Tag: Bretagne

  • Grève à B-Post dimanche soir, rapport de Bruxelles X

    A la suite de la journée de grève nationale de ce vendredi 11 février, les travailleurs de B-post ont repris les actions de blocage dans les grands centres de tri au nord comme au sud du pays ce dimanche soir. Des militants du PSL étaient présents au piquet du dépôt de Bruxelles X dimanche et lundi soir.

    Par Nico M (Bruxelles)

    • Model 9 Tract pour et par des facteurs combatifs.

    Cette action prend place dans la continuité de la journée de grève nationale du vendredi 11 février. Et clairement sur place, le sentiment était qu’après cette journée de grève, le mouvement devait continuer, la lutte doit se construire plutôt que de s’arrêter là et de retourner tous au boulot en attendant les négociations.

    Au piquet, les travailleurs reviennent sur le constat qu’à B-post, les conditions de travail n’ont fait que se détériorer et que les annonces de restructurations de la direction s’inscrivent dans cette dynamique de déconstruction d’un service au profit d’une minorité d’actionnaires assoiffés de dividendes. Le constat est clair au piquet : la priorité est mise sur ces dividendes, la qualité du service diminue sans cesse, les conditions de travail deviennent impossible… et on veut encore nous faire avaler d’autres assainissements ?

    Les restructurations à B-post s’inscrivent dans l’agenda de libéralisation du service postale censé être effectif en… 2011. Quand allons-nous tirer les conclusions qui s’imposent : la libéralisation des services publics n’amènent qu’une dégradation du service et des conditions de travail avec, dans certains cas, des conséquences dramatiques. Les chemins de fer britanniques connaissent des accidents à répétitions suite aux économies faites sur la sécurité. En France, la vague de suicides chez France Telecom est due à la pression d’un management demandant toujours plus de rendement, etc.

    Face aux attaques de la direction, les travailleurs au piquet demandent une réponse combative de la part des syndicats. ‘‘Une journée de grève ne servira à rien, il faut un plan pour bloquer durablement l’entreprise et nous faire entendre’’. La volonté de lutter pour leurs conditions de travail n’est pas à mettre en question parmi les travailleurs de B-post, et ils l’ont une nouvelle fois montré. Sur le piquet, des postiers du Brabant Wallon notamment sont venus soutenir le blocage. ‘‘A Gand aussi ce soir ils bloquent’’ nous confirme un délégué de la CSC.

    Les médias ont mis en avant ces actions dans l’optique de la réunion de mardi matin entre syndicats et direction. Or sur le piquet les travailleurs expliquent : ‘‘La direction va proposer des aménagements minimes, mais les contrats D1 (ceux qui concernent les nouveaux statuts des postiers ‘auxiliaires’, NDLA) existent depuis plus d’un an maintenant. La conclusion n’est pas de négocier des aménagements mais de stopper cette course à la flexibilité dont les pires conséquences sont payées par les travailleurs et le service à la population. La surcharge de travail est déjà énorme, conséquence des multiples suppressions d’emplois les dernières années. Ils veulent nous faire travailler à temps plein pour un peu plus de 1000€ par mois, sous le statut d’ouvrier !’’

    C’est la volonté de maintenir la pression qui s’exprime sur le piquet. Bien que dimanche le sentiment que le travail va reprendre lundi dans la journée est présent, les discussions prennent place pour voir à reprendre le blocage lundi en soirée. Et ce lundi vers 22h le blocage reprend à Bruxelles X. Les nouvelles sur le piquet ce soir là arrivent : il semble que seul le centre bruxellois est à l’arrêt. Mais la volonté de ne pas s’arrêter à la réunion entre partenaires sociaux de mardi est présente. Des discussions prennent place sur les possibilités et la méthode pour élargir et ne pas se rester isolés. Certains militants syndicaux parlent de la possibilité de motiver d’autres postiers du Brabant Wallon à venir sur le site de Bruxelles X pour jeudi soir.

    De ces actions, les syndicats doivent organiser un plan d’action combatif, discuté avec les délégations dans les bureaux et les dépôts. Cette colère doit pouvoir se concrétiser dans une lutte organisée par les travailleurs pour faire reculer la direction. ‘‘Grève au finish’’ lance un travailleur dimanche soir. Ce qu’on entend sur le piquet, c’est le développement de différentes idées concrètes pour organiser cette lutte ; une tournante au niveau national pour organiser collectivement le blocage par équipes qui se relaieraient par exemple.

    Nous soutenons ces actions car nous sommes contre la destruction des acquis sociaux du personnel, de même que nous sommes pour une prestation de service de qualité. Nous défendons dans cette optique un service public de qualité en dehors des mains des actionnaires et des bourses. Il faut tenir des assemblées du personnel partout où c’est possible, dans chaque dépôt ou bureaux pour convaincre l’ensemble des travailleurs du recul social qu’engendrent tous les plans de la direction. De ces assemblées, un plan d’action national doit en sortir pour ne pas lutter bureaux par bureaux et se laisser diviser par la direction.

    Partir en action ensemble est nécessaire pour stopper la politique d’austérité, seule la lutte paie !


    Socialisme 2011

    Chaque année, le Parti Socialiste de Lutte organise un weekend public de débats et de formation, ”Socialisme 2011” cette année. Nous y accueillerons environ 300 participants. Durant trois meetings en plénière, deux sessions et 16 commissions, la lutte syndicale ne sera jamais très éloignée. De plus, ce sera l’occasion de rencontrer d’autres syndicalistes combatifs. A l’ordre du jour, il y aura entre autre une discussion sur les grèves générales avec Gustave Dache, auteur d’un livre sur ’60-’61 ; un meeting international avec des syndicalistes de France, d’Irlande et de Grande-Bretagne ; des témoignages de syndicalistes venant de Wallonie, de Bruxelles et de Flandre sur la façon dont ils réagissent face à la question communautaire ; et une commission concernant les syndicats combatifs et démocratiques, avec Martin Willems, secrétaire licencié du SETCa BHV industrie.

    => Plus d’infos

    => Socialisme 2011 – Le menu pour les syndicalistes combatifs

  • Charleroi : ‘‘AIP pourri ! Travailleurs, insoumis !’’

    Hier, à l’appel de la régionale de la FGTB de Charleroi, des milliers de travailleurs ont manifesté contre le projet d’Accord interprofessionnel qu’ont négocié les partenaires sociaux. Avec les militants FGTB se trouvaient également des militants du syndicat libéral et du syndicat social-chrétien.

    Par Nico

    La délégation des Jeunes FGTB a particulièrement impressionné ce vendredi. Derrière une grande banderole ‘‘Tout est à nous’’, les quelques dizaines de jeunes ont scandé avec beaucoup de combativité ‘‘Tout est à nous, rien n’est à eux, tout ce qu’ils ont ils l’ont volé, partage des richesses, partage du temps de travail ou alors ça va pêter, ça va pêter !’’, ‘‘AIP pourris travailleurs, insoumis !’’ ou encore ‘‘Les vieux dans la galère, les jeunes dans la misère, de cette société là, on n’en veut pas !’’ Nous avons pu y retrouver des militants du comité des Jeunes en lutte pour l’emploi-Hainaut, mais aussi des TSE de Verviers venus en solidarité et dont la participation à l’animation a pu être fortement apréciée.

    A l’arrière et à l’avant, les autres délégations reprenaient les slogans et les chants, venant même parfois chercher les animateurs jeunes-FGTB pour lancer les slogans. L’un d’entre eux a été chaudement accueilli : ‘‘Tous ensemble, tous ensemble, grève générale !’’, repris avec plus d’entrain encore devant les caméras des journalistes.

    Parmi les jeunes présents dans le bloc, on trouvait notamment une quinzaine d’étudiants de la Haute Ecole Condorcet. Laeticia, militante Jeunes FGTB, nous explique : ‘‘Cela fait déjà un moment que je leur parle de manifestations, de grèves,… Ils n’avaient jamais suivi. Cette fois-ci, une quinzaine d’étudiants sont venus et m’ont dit après la manifestation que c’était la première fois pour eux, mais certainement pas la dernière’’

    A d’autres endroits aussi, de nouvelles têtes avaient rejoint le mouvement. ‘‘Au service chômage de la FGTB, au niveau administratif, ça ne bouge pas trop de façon générale’’ nous explique Prisca, ‘‘Mais là, on a argumenté une semaine durant sur l’AIP, pourquoi il fallait vraiment se mobiliser. Au final, on est 10 sur 15 dans la manif.’’ Ici et là, des travailleurs déplorent n’avoir toutefois reçu les informations que bien trop tard pour pouvoir sérieusement mobiliser. Pour eux, bien plus de monde aurait pu être présent. L’organisation a fait défaut, pas la volonté de se battre. L’idée d’une lutte offensive en direction d’une grève générale de 24h le 4 mars prochain, bien préparée et pour laquelle on mobilise sérieusement, est très largement acceptée. Dans de très nombreuses discussions, on parle du refus du syndicalisme de concertation et de la nécessité d’un syndicalisme de lutte, de combat, où la construction active et combative d’un rapport de forces favorable aux travailleurs est l’élément central.

    ‘‘Quand une entreprise veut délocaliser, les organisations syndicales se contentent de parler de l’obtention d’un ‘‘meilleur volet social’’ Il faut refuser cette logique, c’est un coup de poignard dans le dos’’ dénonce Victor, ancien permanent FGTB. ‘‘Des propositions alternatives doivent venir sur la table, comme de nationaliser. Ce sont les actionnaires et les spéculateurs qui décident, ce n’est pas normal, ce ne sont pas eux qui créent la richesse. Il faut faire participer les gens à l’économie, c’est-à-dire qu’ils prennent part aux décisions économiques. Ça, ça veut dire de retirer l’économie des mains du privé.’’ Faisant un parallèle avec la situation syndicale, il se rappelle un ancienne affiche de la FGTB : ‘‘Elle disait : ‘Syndiqué, sois syndicaliste !’ C’est ça qu’on doit remettre en avant. On doit rendre la parole aux militants, c’est la seule manière de casser la logique du syndicalisme de négociation’’

    Le sentiment de ras-le-bol était très clairement présent, la combativité et la volonté d’aller de l’avant dans la lutte aussi. Un peu partout, on voit quelques militants de la CSC (principalement de la CNE, la centrale des employés de la CSC) qui ont suivi leurs camarades et s’opposent au ‘OUI’ de la CSC à l’AIP. La veille, 200 militants de la CNE s’étaient rendus devant le cabinet de la ministre de l’emploi pour maintenir la pression sur le gouvernement désormais en charge du dossier de l’AIP, depuis son rejet par la FGTB et la CGSLB.

    La journée nationale d’action du 4 mars ne peut pas se limiter à une action symbolique ou à une simple promenade sans lendemain, sans mots d’ordre clair concernant la suite. Au contraire, si les patrons et les politiciens continuent à négliger le message cela doit devenir une grève générale de 24 heures bien préparée autour des revendications suivantes:

    • Des négociations libres dans les secteurs et les entreprises
    • Élimination de la discrimination entre ouvriers et employés sans miner le statut des employés
    • Pas touche à l’index
    • Maintien de tous les systèmes de prépensions

    Socialisme 2011

    Chaque année, le Parti Socialiste de Lutte organise un weekend public de débats et de formation, ”Socialisme 2011” cette année. Nous y accueillerons environ 300 participants. Durant trois meetings en plénière, deux sessions et 16 commissions, la lutte syndicale ne sera jamais très éloignée. De plus, ce sera l’occasion de rencontrer d’autres syndicalistes combatifs. A l’ordre du jour, il y aura entre autre une discussion sur les grèves générales avec Gustave Dache, auteur d’un livre sur ’60-’61 ; un meeting international avec des syndicalistes de France, d’Irlande et de Grande-Bretagne ; des témoignages de syndicalistes venant de Wallonie, de Bruxelles et de Flandre sur la façon dont ils réagissent face à la question communautaire ; et une commission concernant les syndicats combatifs et démocratiques, avec Martin Willems, secrétaire licencié du SETCa BHV industrie.

    => Plus d’infos

    => Socialisme 2011 – Le menu pour les syndicalistes combatifs

  • Tous ensemble contre la casse sociale!

    Non à un Accord Interprofessionnel imposé

    Même le quotidien flamand d’affaires De Tijd a dû concéder qu’une majorité de travailleurs a rejeté le projet d’accord interprofessionnel. Mais cela ne déroute pas les patrons et les politiciens. Si la façade démocratique ne conduit pas au résultat recherché, le gouvernement sortant n’a qu’à s’en occuper. Nous savons à quoi nous pouvons nous attendre: construire un rapport de forces avec un plan d’action ou bien avaler l’AIP que nous venons de rejeter de façon largement majoritaire.

    Tract du PSL. PDF

    La pression n’avait pourtant pas été ménagée. Les partenaires sociaux allaient ainsi montrer aux politiciens comment conclure un accord. C’était malin : en refusant d’accepter n’importe quoi, nous deviendrions alors co-responsables de la crise politique. A la CSC, les 3.000 permanents ont même tous reçus une lettre où l’on prétendait que seuls des irresponsables rejetteraient cet accord, puisque l’alternative – pas d’accord – serait ‘pire’. Malgré cela, le sommet de la CSC a eu besoin des votes en bloc de quelques centrales de fonctionnaires et d’ouvriers pour obtenir une majorité, la plus faible de son histoire, en faveur d’un AIP.

    A en croire les organisations patronales, elles aussi ont eu beaucoup de difficultés à convaincre leur base mais, finalement tous l’ont approuvé. Du côté des travailleurs par contre, jamais un AIP n’a été aussi massivement rejeté. Pour la première fois de son histoire, le syndicat libéral a rejeté un accord. En disant que le rejet du projet d’accord par la base de la FGTB minerait la position de Rudy De Leeuw, les patrons espéraient nous tendre un piège. En réalité, c’est surtout la position de Luc Cortebeeck qui a été affaiblie. Il a mis la CNE et la LBC dans une position impossible.

    Les patrons, qui représentent 37.000 entreprises selon la FEB, n’ont pas l’intention d’accepter la décision démocratique. Ils appellent le gouvernement à intégralement imposer l’accord. Ils se sentent soutenus par Merkel, Sarkozy, la Commission Européenne, la Banque Centrale Européenne et les “marchés financiers”. Bien que les entreprises fassent à nouveau des profits importants, ils n’ont pas l’intention de les partager. Avant d’imposer l’accord, le CD&V veut tester si le PS est prêt à aller contre la majorité de la FGTB. Apparemment, les patrons ne se font plus de soucis concernant l’attitude que le SP.a va prendre. Dans ce cas-ci, le VLD et la NVA sont d’ailleurs soudainement prêts à venir à l’aide du gouvernement en affaires courantes. Les patrons ont donc tout un arsenal de moyens pour imposer leur volonté.

    La direction syndicale est sortie des négociations sans accord acceptable, mais aussi sans avoir construit une quelconque relation de force afin de pouvoir le rejeter. Les prochaines semaines et mois, nous pourrons la restaurer en rejoignant la résistance contre la casse sociale qui s’est développée ailleurs en Europe. Nos adversaires vont évidemment essayer de nous diviser: Flamands contre francophones, CSC contre FGTB, ouvriers contre employés et jeunes avec des nouveaux contrats contre plus âgés. Et pourtant, les possibilités d’actions communes ont rarement été plus favorables qu’aujourd’hui. Tant en Flandre qu’en Wallonie et à Bruxelles, une large majorité de travailleurs, y compris des ouvriers, s’est prononcée contre l’accord. La CNE et la LBC réfléchissent sur des actions. Dans d’autres centrales de la CSC, nombreux sont ceux qui se sentent délaissés par le sommet.

    En annonçant des actions régionales, la direction de la FGTB indique avoir compris le message. Nous devons assurer que ce soit un grand succès par une politique participative de la base et une implication maximale des collègues des autres syndicats. La journée nationale d’action du 4 mars ne peut pas se limiter à une action symbolique ou à une simple promenade sans lendemain, sans mots d’ordre clair concernant la suite. Au contraire, si les patrons et les politiciens continuent à négliger le message cela doit devenir une grève générale de 24 heures bien préparée autour des revendications suivantes:

    • Des négociations libres dans les secteurs et les entreprises
    • Élimination de la discrimination entre ouvriers et employés sans miner le statut des employés
    • Pas touche à l’index
    • Maintien de tous les systèmes de prépensions

    FGTB et CSC: cassez les liens avec le PS et la CD&V

    Aucune institution, parti ou mouvement dans notre pays ne possède une force de mobilisation comparable à celle des syndicats. Avec une bonne campagne d’information et de mobilisation, les syndicats sont capables de mettre dans la rue des centaines de milliers de travailleurs. Hélas, au Parlement, cela ne se remarquera pas. Les syndicats libéraux venaient à peine de rejeter l’accord que les partis libéraux annonçaient vouloir intégralement le faire appliquer par le Parlement. Au Parlement, les chrétiens-démocrates se moquent des positions de la CSC et des mutualités chrétiennes. Tant le PS que le SP.a se sont dits réjouis de l’accord “équilibré”. Il semble que les politiciens vivent dans un autre monde. Bien qu’une majorité de syndicalistes ait rejeté l’AIP, cette position passe à peine dans les médias. A la base syndicale, cela conduit à des frustrations et au découragement. En Flandre surtout, et depuis des années, nombreux sont ceux qui se sont détournés des partenaires politiques privilégiés et votent pour le populiste du moment. Il est hautement temps que les dirigeants syndicaux rompent les liens entretenus avec le PS et le SP.a pour la FGTB et avec le CD&V pour la CSC, et qu’ils construisent leur propre représentation politique, avec tous ceux qui s’opposent à la casse sociale.


    Jeunes en lutte pour l’emploi

    Les jeunes surtout sont dans le collimateur de la politique de casse sociale. La sécurité d’emploi et un salaire convenable ne sont que de rêves pour beaucoup. L’AIP veut encore élargir cette discrimination. Celui qui est déjà au boulot garderait son statut actuel, des nouveaux travailleurs subiraient le nouveau statut miné. Dans quelques régions, le PSL est impliqué avec les jeunes des syndicats et la JOC dans une campagne contre l’insécurité d’emploi et la série interminable de statuts précaires imposés aux jeunes.


    Socialisme 2011

    Chaque année, le Parti Socialiste de Lutte organise un weekend public de débats et de formation, ”Socialisme 2011” cette année. Nous y accueillerons environ 300 participants. Durant trois meetings en plénière, deux sessions et 16 commissions, la lutte syndicale ne sera jamais très éloignée. De plus, ce sera l’occasion de rencontrer d’autres syndicalistes combatifs. A l’ordre du jour, il y aura entre autre une discussion sur les grèves générales avec Gustave Dache, auteur d’un livre sur ’60-’61 ; un meeting international avec des syndicalistes de France, d’Irlande et de Grande-Bretagne ; des témoignages de syndicalistes venant de Wallonie, de Bruxelles et de Flandre sur la façon dont ils réagissent face à la question communautaire ; et une commission concernant les syndicats combatifs et démocratiques, avec Martin Willems, secrétaire licencié du SETCa BHV industrie.

  • Union européenne: de l’euphorie à la récession

    Le début de la première décennie du 21e siècle a été caractérisée par une euphorie jamais vue autour du projet européen. Avec quelques retards, le premier janvier 2002, l’euro a été introduite comme monnaie physique. Mais, en moins de 10 ans, la question de la survie de la zone euro s’est posée avec force. Après l’euphorie a suivi la récession…

    L’Union européenne n’est plus un modèle

    Le développement de la zone euro n’a pas mis fin aux contradictions entre les différentes économies nationales qui en font partie. Aujourd’hui, toutes ces contradictions refont surface et il y a des spéculations ouvertes sur une possible fin de la zone euro telle que nous la connaissons.

    Le ‘Center for Economics and Business Research’ de Grande-Bretagne affirme que l’euro a seulement 20% de chance de survivre à la nouvelle décennie, les différences économiques entre pays étant tout simplement trop grandes. L’économiste américain Krugman confirme : ‘‘Si la zone euro veut survivre, cela va devoir changer. La chance que la stratégie actuelle – simplement guérir de la crise en transpirant – marche, est faible… Les pays européens les plus forts vont devoir faire un choix.’’

    L’Union européenne n’est plus le modèle pour un capitalisme stable et prospère. Au contraire, des éléments de l’Afrique et de l’Amérique Latine arrivent en Europe. Les éléments centraux là-dedans sont une croissance limitée, de l’austérité et des crises sur les plans politique et social. Mais les travailleurs de différents pays font leurs premiers pas dans la la résistance, et c’est une donnée d’importance.

    Dettes de l’état

    Dans des pays comme le Portugal, l’Espagne et peut-être même en Belgique, existe la menace de crises en conséquence des dettes des Etats. En Grèce et en Irlande, le FMI et l’UE sont intervenus pour stabiliser les marchés mais, malgré cela, le spectre d’une faillite n’est pas à exclure.

    Une étude de Credit Market Analysis estime la probabilité de défaut de payement de la Grèce dans les cinq années à venir à 58,8%. En Irlande, cela serait 41,2% et au Portugal, à 35,9%. Une telle faillite aurait aussi des conséquences extrêmes pour d’autres pays. Les banques allemandes ont ainsi pour 28 milliards d’euros de bons d’Etat grec et pour 29 milliards de bons d’Etat portugais, 114 milliards de bons d’Etat irlandais et 147 milliards de bon d’Etat espagnols.

    Leur réponse: faire payer la crise aux pauvres!

    La réponse des différents gouvernements et des institutions internationales est claire : une politique d’austérité dure qui présente aux travailleurs et leur famille la facteur des jeux des spéculateurs et de la faillite du système de marché. Grâce à cela, ‘‘les marchés’’ sont calmés, mais les vautours financiers n’en n’ont jamais assez.

    Les assainissements vont très loin et entraînent une résistance: différentes grèves générales ont eu lieu entre autres en Grèce, en Espagne et au Portugal, tout comme de grandes journées d’action en France, en Irlande et en Grande-Bretagne. Aucun parti traditionnel n’est prêt à contrer les diktats des marchés financiers et, au niveau syndical, il manque souvent une direction capable d’offrir des réponses sérieuses. C’est la pression de la base qui a initié la résistance en Europe.

    Construire la résistance

    Les mouvements de lutte ne sont pas finis, même là où il y a une pause temporaire. La grève générale en Grèce le 15 décembre, la première depuis le printemps, l’a illustré de façon éclatante.

    Il est important de construire un plan d’action et de mettre en avant des idées concrètes. Cela peut prendre la forme d’une grève générale de 24 heures. Là où il n’y a pas encore d’actions, une manifestation nationale ou une grève du secteur public peuvent constituer un bon premier pas en direction d’une grève générale. La résistance doit également être coordonnée au niveau européen. La journée d’action du 29 septembre était un bon début, mais sans que suive un quelconque prolongement: pas de grève générale européenne, et une action symbolique le 15 décembre à la place, action pour laquelle aucune mobilisation n’a été effectuée.

    La crise est bien structurelle et pas seulement conjoncturelle. Au plus ses effets se feront sentir et au plus les protestations contre les symptômes de la crise pourront se développer rapidement vers des mouvements avec une conscience anticapitaliste plus large, dans laquelle existera beaucoup d’ouverture pour des points de vue socialistes. A travers des revendications comme le refus de payer les dettes et la nationalisation des banques sous contrôle et gestion des travailleurs, la voie vers une autre société peut être ouverte.

    Où est la gauche?

    Les partis de gauche actuels sont le plus souvent caractérisés par la confusion et le manque de réponses concrètes face à la crise du capitalisme. Là où la gauche est absente, il y a un espace pour des forces diverses de l’extrême-droite, ainsi que pour une place plus grande pour des discussions autour de la question nationale.

    Des formations de gauche qui s’opposent clairement à la dictature des marchés et qui aident à la Construction de la résistance contre cette dictature peuvent cependant marquer des points. L’initiative réussie de l’United Left Alliance en Irlande en est un bon exemple.

    La classe ouvrière peut temporairement être poussée à la passivité ou même subir un certain nombre de défaites, surtout quand il n’y a pas de forts partis des travailleurs et si les forces numériques des marxistes sont encore modestes. Mais, en même temps, il y a une forte dimension internationale dans les mouvements de lutte qui se développent. Les étudiants grecs ont été inspirés par les actions étudiantes en Grande-Bretagne, qui s’inspiraient des actions en France.

    L’Europe va vers une longue période d’instabilité sur les plans financier, économique, politique et social. Les travailleurs et leurs familles doivent unir leurs forces dans la résistance et dans la discussion pour une alternative au chaos capitaliste. Pour notre part, dans le mouvement, nous défendrons l’idée d’une réponse socialiste.

  • Socialisme 2011 – Le menu pour les syndicalistes combatifs

    Les syndicalistes combatifs ne resteront pas sur leur faim à Socialisme 2011! La lutte syndicale est loin d’être oubliée dans ce programme de trois meetings en plénière, deux discussions en panel et 16 commissions. Le weekend Socialisme 2011 est l’occasion par excellence pour rencontrer d’autres syndicalistes combatifs. Nous voulons ci-dessous attirer l’attention sur 4 moments à ne pas manquer pour les syndicalistes de lutte.

    PDF


    Samedi 12 mars 15h30

    L’expérience et les leçons des grèves générales en Belgique – avec introduction de Gustave Dache

    A l’occasion du 50e anniversaire de la grève générale de 1960/61, le PSL a publié le livre écrit par Gustave Dache. Le timing avait bien été choisi: dans différents pays européens, la grève générale était à nouveau à l’agenda. Dans son livre, Gustave a fait un rapport du déroulement de la grève, jour après jour, et a aussi décrit l’attitude des diverses force en présence, tant des partisans que des opposants à la grève. Gustave était à ce moment là en toute première ligne, mais il avait aussi connu la grève générale de 1950 en tant que tout jeune ouvrier, lors de la Question Royale. Au cours d’une des commissions de Socialisme 2011, il partagera son expérience et reviendra sur les leçons à tirer des grandes grèves du 20e siècle.


    Meeting de soirée le samedi 12 mars à 19h

    L’Europe en crise et la lutte contre l’austérité

    Voilà qui constituera un des des points culminant de Socialisme 2011. Jacques Chastaing, organisateur du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) français à Mulhouse (et actif depuis déjà des années, notamment durant la fameuse lutte de l’usine LIP à Besançon dans les années ’70), parlera du mouvement contre la réforme des pensions de Sarkozy. Quelques 17 millions de personnes ont pris part à ce mouvement et Sarkozy a dû remanier son gouvernement. Matt Waine, conseiller communal du Socialist Party à Dublin, abordera la façon dont la crise de la dette a fait chuter la coalition des conservateurs et des verts au pouvoir. En Irlande, la gauche radicale a rassemblé ses forces au sein de l’United Left Alliance qui, selon les sondages, pourrait obtenir trois ou quatre sièges lors des élections parlementaires du 25 février prochain. En Grande-Bretagne, après un long sommeil, le mouvement ouvrier est de nouveau entré en action. Les grèves des jeunes ont mis le feu aux poudres mais, avec le ‘National Shop Stewards Network’, la base syndicale a aussi son propre instrument pour jouer un rôle. Nous avons demandé la présence d’un orateur du NSSN, mais nous ne savons pas encore qui viendra. Le meeting sera clôturé par Eric Byl, membre du Bureau Exécutif du PSL et responsable de notre travail syndical.


    Commission le dimanche 13 mars à 10h30

    Les perspectives pour les luttes en Belgique et l’attitude à adopter face à la question nationale

    Des syndicalistes régulièrement confrontés à la question communautaire viendront témoigner de la façon dont ils se comportent en réaction. Levi Sollie est délégué à Bayer pour la Centrale Générale de la FGTB. Karim Brikci est délégué CGSP à l’hôpital public Brugmann à Bruxelles, où tant le personnel que les patients sont francophones, néerlandophones, ou ont une autre langue maternelle. Yves Cappelle est délégué SETCa à Steria Benelux, et membre de la section bilingue du SETCa-BBTK à Bruxelles-Hal-Vilvorde. Wouter Gysen est délégué CGSP à la SNCB, où l’unité des deux côtés de la frontière linguistique est une condition cruciale pour pouvoir contrer les attaques de la direction contre le statut et les conditions de travail. Anja Deschoemacker est membre du Bureau Exécutif du PSL et auteur de l’ouvrage: ‘La question nationale en Belgique – une réponse des travailleurs est nécessaire!’


    Dimanche 13 mars 13h

    Pour des syndicats combatifs et démocratiques, avec Martin Willems (ancien secrétaire SETCa-BHV industrie)

    La section régionale a été placée sous tutelle statutaire par le SETCa fédéral. Cinq secrétaires ont été licenciés sur-le-champ. 2000 militants et 14.000 membres du SETCa secteur industrie à BHV, dans 400 sociétés, ont été laissé à leur sort d’un jour à l’autre. Certains étaient impliqués dans des dossiers de restructuration difficiles. Les militants ont appris cette nouvelle par les médias, ce qui rend l’affaire d’autant plus douloureuse. Depuis lors, tant le bureau exécutif fédéral que régional refuse de débattre de l’affaire. Récemment, une Assemblée générale du secteur Services a toutefois décidé rouvrir l’affaire, contre l’avis du secrétaire fédéral et des secrétaires remplaçants qui étaient présents. Lors d’une commission spécialement prévue à Socialisme 2012, Martin Willems, l’un des cinq secrétaires, commentera ce déroulement et parlera de la nécessité de syndicats combatifs et démocratiques.

  • France, Grèce, Egypte, Tunisie, Angleterre,… La jeunesse est dans la rue ! Et chez nous ?

    Irlande, Grèce, Espagne, Italie, Grande-Bretagne, France, Autriche,… dans tous ces pays, des protestations ont eu lieu ces 12 derniers mois contre les coupes budgétaires, notamment dans l’enseignement. Ailleurs, comme en Tunisie, en Egypte ou encore en Algérie et au Yémen, la jeunesse participe en masse aux luttes contre les dictatures. Et chez nous ?

    Débat avec :

    • Giorgos Karatsioubanis (Grèce, membre de la coalition de gauche SYRIZA)
    • Damien Scali (France, Nouveau Parti Anticapitaliste)
    • Slim Essaker (Jeunesse Ouvrière Chrétienne – Liège, membre du Comité de solidarité avec les luttes en Tunisie et au Maghreb à Liège)

    Ce mercredi 16 février, à 19h30 A l’Université de Liège (ULg), place du XX Août, salle Wittert (Parcours fléché)

    Dans la plupart des pays européens, la crise a durement frappé. Les jeunes n’ont pas été les derniers à en subir le choc et beaucoup de mesures d’assainissement introduites à seule fifi n de contenter les marchés fifi nanciers s’en prennent encore à eux. Augmentation des droits d’inscriptions aux études, réduction des allocations, diminution des droits et de la protection pour les jeunes travailleurs (et, par contre, augmentation de la pression et de la charge de travail).

    Ainsi, en Grande-Bretagne, les droits d’inscription ont été augmentés à environ 11.000 euros par an ! Et absolument aucune mesure n’est prévue pour ceux qui seraient dorénavant incapables de payer leurs études. Bien au contraire! Dans la plupart des cas, les bourses et allocations sont en même temps rabotées. En Belgique, les partis qui négocient actuellement sont tous d’accord sur la question d’un budget d’austérité qui économisera 22 milliards d’euros dans les différents budgets. Enseignement, emplois, droits sociaux,… la jeunesse sera loin d’être épargnée !

    Quelles leçons tirer des luttes des autres pays ? Comment se préparer à lutter pour notre avenir ? Venez en discuter avec le Front des Gauches et différents orateurs internationaux de Grèce, de France,…

  • Il y a 100 ans: la révolution au Mexique

    Les lecteurs parmi les plus âgés ou les cinéphiles connaissent peut-être le film ”Viva Zapata” (1952) avec Marlon Brando dans le rôle principal. La révolution mexicaine de 1910 a marqué l’histoire du Mexique et du continent tout entier. Elle continue encore à frapper les esprits. Ce dossier en aborde plusieurs leçons centrales, sur base de la brochure écrite par Kim Wauters.

    Le Mexique avant 1910

    Il y a cent ans, le Mexique était un pays à l’économie essentiellement rurale, dominée par les haciendas, ces grandes fermes créées par les colonisateurs alors que la terre était violemment saisie à la population indigène. Des villages de paysans libres existaient également, mais ils étaient soumis à la pression croissante de la grande propriété terrienne. Les paysans pauvres subissaient le joug des grands propriétaires terriens qui les faisaient travailler sur leurs terres. La résistance de la population indigène était durement réprimée et ses terres récupérées par les grands propriétaires. Un cinquième du pays était alors aux mains de 17 individus seulement, et quelques 3.000 familles possédaient presque la moitié du pays.

    Dès la fin du 19e siècle, le Mexique a connu l’industrialisation grâce au métal et au textile, ainsi qu’avec un secteur pétrolier grandissant dès 1901. Cette industrialisation était principalement basée sur du capital extérieur, issu des États-Unis et de Grande-Bretagne. En 1910, à peu près 80% de la population vivait toujours dans les campagnes. Mexico, aujourd’hui gigantesque mégapole de près de 20 millions d’habitants, ne comptait à peine qu’un demi-million d’habitants. La classe ouvrière était numériquement faible, mais commençait à rapidement s’organiser. Ainsi, en 1906, 30.000 travailleurs du textile se sont mis en grève ensemble.

    La dictature de Porfirio Diaz, arrivé au pouvoir en 1876, était relativement stable parce qu’elle se basait sur les grands propriétaires terriens aussi bien que sur les capitalistes étrangers. Mais la crise économique de 1907 et quelques mauvaises récoltes ont mis fin à cette stabilité. Les contradictions existantes dans la société se sont alors violemment exprimées avec les révoltes paysannes de 1910.

    Les révoltes paysannes entraînent la chute du régime, mais quelle est l’alternative ?

    Les problèmes économiques et sociaux minaient la position de Diaz, avec de nombreux mouvements locaux et isolés contre les grands propriétaires terriens ainsi que des actions de grève. Mais ces luttes n’avaient pas de caractère unifié et étaient sans instruments politiques. C’est cela qui a rendu possible l’ascension du démocrate libéral Francisco Madero. Madero plaidait pour une forme ”plus humaine” de grande propriété terrienne. Sa plus grande force résidait dans le rejet qu’inspirait Diaz. Diaz décida d’arrêter Madero, mais celui-ci parvint à s’échapper. Il appela ensuite à une révolte nationale le 20 novembre 1910, sans véritable succès. A son retour des États-Unis au Mexique, le 20 novembre, seuls son oncle et quelques dizaines de partisans armés l’attendaient. Madero s’en alla la tête basse.

    Au même moment, différents mouvements d’armées paysannes isolées étaient à l’offensive. Dans l’État fédéré de Chihuahua, au nord, une révolte de paysans pauvres et de bandits armés se développa sous la direction de Pancho Villa. Les autorités perdaient le contrôle d’un grand nombre de villages. Pancho Villa et ses troupes de guérilleros réclamaient de l’aide et des moyens aux grands propriétaires terriens et ne mettaient pas fin au règne de la grande propriété terrienne. Ce manque de direction politique a permis à Madero de récupérer le mouvement en sa faveur.

    La pression de la révolte paysanne au nord fut renforcée par des mouvements dans d’autres parties du pays. Dans le sud, le mouvement de Zapata se fit remarquer. Diaz tentait encore d’arriver à un compromis, mais ce fut peine perdue et il dû partir en exil en Europe. Les révoltes paysannes avaient chassé Diaz du pouvoir, mais les dirigeants de ces révoltes n’étaient pas intéressés par la succession. Sans autres candidatures susceptibles de le battre, Madero remporta facilement les élections présidentielles d’automne 1911, en obtenant 98% des votes.

    Une fois président, Madero essaya de louvoyer entre l’élite et les paysans pauvres qui s’étaient révoltés, en faisant surtout des concessions à l’élite. Dans une période révolutionnaire avec une forte polarisation de la lutte des classes, les détenteurs du pouvoir doivent clairement choisir leur camp entre classes dirigeantes et opprimées. S’ils ne font pas ce choix eux-mêmes, le choix est fait à leur place. Cela peut prendre un peu de temps si aucune classe n’est capable de dominer l’autre.

    Une partie du mouvement paysan ne s’inclinait cependant pas devant le régime de Madero. Ainsi, Zapata continuait à maintenir la revendication de réforme agraire. Pancho Villa, de son côté, est entré en conflit avec la direction de l’armée et s’est retrouvé en prison. Madero a alors perdu le soutien actif de tous les dirigeants paysans locaux qui avaient mis fin au régime de Diaz, mais ils n’étaient pas pour autant prêts à contester le pouvoir central par eux-mêmes, ce qui a ouvert la voie à un coup d’État militaire, soutenu depuis les États-Unis. Voilà comment est arrivé au pouvoir le général Huerta, en février 1913.

    Le fouet de la contre-révolution

    Le régime de Huerta était brutal. Si le Parlement ne suivait pas les consignes, les parlementaires étaient arrêtés ou exécutés. L’armée avait fortement été renforcée, jusqu’à atteindre les 250.000 soldats en 1914 (bien que le nombre réel était moindre, les officiers gonflant leurs effectifs pour se garder une partie de la solde).

    Pendant ce temps, les activités des mouvements paysans s’étendaient. Avec son armée de guérilla, Pancho Villa a obtenu un pouvoir de fait au nord, sur Chihuahua. Dans le sud, le soutien pour Zapata allait croissant et le mouvement paysan se radicalisait. Les partisans de Zapata ne demandaient plus le soutien matériel des grands propriétaires, ils l’exigeaient. Les armées paysannes conquéraient une partie toujours plus grande du pays. Huerta, comprenant que sa position était devenue sans espoir, partit alors pour l’Europe.

    L’absence d’alternative était toutefois toujours présente. Des forces libérales bourgeoises ont à nouveau utilisé la faiblesse des mouvements paysans et leur manque de connexion avec le mouvement ouvrier pour se hisser au pouvoir sur base d’une série de promesses de gauche. Carranza et Obregon ont ainsi fait appel aux travailleurs des villes. Mais, dès que l’opportunité s’est présentée, ils ont poignardé le mouvement ouvrier dans le dos. En 1916, une grève générale a complètement paralysé Mexico. Carranza a écrasé cette grève avec une répression sanglante et a imposé la dissolution de la fédération syndicale Casa del Obrero Mundial. Il n’a pas non plus hésité à physiquement liquider Zapata.

    En même temps, Carranza devait tenir compte du mouvement ouvrier se radicalisant et il a fait des concessions comme l’introduction de la journée des huit heures, l’interdiction du travail des enfants et l’introduction d’une sécurité sociale partielle. Les détenteurs du pouvoir qui lui ont succédé ont eux aussi dû tenir compte du potentiel du mouvement ouvrier et des traditions de révoltes paysannes.

    Les limites de la révolution mexicaine

    Les révoltes paysannes de 1910-1920 illustrent le potentiel de la combativité, mais elles avaient d’énormes limites, tant au nord qu’au sud. Les révoltes paysannes se sont toujours limitées au niveau local, avec peu de coordination ou de collaboration. Même des dirigeants paysans centraux comme Emiliano Zapata et Pancho Villa ne se sont que rarement rencontrés. Il n’y avait aucune tradition d’organisation politique.

    Le mouvement s’est limité à des révoltes paysannes faute de rôle actif et dirigeant de la part de la classe ouvrière. Les directions paysannes ne cherchaient même pas de rapprochement avec ce mouvement ouvrier. Zapata plaidait pour une fédération de villages libres en fonctionnement démocratique, les villes et les travailleurs n’existaient pas dans sa société idéale.

    Là où les dirigeants paysans sont arrivés au pouvoir, ils ont conduit à une politique de réformes limitées : réformes agraires, augmentations salariales, travaux d’infrastructure et investissements dans l’enseignement. Dans le sud, sous l’influence de Zapata, il y a eu plus d’éléments d’implication démocratique. Mais nulle part ne s’est produit de cassure fondamentale avec le capitalisme.

    Les mouvements mexicains de 1910-1920 constituent une grande source d’inspiration pour la lutte. Le régime craignait une répétition de ces révoltes, mais cette fois sous la direction du mouvement ouvrier. C’est cela qui a conduit à de nouvelles concessions dans les années ’30, comme la nationalisation du secteur pétrolier ou l’admission de toutes sortes d’exilés politiques (dont Léon Trotsky). La révolution mexicaine de 1910 est devenue symbole de combativité, mais cela ne suffit pas en soi. Il faut aussi tirer la leçon que la réussite n’est possible qu’avec un parti ouvrier révolutionnaire, armé d’un programme socialiste qui mettra totalement fin au capitalisme pour commencer à construire une alternative socialiste.

  • “We live in a political world” Le Parti Communiste et Bob Dylan

    Cet automne s’est éteint Irwin Silber, membre de la Ligue américaine de la jeunesse communiste et rédacteur en chef du magazine américain de musique folk Sing Out ! dans les années 60. C’est lui qui avait initié la campagne contre Bob Dylan l’accusant d’avoir prétendument trahi les mouvements radicaux de l’époque. Frank Riley, un ancien député travailliste du Lancashire, s’est penché sur la relation entre Dylan et le Parti Communiste.

    Jamais un artiste populaire n’avait reçu autant d’attaques virulentes et de critiques que Bob Dylan lors de son apparition au Newport Folk Festival en mai 1965 et, par la suite, lorsqu’il est passé à l’électrique. Cette polémique a perduré pendant des années et fait même encore écho aujourd’hui. La performance de Dylan à Newport a eu des répercussions considérables, pas seulement dans le monde de la musique folk, mais aussi sur la musique populaire basée sur les traditions américaines, en particulier la musique rock.

    Bob Dylan a ramené les paroles pleines de sens dans les chansons populaires. En plus de cela, il a produit de véritables textes poétiques et a été, pour le meilleur ou le pire, l’inspirateur d’une multitude d’auteurs-compositeurs. Même les Beatles ont déclaré s’être écartés de paroles niaises sous l’influence de Dylan. Mais le rôle du Parti ‘‘Communiste’’ (CP) – aux Etats-Unis et, plus tard, en Grande-Bretagne – qui dans un premier temps l’a porté aux nues pour ensuite tenter de le démolir, n’a pas été correctement expliqué. Les partis ‘‘Communistes’’ étaient les alliés du régime bureaucratique d’Union Soviétique, soutenant l’Etat totalitaire comme étant le véritable socialisme et justifiant toutes les dérives de la politique soviétique.

    Lorsque Dylan est monté sur scène à Newport avec un groupe de rock électrique et a entamé la chanson Maggie’s farm, une adaptation d’une vieille chanson folk, Penny’s Farm, il a créé un véritable tollé au sein des traditionalistes folk. Pete Seeger, qui était à l’époque (et toujours maintenant d’ailleurs) le leader vétéran de la scène folk américaine et qui a figuré sur liste noire durant l’ère Maccarthiste, a quasiment fait une attaque. Il y a beaucoup de légendes concernant cette journée : on raconte notamment que Seeger aurait tenté de couper les fils électriques avec une hache et que lui et le manager de Dylan, Albert Grossman, se seraient battus dans la boue.

    Seeger a admis que s’il avait eu une hache, il aurait coupé les câbles et les tensions entre les organisateurs et l’équipe de Dylan dans les coulisses seraient avérées. Ce qui est certain, c’est que Dylan a été hué par une grande partie du public. L’ordre a dû être rétabli et, finalement, Dylan est revenu sur scène avec une guitare acoustique et a chanté certaines de ses chansons « acceptables ».

    Dans quelle mesure l’explosion de Newport a été organisée et préparée, personne ne le sait vraiment. Mais il semblait bien y avoir une véritable organisation derrière les protestations qu’il a reçues à tous les concerts de sa tournée mondiale qui a suivi. Sa conversion à l’électrique n’était pourtant pas si étonnante. Son album Bringing It All Back Home, mi acoustique mi électrique, sur lequel figurait la chanson Maggie’s Farm, était en vente depuis des mois.

    En fait, Dylan avait commencé à jouer du rock’n roll à l’école. Il avait même joué du piano à quelques concerts avec Bobby Vee. Dans le ‘‘yearbook’’ de son école, dans lequel les étudiants écrivent ce qu’ils comptent faire après leurs études, même si ses projets étaient d’aller à l’Université du Minnesota, il a écrit : ‘‘Rejoindre Little Richard’’. Sa prétendue ‘‘trahison’’ était simplement un retour aux sources. Il a d’ailleurs changé plusieurs fois de style au cours de sa longue carrière, ce qui a souvent ravi, troublé ou irrité les fans, ses homologues et les critiques.

    Le jeune Robert Allen Zimmerman, devenu par la suite Bob Dylan, originaire de Hibbing, une ville minière du Minnesota, est rapidement devenu célèbre en 1962-63 grâce à plusieurs chansons contestataires qu’il avait écrites dans la tradition populaire, notamment Blowin ‘in the Wind et The Times are A-Changin. Depuis lors, Dylan a écrit et interprété toutes sortes de chansons populaires américaines à partir de diverses traditions – folk, rock, blues, country, gospel, même jazz – devenant, sans doute, l’auteur-compositeur et interprète le plus influent dans l’ère de l’après-guerre. Bien qu’il ait été initialement présenté comme une sorte de Messie politique, et soigneusement entretenu par le Parti Communiste américain inconsciemment et contre sa volonté, il est soudainement devenu un ‘‘traître’’.

    Un nouveau Woody Guthrie?

    Dylan est arrivé à New-York en 1961 alors qu’il était âgé de 19 ans. Il était passionné par la musique du chanteur folk Woody Guthrie auquel il avait rendu visite avant sa mort dans un hôpital du New Jersey. Guthrie était un proche sympathisant du Parti Communiste. Ses collègues, dirigés par Pete Seeger, ont repopularisé ce qu’ils considéraient comme des chansons du peuple dans le cadre de leur activité politique. Bien que Guthrie n’ait probablement jamais rejoint officiellement le Parti Communiste, il acceptait la ligne du parti tout autant que ses camarades qui étaient membres. Il a d’ailleurs eu, pendant un moment, une colonne dans le journal du Parti Communiste, le People’s Daily World. Il a également écrit et chanté des chansons de paix entre 1939 et 1941, pendant la période du pacte Hitler-Staline, lorsque les partis Communistes en Grande Bretagne et aux Etats-Unis s’opposaient à la guerre.

    En fait, selon Seeger, c’est Guthrie qui a en premier changé la ligne quand Hitler a envahi l’Union Soviétique. Seeger raconte : ‘‘Woody a eu un sourire sur le visage. Il m’a dit ‘‘Bon, je suppose que nous n’allons plus chanter de chansons pacifistes’’. Je lui ai dit ‘‘Quoi ? Tu veux dire que nous allions supporter Churchill ?’’. Il m’a dit ‘‘Churchill a retourné sa veste. Nous allons retourner notre veste’’. Il avait raison’’. (Interview de Phil Sutcliffe, Mojo n°193, décembre 2009). Il est intéressant de constater qu’ils n’ont pas dit que c’était Staline, mais Churchill, qui a été obligé de retourner sa veste.

    Guthrie est devenu célèbre aux Etats-Unis particulièrement avec sa chanson This Land is Your Land qu’il concevait comme un hymne radical, une alternative au God Bless America de Irving Berlin. Cependant, le fond de sa chanson correspondait plus au rêve américain qu’à une revendication pour la collectivisation des terres. Il a d’ailleurs été engagé par les organismes gouvernementaux pour promouvoir le New Deal de Roosevelt. Il a été payé pour chanter dans les villes touchées par la crise et dans les villages qui allaient être détruits pour faire place à des projets hydroélectriques, notamment le barrage de Grand Coulee, qui est devenu le titre d’une de ses chansons.

    Dylan fréquentait le Greenwich Village à New York, un quartier ouvrier et bohémien. Talent précoce, il a été nourri par beaucoup d’artistes plus âgés qui gravitaient autour de Seeger. Il est tombé amoureux de Suze Rotolo, une artiste de 19 ans qui militait dans le mouvement pour les droits civiques (elle apparait sur la couverture du deuxième album de Dylan Freewheelin’). Ses parents ayant été des ouvriers communistes militants, Rotolo était ce qu’elle appelait ‘‘un bébé à couche-culotte rouge’’. Elle a grandit dans ce milieu.

    Les membres du Parti Communiste, Seeger et Irwin Silber, éditeurs de Sing Out !, un magazine qui présentait les nouvelles chansons, étaient constamment en contact avec Rotolo, faisant en sorte qu’elle garde leur protégé sous la main. Mais il semble qu’elle n’était pas vraiment consciente de ce qu’ils faisaient. Pour ce qui la concernait, elle voulait juste aider Bob. Ils espéraient que Dylan deviendrait le nouveau Woody Guthrie et contribuerait à la diffusion de leur version du socialisme en devant la grande star du monde folk.

    Dylan a avoué : ‘‘Elle vous dira combien de nuits je suis resté éveillé pour écrire des chansons que je lui montrais en lui demandant si c’était juste. Parce que je savais que son père et sa mère étaient associés aux syndicats et elle était familière aux concepts d’égalité et de liberté depuis plus longtemps que moi. On vérifiait les chansons ensemble.’’ (Robert Shelton, No Direction Home : The Life and Music of Bob Dylan). Plus tard, il a dit qu’il ne savait pas qu’ils étaient communistes et que même si il l’avait su, il n’en aurait pas tenu compte. Dave von Rong, chanteur folk qui se surnommait lui-même ‘‘le maire troskyste de la rue McDougall’’ (Greenwich Village), est également devenu l’ami de Dylan et a rapidement découvert que celui-ci était apolitique.

    Un explorateur musical

    Ceci ne veut pas dire que Dylan n’était pas sincère dans ses chansons sur les droits civiques et ses actions. Son amour de la musique afro-américaine et son éducation juive ont fait de lui un antiraciste naturel. Les artistes noirs avaient également un très bon rapport avec Dylan – il n’a jamais été considéré comme un libéral blanc qui se donne bonne conscience. Les artistes noirs américains, de la famille Staples, en passant par Stevie Wonder à Jimi Hendrix, ont enregistré des chansons de Dylan. Bobby Seale (un des fondateurs du Black Panther Party For Self Defense) a consacré un chapitre de son livre Seize the Time à une discussion avec Huey P Newton, le leader des Black Panthers, sur le morceau Ballad of the thin man de Dylan. Ironiquement, pendant que le Parti Communiste attaquait cette chanson et d’autres, Columbia records a failli ne pas la sortir sous prétexte qu’elle était communiste.

    Harry Belafonte, un chanteur noir qui avait connu le succès dans le mainstream (style de jazz apparu dans les années ‘50), a consacré beaucoup de son temps et de son argent à promouvoir de nouveaux artistes noirs. Néanmoins, il a permis à Dylan de connaitre sa première expérience d’enregistrement en lui permettant de jouer de l’harmonica sur son album Midnight special. Dylan recourt encore occasionnellement à des commentaires politiques dans ses chansons.

    Dylan a été grandement sous-estimé par ceux qui cherchaient à l’exploiter, y compris par le PC. Loin d’être le plouc de Hibbing, Dylan profitait sans scrupule de ceux qui pouvaient être bénéfiques à sa carrière. Ses camarades d’école et ses amis musiciens de Saint Paul et de Minneapolis l’avaient bien compris. Il ‘‘absorbait’’ tout ce qui pouvait être utile plus tard, d’où son surnom ‘‘d’éponge’’ pour ses ‘‘emprunts’’ de tout ce qu’il pourrait utiliser musicalement : les idées, les chansons et les arrangements. Il tente toujours de justifier cela en disant qu’il était un ‘‘explorateur musical’’.

    Ce à quoi les musiciens folk autour de Seeger se sont vraiment opposés en 1965 n’était pas le passage de Dylan aux instruments électriques, mais son refus d’écrire plus de chansons ‘‘qui pointent du doigt’’ (tel que Dylan appelait les chansons protestataires). Ils l’ont accusé d’être ‘‘introspectif’’ et donc implicitement d’être réactionnaire. C’était, en fait, un écho du ‘‘réalisme socialiste’’ et de la ‘‘culture prolétaire’’ stériles qu’avait adopté Staline et qui se manifestaient dans les instances folks de la pureté musicale.

    La scène folk britannique

    En Grande-Bretagne, un développement similaire s’est développé dans le monde de la musique folk. En 1951, le Parti Communiste de Grande-Bretagne (le CPGB) a publié une brochure ‘‘La menace américaine sur la culture britannique’’. La menace perçue sur la musique britannique a été prise avec sérieux par les membres du Parti Bert Lloyd (mieux connu comme le folkloriste A. L. Lloyd) et par le chanteur folk Ewan MacColl (de son vrai nom Jimmy Miller), auteur de la chanson populaire Dirty Old Town qui parle de sa ville natale, Salford.

    MacColl, après avoir rencontré le folkloriste américain et membre du Parti communiste Alan Lomax, dont la secrétaire s’est révélée être Carla Rotolo, la sœur de Suze, a changé son attention vis-à-vis de la musique folk. MacColl et Loyd ont entrepris, avec succès, d’instaurer un ‘‘revival’’ folk en Grande-Bretagne. Il y avait beaucoup d’échanges créatifs entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Effectivement, il est évident que Pete Seeger, dont la sœur Peggy, chanteuse folk, est devenue par la suite la compagne de MacColl, a modelé le revival folk aux Etats-Unis sur le travail de Lloyd et MacColl.

    Cette année a également été celle de la rédaction du programme du CPGB, La Route Britannique du Socialisme, une affirmation complètement réformiste de la théorie stalinienne du ‘‘socialisme dans un seul pays’’. Les théories musicales de MacColl découlaient directement de cela. Un débat sur ce qu’étaient les chansons ‘‘pures’’ et ‘‘ouvrières’’ a fait rage dans le monde folk britannique, avec MacColl en chef d’orchestre. Il a finalement adopté la position absurde que si un chanteur était anglais, alors la chanson devait être anglaise, un chanteur américain, la chanson devait être américaine et ainsi de suite. Ils ont également précisé les définitions de ‘‘traditionnel’’, ‘‘commercial’’, ‘‘ethnique’’, ‘‘amateur’’, etc. Cela a été adopté en tant que politique dans une majorité groupes sur lesquels MacColl et ses supporters avaient de l’influence.

    Entre alors, dans ce champs miné, Bob Dylan. En 1962, Dylan vient en Grande-Bretagne. Après quelques difficultés à entrer dans le Club de Singer, installé dans le pub Wakefield de Londres, on l’a autorisé à chanter trois chansons, dont deux à lui. Des témoignages contemporains disent que MacColl et Peggy Seeger, qui tenaient le club, étaient hostiles. Comme Dylan était peu connu, une explication pourrait être qu’Alan Lomax leur ait parlé de lui. La relation entre Dylan et Carla Rotolo battait de l’aile, une relation immortalisée dans le morceau Ballad in Plan D : ‘‘Pour sa parasite de sœur, je n’avais aucun respect’’, ce qui peut l’expliquer. Ou cela pourrait être qu’ils ne considéraient pas ses propres chansons comme du folk ‘‘combatif’’. Plus tard, quand Dylan a été déclaré traitre par le PC, MacColl a été un pas plus loin et a annoncé que le travail précédent de Dylan n’avait pas été de la vraie musique folk.

    La campagne pour les droits civiques

    Dylan n’a été impliqué que rarement dans les actions politiques publiques. Il s’est rendu dans les états du sud aux Etats-Unis avec Pete Seeger pour supporter la campagne de droit de vote des noirs. Il a également chanté, avec Joan Baez, aux côtés de Martin Luther King sur la plateforme de la Marche sur Washington – là ou a été prononcé le fameux discours ‘‘J’ai fait un rêve’’. (L’activité politique de Baez provient d’un mouvement Quaker de paix : son père était un éminent physicien qui a refusé de travailler sur des projets liés aux armes et ses chansons traditionnelles folks lui viennent de sa mère moitié écossaise moitié américaine).

    Quand il était dans le sud avec Seeger, Dylan a chanté une nouvelle chanson, Only a Pawn in Their Game, sur le récent meurtre du leader du mouvement des droits civiques, Megdar Evers. Tout le monde savait que le coupable était Byron De La Beckwith, un membre du Ku Klux Klan. Mais cela a pris 30 ans (jusqu’en 1994…) pour trouver un jury du Mississipi prêt à le condamner. Dans sa chanson, Dylan accuse fermement le capitalisme, en montrant que les blancs pauvres sont utilisés comme des pions par la classe dirigeante pour diviser la classe ouvrière. ‘‘Le pauvre homme blanc est utilisé dans les mains de ceux-là comme un outil’’, un extrait qui résume le contenu de cette chanson.

    Seeger a affirmé avoir trouvé ce nouveau point de vue intéressant (No Direction Home, film documentaire de Martin Scorsese (2005)). Cela montre la position libérale du PC: voir le racisme simplement comme une question de blancs et de noirs. Les mots de Dylan, au contraire, reflètent une certaine conscience de classe.

    The « Judas » protest

    Un mois après la débâcle de Newport, le 28 aout 1965, Dylan a joué à Forest Hills avec un groupe de rock nouvellement formé basé sur The Hawks et qui prendra plus tard le nom de The Band. Une foule de 14.000 personnes a applaudi les 45 premières minutes acoustiques du concert et a ensuite hué la deuxième moitié du concert quand le groupe est monté sur scène. Le 24 septembre 1965, à Austin aux Texas, Dylan a débuté une tournée autour de l’Amérique et puis du monde qui a durée une année entière. L’évènement de Forest Hills s’est répété partout. Jamais encore on avait vu des gens acheter des tickets de concert pour exprimer un tel mécontentement sonore. Levon Helm, le batteur, a été tellement dégouté qu’il a renoncé avant la fin de la tournée américaine et a été remplacé.

    Alors que la tournée avait atteint la Grande-Bretagne en mai 1966, la tendance était installée. A Edinburgh, la Ligue des Jeunes Communistes a débattu et a décidé d’organiser une grève quand les instruments électriques sont apparus sur scène. Des évènements similaires sont arrivés à Dublin et à Bristol. La presse a très peu couvert cela, excepté pour le Melody Maker qui a fait la une le 14 mai. Avant le concert à Manchester, la société universitaire de Folk a tenu un meeting lors duquel a été voté le boycott du concert.

    C’était dans ce contexte que s’est déroulé l’extraordinaire concert au Free Trade Hall de Manchester le 17 mai 1966. Lors de la première partie du concert, il n’y a eu comme d’habitude aucun problème. Après trois chansons dans le second set – ironiquement, immédiatement après la chanson ‘‘communiste’’ Ballad of a Thin Man – les protestations ont commencé. Une fille s’est approchée de Dylan et lui a donné un bout de papier, sur lequel était écrit, on l’apprendra plus tard, ‘‘Dis au groupe de rentrer chez eux’’. Ensuite, dans un moment de silence entre deux chansons, on a pu clairement entendre le cri de protestation ‘‘Judas !’’. Dylan était visiblement et audiblement furieux et secoué – ce concert figure à présent officiellement sur un cd, après des années de contrebande.

    Bien que cela soit généralement vu comme le summum de cette période bizarre, les choses sont devenues bien plus sérieuses à Glasgow, ou un fan, armé d’un couteau, a tenté de pénétrer dans la chambre d’hôtel de Dylan. Personne ne peut véritablement accuser le Parti Communiste à propos de ce dernier évènement, mais il y a toujours un doute sur le fait que ses membres dirigeaient les évènements extraordinaires de la tournée de 1965-66, basées sur une interprétation stalinienne déformée de la culture prolétaire mêlée à une dose malsaine de nationalisme.


    Note:

    ‘‘Nous vivons dans un monde politique’’ est la première ligne de la chanson Political World qui ouvre l’album O Mercy (1989) de Bob Dylan

  • Si nous ne voulons pas payer pour la crise : Il est temps de descendre dans la rue

    Il semble qu’il ne reste que l’option d’élections anticipées qui soit capable d’offrir une issue à l’impasse que les partis politiques ont eux-mêmes créée. Plusieurs mois de négociation n’ont pas semblé avoir d’impact négatif sur le pays. Dans cette période, la croissance économique belge est passée de 0,4% (attendu lors de l’élaboration du budget fin 2009) à 2,1%. Le déficit budgétaire est quant à lui passé de 6% en 2009 à 4,8% en 2010. Il en faudrait moins pour se permettre une nouvelle ronde communautaire. Mais cette situation ‘favorable’ n’était dans la crise qu’une petite pause au cours de laquelle la Belgique a surfé sur la croissance économique de l’Allemagne, plus forte et vers où se dirige une bonne part de l’exportation belge.

    Par Bart Vandersteene, article tiré de l’édition de février de Lutte Socialiste

    ‘Les marchés’ règnent sur le pays

    ‘Les marchés’ ont la Belgique dans le collimateur, cette pression externe a ramené De Wever & Co autour de la table de négociation. “Nous devons rassurer les marchés,” répète-t-on partout. Le Roi a ainsi demandé au premier ministre démissionnaire Yves Leterme d’épargner cette année 4 milliards d’euros sur le budget, plus que prévu, pour prouver ‘aux marchés’ que la Belgique peut commencer à appliquer l’austérité même sans nouveau gouvernement.

    Le chômage et la pauvreté croissante sont bien loin de procurer des nuits blanches ‘aux marchés’ et à nos politiciens, au contraire de leur capacité à continuer à garantir les superprofits pour les riches.

    C’est pourquoi il faut couper dans le budget, pour calmer des ‘marchés’ souvent présentés comme une donnée neutre, anonyme. Mais la réalité les montre simplement tels des charognards capitalistes avides de faibles proies sur le dos desquelles plus de profits peuvent être réalisés. Obéir ‘aux marchés’ signifie accepter leur dictature, et pas un seul parti présent au Parlement ne veut y changer quoi que ce soit. Mais ça ne signifie pas pour autant que c’est impossible.

    ‘‘You can’t buck the market’’ (tu ne peux rien faire contre le marché), proclamait Margaret Thatcher il y a 30 ans. Sous son impulsion en tant que premier ministre de Grande-Bretagne, un changement politique important s’est opéré : tout ce qui était aux mains du gouvernement a été privatisé. Le marché libre était destiné à régner sans restriction, avec en conséquence un gigantesque transfert de richesses des pauvres vers les riches. La destruction de l’Etat-providence s’est accompagnée de bénéfices illimités pour les riches. Cette politique est précisément à la base de la crise économique actuelle, dont on nous dit qu’elle nécessite des années d’austérité sévères pour au final se retrouver abandonner dans une société fondamentalement autre.

    Prendre la rue !

    Les syndicats, les mouvements sociaux, et la gauche conséquente doivent se réunir autour d’une plateforme d’action claire: ne pas payer pour leur crise, retirer le secteur financier des mains des requins capitalistes, défendre la sécurité sociale, instaurer un salaire minimum de 2.000 euros bruts/mois, supprimer la Déduction des Intérêts Notionnels, appliquer un impôt sur les fortunes (pour les fortunes supérieures à un million d’euros),…

    Un tel programme combatif pourrait compter sur un grand enthousiasme parmi la population. Finalement, les discussions communautaires seraient réduites à leur juste proportion et les organisations patronales comme le Voka, l’Unizo, la FEB et leurs amis ‘des marchés’ recevraient une bonne réponse sous forme de riposte sociale.

    Ce n’est que si la rue commence à sérieusement remuer que les travailleurs et leurs familles, l’immense majorité de la population, pourront mettre tout leur poids dans la balance. Les 4 milliards à assainir cette année ne sont qu’un avantgoût de ce qui va nous tomber dessus : nous devons refuser de les laisser aller chercher cet argent dans nos poches. La suppression de cadeaux fiscaux pour les patrons, comme la Déduction des Intérêts Notionnels, rapporterait au-delà de ces 4 milliards. Mais ce n’est pas ce genre de politique que défendent les partis traditionnels.

    Ne nous laissons pas faire ! Résistons et affirmons clairement : nous ne voulons pas payer leur crise!

  • Luttons contre les assainissements sur tous les front!

    Des syndicats combatifs et démocratiques et un nouveau parti des travaill eurs, voilà ce dont nous avons besoin !

    Le système a tremblé sur ses bases sous le choc de la pire crise du capitalisme depuis la deuxième guerre mondiale. Pendant une brève période, la chute de l’économie mondiale, la ‘‘Grande Récession’’, a supprimé une bonne part des profits des patrons. Des entreprises multinationales renommées, comme General Motors, et des dizaines de grandes banques ont flirté avec la faillite. Le terme de ‘‘socialisme pour les riches’’ est apparu au moment où les différents Etats ont allongé des milliards d’euros pour sauver la peau des industriels et des banquiers, menacé par la crise de surproduction et l’explosion des bulles spéculatives.

    Par Jan Vlegels, article tiré de l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste

    La facture a été livrée à ceux qui gèrent l’Etat, les laquais politiques du patronat. En 2009 déjà, les banques et les grandes entreprises ont déjà recommencé à réaliser des profits records, alors que les Etats les plus touchés (la Grèce, l’Irlande, les Etats baltes,…) ont rapidement fait face à des plans d’austérité draconiens. Là où restait un peu plus de marge, surtout dans les grandes puissances traditionnelles et leur périphérie directe, il semblait qu’on voulait surtout relancer la production avec des mesures de stimulation de l’économie avant de sabrer dans les conditions de vie et de travail de la population. Le calme n’a duré que peu de temps avant la tempête.

    Dans la plupart des pays européens, les grandes vacances ont été la période de préparation pour l’épreuve de force inévitable avec la classe ouvrière. Les mois qui ont suivi, d’immenses paquets de mesures d’austérité ont été rendus publics. Malgré la menace, plus que probable, de l’arrivée d’une ‘‘double dip’’ (une rechute de l’économie notamment basée sur une demande trop fiable), les gouvernements ont attaqué les moyens des ménages.

    La confrontation avec la classe des travailleurs est inévitable, même en Belgique où la bourgeoisie essaie généralement d’éviter une telle attaque frontale et où l’offensive patronale a déjà du retard à cause de la crise politique.

    Augmentation de l’âge de la pension, augmentation de la TVA, démantèlement des services publics, privatisations, accroissement du contrôle des chômeurs, multiplication du minerval des universités,… L’impact de telles mesures sur la vie des travailleurs est incalculable. On serait découragé pour moins que ça, et c’est d’ailleurs le pari des capitalistes européens : écraser tout le monde sous l’austérité et espérer que les masses se redressent trop tard. Bien que ce ne soit pas totalement dénué de fondement – dans un certain nombre de pays, il n’y a provisoirement pas encore de mouvements de résistance généralisés -, les premières réactions du mouvement ouvrier européen nous renforcent dans la conviction que le ‘‘pari’’ de la bourgeoisie s’avérera perdu : des actions de grande envergure ont déjà eu lieu en France, en Grèce, en Espagne, au Portugal, en Italie, en Irlande, en Grande-Bretagne,…

    Petit à petit, il deviendra clair pour tout le monde, y compris la bourgeoisie, que la classe ouvrière européenne ne va pas accepter l’austérité sans combat. Nous pouvons nous attendre à une intensification des luttes dans la période à venir. Il n’est cependant pas garanti que ces mouvements conduisent directement à des victoires au vu des difficultés déjà présentes dans les premières phases de protestations.

    Partout, les directions syndicales évitent d’organiser efficacement la résistance, aucune stratégie claire avec un plan d’action n’est mise en avant. Cela, en combinaison de l’absence d’une traduction politique de cette résistance, est un sérieux handicap pour le mouvement ouvrier dans la construction de son rapport de forces.

    La création de nouveaux partis des travailleurs – basés sur des membres actifs et ouverts à tous les courants présents dans le mouvement ouvrier – sera cruciale pour lutter contre la bourgeoisie sur le plan politique. Il nous faut aussi défendre la démocratisation des syndicats et appeler les directions syndicales à organiser la résistance, en mettant entre autres en avant l’organisation d’actions européennes, comme une grève générale européenne.

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop