteur crucial dans le cas de Cuba, car elle alimente les tendances réactionnaires et conservatrices du gouvernement cubain actuel, qui utilise cela comme prétexte pour harceler les forces de gauche, socialistes et indépendantes de sa bureaucratie.
Rappelons que lors du triomphe de la Révolution, les forces victorieuses fusionnèrent dans un parti unifié sur base des mouvements qui dirigèrent la lutte. Fondamentalement, il s’agissait des mouvements interclassistes du Mouvement du 26 juillet et du Directoire révolutionnaire, ainsi que du Parti communiste de nature stalinienne, cela avec l’appui décisif de la paysannerie.
Le programme initial de ce parti n’était pas socialiste, bien que progressiste du point de vue nationaliste bourgeois. La réforme agraire était son drapeau principal. Mais la lutte de classe qui a suivi a radicalisé et polarisé la politique du moment. La réforme agraire, la nationalisation des entreprises, la campagne d’alphabétisation, l’intégration de la population dans des organes de défense de la révolution, la transition vers une économie planifiée excluant l’économie de marché, et un fort investissement social, parmi d’autres politiques, ont permis la transformation de l’État, même s’il manquait les éléments de contrôle et de démocratie ouvriers. Ainsi, ce système, assorti des subventions soviétiques, a permis de sortir de la situation de pauvreté atroce antérieure à la révolution, pour arriver à une société d’un bien plus grand développement humain. Mais c’est 30 ans plus tard, quand le Mur de Berlin est tombé, que la plus grande épreuve que le socialisme cubain a eu à traverser commença.
Après la chute du Mur de Berlin
Dans les années qui ont suivi, le gouvernement a pu continuer à s’enorgueillir de sa capacité gigantesque à pouvoir mobiliser des manifestations en sa faveur. Cependant, il y a eu recours à des moyens de pression sur les manifestants et la corruption a sévi parmi les organisateurs.
Nous ne pouvons pas non plus ignorer l’émigration d’environ un demi-million de Cubains au cours des 20 dernières années. De plus, après des décennies d’une politique qui s’est effectuée sans contrôle et sans mesures démocratiques pour participer aux prises de décisions de la politique nationale, un fossé insurmontable s’est créé entre la direction et les travailleurs. Le discrédit de l’idéologie soviétique a laissé un vide dans les rues cubaines, rapidement occupées par la philosophie symbolisée par la ville de Miami.
Cette philosophie est basée sur le fait de considérer la prospérité comme synonyme de consommation et le prestige personnel et social comme étant réduit à pouvoir montrer aux autres son haut niveau de vie. Chez beaucoup, cela a naturellement engendré une grande frustration ainsi qu’une tendance à recourir au crime pour satisfaire ces besoins. Cela a également été alimenté par les élites bureaucratiques corrompues, qui adoptent ouvertement ce mode de vie, loin des idéaux de la rigueur socialiste dont le paradigme le plus mémorable est la figure disparue d’Ernesto Che Guevara.
La politique économique du gouvernement n’a été capable que de stimuler cette mentalité de consommation, dans le cadre de sa tentative désespérée de s’attirer des devises convertibles. Les politiques sociales les plus importantes sont néanmoins restées, comme la sécurité d’emploi, le maintien de services d’enseignement, de santé et de sécurité sociale universelle. Cela a contribué à conserver le régime au pouvoir, même si, dans le même temps, les Cubains ont souffert de graves pénuries de produits alimentaires et industriels, de pannes de courant, etc.
Le modèle chinois ?
Nous pouvons aujourd’hui contempler la dérive lente, mais déterminée, vers une transition qui rappelle le modèle chinois : un système d’économie de marché sous le contrôle strict d’une force politique bureaucratique et autoritaire. Nous n’avons pas encore atteint ce point, mais l’ouverture au petit capitalisme national et au grand capital transnational qui se produit actuellement, en plus des coupes budgétaires dans les politiques sociales et dans les droits des travailleurs, nous incline à nous attendre à un tel développement.
La première fois qu’a été soulevé à Cuba le licenciement de près d’un million de travailleurs, il n’y a eu aucune résistance de la part de direction de la CTC, la centrale syndicale. Mais au niveau de la base, les travailleurs sont en ébullition. Toutefois, sans organisation consciente, le mécontentement en est resté au niveau individuel, même s’il s’agit d’une multitude d’individus. Cette colère a malgré tout convaincu le gouvernement de temporiser les choses et d’accorder des concessions.
Un nouveau code du travail
Les inégalités et le mécontentement s’intensifient, ainsi que les tendances individualistes et aliénantes. La dernière étape de ce processus est caractérisée par l’introduction d’un nouveau projet de Code du travail qui actualise certains principes de l’ancien code devenu ‘’obsolète’’, tel que le droit et le devoir de chaque citoyen d’avoir un travail. C’en sera donc fini de la sécurité d’emploi pour les travailleurs. Ils pourront, en effet, être licenciés plus facilement avec seulement la petite promesse de chercher des alternatives à l’employé congédié. Le syndicat conservera le droit d’émettre une opinion dans certains cas.
Voilà la situation dans le domaine de l’économie publique. Dans la sphère privée, la nouvelle classe émergente de capitalistes aura d’énormes possibilités pour exploiter ses employés. Nous n’avons trouvé aucun moyen de défense efficace des travailleurs dans ce secteur, concernant les droits minimaux, tels que les heures de travail, le salaire minimum, les vacances, les droits parentaux, les contrats de négociation collective, la défense contre la discrimination sur des critères de race, de genre ou d’orientation sexuelle. (Quelques jours plus tard, le Code a été adopté et il est supposé qu’il donnera des moyens de défense, au moins en théorie. Il reste à voir comment ils seront appliqués dans la pratique, NDT).
Solidarité internationale
Il faut saisir toutes les occasions pour dénoncer la bureaucratie qui insiste pour se présenter comme de véritables partisans du socialisme et de la souveraineté nationale, tout en vendant le pays par petits morceaux aux capitalistes locaux et internationaux. Il faut continuer à rappeler à tous que chaque citoyen a le droit d’être protagoniste de ses conditions et de la transformation de sa propre vie. Il faut apprendre à récupérer l’exercice de ce droit qui se trouve aujourd’hui dans les mains d’une élite appartenant au passé.
C’est dans ce cadre que nous nous sommes rendus à cette réunion du Comité pour une Internationale Ouvrière et que nous renforçons notre courage et notre espoir. Ici, nous avons testé la force de la solidarité qui peut s’établir entre les socialistes du monde entier.
Nous exprimons notre gratitude pour l’adhésion à notre cause de l’émancipation sur tous les terrains sociaux, contre la domination qui opprime ceux qui travaillent, ceux qui ont la peau noire ou une orientation sexuelle non majoritaire, etc., pour le soutien démontré contre toutes les causes de l’injustice qui existent dans notre pays et contre lesquelles nous ne nous lasserons jamais de combattre.
Au nom de l’Observatoire critique de Cuba et de moi-même, encore une fois, je vous remercie beaucoup.
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Quel avenir pour Cuba ?
Ce 8 septembre, Fidel Castro a accordé une interview au magazine américain ‘‘The Atlantic’’ dans laquelle il a affirmé que ‘‘le modèle cubain ne fonctionne plus’’. Après cela, le 14 septembre, le syndicat cubain a annoncé la suppression de quelques 500.000 emplois dans la fonction publique d’ici mars 2011. Effectivement quelque chose ne fonctionne plus…
Par Pablo N. (Bruxelles)
Bien sûr, l’Ile doit faire face à une aggravation conjoncturelle de sa situation notamment due aux 3 cyclones qui ont ravagé l’économie cubaine en 2008 et à la crise internationale qui frappe aussi là-bas, bien évidemment. Mais à côté de ces éléments se trouvent des problèmes structurels comme le blocus économique imposé par l’impérialisme américain, la productivité et le marché noir.
Le régime cubain riposte par des mesures d’austérité dignes de nos politiciens néolibéraux : suppression des cantines dans les entreprises d’Etat, diminution des bourses universitaires, augmentation de l’âge de départ à la retraite, etc. Et maintenant, ce licenciement massif. Cuba fournira encore à tous ces gens les meilleurs systèmes de santé et d’éducation de tout le continent américain, mais rien ne garantit que les salaires seront les mêmes.
Au-delà de cela se pose surtout l’idée du gouvernement cubain de jeter tous ces gens dans le secteur privé en créant ainsi un embryon de marché du travail et restaurer avec patience le système capitaliste, avec en exemple la Chine ou le Vietnam. En réaction s’élèvent plusieurs voix d’intellectuels, de militants du Parti Communiste Cubain (PCC) et des Jeunesses Communistes.
Par exemple, lors du dernier congrès du PCC en 2009 (celui qui a entériné cette politique pro-capitaliste), une plateforme de ‘‘communistes et révolutionnaires cubains’’ a proposé des points programmatiques comme la constitution de conseils ouvriers contrôlant les décisions dans les centres de travail, la modification du système électoral dans le sens d’une démocratie plus participative ou encore la possibilité de construire des courants au sein du Parti.
Bref, à Cuba, rien n’est encore joué et les masses vont intervenir dans le processus actuel.
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[DOSSIER] Venezuela – Parler du socialisme ne suffit pas, il faut passer à l’action
Le 26 septembre se dérouleront des élections générales au Venezuela. Pour la première fois depuis un moment déjà, certains sondages suggèrent qu’il est possible que le président Hugo Chavez perde sa majorité. La récession, la crise énergétique, la haute inflation, la criminalité et l’insatisfaction envers la bureaucratie et la corruption ont sapé le soutien pour Chavez.
Par Marcus Kollbrunner, Liberdade, Socialismo e Revolução (CIO-brésil)
La réponse de Chavez à ces problèmes a été d’intensifier sa rhétorique gauchiste tout en réprimant quelques-uns des plus puissants et riches capitalistes du pays. Voici un exemple de sa rhétorique gauchiste, issue d’une interview accordée à BBC Hard Talk le 14 juillet dernier;
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"Je vais vous dire quelque chose ; cela fait 11 ans que je suis arrivé au pouvoir et j’étais très naïf, je croyais à la ‘Troisième Voie’. Mais c’était une farce. Je croyais possible d’introduire le ‘Capitalisme rhénan’, le ‘Capitalisme à visage humain’, mais je me suis rendu compte que c’était impossible, que je m’étais trompé. Le capitalisme, c’est le règne de l’injustice, la tyrannie des plus riches sur les plus pauvres,… c’est pourquoi la seule manière de sauver le monde est le socialisme. Le socialisme avec la démocratie."
Cependant, même des anciens partisans de Chavez en sont venus à critiquer sa politique. Heinz Dieterich, lequel avait été conseiller du gouvernement et était l’idéologue derrière le slogan du ‘Socialisme du 21e siècle’, a déclaré lors d’une interview avec El Nacional en mars dernier que : "La politique du président n’a construit aucune institution que l’on pourrait appeler ‘Socialisme du 21e siècle’ (…) Rien n’a été fait au Venezuela qui ne diffère des marchés en Europe. Les programmes sociaux sont très positifs, mais rien de cela n’est le socialisme." La rhétorique de Chavez ne répond pas aux attaques de plus en plus nombreuses qui visent les travailleurs luttant pour de meilleures conditions.
Chavez est arrivé au pouvoir après les élections en 1998, une victoire qui était l’expression d’un profond mécontentement populaire envers la vielle élite et contre la politique néolibérale qui avait grandement augmenté l’écart de richesse et la pauvreté, malgré les ressources pétrolière conséquentes du pays. Chavez disait alors qu’il voulait mettre en œuvre la "Révolution Bolivarienne", se référant ainsi à Simon Bolívar qui avait lutté pour l’indépendance contre la domination coloniale espagnole au 19e siècle.
L’idée derrière cette "Révolution Bolivarienne" était d’introduire des améliorations pour la majorité de la population et de rompre avec la dépendance de l’impérialisme (les États-Unis sont toujours le premier partenaire commercial du pays). En augmentant les impôts et en prenant le contrôle du pétrole, il parvint à mettre en œuvre d’importantes réformes, lesquelles ont permis d’accroître l’accès aux soins de santé et à l’éducation pour les couches les plus pauvres de la population.
Mais la tentative d’introduire un capitalisme d’Etat-providence à l’européenne, le ‘Capitalisme rhénan’, a rencontré la résistance de l’élite. Avec le soutien de l’administration Bush, la riche élite tenta d’ailleurs de renverser Chavez lors d’un coup d’Etat en avril 2002 mais fut contrecarré par une révolte populaire spontanée. Fin 2002 – début 2003, une autre tentative de renverser Chavez a aussi eu lieu, cette fois-ci sous la forme d’une "grève générale" du patronat, un lockout destiné à saboter l’économie. Déjà à ce moment-là, Chavez aurait dû conclure qu’il était impossible de faire disparaitre les injustices à travers des réformes et qu’il était donc nécessaire de tout simplement rompre avec le capitalisme. Mais il a continué de tenter de former des alliances avec des sections de la bourgeoisie nationale.
La pression pour le changement issue d’en bas ainsi que les continuelles confrontations avec la vielle élite eurent toutefois pour résultat de pousser Chavez à déclarer début 2005 qu’il allait désormais s’efforcer de construire le "Socialisme du 21e siècle". Mais sa vision du "socialisme" était surtout celle du modèle cubain, où la bureaucratie est au pouvoir. Ce concept convenait bien à Chavez lequel, ayant fait carrière comme officier, était habitué à donner des ordres. Il ne s’est pas rendu compte de la nécessité d’organisations indépendantes de la classe ouvrière. Ceci renforça l’idée que tout devait être contrôlé d’en haut et la "Boli-bureaucratie" qui se développa avec tous les opportunistes qui affluèrent vers le pouvoir n’a fait qu’accroitre cette tendance. En conséquence, le régime de Chavez est marqué par la prédisposition de la bureaucratique à zigzaguer et à agir de manière arbitraire ainsi que par une mauvaise gestion.
Après une profonde crise économique en 2002-2003, la production s’est de nouveau remise à croitre rapidement avec l’aide de la hausse du prix du pétrole. En cinq ans, l’économie connut une croissance de 95%, la pauvreté diminua de moitié et la pauvreté extrême de 70 %. Les dépenses sociales furent triplées et la population connut un accès accru aux soins de santé et à l’éducation.
Pourtant, malgré les déclarations de Chavez selon lesquelles sa « politique socialiste » immunisait le pays contre les crises capitalistes, le Venezuela a été très durement touché par la dernière crise mondiale, avec une chute du PIB de 3,3 % en 2009, et il est fort probable que PIB chute encore cette année-ci. D’après l’économiste américain Mark Weisbrot, le gouvernement n’a pas instauré de politique visant à stimuler l’économie, ce qui contraste avec la situation de la Bolivie par exemple, où de telles mesures ont aidé l’économie à connaitre une croissance de 3 %. Au contraire, la croissance annuelle des dépenses d’Etat tomba de 16,3 % en 2008 à un misérable 0,9 % en 2009. Le gouvernement a également augmenté la TVA au début de l’année, ce qui a surtout frappé les pauvres.
Au début de l’année, l’économie du pays fut affectée par d’importants problèmes d’approvisionnement énergétique, ce qui contribua à faire chuter le PIB de 5,8 % lors du premier trimestre. De plus, le phénomène climatique « El Niño » a été exceptionnellement sévère cette année. Si le sud du Brésil a connu de grandes précipitations, le Venezuela a connu l’effet contraire : la pire sécheresse depuis un siècle. Ainsi, le niveau du barrage Guri, qui produit 70% de l’énergie électrique du pays, a dramatiquement chuté. En conséquence, l’eau et l’électricité ont été rationnées, ce qui a affecté l’activité économique. Cette crise n’a cependant pas uniquement été causée par El Niño, mais aussi par le manque d’investissements et de planification concernant la production énergétique.
Le Venezuela doit chroniquement faire face à des taux d’inflation élevés. Le gouvernement a accru de 25 % le salaire minimum cette année, mais cela n’a pas été suffisant pour couvrir la hausse des prix. L’année dernière, l’inflation était de 25 % et de 30% cette année, mais l’inflation sur les produits alimentaires est de 40 %. Comme le cours de change officiel du dollar n’a que peu de fois été ajusté ces dernières années depuis l’introduction du contrôle d’Etat sur le commerce des devises en 2003, le taux élevé d’inflation a conduit à une surévaluation de la monnaie au cours des dernières années. Néanmoins, cette tendance de surévaluation de la monnaie puise ses origines plus loin dans le passé. L’afflux de dollars dû à l’exportation du pétrole a maintenu la monnaie forte et moins cher l’importation de nourriture tout en entraînant une plus grande dépendance envers ces importations, au détriment de la production domestique.
Cette tendance a encore été amplifiée en 2003, lorsque Chavez a pris contrôle de la compagnie pétrolière PVDSA. Il a utilisé l’argent issu du pétrole non seulement pour mettre en œuvre d’importantes réformes, mais aussi pour importer de la nourriture afin de fournir des vivres bon-marché à 19 mille magasins alimentaires publics. En 2008, une compagnie alimentaire d’Etat fut fondée, la PDVAL, subsidiée par la PVDSA, pour s’occuper de l’importation et de la distribution de nourriture. Ainsi, la moitié des revenus issus du pétrole sont utilisés pour importer des denrées alimentaires.
Actuellement, le Venezuela importe deux tiers de sa nourriture. La tentative du gouvernement d’introduire une réforme agraire – 2,7 millions d’hectares (presque 1/10 des terres arables) ayant été redistribués – n’a pas eu d’effet considérable sur la production alimentaire en raison du manque de machines et de capitaux ainsi que de l’omniprésence de la bureaucratie. Le contrôle des prix par l’Etat est insuffisant pour mettre fin à l’inflation sur la nourriture, puisque les fournisseurs alimentaires privés refusent souvent de vendre aux prix établis par l’Etat. C’est dans ce contexte que Chavez a menacé de prendre des mesures contre les grandes entreprises alimentaires.
D’après l’économiste vénézuélien Angel Alayon, de l’organisation des producteurs alimentaires, l’Etat contrôle 75 % de la production de café, 42 % de la farine de maïs, 40 % du riz, 52 % du sucre et 25 % du lait. Mais cela n’a en rien aboli les pénuries rencontrées dans l’approvisionnement en nourriture.
Récemment, il a été révélé que des milliers de tonnes de nourriture, sous la responsabilité de la PDVAL, étaient en train de pourrir dans des containers. Cela représente un autre exemple de mauvaise gestion bureaucratique, peut-être mêlé à de la corruption, au profit des spéculateurs.
Au début de l’année, la monnaie vénézuélienne, le Bolivar, a été dévaluée et deux taux de changes ont été fixés pour le dollar, le plus bas pour rendre moins cher l’importation de nourriture, de médecines et d’autres produits de base et un autre pour les produits de luxe. Ceci n’a, toutefois, pas empêché un marcher parallèle avec les dollars, avec une valeur même plus élevée pour celui-ci. Dernièrement, l’Etat a réprimé les marchands en dollars et a établi son propre "dollar parallèle", avec une valeur flottante. Il est cependant peu probable que cette mesure mette fin au marché noir comme la moitié des importations sont payées avec le dollar parallèle.
La dévaluation est une conséquence de l’inflation, mais elle peut conduire à d’autres augmentations de prix. En même temps, les entreprises privées savent tirer profit de cette situation. Pour les multinationales, par exemple, les salaires des travailleurs vénézuéliens deviennent moins chers alors que les travailleurs doivent faire face à des hausses de prix.
Entre-temps, les reformes sociales stagnent ; de nombreux projets se sont détériorés et d’autres n’ont pas été pleinement mis en œuvre à cause de la corruption, les fonds étant épuisés avant que le projet ne soit complété, ou alors c’est la lenteur bureaucratique qui fait obstacle.
Chavez a souvent répondu à ces différentes crises par des discours radicaux et des menaces de nationalisations. La mise en œuvre de ces dernières a, toutefois, souvent été pleine de contradictions. La nationalisation a souvent voulu dire que l’Etat achète la majorité des actions laissant l’ancien propriétaire comme actionnaire minoritaire. Cela a été le cas, par exemple, pour la chaîne de supermarchés franco-colombienne Exito, laquelle a reçu beaucoup d’attention dans les médias.
Les contradictions entre les discours et les actions sont dû à certains facteurs qui sont en interaction :
- Premièrement, Chavez n’a pas de stratégie cohérente, mais réagi aux différentes crises au fur à mesure qu’elles apparaissent.
- Deuxièmement, il a établi des alliances avec des éléments de la bourgeoisie nationale, la « Boli-bourgeoisie » et ne s’attaque à ces bourgeois que quand ceux-ci rompent les relations ou si les contradictions deviennent trop fortes.
- Troisièmement, Chavez est influencé par ses « amis » étrangers, de Cuba jusqu’au Brésil et la Chine, de l’Iran à la Russie. Ceci autant idéologiquement, comme c’est le cas avec Cuba, mais aussi à travers différentes transactions commerciales avec la Chine, la Russie, etc. Par exemple, quand les travailleurs de l’ancienne aciérie d’Etat SIDOR demandèrent la renationalisation, Chavez refusa d’abord comme il ne voulait pas offenser le gouvernement argentin, principal propriétaire.
- Dernièrement, et ceci n’est pas le moindre des facteurs, Chavez règne à travers une couche de bureaucrates, laquelle a ses propres intérêts et sabote souvent les programmes publics.
Chavez est forcé de s’attaquer à la bureaucratie et de nationaliser certaines entreprises, mais il n’est pas capable d’éliminer la bureaucratie tout entière, comme son pouvoir repose sur celle-ci. Il ne fait pas confiance à la puissance de la classe ouvrière et à ses organisations indépendantes, qui sont pourtant les seules forces capables de s’en prendre à la bureaucratie.
Ceci conduit à une politique marquée par des tournants soudains et des changements abrupts, alors que le système capitaliste persistant et la mauvaise gestion de la bureaucratie étouffent l’économie. Dans ce contexte, les interventions de Chavez contre les capitalistes et les bureaucrates se font erratiques et arbitraires, puisqu’il s’attaque à d’anciens alliés.
La seule force capable de changer cette situation pour le mieux est la classe ouvrière organisée. Mais la bureaucratie rejette l’organisation et la lutte indépendante des travailleurs comme celles-ci représentent une menace pour leur pouvoir.
La lutte croissante de travailleurs de ces derniers temps a été l’objet de répression de la part de l’Etat et de la bureaucratie, une répression aggravée par les déclarations de Chavez que tous ceux qui font preuve d’opposition sont des "laquais de l’impérialisme". Des travailleurs en lutte font souvent face à une répression policière féroce. Plusieurs syndicalistes ont été tués, comme dans le cas de deux travailleurs qui ont trouvé la mort l’an dernier quand la police a tenté de briser l’occupation de l’usine de pièces de voitures Mitsubishi. A de nombreuses occasions, les travailleurs ont lutté pour la nationalisation des entreprises qui refusaient de leur donner des conditions décentes et, souvent, ils ont posé la question de la nécessité du contrôle ouvrier.
D’après Socialismo Revolucionario (section du Comité pour une Internationale Ouvrière au Venezuela), durant les dernières années, les travailleurs ont pris le contrôle de plus de 300 lieux de travail. Les travailleurs ont parfois reçu un certain soutien de l’Etat mais, bien plus souvent, ils ont été abandonnés et leurs efforts ont fini en défaite. Cela a notamment été le cas avec la tentative d’instaurer le contrôle ouvrier à Sanitarios Maracay. Certaines tentatives couronnées par le succès, comme à ALCASA, INVEPAL et INVEVAL, démontrent le potentiel d’un autre système qui ne repose pas sur le profit privé. Dans certaines entreprises, les travailleurs ont élus les plus hauts agents exécutifs.
Chavez a exprimé son soutien pour le contrôle ouvrier, mais la bureaucratie ne lâchera pas son pouvoir et ceci pose des limites à ces expériences. Malgré tous les discours sur la nationalisation et le "socialisme", l’Etat, d’après Chavez lui-même, ne contrôle que 30 % de l’économie, et seulement 26 % du secteur bancaire est aux mains de l’Etat.
Durant ces derniers mois, en réponse aux problèmes et en guise de se préparer pour sa campagne électorale, Chavez a accentué sa rhétorique radicale et a commencé de parler de mener une "guerre" contre "la bourgeoisie". Mais si la rhétorique n’est pas suivie d’actions réelles, l’effet peut être un scepticisme croissant, contre le "Socialisme du 21e siècle". Heinz Dietrich remarque dans son interview que "la conséquence logique de ceci est que le concept devient une banalité, ce qui pousse les gens à le rejeter." Il n’est pas à exclure que Chavez – si la crise s’approfondit, avec plus de sabotages de la part des capitalistes et plus de pression d’en bas – sera forcé d’aller plus loin avec les nationalisations. Il est difficile de dire jusqu’où il pourra aller dans cette direction.
Nous ne vivons plus dans un monde avec un bloc Stalinien, lequel pourrait permettre à Chavez de rompre avec le capitalisme et d’instaurer un système bureaucratique d’après le modèle de Moscou. Aujourd’hui, même Cuba se dirige en direction de la voie chinoise et s’ouvre à l’économie de marché, même si le processus est encore lent et ne suit pas une ligne droite. Il est possible pour le Venezuela de nationaliser une grande partie de son économie sans pour autant abolir le capitalisme. Durant la Révolution Portugaise de 1974-1975, l’Etat contrôlait presque 80 % de l’économie avant que le processus ne se dirige dans la direction inverse.
À l’intérieur du parti de Chavez, le PSUV (le Parti Socialiste Unifié du Venezuela), l’aile droite et la bureaucratie sont au pouvoir. Au début du mois de mai, le nombre impressionnant de 2,5 millions de membres du parti prirent part aux élections primaires, mais de nombreux militants de base se sont plaints que les candidats à la direction du parti disposaient de beaucoup plus de moyens pour mener leur campagne et qu’en fin de compte, ils ont presque tous été élus.
Il est encore trop tôt pour dire quel sera le résultat des élections. Néanmoins, malgré les plus faibles résultats dans les sondages de Chavez, ses opposants de droite ne bénéficient que de peu de soutien. Par ailleurs l’appareil d’Etat tout entier sera utilisé pour favoriser la candidature de Chavez. Le plus grand danger pour Chavez est une hausse de l’abstentionnisme, comme lors du référendum de 2007 concernant la modification de la Constitution.
Socialismo Revolucionario lutte pour des organisations des travailleurs indépendantes et en faveur d’une alternative socialiste, contre la vielle élite mais aussi contre la nouvelle élite bureaucratique qui étouffe le processus révolutionnaire.
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L’histoire du Comité pour une Internationale Ouvrière
Le capitalisme est un système mondial et il doit être combattu à la même échelle. C’est pourquoi le Parti Socialiste de Lutte fait partie d’une organisation marxiste internationale: le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), un parti mondial actif sur tous les continents. Notre lutte en Belgique s’inscrit dans le cadre d’une lutte des travailleurs du monde entier pour un société socialiste car si la révolution socialiste éclate sur le plan national, elle se termine sur l’arène internationale. La démocratie ouvrière et la planification socialiste de la production ne peuvent se limiter à un seul pays. C’est d’ailleurs l’isolement de la Russie soviétique qui a conduit à sa dégénérescence à partir de 1924.
Le CIO est une organisation socialiste internationale qui comprend des sections dans environ quarante pays sur tous les continents.
Lors du Congrès de fondation du CIO en avril 1974, quatre sections existaient alors (Grande-Bretagne, Allemagne, Irlande et Suède) et des membres étaient présents de Belgique, d’Inde, d’Espagne et du Sri Lanka, des pays où aucune section n’existait encore.
Au moment de notre neuvième Congrès Mondial (en janvier 2007), des représentants de sections du CIO de tous les continents étaient là : d’Allemagne, d’Angleterre et Pays de Galles, d’Australie, d’Autriche, de Belgique, du Brésil, du Cachemire, du Chili, de Chypre, d’Ecosse, des Etats-Unis, de France, de Grèce, d’Inde, d’Irlande, d’Israël, d’Italie, du Kazakstan, de Malaisie, du Pakistan, des Pays-Bas, de Pologne, du Portugal, de Russie, du Sri Lanka, de Suède, de Tchéquie, d’Ukraine et du Venezuela.
Les origines du CIO sont ancrées dans la lutte menée par Léon Trotsky contre la progression du Stalinisme. L’isolement de l’Union soviétique combinée à l’arriération du pays héritée du tsarisme a permis l’émergence du régime totalitaire stalinien. La lutte de Trotsky et de ses partisans contre ce régime a conduit à la fondation de la Quatrième Internationale, organisation internationale créée pour la défense de la démocratie ouvrière et du socialisme. Peu de temps après la fondation de la Quatrième Internationale a éclaté la seconde guerre mondiale et de nombreux militants, dont Trotsky lui-même, ont été assassinés tant par les fascistes que par les staliniens.
La dégénérescence de la Quatrième Internationale
Après la guerre, les dirigeants de la Quatrième Internationale survivants ont été confrontés à d’énormes difficultés dans la compréhension des changements qui étaient survenus dans la situation mondiale. Ils n’ont pas réussi à saisir le caractère de la croissance économique d’après-guerre en Occident, ni à comprendre les raisons du renforcement du stalinisme en Russie et en Europe de l’Est. Cette incompréhension s’est également vue dans l’analyse des révolutions du monde néo-colonial ainsi que dans l’analyse du rôle décisif de la classe ouvrière dans le changement de société.
En effet, la longue croissance économique exceptionnelle de l’après-guerre amena de substantielles améliorations dans le niveau de vie de la classe ouvrière, tout au moins dans les pays capitalistes développés. Beaucoup de ‘marxistes’ en tirèrent un peu vite la conclusion que les travailleurs salariés s’étaient ‘embourgeoisés’, et ne pouvaient dès lors plus constituer le moteur d’un changement socialiste de société. Ce fatalisme les poussa vers la recherche de nouvelles forces sociales pouvant se substituer au mouvement ouvrier.
Sous l’impulsion des mouvements de libération nationale qui explosèrent dans le monde colonial et semi-colonial (Asie, Afrique, Amérique Latine) dans les années’50 et ’60, les dirigeants de la Quatrième Internationale glissèrent vers un soutien acritique à la direction – souvent fortement influencée par le stalinisme – de ces mouvements. Les mouvements à prédominance paysanne et les méthodes de guérilla furent ainsi érigés en modèles, tandis que l’épicentre de la révolution mondiale fut déplacé vers le monde colonial et semi-colonial. Mao Zedong (en Chine), Fidel Castro (à Cuba) ou Hô Chi Minh (au Vietnam) furent ainsi présentés comme des «trotskistes inconscients», pendant que le réveil de la classe ouvrière en Europe, exprimé à merveille par l’immense grève générale des travailleurs français en mai’68, prit de court les dirigeants de la Quatrième Internationale, aveuglés par des perspectives erronées.
Une série d’erreurs politiques de ce type eurent comme conséquence l’effondrement de l’organisation et un fractionnement de celle-ci dans des dizaines de groupes différents.
Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) puise quant à lui ses racines chez des troskistes britanniques qui n’ont pas ignoré la nouvelle situation, mais n’ont pas cherché à l’exploiter de façon opportuniste pour obtenir des succès faciles ou chercher des raccourcis. Nous ne nous sommes pas non plus limités à l’analyse de la situation, mais avons cherché sans cesse à intervenir autant que possible dans les luttes pour diffuser les idées du marxisme parmi les travailleurs et la jeunesse.
Notre organisation a pendant longtemps été très petite et uniquement active en Grande-Bretagne ; pour autant, nous avons toujours conservé et exprimé sur le terrain une attitude internationaliste intransigeante. Dès ses débuts, notre journal anglais «The Militant» consacrait un nombre significatif de ses colonnes à la couverture des luttes au niveau international. Nous avons ainsi gagné davantage de militants, établi des contacts successifs dans d’autres pays, et à la fin des années ‘60, la possibilité de mettre en place les fondations qui ont été à la base de la création et de la croissance ultérieure du Comité pour une Internationale Ouvrière.
L’entrisme
Pour construire ses forces, le CIO a appliqué différentes tactiques à différents stades de son évolution, en fonction des conditions objectives du moment, tout en maintenant à tout moment une orientation consciente vers le mouvement ouvrier, en particulier vers ses couches les plus combatives.
Avant que la vague néo-libérale des années ’80, puis le tournant majeur représenté par la chute du stalinisme dans les années ’90, ne viennent affecter durablement la composition et le programme des partis sociaux-démocrates, ces derniers exerçaient encore une grande attraction sur un nombre important de travailleurs et de jeunes. Les partis sociaux-démocrates correspondaient typiquement à la définition que donnait Lénine de «partis ouvriers bourgeois» : des partis ouvriers de masse, bien que dominés par une direction réformiste et bureaucratique. A la base, les rangs de la social-démocratie comprenaient encore beaucoup de travailleurs activement engagés pour le parti, et étaient encore traversés de vifs débats politiques. Celui qui voulait être actif dans le mouvement ouvrier pouvait difficilement passer à côté de cette réalité.
La tâche des révolutionnaires demande d’être en contact le plus étroit possible avec les travailleurs. Par conséquent, les militants du CIO étaient d’avis qu’il était préférable de militer à l’intérieur même de la social-démocratie, en défendant conséquemment et ouvertement un programme marxiste, plutôt que de s’isoler en dehors de ces partis. A l’inverse d’autres groupes, cette tactique d’«entrisme» dans la social-démocratie n’a jamais été pour nous une panacée, ou un prétexte pour succomber aux idées réformistes et masquer le programme révolutionnaire. Bien au contraire, nous avons toujours mené notre travail drapeau déployé, défendant nos positions marxistes dans le but de combattre l’influence exercée par la direction bureaucratique sur ces partis d’une part, afin de gagner les travailleurs et les jeunes organisés dans ces partis à nos positions d’autre part. C’est ainsi que nous avons par exemple acquis une solide base de soutien au sein des Jeunesses Socialistes du Labour Party en Angleterre dans les années ‘70, ou de celle du SP en Flandre dans les années ‘80.
Pourtant, dès le milieu des années ’80, mais surtout après la chute du mur de Berlin, la situation a commencé à tourner. La chute des régimes staliniens a ouvert la voie à une offensive idéologique majeure de la part des représentants du capitalisme, et a servi d’excuse aux dirigeants des organisations de la social-démocratie pour retourner définitivement leurs vestes. Les idées de lutte, de solidarité et de socialisme furent mises de côté au profit d’une adhésion aux principes du libre-marché. La trahison des directions ouvrières traditionnelles a laissé place à un vide et à la confusion politique.
Dans ces conditions, l’idée selon laquelle les travailleurs et les jeunes en lutte se dirigeraient en premier lieu vers la social-démocratie devenait de plus en plus invraisemblable. C’est pourquoi petit à petit, la plupart des sections du CIO ont opté pour la création d’organisations révolutionnaires indépendantes et ouvertes, tout en appelant, dès le début des années ’90, à la formation de nouveaux partis larges des travailleurs, sur base de l’analyse de cette bourgeoisification des anciens partis ouvriers.
Liverpool et la lutte contre la Poll Tax
Un élément important dans le développement de quasiment toutes nos sections est notre engagement dans les différentes formes de lutte. Notre rôle n’a d’ailleurs pas seulement été limité à une participation active aux luttes car dans beaucoup de cas, notre organisation a su jouer un rôle crucial.
Les mouvements de lutte les plus importants que nous avons eu à diriger jusqu’à présent se sont déroulés en Grande-Bretagne, notamment contre Margaret Thatcher lorsqu’elle était Premier ministre. Au milieu des années ‘80, nos camarades (dont l’organisation s’appelait à ce moment-là Militant) ont dirigé la lutte de la commune de Liverpool contre les plans d’assainissement, une lutte accompagnée d’actions de grève et de manifestations massives. Plus tard, nous avons aussi été fortement impliqués dans la campagne contre la Poll Tax (un impôt introduit par Thatcher mais rejeté en masse par la population). Une campagne massive de désobéissance civile avait été organisée à tel point que 18 millions de personnes n’ont pas payé la Poll Tax. Les manifestations ont rassemblé jusqu’à 250.000 personnes. Grace à cela Thatcher a été contrainte de retirer cette taxe et même de prendre la porte.
Cette lutte avait été organisée en opposition à la direction du Labour Party (le parti travailliste) et à la plupart des dirigeants syndicaux. A Liverpool, ils ont même appelé les Conservateurs en soutien pour combattre la protestation. Avec la Poll Tax, ils n’ont pas réussi à en faire autant. Notre lutte contre les dirigeants pro-capitalistes du mouvement ouvrier a toujours été une donnée importante dans le développement de notre organisation.
Mais ce genre de lutte est bien plus difficile dans beaucoup de pays tels que la Grèce, l’Espagne, l’Afrique du Sud et la Suède. La direction des organisations ouvrières établies avait peur d’une répétition du succès rencontré en Grande Bretagne où, durant plus de 15 ans, nous avons pu diriger les sections jeunes du parti travailliste et où, dans les années ’80, nous avons pu faire élire trois camarades au parlement sous le slogan : «un parlementaire ouvrier à un salaire d’ouvrier».
Le Comité pour une Internationale Ouvrière a toujours été impliqué dans différents domaines des luttes. Parfois, nous avons même été les précurseurs autour de nouveaux thèmes, comme pour une campagne contre la violence domestique. D’autres initiatives ont également été très importantes, comme la fondation de «Youth against Racism in Europe» («Jeunes contre le racisme en Europe», en Belgique : «Blobuster» et «Résistance Internationale»), une organisation anti-fasciste internationale qui avait organisé une manifestation européenne à Bruxelles en octobre 1992 à laquelle 40.000 manifestants avaient participé.
À côté de nos campagnes sur les lieux de travail et dans les quartiers, les membres du CIO participent aussi aux élections. Dans se cadre là, nous insistons sur le fait que les élus du CIO participent activement aux mouvements de lutte et gagnent un salaire identique à celui des travailleurs qui les ont élus. En ce moment, différents membres du CIO sont élus dans des conseils communaux en Grande Bretagne, en Irlande, en Suède et en Allemagne. Jusqu’il y a peu, nous avons également eu un député au parlement irlandais, Joe Higgins.
Lutter contre les dictatures et la division de la classe ouvrière
Dans d’autres pays, nous avons activement contribué à la lutte contre les dictatures, comme lorsque nous nous sommes impliqués pour la construction de syndicats combatifs en Afrique du Sud à l’époque du régime de l’apartheid. D’autres camarades ont clandestinement milité au Chili contre le régime de Pinochet. Au Nigéria, après l’annulation des élections présidentielles de 1993 par les généraux, l’opposition démocratique a soutenu l’appel de nos camarades pour une grève générale.
Dans certains pays, nous avons été confrontés à des situations extrêmement difficiles. Ainsi nos camarades d’Irlande du Nord et du Sri Lanka ont dû s’opposer à la division nationale ou religieuse. Nous avons toujours défendu la nécessité de l’unité des travailleurs dans les luttes et la résistance contre la répression d’Etat. Nous avons été les seuls dans la gauche à défendre une position constante et principielle à propos de la question nationale en partant des intérêts de la classe ouvrière dans son ensemble.
La chute de l’Union Soviétique a conduit à une situation mondiale fondamentalement différente et a eu d’énormes répercussions sur toutes les organisations politiques. Face à ces évènements, bon nombre d’organisations et d’individus ont été désorientés, confus, et ont abandonné la lutte pour le socialisme en capitulant face à l’idéologie de la classe dominante. Le CIO a analysé et tenté de comprendre la signification de la chute du bloc de l’Est : entre autres le renforcement de la position de l’impérialisme américain et le virage à droite de nombreuses organisations ouvrières. Mais nous avons toujours défendu la nécessité du socialisme comme seule alternative au capitalisme et avons toujours cherché à l’expliquer le plus largement possible.
Le CIO a utilisé la méthode d’analyse marxiste pour approfondir la compréhension des événements et des processus qui se sont développés depuis les années ‘90. Contrairement à beaucoup d’autres groupes de gauche, nous avons ainsi non seulement pu conserver nos membres au cours des très dures années ’90, mais nous avons en outre beaucoup renforcé nos organisations ainsi que gagné de nouvelles forces dans différentes régions du monde. La nouvelle période qui se trouve face à nous aujourd’hui va nous permettre de mettre bien plus en avant le précieux héritage que nous avons préservé dans ces années bien difficiles.
Rejoignez le CIO !
Mais la construction de nos propres forces ne nous a pas empêché d’avoir des discussions avec d’autres groupes pour, si possible, mener des actions en commun. Si ces discussions conduisent à un accord politique sur les principes fondamentaux, une organisation commune peut alors naître, comme cela s’est passé notamment en Belgique ou en France au cours des années ‘90.
Le CIO est ouvert à toute personne qui veut lutter pour un monde meilleur, un monde socialiste, et qui est ouverte à discuter de nos idées. Nous avons toujours été préparés à discuter avec différents groupes et individus qui ont acquis une autre expérience que la nôtre dans les différentes luttes et qui veulent construire un mouvement socialiste.
Alors si vous êtes intéressés par les idées du CIO, n’hésitez pas à nous contacter et à nous rejoindre!
- Liens vers les différents sites du CIO et de ses sections
- Section de socialisme.be réservée aux nouvelles du CIO
- Site du CIO – socialistworld.net
La semaine passée, une carte blanche de Bill Wirtz, coordinateur local pour le groupement libéral Students for Liberty, critiquait la tenue d’un meeting sur la révolution cubaine à l’occasion des 50 ans de la mort de Che Guevara. L’organisation à l’initiative de ce meeting, Etudiants de Gauche Actifs (EGA) aimerait clarifier certains points : Che Guevara était-il stalinien ou un véritable socialiste ?