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Tag: Conseil Central
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Quatre mensonges patronaux démontés
Les patrons reviennent systématiquement avec les mêmes arguments : coûts salariaux trop élevés, nécessité de diminuer les charges,… et proposent que l’on doive travailler plus longtemps ou assainir. A force de répétition, on commence parfois à y croire, et c’est bien pourquoi ils ne se gênent pas pour le faire, quitte à franchement entrer dans la démesure. Avec ce dossier, nous voulons démonter les quatre principaux mythes de la rhétorique patronale.
Par Geert Cool
1 ‘‘Les coûts salariaux élevés minent la compétitivité’’
Cet argument est destiné à intimider les revendications salariales et à remettre en cause l’indexation des salaires. On a été jusqu’à faire une loi pour comparer l’évolution des coûts salariaux en Belgique avec celle de nos pays voisins. L’argument du patronat est simple: si l’on veut maintenir l’économie, les salaires (ou au moins les coûts salariaux) doivent baisser. Ce modèle est aussi connu sous le nom de ‘‘modèle allemand’’
Cet été, Fons Verplaetse, gouverneur honoraire de la Banque Nationale, a dénoncé ce mythe dans l’hebdomadaire flamand Knack. Il y a comparé l’évolution des coûts salariaux horaires dans les secteurs privés belge et allemand en se basant sur les Rapports Techniques du Conseil Central de l’Economie, une source dont les patrons ne peuvent contester l’objectivité. Il a de plus utilisé des moyennes calculées sur trois ans pour éviter tout fruit du hasard et a comparé ces données avec l’évolution du pourcentage des exportations du marché belge (chiffres de l’OCDE et d’Eurostat). ‘‘Spontanément, tout le monde a tendance à penser que les exportations de notre pays vont beaucoup diminuer si les coûts salariaux augmentent plus fortement que dans les pays voisins, mais les chiffres objectifs démontrent le contraire’’ conclut-il.
Entre 1999 et 2004, la différence entre le coût des salaires dans notre pays et les pays voisins a diminué de 0,7% mais, à partir de 2001, notre pays a également perdu de plus en plus de part de marché dans l’exportation (2,4%). À partir de 2004, les coûts salariaux ont augmenté de 4,2% plus vite que dans les pays voisins, alors que la diminution de la part de marché était de 0,5%. Verplaetse déclare : ‘‘Les chiffres démontrent donc clairement qu’il n’existe certainement pas de relation positive entre les coûts salariaux et la perte de part de marché.’’ Selon Verplaetse, la perte de part de marché est due à un ensemble complexe d’éléments, comprenant entre autres la stratégie du prix de vente et des éléments plus structurels comme la recherche et le développement, l’innovation et l’entreprenariat.
Diminuer les salaires mène par contre au rétrécissement du marché interne, dans la mesure où l’exportation est plus facile vers les pays dont on importe aussi, et donc cette diminution des salaires mine notre propre position d’exportation. La diminution des salaires a pour unique objectif de servir à court terme le propre intérêt d’une poignée de riches.
2 “Une pression fiscale trop élevée”
Cet argument est utilisé pour revendiquer des diminutions de charges pour les employeurs, car cela conduirait à une augmentation du nombre d’emplois. En réalité, les employeurs semblent payer déjà bien peu d’impôts, et ces diminutions n’ont pas entraîné de nouveaux emplois.
Le célèbre milliardaire Warren Buffet a récemment expliqué qu’il trouvait remarquable que lui et ses amis ne doivent payer que si peu d’impôts. Les diminutions d’impôts ayant surtout été introduites après 2000 aux USA, Buffet s’étonne de constater que 40 millions d’emplois ont été créés entre 1980 et 2000 ‘‘et vous savez ce qui a été observé par la suite : des taux d’impôts plus bas et une croissance d’emplois encore plus basse.’’
Les grandes entreprises paient de moins en moins d’impôts en Belgique, certains disent même que le pays est devenu un paradis fiscal. La CSC a démontré que le taux d’imposition réel pour les entreprises a diminué de 19,9% en 2001 jusqu’à (à peine) 11,8% en 2009. Une des explications les plus importantes est la fameuse Déduction des intérêts notionnels. En 2009, les entreprises ont payé 93,956 milliards d’euros d’impôts sur les sociétés mais si le taux d’imposition de 2001 avait été appliqué, l’État aurait perçu 7,6 milliards d’euros de revenus supplémentaires. La CSC parle d’une ‘‘hémorragie fiscale massive’’.
Les intérêts notionnels et autres mesures similaires n’ont pas conduit à la création de nouveaux emplois, aucune différence significative n’existant entre le nombre de nouveaux emplois avant et après l’introduction de cette mesure favorisant les grandes entreprises. Dans les 20 entreprises qui ont le plus bénéficié des intérêts notionnels (qui représentent un tiers du coût de la mesure, soit 5,6 milliards d’euros), il n’y a que 242 employés de plus qu’en 2007. Sans l’entreprise GSK Biologicals uniquement, il y aurait même une diminution de 347 emplois.
3 ‘‘Nous devrons travailler plus longtemps’’
Dans bon nombre de pays voisins, l’âge de la retraite a été augmenté jusqu’à 67 ans. Chez nous aussi, le patronat plaide en la faveur de cette augmentation avec une argumentation toute simple : nous vivons plus longtemps. C’est indéniable, mais ce n’est pas le seul élément à prendre en compte.
Il y a par exemple l’augmentation de la productivité, qui fait que nous produisons davantage durant la période pendant laquelle nous travaillons. Cet élément est systématiquement mis de côté par le patronat. Entre 1964 et 2002, il s’agissait d’une augmentation de 215%. Cela provoque une forte augmentation du stress et de la pression au travail, il n’est donc pas évident de travailler plus longtemps que 60 ou 65 ans.
De plus, le montant des pensions diminue par rapport aux salaires. Une pension moyenne ne représente plus que 60% du dernier salaire. Un quart des pensionnés vit même en dessous du seuil de pauvreté. La diminution de la pension légale et les augmentations continuelles de productivité des travailleurs font que le budget total pour les pensions dans le PIB (produit intérieur brut) n’augmentera pas durant les années qui viennent.
Il est remarquable de voir comment le patronat plaide à la fois pour la prolongation de l’âge de la retraite et se retrouve en même temps en toute première ligne pour faire appliquer les mesures de prépension lors des restructurations. Pour les employeurs, il ne s’agit pas tellement de l’âge de la retraite, mais bien de la poursuite du démantèlement de la pension légale et de la sécurité sociale.
4 ‘‘Le gouvernement a vécu au-dessus de ses moyens et doit épargner’’
L’astronomique dette de l’État est utilisée par le patronat pour en appeler à de sérieuses coupes budgétaires. L’augmentation récente des dettes de l’État est la conséquence de la prise en charge des dettes privées par la société. Après s’être délestés de leurs propres dettes sur le dos de la collectivité, les patrons et les banquiers exigent de celleci qu’elle paie immédiatement les dettes. La course aux profits s’accompagne d’une belle arrogance à l’égard des travailleurs.
Car nous devons être bien clairs, ceux qui devront payer les dettes, pour les employeurs, c’est nous. Le président de la FEB (Fédération des Entreprises de Belgique) avait déclaré dès le début de la crise : ‘‘nous devons ajuster nos attentes d’augmentation systématique du bien-être en Occident. Notre système n’est psychologiquement et financièrement pas structuré pour ça. Un processus d’adaptation est nécessaire.’’ Traduisons : le niveau de vie d’un travailleur doit diminuer.
Les politiques d’assainissements conduisent à une amplification des problèmes économiques. Même les économistes néolibéraux renommés doivent maintenant le reconnaitre. Marc De Vos du ‘‘Think Tank’’ Itinera en fait partie. Dans le Knack, il a parlé de l’option d’assainissements très durs : ‘‘Des coupes budgétaires drastiques et des réformes européennes sont sensées réveiller les marchés financiers. Mais cela semble fonctionner difficilement. D’un côté, le remède semble pire que la maladie, dans le sens qu’il envoie l’économie à la catastrophe, ce qui fait qu’un pays comme la Grèce se retrouve dans une spirale infernale sans perspectives et avec de plus en plus de dettes. De l’autre, la population ne peut pas continuer à avancer sans perspective, les protestations en rue en témoignent. Et sans coopération de la part de la population, aucun programme de réformes ne peut réussir.’’
Pendant que la droite et les employeurs exigent des contre-réformes et des assainissements, selon le Financial Times, la relativement bonne position économique de notre pays est due au fait que, en Belgique, on ne mène pas encore de politique économique très dure. La droite veut changer cela, en suivant le modèle irlandais de baisse de charges patronales, le modèle allemand de bas salaires, le modèle français de réforme des pensions, mais aussi le modèle britannique d’assainissements très durs. Peut-être De Wever devrait-il vérifier ce pourquoi les économies des pays qu’il met en avant comme modèles tombent les unes après les autres ?
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AIP: Aucun accord plutôt qu’un accord vide de contenu !
A la mi-novembre ont débuté les négociations pour un nouvel Accord Interprofessionnel (AIP) pour 2011- 2012. Ceux qui pensaient que se serait au tour des travailleurs de se faire cajoler après les banques peuvent l’oublier. Les patrons, comme d’habitude, ne voient pas d’espace pour accorder des augmentations salariales et le gouvernement n’a, dit on, pas de sous pour financer un accord. Pendant ce temps se multiplient les provocations patronales dans des entreprises qui se moquent de la législation sociale. Dans ces conditions, accepter un accord sans contenu peut dépasser les bornes, même pour nos dirigeants syndicaux modérés.
Par Eric Byl
Les patrons n’ont toutefois pas de raison de se plaindre. L’année passée, les salaires (hors bonus) des tops managers en Belgique ont augmenté de 1,9% alors que ceux de leurs collègues chez nos trois partenaires commerciaux privilégiés (Allemagne, France, Pays-Bas) étaient gelés. Si nous tenons également compte de leurs bonus, leur augmentation a même grimpé à 6%, bien plus que chez nos voisins. Les managers du secteur public ne sont pas en reste. Les trois patrons des chemins de fer se sont accordé une augmentation salariale moyenne de 6,4%. Le patron de La Poste Johnny Thys a même reçu 10% de plus et gagne maintenant plus d’un million d’euros. Un postier auxiliaire à 8,43 euro de l’heure devrait travailler presque 70 années pour atteindre ce salaire annuel. Les tops managers des grandes entreprises cotées dans le Bel 20 ont obtenu l’an dernier une augmentation moyenne de 23,5%, ils gagnent maintenant 2,27 millions d’euros par an. Là aussi, la règle qui prévaut est que les plus riches ont la plus grande avidité. Il ne faut pas chercher la raison bien loin : les entreprises du Bel 20 font à nouveau de bonnes affaires. Pendant la première moitié de 2010, ils ont réalisé un profit global de 10,3 milliards d’euros, le double de la même période en 2009.
Ce n’est cependant pas ce dont parle le rapport technique du Conseil Central de l’Economie (CCE) ‘‘sur les marges maximales disponibles pour le développement des coûts salariaux’’. Ce rapport s’attarde surtout sur le fait que, au cours de la période précédente de 2009- 2011, le coût salarial a évolué 0,5% plus rapidement que chez nos trois partenaires commerciaux privilégiés. Depuis 2000, la différence serait déjà de 3,9%, le fameux handicap salarial, une anomalie dont les patrons revendiquent l’abolition sans délai. Puisque le coût salarial dans nos pays voisins grimpera de 5% en 2011-2012, cela donnerait donc une marge maximale de 4,5% en Belgique. Après avoir déduit l’indexation attendue, prévue à 3 ,9%, il ne reste que 0,6%, à étaler sur deux ans. En plus, les patrons ont remarqué que le CCE s’était même trompé de 1,1% lors de son rapport précédent. En bref : nous pouvons déjà nous estimer heureux si nous ne devons pas reverser une partie de notre salaire !
La CSC appelle à la prudence concernant ces données. Puisque les comptes nationaux ‘‘ne tiennent pas compte des 3.788 millions d’euros de subventions des coûts salariaux en 2010 par voie fiscale (2.220 millions), par l’activation des allocations (339 millions) et par les titres services (1.229 million). Si on tient compte de tout cela, le handicap salarial de 3,9% est réduit à 1,0% en 2010.’’ Si nous tenons également compte des diminutions de contributions patronales (4.868 millions d’euros en 2009), le handicap salarial devient rapidement un bonus salarial. Ainsi, le professeur d’économie Paul De Grauwe (de l’université de Louvain) s’énerve à la vue de tant d’avidité patronale. ‘‘Les statistiques européennes montrent que tous les pays de la zone euro ont vu s’affaiblir leur position de concurrence mutuelle depuis 2000.’’ Il déclare encore : ‘‘de l’autre côté de la balance se trouve seulement l’Allemagne, qui mène depuis des années une politique de modération forte. Des onze pays à la base de l’euro, sept font pire que la Belgique.’’
De Grauwe ne trouve d’ailleurs pas que la Belgique doive suivre l’exemple allemand : ‘‘si tout le monde fait ça, nous finirons tous avec des salaires plus bas et avec moins de consommation.’’ Au contraire, ‘‘ finalement il va y avoir, en Allemagne aussi, un contrecoup.’’ Les patrons savent bien que leurs revendications sont inacceptables. C’est pour ça qu’ils remettent à chaque fois en question l’adaptation au bien-être des allocations, un ‘‘acquis’’ du sommet ministériel d’Ostende, il y a quelques années, tout comme l’allongement des prépensions. Ainsi, ils espèrent forcer les syndicats à accepter un accord, même s’il n’y a rien dedans. Mais il n’est pas certain qu’ils réussissent cette fois-ci. La FGTB a finalement remis en avant l’augmentation des salaires minimums bruts et les deux syndicats revendiquent des négociations libres sur l’augmentation des salaires bruts. Il est peu probable que le patronat accepte.
L’agression patronale est d’ailleurs vue par quelques patrons comme un sauf-conduit pour remettre en question n’importe quoi. L’attaque brutale de Brink’s sur le statut employé de leur personnel et sa condamnation devant la justice illustre une fois encore que l’approche des organisations patronales créé l’espace pour un retour aux méthodes du 19e siècle, ce qu’ils n’approuvent évidemment pas officiellement. Voilà qui promet pour la discussion concernant le statut unique ouvrier-employé.
A la base, on n’attend pas un accord sans contenu où les concessions faites aux travailleurs sont remises en cause à tout bout-de-champ. Les prépensions peuvent aussi être réglées par un soi-disant mini-accord et la liaison au bienêtre des allocations est une enveloppe spécifique que les patrons ne doivent pas toucher. S’il n’y a pas d’accord sur la norme salariale pour le 15 décembre, le gouvernement pourra en imposer un. On fait le pari qu’ils seront moins généreux avec les travailleurs qu’avec les banques il y a un an ?
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Une réponse aux mensonges du patronat : Handicap salarial ou théorie du cercle vicieux?
Aujourd’hui, les organisations patronales préparent déjà les négociations salariales prévues pour l’automne et c’est le ‘modèle allemand’ qu’ils mettent en avant. L’argument central du patronat est le prétendu ‘‘handicap salarial’’, les salaires des travailleurs belges seraient trop élevés en comparaison de ceux des pays voisins. Qu’il y a-t-il de vrai là-dedans?
Par Thomas B (Gand)
Selon le Conseil Central de l’Economie, le handicap salarial belge comparé aux voisins français, allemand et hollandais, depuis 1996, est de 3,3%. Si on compte également les subventions fiscales pour les salaires, ce handicap est réduit à 1,65%. Les fédérations patronales flamandes, Unizo et Voka, tiennent compte du niveau salarial absolu pour parvenir à un handicap salarial de 11% tandis que la Fédération des Entreprises Belges parlait en 2008 de 12%.
Par contre, aucune organisation patronale ne tient compte de la productivité des travailleurs belges. Comparés aux travailleurs allemands, les travailleurs belges sont devenus 18% plus productifs entre 1996 et 2009. Il n’y a qu’au Luxembourg (avec le secteur financier) et en Norvège (avec le pétrole) où l’on fait plus de profit par travailleur et par heure (dans notre pays, c’est déjà 58,5 dollars par heure en moyenne). Cela signifie que les capitalistes réalisent de meilleurs profits dans notre pays par rapport à l’Allemagne. Mais ce n’est toujours pas suffisant, la maximalisation des profits est et reste le moteur fondamental du capitalisme.
Il n’est pas juste non plus de dire que ce soi-disant handicap salarial aurait conduit à plus de pertes d’emploi que dans les pays voisins. Entre 1996 et 2008, l’emploi dans le secteur privé est monté de 10,4% dans notre pays par rapport à une moyenne de 4,5% chez nos voisins, une croissance même sept fois plus rapide que chez ‘‘l’élève modèle’’ allemand. Là bas, les coûts salariaux représentent d’ailleurs 49% du coût de production en moyenne, contre seulement 38% en Belgique et seulement 27% spécifiquement dans l’industrie. Mais les diminutions de charges patronales ont conduit à bien plus de profits que d’emploi…
La crise pousse la bourgeoisie à lancer des appels pour s’attaquer encore plus durement et plus rapidement aux acquis de la classe ouvrière. Ces dernières trente années, de grands pas ont déjà été faits avec la politique néolibérale, et les prochains à venir concernent la limitation des allocations de chômage dans le temps ou l’augmentation de l’âge de la pension.
Pour le patronat, la responsabilité de la crise est à chercher du côté des travailleurs, ou au moins chez les syndicats ‘‘conservateurs’’ qui osent défendre de meilleurs salaires ou les pensions alors que nous devons ‘‘tous’’ participer à l’austérité. Mais quand on dit ‘‘tous’’, le patronat entend surtout ‘‘nous tous’’, et pas eux-mêmes… Ils invoquent la crise pour venir les aider à accentuer la spirale des salaires vers le bas.
Le SPF-Economie a calculé que 10% de tous les travailleurs de notre pays gagnent au maximum 1.807 euros bruts par mois, soit entre 1.200 et 1.300 nets selon la situation familiale. La moitié se situe sous les 2.486 euros bruts, ce qui signifie 1.400 à maximum 1.700 euros nets (pour un employé isolé avec trois enfants à charge). On ne peut donc pas vraiment dire que les salaires soient élevés. L’objectif du patronat est de parvenir à instaurer un vaste secteur à bas salaires, comme en Allemagne, où 20% des travailleurs gagnent mois de 10 euros bruts par heure.
Chez nous aussi, le nombre de salaires compris sous les 10 euros par heure a augmenté. Cela concerne par exemple le salaire des nouveaux auxiliaires-postiers ou des nouveaux jeunes travailleurs des Carrefours franchisés après le dernier plan de restructuration.
Avec l’arrivée des négociations collectives sur les salaires à l’automne, il est très important de contrer les arguments du patronat. Ce n’est pas à eux de déterminer l’ordre du jour des négociations ! Ce prétendu ‘‘handicap salarial’’ est une vaste blague destinée à éviter que les travailleurs ne revendiquent des compensations pour l’augmentation de la productivité.
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Négociations salariales. Recul ou progrès ?
Le 13 novembre, les partenaires sociaux ont commencé les négociations pour fixer la ‘norme salariale’ des deux prochaines années, c’est à dire l’augmentation maximale de nos salaires. Sera-ce un pas en avant, oui ou non?
Geert Cool
Les managers américains…
Aux Etats-Unis, les salaires du 0,01% des travailleurs les mieux payés (qui sont en fait des managers) a connu une croissance de 617% entre 1996 et 2001, et pour le 0,1% de veinards les mieux rétribués, l’augmentation est « seulement » de 256%.
Autre donnée intéressante, en 2005, un patron américain gagnait 10,5 millions de dollars par an, soit 369 salaires moyens d’ouvrier. En 1993, il s’agissait « seulement » de l’équivalent de 131 salaires, et en 1976, de 36!
Qui gagne, qui perd?
Les salaires des dirigeants des entreprises reprises dans l’indice boursier bege BEL-20 ont augmenté de 12% en une année seulement, de 2004 et 2005.
Mais le Conseil Central de l’Economie (CCE) a pourtant dû avouer qu’en général le pouvoir d’achat réel des Belges a reculé de 1,3% au cours de chacune des quatre dernières années, notamment parce que certains produits ont été sortis de l’index, qui reflète donc moins la réalité. Une étude du Centre de Recherche et d’Information des Organisations de Consommateurs (CRIOC) dit même que le déclin du pouvoir d’achat a été en fait annuellement de 3%.
Vers un accord interprofessionnel (AIP)?
L’AIP est un accord général négocié tous les deux ans entre syndicats et patronat. Il traite entre autres des salaires et des conditions de travail des deux millions d’employés du secteur privé mais il concerne également les allocations sociales. De tels accord interprofessionnels sont conclus depuis le début des années ‘60. Il est toutefois frappant de constater que, depuis qu’une norme salariale (un plafond d’augmentation salariale à ne pas dépasser) a été imposée, la hausse autorisée des salaires a diminué (de 6,1% en 1997-1998 jusqu’à 4,5% en 2005-2006).
Le CCE présente cette fois une norme salariale de 5,5%, supérieure à la norme salariale précédente. Pourquoi? Une raison importante est la montée de l’inflation (la hausse des prix et du coût de la vie) qui devrait être de l’ordre de 3,9% selon les prévisions pour les années 2007-2008. Cette inflation doit être déduite de la norme salariale.
La Fédération des Entreprises de Belgique (l’organisation du patronat) affirme de son côté qu’il faudrait plutôt établir une norme salariale de 4,4%, les salaires belges ayant augmenté de 4,7%, plus rapidement donc (de 1,1%) que dans les pays voisins. Une spirale négative devrait par conséquent être entamée. Futur argument pour organiser des coupes budgétaires dans les pays voisins ?
En fait, les salaires français et néerlandais ont connu une augmentation supérieure aux belges et ce sont surtout les salaires allemands qui augmentent moins vite que l’indice, ce qui traduit un véritable déclin concret pour les travailleurs et leurs familles de ce pays. Cela n’est pas une surprise quand on se rappelle les 250.000 manifestants qui ont défilé fin octobre contre la politique gouvernementale de la chancelière allemande Merkel. Le gouvernement de celle-ci veut même faire grimper l’âge de la retraite à 67 ans. Et c’est ce genre de politique qui nous attend si aucune résistance ne bloque les désirs du patronat.
Comment les futures attaques seront-elles organisées?
Les déclarations des cercles patronaux n’ont pas manqué ces dernières années pour réclamer que quelque chose soit fait à propos de l’index. Car une adaptation automatique des salaires à l’augmentation des prix, même partielle et faussée, dérange profondément les patrons.
Cet indice a pourtant déjà été trafiqué. L’essence, par exemple, n’est plus prise en compte. L’impact des loyers est également sous-évalué : il ne compte que pour 6,2% dans le chiffrage de l’index alors que la majorité des familles bruxelloises consacrent plus de 30% de leur budget au logement et qu’en Wallonie et en Flandre, la moitié des locataires dépense plus de 20% de leurs revenus pour ce poste.
Pourtant, pour la FEB, la suppression de l’index serait la «meilleure solution». Pour faciliter les attaques contre nos salaires, très certainement. Mais le patronat sait qu’il doit se montrer prudent. Il a, lui aussi, tiré les leçons du mouvement contre le Pacte des Générations. Avant de toucher à l’index, le patronat préfère lancer des attaques indirectes qui susciteront moins de remous.
Les accords “all-in”
La solution selon le patronat? Des accords par secteurs qui seraient autant de digues contre l’augmentation de l’index. Actuellement, 516.000 travailleurs (un cinquième du total) sont déjà sous une réglementation « all-in » ou des variantes de ceux-ci, comme les accords-solde.
En voici quelques possibilités:
– Supprimer une partie de l’augmentation salariale accordée quand l’index augmente « trop », comme cela existe déjà dans le secteur du métal.
– Fixer un maximum général d’augmentation comprenant l’indexation, ce qui signifie que l’indexation est neutralisée si une augmentation trop forte se produit. Un tel type d’accord a été appliqué en octobre 2006 dans le secteur de la construction.
– Arriver à un accord qui dit que les fortes augmentations seront réglées plus tard, dans des accords sectoriels.Quel est le problème avec nos salaires ?
Si nous examinons les bénéfices des entreprises, on ne croirait pas qu’il y a tant de problèmes. Durant les seuls 9 premiers mois de 2006, Fortis a réalisé autant de bénéfices qu’en 2005, soit 3,6 milliards d’euros. Un cas isolé ? Certainement pas ! Ces 5 dernières années, les bénéfices des entreprises côtées en Bourse ont augmenté de 41%…
De plus, la productivité des travailleurs belges augmente plus rapidement que leurs salaires. Pour la période 2003-2004, la productivité d’un travailleur en Belgique a augmenté de 3,1% et les coûts salariaux par unité produite de 1,4%. On produit davantage, mais si c’est invisible sur nos fiches de paie, cela se voit dans les bénéfices supplémentaires que le patronat accapare.
Une autre façon d’augmenter les bénéfices est de réduire les contributions «patronales» à la sécurité sociale (en réalité, la part indirecte de nos salaires). Chaque année, la hotte de Saint-Nicolas pour les patrons se remplit un peu plus:
- 2000 : 2.964.200.000 €
- 2001 : 3.487.200.000 €
- 2002 : 3.579.200.000 €
- 2003 : 3.749.800.000 €
- 2004 : 4.604.300.000 €
- 2005 : 5.279.600.000 €
- 2006 : 5.415.100.000 €
Quel réponse syndicale?
La position des sommets syndicaux semble très modérée et fait suite à la convention conclue avec le patronat en septembre, par laquelle les allocations ont été faiblement augmentées en contrepartie de nouvelles baisses de charges (entre autres sur les heures supplémentaires et le travail en équipes). A cette occasion, on s’est aussi pu se rendre compte que les directions syndicales avaient accepté l’idée patronale selon laquelle nos salaires ne peuvent augmenter trop fortement par rapport aux pays voisins. Aucune réaction n’est venue de leur part face aux déclarations des patrons.
La base syndicale suivera-t-elle ses sommets ? Le mouvement contre le Pacte des Générations a démontré que la base ne suit pas nécessairement sa direction et ose parfois même s’y opposer : 58.000 membres de la CSC ont ainsi participé à la grève du 7 octobre 2005 alors que leur direction avait dépensé 140.000 euros pour la campagne «10 raisons pour ne pas faire grève ».
Face aux propositions et exigences patronales, il faut construire un mouvement unifié et puissant, ce qui ne saurait être le cas en faisant systématiquement des concessions au patronat. Construisons un rapport de forces ! La base syndicale doit être informée et organisée pour plus tard pouvoir passer aux mobilisations. Un programme répondant aux préoccupations des travailleurs et de leurs familles renforcerait ce processus.
- Non à la spirale négative de nos salaires ! Face à la concurrence pour la plus grande baisse du pouvoir d’achat en Europe, nous mettons en avant la nécessité d’une lutte commune pour augmenter réellement nos salaires
- Non aux attaques contre l’index ! Pour un rétablissement complet de l’index, un index qui corresponde à la réalité
- Non aux attaques indirectes contre l’index (accords all-in et autre)!
- Pour une augmentation des salaires et des allocations sociales !
- Pour un rythme de travail viable : non à l’augmentation de la flexibilité !
- Pour une redistribution du travail au lieu du chômage ! Diminution du temps de travail, 32 heures de travail par semaine avec embauche compensatoire et sans perte de salaire !
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Des profits augmentés de 50,6% en 2005: ET NOS SALAIRES?!
Le magazine Trends/Tendances a publié un rapport sur les résultats des 30.000 plus grandes entreprises belges en 2005 duquel quelques données intéressantes émergent. Le drame social ayant percuté de plein fouet le plus grand nombre de travailleurs s’est joué à La Poste. Le même gouvernement qui se déclarait « choqué » par VW-Forest a envoyé 2.255 travailleurs de La Poste à la casse en 2005. Au même moment, La Poste est devenue championne dans la catégorie « utilisation d’intérimaires ».
Rien ne doit être espéré de ce gouvernement pour mener la lutte contre la flexibilisation et les pertes d’emploi. La réalité qui se cache derrière le terme de libéralisation est aussi apparue au grand jour : appliquée au marché postal, libéralisation a signifié : attaques contre les travailleurs (avec, entre autres, Géoroute) et contre les consommateurs (avec une croissance du prix des timbres).
Les chiffres de Trends/Tendances contribuent à faire tomber les masques.
Avec 34.586 travailleurs en 2005, La Poste est le plus important employeur (la SCNB étant scindée en différentes entreprises). En même temps, 1,01 millions d’heures sont prestées par des intérimaires. L’idée selon laquelle les travailleurs des services publics n’ont que des statuts fixes n’a plus de base réelle. Officiellement, le travail intérimaire est une exception, comme pour des périodes d’augmentation temporaire de la masse de travail. C’est en réalité plutôt la règle que l’exception. En 2005, le nombre d’heures effectuées par des intérimaires à La Poste a connu une croissance de 116% comparé à l’année précédente. La Poste a explosé la moyenne : dans les 30.000 plus grandes entreprises, le nombre d’heures prestées par des intérimaires a augmenté de 8,7%…
Augmentation des profits…
Les grandes entreprises n’ont aucune raison de se plaindre de 2005. La récolte a été fructueuse. Le volume des affaires traitées a augmenté de 9,3% pour atteindre 533 milliards d’euros tandis que les profits ont augmenté de 50,6% pour atteindre 39,6 milliards d’euros ! Malgré cette croissance vertigineuse de son argent de poche, le patronat affirme que les salaires sont trop élevés. Les attaques contre nos salaires ont comme seul but d’encore plus augmenter les profits réalisés : le travail intérimaire est meilleur marché, mais des attaques plus directes sur nos salaires sont encore désirées par nos exploiteurs.
A Volkswagen cette attaque est très franche et la direction veut l’acheter par des primes de départ élevées. Beaucoup de travailleurs acceptent ces primes : pourquoi travailler plus longtemps à un rythme déjà fort soutenu quand il y a possibilité de partir avec une bonne prime ?
Cette monstrueuse attaque est reconnue par le dirigeant pensionné de la FGTB Xavier Verboven qui déclarait dans un journal Flamand : « La situation peut être comparée avec les licenciements à Ford Genk il y a quelques années. Après-coup, ils ont engagé d’autres travailleurs meilleurs marché. Je pense que la même chose va arriver à VW. »
Le fil rouge de l’année 2005 a donc été une forte augmentation des profits, entre autres sur base d’une attaque contre les conditions de travail et les salaires. Les services publics sont parmi les plus visées, il est temps d’une autre politique !
… mais la pauvreté augmente aussi !
Les travailleurs connaissent aussi une augmentation … de la pauvreté ! D’après les chiffres du Conseil Central de l’Economie (CCE), 9% des travailleurs allemands sont pauvres. Plus de 4 millions d’Allemands n’ont qu’un «mini job». Est-cela que les patrons belges veulent nous donner comme futur en échange de leur avenir, doré à nos dépends?
La croissance des profits et de la pauvreté va de pair. Si 2% de la population mondiale contrôle 50% de toutes les richesses et que le 1% le plus riche possède presque 40% de la richesse, au-même moment, 1 enfant sur 6 connait la pauvreté en Belgique.
Le nombre d’enfants dans cette situation dans notre pays a augmenté de 12% en 2001 à 17% aujourd’hui… Et demain ?
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Nos salaires trop élevés?
Après le volet des prépensions, d’autres attaques antisociales sont à prévoir. C’est au tour des salaires d’être dans la ligne de mire du gouvernement Verhofstadt II. Depuis novembre, les rapports officiels se multiplient et expliquent que l’augmentation des salaires en Belgique serait trop importante par rapport aux pays voisins.
Xavier Dupret
A l’agenda du patronat pour cette année figurent donc la modération salariale bien sûr, en prévision des Accords Inter-Professionels pour les années 2007 et 2008, une diminution des charges sociales, éternelle revendication patronale qui se fait sur le dos du salaire indirect des travailleurs, ou encore des attaques sur l’index, dont les fameux ALL-IN, qui signifient que si l’inflation prévue est dépassée, l’augmentation salariale est rognée en conséquence.
L’index visé
Pour tenter d’y voir plus clair, un retour sur l’histoire sociale récente n’est pas superflu. En 1989, la coalition PS/SP-PSC/CVP s’inquiétait déjà de la bonne santé de nos entreprises et adopta une loi prévoyant une procédure proche des pouvoirs spéciaux afin d’éviter tout dérapage salarial. En 1993, le Plan Global était adopté dans le but de satisfaire aux critères de convergence imposés par le Traité de Maastricht instituant l’Euro. Au départ, le gouvernement entendait mener à bien ces projets en négociant avec les syndicats.
Très vite, il apparut que la base syndicale refusait l’application des dispositions du Plan. Un mouvement de grève générale s’en suivit. En dépit des mobilisations, le Plan Global fut adopté et ses effets ne tardèrent pas à se faire sentir.
En 1994, les salaires des travailleurs belges étaient liés à un indice des prix excluant un certain nombre de produits de nécessité parmi lesquels les carburants. En 1995 et 1996, un système était aménagé afin d’éviter une croissance des salaires et traitements. Jusqu’au 23 janvier 1995 inclus, aucune nouvelle convention collective ou individuelle de travail et aucun autre accord prévoyant des augmentations de rémunération ou des avantages nouveaux pour la période 1995-1996 ne pouvaient être conclus.
Pouvoir d’achat en baisse
L’intense travail législatif des trois familles politiques traditionnelles belges au cours des deux dernières décennies se résume, en matière économique et sociale, à un ensemble de mesures destinées à réduire le pouvoir d’achat des travailleurs et à remettre en cause l’ensemble de leurs acquis sociaux. Pour nous faire avaler leurs couleuvres, la bourgeoisie et ses laquais nous assurent que la préservation de l’emploi passe inévitablement par un raffermissement de la profitabilité des entreprises. En y regardant d’un peu plus près, on peut soulever quelques objections.
Baisse des salaires égale emplois?
La littérature néolibérale nous répète que, vu la progression des échanges mondiaux dans le cadre d’un capitalisme globalisé il faut absolument baisser nos coûts salariaux. C’est à ce prix que l’emploi serait préservé dans nos pays.
Et pourtant, la part occupée par les salaires dans le Produit Intérieur Brut belge n’a cessé de décroître. En 1980, elle équivalait à 78% pour atteindre 69% 20 ans plus tard. Cette baisse a été de 8% en moyenne pour l’ensemble de la Communauté Européenne. Mais entre-temps, le chômage a littéralement explosé.
Autrement dit, chaque bourgeoisie nationale se sert des acquis obtenus par les travailleurs des pays voisins pour mettre la pression sur “ses” salariés et ainsi augmenter ses profits. Affirmer comme le fait le gouvernement que le maintien de l’emploi passe par le blocage des salaires est une parfaite aberration. Car la baisse des salaires dans le PIB signifie que les gains de productivité ne sont plus redistribués aux salariés, ce qui provoque la montée en puissance du secteur financier et une stagnation des investissements productifs.
Pertes d’emplois et productivité en hausse
Ensuite, concernant l’augmentation du chômage, en se référant aux statistiques disponibles, on voit clairement que les menaces de délocalisation ne représentent qu’une infime partie des emplois supprimés (à peine 1%). Les destructions massives d’emploi résultent essentiellement de l’augmentation de la productivité suite à l’introduction de nouveaux procédés de fabrication impliquant une plus grande pression sur les travailleurs. Ainsi, en Belgique, selon le Conseil Central de l’Economie, la productivité a augmenté au rythme de près de 4% par an entre 1980 et 2005.
En d’autres termes, bien plus que les travailleurs des autres nations, ce sont les bourgeoisies nationales qui se posent en destructrices de l’emploi.
Quelle réponse?
Un nouveau Parti des Travailleurs qui revendiquerait clairement une réduction du temps de travail avec maintien des salaires et réviserait les règles fiscales afin d’imposer lourdement les plus-values mobilières, permettant ainsi de remobiliser les travailleurs et de sortir de cette spirale régressive. De cette façon et de cette façon seulement, l’histoire du Plan Global ne se répétera pas.
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Après le pacte des generations. Continuons le combat
Le mécontentement continuel du patronat et ses demandes ressemblent à la liste de Saint Nicolas d’un enfant gâté. La hausse de l’acier, du pétrole, de l’euro… sont autant de belles excuses pour justifier l’austérité imposée aux seuls travailleurs car les bénéfices des entreprises ne décroissent pas.
Nicolas Croes
Le pacte des générations n’était pas encore voté au Parlement que l’on parlait déjà lors du congrès du VLD d’une seconde attaque sur les fins de carrière. Cela ne pouvait que satisfaire le Fonds Monétaire International pour qui le Pacte, s’il va dans le bon sens, se caractérise surtout par sa «faiblesse». Mais, sans résistance, ce n’est pas seulement plus longtemps que les travailleurs se feront exploiter…
Pour Guy Quaden, gouverneur de la Banque Nationale (et membre du Parti «Socialiste»…), il y aurait une croissance économique de 2,2% en 2006. Ce serait une amélioration par rapport à l’année précédente, mais dont ne saurait profiter assez le beau monde des entreprises pour cause de handicap salarial. Quaden poursuit en comparant nos salaires à ceux des pays voisins, moins élevés et surtout non-indexés. Et c’est pour lui évidemment là que se situe le problème, dont la solution serait un «Pacte de Compétitivité» impliquant modération salariale, remise en question de l’index et de nouvelles baisses de charges pour les patrons… Il est hors de question de son point de vue de prendre en compte la productivité supérieure des travailleurs belges, cette donnée est probablement réservée aux patronats voisins, pour qui cela peut servir d’explication pour les bas salaires pratiqués chez eux. Quaden ignore aussi le coût de la vie sans cesse croissant, comme vient encore de le démontrer la récente étude du Service Public Fédéral de l’Economie qui calcule ce fameux index dans lequel n’est toujours pas prise en compte la hausse du pétrole.
La FEB est moins optimiste et prévoit une croissance de 2% (ce qui est toujours supérieur au 1,4% de cette année). Mais sur le fond, l’analyse est la même: nos revenus sont trop élevés. Les travailleurs sont doublement visés dans le rapport de la FEB qui demande aussi une diminution des dépenses publiques. Moins de services à la population, donc, et de nouvelles privatisations avec les conséquences que l’on sait.
A cela, il faut encore ajouter les pressions du Conseil Central de l’Economie et la bonne volonté du gouvernement pour appliquer les plus infimes désirs du patronat, seule voix «raisonnable» dans la société.
C’est la faiblesse qui attire les coups et pour stopper le racket, c’est par des actions résolues, massives, et unies que les travailleurs doivent répliquer. La logique du profit est aux seuls avantages des inustriels et autres exploiteurs. Nous ne l’acceptons pas!
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Accord Interprofessionnel – face à l’agression patronale: Il est temps de passer à la contre-attaque!
Accord Interprofessionnel – face à l’agression patronale:
Les profits ont plus que doublé, mais pas le pouvoir d’achat.
Dès avant l’été, les patrons ont lancé l’offensive en vue du nouvel Accord Interprofessionnel (AIP). Sur leur cahier de revendications: plus de flexibilité, un gel des salaires et un système de fin de carrière encore plus favorable aux patrons. Il s’agit de préserver la compétitivité des entreprises. Sous peine de mettre en danger l’emploi et l’Etat-Providence. Bref: nous devons remercier les patrons de pouvoir faire des sacrifices.
La presse, qui est entièrement aux mains du patronat, ne cesse d’asséner ce non-sens. De temps en temps, la presse spécialisée publie pourtant les vrais chiffres. Et qu’en ressort-il? D’après l’hebdomadaire de droite ‘Trends’, les 30.000 plus grandes entreprises de Belgique ont doublé leurs bénéfices en 2003, engrangeant le montant record d’au moins 27.8 milliards d’euros ou 1.121 milliards de francs belges, soit un peu moins de 300.000 frs par habitant actif.
L’entreprise la plus rentable en 2003 était Belgacom. Les 15.975 travailleurs ont rapporté au moins 5 milliards d’euros de profits nets, soit 12,65 millions de francs belges par travailleur.
Brisons le carcan de de la norme salariale
Malgré ces super-profits, le patronat ne veut pas entendre parler d’augmentation de salaire. Les extrémistes du Voka, l’ancien VEV, vont jusqu’à remettre en question l’indexation des salaires. La FEB et l’UCM veulent limiter l’augmentation des salaire à 3.3 %, soit le niveau de l’inflation. Il n’est toujours pas question de compensation pour l’augmentation de la productivité. Même l’augmentation barémique de 1 % est remise en cause.
Le patronat invoque le Conseil Central de l’Economie (CCE). Celui-ci calcule la soi-disant norme salariale qui impose que les salaires belges ne doivent pas augmenter plus que ceux des pays voisins. Le CCE a pourtant fait savoir “discrètement” qu’il s’était trompé de 0.9% au détriment des travailleurs. La réaction de Paul Soete, de l’organisation patronale Agoria, en dit long: “Ne cédons pas au fétichisme des chiffres”. Bref: la norme salariale ne vaut que lorsqu’elle arrange les patrons.
Les directions syndicales ne revendiquent que 1% d’augmentation de salaire au- delà de l’inflation et des augmentations barémiques. Ce n’est rien d’autre qu’un appât pour nous faire avaler plus de flexibilité. Lorsqu’on voit l’augmentation du nombre de travailleurs pauvres, les chiffres de profits qui donnent le tournis, les prestations de la bourse belge et les salaires mirobolants que s’accordent royalement les managers d’entreprises, on ne peut qu’exiger une hausse substantielle du pouvoir d’achat des travailleurs et l’abrogation immédiate de la norme salariale.
La classe politique et le patronat: bras dessus, bras dessous
Malgré les chiffres de profits, beaucoup de travailleurs pensent que les entreprises sont sur le point d’être foudroyées par la concurrence. Depuis l’été, les arguments patronaux ne cessent d’être martelés par le patronat lui-même et la presse, mais aussi par les politiciens.
Frank Vandenbroucke a déjà annoncé le gel des salaires des fonctionnaires flamands avant même que le patronat n’y ait songé. En culpabilisant les chômeurs et en les contraignant à accepter n’importe quel job, on cherche à brader le prix de la main d’oeuvre. Les patrons jouent là-dessus sans vergogne pour mettre les salaires sous pression et faire reculer les conditions de travail.
Il est de bon ton aujourd’hui de dénoncer la “fraude sociale” pour faire accepter la politique de suspension des chômeurs. Mais qui sont ces gens qui suspendent? Marie Arena a été prise la main dans le sac pour avoir dépensé au moins 300.000 euros – soit 12 millions de francs! – dans la rénovation de son cabinet.
Il semble que chaque législature voit les ministres dépenser entre 50.000 et 70.000 euros pour la rénovation de leur cabinet. La plupart des travailleurs ne consacrent pas autant d’argent à la maison dans laquelle ils espèrent habiter toute leur vie!
La semaine des 40 heures en pratique
L’accord dans le secteur de la construction, qui permet de prester 130 heures supplémentaires non-récupérables à seulement 120 % du salaire normal, a donné des idées aux patrons. Ils veulent maintenant 175 heures supplémentaires par an (au lieu de 65h) et ce sans devoir passer par la délégation syndicale. Celui qui travaille 150 heures supplémentaires par an preste en moyenne une semaine de 40 heures. Les patrons veulent en plus que les heures de travail soient comptabilisées en base annuelle. Pour les travailleurs, cela signifie en pratique qu’ils pourront travailler 48 heures une semaine et puis 28 heures la semaine suivante.
Les jeunes surtout sont touchés par les emplois précaires et hyperflexibles. C’est une pratique illégale courante de ne faire signer leur contrat aux intérimaires qu’après la prestation de leur semaine de travail. Certaines entreprises comptent plus de 50% d’intérimaires dans leur personnel. Pour lutter contre cela, les jeunesses syndicales et Résistance Internationale organisent le 19 mars une nouvelle Marche des Jeunes pour l’Emploi. Le MAS essaie de lui donner un caractère combatif en lançant dès à présent des comités de mobilisation aux bureaux de pointage, dans les entreprises avec les délégations jeunes des syndicats, dans les quartiers, dans les écoles et les universités. N’hésitez pas à prendre contact avec nous.
La combativité y est
Vers une grève générale!
Cela fait des mois déjà que les entreprises entrent en action les unes après les autres contre un patronat de plus en plus agressif. Licenciements, allongement de la durée du travail, flexibilité accrue, menaces de délocalisation, les patrons mettent en oeuvre toute la panoplie de menaces à leur disposition. Les entreprises publiques ne sont pas épargnées. De Lijn, les TEC, la STIB, La Poste, la SNCB,… partout des milliers d’emplois sont en jeu et les conditions de travail se dégradent. Il n’y a pas d’argent pour les bâtiments scolaires. Le Non-Marchand a un besoin urgent de 25.000 emplois supplémentaires et d’un rattrapage salarial.
L’offensive du patronat et de ses laquais politiques est générale. Nous devons y répondre par des actions de grève générales. Le Non-Marchand part en grève le 27 janvier. Pourquoi pas une grève générale de 24 heures ce jour-là ou, mieux encore, de 48 heures les 27 et 28 janvier?
Avec quel programme? Cela fait plus d’un an que le Non-Marchand a rassemblé ses militants en front commun syndical lors d’un grand meeting pour travailler à une plateforme commune de revendications.
Pourquoi ne pas faire de même sur une base interprofessionnelle. Une telle plate-forme de revendications pourrait aligner les mots d’ordre suivants:
- Abrogation de la norme salariale, pour une hausse réelle du pouvoir d’achat
- Stop à la flexibilité, pas d’assouplissement des heures supplémentaires
- Maintien des horaires sur base hebdomadaire, pas d’annualisation
- Des services publics de qualité: stop à la libéralisation et à la privatisation
- Non à l’exclusion: il faut s’en prendre au chômage, pas aux chômeurs
- 32 heures sans perte de salaire et avec embauche compensatoire
- 25.000 emplois pour le Non-Marchand
- Suppression du travail intérimaire. Des emplois fixes, correctement rémunérés
- Nationalisation sous contrôle ouvrier de toute entreprise qui menace de délocaliser, de licencier ou de baisser les salaires
Le mot d’ordre de grève générale est un vain mot s’il ne va pas de pair avec un programme clair et un plan d’action qui soient discutés dans les entreprises et qui reçoivent le soutien de tous les travailleurs. Non à la grève pour faire retomber la pression, oui à la grève pour imposer nos revendications.
Il faut un nouveau parti des travailleurs!
Même si les travaillleurs parviennent temporairement à faire plier le genou au gouvernement et au patronat, ceux-ci ne renonceront jamais à nous imposer les mêmes mesures sous l’une ou l’autre forme tant que le capitalisme subsistera. D’où la nécessité de construire le MAS/ LSP en tant que parti révolutionnaire.
Un parti qui ne rejette pas l’anticapitalisme et le socialisme dans un avenir lointain, mais qui y travaille quotidiennement en partant de la pratique. Nous ne disons pas d’attendre des lendemains qui chantent. Bien au contraire, nous devrons lutter pour y arriver, y compris avec tous ceux qui ne sont pas encore convaincus aujourd’hui de la nécessité de changer fondamentalement la société. Mais même si nous faisons tomber le gouvernement, nous savons que nous n’avons rien de bon à attendre d’une autre coalition. Les travailleurs sont en effet privés d’instruments politiques. Le SPa, le PS et les verts sont devenus des partis intégralement au service du patronat.
Nous plaidons pour la formation d’un grand parti de lutte, ouvert à tous ceux qui veulent lutter contre les mesures d’austérité néo-libérales. Un parti qui fasse également retentir les griefs des travailleurs dans l’enceinte du Parlement et qui sache l’utiliser pour soutenir les luttes quotidiennes et les populariser.
Un tel parti ne pourra voir le jour en Belgique que si la CSC/ACV rompt avec le CDh/CD&V et la FGTB/ABVV avec le PS-SPa et que des pans entiers du mouvement syndical décident de se donner un prolongement politique. La seule mise sur pied d’un tel parti signifierait déjà un énorme pas en avant. Il serait cependant rapidement placé devant le choix de s’intégrer au système ou de rompre avec lui.
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MARCHE DES JEUNES POUR L’EMPLOI
Une réponse à la politique du gouvernement et du patronat
IL ÉTAIT LARGEMENT reconnu que le gouvernement et le patronat allait entamer l’attaque contre les acquis des travailleurs et leurs familles vers la fin de 2004. La résistance n’a pas attendu le moment où ces attaques allaient s’intensifier. Les dernières semaines, on a assisté aux grèves dans le secteur non marchand, dans l’enseignement francophone, à La Poste et à la STIB (transports en commun bruxellois). Le secteur privé, exception faite pour l’aéroport de Zaventem, demeure relativement calme, mais derrière les apparences la tension monte. L’automne chaud est déjà une réalité, mais malheureusement le mouvement ouvrier ne dispose pas d’un programme, d’une stratégie et surtout d’une direction capable de gagner la bataille.
Eric Byl
Les partis traditionnels de gauche
Les travailleurs n’ont pas à compter sur le soutien des partis traditionnels prétendument «de gauche». Pour Ecolo et Agalev, il n’a fallu qu’une seule participation au pouvoir pour qu’ils apparaissent clairement dans quel camp ils jouaient. Grâce à ces deux partis on nous a imposé nombre de sanctions (contre la décharge de déchets clandestins, contre les fumeurs,…) et de nouveaux impôts (des taxes écologiques, eau de surface, essence,…), mais l’industrie et les gros pollueurs n’étaient jamais touchés. Deleuze (Ecolo), ancien Secrétaire d’État, voulait éviter la confrontation avec le patronat sur Kyoto en achetant de l’air propre à l’ex-Union Soviétique.
Au gouvernement, Agalev surtout a compris l’art de mépriser la population. Mieke Vogels a menacé en tant que ministre flamande de la Santé de courtcircuiter les syndicats. Byttebier, qui lui a succédé, a insinué que pas mal d’handicapés fraudaient. Maintenant qu’il est chassé du gouvernement, Groen a fait sa réapparition dans les manifestations du non marchand. Mais ces manifestations sont organisées autour des mêmes revendications que les Verts rejetaient brutalement quand ils siégeaient sur les bancs du gouvernement.
La social-démocratie participe au gouvernement depuis 1988. Pendant cette période la flexibilité a tellement augmenté que 39,5% des travailleuses sont aujourd’hui engagées à temps partiel. Les jeunes doivent presque exclusivement recourir au travail intérimaire. Les bâtiments publics et les entreprises publiques, construits avec l’argent de la communauté, sont vendus pour un quignon de pain aux amis du secteur privé. En échange, les dirigeants «socialistes» reçoivent des postes bien rémunérés dans une série de conseils d’administration. LucVanden Bossche, ancien ministre SP.a, a reçu en récompense le poste de directeur de Biac, la société qui exploite de l’aéroport de Bruxelles National. Le bourgmestre de Gand, Beke, siège au conseil d’administration de Dexia. Pour cette charge (assister à 7 réunions par an!), il reçoit 34.000 euros par an. Si le PS joue ici et là le jeu d’enfant terrible, le SP.a est l’instigateur de la politique d’austérité. Vande Lanotte et Vandenbroucke ont bataillé depuis le début de l’année pour la mise en oeuvre de mesures «structurelles». Vandenbroucke est l’arrogant responsable de la chasse aux chômeurs. Vande Lanotte est celui qui prépare la privatisation des services publics.
Les directions syndicales
Les syndicats organisent au moins 58% des travailleurs actifs (sans compter les prépensionnés et les chômeurs), ce qui représente une hausse de la syndicalisation de 8% sur dix ans. Si les syndicats s’étaient servi de cette force, le gouvernement et le patronat aurait pu faire une croix sur tous leurs plans d’austérité. Cela exige par contre une alternative contre la politique actuelle et c’est exactement cela qui fait défaut aux directions syndicales.
Elles ne voient pas comment aller à contre-courant de la logique néo-libérale. Elles ont donné leur accord à l’introduction du travail intérimaire et des contrats précaires. Elles ont accepté la disparition de presque 10 000 postes de travail chez Belgacom au prix de cadences infernales. Elles sont maintenant sur le point d’accepter la scission de la SNCB qui coûtera à terme 10.000 emplois et menacera la sécurité des voyageurs et du personnel. A La Poste elles ont avalé Géoroute et Poststation qui feront disparaître 10.000 emplois.
Faute d’une alternative réelle, les directions syndicales ne dépassent pas le stade d’une opposition superficielle. Si la pression d’en bas devient trop forte, elles organisent des actions pour donner un peu de voix à la colère, en mobilisant les travailleurs de façon divisée. Le mot «mobiliser» ne décrit pas vraiment la situation, car les directions syndicales «démobilisent». En fait, la politique syndicale actuelle consiste à organiser des manifestations d’enterrement lors des fermetures et d’entretenir des relations d’affaires avec les politiciens amis.
Le lien entre l’ACV et le CVP, prédécesseur du CD&V , a toujours été problématique. Des gouvernements CVP successifs ont abusé de leurs liens avec l’ACV pour vendre leur politique aux travailleurs. Maintenant que le CVP n’est plus l’instrument le plus important de la bourgeoisie, le PS et le SP.a sont mis en avant. Les dirigeants de la FGTB et de l’ABVV ne se servent pas de leurs positions dans les bureaux politiques de ces deux partis pour imposer une politique plus sociale mais, inversement, pour faire avaler à la base syndicale la politique antisociale de ces deux partis.
Cette démarche est plus d’une fois récompensée par une fonction publique lucrative. Tant que l’ACV restera dominé par le CD&V et la FGTB par le SP.a et le PS, les syndicats accumuleront les défaites dans la lutte des travailleurs.
La crise structurelle
Si on suit le patronat et ses valets politiques, la Belgique ne peut que se maintenir au sommet qu’en restant plus efficace que tous les autres pays du monde. «Efficace» ne signifie pas «plus social» ou « de meilleurs services et plus nombreux» ou «la satisfaction maximale des besoins d’un maximum de personnes». Non, «efficacité» doit exclusivement être synonyme de «rentabilité». Si l’on prend en considération les 30 dernières années, depuis la crise de 1974, alors notre système économique ne s’avère pas si «efficace». Il est vrai que les profits des entreprises ont considérablement augmenté. Cela ne résulte cependant pas de la croissance globale des richesses, mais de la politique de pillage au détriment de notre santé et de nos revenus. Les travailleurs de Belgique sont n°2 du monde, derrière la Norvège, au niveau de la productivité. Nous produisons en moyenne 11% de plus de valeurs par heure que nos collègues américains, 32% de plus qu’en Grande Bretagne, 39% de plus qu’au Japon et 8% de plus qu’en France. Notre système économique est tellement efficace que des personnes actives ne travaille même pas. Qui a du travail est en proie à un stress anormal. La Belgique est au premier rang mondial en matières de maladies liées au stress: l’infarctus et les dépressions.
Selon les patrons et les politiciens qui les servent, les travailleurs belges coûtent trop cher. Entre 1981 et 2001 le coût salarial réel par unité produite a diminué annuellement de 0,3%. L’an dernier cette diminution se chiffrait au moins à 1,4%! On pourrait prétendre que les inactifs prennent tout l’argent.
Mais en réalité, en vingt ans les pensions sont passées de 34% du salaire moyen à 32%. Ceux qui «profitent» des allocations de chômage ont subi la même perte en valeur: de 42% par rapport au salaire moyen à 28% en 20 ans. Il n’est donc pas étonnant que la pauvreté ait progressé. Au début des années 90 il y avait 6% de pauvres (chiffres officiels), c’est maintenant 13%. Voilà pour cette fameuse efficacité.
Les propositions patronales pour les négoociations de l’accord interprofessionnel
En préparation du budget et des négociations pour un nouvel accord interprofessionnel, le patronat, depuis l’été, a préparé l’une après l’autre diverses propositions. Il utilise comme un pied de biche l’exemple de Siemens en Allemagne: un allongement de la durée du travail sans adaptation du salaire. Le patronat prétend ainsi «sauver l’emploi». A Marichal Ketin (Liège), le patron avait proposé d’aug-menter le temps de travail de 36 à 40 heures et de licencier entre 10 et 20 intérimaires. En voilà une drôle de façon de «sauver» l’emploi! Heureusement, il n’a pas réussi à faire gober cela aux travailleurs.
Pour la majorité des patrons, le débat sur le temps de travail est un épouvantail mis en avant pour effrayer les travailleurs et imposer d’autres mesures de régression sociale. La fédération patronale du métal, par exemple, réclame davantage la baisse des charges et surtout le gel des salaires. Dans la construction les patrons réclament surtout l’annualisation du temps de travail. Dans le secteur de distribution et de l’alimentation, la question centrale porte sur un assouplissement des heures supplémentaires.
Afin d’être sûr que ce recul social sera accepté, on menace beaucoup. On essaye de nous faire croire que l’élargissement de l’Europe va mener à une invasion de main-d’oeuvre à bon marché. La Commission Européenne veut permettre que des travailleurs de l’Europe de l’Est soient embauchés, en Europe occidentale, aux salaires de l’Est! Il est évident que cela va saper les salaires et les conditions de travail ici. En même temps, Vandenbroucke veut obliger les chômeurs à accepter n’importe quel emploi. Sa chasse aux chômeurs n’a rien à faire avec la prétendue «fraude sociale». Pour chaque poste vacant, il y a au moins 7 candidats. Chaque examen d’embauche suscite la candidature d’un nombre impressionnant de demandeurs d’emploi. Celui qui veut suivre une formation à l’Orbem ou au Forem doit patienter pendant des mois ou n’y a pas droit. L’objectif de la politique d’exclusion est d’utiliser les chômeurs pour saper les conditions de travail et les salaires de ceux qui ont encore du travail. Selon le rapport sur les salaires du Conseil Central de l’Economie, en préparation des négociations sur l’accord interprofessionnel, il n’y a, comme par hasard, toujours pas de marge pour une augmentation des salaires. Les salaires en Belgique ont progressé apparemment de 1,4% de plus que les salaires dans les trois pays voisins (France, Allemagne, Pays-Bas). Ce ne sont évidemment que des moyennes. Les salaires de managers comme Jan Coene, qui s’est octroyé une récompense de 800 millions de FB en trois ans, y sont aussi inclus. Par ailleurs, quand on dit que nos salaires ont «progressé plus rapidement» que dans les pays voisins, il est plus exact de dire qu’ils ont «baissé moins vite». En comparaison avec le patronat allemand et néerlandais, la Belgique est loin de la situation «optimale». En bref: malgré la misère dans laquelle vivent nos pensionnés, malgré la montée officielle du nombre de pauvres, nos patrons et leurs serviteurs politiques ont l’eau à la bouche quand ils rêvent d’une politique aussi anti-sociale que celle de Schröder et de Balkenende.
Construire un rapport de forces
Jamais dans l’histoire il n’y a eu autant de richesses et autant de profits qu’aujourd’hui. Mais il n’y a jamais eu non plus autant de pauvres. Plus que jamais il faut que les travailleurs et leurs familles contrôlent la richesse qu’ils produisent et qu’ils l’utilisent pour satisfaire les besoins de l’ensemble de la population. Si les dirigeants syndicaux le voulaient, ils pourraient paralyser toute l’Europe. Mais la nécessité de se réapproprier les richesses disponibles, accaparées aujourd’hui par un petit nombre de parasites, cette idée ne leur vient pas à l’esprit. Leur attitude mène au défaitisme chez beaucoup de travailleurs.
Le défaitisme peut temporairement paralyser le mouvement ouvrier, mais ne contrebalance pas les effets de la situation vécue. Chaque secteur se met en mouvement l’un après l’autre, souvent sans les directions syndicales qui ne peuvent garder les travailleurs sous contrôle. La seule capacité qu’elles développent magnifiquement c’est de fractionner la lutte secteur par secteur. Mais si on veut forcer le gouvernement et le patronat à faire des concessions, l’action coordonnée et généralisée est indispensable. C’est précisément ce que les directions syndicales essaient à tout prix d’éviter depuis la grève contre le Plan Global de 1993.
Marche des jeunes
Le MAS seul ne peut pas transformer cette situation. Nous pouvons tout au plus intervenir dans la situation politique et sociale sur base du mécontentement dans divers secteurs. Dans une période de montée rapide du chômage et avec en arrière-plan une chasse aux chômeurs, nous avons décidé de faire un appel avec notre campagne Blokbuster à une nouvelle Marches des Jeunes pour l’Emploi. En 1982 et 1984 il y avait des dizaines de milliers de jeunes dans la rue contre le chômage. Ces marches étaient préparées par de nombreux comités locaux de mobilisation dans les écoles et les entreprises. Ce n’étaient pas des manifestations comme les autres, mais des campagnes menées pendant toute une année.
En 1993 Blokbuster et les Jeunes FGTB ont organisé une petite Marche des Jeunes de 7.000 manifestants. Cette Marche s’est tenue juste après la chute du stalinisme, quand le capitalisme semblait pour beaucoup de gens le seul système possible. De plus les Jeunes CSC avaient refusé de participer. La «petite gauche» était, comme d’habitude, plus occupée à insulter les organisateurs qu’à mobiliser. Le journal La Gauche appelait Blokbuster «une filiale de la maison de mère britannique Militant» et dépeignait les Jeunes FGTB comme «une organisation inerte avec juste un fichier de membres» . Solidaire ne pensait pas grand-chose de cette Marche des Jeunes.
Aujourd’hui la situation est totalement différente. Le chômage monte à nouveau en flèche. Le gouvernement a lancé une offensive. Différents secteurs sont en lutte. Il ne manque qu’une initiative capable d’unifier les luttes et d’offrir une perspective. Nous pensons que la Marche des Jeunes pourrait jouer ce rôle. En avril 2004 Blokbuster a contacté les jeunesses syndicales avec une proposition d’une Marche des Jeunes en octobre. Elles ont marqué finalement leur accord pour le 19 mars 2005.
Nous craignons toutefois que les jeunesses syndicales ne pensent pas au même type de Marche que nous. Nous la voyons comme un point culminant où des comités locaux dans les entreprises, les écoles et les quartiers mobilisent pendant des mois avec des tracts, des réunions, des sessions d’information dans les entreprises, des actions locales devant les agences d’intérim, à l’ONEM, etc. La Marche elle-même, on la voit comme une marche combative où les jeunes pourront mettre en avant avec force leurs revendications sur l’emploi et les conditions de travail. Pas par des émeutes ou d’autres sottises, mais par une présence massive et décidée.
Nous craignons cependant que les jeunesses syndicales pensent plutôt en termes d’une grande city parade, avec plein de ballons, des chars carnavalesques, de la musique à plein tube, des groupes de danseurs, mais pas beaucoup de réelle mobilisation autour des revendications concrètes. Le caractère final de cette Marche dépendra en grande partie de notre force. Nous appelons nos lecteurs à mettre sur pied partout où ils peuvent des comités pour la Marche des Jeunes autour d’un nombre de revendications concrètes: il faut s’en prendre au chômage, pas aux chômeurs; pas de petits boulots précaires, mais des emplois stables avec un vrai salaire; 32 heures hebdomadaires sans perte de salaire et avec embauche compensatoire.