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Tag: Congrès nationaux du PSL
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[TEXTE de CONGRES] Un capitalisme qui a vécu
Le texte de perspectives qui a été discuté et voté lors du Congrès national du PSL de novembre 2015 a, comme c’est traditionnellement le cas, commencé par un aperçu de la situation économique. L’instabilité croissante de la Chine a ses implications, notamment pour les pays émergeant émergents. Cette situation économique a des conséquences politique, dont un accroissement de l’instabilité et des tensions inter-impérialistes. Ces questions sont abordées dans la deuxième partie qui paraîtra demain sur ce site.Ce texte est également disponible sous forme de livre et arrivera de chez l’imprimeur début de semaine prochaine. Commandez dès maintenant votre exemplaire en versant 10 euros sur le compte BE48 0013 9075 9627 de ‘Socialist Press’ avec pour mention “texte de Congrès”. Les commandes seront envoyées à partir du lundi 1er février.
Perspectives internationales et belges pour un capitalisme qui a vécu
On rigole de temps à autre avec la longueur des titres des documents de perspectives du PSL. Celui de 2012 en avait un particulièrement long : « A la veille de nouveaux conflits encore plus durs, les contradictions de classe commencent à s’exprimer également sur le terrain politique. La crise structurelle du capitalisme exige un programme socialiste. » Après coup, cela parait être une description assez précise des développements et défis qui nous attendaient alors. Le dernier Congrès national du PSL date de décembre 2012. L’an dernier, le Comité national avait décidé de différer la tenue du Congrès d’une année, une décision nécessaire afin de concentrer le parti dans sa totalité ainsi que toute sa périphérie sur le plan d’action syndical contre le gouvernement Michel.Ces trois dernières années n’ont pas été des moindres. Le capitalisme mondial n’a toujours pas surmonté sa crise de 2008-2009. Les chiffres de croissance économique restent historiquement bas et les autorités, banques centrales et institutions internationales doivent toujours maintenir l’économie à flot avec de l’argent bon marché et régulièrement aller éteindre les incendies qui se déclarent. [1]
« Si le moteur du bien-être n’est pas relancé maintenant, alors ce sera quand ? » s’est demandé Sturtewagen dans le quotidien flamand De Standaard. [2] Depuis la moitié de 2014, le marché du pétrole s’est écroulé. En une année de temps, le pétrole est devenu moitié meilleur marché. Tous les prix de l’énergie et des matières premières suivent cette tendance baissière. L’index des prix pour les matières premières du Comodities Research Bureau a atteint son niveau le plus bas en 16 ans, et c’était encore avant le ralentissement inquiétant de l’économie chinoise. [3] Parallèlement, emprunter de l’argent est très bon marché. Les taux d’intérêt, le «prix» de l’argent, sont proches de 0. De plus, depuis le début de la crise, l’augmentation des coûts salariaux nominaux diminue d’année en année. [4] Ce sont des conditions idéales pour investir, mais ce n’est pas ce qui se passe. Selon les termes de Sturtewagen « l’argent et le pétrole coulent à flot, mais l’économie continue de hoqueter ».
Sturtewagen se demande si nous avons perdu de vue quelque chose qui, dans quelques années, semblera évident. Des analystes plus sérieux ne peuvent pas se permettre d’attendre Godot. [5] Dans son rapport de la fin de l’année passée – «Démarrer le moteur et passer à une vitesse supérieure» [6] – l’OCDE vante les mérites de la politique monétaire souple des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Ce rapport conseille parallèlement à la Banque centrale européenne (BCE) et à la Commission européenne de quitter la voie de la politique d’austérité dure. Sinon, affirme l’OCDE, une dangereuse combinaison de chute de la demande, de croissance nulle et de déflation pourrait être créée, sans que la politique ne puisse la contrôler puisque ce processus acquerrerait un caractère auto-nourrissant, développant sa propre dynamique.
Cela semble écarté pour l’instant. Mais que ce serait-il passé si la BCE n’avait pas réduit son taux d’intérêt à 0,05% en décembre 2014 et, surtout, si elle n’avait pas parallèlement annoncé un programme d’achats d’obligations à la hauteur de 1000 milliards d’euros pour stimuler le crédit ? Le spectre du Japon n’était plus très loin. Sept ans après la crise bancaire de 1987, le Japon s’est retrouvé embourbé dans la déflation. A l’instar de l’Europe, le pays est toujours aujourd’hui confronté à une dette publique immense, à des taux d’intérêts extrêmement bas et à un vieillissement de sa population. Depuis 25 ans, tous les quelques mois, le Japon glisse en récession. [7] « A problème japonais, solutions japonaises », doit s’être dit Mario Draghi, le président de la BCE. Sa politique visant à inonder d’argent l’économie est déjà qualifiée de Draghenomics, en référence aux Abenomics du premier ministre japonais.
Une « expérience proche de la mort » pour la zone euro
Entretemps, la BCE et la Commission européenne ont réussi à éviter un autre cauchemar, un « Griexit » qui aurait probablement signifié le début du processus de décomposition de la zone euro. Le gouvernement grec de Tsipras a cédé face aux menaces et au sabotage. N’avait-il pas d’autre choix ? Au cours du référendum du 5 juillet, la très grande majorité de la population (61%) avait pourtant clairement laissé savoir qu’elle rejetait les conditions usurières et asphyxiantes des « Institutions » pour de nouveaux prêts. Le mouvement des travailleurs et surtout la jeunesse s’étaient massivement mobilisés dans la campagne en faveur du non. Ils ne s’étaient pas laissés tromper par les médias et étaient prêts à aller en confrontation avec Juncker et compagnie. Ils étaient conscients des centaines de manifestations de solidarité qui se déroulaient ailleurs en Europe et aussi que probablement jamais auparavant autant de gens à l’étranger n’avaient su comment dire « non » en grec (Oxi). Beaucoup regardaient déjà aussi avec espoir vers les élections espagnoles de l’automne.
Dans « Où va la France », Trotsky décrit comment, dans les années ‘30, des réformes ou des concessions d’un gouvernement ne se produisaient depuis quelques temps qu’en produit collatéral de la lutte révolutionnaire. [8] Des éléments de cela sont aujourd’hui présents. Tsipras et Varoufakis ne l’avaient pas compris. Ils pensaient, de façon erronée, qu’ils pouvaient convaincre la troïka de mettre fin à l’austérité insupportable. Le gouvernement de Tsipras n’avait ni l’analyse ni le programme ni le calibre pour appliquer le mandat du référendum et a donné aux innombrables activistes enthousiastes une douche froide comme la glace. Cela fait partie du difficile processus de maturation à travers lequel doit passer le mouvement ouvrier. Cela mènera probablement à une démoralisation temporaire, peut-être à un renforcement d’Aube Dorée, mais cela créé aussi les bases pour une nouvelle formation de gauche appelée Unité Populaire, en référence à l’Unidad Popular de Salvador Allende.
L’establishment européen n’a pas eu beaucoup de temps pour se remettre de cette « expérience proche de la mort ». A peine Tsipras est-il rentré dans les rangs qu’un nouvel enfant terrible s’avançait déjà. Jeremy Corbyn a remporté les élections pour la présidence du Parti Travailliste en Grande Bretagne. Comme si l’establishment européen n’avait pas déjà suffisamment d’inquiétudes avec la montée du nationalisme écossais et la promesse de Cameron d’un référendum « Brexit ». L’establishment du parti travailliste va saboter Corbyn, voire même organiser une scission. Récupérer le parti travailliste pour le mouvement ouvrier se révèlera extrêmement difficile et signifiera en tout cas un changement fondamental de ce parti. Mais malgré cela, l’élection de Corbyn représente en soi un tournant dans le processus du rassemblement des forces pour un nouveau parti des travailleurs. Par son rôle dans le rassemblement d’activistes et de syndicalistes dans le TUSC (Trade Unions and Socialists Coalition), le Socialist Party (Le PSL en Angleterre et au Pays de Galles) sera un facteur difficile à contourner dans ce processus.
Malgré les obstacles subjectifs, les déceptions, la trahison et les défaites, la crise du capitalisme fait rebondir de plus en plus fort le processus objectif de formation de nouveaux partis des travailleurs. Dans presque tous les pays d’Europe occidentale, de nouvelles formations «de gauche radicale» se sont constituées à la gauche de la social-démocratie et des verts. L’époque où on se plaçait en marge de la société en votant pour la gauche « radicale » commence à tourner. Jusque récemment, cela n’était qu’un vote de protestation sans l’ambition de changer de politique, ce qui restait le terrain exclusif des partis gouvernementaux et d’opposition de l’establishment.
C’est toujours la caractéristique dominante. La participation au pouvoir par certains partis de gauche « radicale » en tant que « partenaire » junior sur le plan national, régional ou local n’a pas changé cela. Mais malgré la trahison, la formation du gouvernement Syriza, la prise par des « listes unitaires de gauche » du conseil municipal d’une dizaine de villes espagnoles dont Barcelone et Madrid et maintenant aussi la présidence de Corbyn ont – un peu – changé les choses. Il n’est plus complètement inimaginable qu’une véritable force de gauche véritablement désireuse de changer de société puisse peut-être suffisamment obtenir de soutien pour cela.
Ce n’est pas « secondaire ». Celui qui ne voit dans ces premières petites victoires que des illusions et de la trahison et n’y voit pas la recherche d’un programme alternatif et d’une organisation ad hoc ne saura jamais construire un parti révolutionnaire de masse. Cela ne se fait pas dans un environnement idéal imaginaire, mais dans le monde réel où il est impossible de faire abstraction des inévitables illusions à travers lesquelles doivent passer les masses.
C’est pourquoi Marx s’attaquait tellement durement au puriste Weitling lors de sa visite en 1846 à Bruxelles. [9] C’est pourquoi l’Internationale Communiste contenait, dans ces 21 conditions d’admission, à côté des conditions contre le réformisme et le centrisme, une condition importante insistant sur la nécessité de travailler au sein des organisations de masse. [10] C’est pourquoi Trotsky, dans les années ’30, exhortait les trotskistes américains à défendre la nécessité d’un parti des travailleurs plus larges à côté de la construction d’un parti révolutionnaire et insistait en Europe pour que les trotskistes adhèrent à la social-démocratie alors que celle-ci était le théâtre de luttes entre des courants de gauche et de droite. C’est aussi pourquoi, contrairement à des sectaires incurables, le Comité pour une Internationale Ouvrière estime que la construction d’un parti révolutionnaire n’est possible qu’en aidant le mouvement des travailleurs à régler ses comptes avec ses propres illusions au lieu de débiter des vérités universelles du haut de sa tour d’ivoire.
6 à 7 années de crise et de stagnation économiques ont fortement secoué l’establishment politique en Europe. A tel point que la Deutsche Bank a consacré une étude aux partis « populistes » en Europe. [11] Par ce terme, elle désigne les partis de la gauche « radicale » et l’extrême droite. Parmi les raisons pour lesquelles on vote pour ces partis, elle cite la situation économique, le chômage, l’immigration et la pression sur le système social. Tous des phénomènes pour lesquels l’establishment ne parvient plus à trouver de solutions. La banque aurait pu ajouter à cette liste les nombreux scandales de corruption ainsi que la question nationale. Il est d’ailleurs frappant que parmi les partis « populistes » n’est cité aucun parti régionaliste ou nationaliste. Probablement cela est-il trop sensible.
L’étude confirme que si la gauche n’offre pas de réponse, la droite populiste ou des partis néofascistes rempliront le vide. En Autriche, le FPÖ se trouve en tête des sondages avec 27%, en France, le FN, en mars, avec 25%, n’a dû s’incliner que devant l’UMP au premier tour. Évidemment, cela crée des complications. La création de formations de gauche se base néanmoins sur des fondements plus solides. Cela répond à un processus objectif : la force du mouvement des travailleurs. Bien que les résultats électoraux de formations de droite populistes ou néofascistes puissent sembler plus impressionnant, elles sont basées sur des fondements plus superficiels, principalement des frustrations subjectives sur base du manque d’une alternative à gauche. Cela peut changer si le mouvement des travailleurs subit toute une série de défaites fondamentales, mais cela n’est pas la perspective la plus probable.
Bien que le CIO avait venu venir depuis le début des années ’90 la formation de nouveau partis travailleurs, le seul courant politique à l’avoir fait, pendant longtemps, nous avons été réduits au rang de spectateurs qui n’avaient que peu voire pas de forces sur le lieu des évènements. Il suffit de penser à Refondation Communiste en Italie ou au Bloc de Gauche au Portugal. Ce n’est qu’avec le nouveau millénaire que nous sommes devenus acteurs à part entière de ces processus. Il semble maintenant que, petit à petit, nous commençons à percer dans le noyau du processus. Le troisième mémorandum signifie le suicide économique pour la Grèce. Pour les travailleurs et leurs familles, cela revient à un drame social encore plus profond. Tsipras voulait des élections au plus vite avant que ce qu’il avait signé ne soit devenu clair. Depuis lors, il les a gagnées avec un pourcentage semblable à celui de janvier 2015. Mais l’énorme démoralisation s’exprime dans une participation historiquement basse : moins de 50% malgré le vote obligatoire. Syriza a perdu 300.000 électeurs.
Contrairement à l’Italie, où la trahison de Refondation Communiste avec sa participation au gouvernement Prodi II (mai 2006-janvier 2008) a politiquement décapité le mouvement des travailleurs et l’a laissé sans aucune représentation politique, de la trahison de Tsipras a émergé une nouvelle formation de gauche, Unité Populaire (LAE). Celle-ci a raté de justesse de franchir le seuil électoral (2,87% au lieu de 3%), principalement suite à la démoralisation générale, mais aussi en raison du temps limité pour s’organiser et, hélas, de par l’attitude pédante et non-démocratique initialement adoptée par sa direction. Tout cela fait que l’avenir de LAE est une question ouverte. Mais si LAE prend vie, alors Xekinima, le PSL en Grèce, y jouera un rôle important. Xekinima a gagné le respect de nombreux activistes par sa réputation d’avocat le plus conséquent de l’unité de la gauche non-sectaire autour d’un programme anticapitaliste, entre autres avec l’Initiative des 1000, puis avec des alliances de gauche locales, puis le mouvement du 17 juillet et finalement en souscrivant à l’appel contre le nouveau mémorandum.
Mais c’est surtout dans la république irlandaise avec l’Anti Austerity Alliance que nous pouvons pour la première fois jouer le rôle clé dans ce processus. Surtout maintenant que plus d’une vingtaine d’activistes, dont le parlementaire Paul Murphy (membre du Socialist Party, le PSL en Irlande), sont trainés en justice pour la «prise d’otage» de la ministre travailliste Joan Burton. Nous sommes curieux de voir l’effet que cela aura lorsque Burton, à quelques mois des élections, sera appelée comme témoin central dans un procès contre les victimes de sa propre politique d’austérité. Ceux-là ont osé protester dans un contexte où 57% des ménages refusent de payer la nouvelle taxe détestée sur l’eau. Que ce soit à la Cour ou au Parlement, notamment avec les trois députés du Socialist Party, ce fait ne manquera pas d’être mentionné.
Partout, les difficultés économiques interminables minent la stabilité sociétale. Les contradictions deviennent plus aigües, les solutions plus radicales et les évènements se suivent à un rythme plus élevé. L’autorité des instruments traditionnels de domination et l’efficacité des mécanismes classiques de concertation et de gestion de conflits font défaut. Cela n’assure pas seulement que l’espace pour le changement diminue petit à petit et que des réformes n’arrivent plus que comme produit collatéral de la lutte révolutionnaire, mais aussi que la situation peut vite changer. Des changements brusques et des tournants abrupts sont caractéristiques de cette époque.
Etats-Unis : le bipartisme menacé
Aux Etats-Unis également, pour les présidentielles, les deux partis du grand capital doivent faire face à des candidats qu’ils détestent. Chez les Républicains, Trump est toujours en tête des primaires, mais ce sont surtout les mauvais sondages concernant Jeb Bush qui inquiètent l’establishment du parti. Chez les Démocrates, Bernie Sanders semble devenir le principal adversaire de Clinton. La résistance annoncée par «The Battle of Seattle» (1999) et qui a de nouveau rejailli avec les mouvements Occupy, 15NOW et Black Lives Matter commence également à se refléter sur le plan politique fédéral. Seul Socialist Alternative (le PSL aux Etats-Unis) avait su reconnaître cette tendance et la saisir de manière réfléchie mais audacieuse au travers de ses participations électorales. L’élection de Kshama Sawant que Socialist Alternative a réussi à faire reconnaitre ce fait, mais aussi à renforcer le processus en transformant la revendication du salaire minimum de 15 dollars de l’heure de propagande en agitation et en le mettant sur le haut de l’agenda politique. Et puis aussi à accélérer le processus en augmentant la pression sur Sanders pour se présenter en candidat aux présidentielles.
La perspective de l’OCDE que l’économie américaine allait « croître fortement » était trop optimiste, mais il y a bien une reprise économique, la plus lente depuis 1945. [12] Pourtant, cela suffit à renforcer la confiance du mouvement des travailleurs et à expliquer la popularité de la revendication pour les 15 dollars de l’heure. Les Etats-Unis profitent des bas prix de l’énergie, de l’arrivée de capitaux à la recherche de sécurité et de la politique d’intérêt nul. Mais cela crée également des nouvelles bulles de dettes. Selon Stephen Roach (une voix déterminante à Wall Street à l’époque), la FED sème ainsi les graines d’une nouvelle crise. [13] Selon l’ancien économiste en chef de la banque pour les payements internationaux, les dettes des entreprises, des ménages et des autorités dans les 20 plus grandes économies sont aujourd’hui à un niveau 30% plus élevé qu’en 2007. [14] Il faut donc d’urgence augmenter les taux d’intérêt mais ceci n’est pas sans danger. Lorsqu’en mai 2013, la FED a annoncé commencer à faire du « Tapering », commencer à réduire l’injection mensuelle de liquidités fraiches dans l’économie, cela a provoqué la panique sur les marchés financiers mondiaux. C’est ce qui explique l’extrême prudence avec laquelle Janeth Yellen, actuelle gouverneure de la FED, a annoncé que la FED considère augmenter son taux d’intérêt le 17 septembre à condition d’un troisième rapport favorable concernant l’emploi.
A cela s’ajoute encore une complication supplémentaire, dans « Faire démarrer le moteur et passer à une vitesse supérieure », l’OCDE était encore convaincue que les pays en développement, surtout, allaient encore croître fortement. Quelques mois plus tard, le Brésil est touché par la récession, l’inflation, une crise fiscale et des protestations massives. Le marché immobilier chinois s’est écroulé, sur les bourses de Shangaï et Shenzen, 4000 milliards d’euros sont partis en fumée, et la production industrielle et l’exportation ont fortement diminué. L’économie russe a connu un rétrécissement de 4,6% de son économie au 2e trimestre de 2015 comparé au même trimestre en 2014 et ceci après un rétrécissement de 2,2% au premier trimestre face au même trimestre de l’année précédente. Les 15 plus grands pays en développement connaissent la plus grande fuite de capitaux depuis le début de la grande récession en 2009 et ce flux part principalement en direction des Etats-Unis. Si Yellen augmente les taux d’intérêt, ce flux s’accélérera encore. Mais entretemps, nous savons que Yellen a postposé cette mesure pourtant jugée urgente. Et les bulles continuent de gonfler.
Leur morale, notre indignation
Les économistes bourgeois ne s’en sortent plus. Ils se contredisent l’un l’autre et eux-mêmes. Cela gêne Peter Vanden Houte, économiste en chef chez ING, que le professeur d’économie Larry Summers aux Etats-Unis, ancien secrétaire d’Etat aux finances sous Clinton, parle de « stagnation séculière ». [15] C’était la terminologie exprimant après la grande dépression des années ’30 que l’on s’attendait encore à des années de faible croissance. Selon Vanden Houte, c’est trop pessimiste : « Il n’est pas impossible que de nouvelles innovations révolutionnaires puissent causer un choc positif de productivité. La prédiction d’une stagnation éternelle après la grande dépression ne s’est pas réalisée non plus. » Mais, ajoute-t-il, « les pessimistes ont raison de dire qu’il a fallu une guerre mondiale avant que l’économie soit relancée. » Quelques mois plus tard, ce Vanden Houte conclut un article où il compare la situation en Chine avec celle du Japon dans les années ’90 : « il n’est pas tout à fait clair ce que nous pouvons encore attendre de l’économie chinoise pour les prochaines années, mais il semble certain que la croissance sera plus volatile et en moyenne plus basse. » [16] Dans cet article, il fait également référence au fameux « piège au revenu moyen », nous l’avons déjà abordé de manière extensive en 2011. [17]
L’époque de la soi-disant rationalité, l’idée des économistes classiques selon laquelle l’intérêt général est le mieux servi lorsque chacun rechercher la satisfaction de son propre intérêt, est remise en question depuis quelques temps. Le converti le plus frappant est l’ancien thatchérien et ancien parlementaire des libéraux flamands (VLD) Paul Degrauwe. Mais aussi Mia Doornaert, du quotidien flamand De Standaard, pointe dans son article « La revanche du capital » [18] que le bien-être en Europe occidentale avant la chute du Mur de Berlin (novembre 1989) « n’était pas le résultat d’un libre-marché rampant, mais de la politique, d’une politique consciente de répartition des richesses. (…) Au cœur de l’Europe, une compétition était à l’œuvre entre le communisme et la liberté [le capitalisme, NDA]. De cette lutte est né l’Etat-Providence. (…) Si quelqu’un a profité de l’existence de l’Union soviétique et de son empire, ce sont les travailleurs en Europe occidentale. » Elle conclut : « Il n’existe pas de système qui génère automatiquement la richesse et le bien-être. Pour cela, il faudra toujours une politique qui sauvegarde l’équilibre délicat entre liberté et solidarité. Et qui fait donc respecter les règles morales du jeu, y compris par les marchés. »
Même Yvan Van de Cloot, du Think Thank de droite Itinera, trouve que cela commence à suffire. [19] Il se plaint que 43% des actifs financiers des environ 8000 banques européennes se trouvent dans les comptes de 15 grandes banques uniquement. Que seulement 10% des produits financiers vendus et achetés concernent l’économie réelle. Que moins de 10% de toutes les dettes concernent des sociétés non-financières. Que seulement 5% des activités d’échange ont à voir avec de l’importation et de l’exportation réelles de biens et de services. « Le secteur financier européen commerce donc essentiellement avec lui-même. Il existe un énorme degré de consanguinité. Le meilleur qui peut nous arriver », conclut Van de Cloot, « c’est la destruction d’un genre spécifique de capitalisme, c’est-à-dire la destruction du capitalisme financier basé sur les transactions. Nous devons revenir au capitalisme basé sur des relations. » Van de Cloot arrive finalement, donc, au même point que Mia Doornaert : « l’économie n’a de sens que si elle est moralement correcte. » [20]
Cette question de la moralité se base évidemment sur quelque chose. Selon Oxfam, mais les chiffres sont contestés, la fortune combinée des 80 personnes les plus riches au monde en 2014 serait équivalente à celle des 3.500.000 les plus pauvres. En 2010, il fallait encore les 388 personnes les plus riches pour parvenir au même résultat. [21] Un rapport d’Oxfam de 2012 affirmait que les 240 milliards de dollars gagnés par les 100 personnes les plus riches de cette année-là suffisaient à éradiquer 4 fois l’extrême pauvreté dans le monde. [22] Dans le Global Risk Report, le rapport annuel du Forum économique mondial rédigé par 700 experts concernant les plus grands dangers pour les 10 années à venir, l’inégalité croissante est considérée comme la plus grande menace. [23] Le salaire des patrons de la Bourse londonienne – salaire de base, boni, stock-options et autres avantages compris, mais évidemment pas les dividendes ou d’autres revenus du capital – était en moyenne, en 2010, l’équivalent de 160 fois le revenu moyen d’un employé à temps plein. En 2014, c’était déjà 183 fois. [24] Il faut donc aux employés à temps plein de ces groupes en moyenne 15 années et 3 mois pour gagner ce que leur patron encaisse en un mois, contre 13 années et 4 mois il y a 4 ans !
La seule excuse que l’on peut encore inventer, c’est que ces super-riches d’aujourd’hui seraient dépassés par quelques figures historiques. Pour cela un modèle de calcul spécial a été élaboré. MeasuringWorth.com ne tient pas seulement compte de la propriété, mais aussi de son impact dans le PIB, des moyens technologiques, etc. Bill Gates ne serait ainsi que le 9e plus riche de l’Histoire, avant Gengis Khan (10e), mais après Rockfeller (7e), Staline (5e) et l’empereur Romain Auguste. [25] Le roi des rois africains de l’empire du Mali, Manse Moussa (fin du 13e, début du 14e siècle) serait le plus riche de tous les temps. Nous doutons que cela rend moins grave qu’il y ait 4700 milliards d’euros en fortunes financières cachés dans les paradis fiscaux et que le fisc perd ainsi chaque année 130 milliards d’euros en manque de revenus. [26] Tout comme l’exonération légale de paiement d’impôts sur son salaire annuel de 380.939 euros innocente moralement Christine Lagarde, directrice générale du FMI, lorsqu’elle pense pouvoir exhorter les Grecs pour qu’ils paient leurs impôts correctement. [27] Mais il ne faut pas que ce soit illégal ou d’un standard moral douteux pour susciter l’indignation. Selon une étude de la société de gestion internationale Henderson Global Investors, en 2014, les 1200 entreprises les plus grandes au monde ont payé en dividendes 1023 milliards d’euros à leurs actionnaires, une augmentation de 10,5% comparé à 2013. [28]
L’absence d’issue fait surgir des questions existentielles
Il y a eu des années où tout ce que les capitalistes touchaient semblait se transformer en or. Cette période est passée. Aujourd’hui, tout semble avoir une face sombre. Les prix bas des matières premières font que les consommateurs dépensent moins pour l’essence, le diésel ou le gasoil, mais cela réduit aussi l’inflation, déjà basse, qui menace de devenir déflation. [29] Cela peut à son tour pousser les consommateurs à repousser leurs dépenses et créé ce que l’on appelle une chute de liquidités qui fait en sorte que la baisse des dépenses d’énergie ne se traduit pas, ou seulement partiellement, dans d’autres consommations. La déflation, ou la baisse des prix de vente, réduit également la marge de profit des entreprises.
Par contre, la baisse des prix de l’énergie et des matières premières représente également une économie pour plein d’entreprises, surtout dans le transport et l’aéronautique. Mais pour le secteur pétrolier et ses sous-traitants, cela n’est pas le cas. Et pas non plus pour les pays producteurs de pétrole tels que le Venezuela, la Russie ou la Norvège. [30] La Norvège dépend du pétrole à hauteur de 50% de ses exportations, depuis la baisse des prix, 20.000 emplois ont été perdus dans le secteur. Au premier trimestre de 2015, l’économie norvégienne a connu une contraction de -0,1%. [31] Des Etats pétroliers tels que le Dakota du Nord et la Louisiane doivent compenser la perte de revenu par des économies sur leurs dépenses publiques. Les entreprises de forage pétrolier postposent leurs investissements. [32] Depuis juillet 2014, déjà 200 milliards de dollars seraient ainsi gelés. C’est d’ailleurs l’objectif, du moins de la part de l’OPEP et surtout de l’Arabie Saoudite, qui tiennent leur production à un niveau élevé dans l’espoir de contrarier le développement de l’extraction de pétrole de sables bitumineux aux Etats-Unis. Cette pratique n’est rentable qu’à partir de 60 à 70 dollars le baril, là où l’exportation de pétrole saoudien l’est déjà à partir de 10 à 30 dollars. [33] Le prix actuel tourne autour de 40 dollars, le niveau le plus bas depuis 2009. [34] Le bas prix du pétrole assure également que l’on investit moins dans des sources d’énergie alternatives. [35]
La politique monétaire souple des Etats-Unis et de la Grande Bretagne vantée par l’OCDE a aussi son côté sombre. Selon l’agence de consultance MCKinsey, la dette totale – particuliers, entreprises et autorités combinés – des économies les plus importantes sur le plan mondial, ont crû de 40% depuis 2007 à 200.000 milliards de dollars, soit 286% du PIB mondial. Les banquiers de l’ombre, des banques non-reconnues, qui échappent à la régulation classique, ont déjà atteint les 75.000 milliards de dollars, autant que le PIB mondial. [36] La Banque des règlements internationaux (BRI) pointe qu’à mesure que les règles pour les banques sont devenues plus contraignantes, le rôle des fonds de capitaux à risque et des agences de gestion de patrimoine sur les marchés financiers a pris en importance. Eux aussi valent maintenant un capital d’investissement de 75000 milliards de dollars. Ce qui est plus grave, une vingtaine de fonds de gestion en détiennent 40%. [37] William White avertit de l’arrivée d’une nouvelle crise financière. [38]
Autant de contradictions doivent inévitablement faire poser des questions existentielles. Que penser d’autre des titres tels que « La force destructive de l’inégalité » [39] ou encore « les robots pourraient occuper la moitié de nos emplois » [40] et « comment la technologie menace de faire dégringoler notre pouvoir d’achat ». [41] La crise est toujours la conséquence d’une confluence particulière de divers facteurs. Expliquer des crises exclusivement sur base de l’un ou quelques facteurs est spécifique des écoles d’économistes bourgeois, qu’ils soient mercantilistes, libéraux classiques, de l’école autrichienne, de l’école historique, du marginalisme, de l’utilitarisme, du monétarisme, du libertarisme, du keynésianisme, du néo-keynésianisme ou encore d’autres.
Progrès et capitalisme
L’économie critique (ou marxiste) étudie les processus vivants qui s’articulent et s’influencent les uns les autres. Cela ne signifie pas encore qu’il n’y aurait pas à l’œuvre de lois tendancielles – en contradiction avec des « lois d’airain » ou lois absolues – propres au mode de production capitaliste. [42] Par exemple la tendance systématique à la surproduction, puisque le profit provient du travail non-rémunéré des travailleurs. Des néo-keynésiens tels que Paul De Grauwe, Paul Krugman, Joseph Stigliz et pourquoi pas Yanis Varoufakis n’ont pas complètement torts lorsqu’ils accentuent que la demande est à la traine. Selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT), les salaires dans les pays développés n’avaient toujours pas atteint l’année passée, après une croissance décevante de 0,1% en 2012 et 0,2% en 2013, le niveau d’avant 2007. L’OIT estime que cela explique la faible reprise et le risque croissant de déflation dans l’eurozone. La demande en berne, due à la répartition inégale des richesses, est certainement un facteur très important dans la crise actuelle.
L’OIT confirme encore une autre « loi tendancielle » du capitalisme. C’est-à-dire qu’elle créée ses propres fossoyeurs. Si les salaires sur le plan mondial ont encore connu une certaine croissance, c’est principalement dû à une augmentation dans les pays en développement, avec 6,7% en 2012 et 5,9% en 2013. Surtout en Chine, le mouvement des travailleurs a saisi la croissance de ces 15 dernières années pour arracher de meilleurs salaires. Sans la Chine, en 2013, la croissance des salaires sur le plan mondial n’était pas de 2%, mais de 1,1% seulement. [43]
Aucune « loi tendancielle » démontrée par Marx n’a été plus critiquée que celle sur l’appauvrissement (relatif) de la classe des travailleurs. Mais maintenant, même l’OCDE avertit qu’une diminution des inégalités est nécessaire. « Ces dernières décennies, 40% de la population de l’OCDE n’ont pas profité de la croissance », ce qui fait qu’une partie des classes moyennes recule. Ces gens reçoivent un enseignement plus mauvais, moins de travail et moins d’opportunités. Cela stoppe la mobilité sociale dans nos Etats-membres. » Selon l’OCDE, la croissance des écarts entre revenus entre 1985 et 2005 aurait freiné la croissance entre 1990 et 2010 à hauteur de 4,7%. « A l’époque, nous pensions que l’égalité était quelque chose de communiste », affirme le dirigeant de l’OCDE Angel Gurria, « mais il n’y a rien d’idéologique à cela. Plus d’égalité de revenus assure plus de croissance économique, plus de cohésion sociale et plus de confiance dans la politique. » [44]
Mais la distribution inégale n’a pas toujours été un frein sur la croissance économique du capitalisme. Jusque tard dans le 19e siècle, avec le développement de la compétition, c’était justement une condition nécessaire pour accumuler suffisamment de capitaux afin de pouvoir démarrer une révolution dans le développement des moyens de production. La peur des artisans, des paysans, des domestiques et des ouvriers manufacturiers de l’époque quant à l’effet de destruction d’emploi de l’introduction des machines n’était pas totalement dénué de fondement. Mais finalement, la révolution industrielle a tout de même créé plus d’emplois que ce qui avait été détruit par les machines. Aujourd’hui, des patrons aiment se référer à cette période historique lors des restructurations et des fermetures. Les travailleurs et les syndicats qui s’y opposent sont accusés de conservatisme. La comparaison avec les luddites anglais qui brisaient les machines au début du 19e siècle n’est jamais très loin. Mais tout comme l’inégalité a changé cet élément d’un facteur progressiste sur le progrès au facteur de frein sur le progrès (est devenu son opposé dialectique, en termes marxiste) l’effet sur l’emploi de nouvelles applications techniques et scientifiques est différent aujourd’hui par rapport à la phase de naissance du capitalisme.
Chômage technologique
Keynes l’avait déjà reconnu en 1930, lorsqu’il mettait en garde concernant le « chômage technologique », le chômage consécutif au progrès technologique et scientifique. Dans un texte où il tentait d’imaginer les choses un siècle plus tard « vers les possibilités qui pourraient jaillir pour nos arrières enfants à condition qu’il n’y ait ni guerre importante ni croissance de la population », Keynes soulevait que le capitalisme pourrait absorber le chômage technologique en diminuant la durée de travail hebdomadaire moyenne à 15 heures par semaine, ou 3 heures par jour. [45] Mais cette redistribution du travail ne se fait pas automatiquement, elle est déterminée par les relations de force entre travail et capital. Après une période de réduction du temps de travail à l’époque de l’Etat-Providence, nous constatons aujourd’hui non seulement un allongement du temps de travail et un accroissement de la pression au travail, mais aussi un chômage massif structurel. Cela créé une armée de chômeurs, que Marx appelle une « armée de réserve » de travailleurs, qui fait diminuer le prix de la force de travail et renforce la position du capital dans la lutte des classes.
Mais l’existence d’une armée de réserve de travailleurs conduit aussi, à un certain point, à plus de désavantages que d’avantages pour les capitalistes. Des prédictions selon lesquelles d’ici une ou deux décennies l’usage de robots de plus en plus intelligents rendra superficiels 47% des emplois américains sont de plus en plus prix au sérieux. [46] Il existe entre temps des entreprises totalement automatisées où des machines tournent 24 heures sur 24 sans intervention humaine, des entreprises appelées light-out. Cela ne menace pas seulement des emplois industriels, mais aussi par exemple des emplois médicaux avec des robots qui assistent des docteurs et des infirmières ou dans l’enseignement avec des cours en ligne. [47] Selon une étude d’ING; 2,2 millions des 4,5 millions d’emplois actuels en Belgique pourraient être automatisés dans les décennies à venir, dont 96% des comptables, 95% des vendeurs, 93% des fonctionnaires fiscaux, 90% des serveurs, 86% des facteurs, 66% des agents d’assurance, 49% des plombiers,… [48] Le correspondant de « Robotica et Intelligences Artificielles » Nico Tangha, rapportait à ce titre dans De Standaard sa visite d’une usine robotisée futuriste au Japon. [49] A plus long terme, cela menace le pouvoir d’achat de la couche basse et moyenne, avertit City-group, et cela peut paralyser l’économie. [50]
La science et la technique se sont développées à un niveau où le capitalisme n’est plus capable de gérer le processus. Des nouveaux produits exigent souvent des années d’investissement dans une recherche très coûteuse. Freiner le progrès est une caractéristique typique des sociétés en déclin. Cela vaut dans une certaine mesure pour les opprimés, dans ce cas-ci des travailleurs qui s’opposent à l’innovation car ils comprennent que sous le capitalisme cela conduit au chômage et à la pauvreté. Mais cela vaut encore beaucoup plus pour la classe dominante capitaliste qui, à l’instar de ses prédécesseurs féodaux, essaye de limiter le développement libre et l’échange nécessaire des sciences et techniques, dans leur cas pour essayer de sauvegarder leur avantage compétitif. Cela signifie un énorme gaspillage. Du moment qu’un produit est à point, il faut en plus le rendre rentable dans le moins de temps possible d’où l’usage abondant d’entreprise qui ne s’arrêtent jamais, au travail mauvais pour la santé et au rythme de travail inhumain. D’où aussi la demande de travail dominical, de crèches fonctionnant 24 heures sur 24, d’une économie 24/24. Chaque année, Apple sort un nouvel IPhone pour ne pas être en retard, des modèles de voitures ne doivent dorénavant plus être renouvelés tous les 6 à 7 ans mais tous les 5 ans avec un lifting intermédiaire après 2 et 3 ans. Cela nécessite de grands investissements mais, pourtant, la durée de vie moyenne des voitures ne cesse de monter. En Belgique, par exemple, de 6 ans et 3 mois en 1993 à 8 ans et un mois en 2013. [51]
Marc Goblet raconte que dans les secteurs pour lesquels il était responsable en tant que président de la Centrale Générale avant d’être devenu Secrétaire Général de la FGTB, les coûts salariaux ne représentaient que de 7 à 20% des coûts totaux. [52] A cause du développement de la science et de la technologie, la part de capital dépensée en énergie et en machines ensemble avec les bâtiments et les matières premières, appelée capital fixe, a crû proportionnellement aux dépens de la partie variable qui est dépensée pour les coûts salariaux. Marx appelle cette proportion la constitution organique du capital. Mais puisque le capital fixe transfère sa valeur dans le produit fini sans y ajouter de la nouvelle valeur et que seul le capital variable ajoute de la valeur ou de la plus-value, le taux de profit (le profit par quantité de capital investit) a tendance à baisser. C’est ce que Marx appelle la baisse tendancielle du taux de profits. C’est ce phénomène qui explique pourquoi, depuis les années ’70, les marchés financiers ont connu une croissance exponentielle. Beaucoup de capitalistes préfèrent la spéculation boursière à l’investissement dans la production réelle parce que les profits qu’ils espèrent y réaliser leur semble insuffisants ou incertains.
Nombre de facteurs contribuent à expliquer la « stagnation séculière » ou plus précisément la longue phase descendante, avec des périodes de faible reprise mais aussi de nouvelles chutes profondes. La baisse tendancielle du taux de profit est sans doute l’explication sous-jacente la plus importante. L’absence de croissance de productivité malgré la révolution digitale en est l’expression. Tout comme le manque d’investissements productifs dans l’économie réelle. [53] Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de forces contradictoires à l’œuvre. Ces dernières années, le taux de profit a même été partiellement restauré par l’augmentation du rythme de travail, en utilisant des contrats de travail ultra-flexibles, en enlevant des moments non-productifs dans le processus de travail, en se concentrant sur le core-business plus productif, etc. Bref, en augmentant le taux d’exploitation. Une des conséquences de cela est l’augmentation du fossé entre le pouvoir d’achat commun de tous les travailleurs et la valeur totale des biens et des services produits par eux. Le crédit et l’usage de l’épargne peut temporairement contrarier ce phénomène. Sans nier l’importance de la baisse tendancielle du taux de profit dans la conjoncture actuelle, c’est surtout la peur de ne pas trouver de marché qui freine les investissements productifs. En terminologie marxiste, c’est ce que l’on appelle la peur du capitaliste de ne pas pouvoir réaliser la plus-value produite par manque d’acheteurs.
Les pays en développement la guerre monétaire mondiale
Entre janvier 2013 et janvier 2014, le réal brésilien a perdu -16,46% de sa valeur face au dollar. Le Peso argentin -37,93%. La lire turque -21,80%. La Roupie -13,80%. La raison principale était le tapering, la réduction de l’injection d’argent par la FED à laquelle nous avons déjà fait référence. Cela a provoqué un renversement du carry-trade. C’est le phénomène ou des spéculateurs empruntent de l’argent aux Etats-Unis à un taux d’intérêt bas pour acheter des obligations dans des pays en développement à un taux plus élevé avec l’objectif d’encaisser la différence. Un des effets secondaires avait été que cela augmentait la valeur des monnaies et des cours boursiers dans ces pays en développement et assurait une injection de crédits bons marchés. Le rapatriement de ces fonds vers les Etats-Unis a provoqué l’effet inverse. Les monnaies de ces pays en développement perdent de leur valeur, les produits importés deviennent donc plus chers, ce qui provoque une inflation et les investissements s’arrêtent. En Inde et en Argentine, les prix ont augmenté de presque 10%. En juillet 2014, deux fonds vautours qui n’avaient pas accepté en 2005 la restructuration des dettes négociée avec 93% des créanciers, ont ramené l’Argentine au seuil de la banqueroute. La même année, un front de trois organisations trotskistes (FIS) a obtenu 1,2 million de votes, trois députés nationaux et plusieurs députés régionaux.
Seule la Chine semblait facilement digérer le revers économique, mais sur base d’une injection d’investissements basée sur le crédit. La dette totale en Chine – autorités, particuliers et entreprises ensemble – était de 160% du PIB en 2008 et déjà de 230% en 2014. Les investissements représentent en 2014 plus de 50% du PIB. [54] Depuis, la dette totale a déjà atteint 300% du PIB. [55] L’économie chinoise est confrontée à la surcapacité, à la déflation, à une crise dans l’immobilier et à une crise de dette des autorités locales. En tout cas, la croissance est beaucoup plus basse que les chiffres officiels, certain économistes avertissent de la perspective d’un atterrissage dur. L’année passée, les dirigeants chinois disaient encore que le ralentissement économique était une intervention contrôlée pour rééquilibrer la croissance économique trop basée sur l’investissement vers une croissance durable basée sur la consommation. Mais maintenant que tant la consommation que les investissements stagnent, comme à peu près tout le reste, le « ralentissement contrôlé » et le « rééquilibrage » semble être un déraillement. [56]
Fin juin début juillet, les bourses de Shangaï et de Shenzen ont connu un crash. Cela a provoqué une réaction de panique de la part du régime chinois. Beaucoup des investisseurs chinois sont des particuliers, la classe moyenne urbaine, une couche sociale importante pour le régime, avait déjà été touchée par le crash de l’immobilier. Le régime avait pensé pouvoir compenser par une croissance forte des bourses pour que cette couche sociale ne soit pas perdante et pour elle-même sortir enrichie. Il a poussé la population à investir dans la bourse pour compenser le ralentissement de la croissance aussi sur base d’emprunts. [57] Ce rêve chinois vient d’éclater en plein vol. La situation réelle de l’économie chinoise fait surface : des prix à la production qui continuent de baisser depuis 40 mois minent les profits des entreprises et rend plus difficile l’amortissement des dettes ; une inflation de seulement 1,6%, en fait une déflation sans tenir compte des prix de la nourriture ; en juillet une baisse des exportations de 8,3% sur base annuelle et une forte augmentation du Yuan face à l’euro et au yen, ce qui explique pourquoi l’exportation vers l’Europe durant les sept premiers mois de 2015 a diminué de 2,5% et celle vers le japon de 10,5%. [58]
Résultat : mobilisation générale. Depuis le 27 juin, les taux d’intérêts ont été abaissés. Plus de capital a été injecté dans les banques, de nouvelles actions ont été bloquées à la Bourse, des fonds de pension et des entreprises publiques ont été obligés d’acheter des actions et un fonds de stabilisation du marché a été créé. Tout le système financier des autorités a été mobilisé dans une opération de sauvetage massive qui a connu son sommet avec l’annonce, le 5 juillet, que la banque centrale allait acheter des actions afin d’arrêter la chute. Cela a été décrit par certains commentateurs comme du « Quantitative Easing » à la chinoise. Ces mesures désespérées indiquent que la situation est probablement encore pire que ce qui est connu en ce moment-ci. Une réaction en chaîne entraînant beaucoup d’entreprises, d’autorités locales et de banques est possible. Le prestige du régime est en jeu. Fin 2012, Xi Jinping avait d’ailleurs lancé sa stratégie de réformes où les marchés ont reçu un rôle déterminant. Le régime peut encore regretter cela.
Cela explique aussi le changement drastique dans la stratégie du régime chinois. Autant pendant la crise monétaire asiatique de la fin des années ’90 que lors de la crise de 2008, le régime chinois s’était tenu à sa politique d’une monnaie forte. Il espère d’ailleurs faire du Yuan une monnaie de réserve et en plus, une perte de valeurs du Yuan provoquerait une fuite des capitaux hors de Chine. Selon Tom Orlik, l’économiste responsable pour le continent asiatique chez Bloomberg, chaque pourcent de perte de valeur du yuan contre le dollar provoquerait le départ d’environ 40 milliards de dollars de Chine. Mais cette politique est maintenant devenue intenable et donc la banque populaire chinoise a décidé le 11 août une dévaluation unique de -1,9%, suivie le 12 août d’une nouvelle de -1,6% et d’une 3e le 13, de -1%. La banque populaire prétend qu’elle rend ainsi le taux d’échange plus orienté sur le marché. Probablement spécule-t-elle sur le fait que par manque de confiance envers l’économie chinoise, les marchés continueront à mettre pression sur le Yan. La Chine a ainsi enclenché la tendance vers la dévaluation et rejoint donc la guerre des monnaies mondiale dans une tentative d’exporter la déflation et de se procurer un avantage commercial face aux autres marchés économiques.
La décision chinoise porte la guerre des monnaies qui était enclenchée depuis quelques temps à un niveau qualitativement plus élevé. Immédiatement après la dévaluation chinoise, le Baht thaï a perdu -0,7% face au Dollar et le Dollar de Singapour a chuté de -1,2%, son plus bas niveau en cinq années. Le Peso philippin se trouve aussi à son niveau le plus bas depuis 5 ans et les monnaies indonésiennes et malaisiennes se trouvent à leur plus bas niveau depuis la crise asiatique de 1998. Depuis, le Vietnam et le Kazakhstan ont également dévalué leurs monnaies. [59] Ces pays ne font qu’appliquer ce qui leur avait déjà été montré par l’Europe. La planche à billets avait largement été utilisée depuis 2014 pour stimuler l’économie, rendre les emprunts meilleurs marchés, stimuler les investissements, contrarier la déflation mais aussi pour affaiblir l’euro pour relancer l’exportation. Dans son rapport annuel de manipulation des échanges, le secrétariat d’Etat américain aux finances pointe du doigt l’eurozone à ce sujet. [60] Mais en fait, l’eurozone ne fait que ce que les Etats-Unis ont eux-mêmes appliqués lorsque leur économie était plus faible. Ce n’est que ces dernières années que les Etats-Unis essayent prudemment de revenir sur cette politique, il n’est pas inimaginable que lorsque la croissance économique aux USA retombera à cause du prix bas du pétrole et du dollar fort que les USA postposent l’augmentation du taux d’intérêt (ce qui s’est fait entretemps) et en reviennent aux mêmes au Quatitative Easing. Dans ce cas, la guerre des monnaies serait complète. [61]
1 https://www.conference-board.org/retrievefile.cfm?filename=The-Conference-Board-2015-Productivity-Brief-Summary-Tables-1999-2015.pdf&type=subsite
2 Pompen of verzuipen, De Standaard 19 juni 2015
3 Le prix des matières premières devrait être durablement bas, Le Soir 28 août 2015
4 Les chiffres d’Eurostat: http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=lc_lci_r2_a&lang=en
5 En attendant Godot est une pièce de théâtre de Samuel Beckett où deux personnages attendent un certain Godot, ici dans le sens d’un sauveur qui ne viendra jamais.
6 ‘Economische motor dringend starten’, De Standaard 26 november 2014 – OCDE – l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques. Commencé comme le club des pays riches, consiste maintenant de 34 pays toujours principalement les plus riches
7 Japan, van spookbeeld tot voorbeeld, De Standaard 6 september 2014
8 Où va la France, Léon Trotsky, le 9 novembre 1934
9 Voir pour cela Hal Draper, Karl Marx’ Theory of Revolution, Volume III
10 Voir le deuxième congrès de la troisième internationale, 1920
11 A profile of Europe’s populist parties, Deutsche Bank 28 April 2015
12 La Chine fait trembler l’économie mondiale, Le Soir 25 août 2015
13 ‘Onze welvaart stoelt op fundament van bubbels’, De Tijd 5 juli 2014
14 Ik maak me nu meer zorgen dan in 2007, De Tijd 17 juni 2014
15 Eeuwige stagnatie, De Standaard 18 april 2015
16 Yang met de pet, De Standaard 5 september 2015
17 Les révoltes mondiales contre ce système sans perspective, résolution du BE pour les congrès de districts de 2011, BI 39
18 De wraak van het kapitaal, De Standaard 29 juli 2015
19 De degeneratie van de banken – Ivan Van de Cloot De redactie 31 juli 2014
20 ‘Economie is enkel zinvol als ze moreel is’, De Morgen 4 oktober 2014
21 Tachtig rijksten bezitten evenveel als helft wereldbevolking, De Standaard 19 januari 2015
22 World’s 100 richest earned enough in 2012 to end global poverty 4 times over, RT news, 20 January 2013
23 Kloof tussen arm en rijk grootste kopzorg voor wereldeconomie, De Tijd, 17 januari 2014
24 Les patrons gagnent 183 fois le salaire moyen d’un employé, Le soir 18 août 2015
25 De 10 rijksten doorheen de eeuwen, De Morgen 1 augustus 2015
26 Gabriel Zucman: “4.700 milliards d’euros cachés dans les paradis fiscaux”, Le Soir 4 janvier 2014
27 Christine Lagarde non plus ne paie pas d’impôt sur les revenus, Le Monde 28 mai 2012
28 Bedrijven keerden in 2014 dik 1.000 miljard euro uit, De Tijd 16 februari 2015
29 Twijfel over groeibonus van goedkope olie, De Standaard 7 januari 2015
30 Selon la financieel dagblad des Pays-Bas en Russie il faudrait un prix du pétrole de 105 $ pour équilibrer le budget, de 122 $ au Nigéria, de 117 $ au Venezuela et de 130 $ en Iran. Petrostaten schudden van angst, fd 9 januari 2015
31 Noorse economie kampt met lage olieprijs, De Financiële Telegraaf 20 augustus 2015
32 Coup de frein pour l’industrie du brut, Le Soir 28 juillet 2015
33 L’OPEP devrait garder ses robinets grands ouverts, Le Soir 2 juin 2015
34 Olieprijs flirt met laagste peil sinds 2009, De Tijd 21 augustus 2015
35 Lage olieprijs is goed en slecht nieuws, De Morgen 2 december 2014
36 “Subprimes, saison 2”, Le Soir 14 mars 2015
37 BIS ziet grote risico’s bijb fondsen en vermogensbeheerders, De standaard 29 juni 2015
38 ‘De speculatieve excessen van 2007 zijn terug’, De standaard 6 december 2013
39 De kostprijs van de kloof, De Standaard 4 oktober 2014
40 Les robots pourraient occuper la moitié de nos emplois, Le Soir, 20 juillet 2014
41 Hoe technologie onze koopkracht dreigt weg te vreten, De Standaard 15 april 2015
42 Dans ‘Critique du programme de Gotha’ Marx critique justement les adhérents de Lasalle pour leur conception de ‘lois d’airain’ des salaires, basé sur leur point de vue erronée que le salaire ne peut jamais être plus élevé que le strict minimum de survie.
43 Les salaires ont pratiquement stagné dans le monde en 2013, RTBF-info 5 décembre 2014
44 ‘Toenemende ongelijkheid is slecht voor groei’, De Standaard 22 mei 2015
45 Economic Possibilities for our Grandchildren, John Maynard Keynes (1930)
46 Les robots pourraient occuper la moitié de nos emplois, Le Soir 19 juillet 2014
47 Will robots en capitalism, socialistworld.net 14 augustus 2015
48 Alleen topjobs en rotklussen zijn straks nog veilig, De Standaard 9 februari 2015
49 Revolutie op de werkvloer, De Standaard 27 juni 2015
50 Hoe technologie onze koopkracht dreigt weg te vreten, De Standaard 15 april 2015
51 Le cycle de vie des voitures raccourcit, Le Soir 19 novembre 2014
52 Chercher
53 The great productivity slowdown, Michael Roberts, August 8, 2015
54 La crise des pays émergents inquiète la planète, La Soir 29 janvier 2015
55 Crash boursier en Chine: le gouvernement s’en mêle
56 China ervaart nu een harde landing, socialisme.be 7 juni 2015, vertaald vanop chinaworker.info
57 Chinese beurscrash kan tot politieke crisis leiden, socialisme.be 9 juli 2015, interview met Vincent Kolo van chinaworker.info
58 Devaluatie Chinese munt leidt tot onrust op wereldmarkten, socialisme.be 13 augustus 2015, standpunt van Chinaworker.info
59 Les pays émergents inquiètent, Le Soir 20 août 2015
60 Don’t mention de muntoorlog, De Standaard 11 april 2015
61 Breekt wereldoorlog tussen de munten los?, de Morgen 7 februari 2015 -
[TEXTE de CONGRES] Présentation
Nous commencerons demain la publication online du texte amendé et voté au Congrès national du PSL qui s’est tenu en novembre dernier. Ce texte est également disponible sous forme de livre et arrivera de chez l’imprimeur début de semaine prochaine. Commandez dès maintenant votre exemplaire en versant 10 euros sur le compte BE48 0013 9075 9627 de ‘Socialist Press’ avec pour mention “texte de Congrès”. les commandes seront envoyées à partir du lundi 1er février. Voici ci-dessous l’introduction du texte.
Nous publions ici la résolution politique telle qu’amendée et votée à l’occasion du Congrès National du PSL de novembre 2015. Ce Congrès a pris place 3 ans après le précédant, c’est-à-dire un an de plus que ce que prévoient nos statuts. Cela s’explique par la décision du Comité National prise l’an dernier de retarder d’un an la tenue du Congrès afin que le parti puisse concentrer toute sa force sur le plan d’action syndical d’automne 2014. Le Congrès a confirmé cette décision.
Ces trois dernières années n’ont pas été des moindres. Le processus où des éléments de révolution et de contre-révolution gagnaient le dessus en alternance s’est poursuivi. Au Moyen Orient, les masses payent l’échec des révolutions en désespoir, contre-révolution, guerre civile et barbarie. Mais nous voyons également un certain nombre d’éléments attestant d’une régénération de la classe des travailleurs. En Europe est arrivé au pouvoir pour la première fois depuis des décennies un gouvernement que beaucoup de travailleurs estimaient le leur jusqu’au moment où celui-ci a accepté le 3e Mémorandum. En Grande-Bretagne, un rebelle de gauche a été élu président du parti travailliste. Aux Etats-Unis, un frondeur semblable est devenu le plus important challenger d’Hillary Clinton. Tout cela offre d’énormes possibilités à notre courant. Nous avons pu en saisir dans la dernière période, surtout aux Etats-Unis, en Afrique du Sud et au Brésil, mais nous pensons que le nombre d’opportunités qu’offrira la période qui nous fait face sera encore plus imposant.
En Belgique aussi, avec la venue au pouvoir du gouvernement de droite, nous avons atteint un point tournant. Le plan d’action syndical d’automne 2014 était unique en son genre. Nous avons saisi le maximum de cette occasion afin donner une nouvelle impulsion à notre travail jeunes, de commencer à restaurer certaines traditions de la classe précédemment perdues ainsi que pour renforcer nos propres positions. Nombreux étaient ceux qui, comme les marxistes l’expriment, étaient ivres de la révolution et ont perdu de vue les nombreuses complications présentes. Ils ont brutalement été rappelés à la réalité au printemps. Mais la volonté de partir en action a été sauvegardée, comme nous avons pu le constater le 7 octobre. Beaucoup d’illusions ont toutefois cédé place à la déception et à la colère. Ces prochains mois, nous aurons à plusieurs reprises l’opportunité de les convertir en détermination. Nous espérons que cela se traduira au printemps 2016 par l’élection d’un nombre important de syndicalistes combatifs.
Les textes de Congrès ont été écrits bien avant les horribles attaques de l’Etat Islamique autour du 13 novembre à Paris, Beyrouth, Bagdad ou Tunis et la panique qui a suivi. Évidemment, cela a longuement été débattu lors du Congrès. La base de cette discussion a ensuite été publiée dans une série d’articles sur socialisme.be et surtout dans l’édition de Lutte Socialiste de décembre 2015. Pour le PSL, la sécurité n’est pas séparée de la question sociale mais en constitue justement une partie. Nous avons de la compréhension pour ceux qui sont en état de choc. Nous comprenons que de nombreuses mesures destinée à renforcer la présence en rue de policiers et de militaires disposent d’un soutien. Mais nous estimons toutefois que ni la politique étrangère, ni la politique intérieure du gouvernement Michel ne vont réduire la menace terroriste, bien au contraire. Nous doutons même du fait que ces mesures aient été réellement prises pour assurer notre sécurité. Les hôtels de luxe ont eu des soldats et des policiers disposés à leurs portes, mais les écoles des zones défavorisées n’ont eu que des patrouilles. Les stations de métro ont été fermées, mais pas la gare centrale ou l’axe nord-sud de la SNCB. Cette incohérence provient des réelles motivations de ce gouvernement: polir son image à l’étranger et peut-être profiter de l’occasion pour tester jusqu’où il peut aller.
Un Congrès du PSL ne se limite pas à un rassemblement de deux jours. Pas même aux six semaines non moins importantes de discussion sur les textes de Congrès. Nos analyses et les tâches qui en découlent sont quotidiennement élaborées sur base de nos expériences concrètes. La période de Congrès est plutôt un moment où nous rappelons nos analyses, regardons à quelle étape nous nous trouvons, quelles sont les perspectives les plus probables, comment nous allons y répondre concernant notre programme, notre stratégique, nos tactiques et notre orientation ainsi qu’en définissant les tâches prioritaires que cela implique.
Chaque membre n’est pas à chaque instant à la hauteur concernant tous les aspects de l’analyse du parti. Pour remédier à cela, pour leur offrir la possibilité de s’accrocher et pour sauvegarder notre analyse pour les prochaines générations, nous fixons les évènements majeurs et l’interprétation que nous en faisons dans un texte de perspectives. L’objectif est que les membres, à chaque fois qu’ils en ont besoin, puissent le consulter. Pour certains, même des membres expérimentés, la période du Congrès peut être trop courte que pour être en mesure de tout digérer. D’autres n’auront intégré en première instance que quelques notions, alors qu’une bonne partie des perspectives leur échappe encore. Ils ne doivent pas se faire de soucis à ce sujet. Nous prenons le temps nécessaire avec tous les membres pour les aider à absorber l’information. Pour certains, cela a encore été possible avant la tenue du Congrès. Pour d’autres, cela a pris plus de temps. Mais l’objectif global est toujours de former des membres conscients et politiquement formés capable d’aider le parti à développer ses analyses, son programme, sa stratégie et ses tactiques en connaissance de cause. C’est cela que nous entendons par une démocratie véritable.
Le Congrès est composé de délégués, mais ceux qui ne le sont pas sont également les bienvenus et peuvent prendre la parole. Seuls les délégués ont toutefois un droit de vote effectif, les autres étant invités à exprimer un vote consultatif. Si le temps disponible est trop limité pour permettre à chacun de parler, les délégués ont priorité.
Dans un texte précédent, nous avions écrit : « Pour rendre possible une réelle discussion au Congrès même, les sections élisent au prorata des membres en ordre de cotisation un certain nombre de mandatés/délégués, des gens dont ils connaissent les points forts et les faiblesses et que la section considère comme étant les meilleurs porte-paroles des tendances présentes dans chaque section. Ils participent au Congrès sans préjugé. Avec le but de s’enrichir par la combinaison des différentes compréhensions de toutes les sections et sans mandat impératif, car le Congrès est souverain. Sur base de toutes ces discussions, compréhensions et décisions finales, ils élisent une direction nationale, de préférence une équipe, qui, à côté de sa participation comme chaque membre à l’application quotidienne dans le cadre de sa section, prend également sur elle aussi la tâche de continuer à représenter le Congrès après sa dissolution jusqu’à ce que le prochain Congrès la libère de cette tâche. »
Pour le Bureau Exécutif,
Eric Byl. -
Congrès National du PSL: Il nous faut une alternative socialiste contre ce capitalisme à l’agonie!
Le 14e Congrès National du PSL a eu lieu le week-end dernier et a réuni des camarades de tout le pays. Cet évènement prend habituellement place tous les deux ans mais le magnifique plan d’action contre le gouvernement de droite de l’an dernier nous avait conduits à en reporter la tenue d’un an. Ce mouvement fut bien entendu l’objet d’une attention particulière lors de ce Congrès. Ses plus forts éléments ont été analysés, ceux qui ont clairement remis le mouvement des travailleurs sur le devant de la scène politique, de même que les limites et complications survenues, comme l’absence de mots d’ordres clairs pour un deuxième plan d’action jusqu’à la chute du gouvernement et l’absence d’une alternative politique face aux partis austéritaires.Une large attention a évidemment également été consacrée aux attentats de Paris, à l’instabilité mondiale et à la menace terroriste en Belgique. Ce système est véritablement malade, il n’apporte que misère, guerre et terreur croissantes pour la majorité de la population. C’est pourquoi nous nous organisons pour lutter pour une société différente, une société socialiste démocratique. Le potentiel pour ce changement fondamental de société est bel et bien présent. Pour peu que l’on fasse appel aux ressources et à la technologie existantes en fonction de leur utilité sociale, il nous serait possible à tous de connaître une vie des plus agréables. C’est le constat auquel aboutit le cosmologiste Stephen Hawking. Cela exige de poser autrement les questions relatives à la production, notamment pour faire face aux urgences écologiques et énergétiques, ce qui ne deviendra de l’ordre du possible que si la majorité sociale possède le contrôle et la gestion démocratiques des secteurs-clés de l’économie.
Mais alors qu’il serait possible pour chacun de mener une vie décente et épanouissante, nous subissons pauvreté, chômage, terrorisme, racisme, répression et exploitation. La politique d’austérité nous enfonce la tête sous l’eau. La politique étrangère impérialiste a échoué à en finir avec les guerres et les dictatures, elle n’a au contraire fait que les renforcer. Pourtant, les politiciens de l’establishment capitaliste réponde quasiment d’une même voix que la seule riposte contre la menace terroriste est un cocktail de répression et d’aventures guerrières. La dernière ‘‘guerre contre le terrorisme’’ a-t-elle été de nature à assurer une plus grande sécurité? La politique menée ces dernières années a-t-elle permis de prendre à bras-le-corps la pauvreté et l’exclusion sociale dans des quartiers comme Molenbeek? Effectuer la même chose encore et encore tout en espérant un résultat différent, c’est ainsi qu’Einstein définissait la folie.
La situation désastreuse du Moyen-Orient et ses conséquences qui parviennent jusqu’ici, avec la crise des réfugiés et la menace terroriste, ne démontrent qu’une chose : l’agonie de ce système. Le PSL considère son Congrès comme un moment de discussion collectif pour être plus forts ensemble dans la lutte contre ce système et pour défendre l’arrivée d’un système alternatif. Cela est possible, nous l’avons constaté fin 2014 avec le plan d’action syndical en Belgique et ailleurs dans le monde avec la croissance de la recherche d’une alternative. Nous voulons jouer un rôle dans ce processus, tant au niveau international qu’en Belgique. Les rapports des membres du PSL qui ont participé au développement de nos organisations-sœurs à Seattle et en Irlande étaient à ce titre une bonne source d’inspiration. Nos multiples interventions et les diverses avancées de notre travail politique au cours des trois années écoulées, en particulier au niveau syndical, ont également été matières à un bel enthousiasme.
Un contexte de peur et d’incertitude peut temporairement jouer un rôle paralysant sur le mouvement des travailleurs. Un débat politique entièrement dominé par la droite a inévitablement son impact sur de larges couches de la population. Mais rien ne peut venir de ce côté si ce n’est plus de misère, de guerre et de terreur, comme nous le constatons déjà aujourd’hui. La lutte pour le socialisme démocratique est plus que jamais d’actualité et ce combat dispose d’un potentiel bien présent. Renforcez le PSL et, ensemble, faisons face à l’énorme défi de changer de société!
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Congrès National du PSL : Appel financier
Le 14e Congrès National du PSL-LSP (depuis 1992) se réunit du 20 au 22 novembre. Pour nous, un Congrès est l’occasion de collectivement discuter en profondeur afin de parvenir à une clarification politique des processus à l’œuvre dans la société, ceci afin de déterminer quelles grandes orientations adopter pour notre travail politique. Si vous désirez disposer de nos textes de Congrès actuellement en discussion dans nos sections ou participer à ces débats, n’hésitez pas à prendre contact avec nous via redaction@socialisme.be.
Cher camarade,
Qui aurait imaginé il y a 2 ans encore voir se succéder deux des plus grandes mobilisations syndicales de ces 30 dernières années en Belgique ? Qui aurait imaginé l’arrivée d’un plan d’action historique et inédit à l’échelle internationale, une grève générale nationale consciemment préparée par une manifestation nationale et une tournée de grèves provinciales ? De nombreux militants du PSL se rappellent encore les rires de certains lorsque nous en évoquions la possibilité. D’autres riaient aussi des perspectives tracées par le CIO lors de son 10e Congrès mondial fin 2010, qui abordaient la résurgence à venir des luttes de masses révolutionnaires au Moyen Orient et en Afrique du Nord. Ils n’ont pas ri longtemps. Quelques semaines plus tard s’effondraient les régimes de Ben Ali et Moubarak. Tout ce qui a suivi ces grandioses évènements n’a fait que souligner l’absolue nécessité d’un parti socialiste révolutionnaire capable de tenir compte des flux et reflux de la conscience des masses et d’être flexible dans la tactique sans pour autant sombrer dans l’opportunisme en noyant les principes fondamentaux de son programme.
Etats-Unis, Brésil, Afrique du Sud, Irlande,… notre Internationale a su saisir les occasions qui se présentaient à elle pour peser sur le débat, en dépit de ses modestes moyens. Grâce à son Congrès mondial de janvier prochain, le CIO pourra approfondir l’analyse et le partage d’expérience de ses sections à travers le monde. De là se dégageront les leçons et les perspectives qui nous permettront de renforcer notre intervention et d’aider le processus de révolution et de contre-révolution à décisivement pencher en faveur de la classe des travailleurs et des pauvres. La colère n’a pas fini de gronder et, plus encore, elle mûrit.
En Belgique, même notre parti a été agréablement surpris par les 100.000 manifestants du 7 octobre. Ni les tentatives de diviser la population, ni l’incertitude distillée par les sommets syndicaux après la magistrale grève générale du 15 décembre ne sont pour l’instant parvenus à étouffer la volonté de lutte active. Le génie du mouvement de masse de la classe des travailleurs est sorti de sa lampe et a refait la démonstration de sa force potentielle de changement de la société. Le gouvernement n’a su jusqu’ici se préserver de la chute que grâce au manque d’alternative de la part des directions syndicales.
A l’école, en entreprise, ou même sur un zoning commercial ou industriel, nos militants se sont non seulement constitué une précieuse expérience, mais ils ont également démontré dans la pratique la plus-value que représente l’activité d’un marxiste pour les luttes et qu’un parti n’est pas nécessairement synonyme de machine électorale. Notre travail syndical est clairement entré dans un nouveau cycle. Disposer, à terme, d’un permanent entièrement consacré à ce domaine est un projet que nous voulons concrétiser.
Les luttes récentes ont à nouveau souligné le rôle que peut jouer la jeunesse dans la résistance sociale. Nous avons considérablement investi dans ce travail, en renforçant dès cet été notre équipe de permanents, tant du côté francophone que du côté néerlandophone. Cela nous a permis de continuer à capitaliser sur les efforts passés, notamment suite au rôle dirigeant joué dans le mouvement écolier anti-austérité à Gand. La dynamique des Etudiants de Gauche Actifs est aujourd’hui en plein développement, avec l’implication de dizaines de jeunes, certains ayant déjà rejoint le PSL pendant que d’autres nous observent avec attention.
A l’occasion du 14e Congrès du PSL-LSP, et du 11e Congrès du CIO-CWI, nous lançons un appel exceptionnel aux dons avec l’objectif de récolter 20.000€. 8 camarades y ont déjà contribué pour plus de 2.700€. Même si près de la moitié de cet appel servira à l’organisation du Congrès mondial, la majorité de cette somme servira toutefois à financer de gros investissements pour le PSL, notamment dans notre travail jeunes, ainsi qu’à préparer le parti à la future croissance de son activité et de son nombre de membres.
Nous demandons à chaque membre, quels que soient ses moyens, de participer à cet appel en faisant une promesse de don. En fonction de ses propres possibilités bien sûr, et personne ne sera jugé sur le montant qu’il décide de donner au parti. Mais, s’agissant d’un appel et d’un objectif exceptionnels, nous demandons à chaque camarade de réellement considérer de faire une donation exceptionnelle. Ce sera quelques dizaines d’euros pour certains; quelques centaines, voire milliers, pour d’autres. Chaque don sera utilisé de la meilleure des manières pour assurer la réalisation de notre projet politique.A côté de cela, nous demandons à chacun de réévaluer le montant de sa cotisation en fonction de la moindre possibilité de l’augmenter. Nous demandons également aux camarades moins réguliers dans le paiement de leur cotisation mensuelle de recommencer à la payer, notamment à l’aide d’un ordre permanent bancaire. Il s’agit d’un précieux gain de temps pour les responsables du financement du parti. Nous visons à disposer de 500€ de plus par mois grâce à ces augmentations et remises en ordre de cotisations dans l’élan du Congrès National.
Si 2014 et 2015 ont représenté d’importants pas en avant pour la construction du parti révolutionnaire en Belgique et dans le monde, nous ne doutons pas que ce sera également le cas en 2016. Une assise financière solide est la meilleure garantie que nos idées politiques deviennent une force parmi les masses.
Pour le bureau exécutif du PSL,
Stéphane Delcros.Modalités de paiement:
– en cash, au responsable du PSL de ta section ou de ta région.
– par virement, sur le numéro de compte du PSL: BE69 0012 2603 9378 (BIC: GEBA BE BB), avec en communication : ‘COTISATION’ ou ‘DON’. -
13e Congrès National du PSL-LSP
Ce week-end s’est tenu le 13e Congrès National du PSL-LSP (depuis 1992) en présence de 122 personnes, dont 59 délégués. L’atmosphère sérieuse, combative et dynamique a clarifié que notre organisation est en bonne forme pour affronter les défis qui ne manqueront pas de se présenter à nous à l’avenir.
Pour nous, un Congrès est l’occasion de collectivement discuter en profondeur afin de parvenir à une clarification politique des processus à l’oeuvre dans la société, cela afin de déterminer quelles grandes orientations adopter pour notre travail militant. Les discussions menées au Congrès avaient été préparées des semaines durant dans toutes nos sections sur base d’un texte de bilan et de perspectives politiques (“A la veille de nouveaux conflits plus violents, les contradictions de classe commencent également à s’exprimer sur le terrain politique. La crise structurelle du capitalisme nécessite un programme socialiste !”) et d’un autre consacré à la construction de notre parti depuis le dernier Congrès de décembre 2010. Cet évènement très important dans la vie de notre parti fut l’occasion de pouvoir apprécier l’évolution de notre travail politique et de tirer les leçons de la période passée afin de renforcer notre fonctionnement.
Un rapport plus long arrivera bientôt sur ce site, de même que notre texte de bilan et de perspectives politiques.
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[DOSSIER] 12e Congrès National du PSL/LSP: La grande récession Le début d’une période de lutte de classes plus intense
Du 29 octobre au 1er novembre s’est déroulé le 12e Congrès du PSL (depuis 1992). La très bonne participation et les discussions politiques intenses ont permis à ce Congrès d’être une véritable réussite. Pour le PSL, un Congrès est l’occasion de discuter en profondeur afin d’arriver à une clarification politique des processus à l’oeuvre dans la société, afin de déterminer les grandes orientations de notre travail militant. Nous publions ici deux rapports de ce Congrès, et nous vous invitons à prendre connaissance du principal document de congrès, disponible sous forme de brochure à la rédaction et en ligne sur www.marxisme.be. Le rapport ci-dessous est basé sur les introductions de Nicolas Croes concernant la partie internationale et d’Anja Deschoemacker concernant la situation belge.
Dossier tiré de l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste
La crise mondiale
Toutes les belles paroles des porte-paroles des sommets financiers au sujet de la fin de la crise ont été rattrapées par la réalité et leur autorité est sévèrement remise en question. Dans le journal britannique The Guardian, on s’est ainsi demandé si les avis du Fonds Monétaire International ‘‘sont meilleurs que ceux d’un ivrogne dans la rue?’’. Les capitalistes ont, en fait, eu de la chance que la classe des travailleurs ne dispose pas de ses propres partis de masse. Si le capitalisme survit à la crise, cela ne tient en rien à sa propre force, mais plutôt à l’absence de la diffusion massive d’une alternative.
La spéculation et le crédit n’offrent plus de voie de sortie
La machine capitaliste a des ratés depuis un certain temps déjà. Pourtant, ces dernières années, de gigantesques profits ont été réalisés, non pas grâce à des investissements dans la production, mais par le biais de baisses d’impôts pour les grandes entreprises et d’augmentations de la flexibilité pour les travailleurs. Les bénéfices ainsi dégagés ont été utilisés dans la spéculation. Pour maintenir debout l’économie et la vente de ce qui était produit, on a encouragé les travailleurs à dépenser non seulement leur salaire, mais aussi celui qu’ils n’avaient pas encore gagné, en stimulant le crédit. La spéculation n’a fait que grandir dans le secteur financier.
Les contradictions internes au système ont temporairement pu être masquées par une montagne de crédit, jusqu’à ce que la machine se grippe. En 2008, 50 milliards de dollars de valeurs ont disparu avec la crise financière. Le spectre de la crise de 1930 est alors apparu mais, cette fois-ci, les gouvernements sont directement intervenus, massivement, et la collectivité a repris à sa charge le fardeau des déficits des banques. Il s’agissait à chaque fois de montants énormes, représentant des sommes de 1.400 ou 1.600 euros par habitant dans nos pays voisins. Mais cela n’a pas suffi à sortir le système capitaliste de la crise. Le commerce mondial a chuté de 11% en 2008, tandis que le chômage a augmenté à travers le monde pour devenir partout plus structurel. Rien qu’aux Etats-Unis, 8 millions d’emplois ont disparu et le taux de chômage officiel a doublé.
Les contradictions remontent à la surface Toutes les contradictions noyées sous le flot de crédits bon marchés sont maintenant de retour sur le devant de la scène.
L’Union Européenne est ainsi sous pression et il est clair qu’une unification européenne sur base capitaliste n’est pas une option crédible à long terme. Les pays européens n’ont connu aucune harmonisation et les pays qui connaissent des problèmes ne peuvent plus appliquer de politique de dévaluation de leur monnaie avec la monnaie unique. D’autre part, les conflits entre grandes puissances augmentent, comme entre l’Allemagne et la France.
Tout espoir d’amélioration basé sur une relance économique limitée est vain. La relance actuelle est loin de restaurer tout ce qui a été perdu. Cela a conduit à une discussion sur la poursuite d’une politique de stimulation de l’économie ou l’application d’une politique d’austérité de coupes budgétaires.
Obama s’est retrouvé isolé au sommet du G20 de Toronto, en juin, mais même s’il prêchait une politique de stimulation, les différents états fédérés des Etats- Unis appliquent des politiques d’austérité. A certains endroits, les transports en commun ont même tout simplement été supprimés !
Où est le mouvement ouvrier organisé ?
Les partis sociaux-démocrates, comme les PS ou le parti travailliste en Grande- Bretagne, étaient autrefois des partis ouvriers-bourgeois (ouvriers à leur base, bourgeois à leur direction), mais ce sont maintenant des partis totalement bourgeois. Dans de nombreux pays, même le taux de syndicalisation et l’implication active dans les syndicats ont reçu de grandes claques. Il n’y a plus de large conscience socialiste, même confuse, avec en conséquence le fossé existant actuellement entre les conditions matérielles ainsi que les nécessités objectives et la conscience des masses.
Même là où des mouvements de masse se développent, le problème de la direction reste un facteur compliquant, comme en France ou en Grèce. Même les forces de gauche les plus conséquentes n’ont apporté ni des mots d’ordre capables de construire le mouvement ni un programme nécessaire pour aller de l’avant. A un journaliste qui lui demandait quelle solution il défendait, un porte-parole du KKE (le parti communiste grec) a ainsi répondu que le KKE était pour la révolution, mais que comme les travailleurs n’étaient pas prêts, ils ne pouvaient rien faire.
Mais les mouvements et mobilisations se poursuivent. La grève générale du 29 septembre en Espagne a mobilisé 10 millions de grévistes, et différentes journées d’action en France ont mis 3,5 millions de manifestants dans les rues. Même là où les directions syndicales ne prennent pas la moindre initiative, des actions se développent, comme en Irlande ou en Grande-Bretagne (ou respectivement 40.000 et 50.000 étudiants ont manifesté). La journée d’action européenne du 29 septembre était un bon pas en avant, l’idée d’une journée d’action européenne était très bonne, mais aucun mot d’ordre n’est venu pour un plan d’action européen vers une grève générale européenne. Cette idée n’a pas non plus été défendue par les nouvelles formations de gauche (le NPA en France, Syriza en Grèce,…). Comme pour illustrer cela, on avait déjà pu lire au début de cette année dans le Financial Times que la gauche restait absente au moment précis où se présentait tant d’opportunités pour elle.
Le capitalisme menace notre avenir
Le capitalisme n’a que la crise à nous offrir. La crise économique est désastreuse pour notre niveau de vie, mais nous sommes aussi sous la menace de la crise écologique. Le capitalisme rend plus terribles les conséquences de chaque catastrophe naturelle, catastrophes d’ailleurs largement considérées comme des “opportunités” pour réaliser ensuite plus de profits.
Ce système ne fait que menacer notre niveau de vie; il est grand temps de construire et d’organiser les forces capables de lui résister, avec une direction politique adéquate pour enfin parvenir au changement de société crucial qui s’impose.
Belgique: de la crise vers la politique d’austérité
Ces trois dernières années, la crise s’est exprimée à différents niveaux: une crise bancaire, une crise de l’économie réelle et une crise des dettes. Le chômage a augmenté et tous les services publics connaissent des pénuries de moyens. Cet élément est dominant en Belgique, mais l’accent est mis sur la crise politique, même si l’atmosphère actuelle est à ce niveau différente de celle de 2007. A l’époque, les médias étrangers parlaient de la scission à court terme du pays. Aujourd’hui, on s’est rendu compte que ce n’était pas si simple que cela, et notre pays est de plus loin d’être l’exception en termes de crise politique.
La crise économique n’est pas finie
La crise politique a eu pour conséquence que le tournant vers une politique d’austérité dure n’a pas encore été adopté. Mais la politique d’austérité, nous la connaissons depuis des années déjà, avec le sous-investissement chronique des routes, des écoles,… et des services publics. L’objectif était de réduire la dette de l’Etat, processus renforcé par la pression de l’Union Européenne. L’argument a été resservi durant 30 ans pour ne pas investir mais, quand la dette de l’Etat a été réduite à 80% du Produit Intérieur Brut (les richesses produites en une année dans le pays), il a fallu sauver les banques et la dette est remontée à 100%. Deux décennies de perte de pouvoir d’achat et de diminution de services publics de plus en plus chers ont été jetées à la poubelle en un weekend.
Ce qui arrive maintenant en Irlande avec la nouvelle opération de sauvetage pour l’Anglo Irish Bank illustre que nous pouvons nous attendre à de nouveaux problèmes dans le secteur. Cela signifie qu’une grande partie des garanties peuvent être utilisées, et la Belgique s’est porté garante à hauteur de 25% de son PIB. Nous connaissons déjà un chômage chronique de 700.000 personnes (en prenant également en compte les chômeurs les plus âgés), 100.000 personnes travaillent sous le système des chèques services et beaucoup de jeunes et de femmes travaillent à temps partiel ou en intérim, passant d’un contrat précaire à l’autre.
Des riches plus riches, des pauvres plus pauvres
Entre 2000 et 2008 les bénéfices des entreprises avaient doublé et, en 2008 toujours, le taux d’impôt réel des sociétés était de 13,6% (le taux officiel est de 33%). Sept des plus grosses entreprises ont été tellement créatives au niveau fiscal qu’elles n’ont même pas dû payer d’impôt. Ces cadeaux fiscaux ont pillé les caisses de la sécurité sociale pour sécuriser les profits. Cette année encore, 9 milliards d’euros auront été distribués au patronat. La politique néolibérale assure que la Belgique soit un pays pauvre avec une bourgeoisie riche. C’est aussi pourquoi notre pays n’est pas visé par les spéculateurs, malgré la crise politique et la dette élevée de l’Etat.
La pauvreté est aujourd’hui un phénomène en pleine extension, y compris parmi ceux qui travaillent. Concernant ce dernier point, les données les plus récentes datent d’avant la crise économique, et il est incontestable qu’elles ont augmenté depuis. Presque la moitié des travailleurs ne peut pas épargner 100 euros par mois !
La casse sociale mène à la division
Dans les années ‘80, les sociaux-démocrates et les chrétiens-démocrates ont prétendu que notre pays connaissait des soins de santé accessibles et de qualité et qu’il était un modèle d’Etat Providence. Ce constat était sans aucun doute exagéré mais, depuis lors, les soins de santé ont subi une offensive spectaculaire et de grandes brèches ont été ouvertes pour le privé.
La pénurie de moyens conduit à la division. On a joué sur cet élément au niveau national, mais aussi entre les syndicats et les mutuelles, pour limiter la norme de croissance du budget des soins de santé par exemple, alors que de plus en plus de personnes sont concernées. Ceux qui souffrent d’une maladie chronique ou d’un handicap courent de grands risquent de connaître la pauvreté. Une régionalisation accrue des soins de santé ne conduira qu’à plus de coupes budgétaires.
Les partis nationalistes flamands veulent renforcer les sous-nationalités existantes (les communautés) et les transformer en Etats fédérés. C’est l’idée derrière la ‘‘révolution copernicienne’’ du CD&V. Mais une scission des soins de santé entraînera des différences de salaires et rendra plus difficile encore à la région la plus pauvre d’avoir suffisamment de personnel.
Le mouvement ouvrier a besoin de son propre instrument politique
Des réponses existent déjà dans le mouvement ouvrier face aux propositions de mesures antisociales et à celles qui sont déjà appliquées. Les syndicats disposent d’arguments, mais d’aucun instrument politique pour les faire valoir. Les bonnes dispositions des dirigeants syndicaux envers leurs actuels partenaires politiques privilégiés des partis traditionnels pèsent sur le développement du mouvement des travailleurs.
Dans notre pays, appliquer une thérapie de choc, une offensive brutale contre les acquis des travailleurs, serait contre-productif au vu de la force potentielle des syndicats. On lui préfère la ‘’tactique du salami’’, une attaque étape par étape pour vider ces acquis de leur substance sans nécessairement les supprimer. A cela est liée une tactique de diviser-pour-mieux-régner. Si la division entre catholiques et laïcs a perdu de son importance, l’expression organisationnelle de cette division a toujours son importance aujourd’hui avec l’existence de deux grands syndicats.
Une réforme d’Etat pour la casse sociale
Une politique de division peut exploser au visage de la bourgeoisie, comme cela s’était produit avec la question scolaire. C’est ce à quoi nous assistons maintenant avec la surenchère communautaire instrumentalisée ces dernières années pour éviter toute confrontation de classe sur le plan national. Le meilleur exemple est l’enseignement, où les économies ont été réalisées région par région, avec pour résultat le manque de place que nous connaissons aujourd’hui dans les écoles. Les seules réponses étaient d’augmenter le nombre d’élèves par classe ou d’utiliser du préfabriqué ‘’provisoire’’.
La bourgeoisie souhaite une réforme d’Etat pour briser la sécurité sociale. Les attaques contre les pensions des fonctionnaires pourront plus facilement être menées sur le plan régional. Une fois l’offensive passée dans une région, cela servira d’argument pour passer à l’attaque dans l’autre. Mais la tentative d’atteindre l’étape d’une nouvelle réforme d’Etat et de recourir aux oppositions nationales a explosé au visage de la bourgeoisie, avec trois ans d’instabilité politique (ce n’est pas encore fini) et la détérioration de la position du principal instrument politique de la bourgeoisie : le CD&V.
En Flandre, tous les partis traditionnels sont discrédités, ce qui a ouvert l’espace à toutes sortes de petites forces populistes. Avec son cartel conclu avec la N-VA et l’utilisation, particulièrement forte, de la question nationale, le CD&V s’est considérablement éloigné du syndicat chrétien, son allié traditionnel. Aux dernières élections, la CSC/ACV a ainsi appelé à voter pour les “forces démocratiques” et à ne surtout pas voter pour la N-VA. L’appel de vote n’était donc plus exclusivement orienté vers le CD&V. Le programme que défend la CSC/ACV dans le cadre de la réforme d’Etat ne correspond pas à celui du CD&V. Une rupture totale entre ce parti et le syndicat chrétien n’est pas encore directement à l’ordre du jour, mais est à terme inévitable. La même chose vaut pour la FGTB/ABVV, même si ce dernier a encore appelé à voter exclusivement pour le SP.a aux dernières élections. Mais la présidente du SP.a Caroline Gennez a été très claire: pour se rétablir dans les suffrages, le SP.a ne compte pas se rapprocher de la FGTB/ABVV et de sa campagne contre la N-VA, campagne qu’elle a qualifiée de stupide. Tant les sociaux-démocrates flamands que les verts trouvaient que la note de Bart De Wever était une bonne base pour les négociations. Que reste-til encore à gauche dans ces partis ?
Vers de nouvelles élections ?
Les négociations gouvernementales durent encore. La N-VA a joué à beaucoup de petits jeux et le PS a fixé les limites à ne pas dépasser, pas seulement en tant que parti francophone le plus fort, mais aussi en tant que porte-parole de la bourgeoisie belge. En Flandre, l’opération visant à tacher le panache blanc de la N-VA a déjà commencé depuis un petit temps. Il n’est pas encore exclu que la NVA parvienne à un accord pour former un gouvernement, mais De Wever devra alors baisser son pantalon. Il avait qualifié sa note de base minimum, même après qu’elle ait été détruite par des académiciens. Si ce parti ne veut se limiter qu’à ce contenu, il se trouvera de plus en plus isolé. C’est la stratégie observée par tous les partis traditionnels. Même les libéraux de l’Open VLD ont refusé de voter d’urgence la scission de BHV.
Un phénomène électoral comme la N-VA peut être brûlé de différentes façons, la participation gouvernementale en est un. Il est encore possible que la N-VA remporte à nouveau des élections, mais que signifient ces votes si on n’est pas capable d’en faire quelque chose ? Ce scénario est encore possible à l’issue de la présidence belge de l’Union européenne. Et même si la N-VA fait partie d’un gouvernement, le manque de confiance sera tel qu’une chute rapide n’est pas à exclure. La bourgeoisie veut en finir avec la N-VA et veut un repositionnement du paysage politique flamand à droite ou au centre-droit, avec un nationalisme flamand pragmatique comme lien.
Il nous faut un nouveau parti des travailleurs
La question d’un nouveau parti des travailleurs deviendra de plus en plus une question cruciale. Les critiques contre le SP.a et Groen sont déjà fort présentes, mais le PS sera également touché par le discrédit. Le prochain gouvernement devra mener une politique d’assainissement et ne disposera que de très peu d’espace pour tempérer ses attaques. Le premier test arrive déjà avec les négociations de l’Accord Interprofessionnel, s’il sera toutefois possible d’arriver à un accord entre partenaires sociaux, entre patrons et syndicats. A l’occasion de ces négociations, une lutte généralisée n’est pas à exclure. Si aucun Accord Interprofessionnel n’arrive, des actions peuvent avoir lieu dans les secteurs où de gros bénéfices ont été réalisés.
Le PSL doit être préparé à une période complexe et difficile. Mais malgré la confusion présente, sous la surface vit une grande colère. Nous devons être présents là où cette colère pointera. C’est là que notre parti doit se renforcer, tant en termes de membres qu’au niveau de son influence et de son autorité auprès de couches plus larges. Nous devons être présents pour aider à disperser le plus rapidement possible la confusion et le brouillard en apportant la perspective de la lutte contre le système lui-même, vers une société démocratiquement planifiée.
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[PHOTOS] 12e Congrès National du PSL-LSP
Le Parti Socialiste de Lutte / Linkse Socialistische Partij a tenu son 12e Congrès ce week-end. Nous organisons un Congrès tous les deux ans. Il ne s’agit pas pour nous d’un événement anodin avec beaucoup de blabla avant de retourner dans le quotidien. Notre Congrès a pour objectif de lancer un débat politique collectif concernant la situation objective dans laquelle nous nous trouvons, en fonction de quoi nous discutons ensuite de la meilleure manière d’adapter notre travail. Cette année, l’enthousiasme était particulièrement frappant, notamment dopé par nos interventions de solidarité en France. Nous reviendrons sur ce Congrès dans les jours à venir, mais voici déjà quelques photos.
Par Johan, Soo Ra et Nico
Pour tous les membres, ce Congrès a été l’opportunité d’avoir une meilleure compréhension de la situation économique, politique et sociale dans laquelle nous vivons et sommes politiquement actifs. Ce Congrès a été préparé dans nos sections à travers tout le pays à l’aide d’un texte de perspective préparé par notre Bureau Exécutif et débattu une première fois lors de notre Comité National des 11 et 12 septembre. Après cela, la discussion a été organisée dans les différentes sections. Un texte organisationnel a également été soumis à discussion un peu plus tard. Par après, des sections et/ou des membres ont pu diffuser leurs contributions et amendements. Le texte de perspective sera publié sur notre site www.marxisme.be, sous la rubrique “documents du parti.”
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La crise exige une modification de la politique économique – La lutte des classes en déterminera le caractère (Seconde partie)
Dans cette partie nous expliquons les racines de la crise économique actuelle. Pourquoi l’Etat Providence, qui a tout de même été un tel succès, n’a plus été tenable? Comment la bourgeoisie a-t-elle changé sa politique économique et a posé les bases des économies de ‘bulles’? Nous concluons cette partie en décrivant les mesures avec lesquelles la bourgeoisie espère pouvoir s’en sortir ainsi que le caractère maniacodépressif qui a également caractérisé la bourgeoisie à l’approche de la grande dépression de 1929. Finalement, nous parcourons la réaction du mouvement des travailleurs sur le plan mondial.
Texte de perspectives du Congrès National DU PSL/LSP. Ce texte a été écrit durant l’été.
Les racines de la crise – la valeur du travail
30. Notre courant a caractérisé la période qui a suivi la crise de ‘73 – ‘75 comme une dépression. Tout le monde n’entend pas la même chose par « dépression » et la signification a en plus changé avec le temps. (1) Nous utilisons la description de Friedrich Engels dans son introduction au Capital: une longue période de stagnation ou de déclin économique caractérisée par un chômage structurellement élevé. Dans son livre Capitalism Unleashed, Andrew Glynn a publié un graphique comprenant les taux de chômage en Europe, au Japon et aux USA entre 1960 et 2004 (2). Aussi bien en Europe qu’au Japon, le taux de chômage entre 1960 et 1975 est resté stable autour de 2%. À partir de ’75, il a quadruplé en Europe pour atteindre 8% au milieu des années ’80 et 10% au milieu des années ’90. Il a diminué par la suite, mais pas au point de retourner au niveau d’avant la crise. En 2007, le chômage européen a atteint provisoirement le point le plus bas de 7,4%. Au Japon, le chômage a grandi constamment à partir de ‘75 pour atteindre 5% en 2000, après quoi il a diminué jusqu’au point le plus bas de 3,8% en 2007 mais en mai 2008, il avait de nouveau augmenté jusqu’à 4,1% (3). Aux USA, le chômage est passé entre ’62 et ’70 de 6% à moins de 4% et a alors augmenté vers presque 10% en 1982. Après une forte diminution jusqu’à moins de 4% début 2000, le taux de chômage s’élève aujourd’hui à 6,1%.(4)
31. C’est toutefois surtout la diminution du taux de profit et la tendance systématique à la surproduction qui a annoncé la dépression. Sous la pression d’une concurrence sans cesse plus forte, les capitalistes ont été obligés d’installer des machines toujours plus performantes devant être amorties toujours plus rapidement. Les machines, les bâtiments et les matières premières sont appelées capital fixe par Marx parce qu’ils transfèrent leur valeur au produit fini sans ajouter de valeur supplémentaire. Dans le cas des matières premières, ce transfert de valeur est parfois même physiquement perceptible, mais la valeur des bâtiments de l’entreprise et des machines passe de la même manière peu à peu vers le produit fini. Le capitaliste calcule la location qu’il paye pour les lieux d’exploitation et les bâtiments, tout comme il calcule l’amortissement des machines et l’achat des matières premières dans le prix du produit fini.
32. La valeur des machines et des bâtiments est déterminée, tout comme celle des matières premières, par la moyenne de la quantité de temps de travail socialement nécessaire exigé pour les produire. Si le producteur de matières premières, le propriétaire de l’entreprise et le fournisseur des machines donne un prix plus haut que la valeur moyenne de temps de travail socialement nécessaire pour produire ses marchandises, alors il ne trouve pas d’acquéreur, à moins qu’il ne dispose d’une position de monopole ou qu’il soit arrivé avec ses concurrents à établir un cartel. Mais si, volontairement ou sous la pression d’un grand client, il décide de donner un prix en dessous de la valeur, alors il pourra fermer ses livres de compte après quelque temps ou souffrir de pauvreté. Le prix peut aussi être troublé par un afflux spéculatif de moyens financiers grâce auxquels il dépasse temporairement la valeur réelle. Nous avons ici en fait à faire avec une perturbation, une quantité d’argent qui ne correspond pas à la quantité de marchandises existante et mène inévitablement à un saut inflationniste ou une diminution de la valeur de l’argent.
33. Dans sa théorie de la plus-value, Marx explique que le secret de l’exploitation capitaliste réside justement dans le fait que le travailleur ne vend pas le résultat de son travail, mais sa capacité à travailler, sa main d’œuvre. Le salaire, le prix payé pour cela par le capitaliste, a été déterminé socialement et concorde avec la valeur de la moyenne de la quantité de main d’œuvre exigée pour entretenir le travailleur et sa famille selon les normes sociales ainsi que pour se reproduire. Avec le terme de salaire, nous voulons bien entendu parler du prix total de la main d’œuvre, le salaire brut, en comptant aussi le salaire perçu sous la forme de contributions sociales et de charges patronales. Pour le capitaliste, il faut organiser les processus de production de telle manière que le travailleur mette à disposition sa force de travail plus longtemps que de besoin pour gagner son salaire. Durant le temps qui reste, le travailleur fournit un travail non-rémunéré ou plus-value. (5) La main d’œuvre est l’unique force de production qui produit plus de valeur que la sienne pour le produit final. C’est pour cela que Marx appelle la main d’œuvre le capital variable. La relation entre la quantité de travail non-rémunéré, ou plus-value, et la quantité de travail payé, ou capital variable, exprime le taux d’exploitation.
34. Le capitaliste n’est toutefois pas spécialement intéressé par le taux d’exploitation, mais bien par la relation entre son rendement, la plus-value, et son investissement total, capital fixe et variable ensemble. Il n’arrête pas de nous rappeler que nous ne pouvons pas nous imaginer combien il a dû investir avant qu’il n’ait pu lancer la production. Et effectivement, sous la pression de l’irrationnel et non planifié capitalisme de la libre concurrence, le pauvre capitaliste est obligé d’investir une partie toujours plus grande de son capital dans le capital fixe ce qui lui laisse moins pour le capital variable, le capital créateur de valeur. Selon les termes de Marx: la composition organique du capital, la relation entre le capital fixe et le capital variable, se modifie à l’avantage du capital fixe, qui ne crée pas de valeur. Résultat : la quantité de plus-value réalisée par unité de capital investi, ce que Marx appelle le taux de profit, à une tendance continuelle à la baisse (6). En outre, l’immense majorité de la population a, justement parce que le capitalisme est basé sur le travail non-rémunéré, des revenus insuffisants pour consommer toutes les marchandises produites. Les capitalistes sont insuffisamment nombreux pour absorber cette abondance, pour autant qu’ils soient eux-mêmes déjà disposés à consommer les déchets qu’ils produisent pour nous.
L’essor et la chute de l’Etat-providence
35. Cela semble paradoxal, mais justement à cause de la force du mouvement ouvrier, cela n’a pas produit de grands problèmes jusqu’au début des années ’70. Pendant l’âge d’or, de 1950 à 1975, les pays capitalistes développés ont connu une croissance annuelle de 4,9%, ce qui est au moins le double de chaque période précédente. On a produit pendant un quart de siècle plus que pendant les trois quarts de siècle précédents. Dans les pays capitalistes développés, entre ’65 et ’73, les salaires réels ont augmenté de 3,5% par an en moyenne, un taux plus élevé que celui de la productivité, qui augmentait annuellement de 3,2%.(7) En dix ans, les salaires en Belgique ont été multipliés par cinq, ce qui correspondait pour les salaires horaires réels à une croissance de 110% entre 1960 et 1970. (8) Pour les 19 pays de l’OCDE, l’allocation moyenne a augmenté de 28% du salaire moyen en 1960 à 35% en 1974 et à 43% en 1979. (9) La politique économique dominante, le keynésianisme qui a conduit à ce qu’on nomme l’Etat-providence, était axée sur la stimulation de la demande, ce qui devait éviter de futures récessions. (10) Les augmentations importantes de salaire, d’allocation et de dépenses publiques, tant pour des services que pour les infrastructures, ont constitué les forces vives pour l’application de nouvelles techniques de production visant à la production de masse.
36. Ces facteurs mêmes qui avaient tant stimulé la croissance et avaient permis que le capitalisme semblait se dépasser lui-même, tôt ou tard, devaient précisément entrer en conflit avec les limites du capitalisme, devaient se renverser en leur contraire dialectique et devaient freiner chaque développement suivant. (11) Or, la bourgeoisie ne pouvait pas se convertir à tort et à travers à une autre politique économique, partiellement par crainte de la réaction du mouvement ouvrier, partiellement parce qu’elle ne n’en était pas encore sortie elle-même. Pendant 6 ans elle a cherché une alternative adéquate mais entre-temps, la politique économique keynésienne a continué, ainsi que les problèmes que celle-là apportait, comme la stagflation, la combinaison d’un ralentissement de croissance économique et d’une inflation galopante et des dettes publiques en hausse.
La lutte pour le redressement du bénéfice – les monétaristes reprennent les affaires
37. Paul Volcker, le président de la Federal Reserve américaine entre août ’79 et août ’87, disait après coup que ‘l’acte individuel le plus important du gouvernement dans la lutte contre l’inflation, a été la défaite de la grève des aiguilleurs du ciel’.(12) Cela a permis au président des Etats-Unis de l’époque de créer les conditions pour la conversion d’une économie de la demande vers une économie de l’offre. Désormais, on ne lutterait plus contre les récessions en stimulant la demande, le pouvoir d’achat, mais en stimulant les producteurs à travers des réductions d’impôts. Reagan était disciple de la « courbe de Laffer » qui estime que la perte des rentrées suite à la réduction d’impôts est amplement compensée par les rentrées supplémentaires qui font suite à la stimulation économique. A la vérité, sous le règne de Reagan, la dette publique des Etats-Unis a augmenté de 700 à 3.000 milliards $. (13) Ce que la grève des aiguilleurs du ciel a été pour les Etats-Unis, la grève des mineurs de mars ’84 à mars ’85 l’a été pour la Grande-Bretagne et d’une certaine manière pour toute l’Europe; si Reagan était devenu champion de la bourgeoisie des Etats-Unis, la dame de fer Thatcher l’était pour la bourgeoisie européenne.
38. Reagan et Thatcher étaient tous les deux adeptes du monétarisme. Entre ’79 et ’82 le gouvernement Thatcher a augmenté le taux d’intérêt réel de -3% à +4%. (14) Ce ne sont pas seulement les emprunts qui sont devenus plus chers, mais en plus la livre britannique est devenue beaucoup plus coûteuse, ce qui constituait un désavantage pour l’exportation. Le chômage a sauté de 5% en ’79 à 11% en ’83. Le président de la Fed, Volcker, aujourd’hui considéré comme celui qui a refoulé la stagflation, a copié cette politique et a poussé l’intérêt réel entre ’79 et ’83 d’un intérêt légèrement négatif à +5%. Le chômage a grimpé de 5% en ’79 à 10% en ’82, mais en même temps l’inflation a diminué de 13% en ’80 à 3% en ’83. En bref : on avait enfin découvert la méthode et rassemblé la volonté politique pour répercuter la crise sur les travailleurs et leurs familles. Bientôt, la politique monétariste allait devenir la politique économique dominante dans tous les pays capitalistes développés.
39. Reagan, Thatcher, Volcker et d’autres personnages-clés de l’application et de la capacité à faire accepter des recettes monétaristes n’avaient sûrement eux-mêmes pas prévu jusqu’où leur politique mènerait. Ils avaient lancé une attaque contre les acquis des travailleurs. Le chômage massif avait créé une armée de travailleurs de réserve qui allait bientôt être utilisée pour faire pression sur les salaires et les conditions de travail. La législation du travail devait être assouplie ou supprimée. C’est ce qu’on a appellé la libéralisation, officiellement ‘la libération du travail des limitations nuisibles’ nous dirions plutôt ‘la liberté d’exploiter la main-d’œuvre’. L’intervention de l’Etat était considéré comme indésirable et le “laissez-faire” économique devait finalement conduire à un effet trickle-down (effet de ruissellement) de sorte que, selon eux, les plus pauvres puisse en profiter également. Entre-temps, les services publics ont été assainis ou, dit plus joliment, « responsabilisés ». Ils sont devenus des entreprises autonomes au lieu de services. On les a ainsi préparé aux privatisation, autre caractéristique du néolibéralisme.
40. Par l’intermédiaire de l’introduction de la flexibilité, on a diminué le travail nécessaire, le travail nécessaire à payer l’achat de main d’œuvre (les charges salariales), et on a renforcé la plus-value ou la quantité de travail non payée. La flexibilisation des contrats de travail, l’introduction du travail à temps partiel, des contrats temporaires ainsi que du travail intérimaire et étudiant ont fait en sorte que les pics de production étaient fournis de façon flexible et que le capitaliste n’était plus obligé de maintenir un certain nombre de travailleurs excédentaires pendant les moments non productifs. L’introduction du travail en équipe et des systèmes continus ont offert la possibilité que les machines soient utilisées à 100% durant leur “cycle de vie”. La surélévation du rythme de travail, soit en accélérant les machines, soit en appliquant des “techniques de management” qui éliminent des moments perdus, comme les pauses pipi, ont fait partie du processus de production de même que l’organisation de la concurrence entre filiales d’une même entreprise pour s’emparer des commandes suivantes. Toutes ces mesures visaient au rétablissement du taux de profit, la quantité de profit par quantité de capital investi.
La lutte pour le rétablissement du taux de profit – le secteur financier se gonfle
41. La chute du stalinisme et l’arrivée soudaine et massive de main d’œuvre disponible pour l’exploitation a énormément renforcé le néolibéralisme. La menace de la délocalisation pour arracher des conditions plus favorables pour les patrons existait déjà auparavant, mais cela a largement été renforcé avec la proximité de l’Europe de l’Est d’abord, le développement des pays émergents ensuite, et la possibilité des transferts de données via l’internet. Le secteur financier, surtout, a profité de ces nouveaux développements. Les méthodes de production modernes exigent une recherche toujours plus spécialisée et plus chère, des investissements toujours plus importants qui doivent être amortis sur des durées toujours plus courtes. Cela nécessite la mobilisation d’importants capitaux qui ne rapportent pas toujours immédiatement. Avec la technologie de pointe en matières financières, on a réussi à mobiliser des quantités toujours plus grandes de capital, souvent aussi celui qui était auparavant « endormi ». Ainsi, on est de plus en plus passé, pour les régimes de pensions, à des systèmes de répartition, avec lesquels les employés actuels payent les retraites des retraités actuels, vers des systèmes de capitalisation, avec lequel un capital est constitué, duquel la retraite sera payée. (15) Morgan Stanley estime que les caisses de retraite, le deuxième pilier fiscalement favorisé chez nous, gèrent un actif d’environ 20.000 milliards $.
42. Le secteur financier a connu un élargissement phénoménal, surtout aux Etats-Unis. En 1982, les sociétés financières fournissaient moins de 5% du total des bénéfices des société après impôts ; en 2007, c’était déjà 41%. Leur part dans la valeur ajoutée a augmenté également, mais beaucoup moins vite, de 8% à 16%. Cela signifie que les marges de bénéfice dans le secteur financier étaient proportionnellement plus fortes que dans le reste de l’économie. (16) Comment est-ce possible? La cause fondamentale a été l’affaiblissement du taux de profit dans la production réelle. De plus en plus de détenteurs de capitaux ont préféré les investissements spéculatifs aux investissements coûteux dans la production réelle. La croissance des investissements est sans cesse retombée dans tous les pays capitalistes développés depuis la fin des ans ’60. Cette chute n’est que partiellement compensée, pour moins de la moitié, par ce qu’on nomme les économies émergentes. (17)
43. La rentabilité des sociétés non-financières s’est stabilisée ou a baissé dans tous les pays capitalistes développés. (18) A partir du milieu des années ’80, elle a toutefois connu un rétablissement progressif, aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis. Cela n’était toutefois pas basé, comme dans les années ’60, sur une forte progression de la productivité. (19) Au contraire, c’était principalement une conséquence d’économies brutales, de fortes réductions d’impôt pour les sociétés et d’une plus grande contribution qu’ordinaire de la consommation des particuliers à la croissance, sur base de l’argent bon marché. Aux Etats-Unis, le taux de profit après impôts s’est rétabli jusqu’au niveau des années ’60, mais ce n’était presque uniquement que suite aux cadeaux fiscaux donnés aux entreprises. Cela ne s’est pas accompagné, à l’exception d’une relance éphémère à la fin des années ’90, d’une progression des investissements. (20) Au contraire, les énormes profits, conséquence de l’augmentation du taux d’exploitation et d’un transfert des moyens collectifs vers les entreprises, n’ont pas été utilisés de façon productive, mais surtout spéculative.
Economie de « bulles »
44. La globalisation a conduit à la suppression de toute restriction sur la liberté de circulation de l’argent. La vitesse de cette circulation a fortement augmenté avec la technologie. Le capitalisme n’a déjà depuis longtemps plus rien à voir avec le calvinisme. L’idée de reporter la consommation d’aujourd’hui pour investir les moyens économisés afin d’augmenter la production future, et donc de pouvoir ainsi consommer plus à l’avenir, était déjà à l’époque de Marx, considérée comme un pur produit de l’imagination. Marx a décrit comment au sein du capitalisme ce n’est plus la production de marchandises qui est le but du processus de production – pour pouvoir consommer plus – mais bien l’accumulation de capital. (21) Les marchandises n’ont plus constitué l’objectif final de la production mais seulement un moyen de rassembler du capital. La bourgeoisie, dans sa cupidité, a de temps en temps été tellement loin que l’accumulation future était mise en danger. Ainsi, Friedrich Engels a décrit comment la bourgeoisie anglaise a risqué d’épuiser les générations futures en envoyant des enfants de moins de 10 ans dans les usines et les mines.(22) L’excellent film sur Pieter Daens basé sur le livre de L.P. Boon nous montre que la bourgeoisie belge au début du siècle précédent vivait un délire semblable. La globalisation financière a un élément de déprédation similaire. La santé des sociétés, de secteurs entiers, de collectivités entières ainsi que de leur entourage doivent céder à la réalisation de profits à court terme.
45. Les fonds d’investissement, les caisses de retraite, les sociétés d’investissement, les sociétés d’assurance, les fonds d’Etat, les fortunes privées etc. sont continuellement à la recherche de rendements élevés. Ils se sont d’abord jetés sur les pays émergeants asiatiques, où des produits bon marché sont fabriqués à faibles salaires pour l’exportation vers l’occident. Les populations agricoles ont été expulsées de leur terre et des unités de production ultramodernes ont été implantées dans des villages guères développés. Cela s’est accompagné d’un boom immobilier, généralement financé avec des emprunts dont le remboursement ne poserait aucun problème compte tenu des bénéfices futurs. Au moment où la production s’est heurtée aux frontières du marché, les économies et leurs monnaies se sont écroulées comme des châteaux de cartes. Les autorités ont dû intervenir et la population a payé la facture. Beaucoup de pays ont vu chuter leur monnaie, dont la Malaisie, la Thaïlande, la Corée du Sud, le Mexique, le Brésil, la Russie et d’autres encore.
46. L’afflux de capitaux s’est alors redirigé vers les « valeurs sûres » d’Europe et des Etats-Unis. Cela a entraîné la « passion dotcom », la mode des actions dans les technologies de l’information et de la communication. Des entreprises qui n’avaient jamais réalisé de bénéfices ont vu leurs actions grimper à des valeurs qui n’avaient rien à voir avec la réalité. Le phénomène « asset-inflation », inflation de l’actif financier, s’est produit. Les comptabilités ont été embellies pour garder les actionnaires à bord, il suffit de penser aux scandales autour d’Enron, mais aussi de Lernout et Hauspie en Belgique. A ce moment-là déjà, l’exigence de plus de contrôle avait été stimulée. Mais la surveillance n’a toutefois pas pu empêcher l’éclatement de cette bulle en 2001. En accord avec la politique du gouvernement américain, la Federal Reserve a donc décidé de créer une nouvelle bulle en ouvrant plus franchement les vannes de manière à pousser la crise en avant. Le gouvernement a construit son « twin déficit » pour arriver à un déficit record sur la balance de paiement américaine de -805 milliards $ ou de 6,5% du PIB en 2005 et d’un déficit budgétaire qui a atteint en 2004, 4,7% du PIB. En même temps, la Fed a laissé diminuer les taux d’intérêt de 6,5% au début de 2001 jusqu’à 1,75% fin 2001 et 1% au milieu de 2003 jusqu’à la mi-2004. L’ex président de la Fed, Greenspan, avait reçu le surnom de « serial bubble blower » (faiseur de bulles en série) suite à cela.
47. Dans le texte de 2006, nous avons cité le FMI. Celui-ci citait comme raison de la croissance de l’époque «une coïncidence exceptionnelle… qui tenait en place l’économie mondiale ces dernières années.» Qu’était donc cette coïncidence ? «Principalement l’approvisionnement en argent bon marché. D’où ? Du gouvernement et de la Federal Reserve, mais cela n’aurait pas suffit. En outre, les budgets et les déficits commerciaux doivent être financés aussi quelque-part. La diminution des investissements a conduit à un surplus d’épargne auprès des entreprises qui a exercé une pression à la baisse sur le taux d’intérêt à long terme. En conséquence, et aussi avec l’effet que cela avait sur les prix des maisons et le patrimoine de famille, la consommation a augmenté.» Ecrivait-on en 2006. En bref : il s’agissait des énormes profits des entreprises qui n’étaient plus réinvestis dans la production, mais au contraire offerts comme emprunts bon marché. Les emprunts bon marché ont stimulé la demande des habitations et ont par conséquent fait monter les prix de maison.(23) Cela a à son tour eu l’effet d’augmenter énormément les secondes hypothèques ou hypothèques de crédit, des emprunts basés sur l’augmentation de la valeur des habitations, ce qui était une pratique courante, surtout aux USA.
48. C’était un moyen parmi d’innombrables autres d’inciter les travailleurs américains et leurs familles à dépenser non seulement leur salaire présent, mais aussi celui à venir. Et au plus les choses semblent aller bien, au plus une tendance à la prise de risque se développe. Ainsi des personnes « insolvables » ont commencé à obtenir des emprunts. Des emprunts de consommateur, mais aussi des hypothèques « NINJA », des hypothèques accordées aux personnes sans revenu, sans travail et sans actif (No Income, No Job, no Assets). Les emprunts « subprime » ont aussi souvent été utilisés, des emprunts avec un faible taux d’intérêt qui normalement augmente fortement après 2 ou 3 ans, dans l’hypothèse qu’entre-temps, grâce à l’augmentation de la valeur de la maison, il est possible de refinancer l’hypothèque originale avec un autre prêt aux conditions plus favorables. Le risque, pensait-on, peut être reparti en divisant l’emprunt en morceaux emballés dans des actifs, tellement qu’il ne reste presque aucun risque.
49. Quotidiennement ont été inventés des nouveaux instruments financiers toujours plus complexes, mais qui étaient en même temps une réflexion de la croyance naïve que la fête gratuite ne s’arrêterait jamais. Il n’y a pas que les consommateurs privés qui ont été stimulés pour acheter à crédit, cela a constitué une pratique généralisée des gouvernements pour financer les travaux publics avec les emprunts obligataires qui ont souvent été assurés par les « rehausseurs de crédit » ou des « monolines ». Les fonds de levier et d’autres ont fait des incorporations qui ont été financées avec de l’argent prêté pour plus de la moitié, le « Leveraged buyout » (rachat par levier) (24). Résultat : la consommation du gouvernement et des familles aux USA a été stimulée tout le temps, non pas sur base de revenus réels, mais sur base d’un niveau de dettes historiquement élevé. Les Etats-Unis importent un tiers de plus qu’ils ne produisent.
Le socialisme pour les riches
50. On ne peut pas continuer à faires des dettes, tôt ou tard quelqu’un doit payer la facture. Nous avons toujours été convaincus que si les Etats-Unis glissaient en récession, ils allaient entrainer le reste du monde. Des illusions telles que le “découplage”, l’idée que les divers blocs commerciaux seraient devenus des entités autonomes immunisées, ou du moins capables de résister, aux chocs dans les autres blocs commerciaux ont toujours été par nous considérés comme des fantasmes. Les Etats-Unis représentent 25% du produit mondial, trois fois celui du Japon qui est la deuxième économie sur le plan mondial, quatre fois celui de l’Allemagne, la troisième économie mondiale et la plus grande de l’UE-27. De plus, les Etats-Unis agissent depuis des années comme des “acheteurs de dernier recours” pour le reste du monde, le marché qui rachète tout ce que l’on ne peut pas vendre ailleurs. La consommation privée y représente pas moins de 72% du PIB et les autorités et les particuliers empilent les dettes. En 2007, les foyers aux Etats-Unis avaient en moyenne seulement 449$ d’épargne, un quart de celle de 2000 et une dette de 121.650$, presque le double de celle de 2000.
51. Cette situation ne pouvait pas durer. Les Etats-Unis devaient freiner les dépenses, mais de telle manière que la consommation ne retombe pas complètement. Dans le texte « Après un 2007 agité, vers un 2008 explosif », écrit en janvier 2008 pour nos Congrès de Districts, nous avons déclaré « Un exercice difficile mais dangereux ».(25) Entre juillet 2004 et juillet 2006, la Federal Reserve (Fed) a augmenté les taux d’intérêt 17 fois consécutivement de 1% à 5,25%, ce tarif a été retenu alors pendant un an.(26) La Fed a ainsi voulu combattre l’inflation sous-jacente, une conséquence de la stimulation systématique de l’économie avec l’émission d’obligations en dollars. L’idée que les banques centrales étrangères allaient vendre leur réserve en dollar, provoquerait une fuite hors du dollar et qu’un scénario comparable à celui des économies émergeantes asiatiques pourrait se produire mais alors aux Etats-Unis était une menace insupportable. Si le dollar perdait toute sa valeur, cela n’entrainerait pas seulement les Etats-Unis, mais toute l’économie mondiale dans une grande dépression. Eliminer ce scénario était une priorité absolue.
52. La saturation du marché immobilier et l’augmentation des taux d’intérêt ont finalement mené à des problèmes de paiement pour les nouveaux propriétaires. Nous avons déjà largement expliqué dans le texte « Après un 2007 agité, vers un 2008 explosif » les aspects techniques de la crise des hypothèques à grands risques et de son extension vers d’autres secteurs. Il n’est pas nécessaire de répéter tout cela. Nous voulons juste accentuer que les problèmes de paiement dans le secteur d’hypothèques à grand risques a été l’étincelle dans la poudrière, mais que les problèmes auraient tout autant pu se produire ailleurs. Du moment que la croissance poussée par les crédits avait atteint ses limites, tous les facteurs qui avaient contribué à cette croissance se transformaient dans leur contrepartie dialectique et devenaient des facteurs qui aidaient à approfondir la crise. L’icône de l’investissement Warren Buffet a récemment commencé à appeler la série interminable de nouveaux instruments d’innovation financière des armes de destruction massives financières. L’emballage de risque de paiement via la titrisation s’appelle dorénavant des bombes financières à sous-munitions. Au lieu de garantir la fiabilité des obligations, les rehausseurs de crédit entrainent avec la perte de leur crédibilité des millions d’obligations. On a été témoin d’un credit-crunch, un manque de moyens liquides, parce que les banques n’osaient plus accorder des prêts.
53. Les autorités ne pouvaient faire autrement que de rouvrir les vannes à argent : en août 2007 en mettant à disposition des centaines de milliards de crédit bons marché, en septembre en baissant le taux auquel la Fed met à disposition des institutions privées des prêts journaliers, le taux d’escompte, et finalement à la mi septembre en réduisant contre son gré le tarif fédéral, c’est-à-dire celui que les banques privées se chargent entre-elles pour des prêts journaliers. Le 10 aout 2007, De Tijd écrivait encore dans son édito : «Les problèmes de divers banques illustrent qu’il ne faut pas sous-estimer les conséquences de la crise hypothécaire américaine (…) Mais les fondements économiques restent forts, tant aux Etats-Unis qu’en Europe, le marché de l’emploi fort stimule le pouvoir d’achat des familles et la consommation. Beaucoup d’entreprises tournent à font et font des profits élevés. De plus, l’Europe est moins vulnérable pour les cabrioles de l’économie américaine.» Avec ceci, De Tijd était encore nuancé, d’autres journaux moins sérieux décrivaient la crise des hypothèques à grands risques comme une simple bagatelle. En bref, la majorité des commentateurs bourgeois n’avaient pas la moindre idée de ce qui était en train de se produire.
54. Depuis avril 2008, le taux d’intérêt de la Fed se retrouve de nouveau à seulement 2%, largement en dessous de l’inflation de 3% prévue pour cette année. (26) Nous avons donc de nouveau à faire avec un taux d’intérêt réel fortement négatif. De plus, le gouvernement américain a lancé un paquet de stimulation, de fait un remboursement des taxes, à valeur de 160 milliards de dollar pour stimuler la consommation. Les autorités japonaises ont du utiliser une mesure comparable fin aout 2008. Entretemps la Fed a du intervenir pour cofinancer la reprise de la banque d’affaire en difficulté Bear Stearns par JP Morgan. (27) Un mois plus tôt, le gouvernement du Labour britannique avait été obligé de nationaliser la banque Northern Rock parce qu’on ne trouvait pas de candidat de reprise. Northern Rock est un des plus grands émetteur d’hypothèques du RU, c’est en même temps une banque d’épargne, un assureur et une société de prêt. Le gouvernement avait repoussé systématiquement sa décision depuis septembre 2007 afin d’éviter de créer l’impression d’un retour au Old Labour.
55. La nationalisation a signifié que la dette totale de la Northern Rock, estimée en livres sterling, s’est ajoutée à la dette publique. Celle-ci a augmenté de 37,7% du PIB à 45% ! D’ici 2011, il est prévu de réduire d’un tiers les 6.000 emplois de la Northern Rock. En aout 2008, La Roskilde Bank a été nationalisée, la première nationalisation d’une banque au Danemark depuis 1993. Il ne s’agit évidemment pas de nationalisations de la manière dont nous les envisageons, au contraire, des banques sont assainies avec l’argent de la collectivité afin de revendre les parties rentables plus tard au secteur privé. Certains critiques appellent cela à juste titre le « socialisme pour les riches ».
Tentative d’exporter la crise
56. Nous sommes toujours partis de l’idée que si une récession se produisait aux Etats-Unis, ils essaieraient de l’exporter vers le reste du monde. C’est exactement ce qui s’est passé et ce qui semblait réussir initiallement. Cela s’est fait de diverses manières, parfois comme effet secondaire « innocent », parfois comme conséquence d’une politique consciente. Un de ces effets secondaires « innocents » a été le fait que les investisseurs fuiaient le marché immobilier vers des investissements plus sûrs, le marché des matières premières. Il y a donc eu en conséquence une forte augmentation du prix des matières premières ce qui a assuré à son tour un éparpillement de la crise à tous les coins du monde. Evidemment, les croissances de la Chine, de l’Inde et de quelques autres pays ont stimulés la demande, tant pour le pétrole et le gaz que pour la nourriture et d’autres matières premières. Il est vrai aussi que, surtout dans le secteur pétrolier et encore plus dans la production de nourriture, on a trop peu investit pendant des années. De plus en plus de produits alimentaires sont utilisés pour la production de biocarburants.
57. Mais ceci n’explique que partiellement pourquoi le prix du pétrole a doublé entre 2003 et 2006. Dans cette même période, la demande a connu une croissance de 7 millions de barils par jour. C’est encore moins une explication sur le fait que le prix du pétrole a de nouveau doublé, alors que la demande n’a cru « que » de 2,5 millions de barils par jour. L’élément qui a tellement fait accélérer l’augmentation des prix, qui a provoqué une forte inflection de la courbe, qui a transformé une croissance quantitative en une explosion qualitative du prix, a été le fait que de plus en plus de grandes institutions financières, de fonds de pensions, de fonds d’investissement, etc. se sont présentés sur le marché des contrats à termes pour les matières premières. Ils y ont « investi » des capitaux qui ont poussé les prix des matières premières à crever le plafond. Les matières premières semblent bien en route pour devenir la prochaine bulle, maintenant que celles de l’immobilier et du marché d’action se dégonflent. (28) La spéculation n’est certainement pas le seul facteur qui explique la montée des prix des matières premières. C’est plutôt le facteur qui manquait encore afin d’amener une série de données quantitatives au point où cela a conduit à un changement qualitatif et a fait pencher la balance. Un autre facteur « innocent » qui a fait que la crise a été exportée au reste du monde a été le fait que partout dans le monde des banques avaient investi dans des hypothèques à grand risque, ce qui fait qu’ils ont déjà perdu 500 milliards $ d’investissements.
58. La chute contrôlée, si pas mise en scène, du dollar était un essai conscient d’exporter la crise. C’était une bénédiction pour l’économie américaine et une malédiction pour le reste du monde. Le dollar faible, qui était lors du deuxième trimestre 2008, 11,6% meilleur marché que lors deuxième trimestre 2007 en comparaison avec les monnaies des six partenaires commerciaux les plus importants, a assuré une forte croissance de l’exportation américaine. Dans le deuxième trimestre, l’exportation était de 2,4% du PIB. Sans l’exportation, l’économie américaine n’aurait pas connu une croissance sur base annuelle de 1,9% mais un rétrécissement de -0,5%. Des 13 multinationales de la bourse du Dow Jones, le chiffre d’affaire sur le marché domestique au deuxième trimestre de 2008 a connu une baisse moyenne de -2,5%, alors que le chiffre d’affaire dans le reste du monde a connu une croissance moyenne de 15% Dans ce même trimestre, on est arrivé au constat effrayant que la zone euro (15 pays) a connu son premier rétrécissement, de -0,2%, depuis sa création. Les économies de l’Allemagne, de la France et de l’Italie ont toutes connues un recul. Les économies néerlandaise et espagnole y ont tout juste échappé. (29) La deuxième économie d’Europe, celle du RU, aurait connu une croissance de 0%, et reculerait selon l’OCDE tant au troisième qu’au quatrième trimestre de -0,3 et -0,4%. Le Japon a connu une forte baisse de -0,6%. Voilà pour le « découplage ».
59. Celui qui pensait pouvoir conclure que les Etats-Unis sortiraient du ravin économique et – illusion sous-entendue – sortiraient en même temps le reste du monde des sables-mouvants peut l’oublier. Il est vrai que les prix du pétrole et d’autres prix de matières premières ont reculé plus fortement qu’attendu. On dit que c’est à cause de la peur d’une récession et de la baisse de la demande qui l’accompagnerait. Le fait que les spéculateurs des matières premières ont vu la « bonne nouvelle » issue de l’économie américaine pour encaisser plus de gains est au moins aussi important. Ceci a encore été stimulé par le fait que le gouvernement américain avait laissé entendre qu’il n’allait pas délaisser les sociétés géantes en prêt hypothécaires Freddie Mac et Fannie Mae. S’il s’avère que l’économie américaine fonctionne quand même de manière plus mauvaise, la baisse des prix des matières premières peut être inversée dès que les investisseurs reprennent la fuite vers les contrats à termes des matières premières. Indépendamment de tout ça, l’ouverture des robinets financiers a assuré qu’à terme le dollar doit perdre encore beaucoup de valeur et que par conséquent l’inflation ne va pas s’évaporer tout de suite. Mais entretemps, le dollar a gagné en attractivité, non pas à cause de la force de l’économie américaine, mais à cause de la faiblesse du reste du monde et surtout les garanties de l’autorité la plus forte sur le plan mondial.
La bourgeoisie est maniacodépressive
60. En septembre, les autorités ont été obligées d’appliquer la plus grande nationalisation de l’histoire avec la prise en « conservatorship » (la mise en dépôt) de Freddie et Fannie. Les deux peuvent compter sur une ligne de crédit de chacun 100 milliards de dollar. Cela a mené à des réactions euphoriques sur les bourses : le gouvernement américain était prêt à se porter garant. Apparemment, on n’avait pas compris la gravité de la situation. L’autorité américaine ne peut se permettre ce type d’intervention de manière illimitée. Une chaine de faillite dans les secteurs financier serait même pour elle intenable. A peine quelques jours plus tard, on y était. La demande d’un accord juridique par Lehman Brothers afin de se protéger de ses créanciers a provoqué la panique. C’est une des plus anciennes entreprises de Wall Street, la troisième banque d’affaire du pays. L’action a chuté de 60$ en mai 2007 vers 3,45$ au moment de cette demande. Parallèlement, la plus grande banque d’affaire du monde, Merill Lynch, a été reprise par la Bank Of America afin d’éviter un scénario semblable à celui de Lehman Brothers. Par ailleurs, American International Group (AIG), le plus grand assureur américain en termes d’actifs, a demandé un crédit de 40 milliards de dollar à la Fed. AIG a été repris et recevait une ligne de crédit de 85 milliards de dollars.
61. La prétention que la Chine et plus particulièrement des pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) allaient pouvoir reprendre le rôle moteur de l’économie mondiale, a été écartée. La Chine a un PIB de presque la taille de celui de l’Allemagne, mais la consommation privée n’y représente pas 60%, seulement 30% du PIB. Ensemble avec l’Inde, la consommation y est de plus ou moins 1.600 milliards de dollars, presque autant qu’en France. De plus, la croissance chinoise s’explique principalement par le fait que la Chine est un peu la salle des machines du reste du monde. La Chine sera donc touchée par le rétrécissement hors de proportion de ses marchés d’exportation. Depuis octobre 2007, les actions à la bourse de Shanghai ont perdu deux tiers de leurs valeurs, le marché immobilier est en rétrécissement et la croissance de l’importation a fortement diminué, un signe que l’économie s’affaiblit. De plus, la Chine est de plus en plus confrontée à la compétition des pays voisins où les salaires sont encore plus bas. Ainsi, Adidas a décidé de se retirer à cause des salaires trop élevés.
62. Trotsky explique dans son «Histoire de la Révolution russe» que le matérialisme ne nie pas l’existence de conscience, de sentiments, et d’état d’esprit, mais les expliquent justement. Les mois précédents, nous avons vu changer de plus en plus vite l’état d’esprit d’économistes bourgeois, de politiciens et de journalistes, passant de l’euphorie à des crises de paniques. En psychologie, on a un terme pour cela : la maniacodépression. Il y a des précédents historiques, comme la situation de 1926 jusqu’au grand Crash de 1929. Dans une interview pour la chaine télévisée américaine ABC, Greenspan a expliqué les causes de cet état d’esprit : «Nous devons admettre qu’il s’agit ici d’un évènement qui ne se produit que une fois toutes les 50 années ou probablement même qu’une fois par siècle, il n’y a pas de doute que je n’ai jamais vu quelque chose de semblable. Ce n’est pas encore fini et ça va durer encore quelques temps.»
63. Chaque intervention de la Fed ou d’autres banques nationales provoque un sursaut sur les marchés. Les interventions se suivent à un rythme de plus en plus élevé et deviennent de plus en plus audacieuses. A chaque fois que les autorités prennent l’initiative de mettre hors jeu des managers et des actionnaires, c’est la fête. La confiance des capitalistes dans leur propre système a complètement disparu. Ils vont mendier chez les autorités pour les sauver aux frais de la collectivité. C’est de cette manière que la nouvelle époque s’annonce. Mais nous ne sommes qu’au début de la crise, aux prémices d’un tremblement de terre annoncé. Au fur et à mesure que la crise financière s’étendra vers l’économie réelle, l’impact de la crise se fera sentir. Trotsky a fixé l’attention sur le fait que ce ne sont ni la croissance ni le recul de l’économie qui stimule la lutte des classes, mais plutôt le passage d’une situation à l’autre. Nous sortons d’une période où l’avidité des directeurs d’entreprises et des actionnaires a même dû être critiquée par des commentateurs bourgeois ; la bourgeoisie a perdu sa confiance dans sa capacité à gérer le système ; la petite-bourgeoisie et les groupes moyens sont ruinés par la crise ; et la classe ouvrière exigera sa part du gâteau.
L’accélération de la lutte des classes va encore s’intensifier
64. Nous constatons déjà une résistance croissante de la part de la classe ouvrière. Lorsque nous avons expliqué en 2001 que le mouvement antimondialiste n’était que le précurseur d’un mécontentement plus profond de la classe ouvrière, le frémissement du feuillage avant l’orage, nombreux étaient ceux qui étaient en désaccord. Selon certains, le mouvement antimondialisation était une affaire petite-bourgeoise à laquelle ils refusaient de participer. “Ce qui est nécessaire, c’est un mouvement communiste et pas un mouvement antimondialisation” expliquait Kris Merckx – une assertion qui a depuis lors été absurdement inversée. D’autres considéraient l’anti-mondialisme comme une alternative plus progressiste au mouvement ouvrier, ne voyants pas le lien entre les jeunes antimondialistes et les ouvriers “conservateurs”. Ils nous reprochaient une vue bornée, ne saisissants eux-mêmes la diversité de la classe ouvrière.
65. Depuis lors, il n’y a plus un continent qui n’a pas été marqué par la lutte des classes. Au premier rang, l’Amérique Latine, où les recettes néolibérales ont été appliquées de la manière la plus brutale. Dans l’histoire, la lutte des classes a été voilée plus d’une fois par des conflits religieux, nationalistes ou ethniques puisqu’en exploitant ces heurts, la classe dominante assurait sa domination. En Amérique Latine, l’émancipation de la population indigène a accompagné la lutte des classes. Sous la pression des masses, des dirigeants populistes ont été élus et poussés à gauche au Venezuela, en Bolivie, à l’Equateur, au Nicaragua et au Paraguay.
66. Mais l’énergie des masses n’est pas illimitée. Si les masses ne s’organisent pas à reprendre l’initiative au lieu de se limiter à faire pression et si les dirigeants populistes ne rompent pas avec le capitalisme, la réaction reconstituera ses forces. Nous avons déjà reçus les premiers avertissements, par exemple le rejet de la nouvelle constitution de Chavez, mais pour l’instant la réaction est trop faible pour reprendre l’initiative. Ailleurs, des personnalités ont étés élues avec une image de gauche puisque c’était la seule possibilité pour la bourgeoisie d’assurer ses intérêts, comme au Brésil, au Chili et en Argentine. Justement dans ces pays, nous avons vu comment des travailleurs ont construit et testé des nouvelles formations telles que le PSOL et Conlutas au Brésil. En Colombie, le gouvernement réactionnaire gagne du soutien populaire grâce à la tactique criminelle des FARC. Ainsi, le pays est la tête de pont de l’impérialisme américain.
67. Partout dans le monde, les travailleurs et leurs familles paient le prix des défaites de leur classe. Cela est le plus prononcé au Moyen-Orient, où la lutte des classes a souvent été écrasée sous les conflits armés de l’impérialisme et des diverses milices religieuses réactionnaires. Mais même là où les conflits ont été les plus sanglants, nous constatons que entre deux flambées de conflits militaires, la classe se relève à chaque fois du moment que les partis en lutte sont épuisés. Nous l’avons vu au Liban, à Gaza, et même en Irak. L’Egypte a connu ces dernières années une vague de grève après l’autre et même dans les postes avancés de l’impérialisme dans la région, en Israël et en Turquie, on a vu systématiquement des flambées de lutte des classes contre les élites dirigeantes affaiblies.
68. En Afrique, la classe paie les demi-défaites et les demi-victoires avec de la pauvreté extrême, la guerre civile, les conflits ethniques et les pogroms contre les immigrés, ceci en Afrique du sud qui fut dans le passé le théâtre d’un mouvement héroïque contre l’apartheid. L’Asie aussi a connu ses émeutes ethniques et ses pogroms, ses conflits religieux, sa corruption et ses conflits frontaliers. Mais en Asie également, la classe commence à s’organiser, dans beaucoup de cas dans une forme élémentaire, parfois seulement à travers des forums sur internet, parfois au niveau de l’entreprise, parfois dans des syndicats et de plus en plus aussi sur le plan politique.
69. Le mouvement antimondialisation avait déjà démontré que l’autorité du néolibéralisme était fortement minée chez une minorité importante principalement de jeunes. L’énorme fossé entre riches et pauvres, entre nations riches et pauvres et à l’intérieur de ces nations, en était à la base. C’était justement le recul de ce fossé dans la période d’après guerre qui était l’argument principal contre la possibilité de répétition de la dépression.(30). 1% des américains les plus riches avait, avant le crash de 1929, 15 à maximum 19% du revenu total, après le crash et surtout dans la période d’après-guerre, cela est descendu jusqu’au point le plus bas de 7,5% au début des années 70. Mais depuis, cela a remonté pour atteindre dans la deuxième partie des années ‘90 à nouveau 15% et 18% en 2006. (31) Même des économistes bourgeois renommés ont avertit pour le danger que ceci minerait la légitimité du marché libre. L’appel au « changement » est devenu de plus en plus fort.
70. C’est sur cela que le candidat présidentiel du parti démocrate Obama a basé sa campagne. Un capitalisme sans les exagérations qui étaient tellement frappantes pendant la période l’administration Bush. Mais Obama risque d’être rattrapé par les évènements. Des promesses vagues pouvaient stimuler les états d’esprit tant que l’appel au changement avait pour but d’éviter un danger menaçant. Du moment que la crise des hypothèques à grands risques a frappé, que 2,5 millions de propriétaires ont été dépossédés de leurs maisons et que 600.000 américains ont perdu leur emplois, la nécessité de changement vague s’est transformée en un besoin de mesures concrètes. En septembre 2008, la perte d’emploi s’est encore fortement accélérée, ce qui fait que dans les premiers 9 mois de 2008, 750.000 emplois ont déjà été perdus.
71. Cela peu sembler contradictoire, mais la politique de confrontation de Sarah Palin (32) y répond mieux que les promesses vagues d’Obama. En ironisant sur le soi-disant idéalisme d’Obama – «qu’est-ce qu’il fera après avoir arrêté les mers et avoir sauvé la terre ?» – et le fait qu’il regarde de haut les travailleurs – dont il ne comprend pas la volonté de porter des armes -, elle a de nouveau donné de l’espoir aux républicains. Mais si demain elle est confrontée aux 27.000 grévistes de Boeing, qui savent très bien que le carnet de commande est plein et que l’entreprise a fait un profit de 13 milliards de dollars l’an passé, il faudra plus qu’un peu de bon sens et de double morale venant d’une petit ville provinciale d’Alaska.
72. En Europe aussi, la radicalisation d’une avant-garde de syndicalistes, bloqués par le manque de volonté de leurs dirigeants syndicaux de généraliser leur lutte sur le plan national, s’exprime souvent par un détour politique. Le PRC en Italie, l’IU en Espagne, le Bloc de gauche au Portugal, depuis peu aussi Syriza en Grèce, et bientôt la LCR en France l’expriment. Cela ne manque pas de combativité aux travailleurs allemands, pensons à la grève des conducteurs de train pour une augmentation salariale, mais à une direction qui est prête à confronter le patronat. Ensemble avec les attaques brutales dans le cadre de l’Agenda 2010 sous le SPD qui est descendu dans les sondages à 28% et n’est mathématiquement plus capable de former une majorité rouge-verte, ceci explique le nouveau phénomène Die Linke qui obtient entretemps 10% dans les sondages. L’existence de Die Linke a stimulé la combativité, la confiance et la conscience politique des travailleurs allemands.
73. Aux Pays-Bas, les travailleurs font un détour comparable vers le Socialistische Partij. Pendant la manif européenne contre la directive Bolkestein au printemps 2005, nous avons vendus beaucoup de journaux à des néerlandais uniquement parce qu’il y avait « socialistisch » dans le titre. Hélas, le soutien pour le SP néerlandais reste principalement passif, surtout aussi parce que le parti fait tout pour que cela reste ainsi. Partout en Europe, la lutte des classes est enflammée. Parfois par des grèves radicales dans un secteur tel que les conducteurs de train en Allemagne ou les infirmiers en Finlande. Parfois par des grèves générales comme en Grèce, parfois par des manifestations massives. Dans ce processus, les travailleurs cherchent de manière alternée des solutions sur le plan syndical et, s’ils sont bloqués sur ce terrain là, sur le plan politique.
74. La distribution inégale des richesses était encore supportable tant qu’il y avait de la croissance dans l’économie et qu’une partie des travailleurs pouvait se consoler avec l’illusion, qu’un jour ce serait leur tour. Mais avec le début de la crise, sachant que les patrons se sont bien remplis les poches, et se sont envolés avec les profits des dernières années, beaucoup de travailleurs ne sont pas prêt à payer la crise annoncée. Cela explique la lutte sociale croissante et la croissance des formations de gauche. Cela s’exprimera à travers une révolte dans les syndicats existants et le remplacement de la bureaucratie pourrie par de nouveaux dirigeants qui seront très vite testés dans la pratique. Là où cette voie est coupée, de nouvelles formations seront formées, avec des hauts et des bas. La recherche du moindre mal, souvent caractéristique de ces dernières années, fera place à la recherche de réponses qui peuvent signifier des avancées réelles. La discussion sur les perspectives, le programme, la stratégie et la tactique, gagnera en importance.
(1) La définition standard d’une « récession » est aujourd’hui qu’il faut deux trimestres ou plus de croissance économique négative. Cette définition ne prend pas en considération un paquet de facteurs. Pour l’économie mondiale on prend aussi par exemple la croissance de la population et on parle alors d’une récession sous les 2% de croissance. En outre, il est difficile de déterminer le début d’une récession sur base des données trimestrielles. Le « National Bureau of Economic Research » (NBER) défini une récession comme « la période dans laquelle l’activité économique a atteint son pic et commence à diminuer jusqu’au moment où l’activité atteint son point le plus bas. Si l’activité augmente de nouveau, on parle d’une période d’expansion. ». Au sujet de la définition de la « dépression », il existe aussi d’innombrables interprétations. Avant la seconde guerre mondiale, chaque ralentissement économique était appelé une « dépression ». Le terme « récession » a été introduit pour distinguer les plus petits tassements économiques de « la grande dépression » des années ‘30. Avec le terme de dépression, on parle donc d’une période de tassement économique qui dure longtemps et est plus profonde qu’une récession. Techniquement, on parle aujourd’hui d’une dépression si la croissance est négative de 10% et d’une grande dépression si celle-ci s’élève à -25%. Entre novembre ‘73 et mars ’75, le PIB des USA avait chuté de 4,9%. Voir aussi: http://economics.about.com/cs/businesscycles/a/depressions_2.htm
(2) Capitalism Unleashed Fig. 2.1 page 26
(3) http://www.imf.org/external/datamapper/index.php
(4) Le Soir 6 septembre 2008
(5) Comme Marx l’a expliqué, la bourgeoisie améliore sans cesse sa façon de cacher l’exploitation, de lui donner un caractère anonyme. Essayez de trouver qui a combien de parts d’une société en mains… Pour calculer le taux d’exploitation, nous devons décompter du résultat net d’une entreprise les amortissements (du moins si les capitalistes n’accélèrent pas l’amortissement des machines), les subsides, le prix des matières premières, la location des bâtiments et des terrains ainsi que les coûts salariaux totaux, et partager le résultat par les coûts salariaux. Le taux d’exploitation est encore le mieux approché par le relation entre les frais de personnel et la valeur ajoutée (la valeur des marchandises et des services produits diminue avec la valeur des marchandises et des services utilisés dans le processus de production – donc non pas les salaires payés au « facteur de production » travail). Le site du gouvernement fédéral en donne un aperçu, malheureusement uniquement pour la période ’99- ’04. Pour calculer le taux d’exploitation, on doit retirer de la valeur ajoutée les frais de personnel (pour obtenir la plus-value ou le travail non-rémunéré) et diviser le résultat par le coût des salaires ou travail rémunéré. Pour l’industrie totale, pour 626.000 travailleurs, cela donne une moyenne de taux d’exploitation de 63,4% c.-à-d. que pour chaque centaine d’euros de travail rémunéré, il y a 63,4 euros de travail non-rémunéré. Dans le textile, il s’agit de 45% et dans le chimie, où se trouvent les meilleurs salaires, 105%. Dans l’Horeca, où la productivité est un peu plus basse, mais les salaires aussi, le taux d’exploitation s’élève à 72% des salaires. http://www.statbel.fgov.be/figures/d422_nl.asp
(6) Voir Philip Armstrong, Andrew Glyn, John Harrison, Capitalism since 1945, 1991, p. 248 – 251 et Andrew Glyn, Capitalism Unleashed, 2006, p. 136 – 146
(7) Voir Philip Armstrong, Andrew Glyn, John Harrison, Capitalism since 1945, 1991, p. 248.
(8) Els Witte, Yan Craeybeckx & Alain Meynen, Politieke Geschiedenis van België, 2005, p. 335.
(9) Andrew Glyn, Capitalism Unleashed, 2006, p. 4
(10) Dans le Militant, n°7, de février 1996, nous avons publié un dossier sur l’Etat-Providence en Belgique sous le titre «Essors et chute de l’Etat-Providence ».
(11) A cette époque, certain pensaient que le capitalisme avait surmonté ses contradictions internes fondamentales, la propriété privée des moyens de production et l’existance d’Etats-Nations. Ernest Mandel parlait de capitalisme tardif et considérait le mouvement ouvrier comme étant « bourgeoisifié ». Dans l’internationale dont il était le principal dirigeant, une discussion enragée a duré 10 ans entre ceux qui s’orientaient vers la guerilla et ceux qui plaidaient pour la construction de partis révolutionnaires classiques. Ils ont même été jusqu’au point de plaider pour la guerilla urbaine en occident, ce qui a donné l’occasion au PCF en 1968 de les qualifier de « gauchistes » et de les isoler. Déjà au début des années ’60, lorsque Mandel commençait à peine à formuler sa théorie du capitalisme tardif, Ted Grant lui a répondu au nom de notre courant avec la brochure Will there be a slump?
(12) Le 3 août 1981, le syndicat des aiguilleurs du ciel des Etats-Unis a déclaré une grève pour de meilleures conditions de travail et pour la semaine de travail de 32 heures. Ainsi, le syndicat était en infraction vis-à-vis d’une loi de 1956 qui détermine que les syndicats dans les services publics n’ont pas de droit de grève. Cette loi n’avait généralement pas été appliquée. Le président nouvellement élu (4 novembre 1980) Ronald Reagan a déclaré que cette grève constituait une menace pour la sécurrité nationale et a ordonné la reprise du travail. Reagan savait que des remplaçants étaient formés en secret et a posé un ultimatum de reprise de travail de 48h. Le 5 août, 11.345 aiguilleurs du ciel ont été directement licenciés et exclus des emplois publics pour une période de trois ans (période par la suite raccourcie). Ils ont d’abord été remplacés par des non-grevistes, des contremaitres, des cadres des aéroports et dans certains cas par des aiguilleurs de petites localités et des militaires, en attendant la fin de la formation des remplaçants. Le 22 octobre, la reconnaissance du syndicat a touché à sa fin.
(13) Lou Cannon, Michael Beschloss, Ronald Reagan: The presidential portfolio: history illustrated from the collection of the Ronald Reagan library and museum, p.128.
(14) Le taux d’intérêt détermine le prix auquel l’argent est mis à disposition. Ici, le taux d’intérêt directeur, le tarif que les banques s’octroient entre elles pour des prêts quotidiens.
(15) Contrairement au système de pension basé sur la capitalisation, les systèmes de répartition sont insensibles aux fluctuations des marchés financiers. Ils sous-entendent également un plus grand degré de solidarité que les systèmes de capitalisation individuels. Après la grande dépression et la deuxième guerre mondiale, les systèmes de répartitions ont par conséquent connu un essor. Ils étaient considérés commes des acquis de la lutte des classes. En Belgique, après la guerre, un système de pension mixte a été introduit avec la loi du 28 décembre 1944. La partie du financement par la répartition est devenue de plus en plus importante. Dans le système de pesnsion des ouvriers, le système de pension par capitalisation a été aboli à partir du premier janvier 1954. Pour les employés, cela s’est fait graduellement à partir de 1957 et définitivement le premier janvier 1968. Voir : www.vrouwenraad.be/dossier/2006/genderwetswigzer/soc_zek_werkn.pdf; Dans des pays comme les Pays-Bas, le Danemark et l’Islande, les provisions de pension sur base de capitalisation représentent plus de 130% du PIB de ces pays. La Grande-Bretagne et l’Irlande se trouvent dans une moyenne de 50 à 100% du PIB. En Allemagne, en France, en Belgique et dans la plupart des pays de l’Europe du sud et de l’est, ils représentent moins de 20% puisque les systèmes de répartitions jouenent encore un rôle plus important. The Nederlandse Bank, kwartaalbericht, juni 2008.
(16) Financial Times, 5 février 2008, Why is it so hard to keep the financial sector caged?
(17) Andrew Glyn, 2006, Capitalism Unleashed, p.86
(18) Andrew Glyn, 2006, Capitalism Unleashed, p.136, 141, 146
(19) Voir p.19, mais pour une vue plus générale, Andrew Glyn, 2006, Capitalism Unleashed, p.14
(20) Andrew Glyn, 2006, Capitalism Unleashed, p.134
(21) K. Marx, Salaire, Prix et profit.
(22) F.Engels, La situation de la classe laborieuse en Angleterre.
(23) Le 18 mars, le New York Times s’est demandé si les prix des maisons aux USA allaient suivre le même chemin qu’au Japon entre 1984 et 1999.
(24) Le Monde, 23 juin 2008, Les fonds d’investissement en quête de moralité. « Leveraged buyout » est la méthode de reprise d’une entreprise avec un minimum de capital propre. La reprise est basée principalement sur des emprunts. Les actifs ou les propriétés de l’entreprise concernée sont utilisés comme caution. Plus tard, l’emprunt devra être repayé par l’entreprise. Généralement, l’entreprise est fortement réorganisée et partitionnée, après quoi des parties sont revendues afin de repayer les emprunts et les obligations tout en gardant un profit après l’opération.
(25) Ce texte est publié intégralement sur marxisme.net dans “documents internes”, mais malheureusement uniquement en néerlandais pour le moment.
(26) La Libre a publié un graphique dans son édition du 23 janvier 2008
(27) Bear Stearns était l’une des plus grandes banques d’affaires sur le plan mondial. La banque avait été créée à New York en 1923. A la fin de 2006, elle employait 13.500 personnes.
(28) A travers des contrats à termes, des acheteurs s’engagent à acheter une quantité de matières première à un prix fixe à un moment déterminé, pendant que le producteur de matières premières accepte de livrer à ce prix au même moment. Ainsi, le producteur se protège-t-il contre de trop grands changements de prix, pendant que l’acheteur sur le marché des contrats à termes espère qu’au moment où l’achat s’applique le prix sera plus élevé. Les investissements par des spéculateurs dans les matières premières auraient connu une croissance de 13 milliards de dollar en 2003 à 260 milliards de dollars en 2008. MO*, septembre 2008, Over geldhonger en lege magen.
(29) De Tijd, 16 août 2008, Europa op het randje van recessië.
(30) JK Galbraith, 1954, The Great Crash 1929.
(31) The economist, 24 juillet 2008, Workingman’s blues
(32) Sarah Palin est la candidate vice-présidente républicaine, la colistière de McCain.
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La crise exige une modification de la politique économique – La lutte des classes en déterminera le caractère (Première partie)
Dans cette première partie du texte, nous expliquons l’effet de la chute du stalinisme et de quelle manière cela a permis au capitalisme international d’augmenter l’exploitation d’une manière considérée comme inimaginable jusque là. La mondialisation n’a pas rendu le monde plus sûr, mais a au contraire augmenté l’insécurité. La capitulation des dirigeants du mouvement ouvrier a été la raison fondamentale qui a permis au capitalisme d’avancer autant dans la mondialisation. Cela s’est accompagné d’innombrables illusions ; nombreux étaient ceux qui étaient incapables d’estimer correctement ces développements. En définitive, ce n’est pas la forme, mais le contenu concret qui est décisif.
Texte de perspectives du Congrès National DU PSL/LSP. Ce texte a été écrit durant l’été.
Ce qui précédait… une bénédiction pour le capital international
1. Le précédent texte de congrès du MAS-LSP intitulé «la montée de la lutte des classes menace les équilibres fragiles» a été écrit à l’automne de 2006, lorsque l’économie mondiale connaissait encore une croissance de 5%, le chiffre le plus élevé depuis 1980 (1). Bien que ce fût principalement dû aux pays émergents (qui avaient une croissance de +7,8%), la croissance était de 3% dans les pays capitalistes(2) développés (3). Un chiffre qui ne sera plus atteignable d’ici 2011, selon le FMI. Le premier sous-titre de notre document de 2006 s’intitulait donc «Economie mondiale – une croissance dynamique grâce à l’augmentation du taux d’exploitation» (4).
2. Nous y expliquions quelle bénédiction la chute du stalinisme a signifié pour le capital international. Ce doublement de fait de la main-d’œuvre disponible a créé les conditions pour le rétablissement du taux de profit (5) et cela pour la première fois depuis le début de la crise des années ‘70. Nous avons toujours décrit la chute du stalinisme, une caricature monstrueuse du socialisme, comme une défaite pour les travailleurs et leurs familles. Cela a ouvert la voie à la mise en place du capitalisme-gangster dans l’ex-Union Soviétique, à des conflits nationaux, à la guerre et la guerre civile, à l’arrivée au pouvoir de régimes bonapartistes (6) et de régimes ouvertement dictatoriaux, à d’anciens bureaucrates qui se sont transformés en oligarques capitalistes, à l’anéantissement des services sociaux sur les plans de l’éducation, du logement, des transports en communs et de la médecine.
3. Entre 1989 et la crise du rouble en 1998, l’économie russe s’est rétrécie de pas moins de 40% ! En 1998, le prix moyen pour un baril de pétrole était encore de 12 dollars ; le 11 juillet 2008, le prix avait atteint un record – provisoire – de 148 dollars, et aujourd’hui ce prix fluctue autour de 100 dollars. C’est aussi le plus important pour expliquer la croissance moyenne de 6% depuis ‘98. Mais «ce n’est que dans les dernières années que l’output économique s’est rétabli à son niveau de 1989» écrit Stefan Wagstyl dans le Financial Times (7). «Des millions de gens vivent dans la pauvreté. En termes de pouvoir d’achat, le revenu annuel moyen est retombé à 14.700 dollars. À côté de la pauvreté, la Russie fait face à des grands déficits dans le domaine de l’enseignement et des services de santé. Malgré la politique de diversification, la Russie reste dépendante du pétrole et du gaz qui représentent 20% de l’output économique et 60% de l’exportation» (8)
4. La restauration du capitalisme en Europe de l’Est a lancé une «course vers le bas» en matière d’impôt des sociétés (9). La Slovaquie a initié le processus avec un taux de 19%, suivi de la Roumanie avec 16% et récemment de la Bulgarie avec 10%. Ainsi, la Bulgarie rattrape l’Irlande qui, depuis 2003, applique un taux de 12,5%. Pas moins de huit pays de l’UE ont diminué leurs taux d’impôt des sociétés l’année passée (en 2007) et sept pays cette année-ci. En moyenne, l’impôt des sociétés au sein des 27 pays de l’UE est de 23,2%, moins que la moyenne de l’OCDE (26,9%), de l’Amérique latine (26,2%) et de l’Asie-Océan Pacifique (28,4%). Il y a dix ans, la moyenne était encore de 35,3% ! Cela signifie moins de revenus pour les gouvernements et des ‘effets de retour’ incertains, car une fois qu’un autre pays diminue les taux plus encore vers le bas ; l’effet d’aspiration risque de disparaître. La France et l’Allemagne, surtout, reprochent aux nouveaux pays membres de se servir des subsides de la vieille Europe pour diminuer leurs impôts des sociétés afin d’attirer les entreprises venant justement des pays de la vieille Europe (10).
5. Pas de miracle donc quand le journaliste Chris Dusauchoit déclare lui-même ‘avoir été totalement bouleversé sur le plan émotionnel’ après sa visite dans un orphelinat à Mogilino en Bulgarie.(11) Afin de compenser la perte de revenus, de nombreux pays ont augmenté les impôts indirects, les taux de TVA, qui sont de 19,49% en moyenne dans les 27 pays membres de l’UE et déjà beaucoup plus élevés qu’en Amérique Latine (14,2%) et qu’en Asie-Océanie (11,14%). Des pays baltes, l’idée d’une taxe unique, un taux unique indépendant du revenu, est arrivée chez nous. Le premier pays à l’appliquer a été l’Estonie avec un taux de 24% en 1994. Entretemps, elle existe dans presque tous les pays de l’Europe de l’Est. La Lituanie et la Lettonie utilisent un taux de 15% et l’Estonie a dû réviser le sien vers 21% et veut aller vers 18% d’ici 2011.
6. Mais dans le texte de 2006, nous avons avant tout parlé des pays émergents d’Asie du Sud-est. Le danger que ces régimes ne marchent pas au pas, passent à des nationalisations ou encore passent dans le camp ‘communiste’, a largement disparu avec la chute du stalinisme. L’occasion était là de toucher à des réserves de main-d’œuvre bon marché, d’abord prudemment chez les ‘tigres asiatiques’, puis dans les pays émergents et enfin en Inde et en Chine. Pendant dix ans, entre ‘88 et ‘98, les investissements dans les «économies industrialisées asiatiques» ont crû sur base annuelle de 10,5% du PIB. Il semblait que nous en étions revenus au précédent changement de siècle, à la période d’or de l’impérialisme, de l’exportation du capital vers des pays à bas salaires, sans le développement d’un marché intérieur important.
7. Les données qui suivent sur le revenu annuel moyen nous disent peu sur la répartition des richesses, mais nous fournissent néanmoins une indication de l’effet décevant de cette croissance sur le développement du marché intérieur. Même en termes de parité de pouvoir d’achat, le revenu annuel moyen du Vietnam est à peine de 2.575 dollars, de 3.569 dollars pour l’Indonésie, de 7.809 dollars pour la Thaïlande, de 13.210 dollars pour la Malaisie, de 2.784 dollars pour l’Inde et de 5.478 dollars (12) pour la Chine. Malgré 25 ans de chiffres de croissance ininterrompus de 10% par an, la Chine est encore loin du revenu par habitant des USA, lequel est de 45.963 dollars en termes de parité de pouvoir d’achat ! Sans vouloir sous-estimer la croissance spectaculaire de l’économie chinoise, surnommée également la salle de machine de l’économie mondiale, le pays reste le 131e en termes de PIB par habitant sur le plan mondial. Liu Whingzi, directeur des statistiques de la Banque Centrale Chinoise, nuance – un peu trop, il est vrai – l’excédent des recettes commerciales. «C’est une donnée statistique… Nous produisons ici les produits, mais la part du lion des profits retourne en Europe ou aux USA.» (13)
La globalisation militaire rend le monde moins sûr
8. Après la chute du stalinisme, nous avons accentué que la «colle commune» avait disparu. Cette ‘colle’ tenait ensemble les puissances impérialistes depuis des décennies. Le monde bipolaire a cédé place à un monde unipolaire. L’impérialisme américain pouvait enfin surmonter le traumatisme datant de la débâcle au Viêt-Nam (1957-1975). Ce changement de cap avait eu lieu en 1991 déjà, avec la première guerre du Golfe sous Bush-père. La doctrine Monroe de non-ingérence – ou plutôt de non-intervention ouverte – a été échangée pour une politique de ‘containment’ dans un accord de coopération internationale, c’est-à-dire « l’isolement » de potentiels criminels, sous le drapeau de l’ONU. Le président démocrate Clinton y a contribué avec les bombardements de la Serbie par l’OTAN en 1999 et a utilisé pour la première fois le terme de ‘regime change’. Les attentats du 11 septembre ont aidé à préparer l’opinion publique pour une doctrine militaire néoconservatrice de guerres unilatérales et préventives sous Georges W Bush.
9. La boucle est bouclée : si la globalisation est entre autres un régime qui enlève chaque obstacle entravant la liberté de mouvement du capital, alors la doctrine militaire de guerres préventives et unilatérales n’est rien d’autre que la globalisation sur le plan militaire. C’est-à-dire ôter chaque restriction de la liberté de mouvement pour la machine militaire qui doit protéger ce capital… La réduction des factures d’énergie des entreprises américaines a été la raison principale, bien mal cachée, de l’intervention en Irak. Mais au lieu de fournir du nouvel oxygène pour les entreprises américaines sous la forme de pétrole bon marché, le prix d’un baril de pétrole a augmenté de 24,4 dollars en 2001 pour un nouveau record temporaire de 147,27 dollars le 11 juillet 2008. (14) Pour l’autre objectif de la guerre, notamment une vague de démocratisation dans le Moyen-Orient, où les dictatures cèderaient la place à des régimes élus mais avant tout pro-occidentaux, la réalité n’est pas non plus allée dans ce sens. Il existe l’effet inhibiteur du progrès, le phénomène dialectique où le fait d’avoir un avantage mène à trop de témérité et mine la stimulation pour s’améliorer avec en conséquence le fait d’être finalement rattrapé. L’impérialisme américain n’a pas été le premier dans l’histoire à surestimer ses propres forces.
10. Les marxistes appellent cette fameuse loi la loi du développement inégal et combiné. Cette approche est plus complète. Ici, le phénomène n’est pas seulement regardé du point de vue de celui qui a un avantage, mais aussi de ceux qui essayent de rattraper l’avantage. Les aventures impérialistes ont transformé le monde en une poudrière de conflits potentiels. Une série de nouveaux acteurs, en particulier la Chine et la Russie, mais aussi quelques superpuissances régionales, surtout là où l’impérialisme voulait rétablir l’ordre, à savoir l’axe Palestine-Irak-Iran-Afghanistan, revendiquent leur place. Nous pensons en particulier à l’intervention de la Turquie en Irak du Nord, d’Israël au Liban, de la Russie en Géorgie, mais aussi au renforcement de la position sur le plan régional ou continental de l’Iran et du Brésil, aux intérêts commerciaux croissants en Afrique et aux dépenses militaires croissantes de la Chine ou encore au conflit sous-jacent entre l’Inde et le Pakistan. Nous ne pouvons pas nous laisser piéger par la propagande occidentale ou par la ‘neutralité’. Nous ne pouvons pas non plus nous laisser piéger par ceux qui reconnaissent dans l’ennemi de leur ennemi un ami potentiel, indépendamment du caractère réactionnaire de cet ami. Notre position, en revanche, prend comme point de départ l’unité de la classe ouvrière comme condition dans la lutte contre l’impérialisme.
11. Bien que les USA demeurent la puissance impérialiste dominante, l’évolution d’un monde unipolaire vers un monde multipolaire est une tendance incontestable. Cela semble contradictoire avec l’évolution récente en Irak, où le nombre d’attentats semble diminuer. Cela n’est nullement dû au ‘surge’, à l’envoi des 25 mille soldats supplémentaires depuis le début de 2007, mais plutôt au succès de la milice ‘awakening’ sunnite, financée, armée et entraînée par les USA. Ces milices sont souvent constituées de révoltés qui avaient combattu les troupes américaines mais qui, à cause des brutalités d’Al Quaida, sont devenus des alliés temporaires des USA. Le gouvernement irakien et les observateurs internationaux ne sont pas du tout certains de ce que vont faire ces milices lorsqu’elles auront rétabli l’ordre dans leurs communautés. Il y a évidemment des énormes différences entre la milice awakening et d’autres en Irak, le Hezbollah au Liban et les Talibans en Afghanistan. En tout cas, ce développement, ainsi que l’offensive des Talibans en Afghanistan, sept ans après leur défaite ‘définitive’, confirment en premier lieu que le modèle du Hezbollah, basé sur le soutien parmi les masses ou d’au moins une partie d’entre elles, l’emporte de plus en plus sur le modèle Al Qaeda, basé sur le volontarisme de petits groupes issus de l’extérieur.
12. L’annonce qu’en février 2009, 8.000 soldats américains seront retirés d’Irak, devrait sans doute illustrer que la politique en Irak commence à porter ses fruits. Mais cette annonce n’advient sûrement pas de bon cœur car l’opération est planifiée après et non pendant de la présidence de Bush. Celui-ci considérerait un retrait comme une atteinte à son prestige. Malgré toutes les déclarations, l’Irak est en ruines. La puissance centrale est particulièrement affaiblie, les régions disposent chacune d’au minimum une armée et, sans les USA, le pays tomberait sans doute en pièces et déstabiliserait à son tour la région entière. Au sein de l’establishment, des voix s’élèvent pour laisser tomber l’aventure irakienne au plus vite, pour chercher une issue à tout prix et se concentrer sur un seul conflit. Pour le candidat présidentiel Obama, cela doit être l’Afghanistan, une opération visant en bref à limiter les dégâts. McCain, le candidat républicain, vit encore dans l’illusion qu’il pourra remporter des victoires dans les deux guerres en même temps.
13. Indépendamment de quel candidat présidentiel l’emporte, les conditions objectives mettront inévitablement des conflits militaires à l’agenda. L’effet de dissuasion des USA est ébranlé, sa domination militaire sera de plus en plus contestée. Il sera toujours plus difficile de se présenter comme le policier du monde, au contraire, l’opposition croîtra de jour en jour, y compris au sein des USA. Les conflits militaires se feront encore dans un premier temps par substitution, mais le danger de confrontations directes, également entre superpuissances, augmente tout de même. Avec d’abord la reconnaissance du Kosovo puis sa réaction face à l’invasion russe en Géorgie ainsi qu’à la reconnaissance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud par la Russie, l’UE a montré sa difficulté à arriver à une position commune. Cela deviendra encore plus difficile avec la multiplication des conflits. La menace d’une guerre nucléaire à échelle régionale, bien qu’elle ne soit encore qu’une perspective lointaine, gonfle à vue d’œil. Les mouvements massifs dans le monde entier contre l’invasion de l’Irak en 2003 ont, d’autre part, fait apercevoir quelles réactions massives un tel scénario engendrerait.
Les dirigeants ouvriers capitulent – la droite populiste avance
14. La chute du stalinisme a conduit au désespoir idéologique parmi un tas de militants ouvriers et à la capitulation ouverte des dirigeants syndicaux et politiques du mouvement ouvrier face au marché « libre ». Cela a permis aux attaques systématiques de la bourgeoisie d’être réalisées sans réponse pendant tout une période. Cela explique pourquoi chaque débat politique, chaque prise de vue dans la presse était une attaque à sens unique contre les acquis des travailleurs et de leurs familles. Cela explique le phénomène de croissance électorale des formations d’extrême-droite ou de la droite populiste. L’emprise des dirigeants sur les appareils syndicaux explique pourquoi la confiance dans la lutte collective et la discussion démocratique a cédé la place à la recherche de dirigeants forts, de boucs-émissaires et de solutions illusoires passives. C’est pourquoi les campagnes antiraciste sous forme de manifestations pour la tolérance qui évitaient la problématique sociale afin de pas nuire à l’unité du mouvement n’ont eu aucun ou presque aucun effet.
15. Le danger de l’extrême-droite n’a certainement pas disparu. L’élection de Gianni Alemanno, dirigeant de l’Alleanza Nazionale (AN) et ancien dirigeant de l’organisation de jeunesse du parti néofasciste Movimento Sociale Italiano (MSI), en avril de cette année-ci comme bourgmestre de Rome, est un des nombreux exemples qui nous le rappellent. Le rétablissement du FPÖ renouvelé et les victoires électorales du BNP en sont d’autres. Les succès électoraux de l’extrême-droite ces vingt dernières années n’ont jamais été une expression de soutien actif à un programme fasciste. Le fascisme n’était pas devant nous, et la société n’était pas non plus en train de se ‘fasciser’, quoi que cela puisse bien vouloir dire. C’était bien l’expression de la perte d’autorité des instruments politiques bourgeois classiques comme la conséquence de l’embourgeoisification totale des anciens ‘partis ouvriers bourgeois’, le nom que Lénine donnait à la social-démocratie.
16. La base du succès de l’extrême-droite était le populisme. La crise économique et l’appauvrissement qui l’accompagne élargiront encore cette base. Le racisme et le nationalisme seront utilisés davantage encore par les populistes d’extrême-droite et de droite. Malgré cela, la situation n’est plus identique aux années ‘90. L’extrême-droite connaissait alors également des succès électoraux. Pensons au FN en France et, dans une nettement moindre mesure, en Belgique, aux Republikaner et au DVU en Allemagne, au MSI en Italie et puis à l’Alleanza Nazionale et la Lega Nord, au parti de Blocher en Suisse, au FPÖ en Autriche, au Parti populaire danois, au Parti du Progrès Norvégien, à la Liste Pim Fortuyn aux Pays-Bas et, bien-sûr, au Vlaams Blok, devenu Vlaams Belang. Aujourd’hui, tout cela n’a pas disparu, mais il y a depuis lors face à eux aussi une gauche beaucoup plus développée dans certains pays.
17. Au début des années ‘90, il y a eu la formation du PRC en Italie et de l’IU en Espagne, puis du Bloc de Gauche au Portugal. Le SP néerlandais était déjà en train de progresser et, au Danemark, l’Alliance Rouge-Verte initiait son redressement. En France, LO puis la LCR ont connu également leurs premiers succès tandis qu’en Ecosse, le SSP réalisait une percée. Mais l’ordre du jour d’alors, même en Italie, était dominé par la percée électorale de la droite populiste et de l’extrême-droite. Aujourd’hui, surtout en Allemagne, mais aussi aux Pays-Bas et en France, c’est avant tout les percées électorales de la gauche qui attirent l’attention. Cela est dû en partie à une certaine accoutumance en ce qui concerne les résultats de la droite populiste, mais cela reflète principalement une renaissance de la lutte des classes, un phénomène qui deviendra plus fort encore dans les années à venir.
Les dirigeants ouvriers capitulent – les illusions augmentent
18. La trahison des dirigeants ouvriers est la raison fondamentale qui explique pourquoi la bourgeoisie a réussi son processus de mondialisation dans une telle mesure. Il s’agit principalement d’un régime politique fait de libéralisations, de privatisations et de flexibilité pour rayer les limitations pour les mouvements de capitaux. Le monde a été changé en un gigantesque casino. Les progrès scientifiques et techniques, internet entre autres, ont sans nul doute contribué à ce processus de globalisation. Les progrès techniques et scientifiques exigent une division internationale du travail sans cesse plus forte. Pendant l’époque de globalisation, cela s’est concrétisé par la formation de blocs commerciaux et même par la création d’une monnaie européenne, ce que nous avons longtemps jugé impossible sur base capitaliste.
19. Il n’y a aucun doute que la chute du stalinisme a constitué une défaite pour le mouvement ouvrier et une occasion pour la bourgeoisie de pouvoir augmenter le taux d’exploitation. Pourtant, nous étions en désaccord avec ceux qui voulaient faire pencher la balance trop loin dans l’autre sens. Cela n’a certainement pas été la fin de l’histoire comme Fukuyama, un philosophe américain qui a eu son heure de gloire, le prétendait. Cela n’a pas davantage été un revers comparable à ceux encouru avant et pendant la seconde guerre mondiale. Cette position a conduit à une polémique avec le PTB stalinien (15). A cette défaite n’a pas non plus succédé une période de croissance comparable à celle des années dorées ’50 – ’73, comme certains l’ont prétendu. Dans la période ’60 – ’73, la croissance annuelle de la productivité en Europe était de plus de 5%, de plus de 6% au Japon et d’un peu plus de 2,5% aux USA (16). Entre 1995 et 2007, elle n’a été que de 1,4% dans la « vieille Europe » (des 15), de 1,8% au Japon et de 2,1% aux Etats-Unis (17). Ce ralentissement de la croissance de la productivité a été principalement à l’origine de la diminution des investissements. Dans la période ’73 – 90′, ils ont en Europe et au Japon chuté d’un tiers par rapport au niveau de ‘60-‘73. (18)
20. La chute du stalinisme a offert à la bourgeoisie la chance de transférer, au moyen de cadeaux fiscaux et de privatisations mais aussi par le biais de l’augmentation du taux d’exploitation, les ressources collectives vers les entreprises, ce qui avait déjà été utilisé lors du début de la politique néolibérale en 1980. Ainsi, la part des salaires dans la composition du PIB a été fortement rabotée : de 69,9% en 1975 jusqu’à 57,8% en 2006 dans la zone euro (19) et beaucoup plus fortement dans les nouveaux États membres. Aux USA, c’est moins spectaculaire mais c’est tout de même une diminution de 65,9% en 1970 à 60,9% en 2005. Au Japon, de 76% en 1975 à 60% en 2006.
21. Alors que les salaires réels en « unités efficientes » (20) – ce qui signifie le salaire par unité produite – dans la période ‘60 – ’80 ont encore augmenté dans les plupart des pays européens, ils ont diminués partout dans la période ’81 – ’06. Là où ils avaient déjà diminué dans la première période, ils ont diminué encore plus rapidement dans la seconde période. Pourtant, la partie des forces de travail hautement qualifiées, dont on s’attendrait à ce que les salaires soient plus élevés, a partout augmenté. En outre, dans tous pays capitalistes développés, la part des salaires des travailleurs peu qualifiés dans la part totale des salaires du PIB n’a cessé de diminuer et ce dès 1980. La part des salaires des travailleurs hautement qualifiés a augmenté partout. Le groupe situé entre les deux dans la zone euro et au Japon représente à chaque fois presque 60% de la part des salaires dans le PIB. Aux Etats-Unis, la part de ce groupe a diminué jusqu’à atteindre seulement 48% pendant que les travailleurs hautement qualifiés ont empoché une grande partie de la somme totale des salaires. Ceci explique pourquoi la part du salaire dans le PIB aux Etats Unis a diminué beaucoup moins qu’au Japon et dans la zone euro. (21)
Estimer les développements dans leurs relations exactes – la globalisation et l’Etat national
22. C’est toujours un exercice d’équilibre que d’estimer les nouveaux développements dans de justes proportions, de reconnaitre à temps une tendance et l’importance de celle-ci, sans se laisser endormir par un phénomène conjoncturel que l’on surestime systématiquement. Marx a un jour affirmé que l’esclavage a libéré l’homme. Cela ne fait pas de lui un défenseur de l’esclavage, et certainement pas au cours du 19e siècle, à ce moment-là l’esclavage avait déjà cessé de « libérer l’homme ». Avec cette déclaration, il voulait juste mettre en lumière le rôle historique de l’esclavage dans le développement de l’homme au niveau du savoir. Marx et Engels ont accordé – de manière très critique – leur « soutien » à Bismarck (22), mais uniquement pour l’unification de l’Allemagne. Ils ont été aussi en désaccord avec Lasalle (23) qui pensait dans son enthousiasme pouvoir obtenir le suffrage universel avec des négociations avec Bismarck et son gouvernement.
23. Lénine a reconnu la domination du capital financier à l’époque du précédent changement de siècle et a décrit l’impérialisme comme le stade ultime du capitalisme. Il a aussi entretenu une forte polémique contre Kautsky (24) qui a cru que les Etats nationaux allaient être naturellement dépassés en donnant naissance à un hyper impérialisme. Nous avons reconnu le processus de globalisation, mais avons été totalement en désaccord avec ceux qui ont prétendu que les Etats nationaux étaient devenus étrangers à cette question ou avaient au moins perdu tellement qu’on ne pouvait rien faire au niveau des Etats pris individuellement, mais uniquement dans le cadre de grands blocs commerciaux. Les politiciens bourgeois ont abusé de cette opinion erronée pour faire porter la responsabilité de leur politique de casse sociale néolibérale à de « plus hautes instances ».
24. Cette idée a toutefois atteint ses limites en mai et juin 2005 en France puis aux Pays-Bas quand une large majorité de la population s’est prononcée contre la proposition de Constitution Européenne. La bourgeoisie est depuis devenue plus prudente pour utiliser l’Europe comme argument afin de faire accepter les mesures de démolition sociale. Cela n’a toutefois pas pu empêcher que la version simplifiée de la Constitution, le traité de Lisbonne, soit refusée le 12 juin 2008 par une majorité d’Irlandais, les seuls en Europe à avoir pu se prononcer par référendum. Dans la presse bourgeoise, on a expliqué la chose comme si 4 millions d’Irlandais avaient pris en otage 500 millions d’Européens. La prudence avec laquelle les politiciens européens ont parlé du référendum fait toutefois supposer qu’eux aussi se rendent compte que les Irlandais qui ont voté « non » ont exprimé l’avis des 500 millions d’européens qui n’ont pas pu se prononcer.
25. Les politiciens bourgeois ne sont pas les seuls qui ont régulièrement fait appel au parapluie des blocs commerciaux. Au sein des syndicats européens, l’argument selon lequel on ne peut réaliser quelque chose que si cela arrive au niveau européen a été utilisé plusieurs fois pour arrêter la lutte et/ou avoir de faibles revendications. La confédération européenne des syndicats organise chaque année une manifestation, la dernière datant du 5 avril 2008 à Ljubljana, pour plus de salaire, plus de pouvoir d’achat et plus d’égalité. Cette même CES a toutefois appelé en 2004, là où la population pouvait se prononcer par référendum, à voter oui pour le projet néolibéral de la Constitution européenne, «ce serait un tremplin pour une Europe plus sociale». Depuis lors, la CES est elle aussi devenue plus prudente, mais aucun appel n’est venu contre le traité de Lisbonne, au contraire. Les conseils d’entreprises européens, là où ils existent, sont le plus souvent un prolongement du management européen. Dans le meilleur des cas, on décide de partager les effets des restructurations entre différentes implantations (comme avec la déclaration de solidarité européenne pour General Motors en décembre 2005), dans le plus mauvais, on passe la patate chaude aux fédérations d’autres pays (comme avec les attaques des syndicats de VW-Forest contre IG-Metall en 2006 (25)). 26. Avec des dirigeants politiques et syndicaux pareils, la lutte est devenue une entreprise risquée à l’époque actuelle de globalisation, surtout dans les filiales et/ou sociétés dépendantes de multinationales. De plus, les intellectuels de gauche ont affirmé, peut être sincèrement mais en le surestimant, le dogme selon lequel l’Etat individuel était devenu hors de propos, que des revendications telles que la «nationalisation sous contrôle d’ouvrier» ou «l’ouverture des livres de compte» étaient devenues futiles et qu’il fallait les troquer contre «la reconversion» et/ou le contrôle par la création d’une Europe «sociale». En général, cette perspective sans issue a conduit la gauche, y compris la gauche radicale, à la capitulation en matière de programme.
27. Pas seulement la gauche, mais aussi les nationalistes bourgeois se sont laissé entraîner par la perspective d’un capitalisme sans cesse globalisant. Ceci s’est exprimé par l’illusion entretenue dans l’évaporation des Etats nationaux et leur remplacement par une imaginaire Europe des régions. Nous avons au contraire défendu que le processus de globalisation se heurterait inévitablement à un certain moment à ses limites. En d’autres termes, nous avons dit que le processus objectif du besoin croissant d’une division internationale du travail entrerait en conflit avec les entraves archaïques du capitalisme, à savoir l’existence de l’Etat national et de la propriété privée des moyens de production, et que le capitalisme serait incapable de les surpasser à moyen ou long terme. Cela ne signifie pas que le processus entier se dirige dans la direction contraire, mais bien que la tendance vers la globalisation va laisser place à un protectionnisme grandissant et à la décomposition des alliances existantes. L’échec des négociations de Doha de l’Organisation Mondiale du Commerce et la réunion de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni afin de former une réponse commune à la crise financière tout en excluant les autres Etats-membres européens en sont des illustrations.
Idéologie, contenu et forme
28. Nous avons précisé plus tôt que la chute du stalinisme est allée de paire avec la capitulation ouverte des dirigeants politiques et syndicaux du mouvement ouvrier envers le néo-libéralisme. C’est ce qui a assuré que les attaques de la bourgeoisie soient restées pendant un temps sans réponse. La bourgeoisie a proclamé la fin des idéologies, c’est-à-dire la pensée unique néolibérale. Désormais, il était sensé ne plus y avoir de capitaliste ou de travailleur, uniquement des citoyens pour lesquels Guy Verhofstadt a d’ailleurs écrit trois manifestes. Les médias ne venaient plus qu’avec un seul type d’histoire, une attaque à sens unique contre les acquis du mouvement ouvrier. Le contenu a peu à peu laissé place à la forme, à la présentation. La presse a fait ou défait des politiciens sans plus aucune formation idéologique, mais avec une attention aiguë pour la communication avec laquelle le contenu a été de plus en plus subordonné « à la perception » et les spin-doctors, les faiseurs d’opinion, sont devenus plus importants que le programme.
29. Certains en ont déduit que la presse était devenue un quatrième pouvoir, à côté de l’exécutif, du législatif et du judiciaire. D’autres voient dans les fonctionnaires et les lobbyistes respectivement les 5ème et 6ème pouvoirs. Nous ne nions bien entendu pas l’impact des mass media, ni l’influence conservatrice de la fonction ou des lobbys influents. Ils font partie de l’arsenal d’instruments dont dispose la bourgeoisie pour soutenir ses intérêts dans la lutte des classes. Ils reflètent indirectement les relations de force entre les classes et donc, bien entendu, également l’absence d’un instrument politique du mouvement ouvrier. Au fur et à mesure que la lutte des classes augmente, la recherche de réponses, le besoin de contenu et l’aspiration à des organes de presse propres aux travailleurs sera plus forte. La naissance des médias « indépendants » en a été dans un certain sens une première expression, bien qu’encore pénétrée d’illusions. Les médias bourgeois ne peuvent faire autrement que de refléter ce développement. La demande de clarification idéologique fera encore augmenter l’intérêt pour une presse révolutionnaire au contenu étayé.
(1) Depuis, le chiffre de croissance de 2004, 5,2% dans notre texte de 2006, a été révisé vers 4,9%.
(2) L’Australie, la Belgique, le Canada, Chypre, le Danemark, l’Allemagne, la Finlande, la France, la Grèce, Hong-Kong, l’Irlande, l’Islande, Israël, l’Italie, le Japon, la Corée, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, l’Autriche, le Portugal, Singapour, la Slovénie, l’Espagne, Taïwan, le Royaume-Uni, les États-Unis, la Suède et la Suisse.
(3) Tous les chiffres de croissance de World Economic outlook d’avril 2008, le produit réel brut : http://www.imf.org/external/datamapper/index.php
(4) Par taux d’exploitation, les marxistes entendent le rapport entre la plus-value ou le travail non-rémunéré (les résultats de l’entreprise moins le capital fixe utilisé pendant la production pour louer les bâtiments, acheter les matières premières et l’amortissement des machines) et le capital variable ; les salaires bruts y compris les charges patronales et le travail rémunéré que produit le travailleur.
(5) C’est-à-dire le montant de profit par montant de capital investi.
(6) Le bonapartisme se réfère au régime de Napoléon Bonaparte Ier, après son coup d’Etat de novembre 1799. Ce sont des régimes basés sur la répression qui se maintiennent eux-mêmes en dressant les différentes couches de la population l’une contre l’autre.
(7) En 1989, le PIB en parité de pouvoir d’achat Geary Khamis – standard de comparaison international basé sur le dollar américain de 1990 – en Russie était de 1.186 milliards $-GK (160 milliards $-GK en Belgique cette même année). En 1998, cela avait reculé à 661 milliards $-GK (pour 197 milliards $-GK en Belgique). En 2007, le PIB en Russie a obtenu de nouveau pour la première fois uhn résultat net supérieur à celui de 1989, 1208 milliards $-GK (242 milliards $-GK en Belgique). Voir : The Conference Board & Groningen Growth and Development Center – total economy database.
(8) De Tijd, le 16 août 2008, Le talon d’Achille de la Russie forte;
(9)Voir aussi paragraphe 16 dans ‘la montée de la lutte des classes menace les équilibres fragiles’
(10) Tous les chiffres sur la fiscalité – De Tijd, vendredi 4 juillet et mardi 9 septembre 2008.
(11) De Standaard, 19 janvier 2008, Reportage over Bulgaars wezen onthutst
(12) Toutes les données: http://www.economist.com/countries/ Le revenu exprimé en termes de parité du pouvoir d’achat ou ‘purchasing power parity’ (PPP) ; Jusqu’il y a vingt ans, seuls les chiffres du revenu par rapport aux changes officiels. Le taux de change est largement déterminé par les prix des marchandises et des services échangés sur le marché mondial. La population dans les pays pauvres ne peut souvent même pas se permettre ces marchandises et ces services et consomment des biens et des services qui sont produits à bas coûts sur place. Selon les économistes bourgeois, les couts de la vie ici sont inférieurs à ceux des pays développés. En bref : le revenu exprimé face aux changes officiels surestime selon eux la richesse dans les pays riches et la sous-estime dans les pays pauvres. Afin de rectifier cette ‘injustice’, on se sert de nos jours de plus en plus des chiffres s’exprimant en termes de parité de pouvoir d’achat. Cette méthode alternative pour comparer le pouvoir d’achat de deux pays est inutile s’il s’agit d’une comparaison de l’influence sur le marché mondial. En termes de taux d’échange, le revenu annuel moyen au Viêt-Nam est de 823 $, en Indonésie 1.845 $, en Thaïlande 3.697 $, en Malaisie 6.872 $, en Inde 1.030 $, en Chine 2.453 $ et aux USA 45.963 dollars. En Azerbaïdjan, ce taux s’élève à 3.407 dollars.
(13) De Tijd, le 10 mai 2008, Nous ne sommes pas des bouilleurs de dispute. Nous stabilisons le système financier.
(14) Pour un sommaire du développement des prix du pétrole: http://en.wikipedia.org/wiki/Oil_price
(15) Voir http://www.lsp-mas.be/marxisme/indypvda.html – paragraphe 4
(16) Andrew Glyn, 2006, Capitalism Unleashed, fig. 1.7 p.14
(17) The Conference Board & Groningen Growth and Development Centre, Total Economy Database, summary statistics www.ggdc.net
(18) Andrew Glyn, 2006, Capitalism Unleashed – p. 13
(19) European Commission, Employment in Europe report, 2007, chapter 5 p 240
(20) Lors du calcul des salaires réels, contrairement aux salaires nominaux, il est tenu compte de la perte d’argent due à l’inflation. En « les unités efficientes», cela signifie qu’il a été tenu compte de la productivité, c’est-à-dire de la valeur (d’échange) produite par travailleur par heure. Il s’agit simplement du salaire réel par unité de production.
(21) En Belgique, aux Pays-Bas et en France, le salaire réel par unité de production dans la période ‘60 – ‘80 a augmenté annuellement respectivement de 0,11%, de 0,82% et de 0,39%. Dans la période ‘81 – ‘06 il a toutefois diminué annuellement de respectivement -0,40%, -1,39% et -0,66%. Aux Etats-Unis et au Japon, les salaires réels par unité de production ont diminué de -0,38% et -0,04% dans la première période et de -0,51% et -0,47% dans la seconde. Voir le même document qu’à la note de bas de page 18, p. 244 – 246.
(22) En référence à Otto von Bismarck qui, en 18971, après la guerre franco-allemande, a unifié les Etats allemands dans l’empire allemand. Comme chancelier, il a pris l’initiative de la loi anti-socialiste qui interdisait les réunions et les publications du Parti Socialiste Ouvrier (SAP).
(23) Ferdinant Lasalle était le fondateur du Allgemeiner Deutscher Arbeitervereim – ADAV – en 1863 qui a fusionné lors du Congrès de Goth avec les Eisenachers, les partisans de Marx. Dans Critique sur le programme de Gotha, Marx se prononce fortement contre cette fusion sans principe.
(24) Karl Kautsky, ancien secrétaire d’Engels, utilisait le marxisme comme un dogme. Il a reproché à Lénine, Trotsky et aux Bolchevicks d’avoir appliqué une révolution dans un pays qui n’était pas encore assez mûr. Il a défendu en 1914 la politique du SPD quand ce dernier a voté les crédits de guerre au Reichstag. Il a été à la base de la création du USPD (le SPD indépendant), mais a rejoint ensuite à nouveau le SPD quand la base du USPD a décidé contre sa direction de rejoindre l’Internationale Communiste. Il a été répondu tant par Lénine dans Le renégat Kautsky, que par Trotsky dans Terrorisme et communisme et par Rosa Luxembourg dans La révolution russe.
(25) En décembre 2005, les responsables syndicaux de GM Anvers, Bochum, St-Ellesmereport, Gliwice, Trolhättan, les soi-disant usines-delta où l’astra a été construite, ont fait une déclaration de solidarité européenne. « Nous ne nous laissons pas monter les uns contre les autres par le président d’Opel. Nous n’accepterons pas les fermetures d’usine ou une distribution inégale de la production entre les sites. Qui menace une usine obtiendra une réponse commune de tous les pays… » Le programme de restructuration entre-temps négocié a été le plus lourd depuis la seconde guerre mondiale. « Nous n’accepterons pas de diminution future d’emploi ou de fermetures d’usines où que ce soit en Europe », selon leur déclaration de presse.
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CONGRÈS NATIONAL DU MAS/LSP. Vers de nouveaux défis
CONGRÈS NATIONAL DU MAS/LSP
Les 11, 12, et 13 novembre, quelques 130 camarades se sont réunis à Nieuport pour notre Congrès national, occasion attendue d’analyser ensemble l’évolution de la société depuis le Congrès précédent, d’effectuer le bilan de notre activité sur la même période, mais surtout de dresser des perspectives correctes pour les temps à venir, à la fois pour la société et pour notre parti.
Nicolas Croes
Initialement prévu annuellement, notre congrès n’avait cependant pas pu se tenir l’an dernier essentiellement à cause de la croissance de l’organisation. Afin d’éviter de réunir les camarades pour un Congrès bâclé, mal préparé, nous avions décidé de le repousser, ce qui signifiait avant toute chose qu’il s’agissait cette année de traiter de l’actuali-té ainsi que de la croissance de l’organisation pour les deux dernières années. Lourde tâche, facilitée malgré tout par l’excellente préparation effectuée dans les différentes sections, qui permit surtout d’intégrer l’entièreté des membres dans les discussions, et pas seulement ceux qui avaient eu l’opportunité de se libérer.
L’impact de ces débats, dépassant largement le cadre de la préparation au Congrès, fut très positif pour la formation des membres. Le Congrès était orienté autour de trois thèmes: les perspectives internationales, belges, et celles de l’organisation.
Pour apporter un autre regard et nous faire bénéficier de leur expérience acquise dans des contextes bien différents, nous eûmes le plaisir d’accueillir des camarades d’autres sections de notre Internationale (le Comité pour une Internationale ouvrière). Etaient ainsi présents des représentants de nos organisations-soeurs du Nigéria, d’Israël, des USA, de France, et également un membre de notre Secrétariat International. Le constat général tiré de ces discussions fut que la lutte des classes reprend partout de l’ampleur, en Belgique comme ailleurs, affûtée par une crise qui s’annonce extrêmement dure.
Les journées consacrées à la situation en Belgique et à notre activité reflétèrent particulièrement le développement de notre parti. Nos terrains d’action se sont considérablement étendus ces derniers temps, chose rendue possible par l’arrivée d’un grand nombre de nouveaux camarades, mais, une croissance quantitative ne faisant pas tout, due également à l’implication de tous les membres sur leurs lieux de travail, d’étude, … Le développement qualitatif et l’intérêt des membres vis-à-vis des tâches qui nous incombent dans les prochains mois se remarqua notamment dans l’appel financier, qui nous permis de récolter 8.500 euros.
Cet enthousiasme devra être bien utilisé. Nous avons réussi, après énormément d’efforts, à devenir le plus important facteur de mobilisation dans la jeunesse, il nous reste maintenant à obtenir une position similaire sur le milieu des travailleurs. Au vu des résultats qui sont nôtres après quelques mois d’orientation plus poussée en ce sens, et malgré la difficulté, cet objectif nous paraît plus que réalisable.
