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Tag: Crise
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Assises franco-belges de l’Ecosocialisme
Ce samedi 28 septembre, le Parti de Gauche co-organisait les Assises Franco-Belges pour l’écosocialisme avec Vega, Rood! et le Mouvement de Gauche. Dans la salle Helder Camara de la CSC, à Bruxelles, des responsables issus du monde associatif, syndical et politique y ont communiqué leur analyse du danger que représente le capitalisme pour l’environnement et la nécessité de construire une alternative fusionnant les revendications écologiques et sociales afin de sortir de la crise.
Par Sébastien (Liège)
Pour ce faire, la matinée fut consacrée à la réflexion sur la signification de ce projet politique tandis que la relation de ce dernier au pouvoir d’une part, à l’action syndicale d’autre part, ainsi que la crédibilité de ce projet au gouvernement furent questionnés au cours de l’après-midi. Enfin, Jean-Luc Mélenchon conclut sur un discours portant sur la nécessité de la révolution citoyenne. Le PSL était présent. Analyse d’une journée réussie placée sous la bannière du poing rouge soutenant l’arbre vert.
Dès l’introduction, le ton est donné par Corinne Morel-Darleux (secrétaire nationale à l’écosocialisme du Parti de Gauche français) qui précise, en substance, que ‘‘nous [les écosocialistes] refusons le capitalisme vert, l’environnementalisme béat. Notre écologie est anticapitaliste, elle se revendique des luttes de la gauche. […] On ne se revendique pas de l’écologie qui nous dicte que, pour lutter contre la société, il faudrait se brosser les dents sous la douche. Non : nous pensons qu’il faut toujours faire le lien entre socialisme et écologie en se liant à la classe ouvrière car ce sont les travailleurs qui sont à la production, qui maitrisent les machines, et détiennent donc les clés d’un possible changement.’’ Mais quelle est la nature de ce changement ? En effet, si la dénonciation du système capitaliste semble farouche, les propositions soulevées semblent, elles, ne pas être à la hauteur pour enterrer celui-ci (on entend notamment envisager de mettre en place une ‘‘autre fiscalité’’, etc., des mesures qui n’en s’en prennent pas au cœur du système capitaliste : la propriété privée des moyens de production). Surtout, la méthodologie pour parvenir à un changement de système nous restait malheureusement floue et semblait se limiter à la construction d’une relation de force purement électorale.
Pourtant, développer une méthode d’action qui ne se limite pas aux enceintes des institutions actuelles, construites pour et par la classe dominante, est nécessaire pour prétendre à un changement effectif. Ce besoin de changement de modèle sociétal est mis en évidence au sein des syndicats. De fait, Jean-François Tamellini (secrétaire fédéral de la FGTB) insiste : ‘‘on doit changer de modèle ! C’est [d’ailleurs] inscrit dans mes statuts’’, en précisant que ‘‘pourtant, il est dur de convaincre dans mes propres rangs : ils ont peur de changer les choses. Il faut pourtant changer ce modèle sociétal.’’ Cette vision est rejointe par Dominique Cabiaux (vice-président de la CSC Services Publics) et ce dernier rajoute que ‘‘construire le changement en observant lucidement les conditions d’une grande transformation ne peut être rencontré qu’en fédérant toutes les forces de progrès.’’
Selon nous, cela ne peut que signifier de rejeter clairement la politique pro-patronale du PS et, notamment, de donner le plus large écho à la nouvelle brochure de la FGTB de Charleroi & Sud Hainaut (faisant suite à l’appel du premier mai 2012 de cette même centrale) dans laquelle il est spécifié que ‘‘nous avons besoin d’une nouvelle stratégie politique car, sans relais politiques forts à gauche, nous sommes condamnés au recul en permanence. […] Nous avons besoin d’une FGTB forte et d’une nouvelle force politique à gauche digne de ce nom.’’ Il nous était évident qu’il fallait intervenir avec cette brochure lors de ces assises, et ce texte figurait à notre stand, parmi le reste de notre matériel politique, afin qu’il soit distribué. Cet appel a bien semblé susciter une grande attention puisqu’il ne nous restait plus un seul exemplaire à la fin de la journée, sur les dizaines que nous avions avec nous.
En guise de conclusion, Jean-Luc Mélenchon est intervenu en amenant des points très importants qui n’avaient pas été traités ou avaient simplement été légèrement soulevés au cours de cette journée : le danger du Traité budgétaire européen (TSCG), la question de l’imposition d’un rapport de force, la situation révolutionnaire en Tunisie, l’importance de porter la lutte au niveau mondial et la dénonciation d’un capitalisme ‘‘vert’’, qui est ‘‘structurellement impossible’’, sont par exemple des sujets ayant fait partie intégrante de son allocution, parmi de très nombreux autres.
Mais, tout en voulant souligner les points importants de ce discours – et notamment les réponses qui ont été apportées contre une vision culpabilisatrice de l’écologie, sur l’erreur qui consiste à confondre son mode de vie avec un mode de combat, sur l’importance de la planification écologique et le rôle central des travailleurs – ainsi que la manière dont ils ont été amenés, il nous semble aussi important de parler de points de désaccords, notamment au niveau de la question de la construction d’un rapport de force basé essentiellement sur les élections et sur le combat pour une VIe République.
En effet, sans remettre en question le fait de mener campagne et d’essayer d’avoir le plus de poids possible sur la scène politique, nous pensons que la construction d’un rapport de force dans des élections doit rester un outil parmi d’autres que nous offre la ‘‘démocratie’’ bourgeoise pour gagner en importance et visibilité ; mais ce travail électoral ne doit certainement pas se substituer à la construction au quotidien d’un rapport de force, celui-ci s’établissant directement là où la lutte se déroule : sur les lieux de travail, dans la rue, dans les manifestations, etc.
C’est d’ailleurs en ce sens que les militants du PSL présents sont fraternellement intervenus, en attirant l’attention sur la nécessité de donner un contenu de classe à la ‘‘révolution citoyenne’’, en se basant sur la force de la classe des travailleurs et sur ses méthodes de mobilisation de masse et de blocage de l’économie par l’arme de la grève générale. Cela passe aussi selon nous par la critique des sommets syndicaux actuels et de leur stratégie, alors que certains à gauche considèrent qu’il faut scinder les questions politique et syndicale. D’autre part, si le terme de ‘‘planification écologique’’ a l’avantage de mettre en exergue la notion d’une économie planifiée, il ne saurait être question d’une planification durable si elle n’intègre pas tous les secteurs clés de l’économie par leur nationalisation et leur gestion sous le contrôle démocratiques des travailleurs et des usagers. Enfin, si l’importance du lien entre crise écologie et réponse socialiste est fort bien mis en avant par le Parti de Gauche, nous pensons toutefois que l’écologie est un domaine d’action inhérent au socialisme : le terme-même ‘‘d’écosocialisme’’ semble suggérer le contraire en extirpant cette notion d’écologie du programme socialiste et en faisant rompre la relation intrinsèque de ces deux termes afin de mieux les recoller, de manière hasardeuse. Quand nous parlons de faire le bilan du stalinisme, il s’agit notamment de remarquer que l’absence de démocratie dans une économie planifiée entraîne des conséquences extrêmement néfastes au niveau de l’environnement de même qu’au niveau de l’économie. Comme le disait le révolutionnaire russe Trotsky, la planification ‘‘a besoin de démocratie comme le corps humain a besoin d’oxygène.’’
Pour faire face à la crise écologique qui rend impossible l’accès à des besoins de base comme l’eau, la nourriture ou un environnement sain, pour renverser et remplacer ce mode de production chaotique du capitalisme, le PSL met en avant la nécessité d’une réponse réellement socialiste, c’est-à-dire basée sur le marxisme révolutionnaire. Plus que jamais, il faut réfléchir à la manière de parvenir à cette alternative socialiste et agir en ce sens.
Cette journée des assises a permis d’illustrer le large spectre d’analyses et d’opinions divergentes au sein des plus de 300 participants. Nous nous sommes par exemple très peu retrouvés dans la vidéo de Paul Ariès et dans les discours de décroissants. Pour autant, par le passé, cela ne nous a pas empêché de collaborer avec des partisans de ces analyses autour d’un projet commun, notamment à Liège dans le cadre de la campagne de Vega (Verts et à Gauche).
Nous avons pu avoir de nombreuses discussions, à notre stand ou dans les couloirs, au sujet de la nécessité de construire en Belgique un relais politique large des luttes sociales. Nous avions d’ailleurs également avec nous, au côté de la brochure de la FGTB de Charleroi & Sud-Hainaut, la lettre ouverte à la gauche que nous avons écrite et publiée dans la perspective des élections de 2014. Un tel instrument politique se devra d’intégrer en son sein les divers courants à la gauche du PS et d’Ecolo et de permettre le débat démocratique entre eux, en respectant l’identité politique de chacun. Dans ce sens, cette journée qui a réuni des partisans d’opinions parfois très diverses a constitué un pas dans la bonne direction – et nombreux étaient ceux qui ne voulaient pas en rester là – en permettant à chacun de pouvoir exprimer ses idées (même si le temps de débat avec la salle fut limité en raison du nombre impressionnant d’intervenant à la tribune) pour autant qu’il soit présent.
Photos de Rood!
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USA : Les socialistes révolutionnaires ouvrent la voie vers une représentation politique des travailleurs indépendante du capital
L’an dernier, les États-Unis ont été moins plongés dans la tourmente économique que l’Union Européenne. Il ne faudrait pourtant pas en conclure que des changements fondamentaux n’y sont pas à l’œuvre. Ce bon vieux ‘‘Rêve Américain’’ gît sur le sol, brisé. L’impressionnant mouvement Occupy qui a déferlé sur le pays en 2011 passera à l’Histoire comme l’une des premières manifestations de ce virage dans la société américaine.
Par Bart Vandersteene
L’économie sous perfusion
L’élite américaine est parvenue à repousser une crise similaire à celle qui frappe l’Union Européenne à l’aide d’une intervention gouvernementale sans précédent. Sans cette ingérence de la part d’autorités publiques qu’ils détestent pourtant tellement, tous les grands adeptes du ‘‘libre marché’’ et du libéralisme auraient assisté, impuissants, à l’effondrement total de leur système. Sans l’intervention du gouvernement et l’instauration d’une politique monétaire basée sur l’injection permanente d’argent dans le système, le chaos économique se serait abattu sur le pays de même qu’une révolte sociale de grande ampleur.
Avec une croissance de 2,2% en 2012, le pire semble être passé. D’ailleurs, commentateurs et politiciens bourgeois proclament l’arrivée de la fin de la crise: le déficit budgétaire US est passé de près de 10% à 4%, le Dow Jones a atteint un niveau plus élevé que celui d’avant la crise et le taux de chômage a chuté de 9,4% en 2009 à 7,4% aujourd’hui.
Pourtant, la crise n’a pas disparu. Pas moins de 5% de la population a perdu son logement, les investissements privés sont à un niveau excessivement bas malgré des taux d’intérêts historiquement bas et les politiques d’austérité font des ravages à tous niveaux. De l’ensemble des emplois créés depuis 2010, les bas salaires en représentent… 76% ! Il s’agit d’emplois temporaires qui fondent comme neige au soleil dès que l’économie cahote à nouveau, avec des salaires qui descendent régulièrement sous les 11 $ de l’heure (soit 8,22 €). Un quart des travailleurs américains gagnent moins que le salaire minimum en vigueur en Belgique. Pour tous ceux là, le Rêve Américain a cédé la place à une longue et pénible lutte pour la survie. En 2007, 55% de la population américaine décrivait sa situation financière comme étant ‘‘bonne’’ ou ‘‘parfaite’’. Ils ne sont aujourd’hui plus que 32%. Les autorités sont toujours tenues de maintenir l’économie sous perfusion pour éviter le pire. Les moyens de la collectivité ne sont pas orientés vers l’investissement public et la création d’emplois, mais vers l’impression d’argent pour maintenir au plus bas les taux d’intérêt et ainsi donner du temps aux banques pour se nettoyer quelque peu avant l’arrivée de la nouvelle vague de la crise.
La faillite de Detroit constitue-t-elle un précédent?
En juillet, la faillite de la ville de Detroit, autrefois le berceau de l’Amérique industrielle moderne, fut un coup dur pour le prestige des Etats-Unis. C’est l’exemple le plus extrême de l’effondrement de la société américaine. Pendant des décennies, Detroit a constitué un réservoir à profits pour les grandes entreprises du secteur automobile. Aujourd’hui, la ville est désertée et polluée.
Cette ville jadis synonyme de prospérité et de progrès connaît un terrifiant taux de chômage (50%) tandis que deux tiers des enfants vivent sous le seuil de pauvreté. Conséquence de la désintégration du filet social suite à de nombreuses années de coupes dans les budgets des services publics et des services sociaux, la criminalité y est cinq fois plus importante que la moyenne américaine. 47% de la population est analphabète. Mais Detroit n’est que le sommet d’un iceberg titanesque. Des dizaines de petites villes sont au bord de la faillite et plusieurs États sont aux prises avec une énorme montagne de dettes. Dans la pratique, une faillite signifie que de nombreux engagements des autorités sont en péril, comme le paiement des pensions.
‘‘15 dollars de l’heure et un syndicat’’
Cette année, des dizaines d’actions se sont produites sous ce slogan, sur base de la colère des travailleurs des secteurs à bas salaires (notamment dans les fast-foods). Le salaire minimum fédéral est actuellement de 7,25 $ de l’heure (5,5 euros). Si le salaire minimum de 1968 avait suivi l’inflation, il serait aujourd’hui de 16,8 dollars. Impossible de se construire une vie décente avec de tels salaires. Des millions d’Américains combinent donc plusieurs emplois pour pouvoir joindre les deux bouts, ce qui explique le soutien rencontré par les actions en faveur d’un salaire minimum de 15 $ de l’heure. Il s’agit aussi du slogan principal de Socialist Alternative à Seattle.
Socialist Alternative : une belle percée à Seattle, et maintenant à Minneapolis?
Démocrates et Républicains ne représentent que les deux facettes d’une même médaille : celle d’une politique aux ordres de l’élite capitaliste. Il a fallu une campagne très intelligente à Obama & Co pour réussir à faire croire en la perspective d’un ‘‘changement’’ en 2008. Mais Obama n’a rien changé, et sa popularité est très fortement retombée. Les promesses non tenues ont alimenté une grande frustration dont le danger est qu’elle soit instrumentalisée aux élections de mi-mandat de 2014 par les Républicains et, surtout, par les populistes de droite du Tea Party. Ils ne manqueront pas d’accuser des boucs émissaires tels que les immigrés, les demandeurs d’emploi, les syndicats,…
Mais cela peut être différent. L’espace pour une alternative politique de gauche radicale est étonnamment grand. Nos camarades de Socialist Alternative, malgré leurs moyens limités, ont pu s’en rendre compte dans leurs campagnes menées pour les élections locales dans les grandes villes que sont Seattle, Minneapolis et Boston. Défendre un programme explicitement anticapitaliste et socialiste ne constitue pas un obstacle.
À Seattle vient de se dérouler un premier tour destiné à désigner les deux candidats du second tour du 7 novembre. La candidate de Socialist Alternative, Kshama Sawant, a obtenu le résultat impressionnant de 35% (44.458 voix). C’est un résultat sans précédent pour un tel type de campagne. Un commentateur politique en parlé en ces termes: ‘‘ce n’est rien de moins qu’un tremblement de terre. Kshama a tracé une nouvelle voie pour des candidats indépendants qui prennent directement en main la défense des intérêts et des thèmes de la classe ouvrière.’’ Des dizaines de militants et de volontaires sont maintenant sur le pied de guerre pour la dernière ligne droite vers le second tour du 7 novembre.
Nous sommes tout aussi impatients de voir quels seront les résultats obtenus à Boston et Minneapolis. Ty Moore, candidat de Socialist Alternative à Minneapolis, y affrontera le candidat démocrate Alondra Cano dans la neuvième circonscription de cette ville de 400.000 habitants. Ty et Socialist Alternative ont acquis une certaine renommée au fil du temps grâce à leurs campagnes, notamment contre les expulsions et les saisies immobilières. Ces dernières années, des millions de familles ont été littéralement foutues à la porte de chez elles faute de pouvoir rembourser leurs hypothèques, la plupart du temps en raison de clauses scandaleuses imposées par les banques lors de la conclusion des prêts. Essentiellement sous l’impulsion de Socialist Alternative, le mouvement Occupy s’est orienté sur cette question et a lancé ‘‘Occupy Homes’’. De plus, la campagne de Ty bénéficie du soutien de la principale centrale syndicale de Minneapolis et de nombreux militants locaux. Ty a une petite mais réelle chance de se faire élire au conseil communal.
Socialist Alternative est la seule organisation de gauche radicale américaine à avoir correctement estimé les profonds changements en cours dans la société et les possibilités que cela ouvrait sur le plan politique. Le mouvement Occupy a laissé éclater au grand jour la colère et la rage de millions de personnes. La tonalité du débat politique a été puissamment modifiée au sein de la population. La jeunesse refuse de plus en plus la logique du système qui l’étrangle avec des prêts étudiants hors de prix et des emplois aux salaires de misère tandis que les travailleurs s’opposent à l’austérité et aux attaques antisyndicales. C’est sur ce contexte que ce sont rajoutés les scandales des révélations de Bradley-Chelsea Manning sur les crimes de guerre de l’armée US et du programme de surveillance massif de l’administration Obama.
Dans une déclaration qui a suivi le succès du premier tour à Seattle, Socialist Alternative a notamment expliqué reconnaître que ‘‘les élections ne sont pas l’endroit idéal pour faire de la politique et que c’est en soi insuffisant pour aboutir à un réel changement. Le pouvoir du Grand Capital et des médias contrôle la politique sous le capitalisme. L’histoire nous montre que chaque victoire des travailleurs a été remportée par des mouvements de masse. (…) Le développement de la lutte sociale dans les mois à venir déterminera le résultat exact des élections.
La ‘‘faisabilité’’ se mesurera à l’aune de l’organisation des jeunes et des travailleurs ainsi qu’à l’augmentation d’actions, de grèves, etc. (…) Nos campagnes constitueront un exemple vivant de la manière dont la gauche et les travailleurs peuvent mener des campagnes indépendantes et servir de modèle pour se répandre dans tout le pays. Ce n’est que l’avant-goût de la prochaine vague de résistance qui va défier la politique des deux partis du Big Business.’’
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Contre le capitalisme: Organisons la résistance!
En recevant son prix de ‘‘manager de l’année’’, Jan De Nul, le bien-nommé, a déclaré que s’il y a tellement de gens au chômage, c’est parce que ‘‘L’envie de travailler n’y est pas.’’ C’est particulièrement le cas chez les immigrés selon ce patron : ‘‘Vous savez combien d’immigrés nord-africains travaillent ?’’
Tract de rentrée des Etudiants de Gauche Actifs (EGA)
Voilà parfaitement synthétisée toute l’atmosphère actuelle. Tous ces capitalistes qui ont spéculé et profité de la moindre occasion pour cacher leurs profits dans des paradis fiscaux s’évertuent maintenant à faire endosser la responsabilité de la crise à ses victimes ! Chômeurs, immigrés, jeunes, retraités,… personne n’y échappe. Selon une étude récente d’Adecco, en Belgique, les jeunes envoient en moyenne 13 candidatures par mois mais doivent attendre 8,9 mois avant d’avoir effectivement un emploi.
Nous sommes embourbés dans la crise depuis cinq ans, et aucun rayon de soleil ne pointe à l’horizon. Le taux de chômage chez les jeunes a augmenté pour atteindre plus de 22% et, même avec une croissance économique limitée en 2014, le pire est à venir. Quant aux jeunes qui trouvent un emploi, ce sont souvent des jobs temporaires et précaires. Essayez dans ces conditions d’acheter ou même de louer une maison quand l’on exige de plus en plus d’avoir un contrat de travail à durée indéterminée… Ce système nous prépare une ‘‘génération sans avenir’’ !
Les capitalistes tentent par tous les moyens de masquer les causes de ce désespoir. Chercher un bouc émissaire parmi les victimes est très populaire, de même que monter diverses couches de la population les unes contre les autres. Le racisme, le sexisme et l’homophobie ont le vent en poupe. Cela donne aux militants d’extrêmedroite la confiance nécessaire pour passer à l’étape suivante et recourir plus ouvertement à la violence, comme en Grèce ou en France.
S’opposer à cette logique, ça signifie s’exposer à la répression. Nous n’en sommes pas encore à devoir traiter avec les gaz lacrymogènes, mais l’arsenal répressif belge a tout de même été élargi, notamment avec les Sanctions Administratives Communales (SAC) dont l’arbitraire permet d’être utilisées à toutes les sauces.
Nous voulons organiser la contre-offensive. Se plaindre tout seul n’est pas suffisant, nous devons nous structurer et lutter pour une alternative ! Il est nécessaire de se battre non seulement contre les effets de la crise, mais aussi contre ses causes. Le capitalisme créé la famine, la misère, le racisme et la répression. Et la crise montre, qu’encore une fois, ce système n’a aucun avenir à nous proposer. Construisons un outil de lutte avec lequel nous bâtirons une société différente, dans laquelle les intérêts de la majorité ne sont pas étouffés par ceux d’une infime minorité. C’est ce que nous appelons une société socialiste. Maintenant, n’hésite plus et rejoins-nous !
Syrie : Non à l’impérialisme, à la dictature d’Assad, à l’islam politique réac tionna ire et à toutes les forces capitalistes !
Il y a deux ans et demi, la Syrie a connu de larges soulèvements populaires sous l’impulsion des révolutions en Egypte et en Tunisie. Mais, les régimes semiféodaux du Qatar et d’Arabie Saoudite et les États impérialistes sont rapidement intervenus pour dévier le mouvement vers une guerre civile sectaire qui a, de plus, intensifié les tentions entre Sunnites et Chiites dans la région. Les images atroces de centaines de tués et de milliers de blessés, suite au recours aux armes chimiques, ont choqué la population du monde entier. Obama et d’autres politiciens occidentaux profitent de cette situation et tentent d’instrumentaliser ce sentiment populaire à leur avantage.
Vouloir en finir avec cette horreur est légitime, mais espérer que les gouvernements impérialistes puissent livrer cette solution est une terrible erreur, on l’a vu avec l’Irak, l’Afghanistan ou encore la Lybie. Nous ne pouvons pas prendre de raccourci !
L’intervention des forces impérialistes n’a aucune solution à offrir et n’a rien à voir avec la protection des civils, mais bien avec le renforcement de la domination impérialiste dans cette zone cruciale du monde. L’intensification des bombardements ne conduira qu’à une augmentation des souffrances des masses. Le régime syrien d’Assad est relativement fort et ne tombera pas en quelques jours. Puis, vu l’importance d’Al-Qaïda en Syrie, il existe aussi un grave danger d’un accroissement du terrorisme. Une intervention mènera, comme cela a déjà été le cas dans d’autres pays, à un conflit ethnique plus important encore, et qui pourrait durer des années, sans parler de l’impact au-delà des frontières syriennes.
Mais simplement s’opposer à l’intervention impérialiste est insuffisant, cela laisse la porte ouverte à un soutien au dictateur Assad. Pire, certains vont jusqu’à défendre l’idée erronée selon laquelle ‘‘les ennemis de nos ennemis sont nos amis’’. Il n’est pas non plus possible de prendre parti pour le camp des rebelles, liés soit à l’islam politique réactionnaire, soit à d’anciens dirigeants du régime. Chacune de ces forces défend des intérêts liés à l’exploitation et à l’oppression des masses. Notre seul camp, c’est celui de notre classe, celle des travailleurs, des jeunes, des opprimés ! Nous devons encourager son auto-organisation ! Cette approche est celle que nous défendons avec les Etudiants de Gauche Actifs.
Cette tâche est immense, mais la Syrie n’est pas isolée du reste du monde : les processus révolutionnaires sont contagieux et avancent par vagues. Les luttes de masse en Tunisie et en Egypte s’orientent vers la chute du système lui-même et pas seulement vers celle d’un gouvernement capitaliste autoritaire qui sera remplacé par un autre. La construction d’un rapport de forces vers un régime basé sur la satisfaction des besoins des masses aura ses répercussions sur la Syrie et ailleurs. L’élément crucial sera la construction d’instruments de lutte (comités, syndicat et parti) afin d’unir et de défendre les travailleurs et les pauvres par-delà leur religion ou leur ethnie.
Racisme, homophobie, sexisme : tout ce qui nous divise nous affaiblit !
L’extrême-droite et les forces réactionnaires instrumentalisent la colère sociale pour l’orienter contre des boucs émissaires, protégeant ainsi les vrais responsables de la crise : les capitalistes.
Les néonazis grecs d’Aube Dorée n’hésitent pas à utiliser la force contre les immigrés ou leurs opposants politiques. En juin, à Paris, le jeune militant antifasciste Clément Méric a été tué par des néonazis. Ripostons contre ces idées nauséabondes ! Lorsque l’extrême droite veut occuper les rues, tels les jeunes néofascistes flamands du NSV, mobilisons largement pour des contre-manifestations non-violentes !
En Russie, les lois et le harcèlement homophobes pleuvent et deviennent monnaie courante. En France, des mouvements conservateurs se sont développés contre le droit au mariage homosexuel. Chez nous, des courants similaires organisent des piquets d’intimidation devant les centres d’avortement de plusieurs villes contre le droit des femmes à disposer de leur corps. Défendons le droit à l’avortement, mais aussi le droit d’avoir des enfants sans s’appauvrir ! C’est pourquoi nous luttons aussi pour des places gratuites et de qualités pour chaque enfant dans les crèches et dans l’enseignement ! Pour des services publics de qualité, non à l’austérité !
Tout ce qui nous divise nous affaiblit ! Luttons ensemble pour une autre société sans discrimination de sexe, d’orientation sexuelle, de nationalité ou de religion !
Soutiens SOP-SAC
Les Sanctions Administratives Communales (SAC) sont de plus en plus répandues dans notre société. Petit à petit, tout est déclaré comme étant nuisible : un jeune qui mange un sandwich sur les marches d’une église ou un travailleur qui a le malheur de sortir ses poubelles un jour trop tôt. Mais ceux qui protestent contre les maux de cette société sont aussi touchés ! A Anvers, par exemple, ceux qui ont manifesté contre Monsanto, ont été arrêtés et sont menacés de recevoir une amende. Dans la logique d’austérité, les SAC sont devenues une nouvelle méthode pour faire rentrer de l’argent.
A Anvers, la ville espère toucher entre 1 et 1,25 millions d’euros des SAC. Nous refusons cette logique et appelons à soutenir Stop- SAC ! Le 26 octobre, il y aura une manife – station nationale contre les SAC dans la lignée de celle du 29 juin durant laquelle 1500 manifestants sont descendus dans les rues de Bruxelles. Cette dernière à clairement montré à Milquet – Madame SAC – que l’opposition à ces amendes n’est pas « du bruit sur internet ». Rejoins la campagne Stop-SAC !
Agenda
Meetings de rentrée
Tu veux mieux nous connaitre ? Alors viens à nos meetings de rentrée!
A Bruxelles, notre premier meeting sera sur l’héritage de la révolution chilienne de 1973 pour les luttes d’aujourd’hui (en + : expo photo des luttes sociales au Chili). La semaine d’après, nous parlerons de la situation en Syrie et de l’alternative à Assad et aux rebelles.
A Liège, après un premier débat sur la Syrie et la situation de révolution et de contre-révolution au Moyen Orient et en Afrique du Nord tenu début septembre, un meeting sera organisé sur l’héritage de la révolution chilienne.
- Bruxelles : Meeting Chili: 18/09, 19h au H13.08
- Bruxelles : Meeting Syrie: 24/09, 19h au H22.15
- Liège : Meeting Chili : 24/09, Fédération des Etudiants (Fédé), 24 Place du XX Août, 19h
Soutiens la campagne Stop-SAC
EGA est à la base de la campagne Stop-SAC en Belgique et l’initiative de la manifestation nationale du 26 octobre. Participe toi aussi à la construction d’un comité Stop-SAC dans ton université, ta haute-école…
26 oct, 14h à la gare du Nord
Encerclons le parlement!
EGA soutient l’appel des comités Action-Europe (CAE) pour aller manifester autour du parlement contre le gel des salaires!
26 sept, 17h à la Colonne du congrès
Manifestation contre les armes nucléaires
Fukushima a ramené dans l’actualité le danger du nucléaire civil… Ne laissons pas les gouvernements capitalistes l’utiliser comme arme!
Manif le 20 oct à 13h au Parc Jubel
Manifestation anti-NSV
Début mars, les néo-nazis du NSV (jeunes du Vlaams Belang) organisent leur marche de la haine annuelle. EGA organise systématiquement une contre-manif qui surpasse chaque fois celle de l’extrême droite !
Début mars 2014 à Anvers
Rejoins EGA!
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Via mail : egaulb@gmail.com / simonhupkens@yahoo.fr
Via SMS : “membre EGA + Nom + Ville” au 0473.25.33.25
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École d'été du CIO : La crise européenne et la lutte de classe
Il faut une alternative socialiste pour ce continent en crise
C’est Hannah Sell, membre dirigeante du Socialist Party d’Angleterre et du pays de Galles et membre du Secrétariat international du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), qui a introduit la discussion en session plénière sur la situation en Europe lors de l’école d’été du CIO qui s’est déroulée en Belgique en juillet et à laquelle ont assisté près de 400 militants, venus de 33 pays différents.
Rapport par Robin Clapp, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)
Tout le continent européen est en proie à une austérité brutale qui est la réponse de la classe dirigeante à cinq ans de récession économique. Cela fait six trimestres consécutifs que le PIB de la zone euro chute. Cette récession cause la panique parmi les capitalistes, qui sont maintenant aux prises avec les répercussions du ralentissement économique de plus en plus grand en Chine. Ce ralentissement étouffe les chances d’une reprise économique dans les quelques parties du monde qui sont jusqu’ici parvenues à se maintenir et à passer pour des acteurs de croissance économique.
L’Allemagne, qui était demeurée la locomotive économique de la zone euro, a maintenant commencé à stagner. Elle a connu sa plus grande contraction du PIB en quatre ans lors du premier trimestre de 2013. Alors que les marchés européens sont ravagés par la crise, les capitalistes allemands s’étaient en partie tournés vers le marché chinois, tirant parti de la demande chinoise qui semblait alors insatiable. Ils étaient ainsi parvenus depuis 2009 à doubler leurs exportations vers la Chine.
Une crise qui s’ouvre en plein cœur de la zone euro
Merkel est en train de réaliser qu’une nouvelle phase de la crise est en train de se développer au cœur même de la zone euro. L’Allemagne va sans doute bientôt connaitre sa première fermeture d’une usine automobile depuis 1945, et déjà les prédictions économiques changeantes ont eu pour répercussions un certain nombre de grèves, encore petites, mais extrêmement importantes.
L’industrie automobile européenne est en crise. L’énorme surproduction conduit à des pertes annuelles de 4 milliards d’euros pour les producteurs.
Dans toute la zone euro, le niveau général de la demande a chuté de 5 % par rapport au niveau d’avant la crise en 2007, alors qu’en Europe méridionale (Italie, Espagne, etc.) la demande s’est littéralement effondrée, avec une chute de 15 %.
L’expression sans doute la plus choquante de la crise européenne est la hausse sans précédent du taux de chômage, qui affecte surtout les jeunes. Les conséquences sociales de cette véritable bombe à retardement se feront sentir dans tous les pays. Le chômage des jeunes est de 60 % en Grèce, de 50 % en Espagne, et de 40 % en Italie et au Portugal. Il n’est pas un pays de l’Union européenne qui ne soit affecté. Dans un pays après l’autre, on voit les jeunes quitter leur pays à la recherche de travail. Notre camarade Laura du Socialist Party irlandais a expliqué que, dans son pays, l’émigration a atteint le même niveau que celui lors de la grande famine du milieu du 19ème siècle. Beaucoup de jeunes européens partent “se chercher” dans les anciennes colonies de leur pays. C’est ainsi que des légions de jeunes Portugais se rendent à présent en Angola ou au Mozambique.
L’inégalité en Suède
La Suède avait autrefois la réputation d’être un modèle d’“État-providence” social-démocrate sans son pareil après la Seconde Guerre. Pourtant, à partir des années ’80, l’inégalité s’est accrue dans ce pays plus rapidement que dans aucun autre pays européen. Un jeune sur quatre y est maintenant au chômage. Dans les quartiers ouvriers, le nombre de jeunes chômeurs est encore plus grand. Les émeutes de Stockholm qui se sont produites récemment reflètent le fait que là-bas comme ailleurs, ce chômage structurel mène à un dangereux déséquilibre qui ne peut que causer des explosions sociales.
Notre camarade Elin du Rättvisepartiet Socialisterna (Parti de la résistance socialiste, CIO-Suède) a expliqué comment le CIO a pu faire une importante intervention dans ce mouvement explosif, canalisant les très compréhensibles sentiments de colère, de désespoir et de dégout vis-à-vis des partis politiques en général, en une explication de pourquoi il nous faut absolument développer une alternative socialiste. Plus de 500 personnes ont participé à notre meeting dans le quartier de Husby d’où étaient parties les émeutes, en soutien à nos revendications pour la fin de la brutalité policière, pour des emplois et pour des logements pour les jeunes.
Les mouvements révolutionnaires sont une conséquence inévitable de la profonde crise qui affecte toute l’Europe, et les plus malins parmi les capitalistes en sont fort conscients. C’est de là que viennent leurs récentes tentatives désespérées, mais absolument inadéquates, de discuter de plans de création d’emploi lors de leur forum européen pour l’emploi.
Même là où les jeunes ont des emplois, ils tombent souvent dans le “précariat”, c’est-à-dire des contrats à l’heure, sans aucune sécurité d’embauche. Plus de 1,6 million de jeunes Italiens survivent grâce à des emplois temporaires sous-payés ; en Allemagne, 9 millions de travailleurs gagnent moins de 8,5 € de l’heure dans des emplois qu’on appelle des “mini-jobs”.
Notre camarade Angelica de Sozialistische Alternative (Alternative socialiste, CIO-Allemagne) a fait remarquer que les salaires de beaucoup de travailleurs allemands sont si bas que le pays est de plus en plus considéré comme un pays de pauvres. Les entreprises belges qui se trouvent près de la frontière allemande ne cessent de se plaindre de la concurrence illégale qui leur est faite par les entreprises allemandes et qui les force à fermer.
Au cours des cinq dernières années, nous avons vu des luttes ouvrières se développer à l’échelle de tout le continent. Mais ces luttes n’ont été que le prélude des puissants mouvements qui vont se développer au cours de la prochaine période.
La base sociale du capitalisme grec
En Grèce, où le niveau de vie a été attaqué d’une manière qui n’a été vue nulle part ailleurs en Europe depuis l’époque du fascisme d’avant-guerre, il y a eu d’innombrables grèves générales d’un jour, par lesquelles les travailleurs et la classe moyenne ont tenté de se défendre. La base sociale du capitalisme grec a été complètement désintégrée : les docteurs, les avocats, les enseignants, les employés de banque se retrouvent tous dans les files du chômage ou en train de mendier dans les rues.
Si la classe ouvrière grecque avait eu un parti révolutionnaire d’une certaine taille, elle aurait pu prendre le pouvoir à plusieurs reprises déjà, mais à cause des capitulations de la part des vieux partis sociaux-démocrates – et même de la part de nouvelles forces de gauche comme Syriza qui refuse de comprendre l’ampleur de cette crise et par conséquent la nécessité d’une révolution sociale afin de renverser le capitalisme – la politique d’austérité est toujours dominante.
La rapidité et l’énormité de la crise a stupéfait les travailleurs à divers degrés. Cela, en plus des effets rémanents de l’effondrement du stalinisme, de la dégénérescence des anciens partis ouvriers qui se sont rendus à des positions pro-capitalistes et de l’échec des tentatives de construire de nouveaux partis des travailleurs durables, a fait que la classe ouvrière aujourd’hui manque d’une conscience socialiste large.
Toutes ces complications ont pour effet que le processus révolutionnaire pourrait tirer en longueur, même alors que la situation est de plus en plus mure pour une transformation socialiste de la société.
De nouvelles luttes sont inévitables dans chaque pays. Même là où le niveau d’organisation des travailleurs s’est dégradé, la lutte va développer la conscience, et notre intervention peut faciliter cela, comme le montre l’exemple de l’Afrique du Sud.
Dans ce pays, malgré nos modestes forces, nous avons été capables d’intervenir de manière décisive grâce à un programme et une orientation correctes en directions des mineurs. La création du Workers and Socialist Party (WASP) marque un point tournant et constitue un immense pas en avant pour l’ensemble de la classe ouvrière.
Tensions de classe, ethniques et nationales
La crise capitaliste va non seulement intensifier les tensions de classe, mais aussi les tensions nationales et ethniques. Les travailleurs connaitront des retraites, des complications et des défaites, mais qui n’auront pas en général le caractère de défaites fondamentales qui auraient pour résultat de briser les travailleurs pour toute une période historique. En Italie par exemple, une situation pré-révolutionnaire s’est prolongée pendant toute une décennie dans les années ’70.
À l’époque comme maintenant, la principale question est celle de la direction, et notre défi est de construire un parti révolutionnaire et d’intervenir dans la construction de partis des travailleurs de masse qui servent à la fois d’école pour le développement de la lutte de classe et de structures dans lesquelles la méthode et le programme du marxisme peuvent être débattus et adoptés.
Dans toute une section de la société grecque vit un désespoir largement répandu. La direction du parti de gauche Syriza a commencé à virer à droite. Ses dirigeants ne portent plus de jeans et de t-shirt, mais arborent des costumes-cravate et un programme qui abandonne tranquillement le refus de payer la dette pour remplacer cette revendication par celle de l’annulation des intérêts de paiement de la dette. Tsipras, le dirigeant de Syriza qui avait failli prendre le pouvoir l’année passée, a vu son taux de soutien dans les sondages tomber à 10 % – moins que celui du premier ministre de droite Samaras!
Malgré cela, un gouvernement Syriza reste la perspective la plus probable après les prochaines élections, et cela pourrait mener à une nouvelle vague de lutte de classes en Grèce. Il y a déjà toute une série d’occupations d’usine, les travailleurs prenant des mesures concrètes pour défendre leurs emplois, et ces actions pourraient s’étendre à une échelle de masse sous un gouvernement Syriza, non pas sous la direction de ce parti, mais sous l’impact de la volonté des masses d’aller plus encore de l’avant.
Aube dorée au gouvernement ?
La classe capitaliste grecque est en train de débattre de la possibilité de laisser entrer le parti néo-fasciste Aube dorée au gouvernement dans le cadre d’une coalition dirigée par le parti de droite Nouvelle Démocratie, maintenant ou afin de former un gouvernement après les prochaines élections générales.
Une telle manœuvre de leur part pourrait créer une explosion à travers toute la société grecque, qui reflèterait la puissante insurrection asturienne, en Espagne en 1934, lorsque Gil Robles, chef du parti d’extrême-droite Confédération espagnole des droits autonomes (CEDA), est devenu ministre du gouvernement.
Ekaterina, de Xekinima, section grecque du CIO, a insisté sur le fait que bien que le soutien à Aube dorée dans les sondages se soit élevé jusqu’à atteindre entre 10 % et 15 %, cela n’a pas mené à un accroissement de sa puissance de combat de rues. La menace que pose Aube dorée a cependant nécessité la création de comités antifascistes dans lesquels nous jouons un rôle majeur.
Il ne fait aucun doute qu’une victoire de Syriza provoquerait une nouvelle phase de crise redoublée, pendant laquelle Aube dorée pourrait s’accroitre si aucune opposition ne leur était offerte. Sur le long terme, au fur et à mesure que les vieilles normes sont ébranlées, la classe dirigeante de chaque pays va se préparer pour de grands conflits de classe, y compris pour la guerre civile.
Toutes les institutions du capitalisme sont en effet de plus en plus démasquées et discréditées, au fur et à mesure que la crise s’approfondit. En Tchéquie et au Luxembourg, les dirigeants ont été forcés de démissionner à la suite de scandales d’espionnage ; le gouvernement bulgare a été chassé du pouvoir par les plus grandes manifestations jamais vues dans ce pays depuis la chute du Mur il y a 20 ans.
Tout comme ses camarades en Espagne, le gouvernement portugais a été appelé de gouvernement “zombie” (cadavre qui continue à marcher) : les ministres démissionnent l’un après l’autre à la suite d’une grève générale qui a explicitement réclamé la démission de tout le gouvernement. 80 % des travailleurs portugais ont participé à cette grève, y compris une grande partie de la police et des forces armées.
Le scandale de corruption qui a submergé le premier ministre Rajoy en Espagne a révélé la pourriture au cœur même du gouvernement. Le journal El Mundo parle à juste titre d’un esprit pré-révolutionnaire qui s’est emparé de larges couches parmi les masses. La seule raison pour laquelle ce gouvernement n’est pas encore tombé est que les capitalistes n’ont pas d’autre alternative viable, et ont peur de la hausse du soutien pour le parti Izquierda Unida (Gauche unie), qui se trouve juste derrière le Parti socialiste espagnol dans les sondages.
La pause espagnole
Le camarade Rob du groupe Socialismo Revolucionario (CIO-Espagne) a expliqué qu’il y a eu cette année une certaine pause dans la lutte à la suite de la terrible grève des mineurs de 2012 qui contenait en elle-même les germes d’une guerre civile, à la suite de l’occupation des hôpitaux partout dans le pays, et de deux grèves générales qui ont entrainé respectivement 10 et 11 millions de travailleurs. Mais cette année a en réalité été une année de meetings et de débats intenses. Ainsi, on a vu une assemblée de la gauche locale attirer 1000 personnes pour discuter de la prochaine étape dans la lutte.
Nous avons mis en avant la revendication d’une grève générale de 48 heures liée à l’établissement d’assemblées partout dans le pays afin de lutter pour faire tomber le gouvernement. Il faut un front uni de la gauche avec les mouvements sociaux, autour des mots d’ordre « Non à l’Europe des patrons », « Nationalisation des moyens de production », et « Droit à l’auto-détermination » pour les Catalans et les autres nationalités qui le demanderaient.
Notre camarade Eric du Parti Socialiste de Lutte (PSL, CIO-Belgique) a souligné la férocité sans précédent des attaques qui sont perpétrées sur leurs travailleurs par les capitalistes belges. La Belgique est restée sans gouvernement officiel pendant 540 jours, parce que la classe dirigeante était perdue en palabres quant à la meilleure façon d’avancer dans un contexte d’antagonismes nationaux croissants. Ni la majorité de la classe dirigeante, ni la classe ouvrière ne désirait la scission de la Belgique, mais dans une période de crise, les divisions peuvent devenir plus aigües entre la Flandre et la Wallonie.
Mais inévitablement, vu le manque d’une alternative socialiste large à portée des masses, il y a aussi la montée de sentiments nationalistes anti-européens.
En Europe méridionale, même si la troïka (FMI, Commission européenne et Banque centrale européenne) est absolument détestée, on voit que même en Grèce, les travailleurs sont très prudents et craignent de demander la sortie de l’UE, car ils ont peur de ce que pourrait représenter l’alternative.
Notre camarade Sacha, de notre section allemande, a fait remarquer que le point de départ devrait être une lutte pan-européenne contre l’austérité. Nous avons vu le 14 novembre 2012 la première occasion d’organiser une grève générale pan-européenne de 24 h dans plusieurs pays à l’occasion d’une journée d’action européenne de la Confédération Européenne des Syndicats (CES), mais cela n’a pas été saisi.
Un système en perdition
Cette crise n’est pas seulement celle de la monnaie européenne, mais du système tout entier. Aucune politique économique alternative de type keynésienne (dépenser l’argent de l’État en grands travaux pour relancer la croissance) ne pourra reboucher complètement les failles fondamentales qui se sont ouvertes de manière si visible au cours des quelques dernières années.
Nous avons compris dès le départ que le projet de la monnaie euro n’était pas tenable. Ce n’est que grâce à la phase de croissance qui a duré jusqu’en 2007 que son échec a pu être reporté. Mais à présent, nous voyons devant nos yeux se dérouler une réaction en chaine au ralenti qui va à un certain moment faire éclater la zone euro.
Déjà, ce processus est très visible à Chypre où, à la suite de la crise bancaire, l’imposition du contrôle des capitaux par les capitalistes est contraire aux règlements de l’UE, mais est justifiée par la gravité exceptionnelle de la situation. L’économie chypriote est une catastrophe, et on s’attend à ce qu’elle se contracte d’un chiffre record – -25 % l’an prochain.
Le Portugal est au bord d’une deuxième demande de renflouement, tandis que les bureaucrates européens à Bruxelles ne parviennent pas à dormir à cause de leurs cauchemars de la faillite de l’Espagne ou de l’Italie, dont les dettes collectives s’élèvent à plus de 3000 milliards d’euros – soit six fois plus que l’argent disponible dans le fonds de secours européen.
Tout est en train d’être fait pour éviter une autre crise avant les élections générales en Allemagne du 22 septembre. Mais les problèmes s’accumulent et deviennent de plus en plus graves. Les dettes souveraines italiennes sont de plus en plus considérées comme n’ayant aucune valeur ; une autre très grande source d’inquiétude est l’état de zombie de nombreuses banques, qui sont sur perfusion dans tous les pays, même en Allemagne et en Autriche.
La classe ouvrière n’accepte pas l’austérité de manière passive
Une véritable union bancaire européenne ne peut être obtenue sous le capitalisme, et bien que nous ne puissions prédire les délais exacts, et que le processus de décomposition de l’Union européenne pourrait tirer en longueur, il est clair que de nouvelles crises peuvent faire irruption à tout moment, jusqu’à devenir si grandes dans le futur qu’elles seront impossibles à contenir.
Ce qui est clair, est que la classe ouvrière ne va pas accepter passivement la misère qui est en train de lui être imposée.
Dans chaque pays, les dirigeants syndicaux freinent la lutte. Il refusent encore, à cette étape, malgré l’énorme pression, d’appeler à des grèves générales de 24 heures en Espagne et au Royaume-Uni. Au Royaume-Uni, le Rassemblement syndical (TUC) “discute” de cette question depuis déjà onze mois, alors qu’en France les syndicats ont finalement cédé et annoncé une journée d’actions début septembre.
Notre camarade Faustine, de la Gauche Révolutionnaire (CIO-France), a souligné l’impressionnante impopularité de Hollande. Alors qu’il avait été élu dans l’enthousiasme après les années brutales de Sarkozy, il est à présent le président le moins populaire de toute l’histoire de la cinquième république, moins populaire même que Sarkozy ! Leila, également de France, a ajouté que chaque jour, 6 grèves sont déclarées dans ce pays, en réaction au fait que le pouvoir d’achat des travailleurs a été repoussé à son niveau de 1984.
Ce n’est que par le développement des mouvements à partir de la base et avec une pression croissance de la part de la classe ouvrière que les syndicats seront forcés à organiser des actions. Nous jouons à ce titre un rôle très important au Royaume-Uni via le NSSN, Réseau national des délégués syndicaux (National Shop Steward Network).
Même certains dirigeants syndicaux de gauche affichent leurs hésitations vis-à-vis de telle ou telle question. Le capitalisme exerce une incroyable pression sur eux afin de les contraindre à agir de manière “responsable” ; mais au bout du compte, ils peuvent être – et le seront – contraints par la pression de la classe ouvrière à appeler à des actions.
Des conflits généralisés
En outre, dans une telle période de remous sociaux, chaque lutte syndicale a le potentiel de déborder en un conflit plus généralisé, contre le système lui-même.
En Grèce, dix-sept des syndicats les plus combatifs se sont unis pour forger un programme de lutte. En particulier le syndicat de l’électricité a articulé toute une série de revendications que nous soutenons pleinement. Mais en cette période, ce qui est décisif n’est pas un programme bien rédigé, mais l’action.
Ce blocage ne peut être contenu pour toujours. La lutte magnifique des travailleurs afin de contrer la fermeture de la radio-télévision nationale grecque, ERT, montre comment des mouvements peuvent et vont se développer à partir de la base, malgré le fait que les travailleurs semblent de prime abord pieds et poings liés.
En Irlande, la campagne contre la taxe des ménages (la Houshold Tax) est devenue un phare au milieu de toute la frustration accumulée contre l’austérité. L’imposition de la brutale taxe sur le nombre de chambres au Royaume-Uni (la Bedroom Tax) peut être perçu comme un catalyseur similaire pour une lutte industrielle et sociale plus large.
Le mouvement contre les expulsions de domicile en Espagne a jusqu’à présent obtenu plus de 1000 victoires. Lorsque ce mouvement a débuté, on a vu une réponse hystérique dans les médias qui qualifiaient les manifestants de “nazis” ou de “terroristes”. Pourtant, 89 % de la population soutiennent le mouvement, plus que la cote de popularité de tous les politiciens pris ensemble!
La haine envers les partis politiques est une expression de la conscience anticapitaliste grandissante parmi les travailleurs, bien que cela ne se traduise pas encore en un soutien conscient au socialisme. Cette tendance est sans doute la plus grande en Espagne, mais elle est en réalité un phénomène qui se produit à l’échelle continentale.
Le cynisme vis-à-vis des politiciens corrompus et ne prêchant que l’austérité est une phase inévitable du développement de la conscience – on peut comparer ça à la coquille d’œuf qui abrite le poussin de la conscience révolutionnaire future. Nous devons comprendre ce processus et intervenir de manière adéquate et délicate en luttant pour une représentation politique indépendante de la classe ouvrière.
Les forces populistes
Au même moment, le vide politique peut être en partie rempli par toutes sortes de forces populistes particulières, de gauche comme de droite. En Italie, le très instable Mouvement 5 étoiles a paru surgir de nulle part, mais malgré une légère baisse de soutien depuis les dernières élections, lors desquelles son succès a complètement abasourdi la classe dirigeante, il bénéficie toujours de 18-20 % dans les sondages.
En Belgique, le Parti du Travail de Belgique (PTB), ex-maoïste, a lui aussi tiré profit de ce processus. Au Royaume-Uni, le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP), populiste de droite et nationaliste, a obtenu un score impressionnant lors des dernières élections municipales, sur base d’une campagne anti-UE, anti-immigrés.
Il est tout à fait possible que le UKIP devienne le plus grand parti du pays (en termes de vote) au Royaume-Uni lors des élections européennes de l’année prochaine, et même qu’il se consolide en même temps que des partis tels que le Front national français ou le de la Liberté autrichien (FPÖ). Cette perspective est loin d’être certaine cependant, et dans tous ces pays, l’établissement d’un véritable parti des travailleurs peut mettre un terme à ce processus de développement de la droite populiste ou radicale.
On voit un exemple de cela au Portugal, où le Parti communiste et le Bloc de gauche bénéficient ensemble d’un soutien de plus de 20 % dans les sondages. S’ils avaient bien voulu former un “Front uni”, comme les militant du CIO le réclament depuis longtemps, ils auraient pu proposer une véritable alternative, ensemble avec les mouvements sociaux. Ils auraient pu attirer des millions de personnes en plus avec une bannière qui aurait proclamé la prise du pouvoir et non pas simplement plus de manifestations.
Leur échec a cependant mené à une légère reprise électorale pour le Parti socialiste, qui est maintenant de plus en plus perçu comme une alternative viable au gouvernement de droite (alors que ce parti avait été chassé du pouvoir après sa déculottée électorale magistrale d’il y a deux ans à peine, pour avoir appliqué la même politique que celle qui est en ce moment appliquée par la droite officielle).
Le virage à droite de Syriza
En Grèce, la question de ce que la gauche doit faire s’est posée de manière très vivante. L’appel initial de Syriza à former un gouvernement de gauche a vu son soutien croitre de manière exponentielle. Mais l’abandon de la promesse de nationalisations à grande échelle, et le refus de Syriza de soutenir le préavis de grève des enseignants (alors que 90 % avaient voté pour l’action), ont désorienté ses anciens sympathisants, et en ont même dégouté plus d’un.
À présent une nouvelle constitution a été imposée à Syriza, créant un parti “unifié” qui interdit la double appartenance politique (alors que Syriza était au départ une coalition de différentes forces politiques) et qui rend le parti plus “sûr” pour le capitalisme. Bien que le scepticisme soit largement répandu par rapport à Syriza, notre camarade Andros, de Grèce, a expliqué comment nous utilisons notre position en tant que force indépendante pour intervenir dans diverses luttes sociales et industrielles, y compris avec la construction des comités antifascistes. Au même moment, nous cherchons à construire l’“Initiative des 1000” – lancée par les forces de gauche hors et dans Syriza – et à travailler de manière de plus en plus étroite avec ceux qui, à gauche, gravitent autour de la nécessité d’un programme de transition qui appelle à un “front uni” des partis des travailleurs, à un gouvernement de la gauche et à une politique socialiste.
Un grand pas en avant en Espagne, et un indice du fait que les travailleurs sont prêts à soutenir des formations de gauche qui mettent en avant ne serait-ce qu’une embauche de programme de lutte, est la résurgence de Gauche unie (Izquierda Unida, IU) qui reçoit maintenant 16-17 % de soutien dans les sondages. IU appelle à la démission du gouvernement et a maintenant changé sa position par rapport à la Catalogne – alors qu’elle était opposée à l’auto-détermination, elle soutient à présent le droit des Catalans à décider eux-mêmes de leur situation nationale.
Mais le processus ne se déroule pas de manière linéaire : certaines sections de la direction d’IU ont leurs yeux sur une éventuelle coalition avec le Parti socialiste, comme c’est d’ailleurs déjà le cas dans la région d’Andalousie. Cependant, du fait que IU est un parti fluide qui est toujours susceptible de subir une pression de sa base, il n’est pas prédéterminé à suivre un virage à droite qui aura un succès immédiat.
Les marxistes doivent chercher à organiser les forces les plus larges possibles à gauche, y compris les mouvements sociaux et ceux qui se trouvent au sein de IU et qui opposent le “coalitionnisme” avec les forces pro-austérité telles que le Parti socialiste.
En même temps, ici comme partout ailleurs, nous devons développer un noyau marxiste qui puisse servir de colonne vertébrale pour la gauche.
Les attaques du Labour britannique sur le syndicat Unite
De nouvelles possibilités s’ouvrent au Royaume-Uni dans la lutte pour la construction d’un nouveau parti des travailleurs. L’attaque sur le syndicat Unite par la direction du Labour (parti travailliste) menée par Ed Miliband – après que Unite ait demandé au parti de rendre plus de compte au syndicat en cherchant à ce que des membres du syndicat soient sélectionnés en tant que candidats pour les élections nationales – illustre pleinement la futilité de toute tentative de “réformer” le Labour.
Miliband a appelé la police pour qu’elle mène une enquête sur le comportement de Unite (la police a répondu qu’il n’y avait pas la moindre raison d’entamer pareille enquête), et a commencé à mener campagne pour supprimer tout lien entre son parti et les syndicats. Cela a fait scandale parmi les syndicalistes. Certains dirigeants syndicaux de droite vont maintenant jusqu’à soulever la question de savoir comment leurs membres pourront encore accepter de cotiser pour leur carte de parti au Labour.
La section Unite de la région Nord-Ouest a maintenant, à la suite d’une initiative de la part de nos camarades, appelé le syndicat à se désaffilier du Labour – un pas en apparence petit mais potentiellement historique en vue de la formation d’un nouveau parti des travailleurs, travail déjà débuté par nos membres en collaboration avec le syndicat du rail RMT, qui a mené à la création de la Coalition syndicale et socialiste (TUSC).
Une crise prolongée
C’est Tony Saunois, dirigeant du Secrétariat international du CIO, qui a conclu la discussion. Cette crise est d’une nature prolongée, et cela est essentiellement le résultat de la capitulation des anciens partis ouvriers face au marché, ce qui a laissé la classe ouvrière dépourvue d’organisations politiques combatives.
À ce stade, le rythme des évènements est différent dans le nord ou dans le sud de l’Europe. Bien que la classe dirigeante fera tout pour surmonter la crise, et pourrait même bénéficier de périodes de pause temporaire dans la lutte de classe, ces pauses ne seront que de brève durée et ne seront pas basées sur la moindre reprise réelle, ni sur aucune fondation solide.
Des millions de vies ont été brisées partout en Europe au cours des cinq dernières années. Étant donné la gravité de la crise, les travailleurs ont été frustrés du fait que les évènements ne se soient pas développés plus rapidement. Cela vient avant tout des trahisons historiques des soi-disant dirigeants officiels du mouvement ouvrier, dans tous les pays. Aucun nouveau parti de masse de la classe ouvrière n’est né depuis, ou n’a paru capable de s’opposer à l’austérité néolibérale tout en articulant un programme socialiste qui montre la voie hors de cette crise étouffante.
Mais la capacité de la classe ouvrière à lutter, à tirer derrière elle la classe moyenne et les légions de jeunes désœuvrés et d’autres, a été démontrée sans que ne subsiste le moindre doute à cet égard – et particulièrement en Grèce, où on a cherché à repousser les forces du néolibéralisme avec une grève générale après l’autre.
La montée de l’extrême-droite, et même l’émergence d’organisations ouvertement néo-fascistes en tant que menaces réelles dans des pays comme la Hongrie ou la Grèce, devrait nous rappeler que dans les périodes de crise massive, les graines de la contre-révolution peuvent germer dès le moment où le mouvement ouvrier ne parvient pas à offrir une alternative.
Aube dorée est l’expression du désespoir. Bien que son noyau soit bel et bien néofasciste, de nombreuses autres personnes peuvent être tirées hors de ses rangs ou dissuadées d’y entrer pour peu que nous parvenions à offrir une alternative socialiste à la Grèce.
Des leçons sont tirées
Des leçons profondes sont en train d’être emmagasinées par les travailleurs et les jeunes, au fur et à mesure que sous la surface, la conscience change. D’importants nombres de travailleurs commencent à comprendre le fait que le capitalisme ne peut mener qu’à l’austérité, et que par conséquent un changement fondamental est nécessaire dans la manière dont la société elle-même est organisée – une transformation socialiste.
Nous devons nous préparer pour ces développements explosifs qui aujourd’hui semblent être encore loin de la surface, mais qui demain feront irruption partout à la fois. Nous devons nous apprêter pour de nouvelles vagues de lutte de masse, y compris des grèves et sans doute des occupations d’usines et d’entreprises.
Nous pouvons contribuer à pousser l’histoire pour qu’elle aille plus vite. Notre tâche est d’accélérer ce développement moléculaire grâce à nos interventions dans tous les pays. Nous devons habilement développer notre programme, nos tactiques et nos revendications, afin d’atteindre la classe ouvrière qui a démontré à de nombreuses reprises déjà sa volonté de lutte.
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École d'été du CIO : La crise capitaliste mondiale et la lutte de classe
‘‘Nous nous tenons au seuil de grandes convulsions, les plus grandes de l’histoire mondiale, les puissants mouvements auxquels nous assistons ne sont que les précurseurs.’’ Voilà comment Peter Taaffe (membre du Secrétariat international du Comité pour une Internationale Ouvrière, CIO) a décrit la situation internationale actuelle lors de l’édition 2013 de l’école d’été du CIO au cours de la session plénière intitulée “Le monde capitaliste dans la tourmente – la crise et la lutte de classe aujourd’hui”. Les “puissants mouvements” dont il parlait sont les énormes mouvements de masse en Turquie, au Brésil, en Égypte et en Afrique du Sud qui se sont produits au cours de l’année écoulée et qui ont démontré la puissance colossale des masses une fois qu’elles partent en action. Ces mouvements ont pris le relais des manifestations contre l’austérité qui ont enflammé l’Europe ces dernières années.
Kevin Parslow, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)
Les occupations massives des places en Turquie ont été suivies par une action de masse de la part de la classe ouvrière. Des millions de personnes se sont mobilisées en Égypte pour le renversement du président Morsi, bien plus qu’au cours du déclenchement de la révolution il y a deux ans, bien que l’absence d’une direction indépendante de la classe des travailleurs ait aidé les chefs de l’armée à se saisir de cette occasion pour se réinstaller au pouvoir. La lutte entre les forces de la révolution et de la contre-révolution n’est toutefois pas terminée. Au Brésil, les manifestations de masse qui ont débuté en tant que protestation contre la hausse du prix des transports publics ont fait descendre la population de 120 villes dans la rue. À un moment, plus d’un million de personnes étaient dans les rues. Ils ont forcé le gouvernement à reconnaitre les immenses problèmes sociaux qui ravagent le pays.
Dans le passé, de tels mouvements en Amérique latine auraient pu conduire à des idées de “guérilla”, mais l’Amérique du Sud est aujourd’hui le continent qui a la plus grande urbanisation : 84 % de sa population vit en ville. La classe ouvrière et les pauvres des villes constituent l’écrasante majorité de la population et guident les mouvements de masse, bien que ces mouvements aient également leurs répercussions dans les zones rurales. Ce sont ces énormes changements qui sont en train de préparer les forces de la révolution partout dans le monde.
Ces évènements – avidement suivis via les médias de masse et les médias sociaux par les travailleurs du monde entier – démontrent aussi la manière dont chaque pays du monde est actuellement connecté aux autres comme par des câbles d’acier. Les évènements se produisant dans un pays, sur un continent ou dans une région exercent un effet hypnotique sur la manière dont les masses laborieuses conçoivent le monde. De la sorte, ils renforcent la nécessité de l’internationalisme, principe sur lequel est basé le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) et sur lequel il va croître.
L’essence du marxisme est de généraliser les expériences de la classe ouvrière et d’en tirer les leçons pour le mouvement des travailleurs, et dans notre cas surtout pour l’intervention du CIO, afin de servir de guide pour nos actions aujourd’hui comme à l’avenir. Sans une large compréhension des perspectives, nous serions comme un capitaine de navire sans boussole au milieu d’un océan déchainé.
Nous ne pouvons pas analyser les évènements de manière pragmatique et empirique. Les marxistes doivent approcher la “réalité” d’une manière qui englobe tous les points de vue, qui considèrent une chose sous l’ensemble de ses facettes et nous pas sous un seul angle de vue. Sans cela, nous ne pouvons pas nous préparer pour le moment où les évènements prendront soudainement un tout autre tour et revêtiront leur forme la plus importante : celle de la révolution.
Peter Taaffe a expliqué le fait que c’est notre méthode qui a permis au CIO de prévoir cette situation où le gouvernement de l’African Nntional Congress (ANC) en Afrique du Sud allait inévitablement ouvrir le feu sur les travailleurs. Le massacre de Marikana l’an dernier et les protestations et grèves de masse qui ont suivi ont totalement changé la situation dans le pays. De même que nous avions annoncé l’arrivée de mobilisations de masse et le renversement de Moubarak en Égypte, nous avions également anticipé le développement d’une nouvelle phase de la révolution, car nous avons une compréhension des lois de la révolution. Ce sont les masses qui font la révolution ; leur mécontentement envers les Frères musulmans les a fait redescendre dans les rues pour se débarrasser d’eux.
Le caractère de la période actuelle
Nos conclusions sont basées non pas sur nos sentiments, mais sur la compréhension du caractère de la période actuelle, qui est marquée par la crise économique la plus dévastatrice jamais rencontrée, qui entre à présent dans sa cinquième ou sixième année. Nous vivons dans une société capitaliste où un quart de la jeunesse mondiale est sans travail, sans formation, sans expérience.
C’est cette situation économique désespérée qui a donné l’impulsion initiale à la révolution en Égypte. Plus de 1.500 usines ont fermé depuis le début de la révolution en 2011. La moitié des 80 millions d’Égyptiens vivent sous le seuil de pauvreté ou en sont proches. Un journal, le jour où Morsi a été dégagé, titrait : ‘‘C’était une révolution de la faim.’’
Cependant, Peter Taaffe a prévenu du fait que le renversement de Morsi par l’armée – même si cela peut apparaitre au départ comme se faisant au nom de larges sections du mouvement de masse, en particulier des libéraux – représente un danger potentiel pour la classe ouvrière. Les travailleurs égyptiens ont révélé leur appétit phénoménal pour la lutte et pour l’organisation. Notre camarade David Johnson a ainsi expliqué dans la discussion que les syndicats indépendants sont passés en deux ans de 50.000 membres à 2,5 millions. Toutefois, un des dirigeants de ces syndicats a rejoint le cabinet dirigé par l’armée après le renversement de Morsi ! Le mouvement qui a renversé Morsi et les Frères musulmans avait derrière lui des figures de l’ombre des institutions d’Etat et du régime de l’ancien dictateur Moubarak.
La déchéance de Morsi et des Frères musulmans a forcé les puissances régionales du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord à se repositionner. Leur attitude est guidée par la nécessité de trouver la première proposition semblant être la meilleure à même de servir la contre-révolution contre le mouvement révolutionnaire en Afrique du Nord et au Moyen Orient. Les intérêts de ces puissances sont à présent en train de se polariser et de menacer les masses de la région, comme on le voit avec la sanglante guerre civile en Syrie.
L’armée égyptienne n’est pas en train de jouer le rôle de l’armée portugaise dans la révolution de 1974 au Portugal, la révolution des Œillets. Les soldats qui composaient cette armée avaient été radicalisés par les guerres d’indépendance néocoloniales. L’armée égyptienne, comme toutes les armées capitalistes, est là pour, en dernier recours, protéger la propriété privée et elle possède elle-même des parts très importantes de l’économie nationale, à l’instar de l’armée pakistanaise.
Le résultat le plus probable des évènements qui se déroulent en ce moment en Égypte est que les Frères musulmans et leurs collègues dans le reste de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient vont être très affaiblis. Cela aura des conséquences en Tunisie, où le gouvernement Ennahda a lui-même beaucoup de problèmes à se maintenir au pouvoir. Après l’assassinat de Chokri Belaïd, un mouvement de grève générale a éclaté et près d’un million et demi de personnes sont descendues dans les rues du pays (qui comprend 11 millions d’habitants). [Depuis lors, un autre dirigeant de l’opposition de gauche, Mohamed Brahmi, a été assassiné et de nouvelles mobilisations de masse ont éclaté, NDLR]
Nous devons toujours insister sur la nécessité de l’indépendance de la classe ouvrière et de ses organisations par rapport à toutes les forces pro-capitalistes, et lutter pour la création de formes de lutte ouvrière indépendantes.
Des explosions sociales
Ce n’est pas toujours une crise économique qui provoque le mouvement de masse. Le Brésil comme la Turquie ont connu une croissance économique ces dernières années. Mais les fruits de la croissance n’ont pas été équitablement distribués.
C’est ce facteur qui a été à la base des explosions sociales qui se sont produites dans ces deux pays. On y a vu non seulement des manifestations, mais également des occupations de places, des assemblées, etc. Nos camarades brésiliens se sont fortement investis dans cette lutte tout au long de cette déferlante politique et sociale. Contrairement à l’Europe, ce n’est pas une austérité étouffante qui a provoqué ces évènements révolutionnaires. L’importante croissance économique a renforcé le pouvoir de la classe ouvrière et des masses, qui ont révélé leur pleine puissance au cours de ces mouvements.
Avec l’intensification mondiale de la lutte de classe, l’État capitaliste a dû recourir à des mesures de guerre civile contre les droits et les conditions de vie de la classe ouvrière et des pauvres.
C’est de cela qu’a voulu nous avertir Edward Snowden grâce à ses révélations ; une surveillance massive est en train d’être mise en place contre la population et ses organisations, et des espions de la police sont implantés dans les mouvements et organisations ouvrières et anticapitalistes.
Bien que ces mesures sont antidémocratiques, les capitalistes ne peuvent pas établir aujourd’hui un État policier, à cause de l’opposition qu’une telle tentative de leur part susciterait. Mais la croissance des néofascistes d’Aube Dorée en Grèce illustre le danger qui fait face à la classe ouvrière à moyen et long termes. Les travailleurs doivent tout faire pour se battre contre les tentatives qui sont faites de grignoter ou d’attaquer leurs droits démocratiques et civiques, notamment contre les lois antisyndicales.
Tous ces développements ont suscité une large désillusion vis-à-vis du président Obama, qui a révélé qu’il est tout aussi antidémocratique et répressif que l’était George W Bush. Son impopularité est accrue par l’absence de la moindre amélioration des conditions de vie des travailleurs aux États-Unis. La récente faillite de la ville de Detroit illustre bien la profondeur de la crise.
Au niveau international, l’“assouplissement quantitatif” (le fait d’imprimer de l’argent) a eu l’effet de stabiliser la situation économique, jusqu’à un certain niveau. Mais, comme notre camarade Robin d’Angleterre l’a expliqué, cela a conduit à plus de spéculations, et de nouvelles “bulles” financières sont en train de gonfler à nouveau, qui pourraient éclater dans un futur proche.
Peter Taaffe a expliqué que la faible reprise de la position économique dans certains pays, la petite pause dans la lutte de classe et la réussite de la classe capitaliste à imposer ses mesures d’austérité malgré tout ont soulevé les questions : ‘‘Avons-nous trouvé la sortie ?’’ et ‘‘Le capitalisme serait-il parvenu à trouver un nouvel équilibre économique ?’’ Ce sont là les espoirs des capitalistes du monde entier.
Les marxistes ont toujours répété qu’il n’y a pas de “crise finale du capitalisme” : le capitalisme ne disparaitra que lorsque la classe ouvrière prendra le pouvoir. Mais si la classe ouvrière, à cause de la faiblesse ou de l’absence de sa direction, ne parvenait pas à prendre le pouvoir, on ne pourrait alors exclure une nouvelle phase de croissance pour le capitalisme dans le futur. Mais cela n’est clairement pas notre perspective à court terme.
Cela, les théoriciens du capitalisme sont forcés de l’admettre. Ils n’ont en réalité absolument aucune idée de la manière dont ils parviendront à se sortir de l’impasse dans laquelle est entrée leur système.
Dans toutes les grandes économies du monde, il y a peu ou pas de croissance. Et maintenant que l’économie chinoise commence à ralentir, cela aura un effet très profond en Chine – où la révolution sera à l’ordre du jour – comme dans le reste du monde, dans tous les pays qui soit fournissent des capitaux à la Chine (comme l’Allemagne), soit lui fournissent des matières premières, comme l’ont bien répété les camarades d’Australie et du Canada dont les pays ont récemment profité de la croissance chinoise, mais pour combien de temps encore ? Le camarade Raheem du Nigeria a quant à lui montré que les bénéfices tirés de la vente de matières premières, comme le pétrole nigérian, sont extrêmement mal redistribués : à peine 1 % de la population possède 80 % de la richesse de l’ensemble du pays, où70 % de la population vit dans la pauvreté !
Une économie “Frankenstein”
Le camarade Zhang de Chine a décrit la montagne de dettes qui accable la Chine et son économie comme étant similaire au monstre de “Frankenstein” – énorme, monstrueuse et hors de contrôle ! Peter a montré que les travailleurs chinois commencent à bouger, avec des grèves, des manifestations, et même l’emprisonnement d’un patron qui voulait fermer son usine sans payer d’indemnités de licenciements à ses travailleurs !
La révolution ne survient pas de manière automatique à un moment du ralentissement ou de la croissance, mais au passe d’une période à une autre. Le consensus parmi les économistes capitalistes est que nous sommes maintenant dans une “dépression”. Vu l’ampleur de l’austérité et les tentatives de convaincre la classe ouvrière de inéluctabilité d’une période sans croissance, de nouvelles attaques pourraient décourager la lutte.
Mais il y a une réelle perspective d’un approfondissement de la crise. La “reprise” aux États-Unis est la plus faible depuis la Seconde Guerre mondiale. Et les dettes colossales des banques du monde entier sont toujours là. Tant que nous sommes sous le capitalisme, il y aura un chômage de masse permanent ou semi-permanent.
Le Japon a tenté une “opération croissance” récemment, mais qui s’essouffle déjà. La dévaluation de sa monnaie par le Japon pose le problème d’une guerre des devises ; le protectionnisme, dont la dernière illustration est le conflit entre l’Europe et la Chine sur la question de l’importation de panneaux solaires, a lui aussi le vent en poupe.
Une question centrale du point de vue du capitalisme est qu’il n’y a pas de “marché”. C’est la conséquence du contrecoup massif de la dette, et de l’arrivée de la déflation.
Le magazine The Economist commentait : ‘‘D’ici 2020, il y aura 900.000 milliards de dollars d’actifs financiers dans le monde, comparé à 90.000 milliards de dollars de PIB mondial. Le résultat de tout ceci sera une économie mondiale inondée de manière structurelle par des capitaux et du même coup, un manque d’autant plus grand de créneaux dans lesquels investir.’’
C’est là l’explication de la vague de privatisations mondiale : les capitalistes cherchent à faire des profits sur le dos d’anciens services ou industries étatiques. Cela va produire une catastrophe sociale. Mais les capitalistes espèrent ainsi trouver un débouché à tous les capitaux qu’ils ont accumulés, ce qui inclut près de 2000 milliards de dollars détenus par des banques américaines qui ne paient aucune taxe.
Peter a conclu en disant que nous sommes dans une période de longue crise prolongée. Cette crise va à son tour mener à une intensification des conflits entre puissances capitalistes pour la domination du globe, surtout au Moyen-Orient, en Asie-Pacifique, et en Afrique.
Des vagues de mouvements révolutionnaires radicalisés
Au cours de cette nouvelle période, nous allons voir vague après vague de mouvements révolutionnaires radicalisés. Des dizaines de milliers de travailleurs avancés et des millions de gens issus des masses sont en train de méditer et d’apprendre les leçons du Brésil, de la Turquie, du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.
Cependant, leur compréhension politique est toujours à un point historiquement bas, en raison de toute une série de facteurs, y compris les effets rémanents de l’effondrement du stalinisme et la rapide plongée dans la crise qui a stupéfait la classe ouvrière. La camarade Didi du Brésil a expliqué la manière dont les dirigeants ouvriers ont aidé à semer la confusion : en 1992, ils avaient dirigé des mouvements contre le gouvernement, ce qui avait mené à sa chute, mais cette année, ils n’ont fait que semer la confusion à cause du manque de direction. Mais les capitalistes eux-mêmes comprennent le caractère de cette crise, et certains d’entre eux sont très clairs sur le fait qu’ils craignent une révolution, et en particulier une révolution socialiste.
Ils vont tout faire pour détourner les mouvements ou les empêcher de prendre un tour révolutionnaire. Le camarade Robert Bechert du Secrétariat international, dans sa conclusion de la discussion, a commenté le fait que certains “experts” comparent ces mouvements aux mouvements révolutionnaires de 1848 ou de 1968, mais font tous les efforts possibles pour éviter toute comparaison avec 1917 et avec la période révolutionnaire qui a suivi la Première Guerre mondiale ! Les mouvements de masse de l’année passée étaient il est vrai impressionnants, mais les marxistes ne doivent pas se laisser “intoxiquer” par les premiers succès, mais juger sobrement quel programme et quelle stratégie sont nécessaires afin de garantir le fait que la classe ouvrière et les pauvres pourront atteindre leurs objectifs.
Peter a dit que les capitalistes n’ont pas tenu compte des marxistes, mais qu’une petite poignée de marxistes dans un pays comme l’Afrique du Sud est parfois tout ce qu’il faut pour déclencher une transformation de masse.
Il y a du scepticisme et de l’opposition de la part de la nouvelle génération à l’idée de “partis” en général, qui sont identifiés aux partis pro-capitalistes, à leur politique et à leur énorme corruption. Les camarades Andros de Grèce, et Kevin d’Irlande ont expliqué à quel point les travailleurs veulent se battre contre l’austérité, mais en même temps sont toujours ahuris par la période précédente et par leur faible niveau de compréhension, ce qui agit partiellement comme un frein à l’idée de la lutte.
Andros en particulier, a montré qu’il y a eu des explosions sociales très importantes en Grèce, mais que le manque de direction ne nous a jusqu’ici infligé que des défaites dans la bataille contre l’austérité. La direction de Syriza (la coalition de gauche radicale qui a failli remporter les élections l’année passée) est en train de virer très à droite. Mais il est possible que de nouveaux dirigeants, y compris des marxistes, se voient propulsés à l’avant de la scène par le mouvement au cours de la période à venir.
Les dernières remarques de Peter ont fait état de la volatilité de la situation politique, qui a suscité de nouvelles campagnes et organisations, comme le mouvement Occupy, les Indignados en Espagne, le mouvement Cinq Étoiles en Italie,… Dès que les masses voient un instrument pour se battre pour leurs propres intérêts – surtout à une échelle de masse – et qui est incorruptible, elles accourent se ranger sous sa bannière. Dans quelques années, en regardant en arrière, il aura été clair que l’impasse actuelle n’aura été qu’une phase transitoire.
De nouvelles formations de masses vont inévitablement apparaitre, étant donné le chemin qui reste à parcourir à la classe ouvrière. Ces formations mèneront à la création de partis révolutionnaires de masse.
Nos tâches à présent sont de construire le Comité pour une Internationale Ouvrière et de nous préparer tous ensemble, avec la classe ouvrière, à jeter les fondations de nouveaux partis révolutionnaires de masse et d’une Internationale de masse.
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La crise du capitalisme entraîne une augmentation de la violence d’Etat
Ces dernières semaines, nous avons étés témoins d’une solidarité internationale qui a fait chaud au cœur : des manifestants au Brésil portaient des pancartes avec l’inscription “We are all Taksim Square” tandis que de Turquie retentissait la réponse : “Brésil et Turquie : même combat”. Les deux mouvements de contestation ne manquent pas de points communs : ils s’opposent à une politique néolibérale qui investit dans des projets de prestige au lieu d’offrir des services sociaux essentiels et contestent également le caractère anti-démocratique de cette politique.
Par Mathias (Anvers)
Il n’y a pas qu’au niveau des causes que des parallèles peuvent être trouvés. La réaction de l’Etat fut elle aussi semblable. En Turquie comme au Brésil, les autorités ont tenté de réduire au silence des manifestants pacifiques en recourant à une répression brutale. Des milliers de personnes ont été blessées et arrêtées. En Turquie, la répression du régime a même conduit à la mort de plusieurs personnes.
Cette féroce répression n’est pas restée inaperçue sur le plan international et, dans bien des pays, des manifestations de solidarité ont pris place. Des politiciens européens de premier plan se sont même vus forcés de condamner la violence policière. Sous la pression, Angela Merkel a même dû déclarer: “Ce qui se passe actuellement en Turquie, ne correspond pas à nos idées de la liberté de manifester et de la libre expression ”. Mais, début juin, lorsque la manif de Blockupy s’est déroulée à Frankfort, elle a été dispersée à coup de matraques par les robocops allemands. La sympathie de la chancelière est visiblement à géométrie variable.
L’hypocrisie de ces politiciens ne connait pas de limites. Ces dernières années, plusieurs gouvernements ont forcé leur population à accepter une austérité drastique. Quand des manifestations de masse ont vu le jour, les grenades lacrymogènes et les matraques sont entrées dans la danse. Espagnols, Portugais, Grecs ou Allemands ont pu constater de leurs yeux quelle idée de la liberté d’expression se font les dirigeants européens.
En Belgique aussi, ce droit reste fragile, comme l’a encore illustré l’arrestation de 80 personnes lors d’une action contre Monsanto à Anvers le 25 mai dernier. Récemment, la classe dominante a encore élargi son arsenal d’outils répressifs avec les Sanctions Administratives Communales (SAC). Mieux vaut commencer à mettre des sous de côté avant d’exprimer son opinion ou de faire usage de son droit de manifester : une manifestation spontanée peut, avec les SAC et les ‘combitaxes’, facilement devenir une affaire de l’ordre de quelques centaines d’euros.
Le rôle de l’Etat
Le fait que la contestation soit partout dans le monde confrontée au même cocktail de répression et de persécution n’est absolument pas neuf. Au 19ème siècle, Friedrich Engels avait déjà remarqué ‘‘qu’en dernière instance, l’État est une bande d’hommes armés”. La politique néolibérale est un désastre pour quasiment tout le monde. Quasiment car, pour certains, elle représente tout sauf peine et misère. Dans le monde entier, les riches profitent admirablement de la crise. En Belgique, on compte 6.000 millionnaires de plus en 2012 par rapport à 2011. À l’échelle mondiale, environ 111.000 personnes possèdent 35% de la richesse ! Ce sont les intérêts de cette élite que l’Etat défend avec acharnement.
La confirmation de cet état de fait se retrouve dans la réalité de tous les jours. Cela va des requêtes unilatérales pour casser les piquets de grève à la proclamation d’une loi interdisant la hausse des salaires. Ce sont des mesures qui profitent à la classe dominante, aux patrons.
Il n’est pas étonnant que le gouvernement joue un tel rôle sous le capitalisme. Dans une société de classe où la classe dominante, une petite élite, s’enrichit au détriment de la grande majorité, cette élite a besoin d’un appareil pour imposer sa volonté aux masses exploitées. Marx décrit l’Etat sous le capitalisme comme n’étant ‘‘pas plus qu’un conseil qui gère les affaires communes à toute la classe bourgeoise.’’
La tâche de l’Etat consiste à défendre les intérêts de la classe dominante à court mais aussi à long terme. Sous le capitalisme, cela signifie de maximaliser les profits du capitaliste mais aussi de maintenir le système lui-même, ce qu’il accomplit en protégeant le pilier de cette société : la propriété privée des moyens de production (entreprises, banques, moyens de transports et de communication,…)
Les intérêts à court et à long terme entrent parfois en conflit. Cela explique par exemple la création de l’Etat-providence. Dans l’après-guerre, des concessions sociales et économiques ont été faites par en haut à la classe ouvrière afin de prévenir toute révolution par en bas. Ceci, couplé à une croissance économique sans précédent, a eu pour résultat une amélioration considérable du niveau de vie de la majorité de la population dans les pays développés. La politique néolibérale souligne aujourd’hui plus clairement que jamais que, sous le capitalisme, toute concession n’est que temporaire.
Dans la société capitaliste, la démocratie parlementaire est en effet la manière la plus efficace dont dispose les capitalistes pour imposer leur volonté avec un minimum de résistance. Mais les valeurs démocratiques ne sont cependant pas sacrées pour la bourgeoisie. Là où la démocratie parlementaire n’arrive plus à défendre leurs intérêts, elle n’hésite pas à l’écarter. Par exemple, l’an passé, en Grèce, on a vu que le pouvoir a été temporairement confié à un gouvernement technocratique qui avait pour tâche d’appliquer coûte que coûte les mesures d’austérité avant les élections.
Dans les années ’30, des méthodes plus radicales ont été nécessaires pour maintenir la situation révolutionnaire sous contrôle. Dans plusieurs pays, la bourgeoisie joua la carte du fascisme, lequel opprima les syndicats et les partis de gauche de manière extrêmement violente et atomisa ainsi la classe ouvrière. Toutefois, avec cette expérience, la bourgeoisie se brula sérieusement les doigts. Les théories conspirationnistes qui représentent la classe dominante comme un groupe de stratèges extrêmement rationnels ayant toujours la situation bien en main font trop honneur à la bourgeoisie.
Big Brother détermine nos droits démocratiques
Ces dernières décennies, les droits démocratiques ont étés systématiquement restreints. Les attaques contre les tours du WTC à New York en 2001 ont été instrumentalisées pour introduire bon nombre de lois qui ont accordé considérablement plus de pouvoir à l’Etat. Des lois soi-disant conçues pour faire face à la menace du terrorisme sont tout aussi aisément appliquées contre des mouvements de contestation comme Occupy aux États-Unis ou le mouvement actuel en Turquie.
Le récent scandale dévoilant que le gouvernement américain contrôle, dans le monde entier, les conversations téléphoniques, les courriels,… à une échelle sans précédent témoigne du fait que cette évolution est déjà bien avancée. Des commentateurs ont même affirmé que la NSA (National Security Agency) dispose d’une quantité d’informations sur la population bien supérieures à ce dont la Stasi, le service secret Est-allemand, aurait jamais pu rêver. L’image de cette NSA observant chacun sans relâche fait immédiatement penser à l’image de Big Brother, du roman ‘1984’ de George Orwell. Il y a tout de même une grande différence avec la dystopie (le contraire d’une utopie) représentée par Orwell. Alors que le Big Brother d’Orwell est un phénomène purement étatique, il existe aujourd’hui bien des entreprises privées qui s’en mêlent. Edward Snowden, celui par qui le scandale est arrivé, travaillait par exemple pour un sous-traitant de la NSA. La folie est ainsi poussée à son comble !
La crise capitaliste, le manque de contrôle démocratique ainsi que la répression et le contrôle croissant sont des symptômes d’un système malade. Au fur et à mesure que la crise s’approfondira, les mesures deviendront plus drastiques. La seule manière de mettre fin à l’oppression est d’en finir avec le capitalisme. Seule une alternative socialiste où les moyens de production ne sont pas aux mains d’une petite élite peut apporter une réponse aux problèmes actuels. Dans la prochaine période, il sera crucial de construire une force qui, avec un programme et une tactique appropriés, pourra parvenir à ce résultat.