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  • Marikana : le massacre qui changea la face de l’Afrique du Sud

    Une critique surprenante de la faillite du projet “progressiste” de l’ANC (African National Congress, le parti de Nelson Mandela) a été diffusée sur la BBC2 fin du mois dernier. Dans ce documentaire, un ancien militant anti-apartheid britannique revient en Afrique du Sud et constate ce qu’est devenu l’ANC. Ce film a permis de faire plus largement connaître les récents événements survenus en Afrique du Sud et dans lesquels les militants de notre parti-frère en Afrique du Sud jouent un rôle déterminant.

    Par Alec Thraves, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    Peter Hain, est député du Parti Travailliste pour la circonscription de Neath (au Pays de Galles, en Grande-Bretagne). Ancien activiste anti-apartheid dans sa jeunesse, il retourne dans son Afrique du Sud natale et découvre comment l’ANC est en train de perdre le soutien des travailleurs noirs et comment ce parti est perçu après avoir ordonné le massacre de Marikana, où 34 mineurs de l’entreprise Lonmin ont été tués par la police en août 2012.

    La critique de la faillite des idéaux de société et des projets “progressistes” (notamment autour de l’ancien slogan de l’ANC “une meilleure vie pour tous”) de l’ANC après 18 ans au pouvoir – et plus particulièrement encore concernant la vie des pauvres – est très forte, Peter Hain a l’air ostensiblement choqué et profondément déprimé lorsqu’il entend dire de la part d’anciens partisans de l’ANC qu’après le massacre de Marikana, ils ne voteront plus jamais pour ce parti. Peter Hain confirme également ce que le Democratic Socialist Movement (DSM, section sœur du PSL en Afrique du Sud) avait déclaré immédiatement après le massacre, à savoir que ‘‘Marikana avait chnagé l’Afrique du Sud pour toujours.’’

    Les membres du DSM n’ont pas attendu plusieurs mois ou dû entendre le rapport de la commission d’enquête du gouvernement Zuma pour savoir ce qui s’était réellement passé, puisqu’ils avaient entendu les faits racontés des bouches même des survivants. Les événements de Marikana ont constitué un meurtre prémédité, consciencieusement planifié avec la complicité des plus hautes instances du groupe minier Lonmin, de la police et du gouvernement.

    Les vidéos montrant les mineurs se faire massacrer par la police ont conduit le député Hain à accepter le fait que la brutalité du capitalisme sud-africain était toujours bien présente, même avec un gouvernement à majorité noire dominé par l’ANC. Ce reportage démontre clairement que le NUM (National Union of Miners, le syndicat national des mineurs) a été pris la main dans le sac pour s’être laissé corrompre par la direction de la mine et que les syndicats liés à l’ANC (comme le COSATU : Congress of South African Trade Unions, la centrale générale liée à l’ANC) ont été utilisés pour briser le mouvement de grève !

    Par contre, ce reportage comporte des manques, notamment le fait qu’après le massacre de Marikana se sont développés des dizaines de comités de grèves illégaux qui ont répandus la grève à travers toute la région minière, impliquant des douzaines de puits miniers et plus de 150.000 mineurs. Ces comités furent initiés, développés et dirigés par des membres et des sympathisants du DSM (Democratic Socialist Movement, section du CIO en Afrique du Sud). Peter Hain a bien entendu voulu mettre en avant le rôle de son héros Nelson Mandela, et a de ce fait involontairement expliqué quelle fut sa contribution à la situation désastreuse actuelle, à laquelle doit aujourd’hui faire face la classe ouvrière sud-africaine.

    Les objectifs de Mandela – d’après son ami Peter Hain – étaient d’obtenir une majorité parlementaire noire et une démocratie libérale stable. Afin d’atteindre cet objectif, Nelson Mandela a accepté que le capitalisme continue d’exister sans être menacé, un capitalisme dominé par une bourgeoisie blanche, en échange d’un gouvernement dominé par des noirs. Le résultat de cette politique d’équilibre des pouvoirs après 18 ans sont un terrible accroissement des inégalités entre riches et pauvres et l’arrivée d’une élite noire corrompue s’enrichissant sur le dos des masses pauvres.

    Peter Hain cherche à se convaincre lui-même que tout ne fut pas pour le plus mal. Il dit notamment que l’ANC a construit 3 millions de nouvelles maisons. Je les ai vues ces maisons à Durban et à Johannesburg et elles ne sont pas appelées ‘‘boites d’allumettes’’ pour rien (matchbox houses en anglais). S’y allonger signifie d’avoir ses pieds dépasser de la porte ! Elles ne sont pas bien solides, ne disposent pas de toilettes ou d’accès à l’électricité, et n’ont pas la moindre arrivée d’eau. Peter Hain notait aussi que les écoles promises par l’ANC ont été construites. Mais les professeurs que j’ai rencontrés là-bas, au ghetto de Freedom Park, me racontaient qu’ils avaient 60 élèves par classe, sans aucun cahier, ce qui n’est pas une amélioration par rapport au reste de l’Afrique.

    C’est un député Hain complètement démoralisé que l’on voit attaquer le président Zuma à propos de la corruption monumentale qui règne à tous les niveaux de pouvoir de l’ANC tant au niveau local que national. Zuma a rejeté l’attaque, en niant avoir utilisé 24 millions d’euros des caisses de l’Etat pour rénover et remeubler son luxueux complexe immobilier et rejetant l’accusation sur les médias au prétexte qu’ils avaient exagéré le problème. Peter Hain est resté quasiment sans voix devant tant l’incompétence, l’arrogance et la collusion patronale qui imprégnait la réponse présidentielle. Cet entretien est extrêmement indicatif de la fracture désormais présente entre les masses et les dirigeants de l’ANC.

    Toute l’ironie de l’histoire, c’est que Peter Hain s’est tourné vers l’ancien dirigeant des jeunesses de l’ANC, Julius Malema, en cherchant une opposition à la corruption de la direction représentée par le président Zuma. Après Marikana et durant les 2 mois de grève des mineurs, Malema a cherché à s’attirer les bonnes grâces des travailleurs en exigeant avec eux la nationalisation des mines. Ce n’était cependant pas une profession de foi idéologique mais bien une tentative populiste de gagner un certain soutien dans le cadre de sa lutte interne contre Zuma et pour être ré-admis dans l’ANC. Homme d’affaire millionnaire, Malema est sorti du même moule que les restes des noirs apprentis bourgeois corrompus de l’ANC. Ce n’est en aucun cas un allié des travailleurs.

    Partout où Hain est allé durant ses deux semaines de visite, l’histoire de l’oppression capitaliste de la classe ouvrière sud-africaine a constamment défilé sous ses yeux. Dans la province du Cap-Occidental, les ouvriers agricoles sont censés vivre avec seulement 7,5€ par jour. Mais un grand propriétaire a magnanimement autorisé ses laboureurs a “manger autant de raisin qu’ils le souhaitent et on serait surpris de voir à quel point ils peuvent manger.’’ (citation reprise du documentaire) Dans la province du Cap-Orientalse développe un exode massif de jeunes à la recherche d’un emploi. Au final, nombre d’entre eux se sont retrouvés abattus par balles au fond des mines de Rustenburg. Les familles qu’ils laissent derrière eux n’ont littéralement pas un sou et essaient de survivre tant bien que mal à travers les campagnes.

    Au jour d’aujourd’hui, la réalité matérielle des masses en Afrique du Sud est des plus sombres. Mais Peter Hain conclut ce documentaire impressionnant en essayant de rester optimiste, en espérant que l’ANC sera à la hauteur de ses tâches et de son héritage démocratique. Une telle pensée utopique n’est pas étonnante de la part d’un député du parti travailliste proche du patronat britannique. Les expériences des mineurs et des autres franges de la classe ouvrière sud-africaine et les leçons qui en ont été tirées au cours de ces quelques derniers mois ont tracé de biens meilleures balises concernant la manière de traiter avec les grosses fortunes du gouvernement de l’ANC.

    Ainsi, les mineurs du Comité National de Grève (toujours non officiellement reconnu aujourd’hui), les membres du Démocratic Socialist Movement (CIO-Afrique du Sud) et de d’autres groupes de la classe ouvrière ont lancé ensemble le Worker’s and Socialist Party (WASP, Parti des travailleurs et des socialistes) dans le but de concurrencer à armes égales l’ANC aux prochaines élections. Il s’agit d’un énorme pas en avant pour offrir aux travailleurs et aux masses pauvres une représentation politique qui leur soit propre.

    La seule option pouvant constituer une alternative à ce gouvernement corrompu protégeant un régime capitaliste brutal et à ce que Peter Hain décrit comme ‘‘profondément démoralisant’’ est la construction d’une société socialiste démocratique basée sur la nationalisation des secteurs-clés de l’économie dans le cadre d’une planification démocratique de l’activité économique.

  • Afrique du Sud : De l’apartheid à Marikana, la lutte pour plus de justice sociale continue

    La grève, couronnée de succès, des mineurs de Marikana a changé la donne en Afrique du Sud et a suscité une intensification de la lutte des travailleurs. Elle s’est répandue très rapidement vers d’autres mines et a énormément augmenté le niveau de confiance des travailleurs en Afrique du Sud, initiant une nouvelle étape dans le mouvement révolutionnaire sud-africain.

    Par April Ashley, article tiré de l’édition de décembre/janvier de Lutte Socialiste


    Ce jeudi 13 décembre : Meeting sur la situation en Afrique du Sud, en présence d’un orateur de notre parti-frère sud-africain (plus d’infos)


    Le massacre de plus de 40 mineurs dans ‘‘une violence rappelant les pires moments de l’apartheid’’ (Business Day du 17/08/2012) a choqué la société sud-africaine toute entière, propulsé l’Afrique du Sud comme fer de lance de la lutte internationale des travailleurs et suscité soutien et solidarité dans le monde entier. Cette lutte a fait ressurgir le souvenir des anciens combats contre le régime de l’apartheid chez les plus anciens des travailleurs et a fait se développer un grand intérêt pour les luttes sociales parmi les plus jeunes.

    C’est en 1994 que la majorité noire du pays a mis en avant un candidat et a mis fin à l’apartheid en élisant le premier gouvernement noir (de l’ANC – Congrès National Africain). Le 11 février 1990, le jour où Nelson Mandela a enfin été libéré après 27 ans de prison, le monde a retenu son souffle. Les espoirs et les rêves de la majorité du peuple sudafricain reposaient sur ses épaules : une nouvelle Afrique du Sud, libérée du joug de l’oppression et de l’exploitation par la minorité blanche. Sa libération st survenue après des décennies de luttes intenses durant lesquelles le régime de l’apartheid a tenté de noyer la révolution dans le sang. Le massacre de Sharpeville en 1960 et les héroïques émeutes des jeunes de Soweto en 1976 (une centaine de jeunes avaient été tués par la police) avaient clairement montré quelle était la détermination des masses pour renverser le régime de l’apartheid.

    L’adoption de la ‘‘Freedom Charter’’, la Charte de la Liberté, par l’ANC en 1955 fut l’expression de l’aspiration à un changement révolutionnaire dans la société de la part des travailleurs. Cette charte appelait à la nationalisation des secteurs-clés de l’économie : ‘‘La richesse nationale de notre pays, l’héritage des sud-africains, sera rendu au peuple. Les ressources de notre terre, les banques et les industries seront désormais la propriété d’un peuple uni.’’

    Les luttes ouvrières

    Entre 1961 et 1974, le nombre de travailleurs noirs employés dans l’industrie d’Afrique du Sud a doublé. La classe ouvrière s’est organisée et a pris les devants de la lutte, comme en a témoigné la grève des dockers de 1973 qui a ébranlé le pays entier et entraîné des progrès qualitatifs en termes d’organisation de la lutte et de niveau de vie.

    Ces grèves massives ont enflammé l’imagination des travailleurs du monde entier. Il y eut partout des marches de soutien, du lobbying et du boycott, tout cela conduisant nombre de travailleurs à devenir politiquement actifs en soutenant leurs camarades d’Afrique du Sud. Les mouvements ouvriers des années 1980 a par la suite conduit à la création du Cosatu (‘‘Congress of South African Trade Unions’’, en français ‘‘Congrès des Syndicats sud-africains’’) en 1985. Le Cosatu a adopté la Freedom Charter en 1987 sous le slogan de ‘‘Socialism means freedom’’ (‘‘le socialisme signifie la liberté’’ en français).

    Sa composante la plus importante, l’Union Nationale des Mineurs (NUM), dirigée à l’époque par le militant Cyril Ramaphosa, était le fer de lance des luttes de masse et le Cosatu a lancé une série de grèves générales qui ont rendu le pays ingouvernable et ont précipité la fin du régime d’apartheid. Mais, 20 ans après la fin de l’apartheid, qu’estil advenu des espoirs et des rêves des travailleurs englués dans la Freedom Charter ?

    Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO, parti révolutionnaire mondial dont le PSL est la section belge) a expliqué que, suite à l’effondrement du stalinisme, le régime de De Clerck a reconnu la possibilité de conclure un accord qui laisserait une part de pouvoir à l’ANC. Les intérêts économiques fondamentaux du capitalisme ne furent pas vraiment menacés avec cet accord en conséquence du virage à droite opéré par l’ANC, trahissant ainsi les efforts fournis dans la douleur des luttes passées.

    L’échec de l’ANC

    L’Afrique du Sud est actuellement le pays le plus inégalitaire au monde, les 10% les plus riches détenant 60% des richesses du pays alors que la moitié la plus pauvre de la population n’en détient que 8%. Près d’un quart des foyers sud-africains subit quotidiennement la faim. Un travailleur perçoit en moyenne 18 Rands (1,57€) par jour mais 44% des travailleurs, c’est-à-dire 6 millions de personnes, vivent avec moins de 10 Rands (0,87€) par jour. Le chômage atteint 25% (50% chez les jeunes).

    En clair, cela signifie que les travailleurs vivent dans un état de pauvreté effarant. En plus de conditions de travail infernales, en témoigne cet article du Guardian : ‘‘Un mineur détaille ses conditions de travail : ‘’Nous passons huit heures sous terre. Il y fait très chaud et on ne peut pas voir la lumière du jour. Parfois, il n’y a même pas d’air et nous devons en drainer à travers des tuyaux jusque tout en bas.’’ Son abri de fortune n’a ni eau courante, ni électricité et les toilettes, situées à l’extérieur, sont partagées avec deux autres familles.’’ (The Guardian du 7/9/2012)

    A part quelques plans de reconstruction et de développement à court terme lancés les premières années de son arrivée au pouvoir (et dont l’apport réel aux classes laborieuses noires fut assez limité), l’ANC a poursuivi l’application d’un programme néolibéral agressif en privatisant massivement des services publics tels que l’électricité et l’eau courante, ce qui a encore plus paupérisé la classe des travailleurs.

    Ces pratiques ont suscité une intensification des luttes pour faciliter l’accès au logement et aux services de base. La fin des subsides pour l’acheminement de l’eau au Kwa Zulu Natal en 2000 a par exemple provoqué la plus importante épidémie de choléra de l’histoire du pays, les habitants ayant dû aller s’abreuver à même les fleuves et barrages puisqu’ils ne pouvaient plus payer leurs factures d’eau.

    Les grèves massives contre la privatisation en 2007 et 2010 ont ébranlé le gouvernement de l’ANC, dirigeant le pays avec le Cosatu et le SACP (Parti communiste sud-africain), alors que des divergences faisaient leurs apparitions dans cette alliance au fur et à mesure des trahisons successives de l’ANC vis-à-vis des classes laborieuses. L’ANC est consciemment devenue l’agent du patronat.

    Certains cadres du Cosatu ont également été assimilé à l’élite et ont abandonné toute lutte effective. Cyril Ramaphosa a en effet été payé 75.371 € net l’année dernière pour son mandat de directeur honoraire de Lonmin (géant anglais de l’exploitation minière), devenant le symbole du fossé séparant les nouvelles élites noires et la majorité précaire.

    Une alternative socialiste

    Suite au massacre de Marikana, la crédibilité de l’ANC a été sérieusement entamée. Les évènements récents ont prouvé que le Congrès National Africain partage avec la classe capitaliste la même peur, le même rejet de la classe ouvrière. ‘‘L’ANC, c’était l’âme noire, l’esprit noir, cela avait quelque chose de quasimystique. Mais à l’heure actuelle, toute foi en eux est perdue. Le lien est brisé et cela a eu lieu à la télévision.’’ (The Guardian du 7/9/2012)

    Au fil de l’aggravation de la récession économique, les patrons, épaulés par le gouvernement de l’ANC, vont continuer d’alourdir le fardeau pesant sur les épaules des travailleurs. Le contexte est donc propice non seulement à des grèves de plus en plus explosives mais aussi à une scission au sein de l’alliance tripartite voire au sein même de l’ANC.

    L e Mouvement Socialiste Démocratique (section sud-africaine du CIO) appelle à la grève générale à Rustenburg, suivie d’une grève et d’une manifestation à l’échelle nationale. La pression des travailleurs et des militants à l’échelle internationale doit également s’amplifier. La réponse enthousiaste des travailleurs aux idées du MSD prouve qu’il y a un potentiel conséquent pour le développement d’un nouveau parti des travailleurs avec un programme socialiste, défendant coûte que coûte les intérêts de la classe ouvrière en Afrique du Sud.

  • Afrique du Sud : De l'apartheid à Marikana, la lutte pour la justice sociale se poursuit

    Le succès de la grève des mineurs de Marikana a transformé la situation en Afrique du Sud et a annoncé une reprise de la lutte des travailleurs. La grève s’est répandue comme une trainée de poudre vers les autres mines et a énormément augmenté la confiance des travailleurs d’Afrique du Sud. Cette grève des mineurs a marqué le début d’une nouvelle ère dans le mouvement révolutionnaire du pays.

    Par April Ashley, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    Le massacre de plus de 40 mineurs lors de ‘‘scènes rappelant les pires commises lors de l’apartheid’’ (Business Day, 17/08/2012) a choqué le cœur de la société sud-africaine et catapulté le pays sur le front des luttes ouvrières du monde entier, attirant le soutien et la solidarité de travailleurs de tous les continents.

    Cette lutte a rappelé aux travailleurs les plus âgés les anciens souvenirs du combat mené contre le régime raciste de l’apartheid (un régime de ségrégation appliqué de 1948 au début des années ‘90). Pour les plus jeunes, un grand intérêt a été suscité. Ce n’est qu’en 1994 que la majorité noire de la population a finalement pu réellement en finir avec l’apartheid en élisant, au cours des premières élections libres du pays, le premier gouvernement du Congrès National Africain (ANC), suite à un accord négocié avec l’élite du pays.

    Le monde entier avait retenu son souffle le 11 févier 1990, le jour de la libération historique de Nelson Mandela, après 27 ans de prison. Les espoirs et les rêves de la majorité de la population pour une nouvelle Afrique du Sud reposaient sur ses épaules : une nouvelle Afrique du Sud libérée de l’oppression et de l’exploitation féroce et sans pitié d’une minorité blanche. Cette libération fut le fruit de dizaines d’années de luttes au cours desquelles le régime de l’apartheid a tenté de noyé la révolution dans le sang. Le massacre de Sharpeville en 1960 et l’héroïque révolte de la jeunesse à Soweto en 1976, où 100 jeunes ont été massacrés par la police (voir l’encadré ci-dessous) ont montré la détermination des masses à en finir avec l’apartheid.

    L’adoption de la Charte de la Liberté par l’ANC en 1955 a été une expression de l’exigence d’un changement révolutionnaire de la société par les travailleurs. Cette charte appelait à la nationalisation des secteurs-clé de l’économie et déclarait : ‘‘La richesse nationale de notre pays, l’héritage des Sud-Africains, doit être rendu au peuple, la richesse minérale du sous-sol, les banques et le monopole industriel doivent être rendus propriété publique dans leur entièreté.’’

    Les luttes des travailleurs

    Entre 1961 et 1974, le nombre de travailleurs noirs employés dans l’industrie minière d’Afrique du Sud a doublé. Ce fut là une véritable explosion de la classe ouvrière organisée, qui l’a propulsée sur le devant de la scène. En 1973, les grèves des dockers ont réellement bouleversé l’Afrique du Sud tout entière et ont emmenés les luttes vers un changement qualitatif d’importance.

    Ces grèves de masse ont embrasé l’imagination des travailleurs du monde entier, qui ont démontré leur solidarité aux luttes avec des manifestations de solidarité, de actions de lobbying et de boycotts. Nombreux sont les travailleurs qui ont commencé à s’engager politiquement par le biais du soutien à leurs frères et sœurs d’Afrique du Sud.

    Ensuite, les mouvements des travailleurs des années ‘80 ont conduit à la naissance de la fédération syndicale Congress of South African Trade Unions (COSATU) en 1985. La COSATU a adopté la Charte de la Liberté en 1987, soutenant que ‘‘Le socialisme signifie la liberté’’. Son plus grand affilié, le Syndicat National des Mineurs (NUM), mené par l’ancien militant Cyril Ramaphosa, était à la tête des grèves de masse, et le COSATU a initié une série de grèves générales qui ont rendu le pays ingouvernable et ont précipité la chute de l’apartheid.

    Mais aujourd’hui, 20 ans après la fin de l’apartheid, qu’en est-il des espoirs et des rêves des travailleurs, cristallisés dans la Charte de la Liberté ? Le Comité pour une International Ouvrière et ses sections à travers le monde ont expliqué qu’après la chute du stalinisme et le virage à droite des directions sociale-démocrates et des syndicats à travers le monde, le régime blanc de Frederik de Klerk a su reconnaître le potentiel d’un partage du pouvoir avec l’ANC. Avec cet accord, les intérêts économiques fondamentaux du capitalisme n’ont pas été menacés, car la direction de l’ANC a elle aussi viré à droite. Dans les faits, elle a trahi la lutte révolutionnaire.

    L’échec de l’ANC

    L’Afrique du Sud est actuellement le pays le plus inégalitaire au monde, les 10% les plus riches de la population profitant de 60% des richesses alors que la moitié la plus pauvre se partage 8% de celles-ci ! Près d’un quart des foyers d’Afrique du Sud font quotidiennement face à la famine. Le travailleur moyen gagne 18 rands (l’équivalent de 1,23 euros) par jour, mais 44% d’entre-eux (c’est-à-dire 6 millions) vivent avec moins de 10 rands par jour. Le taux de chômage atteint les 25%, et culmine à 50% chez les jeunes. Cela signifie concrètement que les travailleurs continuent à vivre dans une pauvreté écrasante.

    Un mineur a récemment fait part de ses conditions de vie dans la presse britannique : ‘‘Nous passons 8 heures sous terre. Il fait très chaud, et nous sommes privés de la lumière du jour. Parfois, le seul moyen d’avoir de l’air est d’utiliser la tuyauterie.’’ Sa cabane ne dispose pas d’électricité, ni d’eau courante, et deux familles se partagent les toilettes situées à l’extérieur. (The Guardian, 7/9/12)

    Mis à part l’éphémère programme de reconstruction et de développement lancé lors des toutes premières années du gouvernement, qui a donné naissance à des améliorations limitées pour la classe ouvrière noire, l’ANC a poursuivi un programme économique néolibéral agressif, avec des privatisations massives des services publics tels que l’électricité et l’eau, qui ont mené à une paupérisation grandissante de la classe ouvrière. Cela a alimenté une kyrielle de luttes communautaires pour l’accès au logement et la distribution des services durant de longues années.

    Par exemple, la fin des subventions de la distribution d’eau à Kwa Zulu Natal en 2000 a provoqué la plus grande épidémie de choléra de l’histoire du pays, les travailleurs s’étant vus forcés de boire aux fleuves et aux bassins de barrage car ils ne pouvaient se permettre de payer l’eau courante, devenue trop chère.

    Des grèves massives du secteur public contre les privatisations en 2007 et en 2010 ont ébranlé le gouvernement de l’ANC, qui fait partie d’une tripartie avec le COSATU et le Parti Communiste d’Afrique du Sud (PCAS). Les divisions se sont répandues dans l’alliance à cause de l’abandon manifeste de la classe ouvrière par l’ANC, devenu le larbin des grands patrons et du capitalisme. Certains leaders du COSATU ont aussi rejoint les rangs de l’élite et ont abandonné leur lutte. Ainsi, Cyril Ramaphosa a été payé 76.000 euros l’an dernier en tant que directeur non-exécutif de la société minière Lonmin (dont dépend le site de Marikana), et est ainsi devenu le symbole du gouffre qui sépare la nouvelle élite noire et la majorité frappée de plein fouet par la pauvreté.

    Une alternative socialiste

    Suite au massacre de Marikana, la crédibilité de l’ANC en a pris un grand coup. Cet événement a prouvé qu’il partage avec la classe capitaliste la même peur et le même dégoût de la classe ouvrière. ‘‘L’ANC était dans l’esprit et l’âme des noirs, il avait presque acquis une propriété mystique. Mais maintenant ils ont perdu foi en lui. Le lien est brisé, et cela s’est passé à la télévision.’’ (The Guardian 7/9/12). Alors que la récession économique se poursuit, les patrons, soutenus par le gouvernement de l’ANC, continueront à vouloir se délester du fardeau sur les épaules des travailleurs. On ne s’attend donc plus seulement à des luttes explosives, mais à une séparation dans la tripartie et au sein-même de l’ANC.

    Le Socialist Democratic Movement (Mouvement Socialiste Démocratique, section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Afrique du Sud) propose une grève générale à Rustenburg, et projette une grève et une manifestation d’ampleur nationale.

    La pression internationale des travailleurs et des militants doit être maximisée. La réponse enthousiaste aux idées du DSM parmi les travailleurs indique un grand potentiel pour la développement d’un nouveau parti de masse des travailleurs doté d’un programme socialiste, afin de défendre plus encore les intérêts de la classe ouvrière d’Afrique du Sud.

    Photo ci-contre: des mineurs en grève lisent le journal de nos camarades sud-africains du Democratic Socialist Movement


    La révolte de Soweto de 1976

    Par Roger Shrives

    En 1976, le régime de l’apartheid a été ébranlé par une révolte héroïque lancée par des milliers d’étudiants de la ‘‘commune’’ de Soweto, près de Johannesburg. La police a tué près de 140 personnes du 16 au 17 juin 1976, principalement à Soweto, et 600 autres en tentant de mettre fin à une année de révolte.

    L’Afrique du Sud subissait alors toujours le régime de l’apartheid et son principe du ‘‘développement séparé’’ servant à racialement discriminer, dominer et priver de ses droits la majorité noire du pays ainsi qu’à assurer une vaste offre d’emploi à faible rémunération.

    La gouvernement nationaliste au pouvoir a insisté pour que certaines leçons soient uniquement enseignées en Afrikaans, associé à la minorité dirigeante, particulièrement pendant l’apartheid. Les étudiants ont commencé a boycotter les cours d’Afrikaans et ont élu un comité d’action qui est devenu plus tard le Conseil Représentatif des Étudiants de Soweto (CCES). La campagne a commencé avec une manifestation le 16 juin.

    La police a réagi en recourant au gaz lacrymogène, balancé sur une foule forte de 12.000 personnes. Les étudiants ont répondu par des jets de pierres. La police a ensuite tiré directement sur la foule. Hector Petersen, 13 ans, fut l’une des premières victimes, abattu sous les yeux de sa sœur et de ses amis. Le système éducatif a donc été l’étincelle qui mit le feu à de nombreuses autres manifestations durant l’apartheid, particulièrement dans les communes.

    A l’époque, nos camarades britanniques du Militant (le prédécesseur du Socialist Party à l’époque où nous représentions l’aile marxiste du parti travailliste) décrivaient Soweto comme ‘‘un baril de poudre attendant une allumette pour le faire exploser’’ avec ‘‘des camps de concentration virtuels. (…)Un million d’Africains sont massés dans Soweto. La moitié de la population est sans emploi et donc sans autorisation de rester, à la merci des assauts de la police.’’ Cet article mettait en contraste les terribles conditions de vie dans les communes avec celles des classes moyennes blanches.

    La révolte de Soweto a changé la conscience politique de la classe ouvrière noire sud-africaine. Les jeunes de la commune d’Alexandrie, au nord de Johannesburg, ont constaté leur incapacité à battre les forces de l’apartheid seuls, et ont mobilisé leur parents pour les soutenir. Le 22 juin 1976, plus de 1000 travailleurs de l’usine automobile Chrysler ont arrêté de travailler. Ce fut la première action de grève menée en soutien aux étudiants.

    A Soweto, le CCES a pris la responsabilité d’organiser une marche des étudiants dans Johannesburg le 4 août, et durant 3 jours s’est déroulée la première grève générale politique depuis 1961. Le gouvernement est revenu sur le sujet des cours en Afrikaans, mais le révolte s’était développée et ciblait maintenant le régime lui-même.

  • Nigéria : Travailleurs, rejoignez le Socialist Party dès aujourd'hui !

    Le DSM, Democratic Socialist Movement (section nigériane du Comité pour une Internationale Ouvrière), a décidé de constituer et d’enregistrer un nouveau parti politique dénommé le Socialist Party – Nigéria (SPN). Nous sommes convaincus que c’est là la meilleure direction à prendre au cours de la prochaine période, étant donné l’incapacité des syndicats à construire un Labour Party en tant que parti alternatif pour les travailleurs, et vu l’absence de tout autre véritable parti ouvrier officiellement reconnu. Les travailleurs, les jeunes et les pauvres nigérians se sont retrouvés sans voix et sans choix lors des dernières élections. Nous reproduisons ci-dessous le texte du tout premier tract du SPN distribué à travers tout le Nigéria ce 1er Mai 2012.

    Le Socialist Party – Nigéria félicite les travailleurs à l’occasion de la fête internationale des travailleurs de cette année. Traditionnellement, les travailleurs utilisent cette occasion via leurs syndicats afin d’exprimer auprès du gouvernement et de leurs employeurs privés une série de revendications destinées à améliorer notre niveau de vie et nos conditions de travail. Cette année ne sera pas différente. Mais ce 1er Mai se déroule à peine quatre mois après la plus grande grève générale de toute l’histoire du Nigéria.

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    • Nigéria : meeting du DSM pour débattre de l’état de la nation
    • [INTERVIEW] Grève générale au Nigéria : des millions de manifestants dans les rues
    • Nigéria : Un mécontentement toujours très large après la suspension de la grève
    • Nigéria : Premier jour d’une grève générale illimitée – Le pays mis à plat par la classe ouvrière
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      En janvier, c’est l’ensemble du pays qui s’est dressé contre la dernière tentative de faire porter le fardeau de la crise que connait notre pays à sa population laborieuse et pauvre. Des dizaines de millions de gens se sont tournés vers le mouvement syndical non seulement pour voir l’annulation de la hausse du prix de l’essence, mais aussi et de plus en plus dans l’espoir de voir un “changement de régime”. Hélas, la plupart des dirigeants syndicaux ont battu en retraite, abandonnant non seulement la remise en question de la clique autour du président Jonathan, mais aussi l’idée d’une annulation complète de la hausse du prix de l’essence.

      Une occasion a été manquée. Le NLC et le TUC (Nigeria Labour Congress et Trade Union Congress, les deux grandes confédérations syndicales) ont spécifiquement avoué ne pas vouloir de “changement de régime”. Mais le 1er Mai démontre précisément pourquoi un “changement de régime”, c’est-à-dire une rupture avec le capitalisme, est urgemment nécessaire. Beaucoup de gens ont remarqué que la plupart des revendications mises en avant au cours des années précédentes ont dû être répétées cette année. Le gouvernement a refusé de satisfaire ces revendications. Pas parce qu’il ne dispose pas des ressources requises nécessaires à leur satisfaction. Mais parce que, étant pro-capitaliste, le gouvernement ne représente pas les intérêts des travailleurs et des pauvres. La plupart des partis capitalistes rivalisent pour le pouvoir afin de satisfaire uniquement les intérêts égoïstes des riches politiciens corrompus et de leurs partenaires d’affaires communément appelés “secteur privé”. C’est dans ce contexte que le Socialist Party a été formé, en tant que véritable alternative visant à représenter les intérêts des travailleurs, des jeunes et des masses pauvres. Le parti mènera la lutte pour le pouvoir politique avec pour but la mise à disposition des ressources de la société pour satisfaire aux aspirations et aux désirs de la population laborieuse et des pauvres. Nous appelons tous les travailleurs à rejoindre ce parti dès aujourd’hui et à en devenir des membres actifs.

      Le pillage du Nigéria par l’impérialisme britannique à l’époque de la domination coloniale a désormais été remplacé par un nouveau colonialisme, dans lequel l’élite sacrifie les ressources du Nigéria pour être exploitées par des compagnies multinationales. Il est impératif de faire prendre une nouvelle direction au pays, dans laquelle la majorité des Nigérians pourront connaitre une vie de bonheur et d’épanouissement au lieu de la vie de misère, d’indigence et de maladies que nous connaissons aujourd’hui. Dans ce but, le SPN donnera toujours son soutien entier et actif à toute agitation visant à un débat démocratique afin de redessiner le Nigéria.

      La meilleure partie du régime civil qui a débuté en 1999 a vu le Nigéria amasser d’énormes richesses sur base du plus long boom pétrolier de son histoire. Pourtant, l’immense majorité des Nigérians ne connaissent qu’une vie de pauvreté presque absolue au milieu de toute cette abondance. Les infrastructures sont dans un état déplorable, l’enseignement public et les soins de santé connaissent un sous-financement scandaleux. Nous payons un prix exorbitant pour les carburants alors que nous sommes le septième exportateur mondial de pétrole ; le prix de l’essence s’est par exemple accru de 385 % depuis 1999 ! Les travailleurs se voient contraints de partir en grève à chaque fois qu’ils veulent obtenir la moindre petite concession. Les usines ferment et délocalisent en conséquence de la décrépitude de l’infrastructure et du cout obscène de l’énergie, causant par là de nombreuses pertes d’emplois. C’est là le bilan de notre gouvernement et de nos partis politiques anti-pauvres. Il nous faut une alternative ouvrière ; il nous faut un Parti socialiste de lutte, capable de créer un gouvernement qui représente les travailleurs et les pauvres.

      Tous les grands partis politiques du Nigéria n’en sont en réalité qu’un seul. Ils sont tous unis contre les travailleurs et les pauvres avec de brutales attaques capitalistes néolibérales et le pillage éhonté de notre richesse collective. Tous sont partisans de et appliquent la même politique capitaliste anti-pauvre de privatisation, dérégulation, commercialisation et coupes dans le budget social. Par exemple, tandis que le gouvernement fédéral entre les mains du PDP a iniquement décidé d’augmenter le prix des carburants, le gouvernement ACN dans l’état de Lagos a cyniquement rehaussé d’environ 750 % les frais d’admission à l’Université d’État de Lagos, avec pour résultat que 60 % des étudiants qualifiés à l’examen n’ont finalement pas pu s’inscrire pour des raisons financières. Tous les gouvernements régionaux, quel que soit le parti qui y soit au pouvoir, ont refusé d’appliquer le nouveau salaire minimum national. L’échec des gouvernements à tous les niveaux a rendu obligatoire pour tout un chacun de devoir se débrouiller soi-même pour obtenir son propre accès à l’électricité, à l’eau, à l’enseignement, aux soins de santé. Tout cela doit cesser !

      Une fois au pouvoir, le parti engagera les ressources de la société afin d’organiser une infrastructure de base capable d’assurer une éducation et des soins de santé gratuits et de qualité, des routes en bon état, des logements à prix abordable, une électricité constante, etc. En attendant, le parti s’identifiera avec les luttes des travailleurs, des artisans, des commerçants, de la jeunesse et des masses pauvres, leur présentant une alternative qui satisfasse aux besoins de la vaste majorité. Nous mènerons aussi campagne pour que le gouvernement s’engage à fournir une infrastructure de base et à satisfaire aux besoins des travailleurs et des pauvres.

      Afin de mobiliser les ressources adéquates nécessaires aux besoins sociaux et à l’infrastructure, le parti annulera la politique anti-pauvre de privatisation qui n’est rien d’autre qu’un pillage éhonté des biens publics et du patrimoine collectif. Le parti placera les secteurs-clés de l’économie dans le domaine public de sorte que les ressources du pays puissent être démocratiquement organisées afin de satisfaire aux besoins des masses, et non aux profits de quelques-uns. Afin d’empêcher la débâcle et la corruption qui ont caractérisé jusqu’ici les entreprises publiques, nous placerons ces entreprises nationalisées sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleurs et des consommateurs. Pour nous, l’échec des entreprises publiques ne provient pas du fait même de leur statut public, mais du fait qu’elles étaient dirigées dans l’intérêt égoïste personnel de leurs gérants, et non pas dans l’intérêt public. La crise du secteur bancaire, qui a requis un énorme renflouement à partir des fonds publics pour que certaines banques puissent éviter la noyade, a bien montré que le secteur privé n’est en soi pas plus apte à gérer l’économie et les ressources. Par ailleurs, toutes les enquêtes effectuées par l’Assemblée nationale (en ce qui concerne l’électricité, les subsides sur les carburants, les pensions, etc.) ont révélé le scandaleux niveau de collaboration entre le soi-disant secteur privé et des cadres gouvernementaux corrompus afin de mieux voler et ruiner l’ensemble du pays. Il nous faut un parti qui soit préparé à organiser l’État et l’économie aux profits de tous plutôt que pour satisfaire les intérêts et l’avidité de quelques-uns.

      Les politiciens et cadres gouvernementaux anti-pauvres s’octroient des méga-salaires et bonus, et dans la plupart des cas, mangent carrément le trésor public, tout en proclamant que le nouveau salaire minimum de 18 000 naïras (57 000 fCFA) par mois pour les travailleurs du pays ne peut être supporté par notre économie. Contrairement à eux, les cadres du Socialist Party, lorsqu’ils seront élus, ne gagneront pas plus que le salaire moyen payé à un employé administratif qualifé, tandis que l’État ne sera responsable pour eux que de frais prouvés et raisonnables. Les cadres élus sur la plate-forme du parti seront constamment soumis à un droit de révocation de la part de leurs électeurs.

      La principale leçon de la lutte de janvier 2012 et des précédentes grèves générales qui se sont déroulées depuis l’avènement du régime civil, est qu’il nous manque absolument un véritable parti de masse du peuple qui soit basé sur la classe ouvrière et qui puisse arracher le pouvoir des mains de l’élite voleuse qui nous dirige aujourd’hui ; un parti qui utilisera les ressources publiques au bénéfice de tous. Voilà pour quoi se bat le Socialist Party. Le Socialist Party, tout en cherchant à se construire lui-même, continuera à mener campagne pour la formation d’un parti ouvrier de masse pan-nigérian, armé d’un programme socialiste. Le parti aidera à la construction de syndicats qui deviennent des organes combatifs en tant que partie prenante d’un puissant mouvement des travailleurs, de la jeunesse et de tous les opprimés, capables de mener la lutte pour chasser les politiciens pro-capitalistes anti-pauvres du pouvoir. Dans le cadre de cette lutte, le parti se battra pour la conquête du pouvoir politique et luttera avec les travailleurs et les pauvres pour satisfaire leurs revendications à une amélioration de leurs conditions de vie et de travail, et contre les attaques néolibérales capitalistes anti-pauvres menées par le gouvernement à tous les niveaux.

      Les travailleurs et le peuple ne peuvent trouver aucune expression auprès des partis politiques pro-establishment, puisqu’ils sont tous basés sur un programme de politique anti-pauvres. Le Socialist Party sera organisé de manière démocratique de sorte que tous les membres actifs et disciplinés du parti contribuent à la gestion et au programme du parti. Rejoignez le Socialist Party ! Il est le parti des travailleurs, des jeunes et des pauvres ! Rejoignez-nous pour construire un parti pour les millions de gens, et non pour les millionnaires !

  • Nigéria : une lutte héroïque pour le salaire minimum, malgré la trahison des dirigeants syndicaux

    Au moment où nous écrivons cet article, la grève des travailleurs de l’état d’Oyo pour la pleine entrée en vigueur du salaire minimum de 18.000 naïras (87 €, 57.000 francs CFA) par mois a été suspendue ce jeudi 5 avril 2012, à la suite de l’annonce par le gouvernement étatique mené par l’ACN (Action Congress of Nigeria, libéral) qu’il était prêt à un nouveau tour de négociations, après qu’une première tentative d’imposer aux travailleurs un accord pourri ait été vaincue. Cette grève, qui a commencé le 19 mars, a duré dix-sept jours et a complètement paralysé les activités du secrétariat d’état et de l’administration publique !

    Lundi 24 mai 2012, la grève a pris un tournant plus radical à la suite d’une réunion à l’hôtel de ville entre le gouverneur et l’ensemble du personnel de l’état. La réunion, qui était censée mettre un terme au conflit, a mené à une impasse lorsque l’exécutif du Comité de négociation des services publics (JPSNC, Joint Public Services Negociating Committee) a refusé de signer le nouveau barème salarial qui lui a été proposé par le sénateur Abiola Ajimobi, gouverneur de l’état d’Oyo.

    Le JPSNC, réputé être un allié incorrigible du gouvernement, a refusé de signer le barème qui lui était présenté par le gouvernement du fait de la féroce opposition qui y a été exprimée par la masse des travailleurs, qui a insisté sur le fait que le barème ne doive pas être signé avant qu’il n’ait été certifié par une assemblée des travailleurs. Étant donné cela, l’exécutif du JPSNC n’avait pas d’autre choix, surtout vu que sa légitimité en tant qu’organe de négociation était remise en question par les travailleurs qui, quelques semaines auparavant, l’avaient carrément dissous lors d’une assemblée. Immédiatement après la réunion à l’hôtel de ville, les travailleurs se sont rendus par milliers au secrétariat d’Oyo du Congrès du Travail du Nigéria (Nigeria Labour Congress, NLC), où s’est tenue une assemblée d’urgence, modérée par le comité provisoire dirigé par la Fasasi.

    Lors de cette assemblée, les travailleurs ont rejeté à l’unanimité le nouveau barème qui leur a été présenté, parce qu’il n’existait aucune différence substantielle entre le nouveau barème et celui qui avait déjà été rejeté plus tôt. Selon le nouveau barème, la grande majorité des travailleurs de catégorie 6 à 17 ne gagnaient que 500 naïras (2,5 €, 1500 fCFA) de plus par rapport à la somme présentée pour les mêmes catégories dans le barème publié le 14 mars 2012. Cela, en plus de l’absence de l’allocation spéciale prévue pour les enseignants par la TSS.

    L’assemblée a par conséquent établi un comité technique composé de représentants du cadre du JPSNC et de plusieurs membres des comités mis en place par l’assemblée afin d’établir un barème qui reflète les attentes de la généralité des travailleurs de l’état d’Oyo. L’assemblée a également décidé de réinstaurer le comité exécutif du JPSNC qui avait été dissous, auquel elle a demandé de faire une déclaration publique concernant leur soutien inconditionnel à la poursuite de la grève.

    Le contexte de la lutte

    Il faut se rappeler que les travailleurs ont déjà organisé toute une série de grèves et d’actions l’an dernier. L’état a d’ailleurs connu les premières manifestations de masse de travailleurs du pays contre le refus de la part des gouverneurs de faire entrer en vigueur le salaire minimum légal de 18 000 naïras par mois. La lutte a atteint son pic le 8 juillet 2011 lorsque les travailleurs ont suspendu les dirigeants syndicaux pour leur connivence avec le gouvernement étatique qui avait offert un salaire de seulement 9400 naïras, au lieu des 18 000 naïras promis. Tout comme c’est le cas à présent, un comité avait été inauguré par les travailleurs afin de mener la lutte pour la pleine application du salaire minimum. Les dirigeants syndicaux ont toutefois été réinstaurés plus tard, le 21 juillet 2011, et mandatés pour donner le mot d’ordre immédiat de grève indéfinie jusqu’à la pleine entrée en vigueur du salaire minimum.

    Cette grève indéfinie, qui n’a duré que cinq jours, avait forcé le gouvernement à proposer un salaire minimum de 13 500 naïras qui devait être payé pour les mois de juin et de juillet 2011, tous les arriérés devant être payés pour la fin aout. Malheureusement, depuis juillet 2011, il y avait eu un silence criminel de la part tant du gouvernement que des dirigeants syndicaux, jusqu’au 14 mars 2011, lorsque le gouvernement ACN de l’état d’Oyo, dirigé par Abiola Ajimobi, avait finalement publié le nouveau barème salarial. Selon cette nouvelle grille salariale frauduleuse, le salaire de base des travailleurs les moins bien payés de l’état ne devait s’élever qu’à 10 405 naïras au lieu de 18 000.

    Cela va tout à fait à l’encontre des déclarations du gouvernement, qui affirmait avait déjà commencé à payer 19 113 naïras. Le salaire minimum de 19 113 naïras n’était en réalité que le total du salaire de base de 10 405 naïras, auquel s’ajoutait le loyer (4628,25 naïras), les frais de transport (1945,74 naïras), les subsides pour les repas (1040,50 naïras), et autres frais (1040 naïras). De plus, cette hausse ne valait réellement quelque chose qu’en ce qui concerne les salaires des travailleurs de classe 1 à 4, qui ne représentent qu’une toute petite fraction du personnel. La grande majorité des travailleurs, qui sont de classes supérieures, ne recevaient pour seule hausse que la somme ridicule de 1000, 2000 ou 3000 naïras supplémentaires. De même, en ce qui concerne les enseignants, l’allocation spéciale TSS, qu’ils n’avaient gagnée qu’au prix de plusieurs mois de lutte, avait été supprimée du nouveau barème.

    Conflit avec la bureaucratie syndicale

    C’est donc là l’historique de la reprise de l’action de grève à partir du 19 mars 2012. Lors d’une assemblée générale qui s’est déroulée le 16 mars 2012, les travailleurs ont rejeté à l’unanimité le nouveau barème salarial. Les travailleurs membres des syndicats affiliés au Congrès du Travail du Nigéria et au Congrès syndical (Trade Union Congress, TUC), ont également démis les directions de leurs centrales syndicales de leur mandat de représentation lors des négociations avec le gouvernement. L’exécutif du JPSNC a également été dissous. L’assemblée générale des travailleurs a entrepris cette action à l’encontre des dirigeants syndicaux officiels pour protester contre leur trahison lors des négociations avec le gouvernement.

    L’assemblée a par conséquent établi un comité provisoire afin de poursuivre la lutte dans les véritable intérêts des travailleurs qui ont refusé de reprendre le travail et qui se sont rendus tous les jours au secrétariat du NLC à partir du 19 mars. Cette action, menée indépendamment de la direction syndicale officielle, a pu bénéficier d’un soutien de masse.

    Lutter pour gagner

    Le DSM, dont les membres ont été impliqués de manière active dans l’action des travailleurs, applaudit la détermination et la ténacité des travailleurs. Grâce à une stratégie et à une approche correctes, la grève peut gagner. Tout en annonçant la suspension de la grève pour deux semaines à partir du 5 avril 2012, les travailleurs ont décidé d’organiser une assemblée chaque vendredi afin de suivre l’état d’avancée des négociations. Ceci est un pas important afin de prévenir toute nouvelle trahison. Les travailleurs doivent exiger de la direction de toujours revenir à l’assemblée pour demander son approbation avant de signer le moindre accord salarial avec le gouvernement.

    Toutefois, malgré la détermination des travailleurs, l’isolation de la lutte, du fait du manque de solidarité de la part de la direction nationale du mouvement syndical, risque de constituer un frein à l’élan des travailleurs et de limiter l’ampleur de l’accord obtenu avant que le mouvement ne s’épuise. Nous appelons donc la direction nationale du mouvement syndical à accorder un soutien actif aux travailleurs de l’état d’Oyo et à les aider à gagner la lutte, en veillant de même à ce qu’aucun de ces travailleurs ne perde son emploi. Une victoire à Oyo pourrait encourager les travailleurs des autres états, qui se sont également vu refuser le salaire minimum ou qui ont été contraints à des accords pourris, à se dresser pour rejoindre la lutte pour la pleine entrée en vigueur du salaire minimum légal. La direction du mouvement syndical doit lancer une action nationale pour forcer tous les gouvernements à appliquer le nouveau salaire minimum légal.

    Il est également très important de mettre en avant l’exemple qu’ont donné les travailleurs de l’état d’Oyo et la manière dont ils sont parvenus à surmonter les obstacles placés par la bureaucratie syndicale en travers de la lutte. L’élection d’un “comité provisoire” par les travailleurs de l’état d’Oyo, tout comme le “comité congressionel” mis en place l’an passé afin de mener la lutte indépendamment des dirigeants syndicaux officiels, montre un bel exemple de la manière dont les travailleurs à la base syndicale peuvent commencer à reprendre le contrôle de leur syndicat.


    (1) État d’Oyo dont la capitale Ibadan, à 100 km de Lagos, est la troisième plus grande ville du Nigéria (1 million d’habitants), et siège de la toute première université du Nigéria

  • Nigéria : meeting du DSM pour débattre de l'état de la nation

    ”Seule une révolution socialiste peut sauver le Nigéria – un pays immensément riche, mais dont la majorité des citoyens sont perpétuellement pauvres” – Segun Sango

    Le dimanche 19 février 2012, le Democratic Socialist Movement (DSM, section nigériane du CIO) a organisé un meeting à Lagos, dont le but était de réunir nos membres, et aussi et surtout les nombreux membres potentiels que nous avons rencontrés à Lagos au cours de la grève générale et des actions de masse de janvier dernier contre la hausse du prix de l’essence.

    Une discussion extrêmement intéressante a eu lieu sur l’état du Nigéria et sur les perspectives de progrès. Entamant la discussion, Segun Sango (Secrétaire général du DSM) a expliqué que la dernière grève générale en janvier est la confirmation que les masses laborieuses, les jeunes et les pauvres du Nigéria sont bel et bien capables d’accomplir une transformation révolutionnaire au Nigéria.

    Lanre Arogundade a ajouté que cette dernière action ne devrait pas seulement renouveler notre confiance en notre capacité d’accomplir le changement ; nous devons également tirer des leçons utiles afin d’assurer la victoire de la lutte future. Une leçon cruciale tirée de la grève générale est le fait que nous avons besoin d’un parti ouvrier de masse afin de prendre le pouvoir politique.

    Ceci est crucial, étant donné le fait que la situation va de mal en pis, malgré les promesses de palliatifs afin d’éviter que les gens ne soient trop fortement touchés par la suppression partielle des soi-disant subsides sur l’essence. Les prix de l’alimentation, des transports et d’autres produits et services de base, qui ont flambé au moment de la hausse du prix de l’essence, ne sont pas encore revenus à leur niveau d’avant janvier. D’ailleurs, l’Office national des statistiques a dit que le taux d’inflation dans le pays s’est tout d’un coup hissé à 12,6% en janvier, comparé à 10,6% en décembre, avant la hausse du prix de l’essence.

    À présent, la “sonde publique pour la gestion du subside” organisée par l’Assemblée nationale est en train de créer la frénésie des médias ; toutefois, tout cela n’est qu’un cirque : il n’y a toujours aucune preuve fiable de la volonté du gouvernement de réellement faire quelque chose contre la corruption dans le secteur pétrolier.

    Cela n’est pas une surprise. L’ensemble de l’appareil gouvernemental lui-même est corrompu ; le capitalisme lui-même est un système de corruption organisée. Tout en prétendant sonder la corruption dans le secteur pétrolier, les membres de l’Assemblée nationale se servent allègrement des parts du gâteau national. De récentes révélations ont montré que les 109 sénateurs vont recevoir 1,7 milliards de naïras par personne (8,2 millions d’euros!) pour pouvoir s’acheter une jeep. Ceci, en plus de toute la flotte de véhicules de luxe qui appartient déjà aux membres de l’Assemblée nationale.

    Tout cela se retourne contre les promesses du président Jonathan qui avait dit vouloir s’attaquer au gaspillage de l’argent du gouvernement ; cela montre aussi à quel point aucun des problèmes (la corruption en faisant partie) qui ont fait descendre les masses dans les rues en janvier ne fait l’objet de la moindre attention de la part du gouvernement.

    Segun Sango a expliqué que tout ce gaspillage et toute la la corruption de l’élite dirigeante n’est pas quelque chose d’accidentel, mais est une caractéristique du capitalisme. Cette caractéristique n’est d’ailleurs pas le propre du capitalisme au Nigéria, mais également du capitalisme au niveau international, comme nous pouvons le voir sur base de l’avidité des grandes entreprises, des banquiers et des politiciens qui sont en train de mettre l’ensemble de l’économie européenne à genoux, et aussi comme nous pouvons voir la manière dont la facture de la crise est en ce moment présentée aux travailleurs et aux jeunes via une politique d’austérité brutale.

    Le capitalisme est un système fondamentalement injuste. Il y a de la richesse dans la société, mais au lieu d’être utilisée pour améliorer le sort de tous, elle est accaparée par les capitalistes, dans le gouvernement comme en-dehors. Un nouveau rapport de l’Office national des statistiques (ONS) montre que les inégalités de revenu au Nigéria se sont accrues de 0,429 en 2004, à 0,447 en 2010 – ce qui indique que nous sommes en présence d’appauvrissement de masse qui a lieu malgré toutes les fables au sujet de la croissance économique.

    Le plan de transformation de Jonathan : qu’a-t-il à offrir ?

    Selon l’ONS un nombre effarant de 112 519 000 Nigérians vit dans des conditions de pauvreté relative. Ce nombre représente 69% de la population totale du pays, estimée à 163 millions. Plus inquiétant encore, est le fait que le taux de pauvreté s’accroit alors que la croissance du PIB est estimée être de 7,75%. Selon le statisticien en chef de l’ONS, le Dr. Yemi Kale, le taux de pauvreté officielle pourrait même être passée à 71,5% en 2011. De même, 23,9% de la population est sans emploi.

    Ces statistiques ensanglantées sont le reflet économique de la faillite de la politique capitaliste néolibérale des régimes précédents, que le plan de transformation du président Jonathan désire maintenir et intensifier. Le plan de transformation est un paquet de réformes néolibérales qui visent la privatisation, la dérégulation et la commercialisation, tout cela dans le but de servir les intérêts des riches. Selon ce plan, la Compagnie électrique du Nigéria sera démantelée pour être vendue pour une bouchée de pain à diverses compagnies privées. L’implication de cela est une hausse du tarif de l’électricité, ce qui va encore plus peser sur les masses laborieuses et les pauvres. Et sans compter les milliers d’emplois qui seront perdus. Les travailleurs de l’électricité sont déjà en train de compter les jours avant de recevoir l’annonce du licenciement de masse qui accompagnera la restructuration.

    Déjà l’année passée, il y a eu une hausse du tarif, alors que la vaste majorité de la population n’a même pas l’électricité ou doit la produire soi-même avec des générateurs. Selon l’Association des entreprises du Nigéria, le piètre état du réseau de distribution électrique est le principal facteur qui explique les fermetures d’entreprises, la délocalisation des lignes de production et les centaines de milliers de pertes d’emplois qui ont eu lieu ces dix dernières années.

    Cette année, une nouvelle hausse du tarif est en train d’être préparée par le gouvernement fédéral ; c’est même selon eux une des conditions pour une privatisation réussie de l’électricité publique, afin de rendre le secteur plus profitable pour les investisseurs privés. Cela seul expose l’ensemble du processus de privatisation comme n’étant pas une tentative d’améliorer la génération d’électricité, mais comme une simple opération profit. Lorsque les requins spéculateurs en auront totalement pris le contrôle et la possession, les masses devront s’attendre à un déclin drastique de l’accès à l’électricité, tandis que les tarifs grimperont au plafond.

    C’est cette même politique anti-pauvres et anti-croissance qui est en train d’être appliquée à d’autres secteurs de l’économie. L’éducation et les soins de santé sont de plus en plus commercialisés. Le camarade Nicholas a raconté lors du meeting son expérience à l’hôpital général public de Lagos, où il a dû payer 30 000 naïras (140 euros) rien que pour les soins prénataux pour sa femme enceinte. Dans un pays où le salaire minimum est d’à peine 18 000 nairas (86 euros) par mois, cette histoire montre bien ce que doivent endurer les familles ouvrières et de la petite classe moyenne pour avoir accès à des soins.

    Il ne faut donc guère s’étonner du fait que la plupart des accouchements se passent dans des églises et autres lieux innommables, vu que les familles ne peuvent se permettre le cout élevé des soins de santé. Le même scénario se déroule dans l’éducation. Dans les universités et hautes écoles du pays, les frais d’inscription sont en train de passer à 100 000 nairas (480 euros), voire 200 000 naïras (960 euros) par an, et même, dans le cas de l’Université d’État de Lagos, à 348 000 naïras (1670 euros) ! Il est intéressant de constater que l’ensemble des partis politiques, y compris le Congrès pour l’action du Nigéria (Action Congress of Nigeria, ACN, principal parti d’opposition), sont unis derrière ces attaques néolibérales sur l’enseignement public. En fait, les institutions publiques dans des états gouvernés par l’ACN sont celles dont les frais d’inscription sont les plus élevés.

    Tous les partis d’opposition entonnent le même refrain : il n’y a pas d’alternative à la manière de gérer la société, à part la politique néolibérale ». Dans l’état de Lagos, le gouvernement ACN a vendu toute un tronçon routier, l’autoroute express Lekki-Epe, à des requins privés et ce, sous le masque d’un “partenariat public-privé”. La construction de cette route avait débuté dans les années ’80, et tout ce que la compagnie privée devait faire était ajouter une ou deux bandes le long de 49 kilomètres de la route. Même si seuls 6 de ces kilomètres ont été pour l’instant achevés, la compagnie a déjà installé un péage, et prévoit d’en construire deux de plus ! La construction d’un péage sur une route publique a été la source de nombreux troubles et actions de protestation qui ont été cruellement réprimées par le gouvernement.

    Le camarade Chineda a raconté une autre fraude du partenariat public-privé organisé par l’ACN à Lagos : le système de transports rapides par bus “Lagbus”. On présente souvent ce système comme un merveilleux exemple de partenariat public-privé réussi, mais la réalité est toute autre. Tout comme la concession de l’autoroute express Lekki-Epe, Lagbus n’est rien d’autre qu’une couverture pour utiliser l’argent public afin de mettre sur pied des entreprises privées pour des pontes du parti et pour leurs copains privés. La compagnie Oando, dont le directeur, Wale Tinubu, est le neveu de Ahmed Bola Tinubu, un des dirigeants politiques de l’ACN, est le seul fournisseur de diesel à Lagbus, alors qu’Oando vend son diesel à un prix plus cher à Lagbus qu’à ses autres clients.

    Évidemment, cet arrangement deverait être non-profitable pour une véritable entreprise, mais la réalité est que Lagbus n’est qu’une façade qui sert à faire partir les ressources de l’État vers des poches privées. La majorité du personnel gagne environ 25 000 nairas par mois (120 euros). Les chauffeurs de bus gagnent 35 000 nairas (170 euros), mais il travaillent plus de 60 heures par semaine ! Du fait de la mauvaise gestion, de nombreux bus sont en panne, ce qui signifie qu’il faut bientôt s’attendre à des licenciements. La compagnie a aussi toute une histoire d’attaques sur les droits démocratiques de ses travailleurs à rejoindre un syndicat, tandis que la victimisation est monnaie courante.

    Mais il y a en réalité un mode alternatif de gestion de la société capable d’assurer que les ressources de la société soient utilisées pour répondre aux besoins des masses laborieuses et pauvres plutôt qu’à ceux des politiciens bien nourris et des grandes entreprises, tels que nous le voyons aujourd’hui. Ce mode alternatif de gestion de la société que défendent les socialistes, c’est la nationalisation des secteurs-clés de l’économie sous le contrôle et la gestion démocratique du public. Les socialistes s’opposent à toute privatisation, parce que nous pensons que les ressources de la société appartiennent au peuple, et par conséquent doivent être propriété collective. C’est pourquoi nous insistons sur le contrôle et la gestion démocratiques des entreprises nationalisées, afin de pouvoir impliquer les masses laborieuses et pauvres dans la gestion de l’économie et de la société.

    La question nationale

    Un autre aspect de l’état de la nation que les socialistes et les masses laborieuses doivent analyser avec une grande attention est la question nationale. Cela, d’autant plus qu’auparavant, vu la montée du Boko Haram – un groupe islamiste fondamentaliste du Nord-Est – dont les brutales activités terroristes et assassinats perpétrés au cours des trois dernières années menacent de déstabiliser le pays.

    Segun Sango a expliqué que la crise ethno-religieuses qui semble tellement insurmontable est en réalité née du fait que le Nigeria actuel est composé de divers peuples hétérogènes qui ont, sans aucune consultation, été forcés de cohabiter dans un même pays par les colonialistes britanniques, qui n’aspiraient qu’à une exploitation facile et profitable des ressources du pays. Aucun de ces peuples n’a été consulté, il n’y a jamais eu aucune discussion démocratique quant à la volonté ou non de ces différentes nationalités de continuer à vivre ensemble et si oui, sur quelle base.

    L’indépendance du Nigeria a été partiellement négociée sur base de cette division ethnique et religieuse ; l’impérialisme britannique a donné le pouvoir à la section de la classe dirigeante qu’il estimait la plus malléable. Toutefois, à cause des positions pro-capitalistes (tant sur le plan de vue économique que politique) des élites dirigeantes de toutes les principales nationalités qui ont formé le gouvernement au Nigeria depuis l’indépendance, les tensions et divisions ethniques et religieuses, plutôt que de s’atténuer, n’ont fait que s’aggraver, reflétant la lutte des diverses élites nationales pour s’accaparer leur part de la richesse sociale.

    Ce n’est pas pour rien que le Nord compte le plus haut niveau de pauvreté et d’analphabétisme, malgré le fait que des élites du Nord ont dirigé le Nigéria pendant des décennies. Le dernier rapport de l’ONS a montré que le Nord-Ouest et le Nord–Est avaient en 2010 les plus haut taux de pauvreté du pays, à 77,7% et 76,3% respectivement. De tous les 36 états de la fédération nigérianne, c’est Sokoto qui a le plus haut taux de pauvreté : 86,4% !

    C’est pourquoi les socialistes défendent constamment le fait que sans justice au niveau de la répartition de la richesse sociale, il ne peut y avoir le moindre espoir d’une solution durable à la question nationale. Le DSM appelle à une conférence nationale souveraine véritablement démocratique et indépendante qui soit dominée par des représentants élus des travailleurs, des pauvres, des jeunes et différents groupes ethniques afin de discuter de si oui ou non le Nigéria a encore un sens, et si oui, selon quelles modalités.

    Cependant, une conférence nationale souveraine indépendante soulève la question de quel gouvernement mettra en vigueur ses résolutions. Ce ne sera certainement pas le gouvernement des pillards pour qui le statu quo injuste peut bien continuer vu qu’ils en tirent profit. Cela soulève la question de la nécessité d’un parti politique ouvrier capable de se battre pour le pouvoir politique et d’amener un gouvernement réellement démocratique des travailleurs et des pauvres, le seul à même de faire appliquer les décisions d’une telle conférence nationale souveraine.

    Les socialistes soutiennent le droit à l’auto-détermination des peuples. Toutefois, nous devons bien expliquer que séparer ou diviser le Nigéria ne constituera pas une solution magique à la crise du sous-développement, du chômage et de la misère qui ravage les masses laborieuses du Nord, de l’Ouest, de l’Est, de la Ceinture moyenne et du delta du Niger.

    Ce n’est pas pour rien que les gouverneurs et politiciens de la région du delta du fleuve Niger, d’où provient la plupart du pétrole du pays, sont aussi parmi les plus corrompus. Malgré les 13% de dérivés que les états de cette région reçoivent tous les mois du gouvernement fédéral en plus des allocations mensuelles, le niveau de sous-développement, de misère, de chômage et d’effondrement des infrastructures publiques telles que routes, enseignement et soins de santé, est alarmant. L’élite dirigeante de la région du delta du Niger ne fait qu’amasser et amasser tout l’argent, en abandonnant son peuple à une vie de misère et de pénurie. Si ces mêmes éléments devaient se retrouver à la tête d’une éventuelle nation indépendante du Delta du Niger, il ne faudrait alors pas s’attendre à la moindre amélioration des conditions de vie de la population. Cette perspective vaut également pour toutes les zones géopolitiques où les élites capitalistes dirigeantes sont aussi corrompues et anti-pauvres.

    Tout en soutenant le droit à l’auto-détermination, nous insistons sur la nécessité pour les masses laborieuses et les pauvres de se battre pour un gouvernement des travailleurs et des pauvres qui n’appliquera pas une politique néolibérale de privatisations, mais qui utilisera les ressources de la société dans l’intérêt de tous. Les socialistes pensent qu’une sécession sur une base capitaliste n’amènera rien de plus que la continuation de la même inégalité de revenus et de misère de masse au milieu d’un pays d’abondance. Par conséquent, les socialistes défendent un Nigéria unifié, mais cette fois-ci sur base de principes démocratiques, d’une justice socio-politique et du socialisme.

    La direction travailliste

    La manière dont la récente grève générale “illimitée” a été tout d’un coup interrompue avant qu’elle n’atteigne ses objectifs n’a fait que souligner encore plus le fait que les dirigeants syndicaux actuels n’ont aucun programme alternatif capable de mener les travailleurs dans la lutte pour le pouvoir politique. La grève générale et les actions de masse qui ont fait descendre des dizaines de millions de Nigérians dans les rues et ont dans les faits coupé toute l’économie du pays pendant plus d’une semaine, ont soulevé la question du pouvoir politique. Toutefois, les dirigeants travaillistes n’étaient pas préparés pour cela, ni idéologiquement, ni politiquement, malgré l’énorme potentiel organisationnel que représentent les syndicats au Nigéria. Ceci explique pourquoi ils ont été si facilement mis sous pression par le gouvernement qui a accusé le mouvement d’œuvrer avec l’opposition pour chasser Jonathan de son fauteuil de président avec son slogan de changement de régime.

    Il est intéressant de constater que la direction travailliste n’a pas officiellement soulevé ce slogan. D’ailleurs, aucun des partis d’opposition, aucun des politiciens de l’opposition qui ont participé à l’assemblée quotidienne place de la Liberté Gani Fawehinmi à Ojota Lagos n’ont repris ce slogan de manière consciente. Seuls le DSM et le JAF (Joint Action Front, une plate-forme de lutte syndicale) ont soulevé ce slogan de manière consciente, mais l’ont complété par un appel à une alternative économique et politique ouvrière. Le JAF a appelé à un changement de système. Sur nos tracts, nos bannières, dans nos journaux, nous proposions le slogan “À bas le gouvernement Jonathan, pour un gouvernement des travailleurs et des pauvres”. Cependant, ce qui a réellement effrayé l’élite dirigeante était le fait qu’à partir du troisième jour de grève, le slogan “Jonathan dégage!” commençait à devenir très populaire parmi de larges couches de manifestants à Lagos et à travers tout le pays. Il était très clair que les événements étaient en train d’atteindre un point qui pouvait être dangereux pour le régime et au final pour le système.

    Par conséquent, les dirigeants travaillistes ont dû intervenir pour se dissocier spécifiquement de l’appel à un “changement de régime”, et ont déclaré la fin de la grève au moment où ils se sont considérés incapables de mener les travailleurs plus en avant vers l’étape suivante qui était la lutte pour le pouvoir politique. De plus, les dirigeants travaillistes actuels ne sont pas fondamentalement opposés à la politique néolibérale anti-pauvre de privatisation et de dérégulation ; ils ne désirent au mieux qu’à l’encadrer afin de lui donner un visage plus humain. Le principal élément qui faisait défaut à cette grève massive, tout comme aux mouvements précédents, était l’absence d’un parti politique ouvrier de masse, qui aurait pu se saisir de cette opportunité afin de fournir une direction au mouvement, surtout à partir du moment où la direction travailliste battait en retraite, et afin de cristalliser la colère et le potentiel du mouvement de masse jusqu’à la conquête du pouvoir politique. C’est là une des raisons pour lesquelles nous avons constamment appelé les socialistes, les travailleurs, les artisans et les jeunes à diffuser l’idée de la nécessité de la formation d’un parti ouvrier de masse.

    Un parti de masse des travailleurs et des pauvres

    La meilleure manière de rapidement organiser une puissante alternative politique capable de concourir pour le pouvoir lors des prochaines élections en 2015 et après est de voir le mouvement ouvrier jouer un rôle dirigeant dans la formation d’un tel parti. Mais cela ne peut se produire sans une direction syndicale combative, capable de comprendre la tâche historique de la classe ouvrière dans la direction des autres couches des opprimés dans la lutte pour le pouvoir politique. L’exemple du Labour Party formé par le NLC (Confédération des syndicats du Nigéria) mais abandonné à des carriéristes et à des politiciens professionnels montre que cette compréhension n’existe pas chez les dirigeants syndicaux actuels.

    Par conséquent, l’agitation en direction d’un parti de masse des travailleurs doit être reliée à une campagne parmi la base syndicale pour une direction syndicale combative. Elle doit également être liée à la revendication de la démocratisation des syndicats et à l’implication de la base des travailleurs dans la gestion des syndicats et dans la prise de décision collective quant à la manière dont le mouvement ouvrier doit répondre aux attaques néolibérales du gouvernement.

    La tâche de la construction d’un parti ouvrier de masse est de la plus haute importance. Comme l’a répété Segun Sango, tout en menant la campagne pour la formation d’un tel parti ouvrier de masse, nous devons saisir chaque opportunité, quelles que soient les limitations et les difficultés, pour construire une alternative politique socialiste dès à présent. C’est dans ce cadre que se pose la question de la transformation du DSM en un véritable Socialist Party, reconnu officiellement. Bien entendu, les lois électorales antidémocratiques présentent une myriade d’obstacles financiers et autres sur la voie vers l’enregistrement d’un véritable parti capable de représenter et de se battre pour les intérêts des masses laborieuses, des jeunes et des pauvres. Mais avec notre détermination, nous pouvons les surmonter.

    Contrairement à ce qui s’est produit lors des deux dernières élections, où aucune alternative politique n’existait pour la classe ouvrière et la jeunesse, même un petit Socialist Party nous offrirait une occasion d’intervenir dans les élections et de mettre en avant un programme économique et politique socialiste.

    Selon Lanre Arogundade, une organisation telle que la nôtre est nécessaire pour fournir aux masses laborieuses une issue à la crise du capitalisme au Nigéria. Il y a par conséquent la nécessité de redoubler d’efforts dans la construction du DSM. Cela inclut de faire en sorte que notre message puisse atteindre toutes ces personnes avides de changement que nous avons rencontrées au cours de la dernière gréve générale, et que nous nous battions politiquement pour les gagner à la cause du socialisme.

    Le meeting s’est clôturé sur un appel aux dons qui a récolté la somme de 5500 naïras (26€), plus 3000 naïras (14€) en promesses de dons.

  • Etats-Unis : Quel avenir pour le mouvement ‘Occupy’ ?

    Quelle devrait être la prochaine étape à franchir pour le mouvement?

    Cet article a été initialement publié le 28 octobre dernier sur le site de Socialist Alternative, les partisans du Comité pour une Internationale Ouvrière aux USA. Depuis lors, un sondage d’opinion a montré que 59% des sondés étaient entièrement ou fortement en accord avec les revendications d’Occupy Wall Street (Financial Times, Londres, 31 Octobre, 2011)

    Ty Moore, Socialist Alternative (CIO-USA)

    ‘‘Nous sommes en train de gagner. Bien sûr, nous n’avons pas pris les institutions gouvernementales en main, ni même n’avons gagné de réformes concrètes ou à venir avec des institutions solides pour défendre nos acquis. Nous ne sommes même pas près d’en finir avec la lutte ou avec la création du monde dans lequel nous voulons vivre. Mais – aux côtés des révolutionnaires à travers le monde – nous avons contribué à libérer le potentiel caché et endormi de millions de personnes, prêtes à croire à nouveau qu’il existe une alternative’’, a expliqué Yotam Marom, un des principaux organisateurs de l’occupation de Wall Street (Alternet.org, 13 Octobre, 2011).

    ‘‘Notre mouvement est composé de gens qui luttent pour des emplois, des écoles, l’allégement de leur dette, des logements équitables et pour de bons soins de santé. Nous résistons à la destruction écologique, à l’impérialisme, au racisme, au patriarcat et au capitalisme. Et cela, nous le faisons tous de façon participative, démocratique, féroce et inébranlable.’’

    En quelques semaines, le mouvement ‘Occupy’ a changé la face de la politique américaine. Bien plus de 100 villes connaissent actuellement des occupations, et des militants prévoient des occupations ou des actions de solidarité dans plus de 1.000 autres. Des centaines de milliers de personnes ont participé aux manifestations. Des millions de travailleurs se sont clairement identifiés à ces fameux ‘99%’ qui s’opposent au 1%, et ont été inspirés par la position audacieuse adoptée contre Wall Street et le système politique contrôlé par les entreprises.

    Dès les premiers jours du mouvement, les membres de Socialist Alternative ont énergiquement aidé à organiser les occupations dans les villes où ils étaient présents, en faisant des propositions concrètes pour des actions de sensibilisation, etc. Nous avons ajouté nos voix aux cris proclamant ‘‘qu’un autre monde est possible", en soulignant fortement le fait que cela exigeait une transformation de la société vers le socialisme démocratique.

    Aujourd’hui, aux côtés de nombreux autres dans le mouvement, nous sommes aux prises avec cette question cruciale : que faire maintenant ?

    Quelle prochaine étape?

    Premièrement, nous devons reconnaître que, tout d’un coup, nous sommes devenus une force avec laquelle il faut compter. L’establishment politique et médiatique a tout d’abord tenté d’ignorer les occupations, puis de les discréditer, et ensuite de physiquement les réprimer. Mais maintenant, chaque institution de la classe dirigeante, de la campagne présidentielle d’Obama au Tea Party, essaye de réorienter sa stratégie politique pour répondre à cette explosion sociale.

    Notre succès pour briser le black-out des médias et pour gagner un large soutien pour notre mouvement a également attiré l’attention du Parti Démocrate. Avec le début la campagne présidentielle, les Démocrates courtisent le mouvement. Obama nous a offert de belles paroles, tout en quémandant en même temps des millions de dollars de Wall Street pour sa campagne. Nous devons être bien clairs : le Parti Démocrate n’est pas l’ami des mouvements sociaux. Ils ne nous tendent la main que pour s’attirer le mouvement et pour canaliser nos énergies vers leur campagne électorale pro-capitaliste.

    Nos amis sont ailleurs, avec les autres mouvements sociaux, et plus particulièrement le mouvement ouvrier. Le mouvement d’occupation doit construire des liens plus étroits avec les luttes sociales et économiques. Nous devons relier les étudiants sur les campus universitaires aux préoccupations des travailleurs et des pauvres qui souffrent tous de cette récession économique dévastatrice.

    Le 15 octobre dernier, la journée d’action internationale a attiré plus de 25.000 manifestants à Manhattan, et un nombre encore plus grand à travers l’Europe. Maintenant, Adbusters – le magazine qui a lancé l’appel d’Occupy Wall Street – propose des protestations mondiales le 29 octobre pour revendiquer une "taxe Robin des bois" sur les transactions financières. [Cet article a été publié le 28 octobre, NDLR]

    De tels appels pour une action coordonnée autour de points de revendication clairs et précis vont dans la bonne direction. Mais, tandis que la ‘‘taxe Robin des Bois’’ peut être une idée populaire chez les militants. Mais pour attirer les travailleurs et les jeunes – dont la colère s’ancre profondément dans les coupes budgétaires, le chômage, l’endettement des étudiants, les saisies de logements, les soins de santé, etc. – et parvenir à avoir des protestations beaucoup plus grandes, le mouvement doit se positionner clairement contre l’austérité brutale en cours d’élaboration au Congrès

    En fait, le Congrès et Barack Obama nous donnent involontairement un point de ralliement idéal à destination d’unifier le mouvement Occupy et d’approfondir le soutien actif que nous avons dans les diverses communautés des travailleurs les plus touchés par les coupes d’austérité.

    Après des années de compressions budgétaires sévères au niveau de l’Etat et au niveau local, désormais, le Congrès et Barack Obama se préparent à des coupes historiques dans la sécurité sociale fédérale. Le 23 novembre, un ‘Super Comité’ bipartite décidera du sort de centaines de milliards de dollars pour les programmes sociaux dont dépendent les personnes âgées, les malades, les pauvres, les étudiants, les travailleurs, les femmes, etc. La sécurité sociale, les soins de santé, le financement de l’éducation et d’autres programmes vitaux sont en pleine ligne de mire.

    Occupy Congress!

    Ces coupes budgétaires historiques exigées par les grandes banques et les grands actionnaires constituent la plus grande menace face à nous et face à la classe ouvrière américaine. Si l’ensemble du mouvement Occupy – y compris les syndicats – s’opposent résolument à ces attaques impopulaires et recourent aux tactiques d’action de masse et de mobilisations dans les communautés de travailleurs, il est possible de réduire considérablement l’impact de ces attaques, voire même de les vaincre. Imaginez ce que cela donnerait si, à travers le pays, des assemblées générales Occupy appellent les syndicats du secteur public et les groupes d’étudiants à organiser une action coordonnée de grève nationale contre les coupes, comme les assemblées l’ont fait en Grèce ! Même si de nombreux dirigeants syndicaux ont déjà refusé d’aller plus loin, le niveau de colère est tel que les travailleurs du rang, dans de nombreux secteurs, pourrait organiser elle-même les masses, comme les enseignants du Wisconsin l’ont fait le printemps dernier.

    Imaginez ce que cela donnerait si le mouvement Occupy lancerait un appel à ‘‘Occuper le Congrès’’, à occuper les bureaux locaux des membres du Congrès à moins qu’ils ne signent un engagement à voter contre toutes les coupes proposées, en combinaison de manifestations, de pétitions, de meetings, d’actions,…

    Il y a déjà une semaine d’action ‘‘Jobs Not Cuts’’ (Des emplois, pas de coupes) pour la semaine du 16 au 23 novembre, qui a reçu le soutien de personnalités telles que Noam Chomsky, mais aussi de syndicats, d’organisations locales, de Socialist Alternative et d’autres (voir JobsNotCutsProtest.org) Nous encourageons les assemblées générales Occupy à entériner ces actions et à orienter le mouvement vers une opposition active à ces coupes.

    Soutenir cette campagne n’aura pas pour seul avantage de faire le lien entre le mouvement Occupy et la lutte, plus large, contre les coupes, cela aura l’avantage supplémentaire d’exposer davantage au grand jour le rôle du Parti Démocrate dans la promotion de ces coupes budgétaires. Ainsi, il sera plus difficile pour les Démocrates de tenter de récupérer l’énergie du mouvement pour sauver leurs candidats aux élections de 2012. Il sera important de miser sur l’énergie de cette lutte anti-coupes pour aller vers la présentation d’une réelle alternative pour les électeurs en 2012, en présentant des candidats anti-coupes indépendants, dans le cadre de la construction d’un nouveau parti politique pour et par les 99%.

    Afin de maintenir notre élan, nous devons apprendre à nous adapter rapidement. Nous avons déjà changé le paysage politique de telle manière que le simple fait de répéter les tactiques et les slogans qui ont donné naissance aux occupations ne sera pas suffisant pour soutenir le développement du mouvement. Des millions de personnes se tournent vers nous afin de fournir un moyen concret d’aller de l’avant, de montrer un chemin vers un changement réel.

    Exiger des réformes des institutions capitalistes ne signifie pas de mettre de côté les aspirations radicales du mouvement Occupy. En fait, notre tâche est d’expliquer que les réformes véritables sont toujours les produits de la lutte des masses, menaçant le pouvoir de la classe dirigeante. Nous avons déjà fait peur aux élites politiques et aux géants du capital. Si nous pouvons continuer à élargir notre influence, à coordonner nos actions et nos revendications et à fournir une stratégie claire pour toutes les couches de la société américaine prêtes à entrer dans la lutte, le sentiment que nous sommes «gagnant» va prendre chair et d’os.

    • Il faut étendre les occupations à travers le pays et vers les écoles et les collectivités. Nous avons besoin d’une campagne de masse pour mobiliser les couches larges de travailleurs, de jeunes et la base syndicale et les impliquer dans la lutte.
    • Organisons des manifestations de masse le week-end qui appèlent au retrait de toute coupe dans les services sociaux, à l’élaboration d’un programme massif de création d’emplois, à l’imposition de taxes sur les super-riches et le Grand Capital, à la fin des guerres, à des coupes massives dans le budget militaire et pour la défense des droits syndicaux et des droits démocratiques.
    • Construisons activement la mobilisation et la semaine d’action nationale du 16 au 23 novembre pour combattre le Super Comité du Congrès qui prévoit des coupes dans les services sociaux à hauteur de 1.500 milliards de dollars. Non aux pertes d’emploi !
    • ‘‘Occupy Congress’’: occupons massivement les bureaux locaux des membres du Congrès jusqu’à ce qu’ils ne signent un engagement à voter contre toutes les coupes antisociales proposées, avec également des manifestations, des pétitions, des meetings, des actions,…
    • Préparons-nous à proposer des candidats anticapitalistes issus de la classe ouvrière en 2012 pour s’opposer aux politiques des deux partis de Wall Street, en tant que première étape pour la constitution d’un nouveau parti des 99%, un parti des travailleurs de masse.
    • Non à la dictature de Wall Street! Plaçons les grandes banques qui dominent l’économie américaine sous propriété publique et gérons démocratiquement par l’élection de représentants des travailleurs et de la population. Des compensations pourraient être accordées aux petits investisseurs sur base de besoins prouvés, pas aux millionnaires.
    • Construisons le mouvement pour qu’il soit capable de remplacer ce système capitaliste pourri par le socialisme démocratique, pour créer une nouvelle société basée sur les besoins humains.
  • Nigéria : Les élections générales de 2011 seront-elles différentes de la farce de 2007 ?

    Le problème clé est : quel choix nous offre-t-on ? Que défendent les différents partis ? Et, l’un d’entre eux représente-t-il les intérêts de la classe ouvrière, des pauvres et de tous ceux qui s’opposent à la classe capitaliste corrompue ?

    Democratic Socialist Movement (CIO-Nigéria)

    Le professeur Attahiru Jega, président de la Commission électorale indépendante nationale, et le président Goodluck Jonathan ont, à plusieurs reprises, juré que les élections générales de 2011 seront bel et bien libres de tout incident. Même les pays capitalistes avancés, les principaux bénéficiaires du système capitaliste au Nigéria et dans d’autres pays sous-développés, expriment leurs sentiments selon lesquels le reste du monde serait heureux d’assister à des élections transparentes et paisibles en 2011. Lors de ses premières interventions devant les médias, le nouvel ambassadeur américain au Nigéria, M. Terence McCulley, a résumé son point de vue et celui des pays impérialistes lorsqu’il a déclaré : ‘‘J’espère que le processus de 2011 sera meilleur et respectera la volonté du peuple nigérian.’’ Par conséquent, nous posons la grande question : les élections générales de 2011 au Nigéria seront-elles plus “transparentes” et “respecteront-elles la volonté du peuple nigérian” mieux que la grande farce qui a été connue sous le nom d’“élections générales” de 2007 ?

    Les commentateurs bourgeois voudraient pouvoir répondre immédiatement à cette question avec une note d’optimisme. Ils se dépêcheront de mettre en avant le passé radical du président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) actuel, largement perçu comme un militant respectable, en tant qu’ancien président du syndicat du personnel académique des universités (Academic Staff Union of Universities – ASUU), un syndicat de gauche, et qui ne va certainement pas permettre que qui que ce soit utilise la CENI pour manipuler ou truquer les élections. Au contraire de l’ancien président Obasanjo, qui avait ouvertement déclaré que les élections fédérales de 2007 seraient une affaire de “vie ou de mort”, le président Jonathan a, au cours de ses divers discours et visites auprès des gouvernements régionaux à travers le pays, répété à de nombreuses reprises sa promesse selon laquelle le gouvernement va assurer des élections libres et honnêtes en 2011, où chaque vote comptera. Hélas, si l’on prend en compte de manière scientifique l’ensemble des principaux facteurs, logistiques et politiques, qui détermineront la nature de ces élections, le peuple nigérian devrait s’attendre à ce que la période postélectorale soit faite d’une continuation de la détérioration de son mode de vie et d’attaques encore plus grandes sur ses droits démocratiques, quel que soit le parti ou la coalition qui sortira vainqueur de ce processus, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau des régions.

    Une autre période électorale dominée par le chaos et les intérêts personnels

    À moins d’un amendement de la constitution de 1999, de nouveaux gouvernements doivent être élus aux niveaux fédéral et régionaux avant le 29 mai 2011. Ceci signifie donc que la CENI doit faire tout ce qui est en son pouvoir afin d’organiser les élections générales partout dans le pays avant la fin avril 2011. Au moment où nous écrivons, la CENI a provisoirement décidé que le mois de janvier sera utilisé pour commencer à établir le nouveau registre des électeurs, la condition minimale pour la tenue d’élections démocratiques, surtout étant donné que beaucoup de questions se posent quant à la crédibilité et à l’exactitude du registre des électeurs actuel, qui a été compilé par la CENI dirigée par le très douteux Professeur Maurice Iwu. Cela signifie que la CENI n’aura qu’environ deux à trois mois pour rédiger le nouveau registre des électeurs qui reprendrait au moins 80 millions de Nigérians sur une population estimée à 140 millions. Jusqu’à présent, on attend toujours que soient rédigés le Décret électoral et l’amendement constitutionnel qui doivent servir de base légale à ces élections ! Et si on prend aussi en compte que la période d’après les élections sera comme d’habitude dominée par les disputes et plaintes de tous les candidats, et le processus qui est requis pour résoudre tout ce bazar par la voie légale, alors il semblera clair à tout élément conscient de la jeunesse et de la classe ouvrière que les élections de 2011 ne seront rien d’autre qu’un grand vacarme, un autre tour de magouilles et de chamailleries !

    Mais pour les masses laborieuses du Nigéria, l’enjeu va au-delà d’un registre électoral crédible pour une élection démocratique. Le véritable enjeu est : quel choix avons-nous ? Que défendent tous ces différents partis, et y a-t-il l’entre eux qui représente les intérêts de la classe ouvrière, des pauvres, et de tous ceux qui s’opposent à la classe dirigeante corrompue ?

    Que ce soit le PDP actuellement au pouvoir, ou que ce soit un des grands partis d’opposition, tous, sans exception, défendent une politique anti-pauvres dans tous leurs programmes et mesures économiques.

    Au lieu de se pencher sur un programme et sur des mesures qui puissent mettre à contribution les immenses richesses naturelles et humaines que possède le Nigéria, afin de garantir des conditions de vie décentes pour tout un chacun, tous ces partis qui nous dirigent, au fédéral comme dans les régions, se bousculent pour proposer et mettre en œuvre des mesures anti-pauvres qui ne vont faire qu’empirer les conditions de vie du peuple nigérian partout dans le pays. C’est pourquoi tous les PDP, ANPP, ACN, APGA et même le gouvernement de l’Etat d’Ondo qui est le seul à être contrôlé par le Labour se font les champions de mesures capitalistes pro-riches de privatisation, dérégulation, commercialisation, etc. À présent, dans tout le pays, quel que soit le parti politique au pouvoir, l’Etat ou les conditions des infrastructures de base telles que les routes, l’électricité, l’eau, ou des services sociaux indispensables telles que le logement, la santé ou l’éducation n’ont jamais été pires. Malgré cette situation déplorable, tous les partis dirigeants sont bien décidés à poursuivre la mise en œuvre d’une politique qui ne fera que remplir encore plus les poches des éléments capitalistes et des grandes corporations.

    C’est pourquoi tous ces grands partis prônent religieusement le concept du “partenariat public privé” en tant que meilleure solution pour développer l’économie et l’industrie ruinées du Nigéria. Selon ce concept douteux, le manque honteux de bonnes routes carrossables est censé être compensé par des profiteurs privés qui seront autorisés à construire des routes puis à prélever des péages afin de récupérer leur investissement. Mis à part le fait que sur base de l’expérience concrète, cette approche a déjà montré qu’elle ne peut s’appliquer qu’à certaines routes potentiellement bien profitables, le cout réel de cette politique pour la société est impossible à chiffrer. Selon l’idéologie pro-riches et pro-capitaliste qui prévaut aujourd’hui et qui est embrassée par tous les partis dirigeants, chaque aspect essentiel de la vie, comme le logement, la santé, l’éducation, les offres d’emploi, les routes, les voies aériennes et fluviales, est une marchandise qui ne devrait être accessible qu’à ceux qui ont l’argent de se la payer.

    C’est la raison centrale pour laquelle tous les partis au pouvoir partout dans le pays se sont mis d’accord sur le fait que l’éducation, la santé, l’électricité, l’eau, etc. doivent être entièrement privatisés au bénéfice des marchands de profits.

    Il était donc aisé de prévoir que les grands partis bourgeois et leurs apprentis égoïstes ne se sont focalisés que sur des questions de division, telles que la “régionalisation”, le “caractère fédéral”, les embrouilles “Nord-Sud” ou “chrétiens-musulmans” et toutes sortes d’autres histoires qui n’ont rien à voir avec le vrai problème, à savoir comment apporter des conditions de vie décentes aux masses de la population, qu’elles habitent dans le riche delta du Niger, ou dans le reste du Nigéria.

    On constate malheureusement que la morale pro-riche et pro-capitaliste qui constitue désormais la base de la politique des partis dirigeants en ce qui concerne l’économie ou la société a été maintenant ouvertement ancrée dans les affaires politiques et dans le processus électoral. À présent, le Décret électoral tout comme la direction de tous les partis politiques au pouvoir ont prescrit d’immenses sommes, appelées “frais de nomination”, pour quiconque désire se présenter en tant que candidat. Dans les faits, ceci signifie que seuls de gros richards et/ou les personnes sponsorisées par ces mêmes sacs à pognon peuvent espérer jouer un rôle quelconque dans les élections à venir. Il suffit donc de faire remarquer qu’une campagne électorale où seuls peuvent se présenter les plus riches personnes au sein des divers partis, ne pourra jamais être appelée “transparente” ni ne reflétera la “volonté” des Nigérians dans leur masse. En outre, la véritable raison pour laquelle de nombreux candidats à la candidature se disaient prêts à payer eux-mêmes leur “frais de nomination” est qu’ils espèrent bien pouvoir rembourser ces couts électoraux en mangeant l’argent public si jamais ils parvenaient à être élus. Par conséquent, les masses ordinaires doivent affronter bien en face le fait que ces élections ont déjà été truquées à leur détriment, bien avant que la campagne électorale à proprement parler n’ait même commencé.

    Une méga-coalition des partis d’opposition peut-elle changer les choses ?

    Certains prétendent que seule une grande coalition de tous les partis d’opposition parviendra à reprendre le pouvoir au PDP et ainsi à mettre un terme à la putréfaction qui domine à présent l’ensemble du paysage économique et politique de notre pays. Hélas, cette proposition qui semble de prime abord attractive ne peut se réaliser que si les soi-disant partis d’opposition ont un programme et une manière d’être qui soient fondamentalement différentes du détestable PDP qu’ils cherchent à remplacer. À présent, il y a beaucoup de bruit au sujet des grands partis d’opposition qui sont en train de s’associer afin de présenter une alternative unie et coordonnée face au PDP.

    Il faut cependant noter que ceci n’est pas quelque chose de nouveau dans la politique du Nigéria. Au cours des premières et deuxièmes Républiques, les partis d’opposition ont formé ce qu’on a appelé la Grande Alliance Progressive Unie (United Progressive Grand Alliance – UPGA) et l’Alliance des Partis Progressistes (Progressive Parties Alliance – PPA). Sous le régime civil actuel, il y a eu des discussions quant à l’éventuelle formation d’une méga-coalition des partis d’opposition afin de chasser le PDP du pouvoir. Toutefois, dans la mesure où la plupart des éléments de cette soi-disant opposition sont toujours impossibles à différencier du parti qu’ils désirent remplacer, ce phénomène réduit du coup leur opposition aux simples calculs égoïstes qui leur permettront d’être ceux qui hériteront ensuite de la responsabilité de l’injuste ordre économique et politique existant. De la sorte, tous ces partis d’opposition n’ont jamais été capables de mettre sur pied une véritable plate-forme d’opposition contre le parti au pouvoir.

    Par conséquent, tout comme dans la période précédente, le désir actuel de former une méga-opposition contre le PDP lors des élections de 2011 peut au final être sacrifié sur l’autel des ambitions personnelles de tous ces individus qui souhaitent devenir présidents, gouverneurs, sénateurs, etc. et surtout maintenant, étant donné l’énormité scandaleuse des salaires et des dotations de responsables politiques, en plus de tous les privilèges et opportunités de piller les ressources et l’argent public que tous ces postes octroient.

    Y a-t-il un espoir pour les masses ?

    Sur base de la configuration politique du moment, les élections générales de 2011 ne seront comme d’habitude rien de plus qu’une compétition pour le pouvoir politique de la part de différentes sections de l’élite de bandits capitalistes au pouvoir. Malgré les promesses de Jega et de Jonathan d’organiser des élections libres et démocratiques, le résultat des élections, dans la situation actuelle, sera certainement à l’avantage des riches et de ceux qui contrôlent aujourd’hui le pouvoir politique en utilisant une combinaison d’argent et d’appareils d’État.

    Seuls un véritable programme ouvrier, avec la perspective d’utiliser les ressources humaines et naturelles du pays de manière planifiée et démocratique pourra fournir une plateforme politique réellement capable de susciter le soutien enthousiaste et les sacrifices héroïques de la part des masses populaires, et pourra triompher des politiciens capitalistes égoïstes et de tous les partis politiques au pouvoir lors des élections de 2011. Malheureusement, la grande majorité des dirigeants syndicaux et du Labour Party formé par le Congrès du travail nigérian (Nigeria Labour Congress – NLC) ne sont pas en ce moment en train de réfléchir ou de travailler à une telle alternative politique et économique pour la classe ouvrière. Au lieu de s’efforcer à bâtir le Labour Party en tant que voix politique des masses laborieuses, ses principaux dirigeants font tout ce qui est possible pour en faire tout bêtement un autre parti bourgeois.

    Le Labour Party ne dispose pas d’un programme économique et politique clair qui soit radicalement différent de celui des grands partis capitalistes tels que le PDP, l’ANPP, l’ACN, etc. Dans l’état de Ondo, qui est le seul à être gouverné par le parti, on professe la même politique néolibérale, pro-capitaliste de privatisation et de dérégulation des secteurs-clés de l’économie. Aujourd’hui, afin d’espérer devenir président ou gouverneur sous le régime PDP au pouvoir, les candidats doivent payer à leur parti la somme non remboursable respectivement de 10 millions et de 5 millions de naïras (50 000 € et 25 000 €). Ce qui est très embarrassant, c’est que c’est la direction du Labour Party qui a été la première à mettre en place cette mesure honteuse, et que le PDP n’a en fait fait que copier le Labour. Donc, plutôt que d’avoir un Labour Party qui se développe en tant que plate-forme pour la classe ouvrière et pour les masses opprimées en général, il est en train de rapidement devenir un autre parti bourgeois, un phénomène qui pourrait rendre le parti incapable de décoller pour de bon, sans parler de véritablement servir les intérêts politiques et économiques des masses populaires lors des élections à venir.

    Les principaux dirigeants syndicaux n’ont malheureusement pas offert une véritable alternative ouvrière face à la pourriture politique et économique du capitalisme. Politiquement, ceci est causé par leur perspective qui s’efforce de faire du mouvement ouvrier un arbitre cherchant à obtenir des élections libres et démocratiques entre les différentes couches de bandits capitalistes ! Au lieu de chercher à construire un parti politique ouvrier indépendant avec pour but de former un gouvernement ddes travailleurs et des pauvres, qui ferait passer les secteurs-clés de l’économie entre les mains du public, via leur contrôle et leur gestion démocratiques par des comités élus de travailleurs, de paysans et de jeunes, en tant que base pour garantir les besoins politiques et économiques de tout un chacun, et non pas seulement des quelques éléments capitalistes et des classes moyennes, comme c’est aujourd’hui la règle – au lieu de faire cela donc, la plupart des dirigeants Labour actuels conservent la perspective erronée selon laquelle les véritables intérêts des masses laborieuses peuvent être obtenues sans devoir renverser ce système injuste.

    Par exemple, d’importants dirigeants du NLC et de la Confédération syndicale (Trade Union Congress – TUC) croient réellement qu’une oasis économique, capable de pourvoir aux besoins économiques des travailleurs, peut être créée à travers des projets économiques directs de la part des syndicats. Voilà l’impression qui est créée par des dirigeants centraux des deux fédérations syndicales qui existent en ce moment, tandis qu’ils sont en train de négocier des prêts valant des milliards de naïras afin de mettre sur pied des services de transport gérés par les syndicats.<^>Le Président-général de la TUC, Peter Esele, a récemment tenté de fournir un genre de justification théorique pour ce qui n’est rien de plus qu’une tentative d’effectivement intégrer le mouvement ouvrier dans le ccapitalisme, en défendant le fait que les besoins de la classe ouvrière doivent être satisfaits par la création d’entreprises sans but lucratif et “pro-labour” dans le cadre global de l’économie capitaliste ! Écoutez-le plutôt : « Je n’appartiens pas à l’école de pensée selon laquelle le Labour devrait être neutre, parce que je crois que c’est par la participation que nous pourrons pousser le pays dans la direction vers laquelle il doit aller. Le Labour ne doit pas être neutre ; nous devons avoir une position sur tous les enjeux, et une manière dont on peut faire cela, est qu’il nous faut des muscles financiers. Donc, si nous nous asseyons tous dans une pièce et perdons notre temps à nous critiquer, et non pas afin d’offrir des solutions ni d’apporter de nouvelles idées, je ne pense pas que je veux appartenir à un tel mouvement » (The Guardian du 5 novembre 2010).

    Oui, nous autres membres du DSM sommes entièrement d’accord avec Esele sur lee fait que « Le Labour ne doit pas être neutre et doit avoir une position sur chaque enjeu », que ce soit un enjeu économique ou politique, et qui a le potentiel de susciter l’intérêt des travailleurs, positivement ou négativement. C’est pourquoi, depuis notre fondation, nous avons toujours défendu le contrôle public sur les secteurs-clés de l’économie, y compris les banques, et leur contrôle et gestion démocratique par les travailleurs et par les couches populaires. Cependant, cette stratégie révolutionnaire doit être radicalement différente de la conception de Esele qui désire apporter des « muscles financiers » aux syndicats, un phénomène qui ne ferait qu’accentuer l’étranglement bureaucratique du mouvement syndical, avec le développement de syndicats qui se reposent en grosse partie sur le business et non sur les cotisations de leurs membres, ce qui sape le pouvoir des travailleurs de la base à exercer un contrôle sur leurs dirigeants.

    Les défis à relever par les masses

    Sur la base de tout ce que nous venons d’expliquer, les travailleurs et les pauvres ne peuvent s’attendre après les élections de 2011 qu’à un approfondissement de leurs souffrances et de l’oppression. Toutefois, les capitalistes et les exploiteurs ne doivent pas trop se réjouir de la faiblesse politique des dirigeants syndicaux et du Labour Party qui en ce moment tend à renforcer l’idée fausse qu’il n’y a pas d’alternative à la putréfaction capitaliste actuelle et à l’échec complet des politiciens capitalistes. Mais il ne faut pas non plus oublier ni sous-estimer le bon côté de la situation politique actuelle.

    Malgré le manque d’une direction générale et cohérente de la part des hauts dirigeants syndicaux, il y a une nouvelle tradition de lutte et de résistance qui se développe parmi les sections de la classe ouvrière. Le personnel enseignant de toutes les universités de la zone sud-est sont en ce moment en grève à durée indéterminée depuis des mois dans certaines zones pour de meilleures conditions de travail et plus de moyens pour l’éducation. Depuis quelque temps, les syndicats du secteur de l’électricité mènent de l’agitation contre la privatisation de la Compagnie énergétique du Nigéria (Power Holding Company of Nigeria – PHCN) et pour un financement adéquat du secteur. Les travailleurs de la santé dans de nombreux états de la fédération sont soit en grève, soit en train de mener une agitation féroce pour plus de financement des hôpitaux publics et pour de meilleures conditions de service pour toutes les couches du personnel. Bien que l’Histoire ne se répète jamais de la même manière, il ne faut pas oublier que seulement deux mois après la farce des “élections” de 2007, il y a eu une grève générale massive et largement sooutenue qui n’a malheureusement pas permis de satisfaire aux revendications parce que les dirigeants syndicaux ont signé un compromis boiteux.

    Ce qui manque par contre, et c’est regrettable, est une lutte et une campagne unies impliquant les travailleurs du public comme du privé, aux niveau fédéral comme régional, et une direction nationale cohérente au sein des syndicats et sous la forme d’un véritable parti ouvrier qui puisse donner à cette résistance ouvrière non-coordonnée la vision et la force appropriées. Quoiqu’il en soit, la direction du NLC et de la TUC ont accepté d’organiser une grève d’avertissement de trois jours du mercredi 10 novembre au vendredi 12 novembre 2010, quant au refus du gouvernement du président Jonathan de faire appliquer le salaire minimum pourtant ridicule de 18 000 naïras (85€) par mois qui a été négocié avec les représentants du gouvernement aux niveaux fédéral et régional.

    C’est là un premier pas dans la bonne direction, qui s’était long fait attendre. Nous, membres du DSM, avons toujours défendu l’idée que seule des actions de masse et non pas des “tactiques de relations industrielles” peuvent forcer les élites dirigeantes de tous les différents partis politiques à mettre en application des mesures capables d’améliorer le mode de vie de la population. Force est pourtant de constater que la direction du mouvement ouvrier n’apparait pas encore vouloir accepter le fait que la lutte de masse est une nécessité et non pas un outil pour “effrayer” ou “intimider” la classe dirigeante. Écoutons John Odah, le secrétaire général du NLC : « Nous soupçonnons le président Jonathan d’être en train de faire pression sur les gouverneurs d’état pour qu’ils n’appliquent pas le nouveau salaire minimum national. Le président Jonathan a un rendez-vous avec l’Histoire. Il peut soit se placer du côté des travailleurs opprimés et voir son nom être inscrit en lettres d’or dans les cœurs des Nigérians, soit se ranger du côté des gouverneurs et rater l’occasion en or d’être adulé par les travailleurs nigérians » (The Nation du 7 novembre 2010).

    Plutôt qu’une perspective futile, qui cherche apparemment à liguer une section des brigands capitalistes contre l’autre, le DSM appelle de tous ses vœux à des mobilisations et à des luttes de masse y compris des manifestations et des grèves, là et quand elles sont nécessaires, avec une attention particulière sur la construction d’un parti politique ouvrier de masse qui puisse arracher le pouvoir de manière permanente aux pillards capitalistes et sur cette base commencer l’édification d’une société socialiste véritablement démocratique, dans laquelle les ressources de la société seront véritablement utilisées pour pourvoir aux besoins de tous et non pas d’une infime minorité, comme c’est le cas dans l’injuste désordre capitaliste actuel.

  • [DOSSIER] Nigéria : La Présidence de Goodluck Jonathan

    Un développement positif et une amélioration des conditions de vie au Nigéria sont-elles possibles ?

    Après beaucoup de raffut, c’est le Dr Goodluck Jonathan qui est devenu Président du Nigéria ce 6 mai 2010, à la suite du décès du Président Musa Yar’Adua, mort en plein mandat des suites d’une longue d’une maladie. Comme d’habitude, plusieurs commentateurs bourgeois et autres crabes, qui soutiennent toujours le gouvernement en place quel qu’il soit, ont intensifié leurs pirouettes. A en croire ces éléments, Goodluck Jonathan est doté d’une aura divine ; ils insistent sur la manière dont il est devenu gouverneur et maintenant Président sans jamais s’être présenté à aucune élection en son nom propre !

    De l’édition d’octobre de Socialist Democracy, journal du Democratic Socialist Movement (CIO-Nigéria)

    Et maintenant, ces diseurs de bonne aventure veulent que les Nigérians aient foi dans le fait que Goodluck Jonathan va utiliser sa soi-disant « chance » providentielle pour apporter un bouleversement positif à l’économie et aux conditions de vie de la population. Nous demandons donc : le Nigéria et les Nigérians connaîtront-ils un développement positif et une amélioration de leur niveau de vie sous la dispense du Président Jonathan ?

    Il est très important de constater que les principaux porte-parole gouvernementaux sont récemment apparus porteurs de statistiques et de données hautement optimistes qui toutes tendant à la conclusion que les beaux jours sont déjà arrivés dans le secteur économique. Pour ces éléments bouffis de leurs propres illusions, tout ce qui est maintenant requis pour soutenir ces supposés lendemains qui chantent est une détermination gouvernementale afin d’accomplir certaines réformes économiques généralement appréciées par le capital financier mondial et ses politiciens antisociaux locaux.

    Prenant récemment la parole devant une conférence de presse avec Mme Aruna Oteh, Directrice Générale de la Commission pour la Sécurité et pour l’Echange, et le Commissaire aux Assurances M. Fola Daniel, le Ministre des Finances M. Olusegun Aganga a joyeusement affirmé que «notre économie se porte bien». Ils ont entre autres déclaré que le PIB a augmenté de +7,2% au cours du premier trimestre de 2010, comparé à un plongeon de -8,8% au premier trimestre 2009 et de -6,6% en 2008. Ils ont également affirmé que le secteur non-pétrolier s’est accru de +8,15% comparé au premier trimestre de 2009, contre +7,9% entre 2009 et 2008. Mais malgré tout, le chômage est toujours officiellement estimé à 19,47%.

    Quelques jours plus tard, le 28 juillet 2010, lors d’une réunion du Conseil Exécutif Fédéral, le Gouverneur de la Banque Centrale M. Sanusi Lamido Sanusi a lui aussi déclaré que «il n’y a aucune raison de s’alarmer» si l’on considère les perspectives économiques globales du pays. Selon lui, le PIB a augmenté de +7,63%, l’inflation est maintenant modérée, les marchés d’échange avec l’étranger sont stables, de même que le taux inter-banques et le taux du marché, et il a conclu en disant que les banques travaillent très bien. Et, apparemment pour soutenir les bons développements dont il a parlé, il a allégrement annoncé que la Banque Centrale du Nigéria, la Banque de l’Industrie et les banques commerciales au Nigéria se sont mises d’accord pour signer un contrat de 500 milliards de naïra (2,4 milliards d’euros) afin de financer les secteurs de l’énergie et de la manufacture.

    Selon les termes de M. Sanusi, «Il faut que ça change. Nous croyons que l’industrie bancaire peut servir de catalyseur pour le secteur. Chaque banque qui a participé aux 130 milliards de naïra (600 millions d’euros) que nous avons déboursés doit contribuer à hauteur de 65 milliards de naïra avec ses propres fonds. Au-delà du soutien financier, nous fournissons aussi des conseils et des analyses d’impact afin de soutenir la croissance du secteur manufacturier». S’adressant aux Correspondants de la Chambre d’Etat après la réunion, le Ministre d’Etat pour l’Information et la Communication, M. Labaran Maku, a débordé de remerciements à M. Sanusi pour sa «franchise et son cœur» sans pareils, en particulier pour sa «détermination à pousser de l’avant avec des réformes critiques, malgré les pressions de groupes aux intérêts contraires qui cherchent à renverser les réformes qui ont sauvé de la crise profonde les secteurs financiers de la nation». M. Maku a conclu en déclarant que «le Gouvernement est confiant dans le fait qu’avec tout ce qui se passe en termes de réformes et de convergence politique, l’économie de la nation connaîtra une croissance durable dans les années à venir».

    Entre propagande et réalité

    Il y a deux leçons basiques que les couches conscientes du mouvement ouvrier et de la jeunesse doivent tirer de toutes ces fausses affirmations et performances, telles que le renouveau de l’économie nationale, qui sont aujourd’hui publiées par les hauts sommets du Gouvernement. Tout d’abord cela démontre que sous la Présidence de Jonathan, la gestion économique et la gouvernance en général sont toujours largement considérées par l’élite bourgeoise comme n’étant rien de plus qu’un art de propagande qui n’a rien ou pas grand’chose à voir avec la réalité. Deuxièmement, cela démontre également l’incapacité totale des mesures préférées des élites capitalistes à garantir un développement suffisant et un niveau de vie décent malgré les ressources naturelles et humaines abondantes de la nation. Tout en se donnant des tapes dans le dos les uns aux autres pour se féliciter des soi-disant merveilleuses réalisations qui sont aujourd’hui en train d’être enregistrées grâce à la combinaison de leur politique macro et micro-économique, et en même temps qu’ils éructent de fausses promesses quant à la croissance durable et la hausse des niveaux de vie, chaque secteur-clé de l’économie et les conditions de vie de l’écrasante majorité de la population ont continué à aller de mal en pis.

    «Entre 1985 et 2004, l’inégalité au Nigéria a empiré de 0,43 à 0,49%, ce qui place le pays parmi ceux qui ont les plus haut taux d’inégalité au monde. De nombreuses études ont démontré que malgré ses vastes ressources, le Nigéria se classe parmi les pays les plus inégaux du monde. Le problème de la pauvreté dans le pays est en partie une conséquence de la forte inégalité qui se manifeste par une distribution du revenu fortement inégale, et par des différences d’accès à l’infrastructure de base, à l’éducation, aux formations et aux opportunités d’emploi» (Rapports de Développement Humain du PNUD – Programme des Nations Unies pour le Développement – pour les années 2008-9).

    En dépit de ses abondantes ressources humaines et naturelles, le Nigéria est classé 158ème sur 182 pays en terme d’Indice de Développement Humain. Bien que la population nigériane compte pour près de 2% de la population mondiale, le pays compte pour 11% des décès maternels et 12% du taux de mortalité des enfants âgés de moins de 5 ans du monde entier. Selon un autre rapport des Nations Unies, 92% des Nigérians vivent avec moins de 2$ par jour. Il n’est dès lors guère surprenant que l’espérance de vie de la plupart des Nigérians ait fortement décliné, s’élevant à 49 ans pour les hommes et 59 ans pour les femmes.

    Un accès stable et abordable à l’électricité, ce qui est perçu partout comme étant un élément inévitable de la croissance économique moderne et du développement social, demeure largement non-existant pour une écrasante majorité de Nigérians ; tandis que les services pour la minorité d’individus et d’entreprises qui y ont accès restent épileptiques. L’Afrique du Sud, qui ne comporte qu’environ un tiers de la population du Nigéria, génère 45.000 mégawatts d’électricité par an. En revanche, le Nigéria ne génère à peine que la quantité lamentable de 3000 mégawatts par an. En fait, au moment où l’ancien Président Obasanjo a quitté le pouvoir en mai 2007, le Nigéria ne générait plus que 2500 mégawatts, qui ont aujourd’hui encore décliné à environ 2000 mégawatts en 2009.Il faut ajouter ici que cette situation pathétique se poursuit malgré le fait que le pays est censé avoir investi près de 16 milliards de dollars pour la production d’électricité sous la Présidence d’Obasanjo !

    L’éducation, que tout un chacun considère comme un pré-requis essentiel pour le développement global de la société et des individus, demeure dans les conditions les plus débilitantes. Par exemple, le journal The Nation du 17 mars 2010 rapporte que « Seuls 4223 des 236 613 candidats (c.à.d. 1,7% d’entre eux) à concourir pour l’Examen Senior d’Ecole Secondaire du Conseil National des Examens (NECO) de novembre/décembre de l’an passé ont réussi dans cinq sujets incluant l’anglais et les mathématiques ». Dans son édition du 15 avril 2010, The Nation rapportait de même que dans tout le pays, seuls 25,99% et 10% respectivement ont réussi dans au moins cinq sujets y compris l’anglais et les mathématiques lors des examens du Conseil des Examens de l’Afrique de l’Ouest de mai/juin 2009 et du NECO de juillet 2009.

    Ces résultats pathétiques et inquiétants ont été condamnés sans ambages par le gouvernement, les cadres non-gouvernementaux et les individus privés. Selon le même journal du 15 avril 2010, « Les pauvres résultats des candidats ont forcé le Gouvernement Fédéral à convoquer les chefs des deux commissions d’évaluation afin d’expliquer cet échec de masse et de fournir des solutions. Ceci a été suivi en janvier par une réunion du Ministre de l’Education de l’époque, Dr Sam Egwu, avec les directeurs des Collèges du Gouvernement Fédéral de Minna, capital de l’Etat du Niger (une province du Nigéria de 2 fois la taille de la Belgique et 4 millions d’habitants, à ne pas confondre avec le Niger qui est le pays voisin). Même M. Segun Oni, le gouverneur de l’Etat d’Ekiti – qui s’enorgueillit d’être une ‘‘Fontaine de la Connaissance’’ -, à la suite de ces résultats lamentables, a lu le décret émeutes aux directeurs des écoles secondaires, selon lequel ils devaient soit relever la tête, soit démissionner. Le Forum des Gouverneurs du Nord via son Président le Dr Mu’azu Babangida Aliyu, a dû organiser une réunion des 19 gouverneurs de la région afin de se pencher sur ce problème. Dans la région de l’Est, le résultat des examens est devenu extrêmement préoccupant pour les organisations gouvernementales et non-gouvernementales ».

    De la part de ces mêmes éléments qui ont été et sont toujours responsables de l’effondrement et de la déchéance continue du secteur de l’éducation, les réponses qui ont été faites par divers cadres gouvernementaux et que nous avons citées ci-dessus, sont à la fois cyniques et hypocrites. Cette réponse est on ne peut plus cynique, parce que ce sont justement ces divers cadres gouvernementaux à travers leur politique de sous-financement de l’éducation et la corruption dans toutes les sphères de la vie qui ont créé les conditions responsables de l’échec sans fond à l’école et lors des examens.

    En 2005, le PNUD, dans son rapport sur le Développement Humain, avait déjà dépeint un tableau extrêmement sinistre du secteur de l’éducation au Nigéria. Ce rapport disait ceci : « Du au maigre financement de l’éducation, l’enseignement à tous les niveaux souffre de faibles niveaux académiques ; il manque de personnel enseignant suffisant, à la fois en quantité et en qualité. Même les quelques enseignants qualifiés qui sont disponibles ne sont pas suffisamment motivés en terme de rémunération ou d’environnement de travail pour maximiser la qualité de leur apport dans le système éducationnel. Les écoles et les classes sont surpeuplées, les bâtiments sont inadéquats et sur-utilisés, les étagères des bibliothèques sont vides et recouvertes de toiles d’araignées, tandis que les laboratoires sont dépourvus d’équipement mis à jour ». Face à un tel constat, on ne peut que s’époustoufler de l’hypocrisie de nos dirigeants lorsqu’ils s’étonnent des résultats de nos élèves aux examens.

    Malgré l’impression trompeuse qui est donnée par les porte-parole du gouvernement au sujet de la situation économique actuelle du Nigéria, les routes étatiques et nationales, tout comme les rues, demeurent dans les conditions les plus déplorables, ce qui mène constamment à des pertes de vie massives à cause des accidents fréquents qui se produisent sur ses pièges mortels qu’on appelle « routes ». En même temps, les Nigérians et l’industrie continuent à perdre d’innombrables heures de travail simplement pour pouvoir se frayer un chemin sur ces mauvaises routes. En fait, un rapide survol de chaque aspect basique de la vie et de l’économie du pays révèle un tableau d’échec et de décrépitude colossaux.

    Les mesures qui sont mises en avant par Jonathan et par les responsables du gouvernement

    Il n’y a pas longtemps, le Ministre des Finances M. Olusegun Aganga, s’est adressé aux médias quant à l’état actuel de l’économie et à ses perspectives pour la période à venir. Il a crié sous tous les toits que « Notre économie se porte bien ; nos banques sont sûres ». En plus de ces déclarations fantaisistes quand aux soi-disant merveilleux indicateurs économiques, le Ministre a déclaré : « Nous allons créer un environnement de qualité afin d’attirer les investisseurs locaux et étrangers. La création d’infrastructure est une autre priorité du gouvernement. L’énergie en est la clé. Si on demande à qui que ce soit ce dont ils ont réellement besoin, je suis certain que cette personne répondra : énergie,énergie, énergie ». Dès le moment où il est devenu Président au début du mois de mai 2010, Jonathan n’a laissé aucun doute sur le fait qu’il trouve qu’un accès à l’électricité stable et ininterrompu est un facteur indispensable pour le développement socio-économique. De fait, il s’est même octroyé le poste de Ministre de l’Energie en plus de ses fonctions présidentielles.

    Etant donné l’ « heureux bilan » établi par le Ministre des Finances, et l’engagement apparent de Jonathan de résoudre une fois pour toutes le problème de l’approvisionnement en électricité, les Nigérians peuvent-ils s’attendre à avoir accès à des logements, à des soins de santé, à une éducation et à des emplois ? Les industries et la population en général peuvent-elles espérer bénéficier d’infrastructures fonctionnelles, tels que des routes, une source d’électricité ininterrompue et accessible ? Dès lors, les grandes industries tout comme les petits commerces peuvent-ils maintenant avoir accès à des prêts bancaires à des taux favorables pour les producteurs autant que pour les consommateurs ?

    Il est certain que c’est là l’impression que cherchent à faire le Président Jonathan, le Ministre des Finances Olusegun Aganga, et ceux comme le Gouverneur de la Banque Centrale du Nigéria, Mallam Sanusi Lamido Sanusi. Mais malheureusement, si on se fie à une évaluation scientifique de la stratégie économique centrale du gouvernement, de ses mesures-clés et de leur mise en oeuvre, c’est tout le contraire de ces promesses, voire pire, qui risque bien de se produire.

    Malgré sa surenchère de promesses, la stratégie économique du Président Jonathan est entièrement basée sur le même paradigme néolibéral, anti-pauvres, pro-riches qui a déjà tant échoué, et qui est poussé par le monde des affaires et par les éléments capitalistes sur les plans international et local. Ecoutons seulement M. Aganga : « Nous allons supprimer les barrières douanières aifn d’attirer les investissements dans notre zone. De la sorte, nous voulons que le secteur privé vienne en tant que partenaire au gouvernement pour financer l’infrastructure. Le gouvernement ne peut pas faire cela de lui-même. Nous savons que nous ne pouvons pas nous permettre de financer le déficit de l’infrastructure en comptant uniquement sur notre budget. Nous savons que nous n’avons que très peu de moyens, et nous savons qu’il est très important de remplir ce trou, et c’est pourquoi nous appelons le secteur privé à mener le développement de l’infrastructure ». (Avant-Garde du 24 juillet 2010)

    Dans un récent discours face au Conseil Communal (une institution établie à la manière américaine) à la Loge du Gouverneur à Uyo dans l’Etat de Cross River, le Président Jonathan a profité de l’occasion pour faire des déclarations explicites et approfondies sur la stratégie économique du gouvernement. Parmi d’autres points, il a abordé le problème crucial et délicat de l’accès et de la disponibilité des produits dérivés du pétrole à des usages industriels et domestiques. Voyez plutôt : « Ce n’est pas le rôle du gouvernement d’être directement impliqué, mais plutôt d’encourager le secteur privé à investir. Ce qui limite en ce moment l’établissement de ces raffineries est le mode de fixation des prix des produits pétroliers, un problème que le gouvernement veut résoudre. Si le gouvernement devait être impliqué, ce serait sous la forme d’un partenariat public-privé, mais pas directement comme par exemple par la construction de raffineries d’Etat ».

    Le « partenariat public-privé » en action

    Contrairement à toutes ces vantardises, la paralysie économique actuelle au sien du pays et à l’échelle internationale est essentiellement une conséquence de la stratégie du « profit d’abord » suivie par l’élite capitaliste dirigeante partout dans le monde. Nous allons ici donner deux exemples de comment fonctionne cette politique. Selon le principe de « partenariat public-privé » (PPP), les aéroports du pays sont cédés aux marchands de profit sous le nom de « concession ». L’idée qui est vendue au public est que grâce à cet arrangement, l’emprise de la machine étatique corrompue sera brisée et qu’ainsi plus de revenus seront générés, ce qui garantirait les développements nécessaires de l’infrastructure et de la logistique aéroportuaire. Cependant, selon le magazine ThisDay du 10 juin 2010, c’est en réalité uniquement le contraire de ce qui avait été promis qui s’est produit : « L’accord de concession était censé redresser le revenu de la Federal Airports Authority in Nigeria. On croyait que les partenaires privées renforceraient l’innovation et la transparence, et assureraient que les ressources aéronautiques comme non-aéronautiques seraient gérées de telle manière à accroître les revenus […] Mais au lieu de rehausser le revenu de l’Agence, les concessionnaires ont quitté l’organisation en la laissant dans un état financier critique. [Selon une source de la FAAN :] « Dans le passé, la FAAN n’a jamais été en retard de payement de salaires, mais depuis que ces concessionnaires sont arrivés à sa tête, il est devenu difficile de payer le personnel. Regardez les aéroports, on ne les entretient même plus, parce que les fonds ont disparu. On avait prévu d’obtenir plus que ce que nous générions avant que les sources de revenus ne soient concédées. Mais il est aujourd’hui évident que les travailleurs de la FAAN s’en tiraient mieux avant » ». 

    Le Président Jonathan et ses conseillers économiques ont donné au secteur privé la responsabilité du développement nécessaire des infrastructures et des services via leur agenda de soi-disant partenariat public-privé. Cependant, c’est l’Etat de Lagos, gouverné par un parti d’opposition, l’Action Congress (AC), qui a déjà fourni une excellente illustration de pourquoi l’idéologie du « profit d’abord » ne mènera jamais à un développement nécessaire et suffisant pour l’économie et pour l’amélioration des conditions de vie du peuple en général. Depuis 2003 ou à peu près, l’ex-Gouverneur de l’Etat de Lagos, Bola Ahmed Tinubu, a conclu un accord avec un groupe d’entreprises privées pour construire une route de 49 kilomètres afin de relier Victoria Island à la ville d’Epe, dans l’Etat de Lagos. Huit ans plus tard, seuls 6 km de route ont été construits. Mais les entreprises privées en charge du projet n’ont par contre pas eu honte de déjà installer trois péages afin de prélever l’argent sur les utilisateurs de la route en chantier (pour la plupart des membres des classes moyennes ou de l’élite riche) ! Cette situation risque de durer encore trente ans ! Entretemps, plus des trois-quarts des routes et rues de l’Etat de Lagos demeurent dans des conditions déplorables.

    Le renflouement des banques et des industries

    Toutefois, rien n’illustre mieux l’incapacité totale du capitalisme de répondre aux nécessités sociales pour le développement économique et l’amélioration du mode de vie du peuple, que la pauvreté de masse et la dépression qui domine actuellement tous les secteurs économiques et sociaux, malgré les ressources naturelles et humaines surabondantes dont est doté le Nigéria. La manifestation la plus provocante de l’impasse capitaliste est l’octroi de centaines de milliards de naïras provenant des fonds publics en cadeau aux mêmes vampires capitalistes qui ont mené à ses conditions actuelles de désolation ce pays qui autrement serait énormément riche de ses immenses ressources et de sa population courageuse.

    A la fin de l’année passée, le gouvernement de feu le Président Musa Yar’Adua a donné via sa Banque Centrale la somme de 620 milliards de naïra (3 milliards d’euro) à huit banques qui se tenaient au bord de la faillite, en conséquence de leurs nombreuses transactions financières irresponsables et du pillage en bonne et due forme exercé par leurs propriétaires privés. Yar’Adua et son successeur le Président Jonathan ont de même unilatéralement décidé d’octroyer la somme scandaleuse de respectivement 150 milliards et 500 milliards de naïra (700 millions et 2 milliards d’euro) pour renflouer des industries en faillite tant en les laissant entre les mains des capitalistes. Bien entendu, ce qui était autrefois le secteur industriel nigérian a été maintenant complètement dévasté au fil des années par la combinaison de mesures politiques « profit d’abord » qui ont été imposées au pays par les multinationales des pays capitalistes avancés.

    A cet égard, l’industrie textile exemplifie bien le genre de désertification industrielle qui a étranglé le pays au fur et à mesure que le capitalisme mondial a renforcé son emprise sur les économies des pays néocoloniaux et sous-développés tels que le Nigéria. A la fin des années 80, il y avait 250 entreprises textiles qui ensemble employaient directement 800 000 travailleurs, avec plus d’un million d’autres personnes qui gagnaient leur vie par la vente et autres commerces liés à ce secteur. Malheureusement, en 2007, il ne restait que 30 de ces entreprises, opérant pour la plupart en-dessous de leur capacité, et qui employaient moins de 30 000 travailleurs. Il faut ajouter aussi que c’est le même genre de dévastation économique qui a vu le jour dans d’autres secteurs industriels et agricoles autrefois florissants.

    Toutefois, au-delà même des conditions lamentables qui prévalent aujourd’hui, il est économiquement contre-productif et socialement scandaleux pour un gouvernement de verser des centaines de milliards aux mêmes marchants de profit qui ont mené le pays à son impasse actuelle malgré son abondance de ressources humaines et naturelles, alors que cet argent aurait pu être utilisé pour développer les infrastructures publiques et les services sociaux. C’est un véritable scandale que d’énormes fonds publics soient octroyés à des individus et à des entreprises non-redevables et dont les seuls intérêts sont ceux de leurs profits et qui pendant des années ont mené une véritable croisade pour que le gouvernement cesse de financer les infrastructures socialement nécessaires que sont les routes, les services, l’éducation, les soins de santé, l’emploi, etc. soi-disant parce que ce sont là des mesures socialisantes qui n’engendreraient que l’inefficacité et la stagnation économique. Si les industries qui sont essentielles au développement du pays et du niveau de vie sont au bord de la faillite, alors au lieu d’en renflouer les propriétaires, elles devraient être nationalisées (avec compensation uniquement sur base de besoins prouvés) et gérées démocratiquement dans les intérêts des travailleurs et des pauvres.

    Hélas, plutôt que de se battre pour une réelle appropriation publique des secteurs-clés de l’économie, y compris des secteurs bancaire et financier, sous le contrôle et la gestion démocratique par les travailleurs, en tant que base d’un grand plan démocratique par lequel les abondantes ressources humaines et naturelles du Nigéria pourraient être utilisées afin de garantir une vie décente et une réelle liberté démocratique pour le peuple, les sommets de la hiérarchie syndicale du NLC (Nigerian Labour Congress) et de la TUC (Trade Union Confederation) sont occupés à placer de faux espoirs dans l’illusions selon laquelle ce système criminel pourrait être réformé afin de satisfaire aux besoins des masses laborieuses. Ils ferment leurs yeux devant l’échec du capitalisme à développer le Nigéria et devant la grave crise qui a frappé le système capitaliste mondial au cours des trois dernières années. En fait, les dirigeants syndicaux ne font que baser leurs campagnes sur ce qu’ils pensent que les capitalistes voudront bien donner, c’est pourquoi aucune campagne sérieuse n’a été menée pour le salaire minimum à 52 000 naïra (240€) que l’Exécutif National du NLC avait revendiqué pour la première fois lors de son assemblée du 18 décembre 2008 à Kano.

    La guerre contre la corruption et contre l’insécurité de la vie et de la propriété

    La corruption et l’insécurité de la vie et de la propriété sont toujours considérées par tous les commentateurs sérieux comme étant des facteurs cruciaux lorsqu’on parle d’assurer une véritable croissance économique et la stabilité sociale. Malheureusement, le gouvernement pro-capitaliste dirigé par Jonathan a également démontré son incapacité à répondre de manière efficace au défi qui est posé par ces deux enjeux. Presque chaque jour, le Président Jonathan et ses cadres professent le même discours quant à leur détermination à combattre la corruption, qui est perçue comme un cancer qui empêche la croissance économique.

    Pourtant, la Commission pour les Crimes Economiques et Financiers (EFCC) a fermé les yeux devant toute une série de scandales à échelle internationale impliquant plusieurs cadres gouvernementaux haut placés, certains étant déjà à la retraite, d’autres non, et sans le moindre murmure non plus de Jonathan ou de son administration. Cependant, la même EFCC qui n’a pas bronché au sujet des accusations de corruption envers des hauts responsables gouvernementaux au sujet de contrats obtenus avec Halliburton, Daimler, et autres requins multinationaux, a tout d’un coup regagné toute sa puissance lorsqu’elle a forcé le Président Goodluck à annuler son interdiction autocratique de toute participation des équipes de football nigérianes à des compétitions internationales.

    Afin de couvrir la retraite humiliante qui a été imposée au Président quant à son interdiction digne d’un dictateur militaire, mais complètement hypocrite et entièrement déplacée, des équipes de football nationales, la EFCC a été lâchée sur les chefs de la Fédération Nigériane de Football (NFF). De la même manière que dans les derniers jours de la Présidence d’Obasanjo, la EFCC est essentiellement devenue un instrument de harcèlement des opposants ou de ceux qui étaient tombés en disgrâce par rapport au PDP au pouvoir, la EFCC serait maintenant en train de mener une enquête sur la mauvaise gestion de 2 milliards de naïra par la NFF. Tout ceci sur ordre de personnes qui gèrent un budget de dizaines de milliers de milliards de naïra, sans en être redevables à qui que ce soit ! Au vu des dernières gesticulations de la EFCC, on peut dire que sous le règne de Jonathan, comme d’habitude, la guerre contre la corruption ne demeurera qu’une mauvaise plaisanterie, qui revient à tenter d’éteindre un feu de brousse en crachant dessus, ou à ce que des hors-la-loi armés s’octroient le droit de juger des voleurs à la tire.

    La résolution du Gouvernement à combattre les crimes de droit commun tels que les rapts révèle également la même vision bourgeoise à court-terme, ce que feu Fela Anikulapo-Kuti appelait « l’aveuglement ikoyi ». Comment le gouvernement compte-t-il endiguer la vague croissante de criminalité, en particulier les rapts qui ont pris un caractère de plus en plus répandu, et surtout au moment même où le gouvernement cherche à attirer des investisseurs étrangers ? Le Président Jonathan nous répond : « Nous prenons cet enjeu très au sérieux, et nous ne manquerons pas de poursuivre les auteurs de ces crimes. On trouve même certaines communautés dans le pays qui ont fait de la criminalité un vrai business, et des gens croulant sous les diplômes et qui aident et soutiennent cette activité […] Certaines personnes haut-placées sont impliquées […] Lorsque quelqu’un est enlevé, ce sont ces mêmes gens qui vont négocier la rançon […] Nous ne dormons pas ; nous sommes en train de trouver des méthodes pour traquer les enleveurs, nous cherchons à mettre en oeuvre des méthodes informatiques pour ce faire ».

    Aveuglés par leur propre mode de vie d’opulence non mérité et injuste, lorsque l’immense majorité se morfond dans la misère et l’indigence, Jonathan et les élites capitalistes ne peuvent réaliser que c’est la combinaison de leur système injuste et de la corruption des dirigeants capitalistes qui est responsable de la hausse des crimes sociaux tels que les enlèvements, le banditisme armé, le siphonage des oléoducs, etc. Par conséquent, pour que les masses laborieuses puissent bénéficier de conditions de vie décentes et permanentes, et d’une société libre du fléau de la criminalité, la société capitaliste actuelle, faite d’injustices, et qui ne bénéficie qu’aux intérêts des quelques riches, doit être économiquement et socialement remplacée par un nouvel ordre social dans lequel les ressources de la nature et les hauts sommets de l’économie – y compris les banques et la finance – seraient collectivement appropriées et placées sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleurs eux-mêmes, de sorte que les ressources humaines et naturelles infiniment abondantes de notre planète puissent être réellement planifiées et utilisées afin de satisfaire aux besoins économiques et sociaux du peuple.

    Vers où aller ?

    Sur base de mesures et stratégies pro-capitalistes, aucun des problèmes sociaux et économiques auxquels sont en ce moment confrontés le pays et la vaste majorité de sa population de plus en plus miséreuse ne peuvent être résolus de manière satisfaisante afin d’assurer une croissance économique énergique et un mode de vie décent pour le peuple. Bien sûr, au lieu d’accepter la faillite totale de la stratégie capitaliste et de la politique menée sur une base individuelle, les élites dirigeantes parasitaires et kleptomanes du Nigéria voudront toujours donner l’impression que le fait de gérer l’économie nigérienne est un e mission impossible. Devant le Conseil Communal cité plus haut, le Président Jonathan a une fois de plus renié son engagement gouvernemental de départ selon lequel il oeuvrerait en faveur d’un approvisionnement complet en électricité pour les industries et pour les ménages, avec comme point de départ la génération de 11 000 mégawatts avant 2011. Effectuant un virage à 180° par rapport à ses promesses initiales, le Président demande maintenant aux Nigérians de ne pas s’attendre à avoir un accès adéquat à l’électricité avant longtemps. Citant son expérience en tant que Gouverneur de l’Etat de Bayelsa, il a expliqué que « J’ai réalisé que lorsqu’on arrive par exemple avec 10 000 mégawatts, plus de gens vont immédiatement réclamer de nouvelles lignes électriques pour chez eux, et peu après, l’approvisionnement en électricité redevient inadéquat ». Cet argument bidon ridicule est taillé sur mesures pour justifier pourquoi le Nigéria n’a pas pu générer assez d’électricité pour alimenter de manière satisfaisante sa consommation industrielle et ménagère.

    L’Afrique du Sud, qui ne comporte qu’un tiers de la population du Nigéria, génère actuellement 45 000 mégawatts d’électricité par an, tandis que le Nigéria n’en génère en ce moment que 3000. Par conséquent, la tâche centrale est non pas de donner l’excuse que c’est le comportement des gens qui rend cet objectif inatteignable, mais bien de générer assez d’électricité que ce dont en ont besoin les industries et les gens. A un moment l’an dernier, la Ministre de l’Information nigérianne, Mme Dora Akunyili, a rendu visite à l’Ambassadeur vénézuélien au Nigéria, pour y rééditer auprès de lui son appel habituel à des investissements étrangers dans le secteur pétrolier. En guise de réponse, l’Ambassadeur du Venezuela a demandé au Nigéria de plutôt se tourner vers ses propres forces et de gérer ses propres ressources afin d’améliorer le bien-être de son peuple et de son économie en général, plutôt que de sans cesse frappeer à la porte des étrangers. Il a ainsi expliqué que depuis l’an 2000, au Venezuela, le prix du barril de pétrole est resté le même et le coût du plein pour une voiture moyenne n’a pas excédé la somme de 160 naïra (0,75€), et que le gouvernement vénézuélien possédait et gérait plus de 40 raffineries de dérivés pétroliers destinés à la consommation locale comme à l’exportation. Bien que les masses laborieuses vénézuéliennes soient toujours confrontées à de grands problèmes dus au caractère incomplet des réformes anticapitalistes qui ont été jusqu’ici accomplies dans leur pays, elles ne sont pas confrontées au même désastre absolu qui sévit au Nigéria. Tandis que le Nigéria, qui est le quatrième plus grand producteur de pétrole brut au sein de l’OPEP, dépend toujours fortement de l’importation de produits pétrolier, aucune de ses quatre raffineries ne tournant à pleine capacité.

    Le NLC comme la TUC, avec leurs affiliés, ont toujours critiqué le caractère anti-populaire de la plupart des politiques gouvernementales. Ces dirigeants syndicaux adorent faire des critiques correctes du caractère anti-pauvres des mesures de privatisation et de concession des raffineries, de l’électricité, des aéroports et des routes. Récemment, les directions du NLC et de la TUC ont condamné la proposition du gouvernement de dépenser des milliards de naïra pour la célébration du cinquantième anniversaire de l’indépendance du Nigéria qui, du point de vue des masses opprimées, n’est jamais que 50 ans d’échec. La direction du NLC a aussi récemment dénoncé de manière très correcte les propositions pro-riches et anti-pauvres en faveur de la dérégulation et de la privatisation du secteur pétrolier, du retrait des soi-disant subsides sur les produits pétroliers, et d’une hausse de +200% du prix de l’électricité qui sont défendues par le Gouverneur de la Banque Centrale du Nigéria, Mallam Sanusi Lamido Sanusi. Dans une déclaration intitulée : « Assez des singeries anti-populaires de Sanusi ! » publié le 29 juillet 2010, on peut lire ceci : « Au sujet du tarif de l’électricité en particulier, le National Labour Congress est convaincu que le premier pas qui doit être fait par le gouvernement est d’avant toutes choses améliorer la capacité de génération et de distribution d’électricité, avant de parler de la question du prix à payer. Ce serait illogique et entièrement irraisonné de faire payer plus chers les Nigérians qui en ce moment payent déjà pour des services dont ils ne profitent pas, à part pour les ressources énormes qu’ils dépensent quotidiennement pour faire fonctionner leur générateur électrique domestique ». Au sujet d’un plan de renflouement à hauteur de 30 milliards de naïra (140 millions €) pour un redressement de l’industrie textile moribonde du Nigéria, Isa Aremu, Secrétaire Général du Syndicat des Travailleurs du Textile du Nigéria, a comparé la situation du pays de manière très adéquate avec la situation paradoxale d’un homme qui mourrait de soif alors qu’il est serait entouré d’eau. Ainsi, « Le Nigéria ne manque pas de Présidents ni de Gouverneurs. Ce qui fait défaut aujourd’hui, c’est la bonne gouvernance, l’industrialisation et le développement ».

    Malheureusement, en dépit de ces critiques très correctes, les hauts dirigeants syndicaux ont en général toujours échoué à se concentrer sur la conception et la défense d’une alternative politique et économique pro-ouvrière, qui pourrait être capable de mettre un terme à la misère perpétuelle de la majorité du peuple nigérian en plein milieu d’une abondance inépuisable. Par conséquent, plutôt que de donner leur soutien à telle ou telle mesure capitaliste destinée à accroître la profitabilité, le mouvement ouvrier devrait mener une campagne consistante afin de placer les immenses ressources économiques du pays, y compris les banques et les institutions financières, sous le contrôle et la gestion démocratiques par les travailleurs, avec comme objectif direct d’assurer un mode de vie décent pour tous les Nigérians partout dans le pays, et non pas à la poignée d’éléments capitalistes qui maintiennent à présent leur emprise sur les perspectives économiques de la nation.

    Afin de parachever ce but, le mouvement ouvrier doit de même se mettre en branle pour créer son propre parti politique indépendant, qui sera préparé à mettre en oeuvre ce genre de mesures socialistes pro-masses, qui sont nécessaires si l’on veut libérer le Nigéria de la servitude socio-politique des élements capitalistes locaux et de leurs mécènes et maîtres à l’étranger. En particulier, il faut que le mouvement ouvrier crée un parti des travailleurs réellement démocratique, ou se battre pour récupérer le Labour Party qui a maintenant été largement récupéré par des éléments pro-capitalistes. Il ne suffit pas de simplement mener campagne pour des élections libres et justes lorsqu’il semble clair aujourd’hui que la campagne électorale de 2011 sera de toutes manières dominée par des partis pro-capitalistes, anti-populaires tels que le PDP, l’ANPP, l’AC, etc. Le mouvement ouvrier doit commencer dès aujourd’hui à édifier une plate-forme politique qui fasse écho aux longues souffrances du peuple du Nigéria lors de la campagne de 2011. A moins que l’agitation syndicale ne se poursuive selon ce genre de perspectives, le cauchemar socio-économique que nous connaissons aujourd’hui ne pourra pas être surmonté, et ne fera qu’empirer sous la Présidence de Jonathan, ou de n’importe quel autre politicien bourgeois.

  • Occupation d’usine à Chicago

    Un exemple militant de la voie à suivre pour le mouvement ouvrier

    L’après-midi du vendredi 5 décembre, les 260 ouvriers de l’usine Chicago’s Republic Window and Door ont été mis au courant de la fermeture de l’usine et de leur licenciement. Les arriérés de retard en salaire et en vacance s’élèvent à approximativement 1.5 million de dollars. Il y a même des rumeurs selon lesquelles leurs chèques de paie les plus récents ont été refusés. Joyeux Noël.

    Will Soto, Socalist Alternative (CIO-USA)

    Il ne semble pas que la compagnie se soit totalement effondrée. Les travailleurs pensent plutôt que la compagnie essaye de déplacer la production vers un autre Etat où les salaires sont inférieurs.

    L’entreprise pensait qu’elle avait juste à mettre tout le monde à la porte, sans prêter attention aux lois concernant les documents officiels ainsi qu’aux salaires et vacances en retard. Les travailleurs ont vu les choses différemment et ont occupé l’usine.

    Un sit-in a commencé l’après-midi du vendredi 5 décembre. La police est arrivée, mais est ensuite repartie sans tenter de forcer le passage. Les travailleurs sont très bien organisés et l’occupation semble fort disciplinée et coordonnée. Ils occupent l’usine vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec trois équipes. Quelques travailleurs sont installés dans l’usine avec leurs familles.

    Tous les visiteurs sur le terrain de l’usine sont escortés et les travailleurs gardent un œil sur tout. La compagnie a déjà emballé et emporté certaines machines, mais les travailleurs savent où elles sont et ils vérifient les machines toutes les quelques heures. Beaucoup d’habitants de Chicago aident en faisant des donations d’argent, de nourriture et de sacs de couchage. Ils ont eu un meeting de plusieurs centaines de personnes à l’extérieur du bâtiment le samedi 6 décembre.

    Cette occupation d’usine est une cassure nette bienvenue dans la tendance aux fermetures et aux licenciements sans lutte. La compagnie déclare qu’elle ne peut pas se permettre de payer les travailleurs parce que la Bank of America ne prolongera pas le crédit. La Bank of América affirme que les dettes de la compagnie ne sont pas son problème. Les travailleurs éprouvent une colère justifiée contre la direction de l’usine et la banque. Cette même Bank of America fait partie des géants financiers qui ont fait la queue pour recevoir des milliards de dollars de renflouement de la part du gouvernement fédéral américain. Les travailleurs se demandent : où est notre renflouement ?

    Une action qui montre le chemin à suivre

    Il n’y a pas de question à avoir : cette étape courageusement franchie par ces travailleurs est un grand pas en avant. Ils méritent le soutien de tous les travailleurs et du mouvement ouvrier entier. Socialist Alternative (notre section-sœur aux Etats-Unis) salue ces travailleurs et soutient l’occupation. Ce pays n’a pas vu beaucoup d’occupations d’usines ce dernier demi-siècle. Il y a 70 ans, dans le Michigan, que l’United Auto Workers a lutté et remporté la grève de Flint de 1936-37. Après quarante jours de lutte amère, ils ont vaincu la compagnie et ont inspiré une vague d’occupation à travers le pays. Beaucoup de dirigeants de cette occupation connaissent certainement cette histoire et se préparent à la possibilité d’une longue occupation.

    Il est important de noter l’histoire unique du syndicat auquel ces travailleurs sont affiliés. L’United Electrical Workers est un syndicat indépendant sorti de la fédération syndicale du CIO (Congress of Industrials Organisations) et des traditions radicales du syndicalisme industriel des années ‘30. À la différence de certaines directions syndicales corrompues, ses représentants n’obtiennent pas de salaires exorbitants. Pendant les années ‘90, ils ont soutenu la création d’un parti des travailleurs indépendant. La devise du syndicat est «les membres dirigent ce syndicat.» Les travailleurs ont voté démocratiquement pour occuper l’usine.

    L’UE et le Conseil du Travail de Chicago doivent construire publiquement le soutien à cette grève de la part des travailleurs et des autres syndicats de la région de Chicago. Cette action héroïque par ces travailleurs pourrait être employée pour revitaliser le mouvement ouvrier à Chicago et pour établir une nouvelle tradition de militantisme parmi la classe ouvrière.

    Cette lutte sera une inspiration pour d’autres travailleurs sur la nécessité de lutter contre les assainissements et les licenciements. Le mouvement ouvrier doit combattre chaque licenciement et assainissement en expliquant que si la propriété publique peut être utilisée pour protéger les riches investisseurs, alors les travailleurs doivent bénéficier de ces mêmes politiques.

    Ces travailleurs sont unis et déterminés pour gagner tous ce qu’ils peuvent. La victoire est à peine garantie, mais les occupations d’usines sont une tactique éprouvée employée partout autour du monde par des travailleurs qui n’ont souvent aucun autre recours contre les licenciements et les fermetures. Mais de façon plus importante, les occupations d’usine affirment le droit des travailleurs à contrôler leur propre lieu de travail. Comme l’a dit un travailleur en plaisantant samedi : «nous avons beaucoup, nous avons le bâtiment entier.»

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