Your cart is currently empty!
Tag: Chine
-
Syrie : Le massacre de Houla augmente la crainte d’une véritable guerre civile
Le meurtre de 108 personnes près de la ville syrienne de Houla a interpelé et choqué dans le monde entier. Le meurtre de 49 enfants, dont beaucoup ont été tués à bout portant, est particulièrement odieux. Les tensions sectaires alimentées par cet acte barbare font planer la terrible menace d’un glissement vers un conflit plus large et d’une véritable guerre civile. Comme toujours, les travailleurs et les pauvres en souffriront le plus. En lutte contre le régime brutal de Bachar El Assad, la classe ouvrière doit s’opposer au sectarisme et à l’intervention impérialiste
Niall Mulholland, Comité pour une Internationale Ouvrière
Depuis 15 mois maintenant, des manifestations massives ont lieu dans beaucoup d’endroits de Syrie contre le règne dictatorial de la famille Assad, qui dure depuis plus de 40 ans. A l’origine, ces protestations se sont déroulées dans le cadre des révolutions au Moyen Orient et en Afrique du Nord. Mais en l’absence d’un mouvement indépendant de la classe ouvrière dirigeant la lutte et avec de plus en plus d’intervention dans la région de la part de régimes réactionnaires tels que ceux du Qatar et d’Arabie Saoudite ainsi que l’ingérence impérialiste, le conflit syrien a de plus en plus adopté un caractère de guerre civile teinté de sectarisme.
Les puissances occidentales, en particulier les USA, la Grande Bretagne et la France, ont été rapides à condamner les atrocités de Houla. Elles ont fait reporter tout le poids de la faute sur le régime syrien du président Bachar el-Assad, qui décline de son côté toute responsabilité. Il est certain que beaucoup de témoins et de survivants accusent les forces armées syriennes et les gangs de Shabiha (qui peut se traduire par ‘‘bandits’’), qui massacrent et enlèvent régulièrement les opposants. Les investigateurs de l’ONU ont dit qu’il y a des indices que les Shabiha aient accompli au moins une partie de la tuerie des 25 et 26 mai.
Les accusations des puissances impérialistes sont toutefois profondément hypocrites et écœurantes. Des centaines de milliers de civils ont perdu la vie en Irak comme en Afghanistan du fait de l’invasion occidentale et de l’occupation. Dans le cadre de leur quête de pouvoir, d’influence et de contrôle des ressources, des attaques aériennes impérialistes de drones ont quotidiennement lieu au Pakistan, en Somalie et au Yémen. Le lendemain du massacre de Houla, une attaque de l’OTAN dans l’est de l’Afghanistan a déchiqueté les 8 membres d’une famille.
Les puissances occidentales justifient l’utilisation de la force militaire en déclarant attaquer des cibles ‘‘terroristes’’, ce qui est une rhétorique similaire à celle de la dictature de Bachar el-Assad. Dans les deux cas, ces attaques au hasard, approuvées par l’Etat, équivalent à des exécutions sommaires et à de potentiels crimes de guerre.
Environ 15.000 personnes sont mortes en Syrie, majoritairement des mains de l’armée Syrienne et des forces pro-Assad, depuis l’insurrection de mars 2011. Mais sous le mandat d’Obama, plus de 500 civils ont été tués par des attaques aériennes dans le seul Pakistan, dont 175 enfants.<p
A couteaux tirés
Les USA, appuyant l’opposition syrienne, et la Russie, soutenant le régime d’Assad, sont de plus en plus à couteaux tirés à mesure qu’empire la situation du pays. Cela se traduit par des conflits au Conseil de Sécurité des Nations Unies sur la manière de traiter la dossier syrien.
La Russie et la Chine ont voté contre les résolutions anti-Assad soutenues par les USA, la Grande Bretagne et la France. Malgré cette rhétorique, les positions des USA et de la Russie n’ont rien à voir avec la situation critique du peuple Syrien. Elles sont liées aux intérêts de leurs classes dominantes respectives et à celles de leurs plus proches alliés.
Les USA, la Grande Bretagne et la France ont clairement affirmé qu’ils veulent la fin du régime d’Assad. Depuis longtemps, ils le considèrent comme un obstacle à leurs intérêts impérialistes dans la région. Ils veulent à sa place un gouvernement docile et pro-occidental. Suite aux révolutions de l’année dernière qui ont renversé deux alliés cruciaux de l’occident dans la région – Ben Ali en Tunisie et Moubarak en Egypte – les puissances impérialistes sont déterminées à s’assurer que la révolte populaire en Syrie ne dépasse pas des barrières de ‘‘l’acceptables’’ (c’est-à-dire vers une position d’indépendance de classe) et qu’elle reste à l’avantage des impérialistes.
Les USA instrumentalisent l’échec du ‘‘plan de paix’’ de Kofi Annan (émissaire conjoint de l’Organisation des Nations unies et la Ligue arabe sur la crise en Syrie ) pour menacer d’entrer en action ‘‘en dehors du plan Annan’’ et de l’autorité du Conseil de Sécurité des Nations Unies, avec le soutien des plus proches alliés dans le conflit Syrien ; la Grande Bretagne et la France. Cela rappelle l’infâme coalition militaire menée par George Bush et Tony Blair qui a envahi l’Irak en toute illégalité.
D’un autre côté, la Russie considère le régime d’Assad comme un allié crucial dans la région, un allié qui lui offre un accès à un port de Méditerranée. Le ministre russe des affaires étrangères a ainsi indiqué qu’il pourrait être préparé à mettre en œuvre ce qu’il appelle la ‘‘solution Yéménite’’, c’est-à-dire qu’Assad soit renversé alors que la plupart de la structure de son régime resterait en place. Cette solution est calquée sur un plan de la Ligue Arabe au Yémen, où le président Ali Abdullah Saleh a perdu le pouvoir en février 2012, après des mois de manifestations massives.
Le Kremlin est cependant fermement opposé à toute intervention militaire occidentale, en particulier après l’expérience amère du conflit libyen l’an dernier. La Russie soutenait une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU basée sur la constitution d’une zone d’exclusion aérienne, une ‘‘no-fly-zone’’. Mais les puissances occidentales ont utilisé cette résolution pour permettre une intervention armée de l’OTAN en Lybie, déviant la révolution de sa trajectoire, renversant le régime du Colonel Kadhafi et, selon leurs propres termes, installant un régime pro-occidental.
L’OTAN
Bachar el-Assad ne semble pas prêt de perdre le pouvoir ou d’être placé devant le risque imminent d’un coup d’Etat. Alors que la Syrie est frappée par des sanctions économiques, une part significatrice de la population dont beaucoup d’hommes d’affaires sunnites, n’ont pas encore catégoriquement rompu leurs liens avec le régime. Damas parie aussi sur le fait que l’Ouest serait incapable de mener une intervention militaire directe du type libyen.
Le ministre des affaire étrangères britannique, William Hague, a récemment menacé qu’aucune option ne puisse être écartée dans le traitement de Bachar el-Assad, laissant entendre la possibilité d’une action militaire occidentale. Mais l’attaque de l’OTAN contre la Lybie l’an dernier ne peut pas tout simplement être répétée en Syrie, un pays qui possède une population beaucoup plus élevée et dont les forces d’Etat sont, selon les experts militaires, plus puissantes, mieux entrainées et mieux équipées.
Assad a à sa disposition une armée de 250.000 personnes, en plus de 300.000 réservistes actifs. L’an dernier, l’OTAN a été capable d’envoyer des milliers de missions aériennes et de missiles sur la Lybie sans rencontrer de réelle résistance. Mais la Syrie possède plus de 80 avions de chasse, 240 batteries anti-aériennes et plus de 4000 missiles sol-air dans leur système de défense aérien. Les stratèges militaires occidentaux admettent qu’une invasion du pays demanderait un effort monumental. Leurs troupes seraient irréductiblement embourbées dans de larges zones urbaines hostiles.
Quant aux diverses propositions visant à aider la population et à affaiblir le régime Syrien sans offensive militaire directe (‘‘corridor humanitaire’’, ‘‘zone d’exclusion aérienne’’,…), elles exigent tout de même des opérations militaires offensives.
Chaque ère protégée devraient très certainement être sécurisés avec des troupes au sol, qu’il faudrait ensuite défendre contre des attaques, ce qui exigerait l’envoi de forces aériennes. Les stratèges britanniques de la défense admettent qu’une action militaire quelconque contre la Syrie ‘‘conduirait presqu’inévitablement à une guerre civile encore plus aigüe et sanglante.’’
De plus, la composition complexe de la Syrie (une majorité sunnite avec des minorités chrétienne, alaouite, druze, chiite, kurde et autres) entraîne le risque de voir l’intervention militaire occidentale déclencher une véritable explosion dans la région, sur bases de divisions ethniques et sectaires.
Même sans une intervention occidentale directe, la Syrie continue de glisser vers une guerre civile ‘‘à la libanaise’’. L’implication directe des régimes locaux de droite et des puissances mondiales qui soutiennent soit l’opposition, soit le régime, encourage cela.
Les puissances sunnites réactionnaires de la région, avec à leur tête l’Arabie Saoudite et le Qatar, utilisent la crise syrienne pour appuyer leur position contre les régimes chiites. Avec le soutien des USA et d’Israël, les régimes sunnites s’opposent à l’Iran, le plus important allié de la Syrie dans la région.
Il apparait que la Turquie, l’Arabie Saoudite, le Qatar et les autres Etats du Golfe, chacun suivant son plan, acheminent des fonds et des armes à l’opposition Syrienne, avec le soutien tacite des USA. Une base de passage à la frontière existe même depuis la Turquie. Les forces d’opposition armée disent avoir tué 80 soldats syriens le weekend du début du mois de juin. En même temps, un commandant en chef des Gardiens de la Révolution en Iran a récemment admis que les forces iraniennes opèrent dans le pays pour soutenir Assad.
Patrick Cockburn, le journaliste vétéran du Moyen-Orient, a écrit que les rebelles armés ‘‘pourraient probablement commencer une campagne de bombardement et d’assassinats sélectifs sur Damas’’ (Independent, dimanche 03/06/12). Le régime d’Assad riposterait en ayant recours à des ‘‘sanctions collectives’’ encore plus sauvages. Damas serait ‘‘ victime de la même sorte de haine, de peur et de destruction qui ont ébranlé Beyrouth, Bagdad et Belfast au cours de ces 50 dernières années.’’
Le sectarisme s’approfondit. La minorité chrétienne craint de subir le même sort que les chrétiens d’Irak, ‘‘ethniquement purgés’’ après l’invasion américaine de 2003. Le régime d’Assad exploite et alimente cette peur pour se garder une base de soutien dans la minorité chrétienne, ainsi que chez les Alaouites, les Druzes et les Kurdes. Les USA, la Grande Bretagne, la France et l’Arabie Saoudite et leurs alliés sunnites dans la région ont utilisé sans scrupules la carte du sectarisme pour défendre un changement de régime à Damas et pour leur campagne contre l’Iran et ses alliés. Tout cela a des conséquences potentiellement très dangereuses pour les peuples des Etats frontaliers et dans toute la région.
Le conflit Syrien s’est déjà déployé au Liban frontalier, où le régime d’Assad a le soutien du Hezbollah, qui fait partie de la coalition gouvernementale. Le conflit entre les sunnites et les alaouites pro-Assad dans la ville de Tripoli au Nord du Liban a fait 15 morts en un weekend. Ces dernières semaines, le conflit s’est dangereusement exporté à Beyrouth, faisant craindre la ré-irruption d’un conflit sectaire généralisé au Liban.
La classe ouvrière de Syrie et de la région doit fermement rejeter toute forme de sectarisme et toute intervention ou interférence impérialiste.
Intervention
L’insurrection de mars 2011 en Syrie a commencé par un mouvement authentiquement populaire contre la police d’Etat d’Assad, l’érosion des aides sociales, les degrés élevés de pauvreté et de chômages et le règne de l’élite riche et corrompue.
En l’absence d’un mouvement ouvrier fort et unifié avec un programme de classe indépendant, les courageuses manifestations massives semblent avoir été occultées et dépassées par des groupes d’oppositions armés et hargneux. Alors que beaucoup de Syriens restent engagés pour un changement révolutionnaire et résistent à la provocation sectaire, de plus en plus de dirigeants de ces forces sont influencés par les régimes réactionnaires de la région et par l’impérialisme.
Les combattants islamistes de la province irakienne d’Anbar, de Lybie et d’ailleurs ont rejoint l’opposition armée libyenne. Une attaque à la voiture piégée à Damas qui a tué un nombre de personnes record en mai dernier est largement reproché aux combattants de l’opposition liés à Al-Qaeda.
Le Conseil National Syrien (CNS), un groupe d’opposition exilé, demande une résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies autorisant l’usage de la force contre Assad, ce qui paverait la voie à une intervention armée, à l’instar de la Lybie.
Alors qu’une grande partie du peuple libyen est dans une situation désespérée et que certains peuvent sincèrement espérer une intervention militaire extérieure, les évènements en Lybie illustrent que l’implication de l’OTAN ne conduit ni à la paix, ni à la stabilité. Le nombre de morts a connu une percée après que l’OTAN ait commencé ses attaques aériennes sur la Lybie, se multipliant par 10 ou 15 selon les estimations. Le pays, ruiné par la guerre, est maintenant dominé par des centaines de milices en concurrence qui dirigeants des fiefs.
Environ 150 personnes sont mortes dans un conflit tribal dans le sud de la Lybie en mars, et le weekend dernier, une milice a temporairement pris le contrôle du principal aéroport du pays. La supposée administration centrale du pays (le Conseil National de Transition, non-élu et imposé par l’Occident) a sa propre milice, le Conseil Suprême de Sécurité, fort de 70.000 hommes. Les dirigeants de l’opposition bourgeoise et pro-impérialiste en Syrie cherchent sans doute à être mis au pouvoir d’une manière similaire par le pouvoir militaire occidental.
Révolutions
Cependant, la menace d’une intervention impérialiste en Syrie et l’implication de plus en plus forte des régimes réactionnaires Saoudiens et Qataris n’ont aucune raison de soutenir le régime d’Assad. Pour les socialistes, l’alternative a été clairement montrée lors des révolutions de l’année dernière en Tunisie et en Egypte, ainsi qu’aux débuts de la révolte syrienne en 2011.
Elles ont illustré que c’est le mouvement massif et unifié des la classe ouvrière et des jeunes qui est capable de renverser les despotes et leurs régimes pour engager la lutte pour un changement réel aux niveaux politique et social. La reprise du mouvement révolutionnaire en Egypte, suite à l’issue injuste du procès de Moubarak et de ses sbires, souligne que ce n’est que par un approfondissement de l’action de masse du fait de la classe ouvrière et des jeunes qu’il peut y avoir un véritable changement.
Les travailleurs de Syrie, quelle que soit leur appartenance ethnique ou religieuse, ont le droit de se défendre eux-mêmes contre la machine d’Etat d’Assad et contre toutes les milices sectaires. Les véritables socialistes, basés sur les traditions du marxisme révolutionnaire, appellent à la constitution immédiate de comités de défense indépendants, démocratiquement élus et contrôlés par les travailleurs, pour défendre les manifestations, les quartiers et les lieux de travail.
Cela doit être lié à une nouvelle initiative de la classe ouvrière en Syrie, construisant des comités d’action dans toutes les communautés et les lieux de travail, en tant que base pour un mouvement indépendant des travailleurs.
L’une de ses tâches serait d’enquêter indépendamment sur les responsables de la tuerie de Houla et de tous les autres massacres et assassinats sectaires. Cela montrerait aussi le rôle du régime d’Assad et de ses milices, ainsi que celui des puissances voisines et impérialistes.
Comme partout, les Nations Unies sont incapables, à cause de leur asservissement aux principales puissances mondiales, d’empêcher les atrocités contre les civils ou de résoudre les conflits armés dans l’intérêt de la classe ouvrière.
Suite au massacre de Houla, les grèves de ‘‘deuil’’ ont éclaté dans certains endroits de la Syrie. Les manifestations contre Assad continuent dans certaines villes, dont à Damas. Il est crucial que de telles manifestations prennent un caractère anti-sectaire et pro-classe ouvrière. Un mouvement de la classe ouvrière en Syrie développerait les manifestations de travailleurs, les occupations de lieux de travail et les grèves, dont des grèves générales, pour rompre avec le sectarisme et lutter pour le renversement du régime d’Assad. Un appel de classe aux soldats pauvres du rang à s’organiser contre leurs généraux, à se syndiquer et à rejoindre les manifestants, pourrait diviser les forces d’Etat meurtrières et les neutraliser.
Les travailleurs syriens de toutes religions et ethnies ont besoin d’un parti qui leur est propre, avec une politique socialiste indépendante. Un tel parti avec un soutien massif peut résister avec succès au sectarisme et aux politiques empoisonnées du diviser pour mieux régner d’Assad, des régimes sunnites et chiites de la région et de l’impérialisme hypocrite.
Un programme socialiste – appelant à un contrôle et une gestion démocratiques de l’économie par les travailleurs pour transformer les conditions de vie, créer des emplois avec des salaires décents et une éducation, la santé et les logements gratuits et de qualités – inspirerait les travailleurs et les jeunes à rejoindre le camp de la révolution.
Sous un drapeau authentiquement socialiste, en opposition aux forces prétendument ‘‘socialistes’’ qui soutiennent le régime dictatorial de Bachar el-Assad, la révolte populaire contre le régime syrien appellerait les travailleurs de la région à étendre la révolution.
En liant ensemble les mouvements révolutionnaires qui ont lieu en Syrie, en Tunisie, en Egypte et ailleurs en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, sur base d’un programme d’orientation socialiste, où les secteurs clés de l’économie seraient aux mains des masses, la classe ouvrière pourrait dégager les tyrans et porter de puissants coups au capitalisme pourri et à l’ingérence impérialiste. Cela pourrait se transformer en une lutte pour une confédération socialiste volontaire et équitable du Moyen-Orient, dans laquelle les droits de toutes les minorités seraient garantis.
-
Economie mondiale : où est passée la fin du tunnel ?
Le Président français Nicolas Sarkozy disait ce début d’année ‘‘l’année 2012 ne sera pas une ballade dans le parc’’. Le FMI a prévenu lors de la parution de ses perspectives pour l’économie mondiale que ‘‘la reprise mondiale est menacée par les tensions grandissantes à l’oeuvre dans la zone euro et les fragilités qu’accusent les autres régions. Les conditions financières se détériorent, les perspectives de croissance s’assombrissent et les risques baissiers s’intensifient…’’ Ces dernières semaines, avec l’allègement de dette grecque, la bourgeoisie et ses commentateurs ont repris des couleurs, mais qu’en est il réellement ?
Par Alain (Namur)
Il est clair que la zone euro subira un ralentissement économique de l’ordre de -0,5%. Même si les politiciens européens présentent cela comme un faible ralentissement, cela vient s’ajouter à 2 années d’austérité qui ont déjà détruit des millions de vie en Europe. En Espagne, environ 46% des 16-24 ans sont au chômage. En Grèce, l’économie subira un ralentissement de 4,5% cette année, après avoir déjà subi 5 années de récession…
La Chine et l’ensemble des pays émergent ne sont pas non plus épargnés par le ralentissement de l’économie mondiale : après une croissance de 10,4% en 2010 et de 9,2% en 2011, l’économie chinoise ne progressera que de 8,2% en 2012. L’Inde qui affichait un taux de croissance de 9,9% en 2010 et de 7,4% en 2011, ne progressera que de 7,0% en 2012.
Dans le secteur manufacturier, toutes les grosses entreprises accusent le coup. ArcelorMittal, après avoir annoncé l’arrêt de la phase à chaud de Liège, a ensuite fait la même annonce à Florange (France) et à Belval (Luxembourg). Dans le secteur automobile, Sergio Marchionne, le directeur de Fiat, déclarait dans le figaro qu’il était nécessaire de réduire la production de voiture de 20% en Europe. Il ajoutait même ‘‘nous n’avons pas le choix […] ce sera douloureux pendant 12 mois, mais faisons le !’’
Même si le spectre du défaut de paiement de la Grèce – et donc d’une crise financière généralisée – s’éloigne temporairement, les capitalistes n’ont pas encore réussit à assainir leurs institutions financières. Pour un pays comme la Belgique, l’ensemble des garanties et des prêts accordés au secteur s’élève à 137,85% du PIB soit 510,603 milliards d’euros. En cas de crise, si l’Etat doit activer l’une ou l’autre garantie, l’avalanche d’austérité que subi actuellement le pays ne fera qu’amplifier. Dans ces conditions, les capitalistes n’ont aucune chance de relancer l’économie de manière durable tout en diminuant le chômage et en garantissant un bon salaire et un bon niveau de protection sociale. Il faut dès à présent s’organiser pour proposer une alternative à ce système qui ne pourra se redresser qu’en nous écrasant.
-
Militantisme internet : Le phénomène “Kony 2012”
Rarement auparavant une idée s’est répandue aussi rapidement à la surface du monde. En quelques jours, des dizaines de millions de gens ont regardé la vidéo “Kony 2012” de l’association Invisible Children, qui s’est propagée telle un virus dans tous l’internet et les réseaux sociaux. Choqués par les histoires de meurtres, viols et d’abus d’enfants soldats, de nombreuses voix se sont élevées pour demander que “quelque chose soit fait” contre Joseph Kony et son Armée de résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army (LRA)) en Afrique centrale et orientale.
Robert Bechert, CIO
Comment faire cesser le cauchemar ?
Pendant un moment, Invisible Children semblait mener la danse, au fur et à mesure que le soutien s’accroissait rapidement en faveur de leur appel à une action contre Kony. En quelques jours, cette vidéo a engendré une vague de colère, particulièrement parmi la jeunesse américaine. Invisible Children a fait appel à l’idéalisme de nombreux jeunes désireux de se battre pour un monde meilleur, libéré de l’oppression et de la misère. La vidéo a encouragé de nombreux jeunes à se demander ce qu’ils pouvaient faire eux-mêmes. Toutefois, il est rapidement devenu clair que la campagne d’Invisible Children n’était pas ce qu’elle semblait être de prime abord. Certains ont entre autres commencé à se demander pourquoi, dans son dernier rapport financier, Invisible Children, une association charitable dont le but avéré est d’aider les enfants de l’Ouganda, n’a dépensé en Ouganda que 37,14 % de son revenu total.
L’an dernier, le mouvement “Occupy” contre les “1 %” s’est répandu très rapidement à travers tous les États-Unis et dans le monde, fédérant la méfiance et l’hostilité larges à l’encontre des classes dirigeantes et de l’élite. La colère anti-Kony s’est répandue encore plus vite. Beaucoup plus vite. Toutefois, Invisible Children ne s’oppose pas à l’élite américaine ; le logo de leur campagne “Kony 2012” représente l’âne et l’éléphant symboles des deux partis américains, démocrate et républicain. On retrouve parmi les principaux sponsors d’Invisible Children des groupes chrétiens fondamentalistes qui ont leur propre agenda de droite pro-capitaliste.
Nous ne voulons pas ici dénigrer les millions de gens qui ont été enragés par l’histoire de cette vidéo et qui veulent urgemment faire quelque chose, mais ces événements sont un autre exemple de la manière dont les classes dirigeantes, les 1 %, tentent d’utiliser, voire manipuler, l’authentique colère populaire et ce , dans leurs propres intérêts.
Dans ce cas, la réalité est que Invisible Children appelle les États-Unis à maintenir et à approfondir son intervention militaire contre Kony et la LRA. Jason Russell, producteur et narrateur de cette vidéo, prétend que la décision d’Obama d’octobre dernier concernant l’envoi de 100 soldats américains en Afrique centrale afin de chasser Kony ”était la première fois dans l’Histoire américaine que le gouvernement américain a lancé une action non pas pour sa propre auto-défense, mais parce que le peuple l’exigeait.”
Cette position se trouve au centre de la campagne d’Invisible Children. Elle a d’ailleurs répété cette position dans sa réponse officielle aux critiques qui ont été émises à l’encontre de la vidéo et de la campagne “Kony 2012”.
”La mission d’Invisible Children est de mettre un terme à la violence de la LRA et de soutenir les communautés affligées par la guerre en Afrique centrale et orientale… L’objectif de Kony 2012 est de voir le monde s’unir jusqu’à ce que Kony soit arrêté et jugé pour ses crimes contre l’humanité.”
”La campagne Kony 2012 appelle le gouvernement américain à faire quelque chose concernant ces deux problèmes. Nous sommes pour le déploiement de conseillers américains et pour l’envoi du matériel d’information et autre qui puisse aider à localiser Kony et à le soumettre à la justice ; nous sommes aussi en faveur d’une intensification de la diplomatie afin de voir les gouvernements régionaux se tenir à leurs engagements de protéger les civils de ce genre de violence brutale”. (Déclaration officielle d’Invisible Children postée dans la section “Critiques” de leur site internet)
Les arguments d’Invisible Children ont été exprimés plus en détail dans leur lettre du 7 mars adressée au Président Obama :
”Votre décision de déployer des conseillers militaires américains dans la région en octobre 2011 a été une mesure bienvenue visant à plus d’aide aux les gouvernements régionaux dans leurs efforts afin de protéger le peuple des attaques de la LRA …
”Cependant, nous craignons qu’à moins que les efforts américains déjà entrepris ne soient étendus, votre stratégie puisse s’avérer inefficace … Nous vous encourageons à intensifier le déploiement de conseillers américains jusqu’à ce que la LRA cesse de représenter une menace pour les civils …
”Le gouvernement congolais, en particulier, a cherché de manière active à diminuer l’importance de la présence de la LRA et de son impact sur les communautés congolaises. Qui plus est, l’Ouganda a retiré plus de la moitié des forces initialement déployées dans la traque des commandants et groupes de la LRA, et leurs forces n’ont plus le droit d’opérer au Congo, où la LRA commet la majorité de ses attaques sur des civils. Nous vous implorons de contacter directement les Présidents de chacun des quatre pays concernés – en partenariat avec l’Union africaine – afin de renforcer la coopération régionale, d’accroitre les effectifs et la liberté d’action des troupes déployées dans les zones affligées par la LRA, et de renforcer les efforts visant à encourager les désertions des soldats rebelles.”
Mais la politique du gouvernement américain en Afrique ne part pas de l’idée de défendre les intérêts de la vaste majorité des Africains. Quelques jours seulement après que cette lettre ait été envoyée, le général Carter Ham, commandant du United States Africa Command (Africom, Commandement des États-Unis en Afrique), a entamé ainsi son discours annuel devant le Comité des services armées du Sénat américain : ”Nos opérations, nos exercices, nos programme de coopération à la sécurité continuent à contribuer aux objectifs politiques américains en Afrique, à renforcer le partenariat et à réduire les menaces envers l’Amérique, les Américains, et les intérêts américains basés en Afrique.”
Malgré le taux de croissance relativement élevé de l’Afrique en ce moment, principalement basé sur l’exploitation des matières premières, la majorité de la population n’en tire quasiment aucun bénéfice. Dans de nombreux pays, le niveau de vie ne s’élève qu’à peine ; souvent l’inflation élevée des prix de l’énergie et de la nourriture sape en réalité ce niveau de vie.
Le Nigéria est en ce moment présenté comme étant un des meilleurs “espoirs” du capitalisme en Afrique, mais rien que le mois dernier, l’Office national des statistiques a rapporté que ”Alors qu’en 2004, le taux de pauvreté relative du Nigéria s’élevait à 54,4 %, celui-ci s’est accru à 69 % en 2010, soit 112 518 507 Nigérians ». Ceci, malgré les statistiques officiels qui montrent que le PIB nigérian s’est accru de 7,35 % chaque année entre 2004 et 2010. Et la situation continue à empirer. En même temps que l’annonce de ces chiffres, le Statisticien général du Nigéria a ajouté que « en mesurant la pauvreté en termes relatifs, absolus et en dollars-par-jour, l’Office national des statistiques estime que la pauvreté pourrait s’être accrue respectivement à environ 71,5 %, 61,9 % et 62,8 % en 2011” (The Guardian de Lagos, 14 février 2012).
C’est l’échec permanent de l’Afrique à se développer qui est la cause de tous les troubles, de toute l’oppression et de toutes les guerres qui semblent être la caractéristique de ce continent. Cela n’est pas quelque chose de typiquement “africain” : les autres continents du monde n’ont pas non plus connu une histoire sans guerre ni oppression ; mais aujourd’hui, dans un monde dominé par l’impérialisme, les perspectives pour un développement capitaliste en Afrique sont sévèrement limitées.
Voilà la raison pour les nombreux maux qui affligent le continent.
L’histoire de l’Ouganda
L’histoire sanglante de l’Ouganda et des pays l’environnant n’est qu’un autre triste exemple de ce fait.
Au cours des dernières décennies, l’Ouganda a vu une dictature faire place à une autre, au fur et à mesure que les différentes élites dirigeantes en lutte les unes contre les autres ont cherché à s’accrocher au pouvoir dans une situation où les droits démocratiques étaient réprimés ou limités parce que l’économie capitaliste locale était trop faible que pour pouvoir se permettre la moindre concession durable. Rien qu’en avril et mai dernier, les manifestations contre la hausse des prix de l’énergie et de la nourriture n’ont reçu pour seule réponse que la répression policière et la censure de la part du régime autoritaire de Museveni. L’inflation galope à près de 44 %, ce qui veut dire que le taux de pauvreté de l’Ouganda va certainement continuer à s’accroitre.
L’ONG Human Rights Watch, dans son rapport mondial 2012, a condamné le fait qu’en Ouganda « pendant les manifestations d’avril 2011, à la suite des élections présidentielles de février, l’utilisation non-justifiée de violence mortelle par les forces de sécurité ougandaises ont causé la mort de neuf personnes. Les politiciens de l’opposition et des centaines de leurs partisans ont été arrêtés et condamnés pour réunion illégale et incitation à la violence, tandis que des agents étatiques battaient et harcelaient les journalistes qui relayaient le mouvement » (22 janvier 2012).
Mais ces conflits ne visent pas seulement des enjeux économiques ; s’y retrouvent mêlés également des conflits nationaux et des rixes entre différentes couches rivales au sein de l’élite, tout cela parfois en collusion avec diverses puissances impérialistes rivales.
En Ouganda, le dirigeant actuel, Museveni, est arrivé au pouvoir en 1985 après le renversement de Milton Obote. Au cours de son règne, Obote avait le soutien de la population Acholi du nord de l’Ouganda ; cette population a beaucoup souffert après son renversement.
Human Rights Watch, qui soutient la campagne anti-Kony, a dû admettre que ”L’Armée de résistance du Seigneur a commencé à se battre contre le gouvernement ougandais au milieu des années ’80, en partie en guise de réponse à la marginalisation de la population du nord du pays par le gouvernement” (9 mars 2011).
Kony lui-même est un Acholi. Dans son “Histoire de la guerre”, Invisible Children décrit ce qui est arrivé aux Acholis : ”À partir de 1996, le gouvernement ougandais, incapable de stopper la LRA, a exigé des habitants du nord de l’Ouganda qu’ils quittent leurs villages pour se rendre dans des camps gouvernementaux pour “personnes déplacées en internes” (IDP). Ces camps étaient censés avoir été créés pour la sécurité des populations, mais ils étaient pleins de maladies et de violences. À l’apogée du conflit, 1,7 millions de gens vivaient dans ces camps à travers toute la région. Les conditions y étaient ignobles et il n’y avait pas moyen d’y vivre. C’est ainsi que toute une génération du peuple acholi est né et a grandi dans ces camps.”
Il a été estimé que près de 80 % de la population du nord de l’Ouganda a été déportée de force dans ces camps ou “villages protégés”, et bien que la plupart ait apparemment quitté les camps, les réfugiés qui revenaient chez eux se sont de plus en plus retrouvés confrontés à des conflits ayant pour enjeu leur droit de revenir vivre sur la terre qu’ils ont autrefois habitée et cultivée.
Mais bien que les origines de la LRA tirent en partie leurs racines de la tragédie du peuple acholi à partir du milieu des années ’80, il ne fait aucun doute que la LRA n’a jamais, au grand jamais, été un mouvement de libération visant à protéger les Acholis ; dans les faits, elle n’a été qu’un oppresseur de plus.
La LRA a quitté l’Ouganda en 2006 au moment du démarrage des négociations de paix ; mais ces pourparlers ont finalement échoué à parvenir à un accord. Ceci a mené à l’attaque militaire sur la LRA, la toute première opération organisée par l’Africom récemment créée. Cette attaque, soutenue par Invisible Children, est décrite en ces termes par l’association dans son “Histoire de la guerre” : ”En décembre 2008, lorsqu’il est devenu clair que Kony n’allait pas signer l’accord, l’opération “Tonnerre d’éclair” (Operation Lightning Thunder) a été lancée. Cette opération était le résultat d’une action coordonée de l’Ouganda, de la République démocratique du Congo, de la République centrafricaine et du Soudan, avec le soutien des États-Unis en matière de logistique et de renseignements.”
Il est clair que, vu son silence autour de ce qui est maintenant en train de se passer en Ouganda et son soutien actif pour l’intervention militaire américaine, les organisateurs d’Invisible Children sont en train, intentionnellement ou non, de mobiliser pour des actions qui, tout en pouvant permettre de porter le coup final à ce qui reste de la LRA, ne feront pas pour autant cesser le cycle de violence à l’encontre des enfants et des adultes.
Invisible Children ne peut même pas affirmer que l’administration Obama est sérieuse concernant une de leurs principales revendication – la fin de l’exploitation d’enfants-soldats. Rien qu’en octobre dernier, l’administration Obama a donné son feu vert à une continuation du financement militaire par les États-Unis du Yémen, du Tchad et de la RDC, malgré la persistance de l’utilisation d’enfants-soldats par ces pays. Cela était censé cesser après l’adoption du Child Soldiers Pervention Act en 2008, pour lequel Obama lui-même avait voté en tant que sénateur. Mais maintenant, en tant que président, Obama signe des accords justifiés par “les intérêts de la sécurité nationale” (ABC News, 5 octobre 2011). Le gouvernement américain est d’une hypocrisie monstre concernant les enfants-soldats. Alors que Kony est dénoncé pour son usage d’enfants-soldats, personne ne dénonce le pays dans lequel la LRC est basé aujourd’hui, la RDC !
Tout cela montre bien que, malgré tout le vernis humanitaire, la politique de la classe dirigeante américaine (et d’autres) n’est déterminée que par la défense de ses propres “intérêts nationaux” (càd, les intérêts de ses “propres” capitalistes).
Il est tragique, vu l’énorme soutien qu’ils ont gagné au cours des dernières semaines, de constater qu’Invisible Children suivent la politique étrangère du gouvernement américain sans la moindre critique, et sont très sélectif dans ce qu’ils dénoncent.
Tout en dénonçant Kony, Invisible Children se tait sur les exactions de Museveni en Ouganda, ce qui est cohérent avec la position du gouvernement américain qui le considère comme un allié crucial dans la région.
Ce silence sur la véritable situation en Ouganda pousse Invisible Children à mettre en avant la Cour pénale internationale qui a émis des mandats d’arrêt à l’encontre Kony et de deux autres commandants de la LRA, mais à se taire sur le fait que le gouvernement ougandais a lui-même ignoré une décision de la Cour de justice internationale, prise en décembre 2005, selon laquelle l’Ouganda devrait compenser la RDC pour les exactions et le pillage des ressources qui y ont été commises par sa propre armée entre 1998 et 2003. En ce moment, la RDC réclame 23,5 milliards de dollars à l’Ouganda en guise de réparation pour ses opérations militaires sur le territoire de la RDC.
Par cette mise en question des véritables motivations d’Invisible Children, nous ne voulons en aucun cas nier la brutalité et la barbarie de la LRA, mais nous voulons nous opposer aux tentatives de mobiliser sur cette base un soutien à la politique hypocrite qu’Obama mène en Afrique.
Invisible Children mobilise
Invisible Children prétend avoir « inspiré la jeunesse américaine à faire “plus que simplement observer” ». Il ne fait aucun doute que des millions de gens ont senti qu’ils pourraient faire “quelque chose”. La vidéo “Kony 2012” a eu un énorme effet. La rapidité de son impact n’a jamais été vu auparavant. À peine 4 personnes avaient vu la vidéo le 3 mars, mais ils étaient 58 000 le 5 mars à avoir visionné la vidéo, puis 2,7 millions le 6 mars et 6,2 millions le jour suivant. Aujourd’hui, plus de 80 millions de gens ont vu cette vidéo.
De nombreux jeunes américains ont donné de l’argent à Invisible Children, d’autres achètent le “kit d’action” à 30 dollars ; la journée d’action du 20 avril pourrait générer un large soutien.
Mais, étant donné la politique suivie par Invisible Children, il existe un grave danger que cette énergie sera simplement détournée afin de fournir un soutien à la politique de l’administration Obama qui vise à renforcer son influence en Afrique, à un moment où les autres puissances telles que la Chine ou le Brésil se lancent également dans la course pour ce nouveau repartage de l’Afrique. Malgré toutes les belles paroles contre Kony et la LRA, l’administration Obama, tout comme ces prédécesseurs, est complètement hypocrite dans son soutien à “ses propres” régimes autoritaires et dictatoriaux, tels que l’Ouganda. Tout en comprenant bien le désir de la part des victimes de la LRA de recevoir une aide extérieure contre Kony, les socialistes rappellent que les gouvernements capitalistes extérieurs ont leurs propres intérêts. La BBC a beau faire état maintenant de populations en RDC qui appellent Obama à intervenir contre la LRA, cela ne représente pas une solution durable pour le peuple congolais. N’oublions pas que pendant des décennies, tous les présidents américains, républicains comme démocrates, ont soutenu le règne brutal du bandit Mobutu et l’ont aidé dans son pillage du pays qui est aujourd’hui la RDC.
La seule manière de réellement agir dans les intérêts des enfants, des pauvres, des opprimés et de la population laborieuse de manière générale en Afrique, est d’aider ces gens à construire leurs propres mouvements indépendants, des mouvements qui n’auront aucune confiance dasn les gouvernements capitalistes ou dans la moindre intervention étrangère, mais qui mèneront la lutte pour transformer la société.
Malgré les horreurs de la guerre en Afrique centrale et orientale, nous avons déjà vu cette année de puissants mouvements de masse dans d’autres pays africains contre l’oppression et la misère et pour le changement, tel que les grèves générales au Nigéria et en Afrique du Sud.
La rapidité avec laquelle s’est répandue la colère contre Kony est une véritable source d’inspiration. Le mouvement ouvrier doit tout faire pour s’assure que l’idéalisme enthousiaste et le désir de changement affiché par l’explosion exponentiel de l’intérêt en faveur de la campagne “Kony 2012” puisse être mobilisé en tant que partie prenante d’une véritable lutte contre l’exploitation, la misère et la guerre.
Le défi pour les socialistes authentiques est de contribuer à relier la colère de la jeunesse face aux crimes commis par des groupes tels que la LRA et son désir de faire quelque chose à la construction de mouvement capables de renverser le système capitaliste qui corrompt et empoisonne les vies de tant de gens, au lieu de voir cette colère et ces aspirations se faire canaliser par des personnes qui veulent éviter de voir remis en question l’ordre capitaliste existant.
-
Russie : Questions fréquemment posées sur les élections
Les militants du KRI (Komitiét za rabotchi internatsional, section russe du CIO) sont sans cesse confrontés aux mêmes questions concernant le pourquoi de notre appel à boycotter les élections présidentielles du 4 mars, et que faire le jour du 4 mars.
Vous appelez au boycott – ça veut dire qu’il ne faut pas aller voter ?
Si. Allez au bureau de vote et faites avec le bulletin tout ce qu’il mérite dans les conditions actuelles. Déchirez-le à la vue de tous, détériorez-le et jetez-le dans l’urne, ou reprenez-le avec vous en guise de souvenir. Mais mieux que tout, écrivez dessus tout ce que vous pensez des élections et collez-le sous forme de tract à afficher dans le hall d’entrée de votre immeuble, à l’arrêt de bus ou tout autre endroit public, afin d’entrainer d’autres à suivre votre exemple. L’important est de ne pas donner votre voix à qui que ce soit – car aucun des candidats proposés aux élections présidentielles ne représente les intérêts de la majorité de la société – des travailleurs.
Le boycott renforce les chances de Poutine de remporter la victoire. Mieux vaut voter pour n’importe quel autre candidat.
Si vous estimez que les autres candidats aux présidentielles vont réellement mener une politique différente de celle que mène la clique de Poutine – votez pour eux. Nous estimons qu’il n’y a aucune différence de principe entre eux, ils sont tous pareils. Aucun d’entre eux ne promet même d’arrêter les réformes du secteur social qui détruisent l’enseignement et les soins de santé, ni ne refuse les coupes d’austérité. Sans même parler d’avoir le véritable désir ni la volonté de ce faire. Aucun d’entre eux n’a un véritable programme anti-crise et de relèvement des conditions de vie de la majorité. D’une manière ou d’une autre, ils se déclarent tous aujourd’hui en faveur d’un soutien aux entreprises, tout comme plus tôt ils soutenaient l’idée d’une injection de notre argent aux banques. Tous se sont tus lorsqu’on a taillé dans nos emplois et nos salaires. Tous font partie du régime, tous sont intégrés au système Poutine et sont contents de la situation actuelle, ont leur propres intérêts. Rappelez-vous la manière dont ils ont tous refusé de remettre leurs mandats parlementaires, malgré le fait qu’ils l’avaient déclaré à maintes reprises, malgré le fait que les élections avaient été truquées de la manière la plus grossière qui soit. Si ils voulaient réellement se battre pour nos voix, pour nos intérêts, contre la classe dirigeante, ils n’auraient pas hésité une seconde. En donnant votre voix à n’importe lequel d’entre eux, vous votez dans les faits pour la continuation de la même politique, pour le soutien au système Poutine.
L’idée du “Toutes les forces contre Poutine”, ou du “N’importe qui sauf Poutine” ne mènera pas à des changements, en réalité on nous appelle à choisir entre Poutine et Poutine déguisé. Notre tâche aujourd’hui est de nous organiser dans la lutte contre l’ensemble du régime, avec ses partis marionettes et ses candidats prête-noms, qui répètent devant nous le grand spectacle dénommé “Élections”. L’auto-organisation au lieu de la farce électorale – voilà notre réponse.
Mais quand même Ziouganov et Mironov se sont dits d’accord d’être des présidents techniques ! Ils promettent dans quelques années après leur victoire d’organiser des élections honnêtes et d’accomplir des réformes démocratiques.
Qu’est-ce qui les empêchait de se dresser du côté des manifestants et de renverser le régime dès avant le Nouvel An ? Leurs promesses sont tout aussi mensongères que le manifeste du tsar en 1905. Ces candidats “de gauche” ont déjà annoncé la composition idéale de leur futur gouvernement. Dans sa composition, ils voient des nationalistes, des vieux généraux, des libéraux, des gros capitalistes et des spéculateurs financiers – est-ce que cela diffère radicalement de la composition du gouvernement que nous avons déjà ? Est-ce que toutes ces “forces progressistes” sont intéressées par le moindre changement ? Souvenez-vous, Ziouganov a déjà aidé la classe dirigeante en 1996, lorsqu’il a refusé sa propre victoire pour faire plaisir à Yeltsine. Faut-il que nous marchions à nouveau sur le même rateau ? Quelles réformes vont-ils mener, si même aujourd’hui ils se déclarent contre l’indulgence de Medvedev, en disant que pour l’enregistrement des partis il faut exiger des dizaines de milliers, et non pas de cinq cents, n’en déplaise à Dieu.
L’idée d’un “président technique” est une ruse de base, à laquelle, malheureusement de nombreuses personnes croient encore. Ni Ziouganov, ni Mironov ne nous donnera la démocratie politique ; ce n’est que nous seuls, par une lutte prolongée et opiniâtre, qui pourrons la conquérir.
Mais quand même toutes les forces politiques sont intéressées par des élections honnêtes. Ce sera déjà ça de gagné.
La majorité de ces soi-disant “forces politiques”, des libéraux aux nationalistes en passant par ces “gens de gauche” qui marchent à la queue des libéraux, ne veulent pas du tout la moindre “élection honnête”. Souvenons-nous de notre Histoire.
Est-ce que nous ne nous sommes pas battus pour la démocratie politique dans les années ’90 ? Nous nous sommes battus, et de toute notre âme nous avons cru que cela allait permettre de transformer notre vie pour un mieux. Il semblait que, une fois l’Union soviétique tombée, la démocratie à l’occidentale allait arriver et que tout irait bien. Exactement sur l’abstraction de la pure “démocratie” sur notre dos s’est hissé Yeltsine et une nouvelle classe dirigeante, qui voulait seulement manger les biens et profits du gouvernement, tant que nous ne comprenions pas les processus qui étaient en train de se dérouler. Nous ne comprenions pas que la démocratie politique est toujours concrète, nous avons remis tous les pouvoirs (sur les entreprises, sur les richesses naturelles, sur la politique) entre les mains d’un groupe de gros propriétaires, après avoir été forcés de nous bagarrer les uns contre les autres. Nous avons perdu l’accès aux médias, nous avons perdu le droit de grève, nous avons perdu le doit de fonder nos propres organisations politiques, même le droit de protester, le régime Poutine en a fait une parodie. Il est apparu qu’aucune démocratie n’est possible entre gros propriétaires et travailleurs affamés, c’est pourquoi, au bout du compte, ils s’en sont tout simplement débarassée. Et c’est ainsi que ça continuera encore et encore, tant que nous ne comprendrons pas que pour la démocratie politique, il faut la démocratie économique. Ils nous faut des roses – mais aussi du pain !
Qu’est-ce que c’est, des élections honnêtes, et pour quelle raison en avons-nous besoin ? Le pouvoir en vigueur ne nous arrange pas, ni sa politique qui va contraire à nos intérêts. Nous sommes fatigués des fausses promesses. Nous sommes indignés. Nous voulons de véritables changements, et pas de belles promesses. Nous ne voulons pas subire encore 6 ans de régime Poutine. Mais qu’est-ce qui ne nous arrange pas, concrètement ? Avant tout, le bas niveau de vie, qui se compose de nombreuses choses, telles que : les bas salaires, l’absence de soins de santé et d’un enseignement abordables et de qualité, les loyers et les prix des logements élevés, le haut niveau de corruption, l’arbitraire policier, les tribunaux malhonnêtes, etc., etc. Pour résoudre ces problèmes, il existe des moyens, nous avons l’industrie lourde et légère, de vastes ressources naturelles, mais tant que tout cela se trouve entre des mains privées, tous les profits, c’est-à-dire le fruit de notre travail, partent dans les poches de particuliers. C’est cette situation qu’aujourd’hui défendent, de manière ouverte ou masquée, toutes les forces politiques, parlementaires comme d’opposition. Il n’y a qu’à regarder leurs programmes et à les comparer les uns aux autres, pour comprendre que les solutions qu’ils proposent ne sont guère différentes les unes des autres. Tous ces gens, et le KPRF (Parti “communiste”) en fait partie (toute une analyse a déjà été faite au sujet de ce parti sur notre site russe), sont pour la défense des grands propriétaires. Ils proposent d’augmenter les taxes, mais cela ne sera des miettes du gâteau, qui de toutes manières ne permettront pas d’obtenir une hausse du niveau de vie. Ils s’orientent vers les investissements occidentaux, passant sous silence le fait que ceux-ci ne commenceront à arriver que pour peu que notre niveau de vie ne reste aussi bas, ou ne devienne encore plus bas. Regardez la Chine – malgré l’ampleur des investissements et de la croissance économique, la majorité de la population y végète dans la misère. Ils parlent de miracle économique – mais c’est un miracle pour quelques particuliers – la majorité n’en reçoit que des kopeks.
Pourquoi donc les dirigeants de l’opposition parlent-ils d’élections honnêtes ? Parce qu’ils veulent, tout comme Poutine d’ailleurs, contrôler les flux d’argent et continuer le cours néolibéral : certains plus lentement (Ziouganov, Mironov), d’autres plus vite (Prokhorov, Jirinovski). Et les opposants du type de Niemtsov, Kasparov, Navalny, sont mécontents de l’absence de toute possibilité pour eux de pouvoir s’inviter à la table seigneuriale. Ils luttent pour la démocratie, en ne sous-entendant par là que la possibilité d’arriver au pouvoir pour eux-mêmes.
C’est exactement pour cette raison que nous nous battons non pas pour des “élections honnêtes” mais abstraites, mais pour des revendications entièrement concrètes. Pour des élections avec enregistrement de tous les partis – afin que les travailleurs aient la possibilité de créer leurs propres organisations politiques sans la moindre limite, et de participer au processus électoral. Pour un contrôle social des médias et pour leur accès pour tous les partis et mouvements, proportionellement à leur poids dans la société – car la majorité de la société sont de simples travailleurs, mais aujourd’hui leur voix est étouffée, étranglée par le capital qui contrôle les chaines de télévision et les journaux. Nous sommes pour le licenciement de la Commission électorale centrale et la tenue d’élections sous le contrôle de comités locaux et régionaux à une Assemblée constituante, au cours de laquelle les travailleurs, les étudiants, les jeunes, tout le peuple laborieux et opprimé, pourront décider de quel type devraient être l’État et la société. Et toutes ces revendications démocratiques, nous les lions indissolublement à la socialisation de la grande industrie, des banques et des ressources naturelles – en guise de mesure d’une importance vitale pour pouvoir relever le niveau de vie de la majorité. Sans cela, toutes les élections se dérouleront sous le contrôle de ceux qui règnent sur la grande propriété, se dérouleront de manière “malhonnête” de part leur essence même.
Mais quoiqu’il en soit, en votant pour n’importe quel candidat sauf Poutine nous hâtons la fin du régime.
Non, en agissant de cette manière, nous retardons la fin du régime. Étant donné que le régime Poutine est avant tout une structure bureaucratique et politique de gouvernement, soudée aux grosses entreprises et à de puissantes structures de répression qui maintiennent cette situation. Le régime n’est pas une personne, mais une masse de gens qui sont liés par des intérêts communs et par un désir de maintenir leur propre position. Qui parmi les candidats, ne fait ne serait-ce que bredouiller quelque chose au sujet du démontage de ce régime ? Ils veulent seulement le prendre sous leur propre contrôle, le réorganiser pour leurs propres besoins. Quiconque cherche à faire passer Poutine pour le mal absolu, ne le fait que pour éviter la question de la destruction du système lui-même. Nous hâtons la fin du régime, seulement si nous nous organisons : en comités de lutte, en syndicats, en partis ouvriers. Une seule grève politique générale ébranlera le régime plus fort que des dizaines de manifestations, mais ensemble avec l’occupation des places et même des institutions d’État, pourrait contraindre Poutine à dégager, briser le régime et obtenir la démocratie via une assemblée constituante. Dans ce sens, il n’est pas important de savoir pour qui vous voterez, car ce sont de toute façon les travailleurs qui décideront de la destinée du pays. La différence réside dans ce que en appelant à participer à ce qui se déroule aujourd’hui sous l’aspect de farce électorale, nous sèmerions des illusions en ce qui concerne aussi bien les autres candidats que le système existant dans son ensemble.
Est-ce que ça vaut la peine d’aller en tant qu’observateur aux élections ? Le mouvement des observateurs – c’est aussi de l’auto-organisation !
Nous ne voyons pas la moindre raison à cela. La fraude électorale ne se passe pas le jour des élections, mais s’est déjà déroulée bien avant ce jour et ses résultats ont été le fait qu’aux élections il n’y a pas et, dans les conditions présentes, il ne pouvait y avoir, aucun candidat dont le programme défende les intérêts de la plus grande part de la société. Devenir observateur aux élections aurait un sens s’il y avait aux élections la participation du moindre parti ouvrier, qui rassemble les travailleurs, les étudiants, et les fonctionnaires. Il faut comprendre qu’il n’existe pas d’observateurs tout court, il n’y a que des observateurs des équipes bien déterminées de candidats bien déterminés. Ceux qui appellent à aller en tant qu’observateur, appellent en réalité, directement ou indirectement, à soutenir un de ces candidats. Qui : Ziouganov ? Mironov ? Jirinovski ? Prokhorov ? Nous revenons de nouveau à la question de la politique de ces candidats et de leur rôle fondamental : tout faire pour légitimer ces élections. Votre temps sera dépensé de manière plus utile en diffusant des tracts appelant à un boycott actif dans votre quartier ou dans votre entreprise ; en organisant des comités de lutte, afin que tous ceux qui sont d’accord de se battre contre le régime puisse agir ensemble ; à soulever les questions politiques, à organiser des manifestations, des grèves, des occupations ; à débattre des slogans.
Le “mouvement des observateurs”, ce n’est pas de l’auto-organisation. Il est organisé d’en haut par les représentants des partis et organisations bourgeois afin de nous utiliser pour leur propre jeu. Aucune réunion où pourraient être discutées les revendications politiques des “observateurs”, leur tactique ou leur action – rien de tout cela. Que feront les observateurs, quand ils verront leurs candidats se bousculer pour être les premiers à exprimer toutes leurs félicitations à Poutine pour sa grande victoire ?
-
En Bref…
Chaque samedi, nous publions dans cette rubrique quelques faits marquants, des citations, des cartoons, de petites vidéos,…
23% de la population européenne menacée de pauvreté ou d’exclusion sociale en 2010
Ce mercredi, Eurostat (l’office statistique de l’Union Européenne) a publié un communiqué de presse qui affirme qu’en 2010, 115 millions de personnes (23,4% de la population) étaient menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale dans l’Union européenne, chiffre qui atteint même les 27% pour les moins de 18 ans.
Ce n’est pas la crise pour tout le monde…
Alors qu’on nous dit toujours plus de nous serrer la ceinture pour ”le bien commun”, différentes données expriment ce que signifie concrètement ce ”bien commun”… Ainsi, les premiers résultats pour l’année 2011 des sociétés belges cotées en Bourse illustrent que l’argent continue de se déverser dans les poches des patrons et des actionnaires (voir tableau ci-contre). Ls dividendes versés aux actionnaires augmentent de 25% chez Umicore, de 10% chez Barco et de 13,6% chez Arseus…
L’aide alimentaire atteint des sommets en Belgique
Les banques alimentaires ont reçu 13.385 tonnes de nourriture en 2011, tandis que 117.440 personnes ont fait appel à l’aide alimentaire, un record (environ 3.000 de plus qu’il y a un an, selon Het Belang Van Limburg et Gazet van Antwerpen). Toute personne disposant d’un revenu inférieur à 740 euros nets par mois peut demander de l’aide aux banques alimentaires. Selon l’administrateur délégué de la Fédération des banques alimentaires Alfons De Vadder, les bénéficiaires sont souvent des mères célibataires, des chômeurs suspendus et des nouveaux Belges.
Les médias traditionnels contre les grévistes
Nous avons déjà mentionné dans cette rubrique un article du site français ACRIMED (Action-Critique-Médias) concernant la couverture des dernières mobilisations syndicales par la presse francophone. Ce site en a remis une couche en ce basant sur un éditorial de La Libre datant du lendemain de la grève générale du 30 janvier : Nouveau tir à vue éditorial contre les grévistes en Belgique.
La lutte contre la politique d’austérité concerne aussi les jeunes!
Les politiciens, les patrons et leurs médias font tout leur possible pour monter la jeunesse contre les syndicats et leur résistance à la politique d’austérité. Cela fait partie d’une tentative consciente de diviser l’opposition sur base de contradictions qui ne sont pas fondamentales. Mais les jeunes sont aussi durement touchés par la politique actuelle que les travailleurs plus âgés. La politique d’assainissements menée par les partis établis menace notre avenir. Cela a d’ailleurs été expressément reconnu par une source irréprochable, le chef de la Sûreté d’Etat de Belgique. Il a déclaré la semaine passé dans le quotidien De Standaard : "Ce sont principalement les jeunes qui sont touchés par la crise. Il est normal qu’ils entrent en action." En Espagne, plus de la moitié des jeunes de moins de 25 ans sont actuellement sans emploi sur base de telles politiques. Si nous laissons faire les patrons et leurs politiciens, nous aurons une ”génération sans avenir”. La meilleure façon d’éviter cela est de passer à l’action, avec les travailleurs, les pensionnés, les chômeurs,…
Action durant un match de foot
Le 31 janvier dernier, Everton et Manchester City se sont opposés dans le cadre du championnat anglais de football. Peu de temps avant la mi-temps, un supporter a envahi le terrain et s’est enchaîné au goal de l’équipe visiteuse. Le jeu a été interrompu pendant cinq minutes pour arrêter cet homme, qui voulait par son action dénoncer la politique de Ryanair. Son T-shirt proclamait que Ryanair est le plus gros gangster d’Europe (la concurrence est acharnée pour ce titre…). La réputation de la politique antisociale de Ryanair vis-à-vis de son personnel n’est plus à faire. Le pire, c’est que cet homme pourrait se voir interdit de stade à vie, alors que Ryanair pourra tout simplement poursuivre sa politique antisociale.
Tout va bien à General Motors (GM)
Plus d’un an après la fin de General Motors à l’entreprise Opel-Anvers, des nouvelles positives arrivent, mais uniquement pour les actionnaires. De Tijd a écrit ce mardi: "Les résultats du constructeur automobile américain General Motors (GM) sont étonnamment bons, deux ans seulement après la faillite et l’aide que l’entreprise a reçue. Le journal The Wall Street Journal a écrit que GM avait publié le 16 février un bénéfice net de 8 milliards de dollars (6,01 milliards d’euros). C’est près du double de 2010 (4,7 milliards). C’est le plus haut bénéfice pour General Motors, principalement en raison d’une une forte croissance en Chine et des marges bénéficiaires plus élevées sur le marché nord-américain, où GM a réduit les coûts de milliards de dollars pour faire baisser les prix. En Europe, les filiales Opel et Vauxhall sont toujours trop chères. "
Cartoon: Le libre marché
”Si vous ne pensez pas que la libre entreprise est une bonne idée, souvenez-vous de ceci: jusqu’à ce que le gouvernement s’en mêle, ces enfants avaient du travail.”
-
Les révoltes mondiales contre ce système sans perspective suscitent la recherche d’une alternative (1)
1. L’été dernier, l’illusion selon laquelle le capitalisme mondial allait parvenir à s’extraire du pétrin dans lequel il se trouve depuis 2008 a de nouveau volé en éclats. On était parvenu à changer la Grande Dépression en une Grande Récession. C’est pourquoi on avait ouvert les robinets à argent, les dettes privées avaient été transférées aux gouvernements et les stimulants de masse avaient sauté. Depuis lors, une question cruciale tient en suspens les économistes et les politiciens : à partir de quand les déficits budgétaires peuvent-ils être purgés, sans pour autant de nouveau rejeter l’économie dans la récession ?
2. Bonne question ! Au lieu de redémarrer au turbo sur les starting-blocks, l’économie mondiale continue à cahoter. Cela suscite des tensions, qui deviennent difficiles à cacher même avec diplomatie. Ces derniers 18 mois, les États-Unis et la FED ont continué à arroser l’économie avec leur pompe à pognon. C’est entre autres comme cela que le déficit budgétaire des États-Unis va atteindre cette année un nouveau record de 1.645 milliards $. Dans le meilleur des cas, cela pourra redescendre en-dessous de 1.000 milliards $ à partir de 2013. En même temps, le bilan de la FED, l’autorité monétaire destinée à lubrifier l’économie, a grimpé de 1.000 milliards $ avant la crise du crédit, à 3.000 milliards $ en juillet de cette année.
3. Le gouvernement chinois a encore une fois surpassé l’américain. En pourcentage du PIB, les stimuli chinois dépassent de moitié les américains. Grâce à ses banques sous contrôle d’État, 3000 milliards $, soit 60% du PIB, sont passés au crédit. Cela n’a pu se faire que par la nature hybride de l’État chinois. Même si cela fait bien longtemps déjà que la demi-caste, demiclasse dirigeante a décidé de passer à une économie de marché, elle dispose encore toujours de leviers qui lui permettent de mobiliser les forces productives d’une manière dont les autres économies purement de marché ne peuvent que rêver. Le régime a ainsi pu neutraliser l’effet de la grande récession sur son économie et dans la foulée soutenir l’économie américaine afin d’éviter d’être entrainé en chute libre avec elle.
4. La Chine a accumulé 3.200 milliards $ en réserve au cours de ces dernières décennies, 66% en dollars, 26% en euro. Elle aimerait bien diversifier ce trésor. Un peu partout dans le monde, les détenteurs de capitaux sont très conscients de cela. C’est pourquoi la Chine se trouve sous pression. Le moindre signe qu’elle commence à vendre ses réserves en dollars causera une fuite subite, chacun cherchant à se débarrasser de ses dollars, conduisant à une implosion de cette devise, et à une baisse subite de la valeur de ses réserves. Mais sur un plus long terme, le fait de garder ces réserves en dollars pourrait s’avérer encore plus grave.
5. L’économie chinoise est bien la deuxième au monde par sa taille, mais avec 1.250 millions d’habitants, la consommation des particuliers est sous celle de l’Allemagne, avec ses 82 millions d’habitants. La Chine a exporté près de 1.600 milliards $ en 2010. La dépendance envers le marché américain est énorme. Le surplus commercial (c.à.d, les exportations moins les importations) avec les États-Unis en 2010 était de 273 milliards $, plus que le surplus commercial total, qui est lui de 183 milliards $. Face au surplus commercial avec les États-Unis, il y a il est vrai un déficit commercial avec les pays fournisseurs de matières premières et de mains d’oeuvre encore meilleur marché dans la plupart des pays d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique. La Chine a donc tout intérêt à ce que l’économie américaine continue à tenir le coup.
La Chine – nouvelle superpuissance mondiale ?
6. Les mesures prises par le gouvernement chinois ont assuré une poursuite de la croissance dans toute une série de pays, dont par exemple le Brésil et l’Australie, mais cela n’est pas sans risque. Le Brésil présente à nouveau des signes d’économie coloniale qui produit essentiellement des matières premières et des produits semi-finis et en échange ouvre son marché aux produits manufacturés chinois. On y voit même un processus de désindustrialisation. Avec l’immense hausse de la productivité en Chine, en moyenne de 9,6% entre 2005-2009, cela a fait croître l’illusion que la Chine est sur le point de détrôner les États-Unis en tant que principale puissance mondiale. Tout comme les États-Unis après la Deuxième Guerre mondiale avaient chassé de cette position le Royaume-Uni.
7. Cela est cependant peu probable. Aussi bien le Royaume-Uni que les États-Unis disposaient durant toute leur phase ascendante des techniques de production les plus modernes. C’était leur efficience de production qui déterminait les limites scientifiques et technologiques du reste du monde. Tous deux ont connu leur période de gloire dans une période d’expansion économique. Les Etats-Unis – après que ses plus importants concurrents aient été aplatis sous les bombardements, l’Amérique latine leur étant tombée dans les mains comme un fruit bien mûr – ont pu imposer leurs termes commerciaux et leur monnaie au reste du monde capitaliste, et ont développé une économie de guerre, sans pour autant avoir à subir les désavantages de la guerre. Voilà quelles ont été les conditions par lesquelles les techniques de production qui étaient déjà connues avant la Deuxième Guerre mondiale, mais qui se heurtaient auparavant aux limites du marché, ont pu être appliquées pour la première fois à une échelle de masse.
8. Déjà en 1950, les États-Unis étaient beaucoup plus productifs que leurs concurrents. La productivité de l’Allemagne et de la France n’atteignait même pas la moitié de la productivité américaine. L’Union Soviétique n’en atteignait à peine que le tiers, et le Japon un cinquième. Les seuls qui atteignaient des résultats comparables étaient l’Australie, le Canada et… le Venezuela. Le Royaume-Uni était alors déjà un bon quart moins productif, juste un peu mieux que l’Argentine, mais derrière Hong Kong. Dans les années ’60 et ’70, la productivité aux États-Unis ne s’est cependant accrue que de moins de +3%, alors qu’elle s’accroissait de +5% dans les quinze pays de l’Union Européenne et de +8% au Japon. Comment cela se fait-il ? Selon la FED, à New York (Current Issues v13, n8), parce que lorsque la quantité de capital placée par travailleur est basse, le capital est relativement productif. Il a alors un haut produit marginal (la quantité par laquelle la production s’accroit pour chaque nouveau travailleur engagé) et contribue visiblement à la croissance de la productivité.
9. Ce phénomène a déjà été expliqué par Marx. Il a fait remarquer le changement dans la composition organique du capital. Avec la composition organique, on détermine le rapport entre capital “vivant et variable” et capital “mort et constant”. Le capital vivant est consacré aux heures de travail de la main d’oeuvre et fournit une plus-value. Le capital mort est consacré aux bâtiments, aux matières premières, aux machines, et transmet sa valeur à celle du produit final, mais sans y ajouter de plus-value. La concurrence force les capitalistes à au moins suivre les techniques les plus modernes, et donc à investir de plus en plus dans du capital mort, aux dépens du capital vivant. L’effet clairement contradictoire de cela est le fait que le taux de profit – le profit réalisé par unité de capital investie – a une tendance à baisser. Les marxistes appellent cela “la loi de la baisse tendancielle du taux de profit”.
10. Comme seconde raison pour expliquer la faible croissance de la productivité aux USA dans els années ’60 et ’70, la FED explique que des pays connaissant une degré moindre de technologie et de techniques de production, qui attirent des investissements étrangers et autres joint-ventures, pouvaient facilement copier les USA. On appelle cela la “loi de l’avancée en tant que frein” ou, pour employer une terminologie plus multilatérale et plus marxiste, la “loi du développement inégal et combiné”. Cela explique la croissance plus rapide de la productivité au Japon après la Deuxième Guerre mondiale, mais aussi pourquoi un pays qui se coupe du monde extérieur est au final condamné à stagner et à rester en arrière. La Corée du Nord ou l’Albanie d’Enver Hoxha, de véritables caricatures d’autarcie, en sont des témoins flagrants.
11. La rapide hausse de la productivité au Japon et dans l’Union européenne a cependant cessé au début des années ’90. Selon la FED, cela s’est produit en Europe à cause de la “rigidité du produit et du travail”. Selon nous, cela s’est produit parce que le mouvement ouvrier en Europe est mieux parvenu qu’aux États- Unis à résister contre les tentatives du patronat de rehausser le taux d’exploitation. Pour le Japon, la FED explique qu’au fur et à mesure que la productivité d’un pays atteint son summum, le produit marginal baisse, et il devient plus difficile de copier, et de ce fait la hausse de la productivité devient plus difficile à réaliser. Nous ajouterions ceci : à moins qu’il ne survienne une situation exceptionnelle. La destruction massive de l’infrastructure et des moyens de production pendant la Deuxième Guerre mondiale constituait une telle situation exceptionnelle.
12. Les États-Unis ont connu leur période de gloire durant l’âge d’or des années ’50 et ’60. À ce moment, la croissance économique était tirée par l’État social, avec la hausse des salaires, la baisse du temps de travail, l’apparition de véritables allocations sociales, de services publics et d’un système d’impôt progressif. L’économie chinoise est au second rang si on compare sa taille pour tout le pays mais, en termes de richesse par habitant, elle se trouve à la 95e place. Le pays connait une énorme croissance de la productivité de par les raisons définies ci-dessus, auxquelles il faut ajouter son infrastructure, son niveau d’enseignement et sa centralisation, tout cela hérité de son économie planifiée. Pourtant, la productivité par travailleur en 2005 n’y était que de 15% supérieure à ce qu’elle est aux États-Unis. La Chine devrait surmonter cela, alors que nous sommes en plein milieu d’une période de contraction économique.
Les déséquilibres de l’économie chinoise
13. Tout comme pour le Japon en son temps, la croissance économique chinoise est essentiellement poussée par les investissements. Au début, cela permet une croissance fébrile mais, après un certain temps, cela devient un frein. Entre 2000 et 2010, les investissements se sont accrus chaque année en moyenne de 13,3%, mais la consommation des particuliers n’a cru que de 7,8%. Cela signifie un transfert de la consommation vers les investissements. La baisse des salaires, l’expansion du crédit et un cours de change sous-évalué ont tous contribué à cela. La part de la consommation dans le PIB au cours de cette période est passée de 46% à 34%, tandis que celle des investissements passait de 34% à 46%. Pour 1% de croissance du PIB, il fallait encore dans les années ’90 une croissance du capital de 3,7%, en 2000, ce 1% de croissance exigeait par contre une hausse des investissements de 4,25%. On voit donc que la rentabilité de l’investissement diminue.
14. C’est pourquoi Wen Jiabao, le premier ministre chinois, a déclaré l’économie ‘‘instable, déséquilibrée, non-coordonnée et au final, non-durable’’. On craint que ‘‘ne soient piégés les revenus moyens.’’ C’est le phénomène où un pays ne parvient plus à croître à partir du moment où il a atteint un niveau bien défini. L’incapacité à livrer l’accès aux couches moyennes pour la majorité de la population est un de ces symptômes. Les bas salaires et la répartition inégale sont il est vrai la source de la croissance des investissements. En fait, la croissance devrait être plus basée sur la consommation des particuliers. La croissance des investissements devrait être inférieure à celle du PIB. Dans les années ’80, le Japon a tenté de soutenir la croissance avec le crédit d’investissement, sans effet : cela a conduit à une explosion du crédit. Dans les années ’90, la correction est arrivée, avec les conséquences catastrophiques que l’on connait.
15. Plus encore qu’à l’époque au Japon, les investissements en Chine sont basés sur du crédit. Sans un soutien artificiel, une grande partie ne serait pas rentable. Le moindre affaiblissement de la croissance à 7% ferait s’écrouler les investissements à 15% du PIB. Toute tentative de réorienter les moyens vers les ménages causerait une encore plus grande baisse des investissements. De ce fait, on voit que les investissements deviennent une source de stagnation, au lieu d’être un moteur pour la croissance. La Chine a maintenant un PIB par habitant comparable à celui du Japon en 1950 (juste après la guerre et juste avant le début de sa phase de croissance rapide longue de 25 ans). On dit que le PIB par habitant de la Chine pourrait atteindre 70% de celui des États-Unis en 2035, comme l’a fait le Japon en 1975 – à ce moment, l’économie chinoise serait plus grande que celle des États-Unis et de l’Europe ensemble. Bien que la taille de la population chinoise offre une échelle et des possibilités supplémentaires pour la répartition du travail, il y a aussi d’importants inconvénients qui y sont liés, le gigantesque besoin en matières premières n’est pas des moindres.
16. La création d’argent avec laquelle le gouvernement chinois a tenté de repoussé la crise en 2009 et 2010 n’a pas réduit sa dépendance face aux exportations et aux investissements. Sur le marché de l’immobilier, il y a énormément de spéculation, dont l’argent est financé par des prêts. Cela a causé une énorme hausse des prix. La bulle immobilière a entrainé avec elle du capital spéculatif. Les investisseurs courent, il est vrai, le risque d’une réévaluation du yuan par rapport au dollar. Les hausses salariales sont compensées par la hausse des prix à la consommation. Le taux d’inflation “alarmant” provient apparemment de la croissance rapide du crédit et de la monnaie et de la hausse du prix du pétrole, des matières premières et des denrées alimentaires ; cela est renforcé par les spéculateurs qui attendent que la demande augmente. L’exportation massive de produits chinois fait en sorte qu’il y a un afflux massif de devises étrangères. Les entreprises tout comme les particuliers peuvent facilement prêter de l’argent, comme le robinet à crédit a été coupé sur injonction des autorités. Mais tandis que le gouvernement national coupe le robinet à crédit, celuici reste grand ouvert auprès des autorités locales.
Guerre des devises et commerciale
17. L’Occident trouve que le dernier plan quinquennal s’attaque insuffisamment aux problèmes structurels. On doit faire quelque chose pour résoudre la dépendance aux exportations et le fossé entre riches et pauvres. L’Occident a peur d’un affaiblissement de la croissance. Nouriel Roubini avertit d’un danger de crash. Mais leurs remarques ne sont certainement pas désintéressées. Ils espèrent gagner en compétitivité en forçant la Chine à réévaluer sa monnaie. Ils veulent aussi gagner l’accès à quelques miettes du marché intérieur chinois, mais celui-ci doit d’abord être mis sur pied. Pour la Chine, ils défendent par conséquent ce que partout ils combattent à tout prix : de meilleurs salaires et une sécurité sociale. Mais l’idée que la Chine puisse subitement gonfler sa consommation sans toucher aux intérêts des détenteurs de capitaux privés est une illusion. L’économie chinoise est une économie de marché libre dans la mesure où une hausse significative des salaires ou une réévaluation comparable du yuan provoquerait une chute du niveau d’investissements, et avec elle, de la croissance économique.
18. Les gouvernements américains et européens demandent à la Chine ce qu’eux-mêmes ne peuvent pas se permettre. À première vue, c’est plutôt agréable. Dans la pratique, il s’agit d’une manoeuvre audacieuse. Ainsi, l’assouplissement quantitatif dont a fait usage la FED avait comme prévu affaibli le dollar au milieu de l’an passé. Cela a incité les spéculateurs à s’adonner au “carry trade”, c.à.d. à emprunter des dollars à un taux quasi nul pour les placer dans des pays avec un taux plus élevé. L’investisseur encaisse la différence de taux, sans même y engager son propre argent. L’affluence d’investissements a poussé la valeur des devises des pays receveurs, au détriment de leur compétitivité. Le premier à utiliser le terme de “guerre monétaire” a été le ministre des finances brésilien Guido Mantega, mais il exprimait ainsi ce à quoi beaucoup d’autres gens pensaient déjà. Le Brésil demande à l’OMC de prendre des sanctions contre les pays qui laissent filer trop bas leur taux de change. Il y a aussi le dumping. La Chine menace d’une guerre commerciale si les États-Unis décident de placer des taxes à l’importation sur les produits chinois.
États-Unis : la politique anticyclique échoue
19. Les États-Unis sont désespérément à la recherche de quelqu’un qui puisse reprendre une partie de leurs problèmes. De là viennent la pression sur la Chine pour qu’elle réévalue sa monnaie, la guerre monétaire à peine voilée, et le plaidoyer en faveur d’une politique monétaire plus conviviale en Europe. Depuis la catastrophe qu’a été le passage du “war-president” George W Bush avec ses cadeaux fiscaux aux riches, l’idée dominante est à présent de lutter contre la crise par une politique anticyclique. Ce courant est représenté par le président Obama, son ministre des Finances Timothy Geithner, et le président de la FED Bernanke. Tout comme leurs opposants, ils trouvent que l’État doit remettre de l’ordre dans ses dépenses, mais pas d’une manière qui risque d’hypothéquer la croissance. Ils craignent que des économies drastiques ne rejettent à nouveau l’économie dans la récession, voire la dépression. En plus de cela, ils souhaitent une participation de la part des riches, pour éviter des réticences de la part de la population face au plan d’austérité. Le gourou de la Bourse Warren Buffet affirme publiquement vouloir payer plus d’impôts.
20. Cette politique s’est composée des stimuli de 800 milliards $ au début 2009, et de deux opérations d’assouplissement quantitatif par la FED, pour un total de 1850 milliards $. Entretemps, on a lancé le QE 1.5, avec lequel des remboursements libérés sont consacrés à des prêts d’États supplémentaires. La FED a également décidé de bétonner le taux nul jusqu’à 2013. Au final, elle a vendu pour 400 milliards $ de bons d’État à court terme (jusque 3 ans) et a acheté pour un montant semblable en bons d’État à long terme (de 6 à 30 ans). Rien ne semble cependant fonctionner. La consommation des particuliers n’a pas repris parce que les ménages tentent maintenant de rembourser leurs dettes, parce que le chômage sape le pouvoir d’achat, et parce que les autorités locales économisent sur les services et sur le personnel. Malgré des taux très bas, les entreprises américaines continuent à simplement stocker leur argent, pour un montant de 1,84 milliards de dollars, et préfèrent racheter leurs propres actions plutôt que d’investir.
21. L’absence de résultat sape la crédibilité du gouvernement. Cela renforce la confiance des opposants, qui avaient pourtant pris un fameux coup avec la disparition de Bush. Cela a fait changer de camp ceux qui hésitaient. Au sein de la FED, Bernanke doit de plus en plus compter avec l’opposition, mais il ne doit pas se présenter à des élections. Obama et ses Démocrates n’ont pas ce luxe. Au niveau des Etats et au niveau plus local, des économies copieuses sont déjà bien avancées, même là où des Démocrates sont au pouvoir. Le mouvement Tea Party a sauté sur le mécontentement pour se présenter en tant que défenseur de l’Américain travailleur. Pour les Républicains, ces radicaux de droite étaient des partenaires bienvenus qui les ont aidés à obtenir la majorité à la Chambre basse en 2010.
Le fouet de la contre-révolution
22. Mais ce soutien pourrait bien s’avérer être un cadeau empoisonné. Le rôle des partisans du Tea Party dans l’attaque brutale contre les conditions de travail et les droits des travailleurs, entre autres au Wisconsin, a provoqué une réaction de masse. Pour les jeunes et les travailleurs, cela a été un moment décisif. Cela, en plus de son empressement à laisser les États-Unis faire défaut sur leurs paiements (pendant le débat sur le plafond légal de la dette), a endommagé le soutien populaire du Tea Party. Cela pourrait être décisif pour les élections présidentielles de 2012. Trouver un équilibre entre l’establishment des Républicains et les activistes qui exigent un plus grand rôle avec le Tea Party, devient de plus en plus difficile. Un Républicain modéré a officiellement une plus grande chance de récupérer des votes démocrates. Mais c’est surtout les dangers liés au fouet de la contre-révolution, qui font que l’establishment se réunit catégoriquement derrière la candidature de Mitt Romney. Il n’est pas exclu que ce “Grand Old Party” se dirige vers une scission après les élections présidentielles, et que le système des deux partis ne se rompe en premier lieu sur son flanc droit.
23. Cela ne signifie pas pour autant qu’Obama a déjà gagné. Pour relever le plafond de la dette, on prévoit des économies pour 2.500 milliards $ au cours des dix prochaines années. Pas un mot sur plus d’impôts pour les riches. Le nombre de pauvres a augmenté l’an passé jusqu’à 46,2 millions, le nombre le plus élevé en 52 ans. 15% des Américains sont pauvres, le plus haut chiffre depuis ’93 : 10% des Blancs, 12% des Asiatiques, 26% des Hispaniques et 27% des Noirs. 50 millions d’Américains sont non-assurés, 48 millions des personnes entre 18 et 64 ans sont sans travail. Le revenu médian des ménages est retombé à son niveau de 1996. Le revenu médian personnel d’un travailleur adulte masculin, rapporté en dollars de 2010, était l’an passé inférieur à celui de 1973. Entre 1980 et 2009, le revenu des 20% les plus riches s’est accru de 55%, celui des 20% les plus pauvres a baissé de 4%. En 2007, 23,7% du revenu national allait aux 1% les plus riches, soit la même proportion que ce qui avait été atteint en 1929, juste avant la Grande Dépression.
24. À chaque fois que l’on espère que l’économie a été sauvée et que l’on pense alors à débrancher la mise sous perfusion par la FED, apparait l’une ou l’autre statistique qui envoie tout valser. En août, pas un seul job n’a été créé. Les chiffres parus en juillet ont dû être fortement revus à la baisse. Immédiatement est réapparue l’angoisse que l’économie allait droit vers une nouvelle récession. Obama a lancé un nouveau plan d’emploi pour 447 milliards $, dont 240 milliards pour la réduction de moitié des impôts sur salaire, une mesure essentiellement destinée à soutenir les PME. De l’argent a été libéré pour des investissements dans des autoroutes, des chemins de fer et des écoles, et des moyens ont également été prévus pour tempérer le nombre de licenciements d’enseignants dans les écoles d’État. Pour réduire le chômage officiel de 9,1% à 5% en 5 ans, il faudrait cependant créer tous les mois 300.000 nouveaux emplois. Depuis le début de 2010, cela n’a été que 100.000 en moyenne, mais cela aussi s’est fortement réduit ces derniers temps.
25. Ce plan ne suffira pas à remettre sur pied l’économie américaine pour une croissance durable. Il n’est qu’une répétition du plan précédent, en mode mineur. Avec de la chance, cela pourrait de nouveau tirer la croissance de l’emploi, jusqu’à la fin de ce plan. Le problème fondamental n’est toutefois pas un manque de moyens pour investir. Les entreprises ont tous les moyens qu’il leur faut. Elles ne croient cependant pas que l’investissement dans la production pourra rapporter suffisamment. Bon nombre d’entreprises reçoivent aujourd’hui bien plus de profits de par leurs transactions financières que de leur production. De plus, il n’est plus garanti qu’il existe encore un marché pour pouvoir absorber la production. Avec le développement actuel de la science et de la technique, les innovations nécessitent des années de recherche pour un rendement qui doit être réalisé dans un délai de plus en plus court. À peine un produit est-il développé qu’avec les possibilités actuelles il suffit tout au plus de quelques années pour saturer le marché mondial.
26. Entretemps, l’État américain accumule les dettes. Tôt ou tard, il faudra bien les payer. Jusqu’à récemment, on considérait que cela était une donnée sûre. L’impasse dans le débat autour du plafond de la dette a cependant semé le doute. Qui aurait pensé que les politiciens aller amener les États-Unis au bord d’un défaut de paiement afin d’obtenir gain de cause dans la discussion budgétaire ? L’agence de notation Standard & Poors a décidé pour la première fois dans l’Histoire de baisser la garantie sur crédit de l’État américain. Elle a pris cette décision au lendemain d’un rapport avec une faute de calcul de pas moins de 2.000 milliards $. En plus, les marchés s’en foutaient de cette notation. La demande en bons du Trésor américain n’a pas descendu, de sorte que les États-Unis peuvent prêter au même taux que l’Allemagne. Cela ne va encourager la FED à faire de la lutte contre l’inflation une priorité. Au contraire, un peu d’inflation serait plus que bienvenu afin d’éponger la montagne de dettes. Le seul problème à cela est la difficulté de doser l’inflation.
Zone euro : priorité à l’austérité
27. La visite du ministre des finances américain Timothy Geithner au sommet européen de Wrocław n’a pas été extrêmement bien reçue. Geithner était là pour avertir l’Europe. Il aura remis en mémoire le glissement incontrôlable de Lehman Brothers jusqu’à la faillite, pour convaincre l’UE d’abandonner les spéculations sur la banqueroute de l’État grec. Il y a aussi plaidé en faveur d’un large élargissement du fonds de stabilité européen, qu’il fallait selon lui quadrupler. Les dirigeants des États-Unis craignent une nouvelle crise de l’économie mondiale, cette fois avec d’encore plus grandes conséquences que pendant la Grande Récession, déjà aussi parce que les Banques centrales et les États au cours de la précédente récession ont déjà épuisé toutes leurs munitions. Il y a apparemment plaidé en faveur d’une injection ferme et résolue de moyens afin de tuer dans l’oeuf la crise de la dette.
28. Pour l’Europe, cela est cependant encore plus difficile que l’assainissement du budget aux États-Unis ou que la rehausse de la consommation des particuliers en Chine. Les politiciens européens sont également partagés quant à la manière de combattre la crise au mieux. Aux États-Unis domine pour le moment la tendance qui veut mettre la priorité sur la croissance plutôt que sur l’austérité. Mais il ne faut pas s’étonner que les rapports de force en Europe soient tout à fait opposés. La tendance qui veut donner la priorité à l’austérité “afin de soutenir la croissance de manière structurelle” y est dominante. Ce n’est guère surprenant. La zone euro est une union monétaire, mais pas une union fiscale ni politique. Elle consiste en 17 pays qui ont tous leur propre bourgeoisie, leur propre gouvernement et leurs propres intérêts. À qui rapporte le fait que la priorité soit mise sur la croissance ? Aux récipiendaires directs. Et à qui est-ce que ça rapporte qu’on ait des économies d’abord, avant les dépenses ? Les payeurs nets. Ces derniers sont les pays les plus forts, qui sont dominants dans la détermination de la politique de la zone euro et de la BCE.
29. Le PSL et le CIO ont toujours été d’avis que l’unification européenne n’est pas possible sur une base capitaliste. Nous sommes également depuis longtemps convaincus du fait qu’une récession économique mettrait une croix sur le projet d’une monnaie unique européenne, même avant que l’euro n’arrive en existence. Les unions monétaires ne sont pas quelque chose de nouveau. Les pays insulaires autour de l’Australie utilisent le dollar australien et il existe encore quelques anciennes unions monétaires coloniales, telles que le franc CFA. D’autres unions monétaires ont existé par le passé sur une base volontaire entre des États plus ou moins comparables. L’Union monétaire scandinave par exemple, qui a duré de 1873 à 1914. Ou l’Union latine, à partir de 1865 entre la Belgique, la France, la Suisse et l’Italie, qui a ensuite été rejointe par l’Espagne et la Grèce, et enfin par la Roumanie, la Bulgarie, la Serbie, Saint-Marin et le Venezuela (entre autres). Cette union a tenu jusqu’en 1914, bien qu’elle n’ait été officiellement dissoute qu’en 1927. Nous pensions cependant que la conjoncture économique, cette fois, exclurait complètement l’idée d’une nouvelle union monétaire. Nous nous sommes trompés. Nous restons néanmoins convaincus que la crise va à un moment donné faire éclater la zone euro, mais pas au point d’avant l’introduction de l’euro.
30. Les bourgeoisies nationales d’Europe n’ont jamais eu l’intention, ni avec l’Union européenne, ni avec la zone euro, d’unifier les peuples d’Europe par la paix. Cela n’a jamais été que de la rhétorique, derrière laquelle était caché la signification réelle, c’est-à-dire la création de leviers pour la maximalisation du profit et de la casse sociale. C’est évident, la réalité de la division du travail croissante et le besoin de devenir plus fort dans la concurrence avec d’autres blocs commerciaux aura joué, mais jamais jusqu’au point où cela irait au prix des intérêts nationaux particuliers. Le traité de Nice et plus encore celui de Lisbonne ont en tant que but de faire de l’Europe la région la plus compétitive au monde. C’était sans doute l’intention de laisser converger petit à petit les économies nationales, même si les normes de Maastricht et le pacte de stabilité qui ont été institués à cette fin ont été abusivement utilisés par les politiciens nationaux pour rejeter sur eux la responsabilité de la politique nationale. La plupart des pays n’ont jamais atteint les conditions requises par les normes de Maastricht, encore moins du pacte de stabilité, et la Belgique non plus.
31. Jusqu’à avant la crise de la dette, les économistes étaient convaincus que la convergence était un fait. Ils voyaient les caractères communs superficiels, mais pas les contradictions croissantes sous la surface. Ils voyaient surtout ce qu’ils voulaient voir. En 2006, Marc De Vos, de l’agence Itinera, écrivait dans une carte blanche dans De Tijd : « L’Irlande nous apprend qu’une relative inégalité de revenu est le prix à payer pour une expansion économique rapide, dont néanmoins tout le monde, y compris les pauvres en termes absolus, s’enrichit ». De Vos ne raconterai plus aujourd’hui de telles sornettes de la même manière, mais en ce temps-là, il était complètement aveuglé par l’expansion économique. Dans notre réponse dans les textes de notre Congrès de 2006, nous indiquions déjà une contradiction que lui-même n’allait découvrir que quelques années plus tard : « … le symptôme spécifique par lequel l’Irlande depuis des années a connu un taux d’intérêt réel négatif. Le taux d’intérêt est il est vrai défini par la Banque centrale européenne et se trouve depuis des années sous les chiffres de l’inflation irlandaise. Le crédit extrêmement bon marché est indirectement financé par un grand afflux de capital étranger ». À cela, nous ajoutions : « Une profonde récession sur le plan mondial fera cependant éclater l’économie artificiellement gonflée de l’Irlande (du Sud) ».
32. Aujourd’hui, tout le monde reconnait que les contradictions n’ont pas diminué, mais plutôt augmenté. Avec la politique du bas taux d’intérêt qu’ont exigé de la BCE les pays à la plus forte économie, d’énormes bulles immobilières et paradis fiscaux ont été créés dans la périphérie, ce qui ailleurs a été utilisé pour casser les acquis sociaux et mettre sur pied des secteurs à bas salaires. Le fait que cette bulle se viderait à un moment donné, cela fait des années que les socialistes le prédisent. Les spreads, la différence de coûts que doivent payer les Etats nationaux pour pouvoir emprunter, n’ont jamais été aussi grands. Dans Le Soir, le professeur d’économie Paul De Grauwe (KUL) expliquait qu’il s’était trompé. Au sujet d’un pays qui adhérait à une union monétaire, il dit : « Nous avions toujours pensé que ce pays devenait plus fort, mais non ! » L’Espagne a un plus petit déficit budgétaire et une plus petite dette que le Royaume-Uni, mais ce dernier peut financer sa dette à 2,52% sur dix ans, tandis que l’Espagne doit le faire pour deux fois ce prix. Cela vient, selon De Grauwe, du faite que la Banque centrale britannique peut si besoin est imprimer de l’argent elle-même afin de satisfaire à ses obligations, mais l’Espagne dépend pour cela de la BCE.
Tragédie grecque
33. Les pays en-dehors de la zone euro peuvent stimuler l’exportation par la dévaluation de leur propre monnaie. Qui se trouve dans la zone euro est condamné à la “dévaluation interne”, un terme à la mode pour dire “casse sociale”. Il n’y a entre temps plus un seul pays de la zone euro qui n’est pas en train d’assainir. Les uns parce qu’ils ont dû faire appel à l’aide de la “troïka” de la Commission européenne, de la BCE et du FMI, les autres pour pouvoir éviter d’avoir à faire un tel appel. Les plans d’austérité dure doivent diminuer les déficits budgétaires et améliorer la compétitivité, mais ça ne marche pas. Ils sapent au contraire le pouvoir d’achat par la baisse des salaires, les attaques sur toutes les allocations sociales, la hausse du chômage et dans la plupart des pays une hausse des impôts directs sur les biens de consommation. Cela touche à son tour la petite bourgeoisie, les entreprises de distribution et les entreprises qui sont orientées vers le marché interne de chaque pays. Les véritables investisseurs sont découragés d’investir, les spéculateurs qui espèrent des rachats d’entreprises (d’État) sont encouragés. Avec la vente urgente des entreprises d’État, on perd des revenus annuels fixes en échange d’une cacahouète. Les revenus des impôts se ratatinent, et les dépenses sociales augmentent, car de plus en plus de gens y font appel.
34. Les pays qui sont mis sous curatelle de la troïka partent directement dans une spirale de croissance négative. Dans le deuxième trimestre de 2011, l’économe grecque s’est contractée de 6,9% par rapport à l’année précédente. Le déficit budgétaire va apparaitre de 8,5% au-dessus de l’objectif de la troïka. À quoi d’autre peut-on s’attendre ? Le revenu moyen des ménages a été diminué de moitié l’an passé. Le pays menace à tout moment de faillite. Lorsque la Grèce a reçu le premier paquet de sauvetage de 110 milliards d’euro qui lui avait été promis, c’était afin d’éviter le défaut de payement sur le prêt d’État de 8 milliards d’euro devant être payé le 19 mai 2010. C’était le plus grand paquet jamais vu. Entretemps, le taux d’intérêt auquel cet emprunt a été mis à disposition de la Grèce a été diminué, et le délai de payement a été doublé. Néanmoins la Grèce a dû être soutenue une bonne année plus tard avec la promesse d’un nouveau paquet.
35. Cette fois, il s’agit de 109 milliards d’euros. À compléter avec une contribution théorique du secteur financier via un échange d’obligations volontaire par lequel les détenteurs d’obligations grecques devraient accepter une “tonte” de 21%, d’une valeur totale de 37 milliards d’euro. Pour les banques, c’est une bonne affaire, mais pour l’État grec, cela ne va pas énormément arranges son problème de dette. Ses obligations sont il est vrai déjà maintenant échangées sur le marché secondaire à moins de 50% de leur valeur nominale. Et même avant que ce nouveau plan soit accepté par les parlements nationaux des pays de la zone euro, la Grèce est cependant de nouveau au bord du défaut de paiement. Les analystes supposent que la question n’est plus de savoir si la Grèce va vers la faillite, mais de savoir à partir de quand elle le sera.
36. Lorsque cela se produira, les conséquences en seront catastrophiques. L’État ne pourra plus prêter ses prêts et allocations, ou alors de manière extrêmement réduite. Les factures ne seront plus payées, ou alors pas avant de longs délais. Par le non-paiement (complet ou partiel) des dettes, le pays se verra dépourvu de liquidités. Le secteur financier entrera en faillite, tout comme de nombreuses entreprises. Les pensions, aussi bien celles des pensionnés actuels que celles des futurs pensionnés, seront fortement minées. Les investisseurs tenteront de quitter le pays. Les épargnants tenteront de récupérer leur argent. Il y aura un raid sur les banques. Des troubles sociaux, mais certainement aussi des pillages seront à l’ordre du jour. Lorsque l’Argentine a fait faillite en 2001, des dizaines de gens sont morts dans des émeutes, l’état d’urgence a été instauré et la situation n’a finalement pu se stabiliser qu’après que la monnaie soit tombée à 25% sous sa valeur.
37. Pour quelques économistes, c’est là le seul scénario possible, et il vaut peut-être mieux le commencer tout de suite parce que le cout social et économique n’en sera autrement que plus grand. Nouriel Roubini plaide en faveur d’une faillite et d’un départ de la zone euro, dans l’espoir qu’une forte dévaluation rétablisse la compétitivité à terme. Remonter le temps n’est cependant pas sans un certain cout. Quitter la zone euro est différent que de ne jamais y avoir adhéré. Qui va financer les dettes si la Grèce introduit sa propre monnaie ? Maintenant elles s’élèvent déjà à 142% du PIB. Ces dettes sont surtout en euro. Si la drachme est réintroduite, et qu’on a comme on s’y attend une dévaluation de 60% par rapport à l’euro, la dette sera soudainement équivalente à 230% du PIB. Il faudra alors des mesures encore plus drastiques afin d’éviter un raid sur les banques et imposer des contrôles de capital. Les entreprises avec des prêts dans le pays entreront en faillite. Les produits importés deviendront plus chers et le niveau de vie des familles sera encore plus réduit. Sur une base capitaliste, il n’y aura à ça non plus aucune réponse.
38. Certains plaident en faveur d’une reconversion des obligations nationales en obligations européennes, dans l’espoir de décourager les spéculateurs. L’idée est de répartir le risque en empaquetant ensemble les bonnes et les mauvaises obligations d’État, un peu comme ce qui avait été fait avec les hypothèques foireuses. On craint cependant le célèbre dégât moral, par lequel la pression en faveur d’une discipline budgétaire diminue et le nombre de mauvaises obligations d’État après un certain temps entraine avec elles les bonnes vers le bas. Au lieu de répartir en tant que tel le risque jusqu’à ce qu’il n’en reste plus, cela détériorerait au contraire les bons emprunts, comme on l’a vu en 2008 avec les subprimes. D’autres espèrent pouvoir limiter cela en transformant seulement 60% de ces dettes d’État en obligations européennes. Mais cela aussi ne résoudrait rien du tout, car les spéculateurs continueraient à spéculer en pourcentage au-dessus de 60%. Les pays les plus forts de la zone euro s’opposent à l’introduction d’obligations européennes. Pour reprendre les mots de Karel Lannoo dans Knack : les obligations européennes sont le point de conclusion d’une union fiscale et politique, pas le point de départ.
Payer ou se séparer
39. Paul de Grauwe, selon ses propres mots, dit ne rien comprendre. « Nous disposons des moyens », dit-il, « la BCE peut imprimer de l’argent autant qu’elle veut ». Cela ne causera pas d’inflation, ajoute-t-il. Mais les pays forts de la zone euro ne sont pas prêts à cela. À part le fait qu’ils abandonneraient également ainsi le contrôle sur la politique monétaire, joue à nouveau le fait que cela enlèverait la pression pour remettre de l’ordre dans les budgets. Le problème le plus important est cependant réellement le danger de l’inflation. Il est vrai que le simple fait d’imprimer de l’argent ne mènera pas immédiatement à une forte inflation. Après tout, l’inflation se produit du fait que la quantité d’argent en circulation grandit plus vite que la quantité de biens et de services disponibles. Cette quantité n’est pas seulement définie par la quantité d’argent dans la société, mais aussi par la rapidité avec laquelle cette quantité d’argent change de propriétaire. Quand l’argent est retenu par les épargnants, les investisseurs en actions comme au début de ce siècle lorsque a eu lieu le phénomène de l’inflation du prix des actifs, ou quand les entreprises qui l’entassent sans le dépenser, alors cet argent ne va pas vers l’économie réelle et n’a aucun ou quasi aucun effet sur l’inflation.
40. Une comparaison avec le mouvement actuel du prix du pétrole, et de manière plus large de toutes les denrées énergétiques, clarifie cependant ce que l’effet pourrait être d’une création large d’argent par la BCE. À chaque fois que la croissance économique stagne, le prix du pétrole diminue, par lequel il existe un espace pour respirer. Mais dès que l’économie repart à la hausse, le prix du pétrole remonte à nouveau, par lequel la croissance est entravée. Le même peut se produire avec une trop grande hausse de la quantité d’argent. À chaque fois que l’économie stagne, le danger de l’inflation laisse la place à un danger de déflation, mais aussitôt que l’économie repart et que l’argent recommence à rouler, une trop grande quantité d’argent peut mener à une explosion d’inflation. La Chine a maintenant déjà à se battre contre une inflation galopante. Les politiciens allemands gardent encore toujours un traumatisme dû au souvenir de l’hyperinflation pendant la république de Weimar. En outre, le souvenir plus réaliste de la stagflation des années ’70 est encore plus frais dans la conscience.
41. Le lecteur critique peut interjeter que la création d’argent aux États-Unis n’a tout de même pas mené à une inflation hors de contrôle. Nous avons déjà attiré l’attention sur le fait que les États-Unis, en opposition à la zone euro, sont un État-nation avec une bourgeoisie nationale qui non seulement dispose de sa propre monnaie, mais aussi d’une unité politique et fiscale. En outre, les réserves en dollars existent déjà et elles sont réparties à travers le monde entier. Une création d’argent comparable dans la zone euro est facilement une de trop, aussi pour la Chine ou d’autres pays avec d’importantes réserves de valeurs. En 2012, la zone euro doit refinancer 1700 milliards d’euro, dont un quart par la France, 23% par l’Italie, 19% par l’Allemagne et 20% par l’Espagne, la Grèce, l’Irlande et le Portugal tous ensemble. Selon la Deutsche Bank, la Chine pourrait investir pour un montant de 175 milliards d’euro dans des titres de dette européens, soit “une goutte d’eau sur une assiette chaude”.
42. Le 21 juin, il a été décidé d’élargir la disponibilité du fond de stabilité européen. La hausse espérée des moyens pour le fonds d’urgence est cependant demeurée lettre morte. Juste fin septembre, le parlement allemand a voté l’élargissement déjà décidé auparavant de sa contribution pour les garanties du fonds de stabilité européenne. Ainsi, le fonds dispose maintenant finalement des 440 milliards d’euro annoncés depuis janvier. Pour faire face à une faillite grecque, voire à une infection à d’autres pays européens, cela est largement insuffisant. La Chine et les États-Unis appellent à un élargissement du fonds à 2000 milliards d’euro. Cela illustre le fait qu’ils prennent au sérieux une faillite de la Grèce et ne croient pas en l’illusion que l’on peut placer la Grèce en quarantaine. Malgré la position “unique” de la Grèce, qui a déjà reçu pour 250 milliards d’euro, la crise de la dette des États s’est étendue à l’Irlande, qui a reçu un prêt d’urgence de 86 milliards d’euro, et au Portugal, avec un prêt de 78 milliards d’euro. L’Espagne qui a elle seule autant de dettes (637 mld €) que l’Irlande (148 mld €), la Grèce (328 mld €) et le Portugal (161 mld €) réunis, tente désespérément de rester à flot avec l’aide de la BCE. Si l’Italie, avec une dette (1842 mld €) trois fois plus grande que celle de l’Espagne, venait à glisser, alors même quadrupler le fonds d’urgence ne suffira plus. Comment vont-ils faire accepter cela aux 17 parlements de la zone euro ?
43. Il y a la menace d’une nouvelle crise bancaire. Les banques françaises sont pour plus de 600 milliards d’euro exposées aux PIIGS, les banques allemandes, britanniques et américaines pour chacun de ces pays, pour environ 500 milliards d’euro. La base du capital des banques européennes a été renforcée après la crise de 2008, mais pas de la manière dont cela a été fait aux États-Unis. La plupart n’avaient pas calculé qu’elles allaient devoir renoncer à leurs obligations d’État grecques. Si demain cependant aussi les obligations espagnoles et italiennes doivent être annulées, le fait que le fonds d’urgence puisse désormais être utilisé pour recapitaliser les banques aussi sera un maigre réconfort. Les bourgeoisies européennes se sont mises dans une situation à la “catch 22”. Abandonner l’euro serait une énorme saignée pour les entreprises qui sans nul doute présenteront la facture aux travailleurs et à leurs familles. Cela serait un énorme coup porté au prestige des bourgeoisies européennes et cela mettrait fin à la collaboration qui a eu lieu après la Deuxième Guerre mondiale. Cela saperait en outre la position à l’export des pays les plus forts de la zone euro. Mais le cout du maintien de la zone euro continue à augmenter, et la question est à partir de quand ce prix sera-t-il trop grand ?
44. En fait, il existe déjà depuis quelques mois un très grand consensus sur le fait que la politique de la dévaluation interne ne fonctionne pas, mais qu’il n’y a pas d’alternative. En conséquence, on continue contre tout meilleur jugement dans la même politique. La plus jeune réalisation a été le vote au Parlement européen du fameux “sixpack”. Officiellement, cela est la réponse à la crise économique, mais on abuse de cette occasion pour institutionnaliser la politique de l’orthodoxie néolibérale. Les États-membres doivent dorénavant présenter leur budget aux institutions européennes avant de pouvoir les faire valider par leurs parlements nationaux. On peut imposer des entraves budgétaires et des plafonds de dette sont infranchissables. Qui les enfreint peut être sanctionné. En même temps, on discute cependant d’un détour pour pouvoir élargir le fonds d’urgence. Comme si on n’avait pas déjà fait assez de dégâts avec toutes ces manipulations financières, on veut y placer un effet de levier. La BCE prêterait des sommes d’argent illimitées à quiconque veut acheter les obligations d’État des pays faibles de la zone euro, avec les 440 milliards d’euro du fonds d’urgence en tant que garantie. De cette manière, on peut garantir pour quatre ou cinq fois plus d’euro en obligations d’État, et on espère contrer la spéculation contre les obligations d’Italie ou d’Espagne.
45. On peut bien se demander à quoi ils sont occupés. En fait, ils continuent simplement à faire la même merde jusqu’à ce que la séparation inévitable et douloureuse ne se présente. C’est logique : sur base du capitalisme, il n’y a pas d’issue. Le problème fondamental est il est vrai que le marché capitaliste sous-utilise et contrecarre les capacités scientifiques et techniques. Nous devons libérer l’économie de la chasse au profit et la mettre au service de la société et de son cadre de vie et de travail, par la mise en propriété collective libre des secteurs-clés de l’économie et de la science, et par la planification démocratique. Le gouvernement qui fait cela, se ferait vraisemblablement jeter de la zone euro à coups de pieds au cul. Ce ne serait pas une autarcie délibérément choisie. Les jeunes et les travailleurs partout en Europe comprendraient bien vite que la bourgeoisie tente par là de les isoler de la seule alternative possible. Cela aurait l’effet exactement opposé.
-
Les révoltes mondiales contre ce système sans perspective suscitent la recherche d’une alternative (2)
Révolution et contre-révolution
46. Cela exige une habile dose de dialectique afin de commencer à comprendre cette crise. Les vieilles certitudes sont dépassées par les contradictions que se sont accumulées sous la surface depuis des années. Des contradictions apparentes ne sont, d’un autre côté, que leurs propres compléments dialectiques. Ce qui hier fonctionnait encore bien, est aujourd’hui totalement bloqué. Les impasses et les changements de rythme vertigineux des processus graduels, leur revirement soudain et brusques transformations, caractérisent la situation. Nous nous trouvons dans une période de révolution et de contre-révolution, dans laquelle l’être humain se débarrasse de sa vieille enveloppe qui ne suffit plus aux besoins, dans ce cas le capitalisme. Des siècles auparavant, les révolutions prenaient la forme de déménagements massifs de population et par la suite, de guerres religieuses. Malgré les passions religieuses avec lesquelles elles étaient couplées, à ce moment-là aussi les conditions matérielles étaient la force motrice derrière ces processus. Que ce soit maintenant au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, ou bien en Chine, aux États-Unis, au Chili ou en Europe méridionale, les mouvements qui se sont déroulés cette année et sont toujours en cours, sont un dérivé direct de la Grande Récession.
47. De puissants groupes médiatiques, une oppression dictatoriale brutale et la mesquinerie religieuse ne pouvaient pas empêcher le fait que les conditions matérielles ont finalement poussé les masses à surgir sur la scène politique. Cela s’est produit contre toute attente de la part des dirigeants locaux et de leur large appareil policier, de l’impérialisme et aussi des militants locaux. Mohammad Bouazizi n’était certainement pas le premier jeune chômeur en Tunisie à s’être immolé en guise de protestation contre le manque de perspectives. Sa mort a été la goutte qui a fait déborder le vase. En fait, quelque chose couvait déjà sous la surface depuis le grand mouvement de grève dans les mines de Gafsa en 2008. À ce moment là, Ben Ali était encore parvenu à isoler et étouffer le mouvement. Cela avait aussi à voir avec les bonnes relations que les dirigeants de la fédération syndicale UGTT entretenaient depuis des années avec la dictature. Le RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique, le parti de Ben Ali) n’a été que le 17 janvier expulsé de l’“Internationale socialiste”, trois jours après la démission de Ben Ali.
48. Les 500 000 syndicalistes ne sont cependant pas restés insensibles avant l’explosion sociale qui s’est répandue à partir du 17 décembre à vitesse grand V de Sidi Bouzid à tout le reste du pays. Malgré le fait que la direction nationale ait menacé de poursuite judiciaire, les sections locales et régionales ont pris part aux protestations et ont souvent offert un cadre organisateur. En une semaine, les dissidents avaient gagné toutes les sections. Les protestations se faisaient de plus en plus bruyantes. Le régime a réagi avec une répression brutale, mais le mouvement avait surmonté sa peur. Cela a causé la division au sein de la clique dirigeante. Au final, même l’armée a dû être retirée de Tunis de sorte qu’elle ne soit pas contaminée. Les troupes de sécurité ont tenté de créer le chaos afin de discréditer le mouvement et de le diviser. Dans les quartiers, des comités de sécurité ont été établis en réponse à cela, et ensuite des comités pour le démantèlement du RCD, des comités pour le ravitaillement, etc. Les dirigeants d’entreprise se voyaient refuser l’accès à leur entreprise en raison de leurs liens avec le régime de Ben Ali.
La révolution enfle
49. Les marxistes décrivent une telle situation comme une situation de “double pouvoir”. Pour la bourgeoisie et l’impérialisme, il fallait supprimer le pouvoir de la rue et à nouveau canaliser le pouvoir vers ses institutions fiables. Pour le mouvement en Tunisie et pour le mouvement ouvrier international, il s’agit de ne plus laisser ce pouvoir s’échapper. De cela découle notre appel à élargir les comités, à les structurer de manière démocratique, et à les réunir sur les plans local, régional et national afin de poser la base pour une nouvelle société, avec une nouvelle constitution révolutionnaire. Un petit parti révolutionnaire de quelques dizaines de militants aurait pu changer le cours de l’Histoire avec un tel programme. Cela n’était hélas pas le cas. Les partis et groupes de gauche qui y étaient bien présents, ont choisi soit un soutien critique au gouvernement temporaire, soit d’orienter le mouvement vers les urnes et d’attribuer la question de la constitution à un comité pluraliste de “spécialistes”.
50. Leur argument a été le classique « D’abord la démocratie, et puis on verra après pour le socialisme ». Il y a toujours bien une raison : pour ne pas défier l’impérialisme, pour conserver l’unité des démocrates, ou parce que les masses n’étaient pas prêtes. Cela reflète un manque de confiance dans le mouvement ouvrier et dans la capacité des masses. Ils ont laissé passer le moment. Les comités ont néanmoins été rapidement imités en Égypte et d’ailleurs aussi en Libye. En Égypte, est arrivée la construction de camps de tentes permanents qui fonctionnaient comme quartier général de la révolution. Cela a été un exercice en autogestion avec leurs propres équipes média, équipes communication, service d’ordre et même à un moment donné une prison improvisée. Ici il n’y avait aucune trace de la bestialité de la clique dirigeante. Ici il semblait clair que les soi-disant groupes de lynchage étaient l’oeuvre d’agents provocateurs du régime. Les coptes et musulmans égyptiens y travaillaient de manière fraternelle les uns avec les autres et se protégeaient les uns les autres pendant les services religieux. Ce n’est que par après que le vieux régime, via l’armée, a pu reprendre un peu plus de contrôle, que les tensions religieuses se sont à nouveau enflammées.
51. C’était une caractéristique frappante du mouvement qu’il ait pu transcender les contradictions nationales, religieuses, tribales et ethniques avec un énorme sentiment de respect et de liberté. Ce sentiment pour le respect s’est également exprimé dans le rôle proéminent des femmes. Il y avait évidemment divers degrés, mais ce phénomène s’est produit dans toutes les révolutions, que ce soit en Tunisie, en Égypte mais aussi au Bahreïn, au Yémen, en Syrie et dans d’autres pays de la région. Dans chaque révolution, il y a des moments où les masses partent en confrontation directe avec l’élite dirigeante. La plupart prennent la forme d’une marche sur le parlement, le palais présidentiel, le ministère de la Défense, et autres institutions qui symbolisent le pouvoir dirigeant. Cela s’est passé à Tunis, au Caire, à Sana’a (Yémen), et à Manamah (Bahreïn). C’était ici que le manque d’un programme c’est exprimé de la manière la plus criante. Une fois arrivés sur place, les manifestants ne savaient en effet plus par quoi d’autre commencer. Ils restaient à trépigner sur place, puis finissaient par rentrer chez eux.
52. Trépigner sur place, ce terme a parfois été pris de manière très littérale. L’occupation de la place Tahrir, de la place Parel (à Manamah), et de tant d’autres places symbolise ceci. On sentait par intuition qu’on ne pouvait pas simplement rester là. Les travailleurs occupaient leurs entreprises, les communautés avaient pris le contrôle de leur quartier, mais le moment de la prise du pouvoir, ils l’ont laissé filer. On a estimé la contribution des travailleurs sans doute importante, tout comme celle des mosquées ou des bloggers, mais la révolution, celle-ci appartenait au “peuple”. Le caractère de classe de la société n’avait pas assez pénétré. On s’est battu contre le chômage et la pauvreté, pour de meilleures conditions sociales, pour la liberté et pour la démocratie, mais on n’a pas encore compris que c’est contre l’organisation capitaliste de la société qu’il faut lutter si on veut tout cela. On a vu les travailleurs comme une partie de la population, pas encore comme avant-garde d’une nouvelle organisation de la société sur base de la propriété collective. Les travailleurs eux-mêmes ne se voyaient pas comme ça, parce qu’il n’y avait aucune organisation ouvrière, aucun syndicat et encore moins de partis qui puissent ou qui veuillent donner une expression à cela en termes de programme et d’organisation.
53. Dans une telle situation, le vieux pouvoir, après avoir fourni les quelques sacrifices symboliques exigés, rétablit petit à petit son emprise. Les masses ont cependant développé une énorme énergie, ont surmonté leur peur, et sont devenues conscientes de leur propre force. En outre, les conditions matérielles vont continuer à les encourager à chaque fois à rentrer en action de nouveau. Une chance énorme a été perdue, mais la lutte n’est pas terminée. La prise du pouvoir n’est plus en ce moment en tête de liste à l’ordre du jour, mais la construction de syndicats, de partis ouvriers et surtout aussi de noyaux révolutionnaires, n’est pas seulement nécessaire, mais sera beaucoup mieux compris par la couche la plus consciente. De plus, une couche de militants va observer de manière beaucoup plus attentive les nuances qu’elle avait encore considérées comme peu importantes pour le mouvement.
L’impérialisme reprend pied dans le pays
54. L’impérialisme était encore en train de mener une guerre d’arrière-garde avec les partisans d’Al-Qaeda, lorsque les masses ont jeté par-dessus bord ses pantins dans la région et ont ainsi réalisé en quelques semaines ce qu’al-Qaeda n’a jamais pu faire. Il a perdu tout contrôle. Les masses dans la région étaient d’ailleurs très conscientes du fait que Moubarak, Ben Ali et autres dictateurs étaient maintenus en place par l’impérialisme. Il a fallu la brutalité du régime de Kadhafi en Libye pour que l’impérialisme puisse à nouveau prétendre jouer un rôle dans la région. Au début, les jeunes de Benghazi, qui avaient commencé la révolution, avaient laissé savoir à la presse internationale qu’ils ne souhaitaient aucune ingérence de la part de l’impérialisme. Bientôt apparaissaient cependant les drapeaux royalistes et des chefs rebelles autoproclamés, ex-laquais de Kadhafi, partaient rendre visite à l’Élysée.
55. Kadhafi a sauté sur l’occasion pour semer le doute quant aux objectifs des rebelles. Cela lui a donné la possibilité d’infléchir le conflit social et politique en un conflit militaire, avec sa propre armée armée jusqu’aux dents. À l’est du pays, cela a fait croitre l’appel à un soutien militaire d’Occident, et les ex-laquais de Kadhafi ont vu leur chance pour pouvoir arracher l’initiative hors des mains de la jeunesse révolutionnaire. Cela a duré plus longtemps et couté plus cher que l’impérialisme avait prévu au départ. Il est loin d’être sûr qu’ils parviendront à stabiliser la situation. La Libye pourrait bien devenir le seul pays de la région dans lequel le fondamentalisme islamiste parvienne à accéder au pouvoir. Il y aura bien des courants qui ainsi justifieront leur soutien à Kadhafi. Ils affirmeront que l’entrée triomphale du “libérateur” Sarkozy, est une mise en scène. C’est d’ailleurs bien possible. Ils s’apercevraient cependant mieux que Sarkozy et l’impérialisme n’auraient pas pu prendre l’initiative sans la brutalité de Kadhafi.
56. Le président syrien, Assad, a suivi dans les traces de Kadhafi. L’impérialisme ne va pas y intervenir aussi rapidement, à cause du danger de déstabiliser la région. Il est cependant certainement à la recherche d’une alternative à Assad, sans doute en préparation du résultat d’une probable guerre civile. Ici aussi un soutien, même critique, au régime brutal d’Assad, en guise de ce qui voudrait passer pour une rhétorique anti-impérialiste, serait une faute capitale pour la gauche et ne ferait que pousser les masses dans les bras de l’impérialisme. La manière dont l’impérialisme en revanche est déjà ouvertement en train de se partager le butin en Libye, même avant que Kadhafi ne soit renversé, illustre à nouveau le fait que le mouvement ouvrier international ne peut jamais donner la moindre confiance en l’impérialisme, et donc pas non plus ni à l’OTAN, ni à l’ONU, pour défendre ses propres intérêts. Dans nos textes, nous faisions allusion aux troupes révolutionnaires de Durruti en 1936, pendant la Révolution espagnole, afin d’illustrer ce qui aurait pu être entrepris dans une telle situation.
Révolution permanente
57. On ne peut pas être socialiste, si on n’est pas en même temps internationaliste. Les mouvements sociaux ont toujours eu une tendance à passer outre les frontières nationales. Le processus de mondialisation et les nouveaux médias ajoutent une dimension supplémentaire à cela. En Chine, le régime a pris des mesures pour étouffer dans l’oeuf toute contagion par le mouvement au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Au Chili aussi, mais avec beaucoup moins de succès. Même les travailleurs et jeunes américains grèvent désormais “like an Egyptian”, entre autres au Wisconsin. Ils construisent des campements en plein dans l’antre du lion, à Wall street, et n’ont plus peur de la répression. Les syndicats sont de plus en plus impliqués. Même les travailleurs et jeunes israéliens ont donné une claque à tous ceux qui pensaient que dans ce pays vivait une grande masse réactionnaire sioniste. Cela confirme notre thèse selon laquelle le fossé entre la bourgeoise sioniste et les travailleurs et jeunes israéliens s’approfondit. Pour les masses palestiniennes, voilà leur allié le plus important.
58. Le centre du mouvement est clairement passé de l’Amérique latine au Moyen-Orient, à l’Afrique du Nord et surtout à l’Europe. L’Amérique latine a déjà servi dans les années ’80 de laboratoire pour le néolibéralisme. Cela y a mené à des mouvements de masse. Dans toute une série de pays, comme au Venezuela, en Bolivie, et en Équateur, sont arrivés au pouvoir des régimes dont les agissements n’ont pas été du gout de l’impérialisme. Ils se sont en général basés sur un populisme de gauche, ont pris tout une série de mesures sociales importantes, et malgré le fait qu’aucun d’entre eux n’ait complètement rompu avec le capitalisme, ils ont été une source d’inspiration pour de nombreux travailleurs partout dans le monde.
Révolte en Europe
59. Les recettes que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international gardaient pour le “tiers monde”, ont été après la crise de 2008 appliquées pour la première fois dans un État-membre de l’UE, d’abord dans les nouveaux, puis dans les plus anciens. Comme cela était encore requis, cela a été le test ultime de la loyauté de la social-démocratie envers la politique néolibérale. Elle a réussit avec la plus grande distinction. La réaction du mouvement ouvrier ne s’est pas fait attendre. Il y a eu des manifestations et des grèves massives en protestation contre l’austérité illimitée dans presque chaque pays de l’Union européenne. Ce n’est pas la combativité qui manque. La stratégie des dirigeants syndicaux a cependant en général été un plaidoyer en faveur d’une austérité moins dure, d’une répartition plus équitable des pertes et d’une austérité qui n’entrave pas la croissance. Toute action a été aussi freinée et sabotée que possible. Malgré le fait que l’austérité touche tous les secteurs, les mouvements spontanés ont été isolés autant que possible. Aucune perspective n’a été offerte quant à une possibilité de victoire. C’est comme si on fait grève et manifeste, seulement pour confirmer que l’on n’est pas d’accord avec la politique d’austérité mise en oeuvre, mais sans mot d’ordre clair, sans parler d’une alternative.
60. Ici et là les directions syndicales ont été obligées d’appeler à des grèves générales. Mais ce surtout des grèves appelées en vitesse et d’en haut qui, malgré la participation massive, sont peu ou pas du tout préparées, et qui ne sont pas orientées vers la construction d’un véritable rapport de force. En général ils servent tout au plus à laisser échapper de la vapeur. Dans ces mobilisations, les travailleurs sentent leur force potentielle, mais réalisent qu’il n’y a aucune stratégie derrière elles afin d’assurer une victoire. En Grèce, nous sommes entretemps à la 12ème journée de grève générale, mais le gouvernement n’a pas été ébranlé d’un millimètre. Cela mène à la frustration envers les dirigeants, qui sont désormais déjà aussi fortement haïs par leur base que les politiciens qui appliquent l’austérité. Certaines centrales qui adoptent une attitude plus combative, telle que la FIOM (Federazione Impiegati Operai Metallurgici – Fédération des ouvriers salariés métallurgistes), la centrale des métallos en Italie, membre de la CGIL (Confederazione Generale Italiana del Lavoro), ou bien quelques syndicats britanniques dans les services publics comme le PCS et le RMT (le Public and Commercial Services union et le National Union of Rail, Maritime and Transport Workers), peuvent cependant compter sur une approbation enthousiaste. Aux Pays-Bas, il n’est pas exclu que l’on voie une scission entre la FNV (Federatie Nederlandse Vakbeweging – Confédération syndicale néerlandaise) et ses deux plus grandes centrales, la FNVbondgenoten (centrale de l’industrie) et la Abvakabo (Algemene Bond van Ambtenaren / Katholieke Bond van Overheidspersoneel – Centrale générale des fonctionnaires / Centrale chrétienne du personnel étatique) sur base de la question des pensions. Nous pouvons nous attendre à ce que la lutte de classe dans la période à venir se répande également au sein des structures syndicales, avec l’expulsion des militants combatifs, mais aussi le remplacement des vieux dirigeants usés par de nouveaux représentants plus combatifs.
61. Les attaques sont cependant si dures et si généralisées que de nombreux jeunes et aussi de nombreux travailleurs ne peuvent ou ne veulent pas attendre que les choses soient réglées à l’intérieur des syndicats. Certains ne croient tout simplement plus en le fait que les syndicats puissent encore un jour devenir un instrument de lutte, encore moins pour pouvoir obtenir un véritable changement. Il faut dire que les dirigeants ne font pas le moindre effort pour réfuter cette impression. On dirait bien qu’ils sont heureux d’être libérés de ce fardeau. Toute une série de jeunes et de travailleurs se reconnaissent dans le mouvement de la place Tahrir. Ils croient que les syndicats et les partis sont des instruments du siècle passé, qui par définition mènent à la bureaucratie, aux abus et à la corruption, et que maintenant une nouvelle période est arrivée, celle des réseaux et des nouveaux médias. Il faut bien dire que ces réseaux peuvent être exceptionnellement utiles aux syndicalistes aussi, afin de pouvoir briser la structure verticale bureaucratique au sein de leurs syndicats.
62. Les nouvelles formations de gauches sont encore moins parvenues à apporter une réponse. Elles devraient se profiler en tant que partis de lutte qui formulent des propositions afin d’unifier tous les foyers de résistance et de contribuer à l’élaboration d’une stratégie qui puisse mener à une victoire. Au lieu de cela, ces nouvelles formations, dans le meilleur des cas, se contentent de courir derrière le mouvement. Elles voient la lutte sociale non pas comme un moyen de mobiliser de larges couches pour une alternative à la politique d’austérité, mais espèrent uniquement obtenir de bons scores électoraux sur base du mécontentement. C’est une grave erreur de calcul. Elles se profilent en tant qu’aile gauche de l’establishment politique, comme le Bloco de Esquerda au Portugal, qui ne va pas plus loin que la revendication de la renégociation de la dette, ou comme le PCP (Parti communiste portugais), qui ne dénonce que la répartition injuste de l’austérité. La plupart de ces nouvelles formations de gauche, comme Syriza en Grèce, le SP hollandais, ou Die Linke en Allemagne, viennent maintenant d’effectuer un virage à droite. Tandis que le monde se retrouve sens dessus-dessous, le NPA est hypnotisé par les prochaines élections présidentielles.
63. En intervenant avec tact dans le mouvement des indignados et autres mouvements qui prennent place en-dehors des mouvements sociaux traditionnels, ces nouvelles formations de gauche pourraient convaincre ces jeunes du fait qu’il ne faut pas faire l’amalgame entre la légitime aversion envers les politiciens et les dirigeants syndicaux et la base syndicale, et de la manière dont fonctionnerait un parti démocratique de la classe ouvrière. Au lieu de cela, elles restent absentes, ou participent à titre individuel. Il y a pourtant besoin d’une coordination entre les différents mouvements de protestation et d’une orientation vers la seule classe qui puisse réaliser le changement de société, la classe ouvrière. Il n’y a pas de meilleur moment pour discuter et mobiliser autour de la seule revendication capable de mettre un terme à la casse sociale : la fin du remboursement de la dette aux banques. Ce n’est que par la nationalisation des secteurs-clés de l’économie, et en particulier du secteur de la finance, sous le contrôle démocratique du personnel, que la collectivité pourra mobiliser l’ensemble des forces productives dans la société et accorder un emploi et un salaire décent pour chacun.
64. Les mouvements en-dehors des structures officielles sont très explosifs, mais ils ont aussi la tendance à rapidement s’éteindre. Les énormes contradictions et les attaques continues de la part de la bourgeoisie engendrent cependant toujours plus de nouveaux foyers. Il y a des similitudes avec le mouvement antimondialisation du début de ce millénaire. C’était surtout un mouvement contre la répartition inéquitable, mais de manière abstraite, la partie officielle du mouvement oeuvrait surtout à des issues afin de tempérer le “capitalisme sauvage”. Les dirigeants syndicaux ont soutenu, tout comme les ONG, tandis que les travailleurs étaient plutôt observateurs que participants actifs. La crise économique est maintenant présente de manière bien plus proéminente. Le mouvement exprime des questions qui portent sur le système lui-même. Ce n’est plus seulement une protestation, mais aussi un appel au changement. Les travailleurs ne sont plus observateurs, mais participants actifs. Les dirigeants syndicaux, les ONG et les universitaires ne jouent clairement plus le même rôle central. Cela concerne maintenant nos emplois, nos salaires, nos vies. La volonté de changement et la composition sociale du mouvement mène également à la recherche d’une alternative. C’est la caractéristique la plus importante.
65. Il est clair que les jeunes et les travailleurs adoptent de manière intuitive une position internationaliste. La crise frappe partout. Il n’y a aucune solution possible dans le cadre d’un seul pays. Même si le CIO n’a pas partout les quantités numériques que nous avions au milieu des années ’80, notre poids relatif à l’intérieur du mouvement ouvrier organisé est aujourd’hui plus fort qu’à ce moment-là. Nous avons des militants dans la plupart, si pas dans tous les pays où les travailleurs et les jeunes sont en mouvement, certainement en Europe. Dans un certain nombre de pays, nous jouons un rôle important, quelquefois décisif au sein des syndicats ou dans les mouvements étudiants. Nous avons la chance de disposer d’une série de figures publiques saillantes, aussi de parlementaires, y compris dans le Parlement européen. Nous devons saisir cela afin de recadrer notre lutte à l’intérieur de celle pour une fédération socialiste des États d’Europe.
66. La faiblesse de la gauche peut mener à des actes de désespoir tels que les émeutes au Royaume-Uni, que la droite ne se prive pas d’utiliser pour susciter un soutien social en faveur de plus de répression. Le populisme de droite va utiliser la défaillance de la gauche et le plaidoyer pour une austérité plus douce pour se projeter en tant que soi-disant barrage contre la casse du bien-être de la population autochtone travailleuse. La période à venir va cependant faire pencher le pendule plus à gauche. Le mouvement que nous avons vu jusqu’à présent n’est qu’un signe avant-coureur de nouvelles explosions de masses, dans lesquelles le mouvement ouvrier va se réarmer politiquement et organisationnellement. Même une poignée de socialistes de lutte tenaces et bien préparés peut jouer un rôle déterminant dans cela. La faillite de l’Argentine en 2001 a mené à des mouvements de masse. En 18 mois, il y a eu 8 grèves générales. Puis on suivi des occupations d’entreprise. Les jeunes chômeurs, les piqueteros, construisaient chaque jour des barricades dans les rues. Les classes moyennes qui voyaient leurs économies s’évaporer sont descendues en masse dans les rues avec des pots et des casseroles, les carcerolazos, comme on les a appelés. Le 19 décembre 2001, des masses de chômeurs et de travailleurs précaires ont attaqué les supermarchés pour satisfaire leur faim. Le gouvernement a appelé à l’état d’urgence. Un jour plus tard, a eu lieu une confrontation de dizaines de milliers de manifestants avec la police. Il y a eu des dizaines de morts, et des centaines de blessés. En deux semaines, se sont succédé cinq présidents.
67. Hélas, il manquait un parti révolutionnaire avec une alternative socialiste. Lorsque le mouvement social s’est terminé dans une impasse, beaucoup de gens se sont concentrés sur le terrain électoral. Luis Zamora, un ex-trotskiste avec un soutien de masse, n’aurait pas gagné les élections, mais a pu avoir utilisé son influence dans les élections pour mobiliser des milliers de travailleurs et de jeunes et avoir fait un début avec la construction d’un parti ouvrier socialiste. Zamora a hélas décidé de ne pas participer et s’est mis de côté dans cette lutte. Le contexte international dans lequel ce mouvement a pris place était cependant du point de vue de la bourgeoisie bien plus stable qu’aujourd’hui. De la même manière, nous pouvons nous attendre dans les années à venir à des mouvements explosifs qui peuvent prendre toute une série de formes possibles et de plus, auront un bien plus grand effet international. De temps à autre, ce mouvement se traduira plutôt sur le plan électoral, comme avec l’élection des cinq parlementaires de l’Alliance de gauche unie en Irlande. Pour nous, la lutte ne s’arrête pas là, mais il s’agit d’employer ce terrain aussi au maximum et d’utiliser les positions conquises en tant que tribune pour renforcer la lutte sociale.