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Tag: CNN
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Sri Lanka’s Killing Fields: Les crimes de guerres impunis
Cela fait près de trois ans que le régime du Sri Lanka a déclaré sa victoire contre le LTTE, les Tigres de libération de l’Îlam Tamoul. Cette prétendue victoire a coûté la vie d’au moins 40.000 civils tamouls lors de sa dernière phase, des centaines de milliers de personnes ont été parquées dans des camps de concentration et des milliers de personnes manquent toujours à l’appel. Le Nord et l’est du Sri Lanka sont toujours sous contrôle et occupation militaire. Les blessures sont profondes, le sang est encore frais, la souffrance est insupportable.
Manny Thain, secrétaire de la campagne Tamil Solidarity
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Socialisme 2012 Le dimanche 29 avril, différentes commissions sont prévues de 10h à 12h30. L’une d’elle sera consacrée à cette question, avec la projection du documentaire “Sri Lanka’s killing fields”, suivie d’un débat.
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La chaîne britannique Channel 4 est l’une des rares voix à s’être élevée contre le régime du président Mahinda Rajapaksa et ses crimes. Le 14 mars dernier, elle a consacré un second documentaire à cette guerre et à ses conséquences : Sri Lanka’s Killing Fields: War Crimes Unpunished (film qui sera projeté durant le week-end Socialisme 2012 des 28 et 29 avril prochain).
Les images horribles de ce documentaire montrent notamment l’attaque d’un convoi d’aide alimentaire des Nations Unies, pris au piège au sein d’une zone qui était sensée être protégée avec des centaines de milliers de civils. Malgré l’envoi des coordonnées GPS, les installations de l’ONU ont continué à être bombardées. Après que le personnel des Nations Unies ait frénétiquement appelé la Haute Commission australienne à Colombo (la capitale du Sri Lanka), le bombardement a évité l’ONU, mais s’est poursuivi dans la zone de cessez-lefeu, contre les civils. De toute évidence, les autorités avaient une connaissance directe de la situation et l’armée savait ce qu’elle bombardait.
À la mi-avril 2009, l’armée sri lankaise a franchi la zone de cessez-le-feu en son milieu, sous le prétexte d’une ‘‘opération de sauvetage d’otages’’. En réalité, c’était une attaque militaire de grande envergure.
Des dizaines de milliers de personnes ont été parquées dans de gigantesques camps de détention. Le 22 avril, le porte- parole de l’armée a insisté sur le fait qu’aucune artillerie lourde n’avait été utilisée et qu’aucun civil n’avait été tué. Mais selon l’ONU, le nombre de décès a au moins atteint les 15.000 personnes lors de cette attaque.
Le régime sri lankais a délibérément sous-estimé le nombre de personnes tuées ou prises au piège. Les données de l’ONU affirment qu’à la fin du mois d’avril, plus de 125.000 personnes étaient toujours prises au piège, mais le président Rajapaksa déclarait au même moment à CNN qu’il n’y avait que 5 à 10.000 personnes détenues.
Le 3 mai, la zone de cessez-le-feu était à peine plus large qu’un kilomètre. Les hôpitaux de campagne, accablés de morts et de mourants, ont été bombardés tandis que le régime refusait d’accepter une intervention de la Croix-Rouge. Les combattants des Tigres Tamouls capturés ou qui s’étaient rendus ont été exécutés et les militantes féminines ont subi des violences sexuelles et des mutilations abominables. Channel 4 a notamment souligné l’exécution de Balachandran Prabhakaran, le fils de 12 ans du dirigeants des Tigres Tamouls, de plusieurs balles dans le corps.
Considérations géopolitiques
Sir John Holmes, alors à la tête des opérations humanitaires de l’ONU, a admis que le régime de Rajapaksa s’est joué de l’ONU. Il savait que, pour des raisons géopolitiques et commerciales, aucun gouvernement n’était prêt à condamner les massacres. Selon M. Holmes, le feu vert était implicite et le régime a pu poursuivre sa politique brutale en toute impunité.
Lors de la réunion du Commonwealth de 2011, en Australie, le président Rajapaksa a serré la main de la reine Elizabeth II, et le Sri Lanka a été désigné comme lieu de rencontre de la prochaine réunion de 2013. Il n’est pas étonnant que son régime se sente libre d’assassiner…
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[DOSSIER] La lutte pour des syndicats indépendants en Chine
Le régime annonce des « réformes » syndicales – vers une démocratisation des syndicats d’Etat?
La récente vague de grèves en Chine a revigoré les revendications des travailleurs en faveur de véritables syndicats et de représentants élus. Comment le régime et ses syndicats pantins vont-ils faire face à ce défi ? La démocratisation est-elle à l’ordre du jour ?
chinaworker.info
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Grève à Honda, au Zhongshan
[/box]Le 17 mai dernier, un travailleur de l’usine de transmission de Honda à Foshan (une Ville de la banlieue de Guangzhou de 6 millions d’habitants), âgé de 24 ans, a pressé le bouton « arrêt d’urgence », mettant de ce fait toute l’usine à l’arrêt. Cet acte intrépide, à l’origine d’une grève de deux semaines, aura été l’élément qui aura fait dévier l’immense locomotive du Travail chinois vers une nouvelle voie entièrement neuve. La grève de Foshan est devenue célèbre en tant que point de départ de la vague de grèves audacieuse de cet été. La plupart des travailleurs impliqués dans cette première grève, tout comme dans celles ont suivis, étaient âgés d’à peine 20 ans. Nombre d’entre eux étaient des internes (logés dans les entreprises), dont les conditions de travail sont plus précaires que celles des autres travailleurs. Par leur bravoure, leur détermination et leur aptitude à improviser des tactiques et des méthodes « sous le feu ennemi » (face aux tentatives de la direction de briser les grèves), cette nouvelle génération de travailleurs émigrés s’est imposée en tant que facteur décisif dans la Chine d’aujourd’hui.
Ces événements dramatiques ont forcé les politiciens et les économistes, partout dans le monde, à en prendre note. Le Wall Street Journal avertit que les grèves sont ‘‘un dilemme pour le Parti Communiste’’, dont les dirigeants sont ‘‘très inquiets quant à un scénario comme celui qui s’est déroulé en Pologne à la fin des années 80, lorsqu’un mouvement syndical indépendant a mené au renversement du gouvernement polonais…’’ (stalinien).
Bien que les grévistes aient remporté ce qui de prime abord semble être une forte hausse salariale, de +25, 30%, et dans certains cas +50%, ces hausses ne sont rien de plus que des ‘‘rattrapages’’. Pendant plus d’une décennie de croissance salariale non-existante ou léthargique, la productivité du travail en Chine s’est accrue de près de +10% par an, rapportant d’énormes bénéfices aux capitalistes, surtout en ce qui concerne les marchés étrangers. Ensuite, la plupart des gouvernements locaux ont imposé un gel des salaires lorsque la crise capitaliste mondiale a frappé en 2008. De nombreux analystes parlent d’employeurs qui ‘‘utilisent la crise comme une excuse’’ afin de maintenir les salaires à la baisse et d’augmenter l’exploitation (journées plus longues, heures supplémentaires non-payées, non-paiement de l’assurance-pension et autres allocations).
Partout dans le pays, les autorités locales ont été plus souples concernant la (non-)mise en application du Code du Travail. Un gérant d’une usine à Dongguan (une autre ville de la banlieue de Guangzhou – 6 millions d’habitants également) disait du gouvernement local qu’il ‘‘ne dit pas qu’il ne faut pas se soucier du Code du Travail, mais à présent c’est «un œil ouvert, l’autre fermé»’’. D’autres régions ont introduit des lois locales qui contredisent le Code du Travail. La loi est ‘‘entrée dans un état de paralysie dans certaines régions’’, selon les termes Qiao Jian de l’Institut Chinois sur les Relations au Travail.
Partout, l’environnement de travail est devenu plus dur à cause de la crise. People’s Daily Online (10 mars 2010) a rapporté que 14,4% des travailleurs ont subi un non-paiement de salaire en 2009 – en 2007 ils n’étaient que 4,1%. Ces statistiques et d’autres retraçant les salaires et le paiement des heures sup’ ont révélé un nouveau transfert de pouvoir et de richesse – sous couvert de la crise – du Travail vers le Capital. Cette pression à la baisse s’est heurtée aux coûts qui montent en flèche, surtout depuis que l’économie s’est rétablie. Le prix du riz a grimpé de +17% en un an, et les légumes frais coûtent +22% plus cher.
Le Premier Ministre Wen a récemment pris la parole devant des dirigeants japonais en visite au sujet des ‘‘salaires relativement bas’’ octroyés par les compagnies japonaises, qui sont la cause des grèves. Les salaires de nombreux sous-traitants chinois sont même encore plus bas. Les médias officiels veulent donner l’impression que le gouvernement soutient les hausses de salaire et même perçoit les grèves d’un bon œil, en tant que manière d’imposer de meilleures conditions aux capitalistes étrangers. Cela n’est qu’un conte de fées. Si c’était vrai, pourquoi les grèves ont-elles dû subir la répression, la brutalité policière, et un boycott des médias afin de limiter la propagation du mouvement ?
Malgré des rapports comme quoi les salaires minimum se sont accrus de +12% en moyenne cette année, le salaire minimum est toujours de tout juste 770 RMB (87€) à Dongguan, et de 960 RMB (108€) à Beijing (une hausse par rapport à 800 RMB en juin 2010). C’est à Shanghai qu’on trouve le plus haut salaire minimum du pays, à 1120 RMB (127€). Avec les pressions du capitalisme mondialisé et sa course vers le bas, les autorités chinoises sont forcées de jouer les équilibristes, entre l’explosion de colère des ouvriers d’une part, et de l’autre la possibilité pour les capitalistes de transférer ailleurs la production, les investissements et les emplois.
Les grèves de 2010 représentent par conséquent, dans une certaine mesure, la revanche des plus jeunes travailleurs après les privations des dernières années. Une confluence de plusieurs facteurs leur a suggéré que l’heure était venue de se battre.
D’abord, il y a eu la reprise de la conjoncture économique et une croissance plus forte dans les régions continentales, ce qui a ouvert un marché de l’emploi alternatif par rapport aux régions côtières, ce qui a ensuite conduit à un manque de main d’œuvre dans certaines parties du Guangdong (1) et d’autres zones exportatrices. En plus de cela, il y a eu beaucoup d’investissements, surtout dans l’automobile. Honda, qui a été touché par au moins dix grèves en Chine, a annoncé des plans pour étendre d’un tiers sa capacité de production en Chine au cours des deux prochaines années. Malgré la hausse des coûts salariaux, la compagnie s’attend à profiter du plus grand et du plus dynamique marché automobile au monde. Un autre facteur crucial derrière les grèves est la nouvelle perception du monde de la nouvelle génération de travailleurs émigrés. Une majorité d’entre eux se considèrent maintenant non plus comme ‘‘paysans’’ ni même comme ‘‘ouvriers-paysans’’, mais comme ‘‘ouvriers’’.
‘‘C’est une nouvelle race. Leur expérience différente fait en sorte qu’ils ont des perspectives différentes… C’est cette société qui a modelé leur mode de pensée, elle leur a coupé le chemin du retour à la maison, et les a laissé sans aucune issue.’’ – Voilà la vision d’un étudiant de Beijing qui travaillait à l’usine de Dongguan l’été dernier (Pensées au Hasard sur la Vie à l’Usine, China Labour Bulletin).
Appel à des ‘‘syndicats réorganisés
Même avant la récente vague de grèves, les statistiques montrent une rehausse de protestations ouvrières. En décembre de l’an dernier, le magazine Liaowang de la Xinhua News Agency, une agence de presse gouvernementale, a rapporté que ‘‘selon la Cour Populaire Suprême, les cours civiles ont accepté 280 000 cas de disputes au travail en 200, 93,93% de plus que l’année précédente. Dans la première moitié de 2009, 170 000 cas ont été accepté, soit 30% de plus’’.
Mais ce qui est encore plus alarmant pour le régime chinois et pour la ‘stabilité’ qu’il chérit par-dessus tout : ‘‘Les incidents de masse provenant de disputes au travail se sont considérablement accrus et ont pris une forme plus violente, augmentant la conscience du public quant à ces enjeux. De nombreux experts et académiciens qui ont été interviewés pour cet article ont confirmé ce point, et ont ajouté que les disputes au travail étaient maintenant devenues une source de conflits majeure dans la société chinoise’’ (Liaowang).
En même temps, le régime est prudent quant à l’usage de la répression. Non seulement les grèves bénéficient d’un soutien considérable parmi els autres travailleurs et les couches moyennes, mais le régime lui-même n’est pas certain que la répression fonctionnera, et craint de déclencher une explosion sociale encore plus large.
La caractéristique la plus importante des luttes de 2010 a été les appels répétés par les grévistes, de Dalian (ville de la province de Liaoning, important port à la frontière Nord-Coréenne, 2 millions d’habitants) à Tianjin (grande métropole adjacente à Pékin, qui lui sert de port maritime, 12 millions d’habitants) en passant par Guangzhou (Capitale de la province du Guangdong (Canton), très importante région industrielle du sud de la Chine – 13 millions d’habitants ) pour des syndicats ‘‘réorganisés’’ et pour une représentation ‘‘de la base’’.
Au cours de la grève à l’usine Honda de Foshan, cette revendication a été posée de la manière la plus vive lorsque 200 nervis, payés par la section locale du syndicat officiel, ont tenté de briser la grève manu militari. Lorsque cette tactique s’est avérée avoir l’effet inverse – plutôt que d’affaiblir la grève, elle a suscité une combativité encore plus grande parmi les jeunes ouvriers – les représentants du syndicat officiel ont été sacrifiés par leur supérieurs bureaucrates et par les patrons de Honda. Quelques jours plus tard, un message d’excuses a été publié par le syndicat : c’était là une des principales conditions posées par les travailleurs pour mettre un terme à la grève.
Ces grèves, et la proéminence de la question syndicale en leur sein, marque un tournant. Ceci du fait du degré d’organisation, de la sympathie générée dans la société en général et par-dessus tout de la conscience quant à la question syndicale. Comme l’a fait remarquer un analyste dans le China Daily : ‘‘La Fédération Pan-Chinoise des Syndicats (FPCS) a réalisé que la grève à Honda est une forme nouvelle d’action ouvrière, très certainement parce qu’elle va au cœur du problème – quel est le rôle légitime du syndicat. Son impact est potentiellement énorme’’ (souligné par le magazine Socialist).
Il y a eu d’autres luttes de masse dans lesquelles la revendication pour des syndicats indépendants a fait surface. Les mouvements dans le Liaonin (2) et dans le Heilongjiang (3) en 2002 en ressortent comme un important exemple. Mais aussi dans d’autres grèves, telle que l’arrêt de travail des ouvriers d’Uniden à Shenzhen (ville de la province de Guangdong, entre Guangzhou et Hong Kong, 9 millions d’habitants) en 2005, le rejet de la FPCS et la revendication d’une vraie représentation ouvrière a été un véritable moteur. Dans le mouvement de 2002, principalement basé sur des xia’gang (travailleurs d’entreprises étatiques qui ont été licenciés), les autorités ont répondu avec quelques concessions symboliques, mais aussi avec une répression totale. Les dirigeants du mouvement ont été arrêtés et emprisonnés. A Uniden, les directeurs de la société et les dirigeants locaux ont coordonné leur réponse afin de noyer la revendication d’un syndicat indépendant en offrant des concessions plutôt généreuses. Cette fois-ci, cependant, à cause de l’étendue des grèves, du haut degré de conscience et d’opposition vis-à-vis du syndicat officiel, et de la position centrale de cette revendication, il ne sera pas si facile pour le gouvernement de s’en dépêtrer. Le génie syndical a été libéré de sa lampe !
Qu’est-ce que la FPCS ?
La FPCS prétend être la plus grande organisation syndicale au monde, avec ses soi-disant 226 millions de ‘‘membres’’. Mais il s’agit d’un syndicat ‘‘jaune’’ (c.à.d, acquis à la cause patronale), qui par-dessus le marché fait partie intégrante de l’Etat chinois. Le président de la FPCS, Wang Zhaoguo, est un membre haut placé de la hiérarchie du PCC (Parti Communiste Chinois), et est un des vice-présidents du Congrès National Populaire. En tant que syndicat, la FPCS possède un historique plutôt unique :
- Elle n’a jamais mené ni soutenu des grèves, et ne s’est jamais battue pour des augmentations de salaire. Depuis 1982, où toutes les grèves ont été interdites, le syndicat condamne ce genre d’action « illégale ».
- Elle n’a jamais protesté contre les arrestations de militants ouvriers ou de meneurs de grève
- Elle recrute ses membres en cooptant les entreprises privées et leur direction dans la structure du syndicat. Pour la plupart des travailleurs, le syndicat n’a aucune présence réelle, la seule preuve de son existence est constituée des déductions de leur « cotisation de membres » de leurs salaires.
La transition vers le capitalisme ‘‘a conduit à une marginalistion tragique de la FPCS’’ dans les années ‘90, selon l’IHLO, une organistion de Hong Kong qui soutient les syndicats démocratiques et indépendants. La base traditionnelle de la FPCS se trouvait dans le secteur étatique en constante diminution alors qu’aujourd’hui, environ 80% des entreprises sont soit privées, soit appartenant à des capitaux étrangers. Craignant un vide de pouvoir dans les usines privées susceptible de causer des dégâts, Pékin a poussé la FPCS dans ce secteur avec pour instruction d’établir des sections et de saboter toute tentative d’auto-organisation de la part des travailleurs.
Là où la FPCS existe – et ceci englobe la plupart des entreprises privées actuelles – elle a ressuscité en tant que ‘‘partenariat’’ entre la direction et le gouvernement local, avec pour objectif de contrôler la main d’œuvre et d’empêcher les protestations et tout mouvement indépendant.
‘‘Dans les entreprises étrangères de la région du delta du Fleuve des Perles – province de Guangdong -, les représentants syndicaux (du moins, là où ils existent) sont désignés par les gouvernements locaux, dont l’intérêt majeur est d’attirer les investissements étrangers. Historiquement, ces gouvernements sont constitués des anciennes brigades ou communes de production, qui maintenant louent la terre aux entreprises et désignent quelques personnes locales ignorantes sur le plan syndical afin de diriger les centrales syndicales. Même certains hauts-gradés syndicaux en parlent en tant que ‘‘faux syndicats’’» (Anita Chan, dans le China Daily du 18 juin 2010)
La FPCS étatique est-elle sur le point de changer ?
A la question de savoir s’il faut s’attendre à du changement, la réponse est à la fois oui et non. Il est clair que la FPCS, en tant que structure étatique, doit modifier ses méthodes face à ces grèves. Si elle refuse catégoriquement les revendications des travailleurs en faveur de syndicats de la base, elle risque de perdre le contrôle de ce processus. Reflétant son approche par rapport au contrôle des médias en notre ère d’internet, le gouvernement va tout d’abord tenter de vendre sa propre version, promue à coups de restrictions et de menaces implicites, plutôt que de laisser se créer un vide dans lequel d’autres forces puissent s’avancer.
Les propositions qui ont jusqu’ici été révélées sont essentiellement cosmétiques, plutôt que de posséder une quelconque substance réelle. Comme toujours, on a droit à de vagues indications quant à un changement à venir, accompagnées de l’adjectif ‘graduellement’. Une chose est sûre : la nature fondamentale de l’Etat de parti unique et de son faux syndicat reste la même. Il est simpliste et naïf de dire, comme l’ont fait certains analystes sur la chaîne d’actualité CNN, que ‘‘la FPCS est maintenant confrontée à un choix : devenir un véritable syndicat ouvrier, ou rester marginalisée’’. Une telle perspective, selon laquelle la FPCS pourrait devenir une authentique organisation ouvrière, est complètement exclue.
Le gouvernement comprend les implications d’un appel à des ‘syndicats réorganisés’, au cas où cette tendance devait poursuivre son élan à travers l’industrie. Un mouvement syndical indépendant, basé sur le prolétariat le plus nombreux au monde, dans sa plus grande base d’exportation, deviendrait une superpuissance économique et politique. Une dictature autoritaire peut faire beaucoup de choses, mais une chose qu’elle ne peut pas faire, c’est partager le pouvoir avec une puissance indépendante rivale. Les initiatives en vue d’une ‘réforme’ annoncée par la FPCS ces derniers mois doivent être comprises dans cette lumière – en tant que manœuvre défensive afin de saboter le mouvement en faveur de véritables syndicats.
La principale fondation de cette ‘nouvelle’ politique est composée de déclarations superficielles et encore floues en vue d’élections sur le lieu de travail. L’objectif est de fournir une soupape de sécurité pour le mécontentement des travailleurs, un mécanisme afin de relâcher la pression, sans pour autant fournir aux travailleurs un réel outil de lutte. Un certain espace va être octroyé pour des élections sur le lieu de travail. Mais le régime voudra garder cela endéans des limites strictes, afin de barricader chaque entreprise en tant qu’entité hermétiquement scellée, et d’empêcher l’émergence de véritables structures de la base. Selon le plan de la FPCS, les travailleurs pourraient recevoir le droit d’élire des délégués d’usine, mais ceux-ci seront placés sous la ‘supervision’ de la hiérarchie syndicale au niveau du district ou de la ville, c.à.d. du gouvernement !
Certains militants et experts des droits au travail applaudissent ce nouveau tour de passe-passe. Han Dongfang, Directeur du China Labour Bulletin de Hong Kong, a décrit la réponse du gouvernement comme étant ‘‘positive’’, affirmant que les nouvelles propositions ‘‘pourraient se révéler être d’une portée historique’’. The Socialist avertit que ce n’est absolument pas ce que la FPCS et le gouvernement ont en tête.
Le fait qu’ils puissent être forcés à faire bien plus de concessions que ce qu’ils ne l’auraient souhaité est une toute autre affaire. Mais cela dépend du niveau de lutte de masse dans la période à venir, et non pas de pseudo ‘réformes’ ou ‘réformateurs’ dont l’influence au sein du gouvernement est négligeable. Le facteur positif dans cette situation est que le gouvernement se sent forcé de battre en retraite – bien qu’une petite retraite. Ceci veut dire qu’il y a plus à gagner, que la lutte de masse est capable d’arracher des concessions encore plus grandes, qui vont encore plus loin !
Personne ne devrait se sentir exagérément impressionné de l’offre d’organiser des élections syndicales locales, de la manière dont elles seront réalisées dans le cadre de la machine à contrôler de la FPCS. Comme le dit le dicton, ‘‘le diable est dans le détail !’’ Selon Liu Jichen du département juridique de la FPCS, les élections proposeront des candidats ‘‘validés par le syndicat’’. Il ajoute que ‘‘Même avec les élections directes [du délégué principal], aucun autre mode d’organisation n’est permis que le système syndical unifié actuel, dans lequel les syndicats de la base sont dirigés par leurs autorités supérieures ». (South China Morning Post du 23 août 2010)
Il est clair que le système d’élections envisagé par Liu et ses amis bureaucrates incorporera sans nul doute des ‘sonnettes d’alarme’ tels que le droit pour les comités supérieurs de la FPCS d’approuver ou de rejeter les candidats au niveau de l’entreprise. Le rôle de ces ‘sonnettes d’alarme’ – de même que celui des odieuses ‘circonscriptions fonctionnelles’ de la ‘démocratie’ hongkongaise – est de garantir le contrôle ultime de la dictature du parti unique et de s’assurer que les travailleurs et les revendications de la base soient filtrées et rejetées en-dehors du système.
La force réside dans l’organisation clandestine des travailleurs
Le régime chinois a une expérience considérable quant à l’organisation d’élections à petite échelle – dans des dizaines de milliers de villages – et celle-ci ne présage pas grand’chose de bon. Non seulement ces élections sont organisées de telle sorte qu’elles excluent toute véritable militance ou organisation de la base, mais elles sont de plus en plus devenues un champ de bataille pour les intérêts éhontés de tel ou tel homme d’affaires ou pour diverses luttes de pouvoirs entre clans.
Si les entreprises perdent le pouvoir de désigner les représentants syndicaux qu’elles possèdent aujourd’hui, elles vont exercer leur pression sur les structures syndicales par une approche plus indirecte, fréquentant les échelons supérieurs de la FPCS de manière plus assidue, et intervenant dans les ‘expériences démocratiques’ à l’échelle de l’usine soutenant leurs propres agents contre les véritables délégués syndicaux. Ceci peut bien entendu être accompli par toutes sortes de moyens, du pot-de-vin aux menaces en passant par la propagande. Ce sont là les leçons à tirer de l’expérience des élections villageoises. C’est donc avec le plus grand scepticisme que les travailleurs de Chine devraient par conséquent traiter les dernières gesticulations officielles autour de la « réforme » syndicale. Ceci ne veut pas dire qu’il faille rejeter ce développement en bloc. Tout symptôme d’une crise au sein de l’appareil dirigeant doit être exploité. Les travailleurs devraient tout naturellement défendre le droit d’élire leurs propres représentants ‘en accord avec la loi’, et tenter d’utiliser ce processus afin de mettre en avant leurs revendications. Mais pour que ceci puisse fonctionner, il est nécessaire de s’organiser de manière informelle et séparée des institutions gouvernementales. Malgré son ‘lifting’ en cours, la FPCS reste pour les travailleurs une organisation hostile et antidémocratique, capable uniquement de saboter la lutte de classe et de limiter la vision des travailleurs à un seul lieu de travail, sans aucune possibilité de forger des liens entre usines et entre villes.
Afin de construire des organisations plus fortes, il est nécessaire d’exploiter même les plus restreints des canaux légaux. Mais à moins que des structures inofficielles, des comités d’usine ou autres organes locaux directement élus et redevables ne soient bâtis derrière l’écran des structures officielles, les travailleurs ne disposeront pas d’un instrument qu’ils puissent eux-mêmes contrôler. L’exemple des travailleurs de Honda à Foshan est encore une fois une grande leçon. Au cours des négociations, leurs représentants ont juré de ne jamais signer un accord sans qu’il ait été soumis au vote de l’assemblée des travailleurs, et ils ont exigé de la direction qu’elle accorde au personnel des temps de pause afin de pouvoir participer à ces assemblées. Le régime de Pékin va tout faire pour résister, et sa capacité à manœuvrer et à attendre est légendaire. Mais la formation de syndicats de la base indépendants n’est maintenant plus qu’une question de temps. C’est là tout le sens à donner à la récente vague de grèves.
(1) Province de Canton (Guangzhou), très importante zone industrielle du sud de la Chine, qui inclut entre autres les villes de Guangzhou, de Foshan et de Dongguan ; 100 millions d’habitants dont 31 millions de travailleurs émigrés (en 2005), même taille que la France
(2) Nord-Est de la Chine, entre la province de Hebei (Pékin) et la Corée du Nord, capitale Shenyang – 43 millions d’habitants pour 5 fois la taille de la Belgique
(3) Nord-Est de la Chine, à la frontière avec la Russie (fleuve Amour), dont la capitale est Harbin – 38 millions d’habitants pour 2,5 fois la taille de la France
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Iran: “Chaque semaine, il y a une grève qui éclate”
LES DERNIERES élections législatives en Iran ont été un triomphe pour les religieux conservateurs autour de Khamenei. Ils ont organisé un véritable putsch contre la faction réformatrice du président Khatami. Alternative Socialiste a discuté avec Peyman, un militant de gauche iranien réfugié en Belgique. Il nous explique la situation dans son pays.
La mainmise des conservateurs semble fortement renforcée suite aux dernières «élections». Comment analyses-tu les derniers développements politiques?
– Les conservateurs ont commis l’erreur de laisser le réformateur Khatami accéder à la présidence en 1997. Khatami a lâché la bride aux journalistes même s’il n’entendait pas soustraire la liberté de la presse à la loi islamique. La population en a ainsi appris beaucoup sur la politique des conservateurs. Depuis 1997, une bonne centaine de journalistes ont été tués, 2.000 ont été arrêtés et quelque 100 journaux ont été fermés. Les réformateurs ont publié tout cela. Plusieurs scandales financiers ont aussi été révélés.
Les conservateurs ne parvenaient pourtant pas à stopper les réformateurs. Ils y sont finalement arrivés par la voie judiciaire: ils ont constitué des dossiers, des milliers de candidatures réformatrices ont été invalidées à l’approche des élections. Les personnalités réformatrices les plus marquantes sont maintenant hors jeu.
Comment les travailleurs et les jeunes ont-ils réagi?
– Il y a eu beaucoup de manifestations pendant les élections. Des milliers de gens sont descendus dans la rue. Des étudiants et des travailleurs, dans les grandes comme dans les petites villes. A Shahre Babak, 20 ouvriers d’une usine de cuivre ont été tués lors d’une manifestation parce qu’ils s’opposaient à des licenciements et qu’ils tentaient d’occuper leur entreprise. Il y a eu aussi des manifestations à Semiram, à Lamerd,… On cherchera en vain des compte-rendus de ces manifestations sur CNN, mais on en trouvera sur les sites web et dans les journaux des réformateurs.
Les illusions envers les réformateurs se sont dissipées. Les conservateurs ont entièrement repris le contrôle du gouvernement, du parlement, de la justice et des médias. C’est maintenant la population qui va affronter les conservateurs.
Chaque semaine, il y a une grève quelque part en Iran. Sur le payement des salaires, sur l’assurance-maladie, contre les licenciements,… Dans la ville iranienne Khodro se trouve la plus grande entreprise du pays. On y produit la Peugeot et une marque locale de voitures. Plus de 1.000 ouvriers y sont en grève contre des licenciements et pour des revendications salariales.
En mars, les enseignants ont fait une grève nationale d’une semaine pour de meilleurs salaires et contre le fléau des contrats temporaires. Ils menacent de continuer si le gouvernement ne cède pas. Le gouvernement tente de faire passer ces grèves pour «apolitiques», par oppo-sition aux actions des étudiants. Les travailleurs et les jeunes ne sont pourtant pas dupes. L’absence d’ouverture des conservateurs va mener à des explosions.
La gauche n’a pas de presse libre, les meetings publics sont impossibles. L’activité politique est souterraine. Le sentiment général – «les réformateurs ne le feront pas pour nous, tout le régime doit partir» – nous est plus propice. Lors de la révolution de 1979, il y avait la ques-tion de la religion. Les jeunes d’aujourd’hui s’en sont éloignés à cause des méfaits du régime.
On peut parler plus facilement du matérialisme et du socialisme. Je crains cependant que les religieux chiites irakiens n’optent pour un régime fondamentaliste. Al-Sistani n’a rien d’un Erdogan en Turquie. Les religieux chiites dissuadent les femmes de se mêler de politique. La liberté d’organisation est bafouée. On suit facilement les leaders religieux. Al-Sistani emboîte le pas aux Talibans et à feu l’ayatollah Khomeini, même s’il tempère ses propos sous la pression américaine.
Propos recueillis par Peter Delsing