Tag: Carrefour

  • Carrefour : La lutte se poursuit

    La poussière est quelque peu retombée depuis l’annonce de nouvelles pertes d’emploi chez Carrefour. Les déclarations de soutien du gouvernement à l’annonce de la disparition de 1233 emplois ont déjà été oubliées. Le slogan «jobs, jobs, jobs» ne sert qu’à être déclaré de façon abstraite ou à servir de prétexte pour s’en prendre à nos salaires et à nos conditions de travail. Une fois que les choses deviennent plus concrètes, il n’y a plus personne.

    Par un délégué du secteur

    Les dirigeants politiques se sont toutefois bien prononcés contre la retraite anticipée : ceux qui se retrouvent à la porte doivent retourner au travail, en toutes circonstances. Le personnel et les syndicats ont exprimé leur colère. Ils veulent lutter à la fois contre la soif de profits de Carrefour et contre la flexibilité que le gouvernement veut imposer pour faciliter les choses pour des entreprises de ce type.

    Le gouvernement proclame soutenir le personnel. Kris Peeters voulait le démontrer en revenant plus tôt du Forum économique mondial de Davos. Mais, dans l’intervalle, le gouvernement lui-même est en première ligne pour accroître les possibilités de flexibilité sur le marché du travail et dans le secteur de la distribution tout particulièrement.

    Toutes les mesures adoptées afin de créer des emplois ont échoué dans le secteur de la distribution. Le personnel subit déjà une grande flexibilité, les entreprises comme Carrefour paient déjà peu d’impôts et elles bénéficient de nombreux avantages (fiscaux). Cela n’a pas conduit à de nouveaux emplois, cela n’assure même pas le maintien des emplois actuels.

    Pour la direction, l’automatisation, en particulier à la caisse, permet de réduire le nombre d’emplois. De plus, les hypermarchés ne semblent pas assez rentables. Certains des magasins destinés à être fermés ou à voir leur activité réduite sont âgés de moins de 10 ans. De plus le nombre de magasins de proximité va augmenter. Il s’agit souvent de magasins franchisés exploités par un patron «indépendant» qui détermine lui-même les conditions de travail et de salaire dans son magasin. Pas besoin de faire un dessin : les conditions de travail et de salaire sont généralement pires, le personnel est encore plus écrasé. La nouvelle restructuration de Carrefour ne vise pas à garder la tête hors de l’eau, mais à donner encore plus de dividendes aux actionnaires.

    Les syndicats se plaignent de l’attitude de la direction de Carrefour et de celle du gouvernement. Ils refusent de laisser les conditions de travail et de salaire être saignées à blanc dans les magasins, ils ne veulent rien lâcher et ils n’acceptent tout simplement pas cette logique. Cela est positif, mais il faudra plus que de l’indignation et des actions éparses dans tout le pays pour repousser l’attaque. Nous ne devons pas nous limiter à demander un meilleur business plan chez Carrefour, cela équivaut à reporter le problème ou à le faire porter par d’autres épaules.

    Le personnel était très disposé à agir et des actions spontanées ont eu lieu. Ce qui manquait, c’est un plan de bataille clair associé à des revendications strictes. N’attendons plus et défendons une toute autre organisation du secteur de la distribution. Le mouvement des travailleurs est déjà parvenu par le passé à imposer la réduction du temps de travail, cette revendication doit faire son retour aujourd’hui afin d’éviter que le progrès technologique ne conduise systématiquement au déclin social. Nous ne devons pas rejeter ou entraver le progrès technologique, mais au contraire l’utiliser pour mieux répartir le travail entre tous les travailleurs.

    Aujourd’hui, les magasins qui sont assujettis à de ‘‘meilleures’’ commissions paritaires sont en concurrence féroce avec les magasins franchisés où les salaires sont plus bas, la semaine de travail plus longue et où il n’y a pas de délégation syndicale pour assurer le respect des conventions collectives. Ne nous laissons pas monter les uns contre les autres, que ce soit en termes de magasins ou de chaînes de distribution. Un plan d’action reposant sur des revendications offensives telles que l’imposition d’un salaire minimum de 14 euros par heure, d’une semaine de travail de 32 heures, de contrats à temps plein pour tous ceux qui le souhaitent, etc. permettrait d’unir tous les travailleurs du secteur contre cette concurrence acharnée, dévastatrice et responsable de terribles massacres sociaux. Ce serait un excellent premier pas pour sortir de la logique de profits du secteur et élaborer un secteur de la distribution démocratiquement planifié au service de la population et non des actionnaires.

  • Visite de solidarité à la grève des travailleurs de Carrefour

    Sept ans après la dernière grande vague de licenciements chez Carrefour, 1233 emplois sont aujourd’hui de nouveau menacés, 1053 dans les hypermarchés et 180 au siège central. Ceci dans la foulée de l’annonce d’une restructuration en France où le groupe veut également supprimer 2400 postes. En 15 ans en Belgique, près de 40% de la main d’œuvre a été sacrifié sur l’autel du profit malgré un bénéfice de 248 millions d’euros sur les cinq dernières années et 1% d’impôt sur les bénéfices.

    Ce samedi matin, le mouvement de grève continuait. Des équipes du PSL ont visité en solidarité différents piquets en région bruxelloise. L’occasion de discuter bien sûr de la situation, d’y diffuser notre tract et notre mensuel Lutte Socialiste.

    Vers 8h du matin nous sommes arrivés devant l’hypermarché Carrefour d’Evere. Une quarantaine de travailleurs des différents syndicats étaient présents. Durant cette matinée ils ont organisé une assemblée du personnel à laquelle nous avons été invités à participer et également à y prendre la parole dans la discussion. Nous remercions chaleureusement l’équipe pour leur accueil.

    La volonté et la nécessité de continuer le combat, de ne pas baisser le bras devant l’attitude arrogante de la direction Carrefour a été mis en avant. Leur objectif est clair : fermer les hypermarchés pour créer plus de petits Carrefours, franchisés pour certains, où le droit des travailleurs et la force syndicale sont réduis. Fermer ou transformer les hypermarchés c’est notamment rediriger les emplois, les conditions de travail et les travailleurs sous une commission paritaire plus défavorable correspondant aux magasins plus petits et/ou franchisés.

    La facture est payée toujours par les mêmes, les travailleurs.

    Pendant l’assemblée les travailleurs ont exprimé leur colère et clairement illustré avec les délégués leur volonté de continuer leur mouvement commencé jeudi. Ce lundi une réunion intersectorielle des délégués CNE commerce est prévue pour faire le point sur l’ordre de négociations avec le gouvernement afin de décider comment poursuivre le mouvement.

    Dans notre tract nous proposons de regarder à construire et continuer la grève en élargissant le mouvement, sûrement à l’ensemble du secteur, mais aussi aux clients. La solidarité peut aussi être développé de ce côté. Ne nous laissons pas diviser, magasins par magasins. Après ces premiers jours de débrayage nécessaires, regardons à coordonner les actions, pourquoi ne pas appeler à une journée d’action nationale dans ce cadre ? Pour le PSL aussi, il faut continuer le mouvement de grève, le gouvernement va tenter main dans la main avec la direction de limiter les actions et de les réorienter vers des phases de négociations, des solutions individuelles. Un mouvement de grève nationale sur l’ensemble du secteur est possible. Revendiquons la nationalisation du secteur pour la défense de tous les emplois, d’un salaire minimum de 14 €/h bruts, des contrats décents et un équilibre décent entre vie professionnel et vie privé.

  • Carrefour. Résistons avec tout le secteur contre cette spirale infernale!

    Photo : Flickr/pittou2

    La nouvelle est arrivée comme un coup de poing. Sept ans à peine après la dernière grande vague de licenciements chez Carrefour, 1.233 emplois sont aujourd’hui menacés. Tout récemment encore, c’est Delhaize qui a connu le désastre d’une restructuration. En 2004, 17.400 personnes étaient encore employées chez Carrefour. Si cela ne dépendait que de la direction, il n’en resterait bientôt plus que 10.000. En 15 ans, près de 40 % de la main-d’œuvre aurait ainsi été sacrifiés. Qui est-ce qui disait encore ‘‘jobs, jobs, jobs’’ ?

    >> Tract en version PDF

    Profits, profits, profits

    La raison du massacre social? On laisse parfois entendre que c’est la faute de l’e-commerce. Sauf que si la vente numérique était tellement importante, Carrefour aurait commencé à y investir depuis belle lurette ! L’argument est utilisé par les employeurs pour continuer de brutaliser les conditions de travail et les salaires. Parallèlement, ils essayent de blâmer le personnel pour ce massacre social car il s’attache trop à ses conditions de travail et de salaire. Pour les patrons et leurs porte-paroles, chaque crise offre une nouvelle ‘‘opportunité’’. Mais pour les travailleurs, par contre, c’est synonyme de misère sociale.

    La vérité, c’est qu’il s’agit de maximiser les profits. Et les choses n’allaient déjà franchement pas si mal. Ces cinq dernières années, Carrefour a réalisé un bénéfice de 248 millions d’euros en Belgique. Et n’a payé qu’à peine 1% d’impôt sur ce bénéfice, fait remarquer la CSC. L’an dernier, le groupe Carrefour a réalisé un bénéfice international de 1,3 milliard d’euros. Ce résultat a été obtenu sous la pression de la féroce concurrence qui prévaut sur le marché français. Mais en Belgique, tout s’est très bien passé. En mars 2017, par exemple, nous lisions dans le quotidien flamand De Standaard : ‘‘Carrefour Belgium se porte fort bien en termes de rentabilité, selon les experts. L’année dernière a même donné le résultat le plus élevé depuis le rachat par Carrefour des Super et Maxi-GB de l’ancien Groupe GIB de la famille Vaxelaire et du holding Cobepa. En 2016, Carrefour a progressé de 0,6% en Belgique et a réalisé un chiffre d’affaires de 4,38 milliards d’euros.’’

    La part des hypermarchés s’est légèrement contractée, mais le recul a été compensé par les magasins de proximité. Carrefour se sert de la situation pour atrocement sabrer dans les hypermarchés. Mais il existe une différence de taille entre les hypermarchés et les petits magasins de proximité : dans ces derniers, le personnel est employé par des franchisés indépendants. Les conditions de travail et de salaire y sont pires que dans les hypermarchés. Carrefour balance le personnel aux ordures et met les conditions de travail en solde pour booster ses bénéfices, voilà tout. Résultat : deux hypermarchés ferment, d’autres sont amputés et 180 emplois disparaissent au siège de Carrefour Belgique. Lorsque des hypermarchés contractent leurs activités, on s’attend à ce que des partenaires extérieurs prennent le contrôle de l’espace (comme les MediaMarkt dans chaque Makro). La sentence est lourde : 1233 employés sont jetés à la rue.

    En résistance avec le personnel et les clients !

    Le ministre fédéral de l’Emploi Kris Peeters a annoncé qu’il reviendrait plus tôt du Forum économique de Davos pour suivre le dossier. Les anciens travailleurs de Ford Genk et d’ailleurs le savent : cela ne veut rien dire. Des politiciens traditionnels siègent au conseil d’administration de Carrefour depuis des années. Ce n’est qu’après l’annonce des licenciements que l’ex-ministre MR Sabine Laruelle a démissionné de son siège au conseil d’administration ! Ces bonnes relations entretenues avec des politiciens permettent à Carrefour d’obtenir des millions d’euros de soutien public. En d’autres termes, les politiciens traditionnels sont mouillés jusqu’au cou. Peuvent-ils en même temps jouer un rôle pour s’y opposer ?

    Se battre magasin par magasin sera insuffisant. Il est positif qu’un certain nombre d’entre eux aient été fermés dès que la décision a été rendue publique. Cette colère doit être coordonnée avec des mots d’ordre clairs pour agir ensemble. Dès que ce massacre social sera passé, une nouvelle offensive suivra sur les conditions de travail et de salaire. La course vers le bas se poursuivra pour ‘‘améliorer la compétitivité’’. Ce conflit social peut durer des semaines, voire des mois. Une journée nationale de grève et une manifestation annoncée suffisamment longtemps à l’avance peuvent être des éléments mobilisateurs. Des appels à y participer pourraient figurer aux caisses des magasins Carrefour et d’autres chaînes. Des affiches et des banderoles pourraient y être accrochées. De cette façon, la solidarité entre le personnel et les clients peut être renforcée.

    Un tout autre secteur de la distribution est possible. Comme l’a fait remarquer un délégué de ce secteur sur notre site socialisme.be : “Nous ne devons pas nous permettre d’être divisés : Carrefour contre Delhaize ou Colruyt ou Lidl ou Aldi, mais nous devons défendre une nationalisation de l’ensemble du secteur. De cette manière, il serait possible de planifier l’activité en fonction du client, des employés et des fournisseurs. Ce n’est qu’ainsi que la spirale infernale actuelle pourra être contrariée. Et que des revendications offensives telles qu’un salaire minimum de 14€ l’heure, des contrats à temps plein pour tous ceux qui le souhaitent et un équilibre décent entre vie professionnelle et vie privée pourraient voir le jour.”

  • Restructuration chez Carrefour. Quand le secteur de la distribution sortira-t-il de cette spirale infernale?

    Photo : Flickr/Fruitnet

    Réaction d’un délégué syndical du secteur

    En réponse à l’annonce de Carrefour d’un ‘‘plan de transformation’’, je me suis demandé vers où se dirige le secteur de la distribution. En 2010 déjà, Carrefour avait procédé à une restructuration. Delhaize également a connu une restructuration en 2014. La charge de travail des survivants ne cesse d’augmenter. Tout cela afin d’augmenter les marges bénéficiaires des entreprises. Comment pouvons-nous nous battre pour un secteur qui ne serait une affaire de profit, mais de clients et de personnel ?

    Le secteur de la distribution est responsable de plus de 400.000 emplois. On est la plupart du temps fort loin d’emplois de qualité avec de bons salaires. Malgré cela, ces travailleurs représentent une bonne part du revenu de nombreuses familles. C’est un secteur où règne une forte concurrence et, contrairement à ce que les commentateurs libéraux voudraient nous faire croire, ce n’est pas bon. Ni pour les clients, ni pour le personnel, ni pour les producteurs. La concurrence exacerbée pousse à économiser partout et à presser le citron jusqu’au bout.

    Les licenciements, l’augmentation de la charge de travail, les négociations plus dures avec les fournisseurs, le service moindre à la clientèle,… tout cela prend place pour sécuriser et même augmenter les profits des entreprises. Cette soif de profits conduit aux massacres sociaux que nous avons connus chez Carrefour, Delhaize, Makro/Métro, Cora, etc. Pourquoi des individus devraient-ils pouvoir s’enrichir sur le dos des autres ? Pourquoi n’organisons-nous pas ce secteur de manière centralisée afin de répondre aux besoins des gens et d’offrir un emploi décent et bien rémunéré aux employés ?

    Il existe à l’heure actuelle cinq grandes chaînes en Belgique qui vendent presque toutes la même chose. Mais elles travaillent toutes côte à côte, souvent littéralement. La collectivité pourrait beaucoup plus efficacement organiser les choses, non pas pour en faire supporter le coût par les gens comme c’est le cas aujourd’hui, mais en partageant le travail entre tous. Les profits réalisés par ces cinq grandes chaînes montrent que l’argent est bien là pour un tel projet.

    Nous ne devons pas nous permettre d’être divisés: Carrefour contre Delhaize ou Colruyt ou Lidl ou Aldi, mais nous devons défendre une nationalisation de l’ensemble du secteur. De cette manière, il serait possible de planifier l’activité en fonction du client, des employés et des fournisseurs. Ce n’est qu’ainsi que la spirale infernale actuelle pourra être contrariée. Et que des revendications offensives telles qu’un salaire minimum de 14€ l’heure, des contrats à temps plein pour tous ceux qui le souhaitent et un équilibre décent entre vie professionnelle et vie privée pourraient voir le jour.

  • Carrefour : Un syndicaliste reçoit une amende pour avoir participé à un piquet de grève

    En novembre 2008, un piquet de grève tenu au Carrefour de Leeuw-Saint-Pierre a été dispersé par la police locale. Un huissier de justice appelé par la direction dirigeait les troupes de la police : la distribution de tracts, le fait de s’adresser aux clients et au personnel qui voulait travailler et même être présent sur le terrain en arborant des couleurs syndicales étaient tout simplement interdits. Plusieurs militants ont été arrêtés. Ni la police ni la commune n’ont pu justifier ces arrestations mais une amende a tout de même été appliquée sous la forme de ce qu’on appelle la “combitaxe”.

    Le conflit chez Carrefour

    Fin 2008, Carrefour voulait placer le personnel de sa nouvelle succursale de Bruges, “Tour Bleue”, dans une commission paritaire beaucoup moins avantageuse que celle dans laquelle se trouvent habituellement les supermarchés. La proximité du centre-ville historique, à 7 kilomètres, était utilisée pour en faire un ‘domaine touristique’. Le personnel touchait des salaires inférieurs, était soumis à de moins bons horaires comprenant le travail du dimanche et à plus de flexibilité. Pour Carrefour, le magasin de Bruges constituait un précédent, d’autres magasins suivraient et chez Delhaize, ce moins bon statut de personnel suscitait un certain intérêt. Des actions de grève ont été menées dans tous le pays dans les grandes succursales Carrefour, avec une grande mobilisation parmi le personnel. La direction a mené une campagne agressive visant à instaurer le maximum de pression sur le personnel, surtout les contrats temporaires. Des cadres appelaient par exemple les travailleurs chez eux pour les intimider. Comme cela ne produisait pas l’effet souhaité, des requêtes unilatérales au tribunal ont suivi. Une astreinte de 1.000 euros a été demandée pour chaque militant syndical qui interdirait l’accès au magasin à un travailleur ou un client de Carrefour.

    Ces dernières années, les employeurs ont, de plus en plus, fait appel aux requêtes unilatérales. Ils vont en justice et demandent des mesures préventives pour empêcher des “nuisances” aux piquets de grève et ce, sous la menace d’une astreinte. Comme le nom le laisse penser, la partie visée, les syndicats et le personnel, n’ont pas la possibilité d’avancer de contre-arguments. Seul l’employeur est entendu.

    En bridant les piquets de grève, le droit à l’action collective est violé. En 2012, le Comité européen des Droits sociaux a condamné cette pratique. En 2011, cela a été dénoncé par la Cour européenne des Droits de l’Homme(1). Mais le gouvernement belge refuse d’appliquer ces décisions européennes, les employeurs continuent donc à utiliser avidement le système.

    Pinkerton à Leeuw-Saint-Pierre

    Au piquet du Carrefour de Leeuw-Saint-Pierre, en 2008, un huissier de justice s’est présenté, assisté du directeur du magasin et de la police locale.

    Les coups de fil intimidants des cadres n’avaient eu pour maigre résultat que la présence d’à peine une dizaine de volontaires pour travailler (sur 112 travailleurs). L’huissier de justice n’a pas signifié la requête, il a seulement été dit que l’accès au magasin devait être garanti. Toute tentative pour l’empêcher, y compris la distribution de tracts ou des discussions avec les personnes présentes, a été interdite.(2)

    Aucun espace n’était laissé à la discussion, l’huissier de justice et la police s’en tenaient strictement à la devise du héros de western John Waine: “Never apologize and never explain, it’s a sign of weakness.” (“ne jamais s’excuser ni s’expliquer, c’est un signe de faiblesse”).

    Apparemment, les westerns ont été une source d’inspiration pour l’huissier de justice et la police locale de Leeuw-Saint-Pierre. Leur intervention faisait directement penser aux agents Pinkerton, ces détectives privés auxquels les patrons faisaient recours à la fin du 19ème et début du 20 ème siècle pour disperser les piquets de grève aux Etats-Unis, par une violence si nécessaire.

    Lorsque les personnes participant aux actions ne satisfaisaient pas directement les impossibles exigences de l’huissier de justice, il indiquait, un à un, les militants qui devaient être arrêtés. L’auteur de cet article était l’un d’entre eux. Malgré des demandes répétées, aucun PV n’a été dressé et la police a refusé d’inscrire notre arrestation dans le registre.

    Combitaxe

    La commune a décidé d’imposer une amende administrative aux personnes arrêtées, ce qu’on appelle la “taxe combi” ou une “taxe sur le transport dans un véhicule de police”. Nous avons tout de suite contesté cette amende, l’intervention de la police n’était, en effet, pas correcte et nous ne recevions aucune réponse quant à savoir pourquoi nous étions arrêtés. L’appel a été rejeté à la commune, nous avons donc interjeté appel au tribunal de première instance de Bruxelles.

    Le tribunal a refusé de se prononcer sur le fond de l’affaire, à savoir de connaître les raisons de notre arrestation et si elle était opportune et justifiée. La commune a argumenté que c’était hors de propos. Il y avait eu transport par un combi de police et une taxe combi était donc exigée. Apparemment, la commune de Sint-Pieters-Leeuw est une espèce d’état policier où les libertés sociales et les droits constitutionnels ne valent pas lors d’une intervention de la police. La police ne doit pas se justifier quand elle arrête des personnes.

    Même en appel, la décision a été confirmée. A la demande de savoir pourquoi il avait été procédé à des arrestations, le conseiller communal a répondu que sur des piquets de grève “des irrégularités se produisaient bien plus souvent”. L’avocat n’a pas pu donner de faits concrets, une rhétorique générale anti-syndicale a suffi. Le juge en appel a refusé de se prononcer sur le fond de l’affaire, une justification de l’intervention de la police n’a pas été nécessaire.

    Le rôle des huissiers de justice dans les conflits sociaux

    Dans sont arrêt, le juge a écrit à propos de la requête unilatérale : “A l’audition, l’appelant a déclaré qu’il se tenait à l’entrée de l’entreprise et essayait de convaincre les personnes qui voulaient travailler de l’utilité de l’action syndicale. Manifestement, un jugement a été signifié ensuite suite à une ordonnance, avec assistance d’un huissier de justice, pour l’arrêt de cette action.”(3) Et il est aussi souligné que “l’appelant a participé à la date précitée à une action syndicale pour laquelle l’employeur avait obtenu une disposition du Président du tribunal de première instance à Bruxelles pour empêcher certaines actions syndicales”(4). Le juge décide ensuite que “l’appelant était présent à la date précitée à un endroit non autorisé et d’une manière […] pour laquelle l’employeur concerné […] a requis l’arrêt de l’action.”(5) Et enfin: “Il est en effet question de l’existence d’une ordonnance judiciaire sur base de laquelle l’arrêt de l’action précitée avec l’assistance des services de police a été exécuté ?.”(6)

    Le juge n’a fait aucun cas du fait que la requête unilatérale n’ait été signifiée que juste après l’arrestation, lorsque l’auteur de l’article, après un court séjour en cellule au bureau de police, a été ramené sur les terrains de Carrefour. Il est particulièrement problématique que le soussigné ait été arrêté sur base de “ faits interdits”, à savoir “avoir essayé de convaincre des volontaires au travail de l’utilité d’une action syndicale.” La distribution de tracts et le fait d’adresser la parole à des travailleurs sont soudain des “ faits interdits” alors que la requête unilatérale se limitait à l’interdiction physique de l’accès au magasin.

    Interdire la distribution de tracts et d’adresser la parole à des personnes constitue une atteinte flagrante au droit à l’action collective. L’huissier de justice donne d’ailleurs une interprétation large de la requête unilatérale, il ne joue pas un rôle “neutre” mais est payé par l’employeur pour réprimer toute forme d’action syndicale. Avec les astreintes, l’huissier de justice a un moyen de pression pour déterminer à son gré jusqu’à quel point l’action collective est autorisée. Les droits constitutionnels doivent reculer devant l’arbitraire de l’huissier de justice.

    Tout militant syndical peut devenir la victime de ces pratiques, l’expérience apprend que le recours aux huissiers de justice arrive de plus en plus souvent. Il est important que les syndicats s’opposent à ce cours des choses, d’une part en entreprenant systématiquement des démarches juridiques pour mettre au tapis ces pratiques mais aussi en planifiant une stratégie de mobilisation de masse et de résistance organisée chaque fois qu’un employeur essaie d’utiliser des ordonnances judiciaires ou des huissiers de justice pour casser une action syndicale. Nous ne pourrons défendre notre droit à l’action collective qu’en construisant un rapport de force syndical !

    Notes
    (1) http://www.abvv.be/web/guest/press-releases-
    nl/-/press/607552/
    (2) Voir aussi : http://www.socialisme.be/
    nl/4991/spl
    (3) Arrêté de la Cour d’Appel de Bruxelles,
    Chambre 6B, AR. Nr. 2011/AR/765, p. 2
    (4) Idem, p. 4
    (5) Idem, p. 5
    (6) Idem, p. 5

  • Par ici, les limousines

    Carrefour

    Cette brève est parue sous la signature de Jean-Claude Jaillette dans le magazine Marianne n°602 du 1er novembre. Si elle ne concerne que Carrefour en France, elle ne manque pas de piquant au vu de ce qui ce passe dans le groupe en Belgique…

    Ils n’ont rien compris à la crise, chez Carrefour. D’un côté, le groupe sous-paie ses employés, pratique pour laquelle il vient de se faire condamner : 429 salariés d’Ecully et de Givors touchaient moins que le Smic horaire. Verdict : 1,287 million d’euros d’amende. De l’autre, il renouvelle tous les véhicules attribués aux directeurs des magasins.

    L’information, révélée par la CGT-Carrefour, vaut son pesant de privilèges : 300 limousines à 40.000 euros pièce ont été commandées chez BMW er Mercédès. "Les salariés de Renault et Peugeot mis au chômage technique apprécieront", ironise le syndicat. Le groupe justifie la dépense par un urgent besoin de réduire les émissions de CO2. Ouf ! A défaut de se soucier de l’injustice sociale, Carrefour se préoccupe de la planète.

  • GB : 900 emplois menacés

    Fin juin, la direction du groupe Carrefour a annoncé sa décision de fermer 16 Supermarchés GB cette année (8 en Flandre, 1 à Bruxelles et 7 en Wallonie), supprimant ainsi d’un coup 900 emplois (dont 800 dans ces magasins).

    Jean Peltier

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    DU N°1 BELGE AU N°2 MONDIAL

    Le premier Grand Bazar ouvre en 1885 à Bruxelles, d’autres magasins sont ensuite ouverts à Liège, Anvers et Gand. Après la deuxième guerre mondiale, l’expansion est rapide : en 1958 naît la formule actuelle du supermarché ; en 1970, le groupe GB commence à se diversifier avec l’ouverture du premier Brico GB ; en 1974, GB fusionne avec Immo-BM- Priba et devient GIB. En 2000, GIB est absorbé par le groupe français Carrefour (devenu actionnaire à 100% de GIB).

    Le groupe Carrefour Belgium compte aujourd’hui 561 magasins en Belgique, dont 56 hypermarchés Carrefour, 280 supermarchés GB, 133 GB Contact, 91 GB Express et 1 Rob. Il emploie 17.000 personnes en Belgique dont 5.502 dans les GB intégrés et a réalisé en 2006 un chiffre d’affaires commercial de 5.380 milliards d’euros.

    L’ensemble des 78 supermarchés GB intégrés ont réalisé, sur les quatre premiers mois de l’année, un bénéfice de 9 millions d’euros, 15% de plus que pour la même période l’an dernier. Le groupe international Carrefour est le 2e groupe de distribution au niveau mondial. Il est présent dans 29 pays où il possède un total de 12.000 magasins et emploie 430.000 personnes.
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    La direction du groupe considère que « ces supermarchés sont structurellement non rentables » et qu’ « il est temps de stopper l’hémorragie si on ne veut pas risquer de mettre l’ensemble de la chaîne en péril ». Mais, derrière ces déclarations catastrophistes (alors que le groupe Carrefour Belgium de même que le sous-groupe des supermarchés GB en son sein réalisent des bénéfices confortables), il semble clair que Carrefour n’a pas l’intention de fermer définitivement ces magasins et encore moins de les revendre à la concurrence.

    UN RECUL SOCIAL PLEIN DE FRANCHISE

    En réalité, la direction du groupe a un objectif beaucoup plus vicieux : il s’agit de fermer des magasins intégrés au groupe pour les revendre ensuite à des gérants indépendants qui pourront les rouvrir dans le cadre d’une franchise – avec une convention collective moins favorable et sans représentation syndicale ! – en engageant du personnel plus jeune (le personnel des GB intégrés à en moyenne 17 ans d’ancienneté) à des salaires moindres (de l’ordre de 30 à 35%), des horaires de travail plus longs (38 heures/semaine au lieu de 35) et dans des conditions de travail plus dures (notamment avec des ouvertures le dimanche matin).

    A l’heure actuelle, 202 des 280 supermarchés GB sont déjà exploités par des franchisés. Et on peut redouter que Carrefour cherche à faire passer le plus rapidement possible les 78 magasins restants sous ce statut.

    Lorsqu’en février dernier, le patron de Carrefour Belgium, Marc Oursin, a annoncé la restructuration du groupe en 3 niveaux (les Hypermarchés Carrefour de très grande surface, les Super GB de taille moyenne et les petits GB Express de proximité), il avait aussi annoncé l’ouverture de 8 à 10 Supermarchés et 40 Express… tous sous franchise. Car les magasins sous franchise connaissent, grâce à la pression mise sur le personnel, une augmentation de leur chiffre d’affaires de 8%, alors que les magasins intégrés ne progressent guère.

    Voilà donc comment Carrefour compte augmenter encore plus ses plantureux bénéfices. Une fois de plus, c’est la logique du profit maximum en faveur des grands actionnaires qui s’impose au détriment des travailleurs, des clients et des habitants des quartiers.

    Car ce n’est pas un hasard non plus si la grande majorité des magasins visés sont installés dans des quartiers populaires et ont le plus souvent un grands nombre de clients fidèles mais qui ne sont plus considérés par Carrefour comme des clients privilégiés parce qu’ils ne dépensent pas assez !

    Et c’est encore moins un hasard si Carrefour a annoncé ce plan radical de fermetures et de licenciements juste avant les vacances, sachant très bien qu’il serait difficile de mobiliser le personnel pendant les deux mois d’été.

    Ces fermetures pourraient enfin n’être qu’un avant-goût : en décembre, la direction de Carrefour Belgium avait annoncé aux syndicats que la moitié des GB intégrés n’étaient pas rentables ou juste à l’équilibre. Cela veut dire qu’une vingtaine d’autres magasins pourraient aussi être menacés de fermeture par la suite !

    NÉGOCIER… MAIS SUR QUELLES BASES ?

    Devant le coup de force de la direction de Carrefour, les syndicats ont directement répliqué qu’il n’était pas question de discuter pendant les vacances. Les négociations doivent donc commencer à la rentrée de septembre.

    Dès l’annonce des fermetures, des actions spontanées de grève ont eu lieu dans certains magasins menacés, notamment aux GB de Quiévrain et Termonde. Des grèves de solidarité ont aussi eu lieu dans des GB qui ne sont pas directement menacés de fermeture, comme à Gilly, ainsi que dans des hypermarchés, comme ceux de Mouscron et Froyennes qui ont fait grève le samedi 30 juin en solidarité avec le GB de Tournai. Des actions de solidarité ont également eu lieu parmi les clients. Le Comité de Quartier de Rocourt a réuni plusieurs centaines de signatures contre la fermeture du GB. A Tournai, une manifestation locale de 500 personnes a réuni travailleurs du GB, habitants du quartier et syndicalistes d’autres entreprises.

    Malgré le choc provoqué par l’annonce des fermetures, le potentiel pour une forte réaction unissant travailleurs et clients existe donc. Malheureusement, la réponse des directions syndicales paraît jusqu’ici très limitée.

    Elles ont tout d’abord refusé d’organiser une journée nationale de grève contre les fermetures fin juin ou début juillet. Certes, le délai était court pour organise la mobilisation dans les GB et Carrefour mais une journée de grève au début des soldes aurait eu un impact énorme.

    La CNE et le SETCa se sont contentés d’organiser une mobilisation de quelques centaines de travailleurs le 2 juillet devant le bâtiment où se tenait le Conseil d’entreprise de Carrefour qui devait annoncer officiellement les fermetures. Pendant ce temps, une partie des GB menacés étaient ouverts, les gérants ayant fait appel à des étudiants et des intérimaires pour assurer un service minimum !

    D’autre part, le tract commun SETCa-CNE diffusé fin juin met l’accent sur deux exigences vis-à-vis de Carrefour : « des garanties sur un maintien du volume de l’emploi chez Hyper et chez Super » et le fait que « ce plan de restructuration ne pourra se traduire par des licenciements secs ». Il déclare aussi que « Le drame social ne doit pas reposer uniquement sur les épaules des travailleurs : la direction doit mettre sur table un vrai plan commercial susceptible de relancer l’activité des supermarchés de manière durable tant en garantissant des salaires décents et des conditions de travail acceptable pour le personnel (le même raisonnement vaut aussi pour les hypers…) ».

    Nulle part n’est avancée la revendication centrale du refus des fermetures qui est le seul moyen de réellement maintenir l’emploi ! Il semble que les directions syndicales se soient résignées à la fermeture des GB avant même de mener un vrai combat et qu’elles s’apprêtent à se concentrer sur deux objectifs minimum : reclasser le maximum de personnel dans d’autres GB et hypers et négocier de bonnes conditions de départ (notamment par la prépension) pour les autres . Or, en 1999, un plan de restructuration accepté par les syndicats prévoyait déjà de tels reclassements internes mais les syndicats se lamentent aujourd’hui de ce que la direction de Carrefour n’a guère respecté ses engagements. Si aucune lutte n’est menée contre les fermetures, la direction de Carrefour se sentira encouragée à mettre la pression dans les négociations et à ne pas mieux tenir ses futures promesses.

    Pour imposer le maintien de l’emploi, il faut que monte rapidement de la base l’exigence du refus des fermetures. C’est la seule base sur laquelle un combat efficace pourra être mené.


    Solidarité active avec le CAP

    Dès l’annonce de la décision de Carrefour, le CAP (Comité pour une Autre Politique) s’est mobilisé pour s’opposer à ces fermetures, réclamer le maintien de l’emploi et appeler à la solidarité des travailleurs de tout le secteur de la grande distribution et des clients.

    Il a ainsi organisé du lundi 25 juin au mercredi 27 juin une tournée à travers le pays de son Bus de la Solidarité avec, comme points d’étapes, neuf des GB menacés par la fermeture. L’équipe du bus et les groupes locaux du CAP ont ainsi pu participer à des Assemblées du personnel, discuter avec les clients et les habitants des quartiers. Une affiche a été diffusée largement et la pétition lancée par le CAP a recueilli plus d’un millier de signatures en trois jours. Le CAP était également présent le 2 juillet lors de la manifestation devant le siège de Carrefour. Vous pouvez trouver un résumé complet de cette « tournée » et des interviews de militants sur le site du CAP (www. autrepolitique.be) (documents postés le 1er juillet).

    La campagne de solidarité reprend début septembre. Le Bus de la Solidarité va repartir sur la route et des interventions sont prévues sur plusieurs GB avec la pétition. Pour plus de renseignements, pour recevoir la pétition, pour participer aux actions, contactez le CAP ou les militants du MAS.

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