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Tag: Canada
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Colombie-Britannique : Les changements climatiques sèment la dévastation

Le sud de la Colombie-Britannique (Canada) a été frappé par deux événements météorologiques catastrophiques en quelques mois: d’abord la canicule et le feu, puis la pluie et les inondations. Les 13 et 14 novembre, le ciel s’est ouvert lorsqu’une «rivière atmosphérique» a traversé une grande partie du sud de la Colombie-Britannique. Elle a provoqué le débordement de rivières, des glissements de terrain et la rupture de voies ferrées et d’autoroutes.
Par Leslie Kemp, Socialist Alternative (ASI-Canada)
Tout cela s’est produit après un été accablant, à commencer par le dôme de chaleur du mois de juin, qui a fait 815 morts, et l’incendie de la ville de Lytton. De nombreux habitants et habitantes de la Colombie-Britannique et d’ailleurs ont vécu un été d’incendies et de ciels enfumés. Plus de mille feux de forêt ont fait rage dans la province. Deux mois entiers de pluie se sont ensuite manifestés à partir de septembre.
Routes disparues
Au Canada, toutes les autoroutes qui partent du Lower Mainland (le Grand Vancouver et la région côtière environnante) sont coupées ou ont été emportées par les eaux. Des centaines de personnes ont été piégées sur l’autoroute 7 pendant des heures, entre deux glissements de terrain. En plus d’être sous la menace d’autres glissements provenant de la montagne voisine, elles ont fini par attendre toute la nuit et pendant de nombreuses heures le lendemain pour l’arrivée d’un hélicoptère des Forces canadiennes.
Des conducteurs se dirigeant vers le nord de Lillooet sur l’autoroute 99 ont été confrontés à un glissement de terrain juste devant eux. Ils ont vu des voitures et leurs occupants être emportés hors de la route par la boue et les débris de la montagne, enterrant à moitié les voitures. Les témoins se sont précipités pour secourir les gens, mais au moins une des voitures restait introuvable. Au moins quatre décès ont été confirmés.
L’autoroute transcanadienne (autoroute 1) a été détruite en plusieurs endroits. L’autoroute 3, qui longe la frontière sud (vers les États-Unis), a été fermée dans les deux sens en raison d’un glissement de terrain.
L’autoroute de Coquihalla (autoroute 5), l’une des principales autoroutes de la Colombie-Britannique reliant le Lower Mainland et l’Intérieur, a subi des dommages catastrophiques. Les voies en direction du sud d’une section de l’autoroute ont été emportées dans la rivière. L’autoroute pourrait être fermée pendant des mois. Les secouristes sont toujours à la recherche de véhicules disparus et de personnes bloquées.
Villes inondées
Toute la ville de Merritt, située dans une région sèche et désertique de l’Intérieur, a fait l’objet d’une alerte d’évacuation cet été en raison des feux. Elle a dû être à nouveau évacuée le 15 novembre. La crue des eaux a rendu la station d’épuration des eaux usées de la ville inopérante pour «une période indéterminée». Deux des trois ponts de la ville qui enjambent la rivière Coldwater ont été endommagés par les eaux des crues et le troisième n’est plus praticable.
La majeure partie de la ville de Princeton a été submergée lorsque la rivière Similkameen a fait céder la digue. 295 maisons ont été évacuées et 300 autres sont en état d’alerte. Aujourd’hui, la ville est privée de gaz (en raison des dégâts causés par les inondations). Alors que les températures ont plongé à -6°C, de plus en plus de personnes ont dû partir pour trouver un endroit chaud où dormir.
Plus de 1 100 foyers d’Abbotsford ont été évacués. Les inondations à Abbotsford, Chilliwack et dans d’autres parties de la vallée du fleuve Fraser ont vu des résidents et des résidentes suffisamment chanceux pour naviguer dans les rues sur leurs canots et autres bateaux.
Plus de 20 000 personnes ont été déplacées. Plusieurs ont regardé leur maison être emportée par les torrents.
Les incendies de l’été, ainsi que l’exploitation forestière, ont rendu les pentes plus instables, car il n’y avait plus de racines d’arbres pour retenir le sol. L’absence d’arbres, qui ralentissent normalement le ruissellement, a intensifié les inondations.
Crise du transport des marchandises
Les camionneurs qui vont et viennent du Lower Mainland vers d’autres régions de la Colombie-Britannique et du Canada ne peuvent pas apporter les provisions nécessaires. En plus de la fermeture de toutes les routes sortant du Lower Mainland de la Colombie-Britannique, les chemins de fer du Canadien National et du Canadien Pacifique sont endommagés. Ce sont les principales voies d’entrée et de sortie des cargaisons dans le port de Vancouver. Le chaos qui règne au port, dû à la perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales, est maintenant bien pire. Les importations ne peuvent pas être acheminées vers le reste du Canada depuis Vancouver et les exportations, en particulier les récoltes de cette année en provenance des Prairies, sont bloquées.
On craint déjà des pénuries dans les magasins, l’essence manque dans certaines régions. Certaines communautés de l’île de Vancouver n’avaient que trois jours de provisions alimentaires et deux jours se sont écoulés depuis les inondations. Il faudra probablement des semaines, voire des mois, pour réparer certaines routes. On ignore également combien de temps il faudra pour réparer les voies ferrées.
Faire le point
Le 16 novembre, le soleil a brillé sur un paysage dévasté, mais d’autres pluies sont à venir. Les autorités de la Colombie-Britannique font le point sur l’ampleur des dégâts causés aux villes, aux villages, aux routes, aux ponts, aux chemins de fer et aux autres infrastructures. Des personnes ont perdu leur maison à cause des dégâts causés par les inondations. Au cours de l’été, on a estimé qu’un milliard d’animaux du littoral de la mer de Salish pourraient être morts à cause de la vague de chaleur. Aujourd’hui, des milliers d’animaux d’élevage sont morts à cause des graves inondations dans la vallée du Fraser et beaucoup de ceux qui ont survécu ou ont été secourus ont besoin de nourriture et d’eau.
À l’instar de la vague de chaleur qui a battu tous les records en juin, les météorologues qualifient cette tempête de «sans précédent». «Nous avons vu maintenant notre cinquième rivière atmosphérique de la saison. Souvent, nous n’en avons même pas de première avant novembre», a déclaré Armel Castellan, météorologue d’Environnement Canada chargée de la préparation aux alertes. Elle a affirmé que la dernière rivière atmosphérique a généré des «données époustouflantes» et annoncé qu’Environnement Canada devra analyser ces chiffres pendant les jours et les semaines à venir, car ils sont extraordinaires. Comme en juin, de nombreux records ont été fracassés. Cette fois, il s’agit de records de précipitations plutôt que de records de chaleur. Le district de Hope et la ville de Chilliwack ont battu des records historiques de précipitations.
On ne peut échapper à la réalité des changements climatiques. En l’espace de moins de cinq mois, la Colombie-Britannique a connu des événements météorologiques «sans précédent», qui ont battu des records. Ces événements ont et auront un impact sur la vie quotidienne de millions de personnes et sur les moyens de subsistance de milliers de travailleuses et de travailleurs.
Les politiciens de la COP26 éloignés de la réalité
Les leaders politiques ont clôturé la 26e réunion des Nations unies sur les changements climatiques le dimanche 14 novembre, pendant qu’une pluie torrentielle s’abattait dans le sud de la Colombie-Britannique. De nombreux observateurs et observatrices étaient sceptiques dès le départ quant aux chances de parvenir à un accord sur des objectifs significatifs. Ne s’attendant pas à grand-chose, ces personnes ont été déçues, mais ont aussi haussé les épaules. Du bla-bla-bla et de nombreux objectifs encore repoussés à un futur plus ou moins lointain. De nombreuses personnes pleines d’espoir, qui croyaient à moitié aux discours des gouvernements avant la COP26, ont vu leurs espoirs déçus une fois de plus. Comme l’a fait remarquer quelqu’un, plusieurs traversent «un processus de deuil».
Les politiciens et les politiciennes qui se sont réunis à la COP26 semblent éloignés de cette réalité. Une représentante des Îles Marshall a été interrogée sur son amère déception face aux objectifs édulcorés. Les changements climatiques menacent l’existence même des Îles Marshall.
Auimatagi Joe Moeono-Kolio, conseiller politique principal pour le Pacifique auprès de l’Initiative pour un traité de non-prolifération des combustibles fossiles, a noté que «la première version d’un texte par ailleurs très peu ambitieux comportait un point positif notable : l’élimination progressive du charbon. Ce point a encore été édulcoré. Pour une planète en crise, cela représente un échec monumental dans la reconnaissance du danger clair et imminent auquel sont exposés des pays entiers, y compris le mien.»
«Malgré le brouhaha et l’écoblanchiment d’hier, un fait fondamental demeure : nous nous dirigeons toujours vers un monde de 2°C et plus d’augmentation», a-t-il déclaré.
Le Climate Action Tracker indique qu’avec les engagements de la COP26, le monde sera de 2,7°C plus chaud d’ici 2200. La Colombie-Britannique a été témoin des conséquences d’un réchauffement de 1,1°C (réchauffement estimé à ce jour). Que se passera-t-il avec un réchauffement de 1,5°C ou encore de 2,7°C?
Les élites politiques ne se réveilleront pas
En tant que marxistes, nous comprenons que l’histoire, tout comme une rivière, ne coule pas en ligne droite. Les politiciens et les politiciennes sont redevables à la classe sociale qu’ils représentent : les riches investisseurs, l’élite d’affaires, les oligarques du pétrole et des ressources naturelles. Certaines personnes, comme le premier ministre canadien, disent une chose et agissent de manière totalement incohérente avec leurs paroles. Les libéraux fédéraux continuent de construire l’oléoduc Trans Mountain et de subventionner les combustibles fossiles. Seth Klein les décrit comme les «nouveaux négationnistes du climat». Les libéraux voient ce qui se passe, mais leur refus d’agir est dû à leur allégeance à leur propre classe politique.
On ne sait pas exactement quel sera l’élément déclencheur, mais la colère accumulée à cause de cette inaction va éclater. Le rôle des socialistes est de se préparer: sensibiliser les gens, s’éduquer politiquement et éduquer les autres autour de nous pour ensuite construire des mouvements de résistance. Malgré une mobilisation héroïque lors de la COP26, la voix des résistants et résistantes a été ignorée, noyée dans le bruit du bla-bla-bla plein de fausses promesses qui ne mènent nulle part.
Contrairement à beaucoup de gens de la gauche progressiste, nous avons une réponse claire à la question de savoir ce qu’il faut faire. La seule réponse qui sauvera l’humanité de la catastrophe climatique et des autres calamités du capitalisme est un monde qui n’est pas redevable aux désirs des riches et à l’hypocrisie des élites politiques qui leur obéissent. L’humanité a besoin d’un système qui valorise les personnes plutôt que le profit, qui planifie collectivement et démocratiquement dans l’intérêt du plus grand nombre et non de quelques personnes. Nous devons confisquer les ressources des riches et les utiliser pour le bien public. La seule façon saine d’avancer. Ça s’appelle le socialisme.
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Canada : la lutte des Wet’suwet’en, une révolte contre le capitalisme néocolonial
La « crise ferroviaire », comme l’appellent les journalistes, est un nouvel éveil des Premières Nations contre le capitalisme néocolonial canadien. Déjà en 2012, on a vécu une prise de conscience lors des événements amenant aux manifestations de Idle No More. Cette fois, les blocus ont des effets de paralysie sur l’économie de certaines provinces comparables à ceux d’une grève des transports.Par Carlo Mosti, Alternative Socialiste (ASI-Québec)
Les patrons sont en panique. Ils exhortent leurs élites politiques de faire quelque chose. Les journalistes font la belle part à ces hommes d’affaires dont les profits vont diminuer. Et les médias de masse nous servent la complainte habituelle en faveur d’un retour à la « paix sociale » avec la formule « les consommateurs sont pris en otage ».
Les ennemis montrent leur vrai visage
La lutte de la nation Wet’suwet’en met en lumière le visage des ennemis de classe des Premières Nations. Il y a d’abord les politicailleux du fédéral qui ordonnent au premier ministre Justin Trudeau de faire lever les blocus au plus vite. Pour les conservateurs et les bloquistes, l’État fédéral doit s’assurer que le développement des projets de pipelines soit hors du contrôle des communautés. En fin de compte, les libéraux défendent les mêmes politiques extractivistes polluantes que les conservateurs, même avec leur discours de « réconciliation » avec les Premières nations.
Les provinces ont aussi leurs pleutres. La Coalition avenir Québec (CAQ) et le Parti québécois (PQ), si vocal à refuser l’ingérence du fédéral dans les affaires courantes du Québec, le supplie maintenant de mettre fin aux blocus nationaux. En Colombie-Britannique, le gouvernement du Nouveau Parti Démocratique refuse le projet Trans Mountain de l’entreprise Kinder Morgan, tandis qu’il reste indifférent à celui de Coastal GasLink et à l’arrivée de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) sur les territoires autochtones.
Hypocrisie du fédéral
Depuis qu’il est élu, le gouvernement Trudeau fait miroiter un changement d’attitude envers les Premières nations. Mais aujourd’hui, ce gouvernement, comme tous les précédents, apparaît clairement aligné sur une économie extractiviste. Il n’a pas l’intention de se faire bloquer le chemin ni par les Premières nations, ni par personne, réconciliation ou pas. Néanmoins, il n’a probablement pas pensé être confronté à la détermination de nations autochtones d’à travers le pays, prêtes à en découdre avec l’arrogance et l’hypocrisie du gouvernement canadien.
Cette arrogance a été le facteur déclencheur de la reprise de la lutte pour la défense de leur territoire et de leur identité. Et cette fois, elles n’accepteront pas de demi-mesure. Même le chef du conseil de bande Serge Simon de Kanesatake s’est fait vertement rabrouer pour avoir seulement osé suggérer la levée des blocus. Des citoyens de Kanesatake ont dit qu’ils ne feront pas la même erreur que pendant la crise d’Oka : ils resteront debout et solidaires jusqu’à ce que les demandes des Wet’suwet’en soient intégralement respectées. La première revendication sur laquelle les Wet’suwet’en restent intraitables est le retrait de la GRC des abords de leur territoire.
Des contradictions internes
Depuis le début février, les blocages ferroviaires effectués par différentes communautés autochtones partout au Canada soulignent une contradiction fondamentale en leur sein. Il existe un fossé entre la volonté populaire exprimée par les chefs héréditaires et celle des conseils de bande, créature du fédéral et de sa Loi sur les Indiens.
La Première Nation Wet’suwet’en, par l’entremise de la majorité de ses chefs héréditaires, lutte dans l’ouest du pays contre la construction d’un gazoduc par la compagnie Coastal GasLink. La Première nation dénonce le fait qu’on veuille démarrer un chantier sur ses terres ancestrales sans son consentement, en plus de présenter des risques environnementaux. Toutefois, le long du tracé du gazoduc jusqu’à Kitimat, plusieurs chefs de conseils de bande ont signé un accord avec Coastal GasLink. Ils ont tenté de convaincre leur communauté qu’il s’agit d’une bonne affaire pour améliorer leur situation économique.
Les chefs traditionnels, qui n’ont pas été consultés, ne l’entendent pas de la même façon. Ils s’opposent vigoureusement à cette entente. Le gouvernement fédéral a ainsi violé ses propres politiques de consultation et de consentement avec les Premières Nations. D’un côté, le gouvernement maintient ces peuples autochtones dans la misère par l’entremise de la Loi sur les Indiens. De l’autre, il leur promet une meilleure santé économique si elles se plient aux exigences des industries extractivistes canadiennes.
Entrevue avec Stone Iwaasa
ALTERNATIVE SOCIALISTE a eu l’occasion de s’entretenir avec le militant Stone Iwaasa. Né en Alberta et établi à Montréal depuis 45 ans, il a enseigné à l’UQAM au département de communication. Il maintient d’excellentes relations avec le clan traditionnel des Mohawks de Kahnawake. Il a d’ailleurs écrit un article fort intéressant sur le système de connaissances des Autochtones[1]. Mobilisé sur les enjeux d’environnement et de liberté des peuples, Iwaasa nous a partagé ses réflexions sur les récents blocages de chemin de fer en solidarité avec la nation des Wet’suwet’en.
ALTERNATIVE SOCIALISTE. Quel rôle jouent encore aujourd’hui les clans traditionnels au sein de la communauté?
Stone Iwaasa. Si on prend l’exemple de l’industrie du tabac, ce que ça crée comme division chez les Mohawks, ceux et celles qui ont encore les valeurs traditionnelles ne veulent pas que cette industrie vienne créer des classes sociales de riches dans leur communauté. Ils veulent que la richesse soit partagée. Lorsque le fric rentre à flots pour certaines personnes, ça entraîne leur déconnexion avec leur tradition et leur identité. De grosses sommes de capital finissent par corrompre et créer de la division. Une chance que les clans traditionnels font énormément de discipline pour ne pas tomber dans le piège et inspirent aussi des groupes qui viennent de l’extérieur de la communauté mohawk. Eux ont déjà succombé à ce genre de problème et veulent prendre exemple de cette discipline pour contrôler l’influence du fric dans leur société.
AS. Qu’est-ce que tu penses de ceux et celles qui s’opposent aux blocus dans le pays?
SI. Le pauvre citoyen qui risque de perdre sa job, c’est sûr que c’est malheureux. Mais il y a des Autochtones qui ont carrément délaissé leur job parce qu’il fallait protéger leur territoire. Il faut qu’il y ait de la solidarité avant, pendant et après entre tous. Il y a moyen de s’entraider, même après, sur la question de la création d’emplois. Avec des nouvelles technologies pour corriger les dégâts causés à l’environnement, alimentées avec des énergies comme l’éolien et le solaire, ça représente des opportunités pour pas mal de gens d’avoir des meilleures jobs, en gardant en tête que la nouvelle façon de faire, c’est une économie qui respecte l’environnement. Même chez les Wet’suwet’en, certains ont pensé à accepter des jobs dans l’industrie pétrolière parce que les conseils de bande leur ont dit que c’était bien pour la communauté. Mais les vrais gardiens du territoire, les clans traditionnels, les ont avertis des conséquences de suivre une entité politique qui est une créature du fédéral au service du capital.AS. Comment les différentes nations, d’un océan à l’autre, arrivent-elles à établir aujourd’hui ces liens de solidarité ayant permis de faire ces blocages en chaîne?
SI. La communication est toujours possible entre les différentes nations, mais c’est le travail de maintien de cette communication qui est problématique et qui ne dure pas dans le temps. Lorsqu’il y a une crise, les liens se refont parce que ça affecte plus gravement les communautés. Et elles arrivent à rétablir le contact, même si les réalités des différentes nations au Canada peuvent créer certaines divergences entre elles. Défendre la terre, c’est défendre leur identité, car les Autochtones sont intimement liés à leur territoire ancestral. Mais c’est aussi défendre les intérêts de tous et toutes, car la terre, ça concerne tous les humains. Mais lorsque la crise s’estompe, malheureusement l’engagement à entretenir cette lutte s’estompe avec elle et on baisse la garde. Là est tout le problème. Il y a des personnes partout au Canada, comme Stuart Myiow (porte-parole du clan traditionnel de l’Ours à Kahnawake), qui restent actives tout le temps et sont à l’affût de l’actualité pour activer les gens sur le terrain lorsqu’il est temps d’agir.
• Pour le retrait de la GRC des abords du territoire des Wet’suwet’en!
• Pour la libération de toutes les personnes arrêtées et l’abandon de toutes les charges!
• Pour l’annulation du projet de pipeline de Coastal Gaslink!
• Pour la création massive d’emplois publics et syndiqués dans les énergies propres afin de remplacer ceux des énergies fossiles!***
La « réconciliation » capitaliste
Le gouvernement Trudeau promet la « réconciliation » avec les Premières nations. Concrètement, cela reviendrait à dire que les nations autochtones récupéreraient leur indépendance politique et pourraient choisir le système politique qui les représente, plutôt que de se voir imposer une structure (conseils de bande) créée de toute pièce par le fédéral. Une vraie réconciliation impliquerait l’abrogation de l’infâme Loi sur les Indiens, qui maintient les Premières nations dans un état de dépendance.
Or, cette loi enchâsse autant leur statut de subordonnées du fédéral que le respect des traités sur leurs territoires ancestraux. L’abolition de la Loi sur les Indiens pourrait ouvrir la porte au droit à l’autodétermination des Premières nations, mais aussi remettre en cause la validité de tous les traités territoriaux avec le Canada. Et c’est toujours cet enjeu de la défense des territoires non cédés qui resurgit dans les conflits entre les peuples autochtones et les compagnies polluantes et usurpatrices de ressources naturelles.
En conséquence, beaucoup d’Autochtones ne sont pas en faveur de l’abolition de la Loi sur les Indiens. Voilà aussi pourquoi l’ancien premier ministre Stephen Harper était aussi enclin à faire opposition aux libéraux en suggérant l’abolition de cette loi, sous le couvert d’un soi-disant respect des Premières nations. Dans le fond, il a voulu abolir les dernières barrières à l’avancement des projets de pipelines.
Traités ou pas, les compagnies privées veulent piger dans le plat de bonbons dès maintenant, sans embûches. Le respect des terres ancestrales est le dernier de leurs soucis. Au-delà de ce respect, il s’agit d’arrêter l’occupation, l’usurpation et l’exploitation des nations et territoires autochtones. Il s’agit d’arrêter le viol de leurs droits fondamentaux et la destruction de l’environnement.
ALTERNATIVE SOCIALISTE défend :
• L’abolition de la Loi sur les Indiens et le respect intégral de tous les traités historiques sur les territoires ancestraux.
• L’autodétermination des Premières nations, incluant le droit à la séparation.
• Une fédération socialiste libre et volontaire des peuples et des nations présentes sur le territoire de l’État canadien.[1] Un équilibre de l’esprit pour la planète et mère terre – les leçons des « traditionalistes » mohawks et vrais êtres (onkwe hon we). Pour ceux et celles qui veulent approfondir sur le sujet, le texte expose bien leur méthode basée sur la Grande Loi de la Paix et de la compréhension, qui est basée sur des principes de physique et de psychologie sociale.
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Élections fédérales canadiennes : Libéraux minoritaires, une période d’instabilité s’ouvre

Les Canadiens et les Canadiennes se sont réveillées mardi dernier avec un Parlement très différent de celui des quatre dernières années. Le nouveau gouvernement reflète de profondes différences régionales, un repli nationaliste au Québec, un fossé urbain/rural ainsi qu’un décalage entre la vision d’une économie canadienne basée sur les ressources naturelles et celle d’une économie « verte » et diversifiée.
Déclaration de Socialist Alternative, section du CIO au Canada
Le nouveau gouvernement libéral minoritaire fait face à une période d’instabilité politique. Le premier ministre Trudeau devra négocier avec le NPD ou le Bloc québécois – désormais en position de balance du pouvoir – concernant les sujets sur lesquels ils ne seront pas déjà en accord avec les conservateurs. Les chefs des deux grands partis, Andrew Scheer du Parti conservateur et Justin Trudeau du Parti libéral, sortent tous deux affaiblis des élections du 21 octobre. À l’opposé, le Bloc québécois devient le 3e parti en importance après avoir repris la quasi-totalité des circonscriptions québécoises du Nouveau parti démocratique (NPD). Cette période d’instabilité politique ouvre la porte aux idées et aux méthodes d’action socialistes parmi les travailleurs, les travailleuses et la jeunesse en lutte.
La polarisation continue
La situation économique mondiale se dégrade. Une nouvelle récession est imminente. Le Canada est pris en étau dans une guerre commerciale où s’affrontent des États-Unis en déclin et une Chine en expansion. L’effritement de l’ordre économique déstabilise l’ordre politique des partis capitalistes traditionnels. Les libéraux, les conservateurs, les néo-démocrates et toutes leurs succursales provinciales ne savent plus comment gérer les crises qu’ils ont eux-mêmes créées. La population s’en rend compte. Les problèmes de logements et l’endettement record sont là pour le prouver.
Des centaines de milliers de personnes ont laissé tomber les libéraux pour se tourner vers le pôle Conservateur/Bloc québécois. Cette polarisation politique vers la droite s’inscrit dans la même tendance que celle observée aux États-Unis et dans plusieurs pays d’Europe.
Rejet des libéraux, du provincial…
Une polarisation du vote vers un pôle plus à droite et un pôle plus à gauche s’est opérée lors des élections provinciales des deux dernières années. Les gouvernements du Québec, de l’Île-du-Prince-Édouard, de l’Alberta, du Nouveau-Brunswick et d’Ontario ont tous été défaits au profit de la droite conservatrice et populiste. L’essor des Verts comme opposition officielle à l’ Île-du-Prince-Édouard, leur percée en Colombie-Britannique et au Nouveau-Brunswick ainsi que la montée de Québec solidaire au Québec ont aussi eu lieu grâce aux fuites d’appuis provenant des partis traditionnels du pouvoir.
… au fédéral
Les résultats des élections fédérales témoignent, dans une moindre mesure, de cette polarisation politique marquée davantage à droite. Les libéraux ont perdu 20 circonscriptions à la dissolution de la Chambre des communes. Ils s’établissent maintenant avec 157 député·es. Le scandale de corruption avec SNC-Lavalin, les conflits d’intérêts avec l’Aga Khan, l’hypocrisie climatique avec l’achat de l’oléoduc Trans Mountain en plus des promesses électorales brisées (réforme électorale, aide aux communautés autochtones, etc.) ont participé à décrédibiliser les libéraux.
L’appel au « vote stratégique » contre les conservateurs – imploré par Trudeau, les signataires du Pacte pour la transition écologique, l’auteure Margaret Atwood ainsi que le syndicat Unifor – semble avoir eu très peu d’impact. Les résultats du scrutin reflètent davantage un vote de principe, que ce soit le vote libéral en Ontario et sur l’Île de Montréal, le vote nationaliste au Québec ou le vote « vert » au Nouveau-Brunswick.
Malgré la tenue d’actions et de mobilisations climatiques historiques en pleine campagne électorale, le vote « vert » ne s’est pas matérialisé dans le reste du Canada. L’une des principales causes de cet échec réside dans le manque complet de leadership politique assuré par les organisations derrière les mouvements pour le climat. L’incapacité ou le refus de lier la lutte contre les GES à une lutte politique contre les partis capitalistes pollueurs vient de gâcher l’un des plus importants momentum politiques des dernières décennies. De son côté, le Parti vert d’Elizabeth May a fait piètre figure avec 6,5% des voix. Loin d’incarner la lutte, ce parti a néanmoins presque doublé son score, lui permettant de faire élire 3 député·es.
Gains chez les conservateurs
Les conservateurs sont passés de 95 à 121 sièges aux dépens des libéraux. Ils ont d’ailleurs remporté plus de voix que les libéraux (34,4% vs 33,06%). Leur soutien est monté d’environ 3 % par rapport à 2015. Les conservateurs ont imposé leur hégémonie dans l’Ouest canadien (Colombie-Britannique, Alberta, Saskatchewan, Manitoba), où ils concentrent près de 60% de leur députation. Ces provinces comptent pour 31% de la population canadienne.
Le secteur pétrolier et gazier de l’Ouest canadien ne s’est pas remis de la chute brutale des prix en 2014. Les travailleurs et les travailleuses de l’Alberta en souffrent. Les élites politiques prétendent qu’un pipeline résoudra leurs problèmes. Elles les posent en victimes afin de nourrir un ressentiment envers le fédéral et les écologistes. Ces élites détournent ainsi l’attention des vrais coupables, les riches entreprises polluantes qui s’en sont mis plein les poches en exploitant les gens et l’environnement. Une récession économique exacerbera ces tensions.
Les conservateurs ont aussi gagné trois sièges en Ontario et quatre dans les provinces de l’Atlantique. Ils en ont toutefois perdu au Québec en faveur du Bloc.
NPD, de la vague à l’échouement
Le NPD de Jagmeet Singh a maintenu sa députation au Canada anglais. Il a toutefois perdu tous ses sièges au Québec, sauf un, au profit du Bloc québécois. Le NPD passe ainsi à 24 député·es (?15), reculant à la 4e position à la Chambre des communes. L’appel au « vote progressiste » fait par Singh en fin de campagne est tombé à plat. Après huit ans en position de force, le NPD a échoué à devenir cette alternative politique.
Suite au succès retentissant du NPD de Jack Layton au Québec en 2011, 59 personnes avaient été élu·es aux dépens du Bloc. Le NPD était devenu l’opposition officielle à Ottawa. À la mort de Layton, l’ancien ministre libéral québécois Thomas Mulcair a pris la tête du parti. Mulcair et son équipe en ont profité pour opérer un tournant à droite dans le parti, à la sauce Tony Blair. Coup de théâtre aux élections fédérales de 2015, les libéraux de Justin Trudeau doublent le NDP avec un discours plus à gauche. Le NPD tombe à 16 sièges au Québec et 28 dans le reste du Canada.
Se battre pour de vrai
Après la déconfiture de 2015, le NPD a pris deux ans avant de se choisir un nouveau chef centriste, Jagmeet Singh. Ce dernier s’est fait élire dans une élection partielle 17 mois plus tard. Sous la gouverne de Singh, le NPD a pris un tournant clientéliste vers la communauté Sikh, tout comme les libéraux. Singh a également tergiversé quant à son appui à l’oléoduc Trans Mountain après que la cheffe du NPD albertain ait chanté les louanges des sables bitumineux.
Malgré la puissance acquise en 2011, les membres du NPD n’ont pas cru bon de mobiliser les communautés et d’organiser politiquement la lutte contre la pluie d’attaques des conservateurs de Harper, puis des libéraux de Trudeau. Des campagnes nationales entre les élections pour la taxation des super-riches et des entreprises ou pour l’ajout des médicaments d’ordonnance, des soins dentaires et oculaires au système public de santé auraient fait toute la différence.
Au cours des dernières années, l’équipe de Singh s’est désagrégée, accusant des démissions constantes. Les préparatifs pré-électoraux ont été négligés. Quelques semaines avant les élections fédérales, le député Pierre Nantel est d’ailleurs passé au Parti vert. Depuis, le discours du chef a pris un tournant radical à gauche et en faveur du respect des droits de la nation québécoise. Trop peu, trop tard.
Après 75 victoires électorales en huit ans, le NPD a été incapable de s’enraciner au Québec, sauf dans la circonscription du numéro 2 du parti, Alexandre Boulerice. Le parti a échoué à se mettre au diapason des mouvements climatique, notamment en évitant de se positionner clairement sur les oléoducs de Trans Mountain, de GNL Québec et de LNG en Colombie-Britannique. Le slogan électoral du NPD, « On se bat pour vous », a sonné davantage comme une campagne de relations publiques qu’un appel à la lutte.
Bien que Singh se soit démarqué de Trudeau et de Scheer avec ses politiques climatiques audacieuses – fin des subventions de 3G$ aux sociétés pétrolières et gazières, création de 300 000 emplois verts de qualité – c’est le Bloc qui a raflé la mise.
Le Bloc, plus noir que vert
Toute proportion gardée, c’est le Bloc québécois qui a connu les gains les plus importants. Passant de 10 à 32 député·es, il se hisse comme 3e parti canadien en importance, devant le NPD. Son nouveau chef, l’ancien ministre de l’Environnement Yves-François Blanchet, a réussi un tour de force. Il a réussi à cumuler le vote nationaliste anti-pipeline au vote identitaire en faveur de la Loi 21.
Blanchet a vanté son parti comme « le plus vert et le plus écologique de tous » en claironnant son opposition au « pétrole sale » de l’Alberta. Il a aussi défendu l’idée « d’accrocher l’environnement à l’idée d’indépendance », optique qui a cruellement fait défaut au NPD et au Parti vert plus centralisateurs. Toutefois, au-delà des belles paroles, Blanchet a un lourd passif environnemental. Sous le gouvernement péquiste de Pauline Marois, il a donné son accord à l’inversion du pipeline 9b de Enbridge. Il a accepté la construction du projet le plus polluant au Québec, la cimenterie McInnis. Il aussi permis les forages avec fracturation sur l’Île d’Anticosti.
Durant la campagne fédérale, Blanchet a soigneusement évité de se prononcer sur le projet de gazoduc Abitibi-Saguenay et celui du 3e lien à Québec. Comme quoi, les intérêts des grandes compagnies polluantes peuvent très bien trouver refuge au Bloc.
Relais du nationalisme caquiste
Durant les débats des chefs, le thème du climat a vite été éclipsé par celui de l’identité québécoise et de la loi sur la laïcité de l’État (Loi 21)1. Complètement effondré l’an dernier, le Bloc a réussi à renaître de ses cendres en collant son discours sur le nationalisme francophone catholique de la Coalition avenir Québec (CAQ). Le Bloc s’est ainsi assuré de dépasser les conservateurs sur leur droite avant même qu’ils ne démarrent leur campagne. Les troupes de Scheer, prises au dépourvu, ont dû mener une campagne de rattrapage au Québec. Le Bloc a ainsi dérobé deux circonscriptions aux conservateurs. Les nouvelles circonscriptions bloquistes couvrent une bonne partie celles remportées par la CAQ l’automne dernier.
Blanchet et le premier ministre François Legault se sont tous deux braqués contre les volontés des partis fédéraux d’intervenir quant à l’application de la Loi 21 au Québec. Cette loi, qui stigmatise particulièrement les femmes portant le foulard islamique, est surtout défendue à l’extérieur des grands centres urbains. La vague d’islamophobie des dernières années n’a pas manqué de faire réagir quatre candidatures bloquistes. Leurs propos islamophobes ont d’ailleurs fait les manchettes. La volonté de Trudeau de contester la Loi 21 semble avoir eu un écho parmi les populations concernées. Dans le Grand Montréal, 16 des 18 circonscriptions sont désormais libérales.
L’indépendance nationale, pas le nationalisme
L’essor du nationalisme identitaire québécois s’inscrit dans un phénomène mondial. Au fur et à mesure que le capitalisme s’enfonce dans la crise, les guerres, les vagues d’immigrations et les attaques aux droits nationaux s’intensifient. En Écosse et en Catalogne, des mouvements pour la défense des droits nationaux et pour l’indépendance se réorganisent sur une base massive.
Pour le chef du Bloc, parler de souveraineté du Québec n’est en réalité qu’un prétexte pour flatter les gens dans le sens du poil. La direction du Bloc n’a aucun plan ni aucune stratégie d’accession à l’indépendance. Sa seule stratégie consiste à revenir aux vieilles confrontations avec le Canada, mais avec de nouveaux thèmes comme la « péréquation verte » et la loi 21. La présence du Bloc à Ottawa conforte les Québécois et les Québécoises à sombrer dans un nationalisme sans issue. Pourquoi? Parce que l’appui populaire au Bloc n’est pas basé sur un mouvement vivant et militant parmi la classe ouvrière. Comme pour la CAQ, l’objectif du Bloc est de défendre les intérêts des riches capitalistes québécois, pas ceux de la classe ouvrière.
Échec du Parti populaire
Le très réactionnaire et climato-sceptique Parti populaire de Maxime Bernier a mordu la poussière avec 1,64% des voix, même si ce dernier a bénéficié d’un accès privilégié aux débats des chefs et d’une abondante couverture médiatique.
En 2017, Bernier a perdu la course à la direction du Parti conservateur du Canada au profit d’Andrew Scheer, avec moins de 1% d’écart. Il a ensuite fait scission pour créer son propre parti xénophobe. Suite au scrutin du 21 octobre, Bernier a perdu son propre siège en Beauce. Les agriculteurs et agricultrices lui ont retiré leur appui suite à ses prises de position en faveur d’une déréglementation du secteur laitier et d’autres secteurs agricoles. Même avec ce lamentable échec, ce type de populisme radical de droite pourrait néanmoins gagner du terrain si une opposition socialiste ne s’organise pas pour répondre aux besoins des gens.
Gouvernement minoritaire: une opportunité de réforme?
L’État canadien a connu 11 gouvernements minoritaires, dont 9 au cours des 20 dernières élections. Ces gouvernements ont rarement duré plus de deux ans. À deux reprises, d’importantes réformes ont été introduites lorsque le NPD a détenu la balance du pouvoir. Le premier épisode s’est déroulé entre 1963 et 1965. Une étroite collaboration entre les libéraux et les néo-démocrates a mené à l’instauration du régime universel de soins de santé, au Régime de pensions du Canada et à l’abolition de la peine capitale. De 1972 à 1974, le NPD a exigé la création de Petro-Canada en échange de son appui au gouvernement minoritaire du libéral Pierre Eliott Trudeau.
Le caucus néo-démocrate actuel est affaibli et se retrouverait démuni face à une élection précipitée. Malgré ces difficultés, le NPD de Singh prouvera-t-il son utilité en arrachant des réformes en faveur de la classe ouvrière? Ce parti utilisera-t-il son influence pour obtenir la construction de logements abordables, la création d’un programme national d’assurance-médicaments et le plafonnement des prix de service de téléphonie cellulaire?
À l’inverse, le NPD risque d’y laisser sa peau s’il entre dans un gouvernement de coalition avec les libéraux et intègre le cabinet ministériel. Le cas de l’alliance entre le Parti communiste français et le Parti socialiste de Mitterand montrent que la classe ouvrière ne pardonne pas à un parti qui a participé à un gouvernement d’austérité.
Une alternative socialiste à construire
L’absence d’une réelle alternative politique socialiste nourrit l’instabilité politique au Canada. Sans option politique qui agit au jour le jour pour défendre les intérêts des travailleurs et des travailleuses, les gens passent facilement de l’appui d’un parti à un autre. Plusieurs préfèrent carrément le cynisme et l’abstention. Le taux de participation aux élections fédérales a d’ailleurs baissé de 2,35%, pour s’établir à 65,95%.
Il est impératif pour ceux et celles qui veulent changer la société d’organiser une opposition politique socialiste aux attaques qui se préparent contre nos droits et notre environnement. D’autant plus que selon un sondage Ipsos réalisé en septembre, 67 % des Canadiens et des Canadiennes pensent que l’économie est truquée à l’avantage des riches et des puissants. Et 61 % sont d’accord pour dire que les partis politiques traditionnels ne se soucient pas des gens comme eux.
Arrêter de gérer le capitalisme
Le NPD croit pouvoir gérer le capitalisme mieux que les autres partis. Or, les crises économiques et les catastrophes écologiques ne sont pas des erreurs de gestion. Elles sont à la source du capitalisme. La récession mondiale imminente et les crises écologiques mondiales exigent une réponse à la hauteur, un dépassement du capitalisme. Ces événements menacent de faire tomber le gouvernement libéral à tout moment. Dans une situation de perturbation économique, les libéraux feront des pieds et des mains pour que les grandes entreprises maintiennent leurs profits. Ils seront incapables de répondre également aux besoins de la classe ouvrière.
Pour des campagnes de terrain
S’il veut se fortifier et gagner, le NPD doit organiser des campagnes militantes basées sur des revendications concrètes dans les milieux de vie, pas seulement auprès des médias. Il est temps d’adopter des politiques socialistes audacieuses payées par les riches et non par la classe ouvrière. Des politiques qui donnent de l’espoir aux travailleurs et aux travailleuses. Des politiques qui proposent des emplois de qualité fondés sur une transition juste vers les énergies propres, y compris pour les personnes qui travaillent dans les secteurs des ressources naturelles et énergétiques.
Selon un rapport récent de Statistique Canada, les entreprises canadiennes ont déclaré détenir 353,1 milliards $ d’actifs dans des paradis fiscaux en 2018. Si cet argent était pris en charge par le secteur public, cela permettrait des investissements massifs dans les énergies renouvelables, pour l’amélioration et l’isolation des maisons et bâtiments ainsi que pour la mise en place de réseaux de transports publics gratuits dans les villes et entre elles. Autant de projets qui créeraient de bons emplois verts.
Nous devons absolument faire émerger un vrai parti des travailleurs et des travailleuses sur l’ensemble du territoire de l’État canadien, qu’il naisse à partir du NPD ou à partir de nouvelles candidatures indépendantes.

Notes:
1. La Loi sur la laïcité de l’État (ex-projet de loi 21) interdit le port de signes religieux à plusieurs catégories d’employé·es de l’État en position d’autorité (juges, police, procureurs de la Couronne, direction d’école, gardien·nes de prison et enseignant·es du primaire et du secondaire).
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Relations mondiales : Divisions ouvertes au G7

L’échec du G7 et les pénalités douanières reflètent le désordre capitaliste mondial.
Les déclarations de Trump à la suite de sa rencontre de Singapour avec Kim Jong-un ont fortement contrasté avec l’humeur pessimiste de la plupart des autres dirigeants qui l’avaient accompagné au dernier sommet du G7, au Canada.
Par Robert Bechert, Secrétariat international du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO)
Ce G7 fut une démonstration de faiblesse de la part de ce club de dirigeants. La réunion n’a pas pu cacher les divisions croissantes entre les vieilles puissances impérialistes, chose inédite depuis le début de ces réunions en 1975. Ce rassemblement de dirigeants capitalistes de premier plan n’avait vraiment rien à dire sur les questions cruciales auxquelles le monde est confronté. Le déclin du G7 a été fortement symbolisé par le retrait de Trump du communiqué final du G7. Cet exemple largement symbolique de la politique “America First” de Trump a été suivi par quelque chose de plus significatif, l’imposition de taxes douanières supplémentaires sur une série d’exportations chinoises vers les États-Unis.
Ces mesures, ainsi que l’imposition antérieure de taxes supplémentaires sur les importations d’acier et d’aluminium aux États-Unis, ont accru les craintes des opposants de Trump, et de certains secteurs clés du milieu américain des affaires, que ces pénalités douanières puissent déclencher une guerre commerciale ou, à tout le moins, un ralentissement de l’économie mondiale.
Ces mesures, ainsi que d’autres développements tels que la réaffirmation du rôle du régime russe au Moyen-Orient et ailleurs, ouvrent un nouveau chapitre dans les relations mondiales.
Les affrontements individuels entre leaders n’étaient pas uniquement le résultat de la brutalité de Trump, de son ego, de ses propres « fake facts » et de ses changements rapides de politique. Plus fondamentalement, ils reflètent les changements qui surviennent dans les relations politiques et économiques mondiales alors que les rivalités et l’instabilité augmentent à un moment où l’économie internationale n’a pas encore échappé aux conséquences de la crise qui a commencé en 2007/8.
La montée en puissance de la Chine nouvellement capitaliste et l’affaiblissement relatif de l’impérialisme américain constituent des éléments cruciaux. Ce déclin est l’une des raisons pour lesquelles Trump utilise des tarifs douaniers contre la Chine. Historiquement, la première puissance de toute époque a défendu le libre-échange, en raison de sa domination du marché mondial, comme l’a fait la Grande-Bretagne au XIXe siècle. En outre, la domination stratégique internationale dont les Etats-Unis ont bénéficié après l’effondrement de l’ex-Union soviétique est terminée. Mais, en dépit de la montée en puissance de la Chine et de son rôle international croissant, les États-Unis demeurent aujourd’hui encore la première économie mondiale et la puissance militaire mondiale prédominante.
D’autres ingrédients de ce mélange international volatil sont l’aiguisement des questions environnementales, comme l’approvisionnement en eau, et la façon dont certains pays connaissent une croissance démographique rapide qui modifie également les équilibres de force régionaux, tout en posant fortement la question de ce que l’avenir réserve à des dizaines de millions de jeunes.
Pour les jeunes en particulier, le futur caractère de l’emploi est posé par les changements structurels profonds qui se produisent à la fois dans les économies nationales et dans l’économie mondiale à mesure que la technologie et la numérisation se développent. Une question clé sera de savoir qui bénéficiera de ces changements, les capitalistes et une petite élite ou au contraire la masse de l’humanité. Actuellement, beaucoup de ces développements sont utilisés pour accroître les profits et aiguiser la concurrence au détriment des travailleurs.
Dans ce contexte, l’économie mondiale a renoué avec la croissance, mais à un rythme plus lent qu’avant la crise de 2007/8. Cependant, une grande partie de cette croissance repose sur l’utilisation de la dette pour tenter de surmonter les séquelles persistantes de cette crise. Rien qu’en 2017, la dette mondiale totale a augmenté de plus de 20.000 milliards de dollars pour atteindre 237.000 milliards de dollars, soit l’équivalent de 30.000 dollars pour chaque être humain sur la planète, ce qui a suscité des craintes d’une nouvelle crise financière.
Simultanément, l’Union européenne (UE) est confrontée à ses propres problèmes de tensions entre ses membres, aux effets de Brexit, à la prévention d’une nouvelle crise monétaire de l’euro, à l’impact de l’afflux de migrants et à son propre déclin international relatif. Ce n’est pas un hasard si, au G7, le nouveau gouvernement italien était le seul qui semblait éprouver de la sympathie à l’égard de certaines des positions de Trump.
Tout cela s’est traduit par une concurrence accrue entre puissances rivales pour maintenir ou accroître leur part d’un marché à croissance lente et à concurrence plus intense. L’”America First” de Trump en est un exemple frappant, mais il exprime plus ouvertement et plus grossièrement ce que tous les capitalistes visent. L’administration de Trump ne s’inquiète pas de l’instabilité que ses actions créent, elle la considère comme une rupture de l’équilibre avec ses rivaux et libère l’impérialisme américain de certaines des contraintes imposées par la collaboration avec d’autres puissances. Mais la classe dirigeante américaine est loin d’être la seule à poursuivre ses propres intérêts, actuellement c’est Trump qui est tout simplement le plus direct à le dire. L’impérialisme allemand est actuellement généralement plus circonspect dans la manière dont il cherche à diriger l’UE, bien qu’il ait été brutal lorsqu’il a réussi à mettre la Grèce au pied du mur en 2015.
Trump veut également toujours préserver sa base aux Etats-Unis, la plupart de ses tweets lui sont destinée, un régime régulier de vantardises concernant ce qu’il a “fait”, de nationalisme et d’attaques populistes contre ses opposants. Outre la droite, une partie importante de la base de Trump est composée de ceux dont le niveau de vie était déjà en difficulté avant la récession et qui se sentaient les laissés pour compte de ce qu’ils voyaient comme un establishment élitiste. Ainsi, Trump continue de promettre de “rendre l’Amérique à nouveau grande” ainsi que de ramener des emplois de bonne qualité dans le pays et d’attaquer hypocritement les membres de la classe dirigeante américaine qui osent s’opposer à lui.
Mais, à bien des égards, la situation aux États-Unis n’est pas unique. Partout dans le monde, la colère et l’aliénation minent les institutions et les structures existantes, y compris les parlements et les partis politiques. Dans de nombreux pays, avant même l’éclatement de la crise de 2007/8, des années d’attaques néolibérales et de revers pour les mouvements ouvriers avaient entraîné une polarisation croissante de la richesse et une diminution des conditions de vie tant pour la classe ouvrière que pour des sections de la classe moyenne.
Depuis lors, la longue crise a davantage creusé le niveau de vie, le travail “atypique” (les contrats à durée déterminée, le travail précaire, le développement de secteurs à bas salaire imposés par les autorités, etc.) s’est étendu et de plus en plus de gens craignaient que leurs enfants et leurs petits-enfants aient un niveau de vie moins élevé et des perspectives de vie moins bonnes. En plus de cette colère, l’idée s’est développée parmi beaucoup de gens qu’ils payent une crise dont ils ne sont pas responsables, en dépit des efforts vains de la classe dirigeante pour leur faire accepter l’inverse. Le fait que de nombreuses banques, dont il est généralement admis qu’elles ont déclenché la crise de 2007/8, ont recommencé à réaliser d’énormes bénéfices ne fera que renforcer cette amertume.
Autre source d’amertume ; la récente croissance économique limitée n’a pas, dans de nombreux pays, entraîné d’augmentation réelle et soutenue des revenus et des conditions de travail de la classe ouvrière ou de la classe moyenne. Actuellement, l’Allemagne, la plus grande économie européenne, connaît le taux d’emploi le plus élevé de son histoire, mais les syndicats estiment qu’environ 20% des travailleurs se trouvent dans le secteur des bas salaires.
Cela survient à un moment où, à l’échelle internationale, l’énorme polarisation des richesses s’est poursuivie. Les politiques d’”assouplissement quantitatif” (QE, quantitative easing) menées par de nombreux gouvernements dans le but d’atténuer l’impact de la crise ont dans les faits également servi à enrichir davantage la classe dirigeante. En Grande-Bretagne, la Banque d’Angleterre estime que les 10% des familles les plus riches ont bénéficié en moyenne chacune de 350.000 livres sterling grâce à ces opérations d’assouplissement quantitatif entre 2009 et 2014, soit environ 1.345 livres sterling de revenus supplémentaires chaque semaine, et ces familles ont certainement gagné bien plus depuis lors.
Après le début de la crise, pays après pays, les protestations se sont multipliées, qu’il s’agisse de luttes industrielles, de manifestations de masse ou de la naissance de nouveaux mouvements politiques. Toutefois, jusqu’à présent, ces développements n’ont pas conduit à des changements décisifs. Cela s’explique en grande partie par le fait que les dirigeants de ces mouvements ne disposent pas d’un programme visant à contester le système capitaliste ou ne sont pas disposés à le faire. Cet échec, qui s’est surtout traduit par la trahison des dirigeants de SYRIZA en Grèce en 2015 lorsqu’ils ont accepté de mettre en œuvre des politiques d’austérité, a souvent ouvert la voie à la croissance des populistes de droite et des partis d’extrême droite. Ces forces ont parfois mentionné de véritables questions et craintes, mais ont donné des réponses erronées, souvent enrobées d’une propagande réactionnaire et nationaliste.
La victoire de Trump elle-même était en partie enracinée dans la déception éprouvée face aux promesses « d’espoir » d’Obama, qui ne se sont pas concrétisées pour nombre d’Américains, au côté de la campagne pro-entreprise pourrie de Clinton. Alors que Trump représente une partie de la classe dirigeante américaine, sa prise de pouvoir sur le parti républicain américain et son arrivée à la présidence reflète combien les classes dirigeantes nationales ont, du moins pour l’instant, perdu leur emprise sur les événements politiques dans leurs propres États. Même si les politiciens capitalistes et les machines d’Etat n’ont pas dans le passé tout simplement été de simples marionnettes aux mains de la classe dirigeante, ils représentaient généralement leurs intérêts généraux, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui avec les gouvernements actuels aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et maintenant en Italie.
Mais les événements ne se développent pas en ligne droite. La victoire de Trump elle-même a stimulé l’opposition au sein des États-Unis. Il ne faut pas oublier qu’il a perdu le vote populaire en 2016 et que Trump craint évidemment de futures défaites électorales. Il veut désespérément maintenir sa base ensemble, se présenter comme un “outsider” et est prêt à blâmer les autres pour tous ses échecs. Ses tactiques grossières, souvent basées la logique de « diviser pour mieux régner » tant au niveau national qu’international, peuvent elles-mêmes accroître les turbulence et provoquer des changements rapides.
Malgré son caractère international, fortement renforcé par la mondialisation, le capitalisme, de par sa nature même, est enraciné dans l’État-nation, ce qui entraîne des rivalités, des affrontements et est à l’origine de conflits et de guerres. Avant la Seconde Guerre mondiale, c’était même le cas entre alliés. Ce n’est qu’en 1939 que l’armée américaine a cessé de mettre à jour son « War Plan Red », un plan consacré à un éventuel conflit militaire avec la Grande-Bretagne. Et même alors, ce plan a été préservé un certain nombre d’années. Il est évident qu’il n’y a aucune perspective de guerre entre les États-Unis et la Grande-Bretagne aujourd’hui, mais l’histoire joue encore un rôle aujourd’hui. Ainsi, dans le cadre de sa propagande, Trump a récemment reproché au Canada d’avoir incendié Washington DC en 1814, alors qu’il s’agissait en fait d’une armée britannique.
Après 1945, le capitalisme a été contesté durant des décennies par le stalinisme. Le stalinisme ne représentait pas le socialisme, mais un régime totalitaire qui a émergé à partir des développements contre-révolutionnaires survenus en Russie dans les années 1920 et 1930. Cependant, pendant des décennies, ce système ne reposait pas sur une économie capitaliste. Pendant un certain temps, surtout après 1945, les puissances capitalistes ont craint que la transformation de pays comme la Russie et la Chine soit considérée comme des exemples illustrant que des alternatives au capitalisme étaient possibles. L’existence d’Etats non capitalistes, bien que staliniens, a fourni un ciment qui a généralement gardé sous contrôle les rivalités et les conflits entre grandes puissances capitalistes. Mais après l’effondrement du stalinisme en ex-Union soviétique et en Europe, suivi de la transformation de la Chine en une forme particulière de capitalisme d’État, ce ciment s’est dissous. C’est en partie pourquoi Trump et ses partisans estiment que c’est le bon moment pour lancer une contre-offensive contre les capitalistes rivaux qui prospèrent aux dépens des Etats-Unis.
Mais ce ne sont pas seulement les politiques de Trump qui causent des perturbations. Les tensions s’intensifient à nouveau au sein de l’Union européenne, non seulement sur la question des migrations, mais aussi sur l’avenir de la zone euro, en particulier sur la manière de faire face à une nouvelle crise bancaire, ce qui est largement considéré comme une possibilité. L’UE peut également être confrontée par le fait que l’Italie et d’autres pays de l’UE, se tournent vers Trump afin de bénéficier d’un effet de levier contre l’Allemagne et la France, ce qui conduirait à des affrontements plus profonds.
Depuis les années 1930, les divisions capitalistes internationales n’ont jamais été aussi ouvertes. Alors que des affrontements militaires directs entre grandes puissances capitalistes sont très peu probables à ce stade, la possibilité de conflits régionaux, de guerres par procuration et, plus tard, peut-être même d’escarmouches entre les forces américaines et chinoises ne peut être exclue.
Bien sûr, dans ces conflits, l’hypocrisie ne manque pas de part et d’autre. Les médias capitalistes des pays qui ressentent les attaques de Trump ont critiqué son incapacité à mentionner les droits de l’homme avec Kim Jong-un, mais ils omettent souvent de mentionner le silence de leurs propres gouvernements sur les droits de l’homme en Arabie Saoudite et dans les autres dictatures du Golfe.
La polarisation qui prend place aux États-Unis montre comment les politiques de Trump, l’enrichissement de sa propre famille et son comportement personnel provoquent une opposition. Parallèlement, la combinaison d’une croissance économique limitée et d’une augmentation considérable des bénéfices de nombreuses entreprises aux États-Unis commence à encourager les travailleurs à faire pression pour obtenir leurs revendications. Le nombre total de membres des syndicats américains a augmenté de 262.000 personnes l’an dernier, les trois quarts de ces nouveaux affiliés ayant moins de 34 ans. Cette année a déjà été marquée par une vague de grèves parmi les enseignants, souvent organisées par la base, afin d’exiger plus de moyens pour l’enseignement ainsi que de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail.
Tant aux États-Unis qu’à l’échelle internationale, on craint que les politiques de Trump, malgré sa rencontre amicale avec Kim Jong-un, ne conduisent à de nouveaux conflits militaires, en particulier au Moyen-Orient. Ceci, au côté de sa politique réactionnaire, constituera un facteur important dans les manifestations de masse qui accueilleront la visite de Trump en Grande-Bretagne en juillet.
Mais aux États-Unis même, l’intérêt croissant pour le socialisme reflète la recherche d’une issue pour la société. Parmi ceux qui cherchent une alternative se développe la compréhension que les victoires de la droite – d’abord George W. Bush et maintenant Trump – étaient le reflet de la déception populaire à l’égard des présidences de Bill Clinton et d’Obama. La victoire de Trump, comme les succès de la droite dans d’autres pays, est liée au fait que les républicains traditionnels et Hilary Clinton n’étaient pas en mesure de faire face aux populistes et nationalistes de droite, ainsi qu’à l’extrême droite, qui exploitent les craintes et la colère de la population.
C’est pourquoi il est si nécessaire de construire une alternative socialiste contre les troubles et les dysfonctionnements du capitalisme. Des luttes prendront place sur des questions importantes comme les conditions de vie, l’oppression, l’environnement et les droits démocratiques, ainsi que contre les politiques menées par les politiciens capitalistes. Il est d’une nécessité vitale de discuter du programme et des stratégies nécessaires pour remporter ces batailles mais, pour parvenir à un changement durable, cela doit être lié à la construction ou à la reconstruction d’un mouvement socialiste clairement indépendant du capitalisme et qui lui soit opposé.
Cela signifie d’avoir la perspective de renverser le capitalisme, de placer les secteurs économiques clés sous propriété publique et de commencer à démocratiquement planifier l’utilisation des talents humains et des ressources à travers le monde dans l’intérêt de l’humanité et non pour satisfaire l’avidité capitaliste. C’est ce que Socialist Alternative défend aux Etats-Unis dans les divers mouvements de lutte qui s’y développent et ce que d’autres activistes du Comité pour une Alternative Ouvrière défendent également dans le monde entier.
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Terrorisme d’extrême-droite contre les femmes à Toronto

Commémoration des victimes de Toronto. Photo : Wikipedia Curieusement, le terme de ‘‘terrorisme’’ n’a pas été utilisé après le terrible attentat perpétré en fourgonnette à Toronto. L’auteur, un homme blanc, a délibérément foncé sur des piétons, a tué dix personnes et en a blessées quinze. Le terroriste fait partie d’une communauté en ligne extrêmement misogyne qui s’appelle les Incels (pour ‘‘célibataires involontaires’’). Cet acte terroriste sera-t-il dilué derrière des problèmes mentaux ou reconnaîtra-t-on le réel danger que représente l’extrême droite ?
Par Sander (Termonde)
Parmi l’Alt-right, il se dit que la jeune génération d’hommes blancs serait la ‘‘victime ultime’’ de la prétendue ‘‘société du politiquement correct’’. Le racisme et le sexisme sont profondément enracinés dans ce système capitaliste. Ce sont des outils bien pratiques pour semer la discorde et monter les gens les uns contre les autres. C’est tout au bénéfice de l’infime minorité au sommet de la société que représente l’establishment capitaliste. La résistance antiraciste et féministe est tout sauf ‘‘politiquement correcte’’ dans un système où les idées dominantes sont toujours celles de la classe dirigeante.
Les Incels sont des hommes principalement blancs, issus de la classe moyenne, qui se sentent aliénés de la société. Leur haine à cet égard est essentiellement, mais pas exclusivement, dirigée contre les femmes. Selon eux, la révolution sexuelle a fait en sorte que les hommes ne sont plus le principal soutien de famille et ne sont plus ‘‘propriétaires’’ des femmes. Ce n’est pas un hasard si de telles idées apparaissent dans les cercles où les l’extrême droite est également présente.
Les Incels sont apparus pour la première fois sur Reddit. En raison de leur misogynie, de leur racisme et de leur glorification d’Elliot Rodger (l’auteur de la tuerie d’Isla Vista, en 2014, également motivée par la haine des femmes et où 6 personnes sont mortes), cette communauté a été bannie et elle est apparue sur d’autres forums et même sur leur propre site Web. Ce groupe défend les insultes contre les femmes, justifie le viol, incite au viol et à la pédophilie comme formes de domination, revendique l’instauration de bordels d’État où les femmes seraient condamnées à l’esclavage sexuel. Ainsi, l’homme ‘‘retrouverait’’ sa place ‘‘légitime’’ en enchaînant la femme au foyer, à la cuisine et au lit.
Ce n’est là qu’une des expressions de la ‘‘manosphère’’ sur Internet. Les MGTOW (acronyme signifiant Men Going Their Own Way, ou les hommes suivant leur propre voie en français) font eux aussi partie de ce camp de la haine et rejettent la responsabilité des problèmes économiques et sociaux sur les femmes et ‘‘choisissent’’ de suivre un style de vie misogyne. D’autres courants considèrent que ce qui ne fonctionne pas aujourd’hui n’a rien à voir avec le système, mais avec les victimes de celui-ci (les allocataires sociaux, les mères célibataires, etc.). Ces groupes ont en commun de rêver de l’arrivée d’une société où les femmes n’auraient aucun droit.
La classe dominante, les capitalistes, nous entraîne dans une spirale infernale reposant sur la compétition extrême entre des individus qui n’ont rien à y gagner. Et pendant que nous sommes joués les uns contre les autres pour quelques miettes, l’establishment capitaliste peut continuer à s’enrichir. Si le mouvement des travailleurs ne parvient pas à unifier les victimes de l’exploitation capitaliste dans un combat sérieux contre ce système, les tendances réactionnaires profiteront du vide. Ces courants ont beau prétendre s’opposer à l’establishment, leur idéologie participe pleinement à la stratégie de diviser pour régner chère à l’élite.
A cette division, nous opposons l’unité des victimes de ce système pour le renverser en faveur d’une société où chacun pourra trouver sa place, indépendamment de son origine, de son genre ou de son orientation sexuelle.
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Environnement. Pénurie énergétique et changement climatique : Il faut une planification socialiste pour les énergies alternatives
Un spectre hante le monde – le spectre du changement climatique irréversible. Mais en même temps, le monde est saisi d’une soif désespérée d’énergie. Chaque année, nous générons et utilisons de plus en plus, produisons de nouveaux produits, tandis que les habitants des pays riches sont persuadés de jeter leurs vieux produits. Au Royaume-Uni, la consommation d’énergie est restée à peu près constante pendant les 30 dernières années, parce que presque tous nos biens de consommation sont importés. L’énergie qui est nécessaire à la fabrication de ces produits, par exemple, en Chine, est une des raisons pour lesquelles la demande en énergie s’est tellement accrue. Mais la demande en énergie n’est pas simplement un besoin de l’“Occident avide”.
Par Geoff Jones, Socialist Party of England and Wales (CIO-Angleterre et Pays de Galles)
Au fur et à mesure que les travailleurs des pays en voie de développement s’organise et obtiennent le droit à la parole, ils demandent eux aussi le droit de pouvoir posséder tous ces biens que nous tenons pour indispensables à la vie : des frigos, des lampes électriques, des radiateurs ou climatiseurs.
La construction de routes, de chemins de fer, de logements décents, tout cela demande de l’énergie, même si de nouvelles technologies permettent aujourd’hui de ralentir la croissance de cette demande – par exemple, l’utilisation de téléphones portables nous épargne la nécessité de mettre en place un réseau de câbles téléphoniques ; les ampoules LED consomment beaucoup moins que les ampoules incandescentes traditionnelles.
La concentration de dioxyde de carbone et autres gaz à “effet de serre” dans l’atmosphère terrestre augmente de plus en plus. Cette augmentation de leur concentration va mener à une hausse de la température mondiale, dont les conséquences pourraient être catastrophiques pour l’humanité. 87 % de notre énergie dans le monde est produite en brulant des carburants fossiles non-renouvelables – essentiellement le pétrole, le gaz et le charbon –, ce qui génère du dioxyde de carbone.
Au Royaume-Uni, la proportion est presque la même, bien que le gouvernement Con-Dem se soit engagé à ce que 15 % (à peine) de notre énergie provienne de sources d’énergie renouvelables d’ici 2020. Une telle politique qui finalement ne mène à aucun changement, ne peut que nous conduire à la catastrophe.
Les sources d’énergie aujourd’hui
Aujourd’hui, la plupart de notre énergie est produite par de grosses multinationales dont le seul but est une offre sur le court terme et de super profits.
Pour extraire le pétrole, ils passent des contrats avec les seigneurs féodaux du Moyen-Orient, et ils transforment des terres agricoles en déserts pollués. Ce n’est que lorsque la pollution causée par l’extraction du pétrole apparait plus proche de chez eux, comme on l’a vu avec la catastrophe du golfe du Mexique, que les multinationales pétrolières (essentiellement américaines) affichent un tant soit peu de repentir – mais ça ne dure jamais qu’un bref moment.
Cela fait une génération que l’offre mondiale de pétrole est dominée par les dictatures du golfe Persique. L’Arabie saoudite produit ainsi à elle seul le dixième des exportations de pétrole. Cherchant désespérément d’autres sources, les compagnies pétrolières bâtissent des plate-formes pétrolières en haute mer qui forent de plus en plus profond et dans des zones de plus en plus dangereuses.
L’ironie suprême est que le réchauffement climatique lui-même cause la fonte des glaces polaires, ce qui ouvre tout d’un coup l’accès aux immenses gisements de pétrole et de gaz de l’Arctique, ce qui ne peut avoir pour conséquence qu’une hausse encore plus catastrophique de la température mondiale.
L’exploitation à ciel ouvert des sables bitumineux du nord du Canada, qui est un procédé extrêmement polluant et inefficace, fournit malgré tout 20 % des importations de pétrole américaines. À présent, il y a un projet de démarrer une exploitation qui créera dans le nord du Canada un désert toxique de la taille de l’Arabie saoudite, qui amènera ensuite le pétrole sur la côte Pacifique à l’ouest afin qu’il puisse y être acheminé vers la Chine. Ce projet a déjà provoqué de nombreuses manifestations.
Certains “biocarburants” sont une source alternative d’énergie, mais leur culture implique la destruction d’immenses superficies de forêt tropicale en Amérique latine et la reconversion de terrains aux États-Unis et ailleurs uniquement pour la production de maïs, à fins de biocarburant. Toutes ces terres pourraient à la place être employées pour cultiver des vivriers.
Après le pétrole, le gaz naturel est la deuxième plus grande source d’énergie du Royaume-Uni ; dans le monde, ce combustible est troisième derrière le charbon et le pétrole. Dans les années ’80 et ’90, les Tories ont utilisé les champs de gaz de la mer du Nord pour restaurer leur économie capitaliste en faillite. À présent ces gisements sont presque épuisés. En 2011, les importations de gaz ont excédé la production nationale pour la première fois.
Dans le reste du monde, la production continue de s’accroitre, mais les réserves ne sont évidemment pas inépuisables. En outre, rien ne permet d’empêcher les exportateurs d’augmenter leurs prix sans prévenir (comme l’Opep, Organisation des pays exportateurs de pétrole, l’avait fait en 1973 en décidant subitement une hausse de +70 %), ou d’éviter de couper totalement leurs fournitures énergétiques, comme la Russie l’a fait subir à l’Ukraine en 2009 en coupant le “robinet à gaz”.
La nouvelle panacée serait à présent la “fracturation hydraulique” – un forage profond dans les couches de schiste géologiques pour en extraire du gaz. Au Royaume-Uni, les ministres Con-Dem ont sauté sur cette occasion pour permettre aux firmes privées de foncer sur ce nouveau créneau, même après qu’une première expérience ait déclenché des séismes mineurs et ait révélé un véritable risque de pollution des eaux souterraines.
Les Tories parlent de gaz “bon marché”, mais le gaz qui sera ainsi produit sera vendu sur le marché mondial ; donc son prix sera aligné sur le prix mondial. De toute manière, un récent rapport indique que le cout de l’extraction par fracturation hydraulique serait plus élevé que le prix mondial actuel du gaz.
Enfin, il y a le charbon. La Chine est le plus grand producteur de charbon mondial. Elle extrait trois fois plus de charbon que les États-Unis et six fois plus que l’Inde, qui sont les deux autres plus grands producteurs mondiaux. Depuis que les Tories ont détruit l’industrie charbonnière britannique dans les années ’80, le Royaume-Uni est contraint d’importer deux fois plus de charbon que ce qu’il en produit.
À l’échelle mondiale, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prédit, sur base des tendances actuelles, que le charbon sera la plus grande source d’énergie mondiale d’ici 2020, et que si cette tendance continue, le climat mondial connaitrait une hausse de température de 6°C d’ici 2100.
L’énergie nucléaire, qui était généralement considérée il y a 50 ans comme une source d’énergie bon marché et non-polluante, a depuis longtemps perdu de son aura. Les réacteurs nucléaires, utilisant des systèmes conçus pour produire des armes nucléaires, laissent derrière eux des montagnes de déchets radioactifs hautement dangereux.
Au centre de traitement des déchets nucléaires de Sellafield, en Angleterre, le stock de déchets radioactifs est égal en volume à 27 piscines olympiques, et les autorités n’ont aucune idée de quoi faire avec ! (ce serait déjà bien s’ils savaient où se trouve l’ensemble des déchets). On pourrait construire des systèmes qui produisent moins de produits dangereux mais, à nouveau, les gouvernements et les entreprises privées ne sont pas désireux de financer les investissements sur le long terme que cela implique.
Pendant ce temps, la possibilité de systèmes efficaces et non-polluants tels que la fusion nucléaire (plutôt que la fission) semble n’avoir été qu’un mirage, qui s’éloigne au fur et à mesure qu’il parait plus proche.
La capture du carbone ?
Le charbon, le pétrole et le gaz requièrent des procédés de plus en plus chers, dangereux et polluants pour leur extraction, tout en continuant à relâcher de plus en plus de gaz à effet de serre. Les émissions mondiales de dioxyde de carbone sont passées de 20 gigatonnes par an en 1990 à près de 30 gigatonnes par an aujourd’hui. Neuf gigatonnes sont produits par les seules centrales électriques au charbon.
Le changement climatique ne peut plus être empêché, mais il pourrait être ralenti en capturant une partie du dioxyde de carbone émis et en le stockant quelque part. Mais cela voudrait dire un investissement considérable dans la recherche afin de développer des systèmes adéquats ; cela couterait de l’argent et nuirait aux bénéfices des compagnies énergétiques. Les gouvernements parlent de la nécessité de capturer et stocker le carbone, mais il faut beaucoup plus de recherches ; aussi, le nombre d’installations à capture du carbone actuellement opérationnelles est minuscule si on le compare à l’ampleur du problème.
Il y avait dans le monde en 2011 seize installations à grande échelle de capture du carbone, qui toutes ensemble ne capturaient qu’un millième du carbone généré à l’échelle mondiale. Il est prévu d’en construire plus (surtout en Chine), mais dans de nombreux cas, les investissements gouvernementaux se font longtemps attendre.
Au Royaume-Uni par exemple, l’installation de capture de carbone de Longannet, qui devait capturer environ 1,5 mégatonnes de carbone par an, n’a finalement jamais vu le jour, parce que les propriétaires espagnols de Scottish Power et le gouvernement Con-Dem ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur le financement du projet.
Bien que Ed Davey, secrétaire d’État à l’énergie Con-Dem, aime discourir à longueur de temps sur les “formidables opportunités” qui se présentent dans l’industrie de la capture de carbone, il n’y a en ce moment que très peu de recherches effectuées, et aucune installation de capture de carbone à grande échelle n’existe au Royaume-Uni.
Il existe une alternative
Il existe pourtant une alternative à l’accroissement indéfini de l’utilisation de carburants fossiles. En fait, en novembre 2009 déjà, dans un article paru dans la célèbre revue américaine Scientific American, on démontrait que simplement en utilisant la technologie dont nous disposons déjà à l’heure actuelle, il serait possible de satisfaire toute la demande mondiale en énergie, en utilisant des sources d’énergie renouvelables et non-polluantes. Quelles sont ces sources ? Essentiellement les énergies solaire, éolienne, et hydraulique.
L’énergie solaire, générée par des panneaux photovoltaïques, est déjà familière. On la voit un peu partout, sur les calculatrices de poche et sur les toits des maisons. La baisse de cout extrêmement rapide des matériaux nécessaires pour la fabrication des panneaux photovoltaïques rend aujourd’hui possible et compétitive la génération d’énergie solaire à une échelle industrielle.
En Californie par exemple, près de 2 gigawatts d’énergie solaire ont été installés. Cela est d’une part réalisé par des “fermes solaires”, champs de panneaux solaires à grande échelle, et d’autre part, par les nombreuses installations sur les toits des maisons et des entreprises, qui subviennent ainsi à leurs propres besoins.
Cette “génération d’énergie distribuée” a aussi le grand avantage de fortement diminuer le cout du transport de l’électricité. De tels plans ont été adoptés en Allemagne, et c’était également un des objectifs du dernier gouvernement britannique, qui voulait créer une “taxation adaptée” afin d’encourager les firmes solaires britanniques (mais ce plan est passé à la trappe sitôt les Con-Dem au pouvoir).
Bien sûr, la Californie est un cas particulier, vu qu’elle jouit d’un climat idéal, et de centaines d’hectares de désert ; mais l’idée des fermes solaires est reprise sur d’autres continents. Au Ghana par example, un projet d’installation solaire devrait fournir 155 mégawatts – 6 % de la demande énergétique ghanéenne.
Aussi, un immense projet appelé “Desertec”, vise à satisfaire 15 % de la demande énergétique européenne à partir de fermes solaires en Afrique du Nord, acheminée par des câbles sous la Méditerranée. Mais ce projet rencontre beaucoup de critiques. Au premier rang, les Africains qui se demandent pourquoi ils devraient envoyer toute cette électricité en Europe, quand eux-mêmes en ont tellement besoin. Mais il reste tout de même que ce projet démontre que la génération d’énergie solaire à grande échelle est possible.
L’énergie éolienne est devenue la source d’énergie renouvelable la plus diabolisée. Mis à part les mythes selon lesquels les champs éoliens en haute mer terroriseraient les dauphins et tueraient les oiseaux migrateurs, l’énergie éolienne est souvent décrite comme inefficace et chère. En réalité, tout cela est faux.
Une récente étude effectuée par un groupe de recherche très respecté, Cambridge Econometrics, a démontré qu’il est possible d’installer des turbines éoliennes en haute mer qui satisferaient à un quart de la demande énergétique britannique à un cout modique, à peine plus que le cout équivalent d’utilisation de gaz équivalent, tout en créant des dizaines de milliers d’emplois dans le secteur de la construction.
Il faut, il est vrai, des systèmes de stockage de l’énergie pour s’assurer de la fourniture au cas où il n’y a ni vent, ni soleil, mais cela peut être fait.
On entend aussi l’argument comme quoi le régime des vents n’est pas fiable. Moins que les oligarques russes et les sultans arabes ?
L’énergie hydraulique, qui utilise des turbines actionnées par l’eau stockée dans de grands réservoirs (lacs de barrage), est la plus ancienne forme d’énergie renouvelable.
Aux États-Unis dans les années ’30, l’Autorité de la vallée du Tennessee a été instituée en tant qu’agence fédérale hydraulique – suscitant une vive critique de la part des compagnies énergétiques – afin de fournir des emplois et une électricité à bon marché grâce à un réseau d’immenses barrages. En Chine, le barrage des Trois Gorges, qui traverse le fleuve Yangtzi, devrait fournir 22,5 gigawatt. Mais ce barrage a déplacé 1,3 millions d’habitants, et causé de graves dégâts écologiques.
D’un autre côté, l’énergie océanique et marémotrice est une immense ressource mais qui est complètement négligée, surtout si on parle d’une nation insulaire telle que le Royaume-Uni.
En Europe, il n’existe qu’une seule installation marémotrice à grande échelle, celle de l’estuaire de la Rance, en France, qui fonctionne depuis 1966, et génère 240 mW. Mais des projets grandioses tels que celui du barrage maritime de l’estuaire du Severn, censé produire 5 % des besoins énergétiques britanniques, ne sont sans doute pas la meilleure option. Une majorité de l’industrie de la construction pourrait se voir engagée dans ce projet pendant des années, et il pourrait avoir des conséquences environnementales imprévisibles. D’un autre côté, un réseau de générateurs marémoteurs tel que proposé par l’ONG Friends of the Earth, produirait tout autant d’énergie pour beaucoup moins de dégâts écologiques.
Enfin, le développement de générateurs utilisant l’énergie des vagues (ou houlomotrice) est complètement ignorée par le gouvernement et par les entreprises énergétiques.
En fait, dans l’ensemble, très peu d’intérêt est affiché par les gouvernements et les multinationales de l’énergie partout dans le monde pour le développement de systèmes non-polluants.
Bien que la recherche dans de nouvelles technologies encore inconnues puisse offrir des solutions encore plus efficaces dans le futur, et devrait d’ailleurs être financée comme il le faut, il est urgent de s’occuper de ce problème aujourd’hui et maintenant. Au Royaume-Uni, la dépendance obsessive de la part du New Labour et des Tories sur l’industrie privée nous mène droit au pire.
D’un côté, il faut absolument fermer les centrales électriques au charbon qui vomissent des tonnes de dioxyde de carbone dans l’air, d’autant plus étant donné leur âge, vu que que les firmes énergétiques refusent d’investir dans de nouveaux générateurs qui seraient un peu plus propres.
D’un autre côté, nous voyons que les gouvernements ont toujours échoué à maintenir le moindre engagement envers la production d’énergie non-polluante et les économies d’énergie. Ils espèrent pouvoir se baser sur des centrales au gaz, en important du gaze ou en utilisant des procédés polluants et potentiellement très dangereux tels que la fracturation hydraulique.
Quoi qu’il en soit, le prix des combustibles va inévitablement s’accroitre, ce qui veut dire que de plus en plus de gens seront poussés dans la misère de ce fait. Et le chef de l’office de régulation de l’industrie, Ofgen, nous a déjà prédit que dans quelques années, le Royaume-Uni connaitra sans doute des délestages, ce que nous n’avons jamais vu dans le pays depuis la grève des mineurs de 1974.
Que doivent faire les marxistes?
Tout d’abord, nous ne devons pas accorder la moindre confiance au système capitaliste pour nous sortir de la catastrophe qui arrive à grands pas.
Au Royaume-Uni, nous devons réclamer :
- La fin immédiate des essais de fracturation hydraulique.
- La renationalisation du secteur de la production et de la distribution d’énergie, afin de permettre la mise en place d’un plan de capture de carbone, et de nous sortir de l’utilisation de combustibles fossiles aussi rapidement que possible.
- Une reconversion à très grande échelle de l’industrie de la “défense” vers la production de générateurs éoliens et solaires, en nationalisant les grandes compagnies énergétiques quand cela est nécessaire, sans compensation sauf sur base de besoins prouvés.
- Un programme national d’expansion de la “génération énergétique distribuée” sur chaque nouveau bâtiment construit : à chaque logement et chaque entreprise ses panneaux solaires.
- Une expansion massive du système de transport public, en particulier des chemins de fer, afin de réduire la pollution par les véhicules qui circulent sur les routes.
- Un plan massif et public de recherche et de développement dans les systèmes de génération d’énergie marémotrice et houlomotrice.
Dans le monde :
- Les organisations des travailleurs, des peuples indigènes et des militants écologistes doivent s’opposer à tous les plans de développements désastreux tels que l’extraction des sables bitumineux et les plantations de cultures à “biocarburants”.
- Il faut soutenir la lutte des peuples des pays à basse altitude, en particulier d’Asie du Sud-Est et du Pacifique, qui seront contraints à la migration et à l’appauvrissement national à cause de la hausse du niveau de la mer et du changement climatique.
- Il faut se battre pour un plan énergétique international afin de satisfaire aux besoins de l’humanité en utilisant uniquement les énergies renouvelables.
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L’énergie (nucléaire) aux mains de la collectivité !
La cuve du réacteur de Doel 3 a révélé une dizaine de milliers ‘‘d’anomalies’’ et de fissures. Le réacteur a été mis à l’arrêt, de même que celui de Tihange 2 dont la cuve provient du même producteur. Malgré cela, le gouvernement, par l’intermédiaire de l’Agence Fédérale de Contrôle Nucléaire (AFCN), prévoit de les relancer à l’avenir. Cette décision est irresponsable. Doel 3 a 30 ans, et vient donc d’atteindre la limite d’utilisation initialement prévue pour les centrales nucléaires ; Tihange 2 a 29 ans.
Les réacteurs nucléaires de Doel 1 et 2 datent de 1975, mais leur durée d’utilisation a été prolongée jusqu’en 2015 et est passée de 30 à 40 ans sous le gouvernement Verhofstadt, tandis que Tihange 1 doit rester en activité 50 ans. Il semble pourtant que de sérieux problèmes apparaissent après 30 ans… Mais rien ne semble justifier de remettre en question la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires ! C’est que les profits sont bien trop juteux pour le secteur énergétique privé.
Il est incompréhensible de faire gérer les risques liés à l’énergie nucléaire par l’avidité du secteur privé. Dans l’intérêt de notre sécurité, et de nos portefeuilles, il est urgent que ce secteur devienne intégralement public ! Les politiciens sont responsables de l’augmentation des risques, puisque ce sont eux qui ont décidé de garder les centrales plus longtemps en activité.
Un dépotoir nucléaire à Fleurus
Même les applications du nucléaire à usage industriel et médical comprennent d’énormes risques pour la collectivité dès lors qu’ils sont sous la poigne des rapaces capitalistes. L’entreprise Best Medical Belgium a été déclarée en faillite en mai dernier, et sa direction a disparu en laissant derrière elle 80 chômeurs et une décharge illégale de déchets radioactifs. BMB était actif à Fleurus depuis à peine plus d’une année, en tant que propriété Team Best, aux mains du richissime homme d’affaires indien, Krishnan Suthanthiran.
Cet homme d’affaires est un donateur pour la lutte contre le cancer et est propriétaire d’un village abandonné au Canada transformé en station écologique pour touristes. Quelle hypocrisie ! Le nettoyage de la décharge de Fleurus prendra entre cinq et sept ans, et coûtera 50 millions d’euros à la collectivité. Les syndicats avaient pourtant prévenu du risque…La direction de BMB les avait même traités ‘‘d’irresponsables’’ lorsqu’ils avaient émis l’hypothèse qu’une faillite laisserait derrière elle une décharge nucléaire.
Tout ce qui concerne l’énergie nucléaire et ses applications comporte de grands risques. Aujourd’hui, ces risques sont laissés au grand public tandis que les bénéfices sont appropriés par le privé, pour qui, même les secteurs les plus dangereux ne sont que des citrons à presser jusqu’au bout. À la collectivité d’en gérer les conséquences. Si nous voulons réduire les risques et développer des sources d’énergies alternatives, il est crucial que le secteur de l’énergie passe entièrement sous contrôle public.
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Hong-Kong : 15 ans après le retour à la Chine, la démocratie est toujours absente et les inégalités sont plus grandes que jamais.
Ce premier juillet, alors que Hong-Kong fêtait le 15e anniversaire de son retour à la Chine, une manifestation antigouvernementale massive a eu lieu. L’an dernier, plus de 200.000 personnes avaient participé à cet évènement devenu annuel depuis 2003. Cela suffit à démontrer les vives tensions qui existent dans les relations entre le gouvernement central de Pékin et la région administrative spéciale de Hong Kong, depuis que celle-ci a été rétrocédée par les Britanniques en 1997.
chinaworker.info
La manifestation « 7.1 » (pour le premier juillet) organisée cette année était un baptême du feu pour le nouveau chef exécutif (à la tête du gouvernement), Leung Chun-ying, alors qu’il entrait au pouvoir. Leung, que l’on surnomme CY, est un politicien capitaliste avec des tendances clairement autoritaires. Il est aussi soupçonné d’être membre du parti ‘‘communiste’’ au pouvoir (PCC). Comme beaucoup d’autres membres de l’élite, Leung nie ces allégations en bloc. Même si le PCC détient les rênes du pouvoir, officiellement, il n’existe pas à Hong-Kong, et préfère opérer dans l’ombre.
Le PCC est fortement impopulaire, surtout parmi les jeunes. En tant que parti officiel, s’il n’avait pas le monopole politique qu’il exerce en Chine continentale, le PCC serait inévitablement miné par des dénonciations populaires plus fréquentes, des sondages d’opinions défavorables et des pertes majeures au niveau électoral. Cela remettrait fortement la légitimité du parti en question, et pas seulement à Hong-Kong.
La commentatrice et auteure libérale, Christine Loh décrit le système hongkongais assez poliment en le qualifiant de ‘‘capitalisme antidémocratique’’. Même si cette zone du territoire jouit d’un certain degré d’autonomie, le peuple ne peut pas élire de gouvernement car celui-ci est désigné d’office par la dictature du PCC, en consultation avec les milliardaires d’Hong-Kong, les Tycoons. Le PCC a conservé le système gouvernemental antidémocratique hérité des Britanniques, et n’y a apporté que très peu de modifications.
Les vagues de manifestations successives et les revendications pour ‘‘une personne, une voix’’ qui ont été scandées par les masses ont été accueillies par le gouvernement central et ses représentants locaux par des tactiques de retardement, des pseudos ‘‘réformes’’ et d’autres manœuvres de ce type. Les Tycoons capitalistes et le conglomérat qui contrôle l’économie ne cachent pas leur opposition face à une transition démocratique plus rapide. Ils avancent que cela conduirait à un Etat-Providence et que cela minerait fortement leur compétitivité (c’est-à-dire leurs profits). La faible cadence des changements démocratiques est l’une des causes principales de ce sentiment antigouvernemental. D’autres facteurs tels que la crise immobilière, l’extrême disparité des richesses, le copinage entre les hommes d’affaires et les hommes d’Etat, etc. ont poussé le mécontentement au sein de la population à un point de non-retour.
Malgré le caractère antidémocratique de son système, Hong-Kong est souvent considéré comme ‘‘l’économie la plus libre du monde’’ par les think tanks libéraux. La Fondation Heritage (l’un des plus importants think tank conservateur américain lié au Wall Street Journal) place régulièrement Hong-Kong au sommet de ses listes des ‘‘économies les plus libres’’. Si on veut établir une comparaison, dans les listes récentes, la Grande-Bretagne est arrivée 14ième et l’Allemagne 26ième.
Extrême disparité des richesses
Néanmoins, selon les Nations Unies, Hong-Kong détient le record de la disparité des richesses de toutes les économies développées. De nombreuses études observent que cette région détient aussi celui des ‘‘logements les moins abordables au monde’’. Les prix des logements ont augmenté de 82% depuis la fin de l’année 2008. Ces prix ont été fortement propulsés par le dollar américain bon marché et les taux d’intérêts américains extrêmement bas (par lequel Hong-Kong est lié à travers un ancrage de la devise) et un afflux du capital en provenance de la Chine continentale en quête de gains spéculatifs et d’un moyen de contourner les contrôles du capital exercés par Pékin. Les continentaux représentent plus d’un tiers des contrats de propriété immobilière depuis 2008.
Hong Kong accueille plus de millionnaires que n’importe quelle autre ville de cette taille, mais ne dépense qu’une fraction de ce que les autres économies allouent à leurs services sociaux, leurs systèmes d’éducation et leurs pensions. On estime qu’environ 300.000 personnes (des femmes pour la majorité) ramassent les poubelles dans la rue chaque jour afin de gagner un peu d’argent grâce au recyclage. Et depuis que le pays a récupéré Hong Kong, la disparité en Chine a encore augmenté. La proportion de la population vivant sous le seuil de pauvreté a augmenté de 14,8% en 1995 pour atteindre 18% aujourd’hui. Alors que le PIB a augmenté de 30% ces dernières années, le salaire moyen mensuel a stagné, variant de 10000$HK en 2011 à 11000$HK aujourd’hui, partiellement à cause de la réduction du salaire minimum de l’année dernière.
L’empire des Tycoons
A Hong Kong, le terme ‘‘propriété hégémonique’’ est largement répandu. Il décrit la manière dont certaines dynasties de Tycoons contrôlent la majeure partie de l’économie. Ils détiennent des empires d’entreprises composés de propriétés immobilières, de compagnies de construction, d’hôtels, de services de transport, de télécommunications, de magasins et de banques. Quatre familles de Tycoons à elles seules (menée respectivement par Li Ka-shing, les frères Kwok, Lee Shau-Kee et Cheng Yu-tung) contrôlent une bonne moitié de l’économie. De plus, ils ont été capables de se renforcer grâce aux liens étroits qu’ils entretiennent avec le PCC depuis la passation de pouvoir.
Li Ka-shing est l’homme le plus riche d’Asie. Il détient des compagnies dans plus de 50 pays, comme par exemple, les compagnies des eaux et de l’électricité de Grande Bretagne, d’Australie et du Canada. On dit souvent que sur chaque dollar dépensé à Hong Kong, 5 centimes tombent directement dans la poche de Li Ka-shing. Les avoirs étrangers nets de Hong Kong (les compagnies privées, de sécurité, les actions, etc.) sont les plus élevés au monde avec un taux de 288% du PIB, dépassant la Suisse à qui revient la seconde place, avec 157% du PIB. On voit bien que les Tycoons de Hong Kong ont été capables d’élargir leur champs d’influence bien au-delà des frontières, et ce, surtout grâce à des transactions foncières avec la Chine continentale.
Alliance avec les Tycoons
Le PCC a tissé des liens étroits avec les Tycoon hongkongais depuis le début des années ’80, lorsque les négociations ont commencé avec les Britanniques, par rapport à l’avenir du territoire. Le PCC a adopté la doctrine ‘‘utilisons les affaires afin de diriger la politique’’, une tactique qui a été remise au goût du jour à Taiwan récemment, lorsqu’une alliance a été formée avec les grands capitalistes Taïwanais. Sur les 20 plus grandes compagnies d’exportation chinoises, 10 appartiennent à Taiwan.
Dans le cas d’Hong Kong, les Tycoons et les libéraux sont désormais les acteurs principaux de l’économie continentale. Les prêts consentis au secteur privé de la Chine continentale par les banques kongkongaise valent 200% de son PIB, c’est-à-dire 280 milliards de dollars. Ce phénomène s’observe surtout depuis la passation de pouvoir en 1997, l’économie de Hong Kong s’est construite sur le ‘‘blanchiment d’argent’’ pour faciliter les mouvements des capitaux depuis la Chine continentale et éviter ainsi les contrôles du gouvernement. La plus grosse partie de cet argent est ensuite ré-envoyé vers la Chine en tant ‘‘qu’investissement étranger’’, jouissant alors de l’évasion fiscale, de territoires bon marchés (voire gratuits) et de biens d’autres avantages. Entre 1978 et 2010, Hong Kong représentait la moitié des investissements directs à l’étranger (IDE) totaux en Chine.
En 1985, afin de préparer la passation de pouvoir, Pékin a mis sur pied un Comité d’élaboration de lois (the Basic Law Drafting Committee -BLDC) afin de rédiger une ‘‘constitution’’ pour Hong Kong. Ce comité était composé de 23 membres hongkongais sur un total de 59 membres. Et sur les 23 membres choisis, 12 étaient des Tycoons. Le Tycoon Pao Yue Kong, fondateur d’une entreprise maritime mondiale, et David KP Li, président de la banque d’Asie de l’est, sont tous deux devenus vice-présidents de la BLDC. Ce qui montre, selon Christine Lo, ‘‘l’ambition de la part de Pékin de former une alliance avec les capitalistes’’. La constitution qui en a découlé, ‘‘la législation de base’’ impose le capitalisme comme ‘‘unique système pouvant être exercé à Hong Kong, et ce jusqu’à 2047’’ (soit 50 ans après la passation de pouvoir). Elle rend même hors-la-loi tout déficit budgétaire afin de lui servir de bouclier contre ‘‘l’assistanat’’.
Même si le BLDC n’existe plus, les Tycoon sont toujours surreprésentés parmi les représentants hongkongais sélectionnés pour participer aux institutions quasi-gouvernementales chinoises, comme par exemple, le Congrès National Populaire (NPC) ou encore la Conférence Consultative Politique Populaire Chinoise (CPPCC). Ce processus d’intégration des grands capitalistes avec le régime en place du PCC a commencé à Hong Kong mais s’est répandu par la suite ; il atteint même le continent aujourd’hui.
Pendant toute cette période, Pékin a travaillé de concert avec la classe des capitalistes de Hong Kong afin de mettre un frein au suffrage universel et aux revendications pour le droit à la sécurité sociale. Dans ses mémoires, l’ancien responsable de la branche hongkongaise de l’agence Xinhua (précurseur du bureau de liaison du gouvernement central) Xu Jiatun confesse ‘‘certains capitalistes et certains membres des hautes strates de la société pensaient qu’ils pouvaient compter sur la Chine afin de résister aux tendances démocratiques de Hong Kong.’’ Xu exprimait ainsi ses peurs de voir ‘‘un vote pour une personne’’ se mettre sur pied, ce qui ‘‘ferait perdre le contrôle de Hong Kong à Pékin.’’ (Propos recueillis dans le livre de Christine Loh, Underground Front, HK University Press, 2010.)
L’Article 23
En utilisant son alliance avec les Tycoons, le PCC a aussi été capable de museler la ‘‘presse libre’’ hongkongaise. La plupart des médias Tycoons ont des intérêts financiers sur le continent et des positions clés au sein du corps gouvernemental de continent. Les patrons qui contrôlent le câble télévision : le groupe Sing Tao (Charles Ho), le groupe Oriental Press (Ma Ching Kwan) ainsi que Wheelock (Peter Woo) sont tous membres du PCC. C’est aussi le cas de Victor Li, le fils de Li Ka-shing dont l’empire financier détient la société de diffusion du Metro. En 2003, lorsqu’un demi-million de personnes se sont mobilisées afin de combattre la proposition de loi sécuritaire sur la répression, l’Article 23, les Tycoons tels que Li Ka-shing, Stanley Ho et Gordon Wu l’ont publiquement soutenue. L’article 23 limiterait le droit de rassemblement, de libre expression, et d’autres droits démocratiques comme les ‘‘liens avec des organisations étrangères’’ telles que le Comité pour une Internationale Ouvrière.
La manifestation monstre du “7.1” qui s’est déroulée en 2003, a établi une nouvelle tradition, constituée de manifestations de masse pour la démocratie chaque année le même jour. Cette année, alors que CY prend le pouvoir, l’Article 23 est remis sur la table. Son gouvernement, avec le soutien de Pékin, va sans aucun doute tenter de faire passer une nouvelle proposition de loi, et il s’attirera le soutien de certains ‘‘libéraux démocrates’’ en échange de petites concessions ou même peut-être contre des sièges dans un gouvernement de ‘‘coalition’’. Ces politiciens pro-capitalistes ont montré à de nombreuses reprises que leur soutien à la démocratie se limite à des mots.
Mais à la base de la société, une opposition massive se forme contre de nouvelles législations répressives et la frustration monte face aux promesses éternellement brisées concernant le suffrage universel.
La disparité grandissante de richesses entre les détenteurs du pouvoir et le peuple conduiront à des explosions sociales, avec des répercussions sans précédents en Chine continentale et dans la région. Mais l’histoire du long chemin parcouru par Hong Kong depuis la domination coloniale jusqu’à leur fragile ‘‘autonomie’’ illustre que la lutte pour une démocratie véritable est inséparable de la lutte contre le capitalisme et pour l’instauration d’une société socialiste démocratique.
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Enseignement : Des frais d’inscription plus élevés ?
Dans plusieurs pays voisins, les discussions vont bon train concernant le montant des frais d’inscription dans l’enseignement supérieur. Il n’est guère surprenant de voir ce débat arriver chez nous aussi. Dans les pages du journal étudiant de l’université de Leuven (Veto), divers experts se sont exprimés à ce sujet, y compris l’administrateur délégué de l’organisation patronale flamande VOKA. Nous publions ici la réponse d’un doctorant de cette université, qui y est par ailleurs également délégué CSC.
Par Jon Sneyers
Bien qu’il soit véridique que la Belgique investit légèrement plus que la moyenne européenne dans l’enseignement (5,9 % du PIB), ce chiffre reste très limité, d’autant plus qu’il comprend aussi des dépenses telles que les allocations familiales et les salaires des jeunes chercheurs (pour des raisons techniques et fiscales, ils sont considérés comme ‘‘doctorants’’). En comptant les dépenses réelles de l’enseignement, on retombe à 4,5 % du PIB seulement. Ce chiffre est à comparer avec les données d’il y a trente ans, quand le pays consacrait 7 % de son PIB à l’enseignement.
Cette diminution des investissements dans l’enseignement supérieur est très palpable. Ainsi, le nombre d’étudiants a augmenté d’environ 50% depuis les années ’90 alors que le nombre d’enseignants est resté stable. Uniquement pour l’enseignement universitaire flamand, il y avait en 1982 quelque 2507 professeurs (équivalents temps plein) contre 2601 en 2010. Une augmentation négligeable en termes absolus, mais un grave déclin relatif. Dans les hautes écoles, le nombre d’employés a diminué, même en termes absolus, passant de 8378 enseignants en 1995 à 7908 en 2010. L’article du Veto parle d’une moyenne de 19 élèves par enseignant en 2007 en Belgique, parmi les ‘‘scores les plus élevés’’ – et donc les pires – de la moyenne des pays de l’OCDE (15,8). Dans les universités flamandes, il y avait en moyenne 21 étudiants par professeur en 1993 pour 32 étudiants par professeur en 2010. Le budget de l’enseignement supérieur flamand était de plus de 10.000 euros par étudiant en 2006, montant tombé sous les 8000 euros en 2011.
Jo Libeer, le patron de la fédération patronale Voka, affirme que le gouvernement flamand fait face à de majeurs défis budgétaires, et n’a donc pas de moyens suffisants. Mais ce ne sont pas les étudiants qui ont causé la crise financière, pourquoi devraient-ils en payer le prix ? Ce ne sont d’ailleurs pas non plus les travailleurs (qui gagnent beaucoup trop selon Voka), les pensionnés (qui ne meurent pas assez vite), les immigrés, les chômeurs, les Wallons, etc. qui sont responsables des difficultés financières du gouvernement. Non, les coupables, ce sont les banques et les spéculateurs qui ont joué au casino de la finance, puis il a fallu les secourir avec des plans de sauvetage. La suppression des cadeaux fiscaux pour les grandes entreprises, qui sont à peine imposées, constituerait un bon début pour trouver une solution au déficit budgétaire. Cette politique néolibérale qui a duré des décennies est la véritable raison du sous-financement de l’enseignement, et non les étudiants.
Une augmentation du coût des études est profondément antisociale, car cela diminue inévitablement l’accessibilité de l’enseignement supérieur. Même si cette augmentation n’est pas pratiquée pour les étudiants boursiers, il reste encore un groupe important d’étudiants qui ne peuvent pas avoir accès à une bourse d’étude.
De plus, même en payant plus de frais d’inscription, la qualité de l’enseignement supérieur ne serait même pas améliorée, cela donnerait juste une marge supplémentaire au gouvernement pour accorder de nouvelles baisses de charges pour les grandes entreprises. Jo Libeer suggère que les étudiants “investissent” dans leur université, ils pourraient ainsi aider à déterminer ce qui se fait avec leur argent. En Grande-Bretagne, cette idéologie n’a pas conduit à des universités plus démocratiques, mais les frais d’inscriptions dépassent maintenant les 10.000 euros (9000 livres) par an ! En tant que ‘‘petit investisseur’’, votre voix a peu de poids, ce sont les grandes entreprises qui ont tout à dire.
Nous sommes bien d’accord pour dire, tout comme Jo Libeer, que les tabous ne peuvent pas exister. Pourquoi ne pas, par exemple, totalement abolir les frais d’inscription ? Les étudiants chiliens qui ont, l’an dernier, mené une lutte massive contre l’enseignement le plus cher au monde, ont suggéré que la gratuité de l’enseignement soit garantie par la nationalisation du secteur du cuivre. Le plus intéressant, c’est que cette revendication a trouvé un écho favorable parmi toute la population chilienne, y compris parmi les travailleurs du cuivre. En Belgique, pourquoi ne pas commencer par la re-nationalisation d’Electrabel?
Et si Voka et leurs nombreux amis politiques essayent de nous imposer une augmentation des frais d’inscription de 1000 euros ? Nous aurions alors grand intérêt à être inspirés par la résistance des étudiants en lutte contre la politique néolibérale à travers le monde. J’ai déjà parlé du Chili, mais on pourrait aussi parler du Québec où, le 22 mars, plus de 200.000 personnes ont manifesté dans les rues de Montréal contre une augmentation des frais d’inscription de 2.168 $ à 3.793 $. Les médias ont défendu que c’était normal puisque ces frais sont de toute manière plus élevés dans le reste du Canada. Mais ce n’est aucunement un hasard : les élèves québécois ont une forte tradition de militantisme, voilà d’où proviennent leurs frais d’inscription moindres. La leçon à tirer est que la lutte paie. Nous n’avons d’ailleurs pas à traverser l’Atlantique. En Allemagne, il n’y avait aucun frais d’inscription jusqu’en 2005. Mais ils ont été introduits petit à petit par la suite, pour atteindre maintenant les 1.600 euros. Toutefois, dans certaines régions, ces frais d’inscription ont dû être abolis grâce à la contestation étudiante. Nous ne pouvons qu’espérer que c’est ce de cela qu’il s’agit lorsque Jo Libeer parle de ‘‘modèle rhénan’’.
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Les révoltes mondiales contre ce système sans perspective suscitent la recherche d’une alternative (1)
1. L’été dernier, l’illusion selon laquelle le capitalisme mondial allait parvenir à s’extraire du pétrin dans lequel il se trouve depuis 2008 a de nouveau volé en éclats. On était parvenu à changer la Grande Dépression en une Grande Récession. C’est pourquoi on avait ouvert les robinets à argent, les dettes privées avaient été transférées aux gouvernements et les stimulants de masse avaient sauté. Depuis lors, une question cruciale tient en suspens les économistes et les politiciens : à partir de quand les déficits budgétaires peuvent-ils être purgés, sans pour autant de nouveau rejeter l’économie dans la récession ?
2. Bonne question ! Au lieu de redémarrer au turbo sur les starting-blocks, l’économie mondiale continue à cahoter. Cela suscite des tensions, qui deviennent difficiles à cacher même avec diplomatie. Ces derniers 18 mois, les États-Unis et la FED ont continué à arroser l’économie avec leur pompe à pognon. C’est entre autres comme cela que le déficit budgétaire des États-Unis va atteindre cette année un nouveau record de 1.645 milliards $. Dans le meilleur des cas, cela pourra redescendre en-dessous de 1.000 milliards $ à partir de 2013. En même temps, le bilan de la FED, l’autorité monétaire destinée à lubrifier l’économie, a grimpé de 1.000 milliards $ avant la crise du crédit, à 3.000 milliards $ en juillet de cette année.
3. Le gouvernement chinois a encore une fois surpassé l’américain. En pourcentage du PIB, les stimuli chinois dépassent de moitié les américains. Grâce à ses banques sous contrôle d’État, 3000 milliards $, soit 60% du PIB, sont passés au crédit. Cela n’a pu se faire que par la nature hybride de l’État chinois. Même si cela fait bien longtemps déjà que la demi-caste, demiclasse dirigeante a décidé de passer à une économie de marché, elle dispose encore toujours de leviers qui lui permettent de mobiliser les forces productives d’une manière dont les autres économies purement de marché ne peuvent que rêver. Le régime a ainsi pu neutraliser l’effet de la grande récession sur son économie et dans la foulée soutenir l’économie américaine afin d’éviter d’être entrainé en chute libre avec elle.
4. La Chine a accumulé 3.200 milliards $ en réserve au cours de ces dernières décennies, 66% en dollars, 26% en euro. Elle aimerait bien diversifier ce trésor. Un peu partout dans le monde, les détenteurs de capitaux sont très conscients de cela. C’est pourquoi la Chine se trouve sous pression. Le moindre signe qu’elle commence à vendre ses réserves en dollars causera une fuite subite, chacun cherchant à se débarrasser de ses dollars, conduisant à une implosion de cette devise, et à une baisse subite de la valeur de ses réserves. Mais sur un plus long terme, le fait de garder ces réserves en dollars pourrait s’avérer encore plus grave.
5. L’économie chinoise est bien la deuxième au monde par sa taille, mais avec 1.250 millions d’habitants, la consommation des particuliers est sous celle de l’Allemagne, avec ses 82 millions d’habitants. La Chine a exporté près de 1.600 milliards $ en 2010. La dépendance envers le marché américain est énorme. Le surplus commercial (c.à.d, les exportations moins les importations) avec les États-Unis en 2010 était de 273 milliards $, plus que le surplus commercial total, qui est lui de 183 milliards $. Face au surplus commercial avec les États-Unis, il y a il est vrai un déficit commercial avec les pays fournisseurs de matières premières et de mains d’oeuvre encore meilleur marché dans la plupart des pays d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique. La Chine a donc tout intérêt à ce que l’économie américaine continue à tenir le coup.
La Chine – nouvelle superpuissance mondiale ?
6. Les mesures prises par le gouvernement chinois ont assuré une poursuite de la croissance dans toute une série de pays, dont par exemple le Brésil et l’Australie, mais cela n’est pas sans risque. Le Brésil présente à nouveau des signes d’économie coloniale qui produit essentiellement des matières premières et des produits semi-finis et en échange ouvre son marché aux produits manufacturés chinois. On y voit même un processus de désindustrialisation. Avec l’immense hausse de la productivité en Chine, en moyenne de 9,6% entre 2005-2009, cela a fait croître l’illusion que la Chine est sur le point de détrôner les États-Unis en tant que principale puissance mondiale. Tout comme les États-Unis après la Deuxième Guerre mondiale avaient chassé de cette position le Royaume-Uni.
7. Cela est cependant peu probable. Aussi bien le Royaume-Uni que les États-Unis disposaient durant toute leur phase ascendante des techniques de production les plus modernes. C’était leur efficience de production qui déterminait les limites scientifiques et technologiques du reste du monde. Tous deux ont connu leur période de gloire dans une période d’expansion économique. Les Etats-Unis – après que ses plus importants concurrents aient été aplatis sous les bombardements, l’Amérique latine leur étant tombée dans les mains comme un fruit bien mûr – ont pu imposer leurs termes commerciaux et leur monnaie au reste du monde capitaliste, et ont développé une économie de guerre, sans pour autant avoir à subir les désavantages de la guerre. Voilà quelles ont été les conditions par lesquelles les techniques de production qui étaient déjà connues avant la Deuxième Guerre mondiale, mais qui se heurtaient auparavant aux limites du marché, ont pu être appliquées pour la première fois à une échelle de masse.
8. Déjà en 1950, les États-Unis étaient beaucoup plus productifs que leurs concurrents. La productivité de l’Allemagne et de la France n’atteignait même pas la moitié de la productivité américaine. L’Union Soviétique n’en atteignait à peine que le tiers, et le Japon un cinquième. Les seuls qui atteignaient des résultats comparables étaient l’Australie, le Canada et… le Venezuela. Le Royaume-Uni était alors déjà un bon quart moins productif, juste un peu mieux que l’Argentine, mais derrière Hong Kong. Dans les années ’60 et ’70, la productivité aux États-Unis ne s’est cependant accrue que de moins de +3%, alors qu’elle s’accroissait de +5% dans les quinze pays de l’Union Européenne et de +8% au Japon. Comment cela se fait-il ? Selon la FED, à New York (Current Issues v13, n8), parce que lorsque la quantité de capital placée par travailleur est basse, le capital est relativement productif. Il a alors un haut produit marginal (la quantité par laquelle la production s’accroit pour chaque nouveau travailleur engagé) et contribue visiblement à la croissance de la productivité.
9. Ce phénomène a déjà été expliqué par Marx. Il a fait remarquer le changement dans la composition organique du capital. Avec la composition organique, on détermine le rapport entre capital “vivant et variable” et capital “mort et constant”. Le capital vivant est consacré aux heures de travail de la main d’oeuvre et fournit une plus-value. Le capital mort est consacré aux bâtiments, aux matières premières, aux machines, et transmet sa valeur à celle du produit final, mais sans y ajouter de plus-value. La concurrence force les capitalistes à au moins suivre les techniques les plus modernes, et donc à investir de plus en plus dans du capital mort, aux dépens du capital vivant. L’effet clairement contradictoire de cela est le fait que le taux de profit – le profit réalisé par unité de capital investie – a une tendance à baisser. Les marxistes appellent cela “la loi de la baisse tendancielle du taux de profit”.
10. Comme seconde raison pour expliquer la faible croissance de la productivité aux USA dans els années ’60 et ’70, la FED explique que des pays connaissant une degré moindre de technologie et de techniques de production, qui attirent des investissements étrangers et autres joint-ventures, pouvaient facilement copier les USA. On appelle cela la “loi de l’avancée en tant que frein” ou, pour employer une terminologie plus multilatérale et plus marxiste, la “loi du développement inégal et combiné”. Cela explique la croissance plus rapide de la productivité au Japon après la Deuxième Guerre mondiale, mais aussi pourquoi un pays qui se coupe du monde extérieur est au final condamné à stagner et à rester en arrière. La Corée du Nord ou l’Albanie d’Enver Hoxha, de véritables caricatures d’autarcie, en sont des témoins flagrants.
11. La rapide hausse de la productivité au Japon et dans l’Union européenne a cependant cessé au début des années ’90. Selon la FED, cela s’est produit en Europe à cause de la “rigidité du produit et du travail”. Selon nous, cela s’est produit parce que le mouvement ouvrier en Europe est mieux parvenu qu’aux États- Unis à résister contre les tentatives du patronat de rehausser le taux d’exploitation. Pour le Japon, la FED explique qu’au fur et à mesure que la productivité d’un pays atteint son summum, le produit marginal baisse, et il devient plus difficile de copier, et de ce fait la hausse de la productivité devient plus difficile à réaliser. Nous ajouterions ceci : à moins qu’il ne survienne une situation exceptionnelle. La destruction massive de l’infrastructure et des moyens de production pendant la Deuxième Guerre mondiale constituait une telle situation exceptionnelle.
12. Les États-Unis ont connu leur période de gloire durant l’âge d’or des années ’50 et ’60. À ce moment, la croissance économique était tirée par l’État social, avec la hausse des salaires, la baisse du temps de travail, l’apparition de véritables allocations sociales, de services publics et d’un système d’impôt progressif. L’économie chinoise est au second rang si on compare sa taille pour tout le pays mais, en termes de richesse par habitant, elle se trouve à la 95e place. Le pays connait une énorme croissance de la productivité de par les raisons définies ci-dessus, auxquelles il faut ajouter son infrastructure, son niveau d’enseignement et sa centralisation, tout cela hérité de son économie planifiée. Pourtant, la productivité par travailleur en 2005 n’y était que de 15% supérieure à ce qu’elle est aux États-Unis. La Chine devrait surmonter cela, alors que nous sommes en plein milieu d’une période de contraction économique.
Les déséquilibres de l’économie chinoise
13. Tout comme pour le Japon en son temps, la croissance économique chinoise est essentiellement poussée par les investissements. Au début, cela permet une croissance fébrile mais, après un certain temps, cela devient un frein. Entre 2000 et 2010, les investissements se sont accrus chaque année en moyenne de 13,3%, mais la consommation des particuliers n’a cru que de 7,8%. Cela signifie un transfert de la consommation vers les investissements. La baisse des salaires, l’expansion du crédit et un cours de change sous-évalué ont tous contribué à cela. La part de la consommation dans le PIB au cours de cette période est passée de 46% à 34%, tandis que celle des investissements passait de 34% à 46%. Pour 1% de croissance du PIB, il fallait encore dans les années ’90 une croissance du capital de 3,7%, en 2000, ce 1% de croissance exigeait par contre une hausse des investissements de 4,25%. On voit donc que la rentabilité de l’investissement diminue.
14. C’est pourquoi Wen Jiabao, le premier ministre chinois, a déclaré l’économie ‘‘instable, déséquilibrée, non-coordonnée et au final, non-durable’’. On craint que ‘‘ne soient piégés les revenus moyens.’’ C’est le phénomène où un pays ne parvient plus à croître à partir du moment où il a atteint un niveau bien défini. L’incapacité à livrer l’accès aux couches moyennes pour la majorité de la population est un de ces symptômes. Les bas salaires et la répartition inégale sont il est vrai la source de la croissance des investissements. En fait, la croissance devrait être plus basée sur la consommation des particuliers. La croissance des investissements devrait être inférieure à celle du PIB. Dans les années ’80, le Japon a tenté de soutenir la croissance avec le crédit d’investissement, sans effet : cela a conduit à une explosion du crédit. Dans les années ’90, la correction est arrivée, avec les conséquences catastrophiques que l’on connait.
15. Plus encore qu’à l’époque au Japon, les investissements en Chine sont basés sur du crédit. Sans un soutien artificiel, une grande partie ne serait pas rentable. Le moindre affaiblissement de la croissance à 7% ferait s’écrouler les investissements à 15% du PIB. Toute tentative de réorienter les moyens vers les ménages causerait une encore plus grande baisse des investissements. De ce fait, on voit que les investissements deviennent une source de stagnation, au lieu d’être un moteur pour la croissance. La Chine a maintenant un PIB par habitant comparable à celui du Japon en 1950 (juste après la guerre et juste avant le début de sa phase de croissance rapide longue de 25 ans). On dit que le PIB par habitant de la Chine pourrait atteindre 70% de celui des États-Unis en 2035, comme l’a fait le Japon en 1975 – à ce moment, l’économie chinoise serait plus grande que celle des États-Unis et de l’Europe ensemble. Bien que la taille de la population chinoise offre une échelle et des possibilités supplémentaires pour la répartition du travail, il y a aussi d’importants inconvénients qui y sont liés, le gigantesque besoin en matières premières n’est pas des moindres.
16. La création d’argent avec laquelle le gouvernement chinois a tenté de repoussé la crise en 2009 et 2010 n’a pas réduit sa dépendance face aux exportations et aux investissements. Sur le marché de l’immobilier, il y a énormément de spéculation, dont l’argent est financé par des prêts. Cela a causé une énorme hausse des prix. La bulle immobilière a entrainé avec elle du capital spéculatif. Les investisseurs courent, il est vrai, le risque d’une réévaluation du yuan par rapport au dollar. Les hausses salariales sont compensées par la hausse des prix à la consommation. Le taux d’inflation “alarmant” provient apparemment de la croissance rapide du crédit et de la monnaie et de la hausse du prix du pétrole, des matières premières et des denrées alimentaires ; cela est renforcé par les spéculateurs qui attendent que la demande augmente. L’exportation massive de produits chinois fait en sorte qu’il y a un afflux massif de devises étrangères. Les entreprises tout comme les particuliers peuvent facilement prêter de l’argent, comme le robinet à crédit a été coupé sur injonction des autorités. Mais tandis que le gouvernement national coupe le robinet à crédit, celuici reste grand ouvert auprès des autorités locales.
Guerre des devises et commerciale
17. L’Occident trouve que le dernier plan quinquennal s’attaque insuffisamment aux problèmes structurels. On doit faire quelque chose pour résoudre la dépendance aux exportations et le fossé entre riches et pauvres. L’Occident a peur d’un affaiblissement de la croissance. Nouriel Roubini avertit d’un danger de crash. Mais leurs remarques ne sont certainement pas désintéressées. Ils espèrent gagner en compétitivité en forçant la Chine à réévaluer sa monnaie. Ils veulent aussi gagner l’accès à quelques miettes du marché intérieur chinois, mais celui-ci doit d’abord être mis sur pied. Pour la Chine, ils défendent par conséquent ce que partout ils combattent à tout prix : de meilleurs salaires et une sécurité sociale. Mais l’idée que la Chine puisse subitement gonfler sa consommation sans toucher aux intérêts des détenteurs de capitaux privés est une illusion. L’économie chinoise est une économie de marché libre dans la mesure où une hausse significative des salaires ou une réévaluation comparable du yuan provoquerait une chute du niveau d’investissements, et avec elle, de la croissance économique.
18. Les gouvernements américains et européens demandent à la Chine ce qu’eux-mêmes ne peuvent pas se permettre. À première vue, c’est plutôt agréable. Dans la pratique, il s’agit d’une manoeuvre audacieuse. Ainsi, l’assouplissement quantitatif dont a fait usage la FED avait comme prévu affaibli le dollar au milieu de l’an passé. Cela a incité les spéculateurs à s’adonner au “carry trade”, c.à.d. à emprunter des dollars à un taux quasi nul pour les placer dans des pays avec un taux plus élevé. L’investisseur encaisse la différence de taux, sans même y engager son propre argent. L’affluence d’investissements a poussé la valeur des devises des pays receveurs, au détriment de leur compétitivité. Le premier à utiliser le terme de “guerre monétaire” a été le ministre des finances brésilien Guido Mantega, mais il exprimait ainsi ce à quoi beaucoup d’autres gens pensaient déjà. Le Brésil demande à l’OMC de prendre des sanctions contre les pays qui laissent filer trop bas leur taux de change. Il y a aussi le dumping. La Chine menace d’une guerre commerciale si les États-Unis décident de placer des taxes à l’importation sur les produits chinois.
États-Unis : la politique anticyclique échoue
19. Les États-Unis sont désespérément à la recherche de quelqu’un qui puisse reprendre une partie de leurs problèmes. De là viennent la pression sur la Chine pour qu’elle réévalue sa monnaie, la guerre monétaire à peine voilée, et le plaidoyer en faveur d’une politique monétaire plus conviviale en Europe. Depuis la catastrophe qu’a été le passage du “war-president” George W Bush avec ses cadeaux fiscaux aux riches, l’idée dominante est à présent de lutter contre la crise par une politique anticyclique. Ce courant est représenté par le président Obama, son ministre des Finances Timothy Geithner, et le président de la FED Bernanke. Tout comme leurs opposants, ils trouvent que l’État doit remettre de l’ordre dans ses dépenses, mais pas d’une manière qui risque d’hypothéquer la croissance. Ils craignent que des économies drastiques ne rejettent à nouveau l’économie dans la récession, voire la dépression. En plus de cela, ils souhaitent une participation de la part des riches, pour éviter des réticences de la part de la population face au plan d’austérité. Le gourou de la Bourse Warren Buffet affirme publiquement vouloir payer plus d’impôts.
20. Cette politique s’est composée des stimuli de 800 milliards $ au début 2009, et de deux opérations d’assouplissement quantitatif par la FED, pour un total de 1850 milliards $. Entretemps, on a lancé le QE 1.5, avec lequel des remboursements libérés sont consacrés à des prêts d’États supplémentaires. La FED a également décidé de bétonner le taux nul jusqu’à 2013. Au final, elle a vendu pour 400 milliards $ de bons d’État à court terme (jusque 3 ans) et a acheté pour un montant semblable en bons d’État à long terme (de 6 à 30 ans). Rien ne semble cependant fonctionner. La consommation des particuliers n’a pas repris parce que les ménages tentent maintenant de rembourser leurs dettes, parce que le chômage sape le pouvoir d’achat, et parce que les autorités locales économisent sur les services et sur le personnel. Malgré des taux très bas, les entreprises américaines continuent à simplement stocker leur argent, pour un montant de 1,84 milliards de dollars, et préfèrent racheter leurs propres actions plutôt que d’investir.
21. L’absence de résultat sape la crédibilité du gouvernement. Cela renforce la confiance des opposants, qui avaient pourtant pris un fameux coup avec la disparition de Bush. Cela a fait changer de camp ceux qui hésitaient. Au sein de la FED, Bernanke doit de plus en plus compter avec l’opposition, mais il ne doit pas se présenter à des élections. Obama et ses Démocrates n’ont pas ce luxe. Au niveau des Etats et au niveau plus local, des économies copieuses sont déjà bien avancées, même là où des Démocrates sont au pouvoir. Le mouvement Tea Party a sauté sur le mécontentement pour se présenter en tant que défenseur de l’Américain travailleur. Pour les Républicains, ces radicaux de droite étaient des partenaires bienvenus qui les ont aidés à obtenir la majorité à la Chambre basse en 2010.
Le fouet de la contre-révolution
22. Mais ce soutien pourrait bien s’avérer être un cadeau empoisonné. Le rôle des partisans du Tea Party dans l’attaque brutale contre les conditions de travail et les droits des travailleurs, entre autres au Wisconsin, a provoqué une réaction de masse. Pour les jeunes et les travailleurs, cela a été un moment décisif. Cela, en plus de son empressement à laisser les États-Unis faire défaut sur leurs paiements (pendant le débat sur le plafond légal de la dette), a endommagé le soutien populaire du Tea Party. Cela pourrait être décisif pour les élections présidentielles de 2012. Trouver un équilibre entre l’establishment des Républicains et les activistes qui exigent un plus grand rôle avec le Tea Party, devient de plus en plus difficile. Un Républicain modéré a officiellement une plus grande chance de récupérer des votes démocrates. Mais c’est surtout les dangers liés au fouet de la contre-révolution, qui font que l’establishment se réunit catégoriquement derrière la candidature de Mitt Romney. Il n’est pas exclu que ce “Grand Old Party” se dirige vers une scission après les élections présidentielles, et que le système des deux partis ne se rompe en premier lieu sur son flanc droit.
23. Cela ne signifie pas pour autant qu’Obama a déjà gagné. Pour relever le plafond de la dette, on prévoit des économies pour 2.500 milliards $ au cours des dix prochaines années. Pas un mot sur plus d’impôts pour les riches. Le nombre de pauvres a augmenté l’an passé jusqu’à 46,2 millions, le nombre le plus élevé en 52 ans. 15% des Américains sont pauvres, le plus haut chiffre depuis ’93 : 10% des Blancs, 12% des Asiatiques, 26% des Hispaniques et 27% des Noirs. 50 millions d’Américains sont non-assurés, 48 millions des personnes entre 18 et 64 ans sont sans travail. Le revenu médian des ménages est retombé à son niveau de 1996. Le revenu médian personnel d’un travailleur adulte masculin, rapporté en dollars de 2010, était l’an passé inférieur à celui de 1973. Entre 1980 et 2009, le revenu des 20% les plus riches s’est accru de 55%, celui des 20% les plus pauvres a baissé de 4%. En 2007, 23,7% du revenu national allait aux 1% les plus riches, soit la même proportion que ce qui avait été atteint en 1929, juste avant la Grande Dépression.
24. À chaque fois que l’on espère que l’économie a été sauvée et que l’on pense alors à débrancher la mise sous perfusion par la FED, apparait l’une ou l’autre statistique qui envoie tout valser. En août, pas un seul job n’a été créé. Les chiffres parus en juillet ont dû être fortement revus à la baisse. Immédiatement est réapparue l’angoisse que l’économie allait droit vers une nouvelle récession. Obama a lancé un nouveau plan d’emploi pour 447 milliards $, dont 240 milliards pour la réduction de moitié des impôts sur salaire, une mesure essentiellement destinée à soutenir les PME. De l’argent a été libéré pour des investissements dans des autoroutes, des chemins de fer et des écoles, et des moyens ont également été prévus pour tempérer le nombre de licenciements d’enseignants dans les écoles d’État. Pour réduire le chômage officiel de 9,1% à 5% en 5 ans, il faudrait cependant créer tous les mois 300.000 nouveaux emplois. Depuis le début de 2010, cela n’a été que 100.000 en moyenne, mais cela aussi s’est fortement réduit ces derniers temps.
25. Ce plan ne suffira pas à remettre sur pied l’économie américaine pour une croissance durable. Il n’est qu’une répétition du plan précédent, en mode mineur. Avec de la chance, cela pourrait de nouveau tirer la croissance de l’emploi, jusqu’à la fin de ce plan. Le problème fondamental n’est toutefois pas un manque de moyens pour investir. Les entreprises ont tous les moyens qu’il leur faut. Elles ne croient cependant pas que l’investissement dans la production pourra rapporter suffisamment. Bon nombre d’entreprises reçoivent aujourd’hui bien plus de profits de par leurs transactions financières que de leur production. De plus, il n’est plus garanti qu’il existe encore un marché pour pouvoir absorber la production. Avec le développement actuel de la science et de la technique, les innovations nécessitent des années de recherche pour un rendement qui doit être réalisé dans un délai de plus en plus court. À peine un produit est-il développé qu’avec les possibilités actuelles il suffit tout au plus de quelques années pour saturer le marché mondial.
26. Entretemps, l’État américain accumule les dettes. Tôt ou tard, il faudra bien les payer. Jusqu’à récemment, on considérait que cela était une donnée sûre. L’impasse dans le débat autour du plafond de la dette a cependant semé le doute. Qui aurait pensé que les politiciens aller amener les États-Unis au bord d’un défaut de paiement afin d’obtenir gain de cause dans la discussion budgétaire ? L’agence de notation Standard & Poors a décidé pour la première fois dans l’Histoire de baisser la garantie sur crédit de l’État américain. Elle a pris cette décision au lendemain d’un rapport avec une faute de calcul de pas moins de 2.000 milliards $. En plus, les marchés s’en foutaient de cette notation. La demande en bons du Trésor américain n’a pas descendu, de sorte que les États-Unis peuvent prêter au même taux que l’Allemagne. Cela ne va encourager la FED à faire de la lutte contre l’inflation une priorité. Au contraire, un peu d’inflation serait plus que bienvenu afin d’éponger la montagne de dettes. Le seul problème à cela est la difficulté de doser l’inflation.
Zone euro : priorité à l’austérité
27. La visite du ministre des finances américain Timothy Geithner au sommet européen de Wrocław n’a pas été extrêmement bien reçue. Geithner était là pour avertir l’Europe. Il aura remis en mémoire le glissement incontrôlable de Lehman Brothers jusqu’à la faillite, pour convaincre l’UE d’abandonner les spéculations sur la banqueroute de l’État grec. Il y a aussi plaidé en faveur d’un large élargissement du fonds de stabilité européen, qu’il fallait selon lui quadrupler. Les dirigeants des États-Unis craignent une nouvelle crise de l’économie mondiale, cette fois avec d’encore plus grandes conséquences que pendant la Grande Récession, déjà aussi parce que les Banques centrales et les États au cours de la précédente récession ont déjà épuisé toutes leurs munitions. Il y a apparemment plaidé en faveur d’une injection ferme et résolue de moyens afin de tuer dans l’oeuf la crise de la dette.
28. Pour l’Europe, cela est cependant encore plus difficile que l’assainissement du budget aux États-Unis ou que la rehausse de la consommation des particuliers en Chine. Les politiciens européens sont également partagés quant à la manière de combattre la crise au mieux. Aux États-Unis domine pour le moment la tendance qui veut mettre la priorité sur la croissance plutôt que sur l’austérité. Mais il ne faut pas s’étonner que les rapports de force en Europe soient tout à fait opposés. La tendance qui veut donner la priorité à l’austérité “afin de soutenir la croissance de manière structurelle” y est dominante. Ce n’est guère surprenant. La zone euro est une union monétaire, mais pas une union fiscale ni politique. Elle consiste en 17 pays qui ont tous leur propre bourgeoisie, leur propre gouvernement et leurs propres intérêts. À qui rapporte le fait que la priorité soit mise sur la croissance ? Aux récipiendaires directs. Et à qui est-ce que ça rapporte qu’on ait des économies d’abord, avant les dépenses ? Les payeurs nets. Ces derniers sont les pays les plus forts, qui sont dominants dans la détermination de la politique de la zone euro et de la BCE.
29. Le PSL et le CIO ont toujours été d’avis que l’unification européenne n’est pas possible sur une base capitaliste. Nous sommes également depuis longtemps convaincus du fait qu’une récession économique mettrait une croix sur le projet d’une monnaie unique européenne, même avant que l’euro n’arrive en existence. Les unions monétaires ne sont pas quelque chose de nouveau. Les pays insulaires autour de l’Australie utilisent le dollar australien et il existe encore quelques anciennes unions monétaires coloniales, telles que le franc CFA. D’autres unions monétaires ont existé par le passé sur une base volontaire entre des États plus ou moins comparables. L’Union monétaire scandinave par exemple, qui a duré de 1873 à 1914. Ou l’Union latine, à partir de 1865 entre la Belgique, la France, la Suisse et l’Italie, qui a ensuite été rejointe par l’Espagne et la Grèce, et enfin par la Roumanie, la Bulgarie, la Serbie, Saint-Marin et le Venezuela (entre autres). Cette union a tenu jusqu’en 1914, bien qu’elle n’ait été officiellement dissoute qu’en 1927. Nous pensions cependant que la conjoncture économique, cette fois, exclurait complètement l’idée d’une nouvelle union monétaire. Nous nous sommes trompés. Nous restons néanmoins convaincus que la crise va à un moment donné faire éclater la zone euro, mais pas au point d’avant l’introduction de l’euro.
30. Les bourgeoisies nationales d’Europe n’ont jamais eu l’intention, ni avec l’Union européenne, ni avec la zone euro, d’unifier les peuples d’Europe par la paix. Cela n’a jamais été que de la rhétorique, derrière laquelle était caché la signification réelle, c’est-à-dire la création de leviers pour la maximalisation du profit et de la casse sociale. C’est évident, la réalité de la division du travail croissante et le besoin de devenir plus fort dans la concurrence avec d’autres blocs commerciaux aura joué, mais jamais jusqu’au point où cela irait au prix des intérêts nationaux particuliers. Le traité de Nice et plus encore celui de Lisbonne ont en tant que but de faire de l’Europe la région la plus compétitive au monde. C’était sans doute l’intention de laisser converger petit à petit les économies nationales, même si les normes de Maastricht et le pacte de stabilité qui ont été institués à cette fin ont été abusivement utilisés par les politiciens nationaux pour rejeter sur eux la responsabilité de la politique nationale. La plupart des pays n’ont jamais atteint les conditions requises par les normes de Maastricht, encore moins du pacte de stabilité, et la Belgique non plus.
31. Jusqu’à avant la crise de la dette, les économistes étaient convaincus que la convergence était un fait. Ils voyaient les caractères communs superficiels, mais pas les contradictions croissantes sous la surface. Ils voyaient surtout ce qu’ils voulaient voir. En 2006, Marc De Vos, de l’agence Itinera, écrivait dans une carte blanche dans De Tijd : « L’Irlande nous apprend qu’une relative inégalité de revenu est le prix à payer pour une expansion économique rapide, dont néanmoins tout le monde, y compris les pauvres en termes absolus, s’enrichit ». De Vos ne raconterai plus aujourd’hui de telles sornettes de la même manière, mais en ce temps-là, il était complètement aveuglé par l’expansion économique. Dans notre réponse dans les textes de notre Congrès de 2006, nous indiquions déjà une contradiction que lui-même n’allait découvrir que quelques années plus tard : « … le symptôme spécifique par lequel l’Irlande depuis des années a connu un taux d’intérêt réel négatif. Le taux d’intérêt est il est vrai défini par la Banque centrale européenne et se trouve depuis des années sous les chiffres de l’inflation irlandaise. Le crédit extrêmement bon marché est indirectement financé par un grand afflux de capital étranger ». À cela, nous ajoutions : « Une profonde récession sur le plan mondial fera cependant éclater l’économie artificiellement gonflée de l’Irlande (du Sud) ».
32. Aujourd’hui, tout le monde reconnait que les contradictions n’ont pas diminué, mais plutôt augmenté. Avec la politique du bas taux d’intérêt qu’ont exigé de la BCE les pays à la plus forte économie, d’énormes bulles immobilières et paradis fiscaux ont été créés dans la périphérie, ce qui ailleurs a été utilisé pour casser les acquis sociaux et mettre sur pied des secteurs à bas salaires. Le fait que cette bulle se viderait à un moment donné, cela fait des années que les socialistes le prédisent. Les spreads, la différence de coûts que doivent payer les Etats nationaux pour pouvoir emprunter, n’ont jamais été aussi grands. Dans Le Soir, le professeur d’économie Paul De Grauwe (KUL) expliquait qu’il s’était trompé. Au sujet d’un pays qui adhérait à une union monétaire, il dit : « Nous avions toujours pensé que ce pays devenait plus fort, mais non ! » L’Espagne a un plus petit déficit budgétaire et une plus petite dette que le Royaume-Uni, mais ce dernier peut financer sa dette à 2,52% sur dix ans, tandis que l’Espagne doit le faire pour deux fois ce prix. Cela vient, selon De Grauwe, du faite que la Banque centrale britannique peut si besoin est imprimer de l’argent elle-même afin de satisfaire à ses obligations, mais l’Espagne dépend pour cela de la BCE.
Tragédie grecque
33. Les pays en-dehors de la zone euro peuvent stimuler l’exportation par la dévaluation de leur propre monnaie. Qui se trouve dans la zone euro est condamné à la “dévaluation interne”, un terme à la mode pour dire “casse sociale”. Il n’y a entre temps plus un seul pays de la zone euro qui n’est pas en train d’assainir. Les uns parce qu’ils ont dû faire appel à l’aide de la “troïka” de la Commission européenne, de la BCE et du FMI, les autres pour pouvoir éviter d’avoir à faire un tel appel. Les plans d’austérité dure doivent diminuer les déficits budgétaires et améliorer la compétitivité, mais ça ne marche pas. Ils sapent au contraire le pouvoir d’achat par la baisse des salaires, les attaques sur toutes les allocations sociales, la hausse du chômage et dans la plupart des pays une hausse des impôts directs sur les biens de consommation. Cela touche à son tour la petite bourgeoisie, les entreprises de distribution et les entreprises qui sont orientées vers le marché interne de chaque pays. Les véritables investisseurs sont découragés d’investir, les spéculateurs qui espèrent des rachats d’entreprises (d’État) sont encouragés. Avec la vente urgente des entreprises d’État, on perd des revenus annuels fixes en échange d’une cacahouète. Les revenus des impôts se ratatinent, et les dépenses sociales augmentent, car de plus en plus de gens y font appel.
34. Les pays qui sont mis sous curatelle de la troïka partent directement dans une spirale de croissance négative. Dans le deuxième trimestre de 2011, l’économe grecque s’est contractée de 6,9% par rapport à l’année précédente. Le déficit budgétaire va apparaitre de 8,5% au-dessus de l’objectif de la troïka. À quoi d’autre peut-on s’attendre ? Le revenu moyen des ménages a été diminué de moitié l’an passé. Le pays menace à tout moment de faillite. Lorsque la Grèce a reçu le premier paquet de sauvetage de 110 milliards d’euro qui lui avait été promis, c’était afin d’éviter le défaut de payement sur le prêt d’État de 8 milliards d’euro devant être payé le 19 mai 2010. C’était le plus grand paquet jamais vu. Entretemps, le taux d’intérêt auquel cet emprunt a été mis à disposition de la Grèce a été diminué, et le délai de payement a été doublé. Néanmoins la Grèce a dû être soutenue une bonne année plus tard avec la promesse d’un nouveau paquet.
35. Cette fois, il s’agit de 109 milliards d’euros. À compléter avec une contribution théorique du secteur financier via un échange d’obligations volontaire par lequel les détenteurs d’obligations grecques devraient accepter une “tonte” de 21%, d’une valeur totale de 37 milliards d’euro. Pour les banques, c’est une bonne affaire, mais pour l’État grec, cela ne va pas énormément arranges son problème de dette. Ses obligations sont il est vrai déjà maintenant échangées sur le marché secondaire à moins de 50% de leur valeur nominale. Et même avant que ce nouveau plan soit accepté par les parlements nationaux des pays de la zone euro, la Grèce est cependant de nouveau au bord du défaut de paiement. Les analystes supposent que la question n’est plus de savoir si la Grèce va vers la faillite, mais de savoir à partir de quand elle le sera.
36. Lorsque cela se produira, les conséquences en seront catastrophiques. L’État ne pourra plus prêter ses prêts et allocations, ou alors de manière extrêmement réduite. Les factures ne seront plus payées, ou alors pas avant de longs délais. Par le non-paiement (complet ou partiel) des dettes, le pays se verra dépourvu de liquidités. Le secteur financier entrera en faillite, tout comme de nombreuses entreprises. Les pensions, aussi bien celles des pensionnés actuels que celles des futurs pensionnés, seront fortement minées. Les investisseurs tenteront de quitter le pays. Les épargnants tenteront de récupérer leur argent. Il y aura un raid sur les banques. Des troubles sociaux, mais certainement aussi des pillages seront à l’ordre du jour. Lorsque l’Argentine a fait faillite en 2001, des dizaines de gens sont morts dans des émeutes, l’état d’urgence a été instauré et la situation n’a finalement pu se stabiliser qu’après que la monnaie soit tombée à 25% sous sa valeur.
37. Pour quelques économistes, c’est là le seul scénario possible, et il vaut peut-être mieux le commencer tout de suite parce que le cout social et économique n’en sera autrement que plus grand. Nouriel Roubini plaide en faveur d’une faillite et d’un départ de la zone euro, dans l’espoir qu’une forte dévaluation rétablisse la compétitivité à terme. Remonter le temps n’est cependant pas sans un certain cout. Quitter la zone euro est différent que de ne jamais y avoir adhéré. Qui va financer les dettes si la Grèce introduit sa propre monnaie ? Maintenant elles s’élèvent déjà à 142% du PIB. Ces dettes sont surtout en euro. Si la drachme est réintroduite, et qu’on a comme on s’y attend une dévaluation de 60% par rapport à l’euro, la dette sera soudainement équivalente à 230% du PIB. Il faudra alors des mesures encore plus drastiques afin d’éviter un raid sur les banques et imposer des contrôles de capital. Les entreprises avec des prêts dans le pays entreront en faillite. Les produits importés deviendront plus chers et le niveau de vie des familles sera encore plus réduit. Sur une base capitaliste, il n’y aura à ça non plus aucune réponse.
38. Certains plaident en faveur d’une reconversion des obligations nationales en obligations européennes, dans l’espoir de décourager les spéculateurs. L’idée est de répartir le risque en empaquetant ensemble les bonnes et les mauvaises obligations d’État, un peu comme ce qui avait été fait avec les hypothèques foireuses. On craint cependant le célèbre dégât moral, par lequel la pression en faveur d’une discipline budgétaire diminue et le nombre de mauvaises obligations d’État après un certain temps entraine avec elles les bonnes vers le bas. Au lieu de répartir en tant que tel le risque jusqu’à ce qu’il n’en reste plus, cela détériorerait au contraire les bons emprunts, comme on l’a vu en 2008 avec les subprimes. D’autres espèrent pouvoir limiter cela en transformant seulement 60% de ces dettes d’État en obligations européennes. Mais cela aussi ne résoudrait rien du tout, car les spéculateurs continueraient à spéculer en pourcentage au-dessus de 60%. Les pays les plus forts de la zone euro s’opposent à l’introduction d’obligations européennes. Pour reprendre les mots de Karel Lannoo dans Knack : les obligations européennes sont le point de conclusion d’une union fiscale et politique, pas le point de départ.
Payer ou se séparer
39. Paul de Grauwe, selon ses propres mots, dit ne rien comprendre. « Nous disposons des moyens », dit-il, « la BCE peut imprimer de l’argent autant qu’elle veut ». Cela ne causera pas d’inflation, ajoute-t-il. Mais les pays forts de la zone euro ne sont pas prêts à cela. À part le fait qu’ils abandonneraient également ainsi le contrôle sur la politique monétaire, joue à nouveau le fait que cela enlèverait la pression pour remettre de l’ordre dans les budgets. Le problème le plus important est cependant réellement le danger de l’inflation. Il est vrai que le simple fait d’imprimer de l’argent ne mènera pas immédiatement à une forte inflation. Après tout, l’inflation se produit du fait que la quantité d’argent en circulation grandit plus vite que la quantité de biens et de services disponibles. Cette quantité n’est pas seulement définie par la quantité d’argent dans la société, mais aussi par la rapidité avec laquelle cette quantité d’argent change de propriétaire. Quand l’argent est retenu par les épargnants, les investisseurs en actions comme au début de ce siècle lorsque a eu lieu le phénomène de l’inflation du prix des actifs, ou quand les entreprises qui l’entassent sans le dépenser, alors cet argent ne va pas vers l’économie réelle et n’a aucun ou quasi aucun effet sur l’inflation.
40. Une comparaison avec le mouvement actuel du prix du pétrole, et de manière plus large de toutes les denrées énergétiques, clarifie cependant ce que l’effet pourrait être d’une création large d’argent par la BCE. À chaque fois que la croissance économique stagne, le prix du pétrole diminue, par lequel il existe un espace pour respirer. Mais dès que l’économie repart à la hausse, le prix du pétrole remonte à nouveau, par lequel la croissance est entravée. Le même peut se produire avec une trop grande hausse de la quantité d’argent. À chaque fois que l’économie stagne, le danger de l’inflation laisse la place à un danger de déflation, mais aussitôt que l’économie repart et que l’argent recommence à rouler, une trop grande quantité d’argent peut mener à une explosion d’inflation. La Chine a maintenant déjà à se battre contre une inflation galopante. Les politiciens allemands gardent encore toujours un traumatisme dû au souvenir de l’hyperinflation pendant la république de Weimar. En outre, le souvenir plus réaliste de la stagflation des années ’70 est encore plus frais dans la conscience.
41. Le lecteur critique peut interjeter que la création d’argent aux États-Unis n’a tout de même pas mené à une inflation hors de contrôle. Nous avons déjà attiré l’attention sur le fait que les États-Unis, en opposition à la zone euro, sont un État-nation avec une bourgeoisie nationale qui non seulement dispose de sa propre monnaie, mais aussi d’une unité politique et fiscale. En outre, les réserves en dollars existent déjà et elles sont réparties à travers le monde entier. Une création d’argent comparable dans la zone euro est facilement une de trop, aussi pour la Chine ou d’autres pays avec d’importantes réserves de valeurs. En 2012, la zone euro doit refinancer 1700 milliards d’euro, dont un quart par la France, 23% par l’Italie, 19% par l’Allemagne et 20% par l’Espagne, la Grèce, l’Irlande et le Portugal tous ensemble. Selon la Deutsche Bank, la Chine pourrait investir pour un montant de 175 milliards d’euro dans des titres de dette européens, soit “une goutte d’eau sur une assiette chaude”.
42. Le 21 juin, il a été décidé d’élargir la disponibilité du fond de stabilité européen. La hausse espérée des moyens pour le fonds d’urgence est cependant demeurée lettre morte. Juste fin septembre, le parlement allemand a voté l’élargissement déjà décidé auparavant de sa contribution pour les garanties du fonds de stabilité européenne. Ainsi, le fonds dispose maintenant finalement des 440 milliards d’euro annoncés depuis janvier. Pour faire face à une faillite grecque, voire à une infection à d’autres pays européens, cela est largement insuffisant. La Chine et les États-Unis appellent à un élargissement du fonds à 2000 milliards d’euro. Cela illustre le fait qu’ils prennent au sérieux une faillite de la Grèce et ne croient pas en l’illusion que l’on peut placer la Grèce en quarantaine. Malgré la position “unique” de la Grèce, qui a déjà reçu pour 250 milliards d’euro, la crise de la dette des États s’est étendue à l’Irlande, qui a reçu un prêt d’urgence de 86 milliards d’euro, et au Portugal, avec un prêt de 78 milliards d’euro. L’Espagne qui a elle seule autant de dettes (637 mld €) que l’Irlande (148 mld €), la Grèce (328 mld €) et le Portugal (161 mld €) réunis, tente désespérément de rester à flot avec l’aide de la BCE. Si l’Italie, avec une dette (1842 mld €) trois fois plus grande que celle de l’Espagne, venait à glisser, alors même quadrupler le fonds d’urgence ne suffira plus. Comment vont-ils faire accepter cela aux 17 parlements de la zone euro ?
43. Il y a la menace d’une nouvelle crise bancaire. Les banques françaises sont pour plus de 600 milliards d’euro exposées aux PIIGS, les banques allemandes, britanniques et américaines pour chacun de ces pays, pour environ 500 milliards d’euro. La base du capital des banques européennes a été renforcée après la crise de 2008, mais pas de la manière dont cela a été fait aux États-Unis. La plupart n’avaient pas calculé qu’elles allaient devoir renoncer à leurs obligations d’État grecques. Si demain cependant aussi les obligations espagnoles et italiennes doivent être annulées, le fait que le fonds d’urgence puisse désormais être utilisé pour recapitaliser les banques aussi sera un maigre réconfort. Les bourgeoisies européennes se sont mises dans une situation à la “catch 22”. Abandonner l’euro serait une énorme saignée pour les entreprises qui sans nul doute présenteront la facture aux travailleurs et à leurs familles. Cela serait un énorme coup porté au prestige des bourgeoisies européennes et cela mettrait fin à la collaboration qui a eu lieu après la Deuxième Guerre mondiale. Cela saperait en outre la position à l’export des pays les plus forts de la zone euro. Mais le cout du maintien de la zone euro continue à augmenter, et la question est à partir de quand ce prix sera-t-il trop grand ?
44. En fait, il existe déjà depuis quelques mois un très grand consensus sur le fait que la politique de la dévaluation interne ne fonctionne pas, mais qu’il n’y a pas d’alternative. En conséquence, on continue contre tout meilleur jugement dans la même politique. La plus jeune réalisation a été le vote au Parlement européen du fameux “sixpack”. Officiellement, cela est la réponse à la crise économique, mais on abuse de cette occasion pour institutionnaliser la politique de l’orthodoxie néolibérale. Les États-membres doivent dorénavant présenter leur budget aux institutions européennes avant de pouvoir les faire valider par leurs parlements nationaux. On peut imposer des entraves budgétaires et des plafonds de dette sont infranchissables. Qui les enfreint peut être sanctionné. En même temps, on discute cependant d’un détour pour pouvoir élargir le fonds d’urgence. Comme si on n’avait pas déjà fait assez de dégâts avec toutes ces manipulations financières, on veut y placer un effet de levier. La BCE prêterait des sommes d’argent illimitées à quiconque veut acheter les obligations d’État des pays faibles de la zone euro, avec les 440 milliards d’euro du fonds d’urgence en tant que garantie. De cette manière, on peut garantir pour quatre ou cinq fois plus d’euro en obligations d’État, et on espère contrer la spéculation contre les obligations d’Italie ou d’Espagne.
45. On peut bien se demander à quoi ils sont occupés. En fait, ils continuent simplement à faire la même merde jusqu’à ce que la séparation inévitable et douloureuse ne se présente. C’est logique : sur base du capitalisme, il n’y a pas d’issue. Le problème fondamental est il est vrai que le marché capitaliste sous-utilise et contrecarre les capacités scientifiques et techniques. Nous devons libérer l’économie de la chasse au profit et la mettre au service de la société et de son cadre de vie et de travail, par la mise en propriété collective libre des secteurs-clés de l’économie et de la science, et par la planification démocratique. Le gouvernement qui fait cela, se ferait vraisemblablement jeter de la zone euro à coups de pieds au cul. Ce ne serait pas une autarcie délibérément choisie. Les jeunes et les travailleurs partout en Europe comprendraient bien vite que la bourgeoisie tente par là de les isoler de la seule alternative possible. Cela aurait l’effet exactement opposé.