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La Révolution Russe d’Octobre 1917 : quelques leçons, 90 ans après
Toutes les classes dominantes dans l’histoire ont voulu donner à leur mode de production un caractère éternel. Dans la même idée, les prophètes du capitalisme ont toujours tenté d’empêcher les travailleurs de tirer la conclusion que le capitalisme pouvait être changé.
Rappelons-nous seulement la fameuse phrase du pseudo-philosophe américain Fukuyama annonçant à grands cris « la fin de l’histoire » après la chute de l’URSS, voulant ainsi dépeindre le système capitaliste comme l’horizon ultime de la société humaine. Rien qu’à ce titre, la Révolution Russe d’Octobre 1917 fut un événement d’une portée gigantesque : pour la première fois dans l’histoire après la brève expérience de la Commune de Paris en 1871, les travailleurs russes ont pris le pouvoir entre leurs mains et montré que le capitalisme pouvait être renversé.
La révolution russe revue et corrigée par la bourgeoisie
C’est pourquoi étudier la révolution russe est extrêmement important, surtout lorsque l’on voit à quel point, de nos jours, cet événement historique est ‘revisité’ par certains historiens. Marx affirmait que “Les pensées de la classe dominante sont aussi, à chaque époque, les pensées dominantes”. Cette phrase n’a pas vraiment vieillie lorsqu’on voit comment l’anniversaire des 90 ans de la Révolution d’Octobre 1917 est ‘commémorée’ dans la presse et les médias officiels.
Le magazine ‘L’Histoire’ a édité un numéro spécialement pour l’occasion, intitulé “Les crimes cachés du communisme – de Lénine à Pol Pot”.Tout un chapitre porte le titre “Lénine est aussi coupable que Staline”, dossier dont le fil conducteur sert à accréditer la thèse selon laquelle le stalinisme trouverait ses germes dans le léninisme ; Lénine aurait ainsi enfanté les Staline, Mao, Pol-Pot, Kim-Il-Sung et compagnie…Le quotidien gratuit ‘Métro’ avait quant à lui trouvé une manière un peu plus subtile de fêter l’événement : il y a deux semaines, une petite brève relatait la tuerie dans un lycée en Finlande. L’article finissait par une petite phrase tout à fait innocente : “Il a mis ses menaces à exécution le jour anniversaire de la révolution d’Octobre.” Au début du mois, la chaîne de télévision ARTE a passé un reportage-documentaire sur la vie de Léon Trotsky. Ce reportage se concluait par l’épisode de l’assassinat de Trotsky, commentée par un historien affirmant : “En analysant la mort de Trotsky, je pense qu’il est devenu victime d’une machine qu’il avait lui-même construite.” Sur cette conclusion apparaissait le générique auquel venait se greffer la citation d’un poète allemand : “La révolution est le masque de la mort. La mort est le masque de la révolution.” L’idée qui sous-entend cette conclusion ressort sans ambiguïté : si tu joues avec le feu en essayant de faire comme Trotsky, à essayer de renverser le capitalisme, tu vas faire naître un monstre encore plus grand… Mais point n’est besoin de se choquer de ce genre d’analyses. A l’époque même de la révolution de 1917, les journalistes de la bourgeoisie ne s’encombraient pas de toutes ces subtilités mais allaient directement droit au but, comme le montre un magnifique éditorial du ‘Times’ (le quotidien britannique) paru quelques jours avant l’insurrection qui affirmait, tout simplement : “Le seul remède contre le bolchévisme, ce sont les balles.”
Les livres d’histoire évoquent souvent l’année 1917 comme « l’année terrible », illustrant le cauchemard qu’elle a représentée pour les classes dominantes. Et c’est bien par crainte du spectre de nouvelles années terribles que la bourgeoisie continue de faire tout, 90 ans après, pour enterrer les véritables leçons de la Révolution d’Octobre, du rôle que Lénine, Trotsky et le Parti Bolchévik ont réellement joué dans ces événements, et pour réduire cette expérience gigantesque à l’horreur du stalinisme et des goulags.
Une tempête révolutionnaire
La victoire de la Révolution d’Octobre ainsi que les mots d’ordre des Bolchéviks avaient rencontré un enthousiasme libérateur et stimulé le tempérament révolutionnaire des travailleurs et des opprimés du monde entier. Dans les années qui suivirent la révolution russe, des foyers révolutionnaires s’allumèrent aux quatre coins de l’Europe (en Allemagne, en Hongrie, dans le Nord de l’Italie, en Finlande,…) et rencontrèrent un écho considérable jusque dans le monde colonial : en Corée, en Inde, en Egypte, etc. Tous les écrits et les mémoires des politiciens bourgeois de l’époque témoignent de la panique généralisée qui dominait dans la classe dominante, celle-ci craignant de perdre pour de bon le contrôle de la situation face à cette tempête révolutionnaire. En 1919, le premier ministre britannique Lloyd Georges écrivait : “L’Europe entière est d’une humeur révolutionnaire. Tout l’odre social, politique et économique existant est remis en question par les masses populaires d’un bout à l’autre de l’Europe. Si nous envoyons plus de troupes pour combattre la Russie, la Grande-Bretagne elle-même deviendra bolchévique et nous aurons des soviets à Londres.” Même les Etats-Unis étaient traversés par une vague de grèves sans précédent, au point que le président Wilson disait : “Nous devons absolument agir pour plus de démocratie économique si nous voulons contrer la menace socialiste dans notre pays.” Ce n’est pas pour rien non plus si, en Belgique, les acquis de la journée des 8 heures et du suffrage universel (…pour les hommes) ont été obtenus respectivement en 1918 et 1919 : ce sont des concessions qui ont été lâchées par la bourgeoisie belge à une époque où elle craignait les soubresauts révolutionnaires qui contagiaient l’Europe entière.
Il existe un courant de pensée que l’on appelle le courant évolutionniste, suivant lequel la société humaine ne ferait pas de bonds, mais évoluerait de manière linéaire de la barbarie vers le progrès et la civilisation. Cette théorie a souvent été utilisée pour fournir une base soi-disant scientifique contre les idées révolutionnaires. En tant que marxistes, nous pensons au contraire que la société ne se développe pas d’une manière lente et évolutive. Les contradictions dans la société conduisent au contraire à des crises sociales et politiques, à des guerres et à des révolutions, autrement dit à des changements soudains et des tournants brusques. Les retombées qu’a eu la victoire de la révolution russe dans toute une série de pays illustrent à quel point les acquis du mouvement ouvrier ne sont pas tombés du ciel, ou par une constante évolution du capitalisme vers plus de progrès, mais ont été obtenus par des batailles acharnées que le mouvement ouvrier a menée pour les obtenir.
Octobre : un putsch ou une révolution ?
Il est devenu courant aujourd’hui de présenter la révolution d’Octobre comme un putsch réalisé par une minorité de Bolchéviks conspirateurs. C’est probablement une des contre-vérités les plus répandues sur la révolution russe. Le schéma classique consiste à présenter la Révolution de Février 1917 comme la “vraie” révolution populaire, suivi quelques mois après par le “coup d’état”, le “complot” d’Octobre. Le tout vise à dépeindre le Parti Bolchévik comme un petit groupe de gens mal intentionnés qui ont pris le pouvoir de manière despotique, sans l’assentiment populaire.
Pourtant, ce qui donna à l’insurrection dans la capitale Petrograd le caractère d’une petite échauffourée nocturne rapide, réalisée au prix de seulement 6 victimes, et non l’aspect d’un grand soulèvement populaire avec des batailles de rue ouvertes, ne s’explique pas par le fait que les Bolchéviks étaient une petite minorité, mais au contraire parce qu’ils disposaient d’une écrasante majorité dans les quartiers ouvriers et les casernes. Si Lénine dira par la suite que “prendre le pouvoir en Russie fut aussi facile que de ramasser une plume”, c’est précisément parce que la prise du pouvoir en elle-même n’était que le dernier acte visant à la destitution d’un régime totalement brisé, isolé et discrédité politiquement en huit mois d’existence, un régime dont la base sociale s’était littéralement évaporée sous ses pieds. Lorsque les Bolchéviks ont destitué le gouvernement provisoire et transmis le pouvoir aux Soviets, beaucoup pensaient que ce pouvoir ne tiendrait pas trois jours. De la même manière, beaucoup pariaient sur l’inévitable défaite de l’Armée Rouge dans la guerre civile. Si tel ne fut pas le cas, c’est bien parce que les Bolchéviks disposaient d’un programme capable de rallier des millions de travailleurs et de paysans pauvres, en Russie et par-delà les frontières, dans une lutte à mort contre leurs exploiteurs.
La plupart des historiens bourgeois ne comprennent pas -ou plutôt ne veulent pas comprendre- que la révolution n’est pas un processus artificiel créé de toutes pièces, qui peut se fabriquer dans les laboratoire des état-majors des partis politiques, mais est un processus objectif qui a des racines historiques profondes dans la société : les contradictions entre les classes sociales. Pour les marxistes, les révolutions ne sont pas des surprises, mais sont préparées par toute l’évolution antérieure. La révolution arrive inévitablement quand la contradiction entre la structure de la société et les nécessités de son développement arrive à maturité : lorsque l’accumulation quantitative de frustration encaissée pendant des décennies par les classes exploitées atteint un stade qualitatif, lorsque toute cette quantité d’énergie accumulée dans la société augmente jusqu’à faire ‘sauter le couvercle’.
Dans ce sens, la Révolution d’Octobre 1917 n’a été que l’aboutissement d’un processus révolutionnaire ouvert par l’écroulement du régime tsariste en février, et qui, durant cette période qui sépare la révolution de février de celle d’octobre, va voir se déployer une énergie, une vitalité, un bouillonnement incroyable parmi les masses, et une vie politique intense. 1917 fut une année d’action de masses étonnante par la variété et la puissance des initiatives populaires, témoin du déferlement d’un torrent de politisation générale de la société : partout, les ouvriers dans les usines, les soldats dans les casernes et les tranchées, les paysans dans les villages, avaient soif de politique, soif de s’instruire, soif de lire des journaux, de discuter des idées, de participer aux grands débats,…Chaque ville, chaque village, chaque district, chaque province, développait ses soviets de députés ouvriers, soldats et paysans, prêts à assurer l’administration locale. John Reed, le journaliste socialiste américain auteur du célèbre livre ‘Dix jours qui ébranlèrent le monde’ expliquait qu’ « à Pétrograd comme dans toute la Russie, chaque coin de rue était transformée en une tribune publique. » L’intervention active des masses dans les événements constitue l’élément le plus essentiel d’une révolution. Toute cette dynamique de masse illustre l’absurdité des arguments sur le soi-disant ‘putsch’ des Bolchéviks.
Les Bolchéviks et la question de la violence
Bien sûr, il est aujourd’hui de bon ton de présenter le parti Bolchévik comme des bouchers sanguinaires assoiffés de sang. On se souvient notamment de l’image de Trotsky entourée d’une montagne de crânes et de squelettes, dépeint comme un assassin et un bourreau. Des tonnes d’encres ont été déversées pour dénoncer en long et en large la Terreur Rouge et les exactions de la guerre civile. On parle étrangement beaucoup moins du fait que la guerre civile fut suscitée par la volonté des anciennes classes possédantes de Russie et de l’impérialisme mondial de mettre le pays à feu et à sang pour écraser la révolution par tous les moyens, et que le jeune Etat ouvrier fut réduit à une situation de ‘forteresse assiégée’ par un total de 22 armées.
Le général blanc Kornilov illustrait à merveille l’état d’esprit peu soucieux d’amabilité des capitalistes face au pouvoir soviétique lorsqu’il disait : “Si nous devons brûler la moitié de la Russie et décimer les trois quarts de sa population pour la sauver, nous le ferons. Le pouvoir est aux mains d’une plèbe criminelle que l’on ne mettra à la raison que par des exécutions et des pendaisons publiques”. On ne peut donc pas faire une analyse un tant soit peu sérieuse si l’on ne tient pas compte qu’il s’agit là du genre de bonhommes que les Bolchéviks avaient en face d’eux. L’ironie de l’histoire est qu’au début, les Bolchéviks étaient même plus qu’indulgents avec leurs ennemis de classe, au point de libérer les généraux contre-révolutionnaires sur base d’un engagement sur parole qu’ils ne prendraient plus les armes contre le pouvoir soviétique! Bien sûr, les marxistes ne sont pas des apologistes de la violence, surtout lorsqu’il s’agit d’une violence aveugle, réalisée par une minorité isolée et coupée de l’action de masses. Les marxistes russes avaient notamment mené un combat idéologique pendant des années contre les terroristes russes, à commencer par la ‘Narodnaia Volia’ (= ‘La Volonté du Peuple’), organisation terroriste qui voulait combattre l’autocratie par la seule force de la bombe et du revolver. Leur chef disait explicitement : “L’histoire est trop lente, il faut la bousculer”. Cette organisation va perpétrer en 1881 un attentat contre le Tsar Alexandre II, persuadée que cela allait stimuler un soulèvement général des paysans. L’assassinat n’aura aucun écho, les auteurs seront pendus, la répression va s’abattre sur le pays et décapiter la Narodnaia Volia ; Alexandre II, quant à lui, sera simplement remplacé par Alexandre III. Les marxistes ont toujours opposé à ce type de méthodes de terrorisme individuel l’organisation des masses.
Mais les marxistes ont aussi les pieds sur terre; ils ne raisonnent pas sous forme de catégories abstraites –pour ou contre la violence ‘en général’-, mais prennent comme point de départ de leur analyse la situation concrète. Et une réalité concrète est que lorsque la classe opprimée ose se rebeller pour ses droits, les classes dominantes n’hésitent jamais à recourir à une répression impitoyable, à un déferlement d’une violence inouïe, dépassant parfois toute imagination. Il suffirait par exemple de rappeler la répression des Communards de Paris par les bandes de Thiers, qui culmina dans un carnage effroyable, exécutant à bout portant hommes, femmes, enfants et vieillards. Le fusil ne tuant plus assez vite, c’est par centaines que les ouvriers vaincus furent abattus à la mitrailleuse. On s’apitoie souvent sur le triste sort réservée à la famille tsariste exécutée par les ‘Rouges’. On s’apitoie beaucoup moins sur les 5 millions de soldats envoyés par le régime tsariste se faire charcuter dans la boucherie des tranchées, parfois à pieds nus et sans armes. Il faut s’imaginer que les soldats russes devaient parfois partir à l’assaut avec un fusil pour quatre. Il est d’ailleurs clair que l’horreur de cette guerre impérialiste, dont l’unique but était le partage du monde et des sphères de marché entre les grandes puissances, jouera un rôle décisif d’accélérateur des événements révolutionnaires de l’après-guerre. La combativité des masses, étouffée dans un premier temps par la propagande patriotique, va dans un deuxième temps ressurgir à la surface avec une vigueur et une vitalité exceptionnelle.
Le développement d’une conscience révolutionnaire : un processus dialectique
Il n’y a pas de meilleure école que celle de la pratique : l’éducation politique des masses s’effectue à travers leur propre expérience pratique. Ce que l’on constate dans toute période révolutionnaire ou dans toute lutte d’une certaine importance, c’est que dans le feu de l’action, la conscience politique des travailleurs peut faire des bonds gigantesques en avant. Engels disait qu’”il peut y avoir des périodes dans la société humaine où 20 ans apparaissent comme un seul jour, tout comme des moments où une seule journée apparaît comme 20 ans.” L’année 1917 en Russie illustre cette idée : la classe ouvrière russe a plus appris en quelques mois qu’elle n’avait pu le faire pendant des dizaines d’années auparavant. C’est ce qui explique comment un type comme Alexandre Kérensky, très populaire en mars ’17, était unanimement détesté au mois d’octobre. C’est ce qui explique la progression numérique fulgurante du Parti Bolchévik, qui ne comptait que quelques milliers de membres au début du mois de février, déjà 100.000 en avril, près de 200.000 au mois d’août et plus d’un quart de millions au début d’octobre. On voit ainsi que, dans le cours d’une révolution, quand les événements se succèdent à un rythme accéléré, un parti faible peut rapidement devenir un parti puissant : le POUM (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste), dans les six premières semaines qui suivirent l’offensive révolutionnaire de juillet 1936 en Espagne, était ainsi passé d’un parti de 1000-1500 membres à plus de 30.000 membres.
Cela montre que la compréhension de la nécessité d’un parti révolutionnaire au sein de larges couches de travailleurs n’est pas quelque chose d’automatique. Le processus qui part de l’élaboration d’un programme révolutionnaire et de l’accumulation primitive des premiers cadres révolutionnaires jusqu’à la construction de partis révolutionnaires de masse est un processus qui s’accomplit à travers divers stades inégaux de développement. Mais en dernière instance, ce n’est que lorsque les contradictions du système éclatent au grand jour que les conditions objectives se créent pour une large pénétration des idées révolutionnaires au sein de la classe des travailleurs.
Le stalinisme et le fascisme étaient-ils inévitables ?
Une chose est sûre : s’il n’y avait pas eu de Parti Bolchévik en Russie, toute l’énergie révolutionnaire colossale des travailleurs aurait été lamentablement gâchée et aurait repoussé le mouvement ouvrier en arrière pour longtemps au prix d’une défaite catastrophique et sanglante, comme cela s’est d’ailleurs passé en Hongrie avec l’avènement de la dictature militaire du général Horthy, ou en Allemagne et en Italie avec la montée au pouvoir du fascisme. Ces régimes vont liquider avec zèle les syndicats et les organisations ouvrières, torturer et massacrer les communistes et les socialistes par milliers. La communiste allemande Clara Zetkin l’avait compris, elle qui déclarait en 1923 que “le fascisme sera à l’ordre du jour si la Révolution Russe ne connaît pas de prolongement dans le reste de l’Europe.” Le fascisme a été le prix à payer de la trahison des partis de la social-démocratie, et de l’inexistence ou de la faiblesse d’un parti politique de type Bolchévique comme il en existait un en Russie.
Mais ce prix, les travailleurs russes le payeront également. Car ces défaites vont contribuer à l’isolement de la révolution russe dans un pays extrêmement arriéré, et, en conséquence, à sa dégénérescence vers une dictature bureaucratique et totalitaire. En 1924, Staline mit en avant la théorie du ‘socialisme dans un seul pays’, afin de se débarrasser de la tâche de la construction de la révolution mondiale, et pour protéger les intérêts et privilèges de la bureaucratie montante, notamment en empêchant le développement et l’aboutissement d’autres révolutions ouvrières qui auraient pu mettre ces privilèges en péril. Cette dégénérescence sera elle-même facteur de nouvelles défaites (comme lors de la révolution chinoise de 1926-27).
Lorsque Lénine arriva à Pétrograd au mois d’avril 1917, le président du soviet (encore un Menchévik à l’époque) va prononcer un discours rituel d’accueil; Lénine va lui tourner le dos, grimper sur un char, se tourner vers la foule des travailleurs et proclamer : “L’aube de la révolution mondiale est arrivée…Vive la révolution socialiste mondiale!” Ce slogan sera gravé plus tard sur le socle d’une statue de Lénine érigée à cet endroit…mais en y retirant le mot ‘mondiale’! La fameuse théorie de Staline du ‘socialisme dans un seul pays’ était une théorie réactionnaire qui allait à l’encontre de tout l’enseignement marxiste et de toute la tradition internationaliste du Bolchévisme; ce ne fut en fait rien d’autre que le couronnement idéologique de la position de l’appareil bureaucratique stalinien qui va s’ériger et se conforter sur les ruines de toutes ces défaites du mouvement ouvrier.
Le Parti Révolutionnaire : un ingrédient indispensable
Trotsky expliquait que « Sans organisation dirigeante, l’énergie des masses se volatilise comme de la vapeur non enfermée dans un cylindre à piston. » La révolution d’Octobre n’aurait jamais pu aboutir sans l’existence d’un tel parti, capable de donner à la force spontanée des travailleurs une expression politique consciente, organisée et disciplinée ou, pour reprendre l’expression de Lénine, pour “concentrer toutes les gouttes et les ruisseaux du mécontentement populaire en un seul torrent gigantesque.” Toute révolution exige une organisation sérieusement structurée pour définir et mettre en application un programme, une stratégie, des tactiques correspondant aux diverses phases de la lutte et à l’évolution des rapports de force. Comment les Bolchéviks ont-ils été capables de conquérir un territoire géographique aussi vaste que la Russie ? Cela s’explique par le vaste réseau de cadres révolutionnaires que Lénine et le Parti Bolchévik avait construit et formé pendant des années. Pendant la révolution, des détachements d’ouvriers et des régiments de soldats envoyaient des délégués au front, allaient conquérir les régiments arriérés, se cotisaient pour envoyer des délégués dans les provinces et les campagnes dont ils étaient originaires, parfois dans les régions les plus reculées du pays. Certains cadres passaient des journées entières à haranguer les usines, le front, les casernes,…sans relâche. C’est comme ça qu’en quelques mois, en s’appuyant sur le développement de la révolution, le parti a été capable de convaincre la majorité des travailleurs de la justesse de ses mots d’ordre. Cela illustre l’importance de la construction préalable d’un parti de cadres formés et préparés aux événements, éprouvés et trempés dans la lutte, prêts au sacrifice, et capables par l’expérience qu’ils ont accumulée, de jouer un rôle décisif au moment fatidique. Là était toute la force du parti Bolchévik.
Ce dernier n’était pourtant suivi en février 1917 que par une insignifiante minorité de la classe ouvrière. Lors du premier congrès des Soviets en juin, sur 822 délégués, seulement 105 étaient Bolchéviks, montrant qu’une majorité encore imposante des ouvriers soutenait les partis Mencheviks et ‘Socialiste-Révolutionnaire’. Ces partis jouaient littéralement le rôle de commis de la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier : soucieux de respecter les engagements pris avec l’impérialisme étranger, ils appuyaient la poursuite jusqu’à la victoire d’une guerre massivement rejetée par la population, s’évertuaient à freiner les revendications sociales, refusaient d’accorder la terre aux paysans. En d’autres termes, ils faisaient tout pour empêcher la réalisation de revendications qui puissent empiéter sur les intérêts des classes possédantes. Ils prônaient la collaboration entre deux formes de pouvoir irrémédiablement incompatibles et s’appuyant sur deux classes antagonistes : d’un côté, les soviets, épine dorsale de la révolution représentant les masses laborieuses en action, et de l’autre, le gouvernement provisoire représentant la bourgeoisie et les propriétaires terriens. Alexandre Kérensky était la forme achevée de ce rôle conciliateur, étant pendant toute une période à la fois vice-président du Soviet de Pétrograd et membre du gouvernement provisoire. Son action, comme celle de tous les politiciens Menchéviks et S-R, était guidée par l’idée de contenir les masses et de maintenir les Soviets dans le giron de la bourgeoisie. Mais au fur et à mesure que les masses populaires devenaient plus radicales, poussaient pour mettre en avant leurs revendications propres et une politique indépendante, autrement dit au plus les masses évoluaient vers la gauche, au plus ces politiciens étaient repoussés vers la droite. Kérensky finira d’ailleurs par dire : “Le gouvernement provisoire non seulement ne s’appuie pas sur les soviets, mais il considère comme très regrettable le seul fait de leur existence.”
Ce processus illustre qu’il n’y a pas de troisième voie, de solution ‘à mi-chemin’ entre le pouvoir des capitalistes et celui des travailleurs. Et ça, c’est une leçon que les anarchistes espagnols –ainsi que le POUM à leur suite- n’ont pas compris lors de la révolution espagnole de 1936 : dans une situation de dualité de pouvoir, caractéristique de toute situation révolutionnaire, c’est-à-dire au moment crucial où il faut choisir entre deux formes de pouvoir différents, les dirigeants anarchistes de la CNT, refusant a priori toute forme de pouvoir quelle qu’elle soit, vont non seulement accepter de laisser les rênes de ce pouvoir dans les mains de l’ennemi de classe, mais même participer à la reconstitution de l’Etat bourgeois en acceptant des portefeuilles ministériels dans le gouvernement de Front Populaire.
Marx disait que “Dans toute révolution, il se glisse, à côté de ses représentants véritables, des hommes d’un tout autre caractère; ne comprenant pas le mouvement présent, ou ne le comprenant que trop bien, ils possèdent encore une grande influence sur le peuple, souvent par la simple force de la tradition.” Lors de la révolution russe, ce rôle fut incontestablement joué par les Menchéviks et les S-R. Mais ce n’est que peu à peu, et seulement sur la base de leur propre expérience à travers les différentes étapes de la bataille, que les couches les plus larges des masses ont fini par se défaire de ces partis, et par se convaincre que la direction Bolchévique était plus déterminée, plus sûre, plus loyale, plus fiable, que tous les autres partis. Les 8 mois qui séparent Février d’Octobre ont été nécessaires pour que les travailleurs et les paysans pauvres de Russie puissent faire l’expérience du gouvernement provisoire, et pour que, combiné avec le travail mené par le Parti Bolchévik, les larges masses puissent arriver à la conclusion que ce régime devait être renversé car il n’était pas le leur, mais celui de la bourgeoisie et des grands propriétaires ; à l’inverse, le parti Bolchévik était quant à lui le seul parti prêt à les défendre jusqu’au bout, jusqu’à l’ultime conclusion…c’est-à-dire jusqu’au pouvoir.
Mais la condition pour cela était évidemment l’existence même d’une organisation véritablement révolutionnaire capable, de par sa lucidité politique et sa détermination, de contrecarrer l’influence des appareils et des politiciens traîtres et réformistes. L’absence d’un tel facteur sera à l’origine de toutes les défaites révolutionnaires ultérieures. En mai’68, dix millions de travailleurs étaient en grève en France, occupant leurs usines, dressant des comités ouvriers dans tout le pays. La classe ouvrière française était à deux doigts du pouvoir .Mais la bureaucratie stalinienne du Parti Communiste Français refusera de prendre ses responsabilités : elle va dénigrer les étudiants en lutte qualifiés pour l’occasion de “renégats gauchistes” ou de “faux révolutionnaires”, nier le caractère révolutionnaire du mouvement, et détourner la lutte vers la voie électorale avec des slogans tels que “rétablissons l’ordre dans le chaos”. La plus grosse grève générale de toute l’histoire va ainsi refluer faute de perspectives politiques, et c’est ainsi que la plus belle occasion pour les travailleurs de prendre le pouvoir dans un pays capitaliste avancé sera perdue.
La crise historique de l’humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire
Marx affirmait que “les révolutions sont les locomotives de l’histoire”. Mais chacun sait qu’une locomotive a besoin d’un bon conducteur pour arriver à destination, sinon elle risque de dérailler rapidement. De la même manière, si la révolution ne dispose pas d’un bon conducteur pour l’orienter, sous la forme d’une direction révolutionnaire, elle déraille aussi. Et une chose dont nous pouvons être sûrs, c’est que la locomotive de la révolution n’attendra pas les révolutionnaires ; elle ne laisse en général que peu de temps à la confusion et à l’hésitation. Le sort des partis qui ne sont qu’à moitié ou au quart révolutionnaires est de passer en-dessous des roues de la locomotive : c’est ce qui est par exemple arrivé au POUM en Espagne, dont beaucoup des militants vont payer de leur vie les erreurs et les hésitations de sa direction. C’est aussi ce qui est arrivé au MIR au Chili en 1973, dont de nombreux militants vont finir leur vie torturés dans les geôles de Pinochet. L’approche et les méthodes gauchistes du MIR vont le rendre incapables de développer une assise significative au sein du mouvement ouvrier. Ce qui met en avant un autre élément fondamental : se dire révolutionnaire est une chose ; mais encore faut-il arriver à transcrire le programme révolutionnaire de manière correcte dans la réalité vivante, avec une approche et des revendications qui soient adaptées à chaque situation spécifique, à chaque étape de la lutte, tenant compte du niveau de conscience, des traditions du mouvement ouvrier dans chaque pays, etc. Lénine disait que “le marxisme, c’est avant tout, l’analyse concrète de la situation concrète.” Il est clair par exemple que le slogan “Tout le pouvoir aux soviets” était un slogan directement adapté aux conditions spécifiques de la Russie de 1917. Lors de la révolution chilienne de 1973, un tel slogan aurait dû être traduit par quelque chose comme “Tout le pouvoir aux cordons industriels” les cordons industriels étant les organismes de classe rassemblant les travailleurs et les habitants des quartiers ouvriers qui étaient apparus pendant le processus révolutionnaire au Chili. Mais lorsque les staliniens du Parti Communiste Espagnol vont lancer au début des années ‘30 le mot d’ordre: «A bas la République bourgeoise ! Tout le pouvoir aux soviets ! » à une période où la république venait d’être proclamée et où il n’existait pas l’ombre d’un soviet ou d’un organisme semblable dans toute l’Espagne, le seul résultat qu’ils pouvaient obtenir était de s’isoler complètement des masses…
Cette discussion met en évidence une des principales contributions de Trotsky au marxisme, à savoir le ‘Programme de Transition’. Trotsky expliquait qu’il faut aider les masses, dans le processus de leurs luttes quotidiennes, à trouver le pont entre leurs revendications actuelles, immédiates, et le programme de la révolution socialiste. Ce pont doit consister en un système de revendications transitoires, qui partent des conditions actuelles et de la conscience actuelle de larges couches de travailleurs pour conduire à une seule et même conclusion : la révolution socialiste et la conquête du pouvoir. C’est-à-dire élaborer un panel de revendications qui, en partant des besoins concrets et du niveau de conscience des travailleurs et de leurs familles, sont par essence incompatibles avec le maintien du système capitaliste. Le slogan des Bolchéviks “Pain, Terre et Paix”, dans une situation où la famine rôdait, où la paysannerie avait soif de terre, et où le ras-le-bol de la guerre était général, faisait ainsi directement appel aux aspirations les plus profondes de la majorité de la population laborieuse, et, tout en même temps, renvoyait implicitement à la nécessité de renverser le pouvoir de la bourgeoisie; cette dernière, pieds et poings liés et avec l’impérialisme étranger et avec les grands propriétaires fonciers, était absolument incapable de satisfaire ne fût-ce qu’une seule de ces revendications.
Trotsky commençait son programme de transition en disant que “La crise historique de l’humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire.” Le rôle et la responsabilité de la direction politique dans une époque révolutionnaire sont effectivement d’une importance colossale. Dans une telle époque, en l’absence d’un parti révolutionnaire, les espoirs des masses font place à la désillusion, l’ennemi tire profit de cette désillusion et se remet de sa panique, les masses découragées se lancent dans des explosions désordonnées et sans perspective, et c’est la défaite assurée.
Bien sûr, la construction d’un Parti Révolutionnaire n’est pas seulement importante dans une époque révolutionnaire. En effet, la construction d’un cadre marxiste révolutionnaire solide et préparé ne peut pas s’effectuer du jour au lendemain, mais exige au contraire des délais considérables que la rapidité des processus révolutionnaires ne laisse pas le temps d’entreprendre en quelques jours, semaines ou mois. La société connaît, à côté des périodes d’ouverture révolutionnaire, des périodes d’un tout autre caractère : des périodes de réaction, de recul, durant lesquelles la lutte du mouvement ouvrier ainsi que les idées socialistes sont poussées sur la défensive. Nous avons connu une telle période après la chute des régimes staliniens dans les années ’90, période durant laquelle les révolutionnaires devaient complètement nager à contre-courant dans la société pour pouvoir exister. Dans un tout autre contexte, les Bolchéviks avaient connu une période similaire après la défaite de la révolution russe de 1905. Sous les coups de la répression et de la démoralisation, le parti subit une véritable hémorragie en termes de membres, et mêmes certains cadres dirigeants du parti succombèrent à la pression et au défaitisme ambiants ; pour exemple, Lounatcharsky développa un groupe appelé ‘Les Constructeurs de Dieu’, qui se fixait pour idée-maîtresse de présenter le socialisme sous la forme d’une religion, jugée selon eux « plus attractive » que la lutte des classes pour les masses déçues et démoralisées ! Néanmoins, la volonté infatigable de Lénine de s’acharner, même dans ces conditions difficiles, à construire et à former un cadre révolutionnaire pendant cette période va considérablement aider le Parti Bolchévik à pouvoir affronter les défis et les tâches grandioses qui allaient l’attendre quelques années plus tard.
Lénine avait certes éduqué un cadre sur base de perspectives qui révéleront leur faiblesse dans la pratique en 1917. En effet, jusque-là Lénine croyait encore à l’idée d’une révolution par étapes nettement séparées dans le temps : une première étape à caractère démocratique-bourgeoise, portée par une « alliance démocratique entre le prolétariat et la paysannerie » (c’est-à-dire une révolution prolétarienne dans sa forme, mais bourgeoise dans son contenu), suivie d’une étape socialiste plus lointaine ; ces deux étapes étant entrecoupées d’une période significative de développement capitaliste du pays. Cependant, refusant de s’accrocher aux vieilles formules, et proclamant que « le vieux bolchévisme doit être abandonné », Lénine corrigera ses perspectives à la lumière des événements, lors de l’éclatement de la révolution. Là est toute l’essence de ses ‘Thèses d’Avril’, dans lesquelles il rallie la perspective d’une ‘révolution permanente’ avancée depuis plusieurs années déjà par Trotsky. A partir de ce moment, tout son travail consistera à tenter d’infléchir la ligne du Parti Bolchévik en vue d’une telle perspective : armer politiquement le parti pour le préparer à une rapide prise du pouvoir par les soviets, à l’instauration d’un gouvernement ouvrier et des premières mesures socialistes.
Avec le recul, on peut aisément affirmer que Trotsky disposait de perspectives plus élaborées que Lénine. Mais le développement théorique plus consistant de Trotsky ne peut se comprendre sans tenir compte du fait que durant toutes les années qui précèdent la révolution de 1917, toute l’énergie de Lénine était concentrée sur la construction du Parti Bolchévik, à une époque où, de ses propres aveux, Trotsky n’avait pas encore saisi toute l’importance d’un parti soudé et centralisé comme condition indispensable pour atteindre le but révolutionnaire, et, jusqu’à un certain point, entretenait encore l’illusion d’une ‘réconciliation’ entre la fraction réformiste (les Menchéviks) et la fraction révolutionnaire (les Bolchéviks) de l’ancien POSDR (Parti Ouvrier Social-Démocrate de Russie). C’est finalement la révolution elle-même qui permettra de rassembler les deux hommes autour d’une même perspective et d’une même conception du type de parti nécessaire.
Ne laissons pas ces leçons sur le papier !
A d’innombrables reprises dans l’histoire, les travailleurs ont tenté de suivre la voie des travailleurs russes, de se frayer un chemin vers le pouvoir et vers l’instauration d’une société socialiste. Lors de la révolution portugaise de 1974, les travailleurs en étaient tellement proches que la presse annonçait déjà “la fin du capitalisme” au Portugal ! On pourrait multiplier ces exemples. L’histoire du capitalisme est jalonnée de nombreux combats révolutionnaires héroïques menés par le mouvement ouvrier pour son émancipation. Mais à l’exception de la révolution russe, la défaite a été l’issue de tous ces combats pour la seule raison qu’ils n’avaient pas à leur tête une direction politique expérimentée, préparée à encadrer ces mouvements, à leur donner une perspective, et à les faire aboutir jusqu’à leur conclusion logique et naturelle. Malgré sa dégénérescence ultérieure, malgré les décennies de pourriture du stalinisme, la révolution russe continuera de se distinguer de toutes les autres révolutions ouvrières sur un point essentiel : c’est la seule qui a abouti. Dès lors, s’atteler à la construction d’une organisation révolutionnaire internationale est la leçon la plus générale, mais aussi la plus importante, que l’on puisse dégager d’une telle discussion aujourd’hui, afin d’éviter de nouvelles défaites au mouvement ouvrier et d’assurer un meilleur avenir pour les générations futures.
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Stagflation: syndrôme d’une maladie chronique
Stagflation. Le mot a lui seul effraie les économistes et les politiciens bourgeois, à leurs yeux le pire mal que puisse contracter l’économie. La stagflation désigne le développement combiné d’une inflation (hausse des prix ) et d‘une stagnation économique.
Eric Byl
Intervention de l’Etat
De la grande dépression de 1929-33 le Britannique John Maynard Keynes avait tiré la leçon que les autorités feraient mieux de « corriger » et de « tenir sous contrôle » l’économie capitaliste. Keynes pensait pouvoir éviter les dépressions catastrophiques du passé par de fortes dépenses publiques, si n écessaire au prix de déficits financiers provisoires.
Dans la période d’après-guerre, la menace du « communisme » semblait très réelle. Le capitalisme venait de perdre le contrôle d’un tiers du globe. Les capitalistes étaient donc prêts à faire des concessions considérables pour sauver leur système. Ce sont ces conditions exceptionnelles qui ont permis de mettre les idées de Keynes en pratique. Il n’en fallait pas plus aux « réformistes » des partis socialistes pour se convertir au keynésianisme et déclarer que le marxisme était désormais « dépassé ».
Récession et inflation
Mais les dirigeants capitalistes étaient étourdis par la croissance économique apparemment indéfinie et n’avaient pas remarqué le réveil du monstre de l’inflation que préparait l’injection massive de crédit. Marx avait pourtant expliqué le rôle de l’argent dans la circulation des marchandises dans un système capitaliste. Il démontrait que si l’on met en circulation deux billets de banques là où il ne pourrait y en avoir qu’un, l’argent supplémentaire sera absorbé par les marchandises en circulation et les prix doubleront.
Tant que la production capitaliste a continué à croître, aucun problème ne s’est posé. Mais dès qu’elle s’est heurtée aux limites du marché, l’inflation a explosé. La valeur du dollar s’est effritée. Le gouvernement américain à du découpler le dollar de l’or. Cela a mis en danger tout le système monétaire mondial et a déclenché pour la première fois depuis les années ’30 une guerre commerciale. D’une moyenne de 12% par an, la croissance du commerce mondial est tombée à 4% par an entre 1973 et 1978. Pour faire face à la baisse de 12% de la valeur du dollar, les pays producteurs du pétrole réunis dans l’OPEP ont augmenté le prix du pétrole.
Le facteur fondamental de la crise était néanmoins la baisse du taux de profit (qui mesure le rapport entre le profit réalisé et le capital investi). Le développement de la science et de la technique exige une division du travail de plus en plus prononcée dans des unités de production de plus en plus sophistiquées et de plus en plus coûteuses. Ceci mine le taux de profit et entrave la course au profit. Pendant la crise de 1974-75, la croissance des investissements est retombée de 6% à 2% par an et le chômage dans les pays capitalistes développés a doublé.
La stagflation a été surmontée au moyen des politiques néo-libérales – lancées par Thatcher en Grande-Bretagne et Reagan aux Etats-Unis et appliquées ensuite ailleurs – qui ont consisté en une attaque directe contre les salaires et les conditions de travail, couplée à une diminution des dépenses publiques et une augmentation des taux d’intérêt. Les dirigeants capitalistes ont en fait décidé de laisser la stagflation suivre son cours – ou plus précisément d’en faire payer les frais par les travailleurs et leurs familles. La Grande-Bretagne est devenue un désert industriel tandis que les Etats-Unis et les autres pays capitalistes avancés ont subi une sérieuse désindustrialisation.
La pause provoquée par la chute du stalinisme a pris fin
En partant cette année à la retraite, le dirigeant de la Banque Fédérale américiane Alan Greenspan a déclaré dans son livre « Le temps des turbulences » : « Je n’envie pas mon successeur. A mon époque, il y avait beaucoup de pays en développement qui, après la guerre froide, accueillaient l’idéologie du libre marché. Les bas salaires dans ces pays faisaient baisser les coûts. En conséquence l’inflation restait basse et les banquiers centraux pouvaient stimuler l’économie de façon relativement simple en baissant le taux d’intérêt. Ce temps est fini. »
Avec la chute des régimes staliniens en 1989, la main-d’oeuvre disponible sur le plan mondial a doublé, le taux d’exploitation des travailleurs a augmenté fortement et le taux de profit s’est restauré. Mais tout cela touche à sa fin : Greenspan s’attend maintenant à une période de stagflation et d’insécurité sur les marchés financiers.
Au cours des dix dernières années, les Etats-Unis ont servi d’ « acheteur en dernier recours » mais, en 2005, le déficit de la balance des paiements a atteint la somme record de 805 milliards de dollars ! Tout autre pays dans une telle situation aurait été déclaré en faillite. Mais aucun pays ne désire que ce géant économique chute, par peur qu’il entraîne l’économie mondiale dans son déclin. Des investisseurs étrangers détiennent des obligations d’Etat américaines pour une valeur de 12.000 milliards de dollars. Les banques nationales asiatiques, et surtout la banque chinoise, et les institutions de crédit ne sont pas prêtes à perdre tout cela. Elles essaient donc, surtout depuis la crise immobilière de cet été, de diversifier leurs réserves en d’autres monnaies. Par conséquent, le financement de la montagne de dettes des Etats-Unis est de plus en plus menacé. Si le dollar s’écroule, les Etats-Unis devront monter fortement leurs taux d’intérêt pour conserver leur attrait pour les capitaux étrangers. Mais en même temps cela fera tomber la consommation américaine. Cela entraînerait le reste de l’économie mondiale, y compris l’Asie, dans une spirale vers le bas.
En même temps, l’inflation revient. Certes, certains prix baissent – ceux des produits de consommation durable (télés, ordinateurs, téléphone,…) et ceux des produits bon marché venant de Chine et d’Asie. Par contre, la hausse du prix du pétrole, et à la suite celle du prix des autres matières premières, et les profits phénoménaux des dernières années ont assuré une abondance de capitaux qui a un fort effet d’inflation.. Provisoirement cette abondance de capitaux est absorbée par des investissements non-productifs dans la spéculation sur les actions et les obligations ainsi que dans l’immobilier. Si ces prix s’écroulent aussi, cette masse de capitaux se libérera et provoquera un effet d’inflation terrible. Si, en plus, le protectionnisme freine l’arrivage de marchandises bon marché venant d’Asie, nous entrerons bientôt dans une situation de récession économique combinée à une inflation galopante de 5 à 8 % (voire plus), bref à une stagflation.
Une telle situation est à l’ordre du jour, mais le calendrier exact est difficile a estimer. Cela peut se produire à tout moment comme cela peut également être reporté. Mais plus ce sera postposé, plus la crise frappera durement, tout comme la désintoxication est plus dure si l’intoxication a été longue.
L’effet sur la lutte de classe est difficile à juger. La période précédente de stagflation a provoqué une vague révolutionnaire qui a menacé l’existence du système. Les réserves construites pendant la période d’après- guerre et l’autorité qu’avaient les partis socialsites et « communistes » (là où ils avaient une base de masse) ont finalement pu freiner ce mouvement. Mais il suffit de se rappeler les effets qui subsistent de Mai ’68 – le mouvement de démocratisation de l’enseignement qui n’est toujours pas entièrement détruit – ou de la révolution portugaise des Oeillets et des diverses révolutions dans les anciennes colonies afin d’en estimer l’impact profond.
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Une crise économique mondiale est-elle inévitable ?
La base de la croissance économique mondiale de ces dernières années a été l’augmentation du pouvoir d’achat de la population américaine. Cette augmentation reposait sur la croissance de sa richesse virtuelle (sur base de l’envolée des prix des maisons) de pair avec une politique de crédits à bon marché qui incitait les familles à contracter des emprunts. Donc, alors que le salaire réel des familles américaines baissait insensiblement depuis des années, celles-ci ont consommé avec de l’argent qu’elles devaient encore gagner !
Kristof
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La Chine: une roue de secours ?
Selon les économistes bourgeois, la Chine peut, en formant son propre marché intérieur, devenir le moteur de l’économie mondiale et relayer les USA.
L’impressionnante croissance chinoise est essentiellement basée sur des investissements étrangers, en majorité américains, permettant de produire à bas coût pour l’exportation. La Chine est ainsi fortement dépendante des USA et de l’Europe. Si la croissance ralentit dans ces pays, cela aura un effet majeur sur la Chine.
Si la Chine veut se doter d’un marché intérieur considérable, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, alors les salaires doivent augmenter de manière importante. Mais cela saperait la base de sa croissance et des profits !
Dans le passé, la Chine a maintenu une position exportatrice favorable en aidant les Etats-Unis à tenir debout. Elle a financé les déficits de la balance commerciale des USA (800 milliards d’euros par an !) en plaçant son argent dans les banques américaines. La baisse continuelle du dollar rend cela intenable. Quelques banques chinoises auraient déjà commencé à « diversifier » discrètement leurs investissements dans d’autres pays. Si cette tendance continue, le deuxième débouché de la Chine – les USA – se rétrécira et l’Europe, le marché le plus important, partagera les coups et la Chine finira elle aussi par en faire les frais.
[/box]Crise immobilière aux USA
Les hausses successives des taux d’intérêt ces derniers mois ont posé de plus de plus de difficultés à un nombre grandissant de familles. Plus d’un million d’Américains ont vu leur maison saisie pour défaut de paiement. Une véritable crise s’est ainsi développée sur le marché immobilier américain. Son intensification au cours de l’été a mis à mal les institutions financières qui gèrent les hypothèques ou qui les revendent sur les marchés financiers. Des dizaines de milliers de personnes ont été licenciées. Une pénurie de crédit s’est développée parce que les banques ont d’un coup exigé des taux plus élevés pour les emprunts à risque. Cela fait que la crise menace de s’étendre vers d’autres secteurs, ce que les différentes banques centrales ont tenté de surmonter en accordant aux banques des crédits d’une valeur de plusieurs centaines de milliards de dollars.
Le marché américain de l’immobilier est en crise et le bout du tunnel n’est pas proche. Les ventes de maisons ont diminué de 6,5 % en août pour atteindre le niveau le plus bas depuis 2001. Le niveau actuel est 22 % plus bas qu’il y a un an. En août, le prix de vente demandé par les constructeurs de maisons était 7,5 % moins élevé que l’an dernier et en septembre, les ventes de maisons neuves ont atteint leur niveau le plus bas depuis mars 1993. Durant ce même mois de septembre, 223.538 familles n’ont pas pu payer leur hypothèque (le double de septembre 2006 !). La confiance des constructeurs américains de maisons a atteint son niveau le plus bas depuis 22 ans.
Allan Greenspan, l’ancien président de la FED (la banque centrale américaine), a déclaré que la baisse du marché immobilier « sera plus importante que ce à quoi la plupart des gens s’attendent ». Selon David Rosenberg (de la banque Meryl Lynch), cette chute pourrait même atteindre 20 %, du jamais vu ! Pour Robert Shiller (de la Yale University), l’effondrement des prix de l’immobilier qui s’annonce sera le plus important depuis la « Grande Dépression » qui a commencé avec le krach boursier de 1929.
La crise immobilière commence donc à gagner en importance et pourrait engendrer un effet boule de neige si de plus en plus de propriétaires immobiliers souhaitaient vendre leur maison rapidement alors qu’il existe déjà actuellement un excès de maisons en vente.
Suite à la crise du crédit, les banques adoptent dans le monde entier des conditions plus rigoureuses pour accorder des emprunts ce qui, selon la Banque Centrale Européenne, devrait encore s’aggraver au trimestre prochain. Cela n’a pas uniquement des conséquences pour les familles qui veulent contracter une hypothèque, mais aussi pour les entreprises.
L’économie U.S. s’essoufle
La crise immobilière et la crise de crédit qui en résulte contaminent aussi d’autres parties de l’économie. La FED a admis à la mi-octobre que l’économie américaine est en train de ralentir. Le FMI a baissé de 0,9 % sa prévision de croissance pour les USA en 2008, la ramenant à 1,9 %, trop peu pour maintenir en équilibre le taux d’emploi. La hausse du chômage est d’ailleurs déjà visible.
En août, les commandes des entreprises ont connu leur plus forte diminution depuis le début de l’année (-3,3 %). Les profits des banques ont fortement reculé durant le troisième trimestre, de même que ceux d’entreprises de construction comme Caterpillar.
Les taux d’intérêt peu élevés et les prévisions économiques revues à la baisse ont rendu le dollar moins attractif pour les investisseurs étrangers. Le dollar ne s’effondre pas uniquement face à l’euro mais également vis-à-vis d’autres monnaies. Une économie américaine affaiblie pourrait inciter à ne plus investir dans le dollar, ce qui ne ferait que rendre la probabilité d’une crise mondiale plus tangible.
Vers une récession mondiale ?
La crise immobilière aux USA peut – entre autres à cause des conditions de crédit plus rigoureuses – s’étendre vers d’autres pays. Dans les autres pays capitalistes développés, par exemple, les prix immobiliers ont augmenté encore plus rapidement qu’aux Etats-Unis au cours des quinze dernières années (+70% depuis 1990 contre +50% aux USA). En Espagne, en Irlande et en Grande-Bretagne, les prix ont doublé durant cette période et les familles disposent de moins en moins de réserves financières, ce qui rend ces pays d’autant plus vulnérables. Beaucoup de pays ont vu leur position en matière d’exportations s’affaiblir à cause de la faiblesse du dollar. Ainsi l’euro se trouve depuis un moment déjà au-dessus du seuil sensible de 1,40 $/euro.
Le FMI a accompagné ses prévisions de croissance de déclarations selon lesquelles la crise financière « contraindra les gouvernements sur le plan mondial d’adopter des modifications substantielles à leurs propositions de budget ». Et qui en seront les victimes ? Avant tout les salariés et leurs familles.
Il est donc possible que nous soyons à l’aube d’une récession économique. La bourgeoisie réussira-t-elle à la postposer ? Ce n’est pas à exclure, mais les « solutions » au sein du capitalisme sèment inévitablement les graines d’une crise future plus importante encore.
Files d’attente au Royaume Uni
La banque britannique Northern Rock illustre la fragilité croissante du système financier. Ses gros profits de l’an dernier ont été réalisés en concluant et en commercialisant des emprunts, surtout hypothécaires. Avec la crise du crédit, la confiance des investisseurs a disparu, créant la panique. La banque centrale du Royaume-Uni, la Bank of England (BoE), a dû se porter à son secours à la mi-septembre en mettant à sa disposition 3 milliards de livres.
La cotation en Bourse de Northern Rock s’est alors effondrée et se sont formées devant ses guichets d’énormes files (jusque sur la rue !) de clients désirant solder leurs comptes. Ces files n’ont disparu qu’au troisième jour, lorsque le gouvernement s’est porté garant pour la banque.
Afin d’éviter toute extension, la BoE a finalement renfloué les caisses de Northern Rock de 10 milliards de livres. Le message qui en ressort pour les investisseurs est limpide : prenez des risques, si nécessaire, nous interviendrons avec des moyens publics si vous avez des problèmes !
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Soins de santé de qualité contre marché « libre »
Le film ‘Sicko’ de Michael Moore nous offre une belle occasion de discuter plus profondément des soins de santé aux Etats-Unis. Comment fonctionne ce système? Et y a-t-il des alternatives?
Le choc des chiffres
Une enquête, réalisée dans treize pays industrialisés a comparé 16 indicateurs médicaux. Les Etats-Unis y ont reçu une cote très basse : l’avant-dernière position du classement. Ainsi, les USA ont-ils obtenu le pire résultat en ce qui concerne l’insuffisance pondérale à la naissance et la mortalité infantile pendant le premier mois suivant la naissance. La durée moyenne du séjour en maternité y est très basse : seulement deux jours. En Belgique, en 2000, la moyenne était de plus de cinq jours ; dans les pays de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique), quatre jours.
Selon une enquête de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), sur un total de 25 pays, les Etats-Unis se classent 15e au niveau de la qualité des soins de santé. Cette enquête de l’OMS a tenu compte de l’état de santé général de la population. La caricature du mauvais style de vie du «gros Américain» n’a donc pas d’impact sur le classement. Divers paramètres ont été utilisés pour mener l’étude: le pourcentage de la population qui fume, la consommation d’alcool, l’utilisation de graisses animales saturées, le taux de cholestérol,…
Si l’on jugeait selon le ‘mauvais’ style de vie, les Japonais emporteraient la première position! Le Japon connaît notamment un pourcentage élevé de fumeurs : 61% des hommes et 14% des femmes. Mais malgré cela, le Japon est en première position en ce qui concerne les soins de santé. Un autre chiffre alarmant: les Etats-Unis sont en 27e position en ce qui concerne la longévité.
Les “listes d’horreur” des soins de santé américains
Le Journal of the American Medical Association du 26 juillet 2006 a donné un exemple saisissant de la mauvaise qualité des soins de santé aux Etats-Unis. Dans ce pays, les erreurs médicales constituent la troisième cause de mortalité. Chaque année, 225.000 Américains meurent d’erreurs médicales dont 12.000 pour cause de chirurgie superflue, 80.000 suite aux infections dans les hôpitaux, 106.000 à cause des effets secondaires des médicaments, etc.
4 à 18% des patients qui subissent un traitement polyclinique en subissent des effets négatifs qui nécessitent à leur tour un traitement supplémentaire chez un autre médecin. En chiffres bruts, cela signifie:
- 116 millions de consultations supplémentaires chez un autre médecin
- 77 millions de prescriptions supplémentaires
- 17 millions d’interventions supplémentaires de premiers secours
- 8 millions d’hospitalisations supplémentaires
- 3 millions de traitement supplémentaires de longue durée
- 199.000 décès suite à un traitement supplémentaire (donc une succession d’erreurs)
- un total de 77 milliards de dollars de frais médicaux supplémentaires
D’après les chiffres de l’OCDE, en 2001, la Belgique a dépensé 9% de son produit intérieur brut (PIB) en soins de santé. Les USA étaient en première position de ce classement avec 13,9% du PIB. Etrange lorsque l’on sait que les Américains doivent payer eux-mêmes la majorité de leurs frais médicaux. Seulement un quart de la population jouit d’une assurance garantie par des programmes d’aide publics et près de 47 millions d’Américains ne disposent d’aucune forme d’assurance maladie. La part des dépenses publiques dans le total des dépenses de soins de santé s’élève en moyenne à 72% dans les pays de l’OCDE, mais à seulement 44% aux Etats-Unis. Et ce sont pourtant les USA qui dépensent le plus en soins de santé (4.900$ par habitant), malgré leur inefficacité et leur coût élevé.
Caisses de soins de santé: D’abord les actionnaires, puis les patients
Aux Etats-Unis, les soins de santé sont en principe régulés par le soi-disant « marché libre ». Résultat: chaos total. Il existe d’innombrables formes d’organisation, chacune ayant sa propre dynamique économique, ses frais, son lot d’assurances, sa qualité et son accessibilité. Les clients concluent des contrats avec des clauses de soins auprès de prestataires bon marché répartis sur de vastes territoires. Les gens sont orientés vers le centre A pour les soins de première ligne, vers l’hôpital B pour l’aide médicale d’urgence, vers le bâtiment C pour les hospitalisations, vers la polyclinique D pour les diabètes, vers la maison de repos E, etc.
Les sociétés d’assurance et les prestataires de soins (hôpitaux, médecins de famille, maisons de repos,…) sont organisés dans les Health Maintenance Organisations (HMO). Ces industries concluent aussi des contrats avec les employeurs pour leurs salariés. Certaines font partie du secteur non-marchand, d’autres sont commerciales, cotées en Bourse et emploient les managers les plus cher du pays.
L’unique but des soins de santé aux Etats-Unis est la réalisation de profits. Plus on dépense pour soigner les patients, moins il y a de dividendes à distribuer aux actionnaires. Dans le film de Michael Moore, ce mécanisme est mis à nu. Les assurances-maladie privées font tout pour éviter de rembourser un assuré. On va jusqu’à recruter des détectives qui enquêtent sur le passé médical du patient afin de pouvoir lui réclamer de l’argent en cas de « rétorsion d’informations » lors de la conclusion du contrat. Ainsi, un cancéreux peut se voir refuser le remboursement de ses frais médicaux pour avoir omis de signaler une infection bactérienne.
D’un point de vue médico-technique, l’offre de soins professionnels est satisfaisante. Du moins pour ceux qui y ont accès. En pratique, les soins de santé de bonne qualité aux Etats-Unis sont un privilège des riches. Ceux qui n’y ont pas droit doivent en appeler à la charité et aux soi-disant ‘dispensaires collectifs’ (‘community health centers’).
Aux Etats-Unis, la médecine préventive est quasi-inexistante et se limite à la diffusion de dépliants informatifs, des vaccinations et des enquêtes auprès de la population. Les soins de santé sont entièrement centrés sur les individus et se limitent en fait à des soins curatifs. Si on veut vendre la maladie et la santé sur un marché économique, les soins de santé doivent être regroupés en paniers de ‘produits’ négociables à un certain prix. La prévention n’y trouve pas sa place.
L’approche commerciale a pour effet de déresponsabiliser les individus et les collectivités. L’impossibilité d’investir dans la santé et dans l’usage rationnel des possibilités génère le consumérisme, la surconsommation et l’usage inapproprié. Tout ceci contribue à gonfler la facture qui se répercute finalement dans la médecine curative, d’où les coûts élevés aux Etats-Unis.Aux Etat-Unis, mais également en Europe, l’idée de “liberté de choix” n’est qu’un alibi pour le marché des soins de santé. Mais la plupart des gens n’ont pas la possibilité d’y faire leur marché. Tout y est régulé par l’offre et la demande de soins.
La santé publique en Europe : Terre promise ?
Ces dernières années, en Europe également, la tendance est à la commercialisation des soins de santé. Les avocats du système américain affirment que le ‘libre’ marché dans les produits de soins aboutira à l’efficacité, à la maîtrise des coûts, au libre choix et à la qualité.
Plusieurs tentatives ont été faites pour donner les soins de santé en pâture aux vautours du privé par le biais des institutions internationales (entre autres l’OMC et l’UE). Par exemple, seule la pression syndicale a permis d’éviter (provisoirement ?) que le secteur de la santé (et ses dérivés) tombe dans le champ d’application de la directive “Bolkestein”.
Bien loin de la vision idyllique qu’en donne “Sicko”, les soins de santé en Europe souffrent de graves carences. A l’instar d’autres secteurs, la politique néo-libérale y a laissé des traces profondes. Les mesures d’économie n’épargnent pas ce secteur et les problèmes sont donc le plus souvent dus à un manque de moyens qui met sous pression les systèmes de soins de santé universels comme le NHS (National Health Service) en Grande-Bretagne.
Et en Belgique ?
La pression financière accrue sur les soins de santé qui deviendrait intenable pour les pouvoirs publics sert d’argument massue pour justifier l’ouverture du secteur au privé. Ainsi, les longues listes d’attente dans le secteur des maisons de repos constituent l’alibi parfait pour des initiatives privées. Dans ce secteur, les maisons de repos commerciales sont en train de gagner du terrain : il y a déjà 7 grandes sociétés d’investissement qui sont actives sur le terrain. Elles y font évidemment des bénéfices, ce qui implique des économies sur le personnel, les bâtiments, l’infrastructure,… L’engagement de ces sociétés d’investissement n’est évidemment pas dicté par l’amour des personnes âgées…
Dans les hôpitaux, on sous-traite les tâches secondaires (comme les services de nettoyage) et on privatise les activités les plus lucratives. Dans certains hôpitaux (publics), il y a plusieurs catégories de personnel qui coexistent : à côté du personnel nommé en voie d’extinction, il y a les contractuels qui sont engagés dans des entités juridiquement distinctes où les salaires et les conditions de travail sont nettement inférieures…
Une commercialisation accrue ne peut qu’aboutir à terme à un système de soins de santé à deux vitesses : une offre de base accessible à tous et des soins de luxe pour ceux qui peuvent se le permettre.
David et Goliath…
Les soins de santé à Cuba et aux USA
Le cauchemar des soins de santé aux Etats-Unis contraste avec la situation à Cuba. Malgré les critiques que l’on peut faire au régime cubain, il est frappant de constater que la santé publique y est meilleure qu’aux Etats-Unis. A Cuba, les soins de santé sont gratuits et universels. Il y a un système de soins intégrés qui met l’accent sur la prévention. Les médecins soignent leurs patients mais agissent aussi sur les causes. Ils appliquent un politique médicale au niveau des quartiers. Dans les laboratoires cubains, la recherche sur les vaccinations est très poussée.
Des milliers de médecins cubains travaillent dans 68 pays différents. Rien qu’au Venezuela, il y a près de 20.000 travailleurs de la santé cubains. Pas mauvais pour un pays du Tiers-Monde avec autant d’habitants que la Belgique. Les médecins compétents ne deviennent donc pas forcément des vampires assoiffés d’argent…
Ce que nous proposons
Notre remède à la soif de profit de l’industrie pharmaceutique, à la commercialisation rampante et au cancer de la médecine de presta-tion: la création d’un service de santé public et national qui coiffe, organise et coordonne les différents services de santé dans l’intérêt de la santé publique et pas du profit ou du prestige de quelques individus et institutions.
La mise en oeuvre d’un tel système se heurte au fonctionnement du capitalisme. Une autre santé publique n’est possible que dans un autre monde : un monde socialiste.
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Le néoliberalisme: un système malade !
“Sicko” ou l’industrie de la santé américaine mise à nu
Dès le 10 octobre, nous pourrons voir dans les cinémas belges le documentaire « Sicko » du réalisateur Michael Moore. Après « Bowling for Columbine » et « Fahrenheit 9/11 », il dévoile une autre catastrophe nationale au Etats-Unis : les soins de santé.
Moore s’est construit une réputation de critique acerbe des puissants du monde auprès d’un large public. Quand les entreprises américaines des soins de santé ont appris qu’elles seraient le sujet du prochain film de Michael Moore, un véritable état de siège a commencé. Cela a manifestement eu pour effet que nulle part dans le film, on ne voit une confrontation physique entre Michael Moore et des membres de conseils d’administration ou des porte-paroles de l’industrie de la santé, ce qui est pourtant le cachet du critique américain. Mais pas de panique : le film a d’autres tours de force.
A travers le film, en comparant les soins de santé américains avec ceux des autres pays industrialisés, il montre le véritable désastre sanitaire aux Etats-Unis. Ce film montre le rôle évident de « Tricky Dick » alias le président Nixon dans cette catastrophe.
Il est cependant regrettable que le film n’aborde le problème que pour ceux qui ont une assurance maladie, ce qui laisse un gros point aveugle de 47 millions d’Américains qui en sont dépourvus. Obtenir une assurance n’est pas une panacée, mais ceci n’est que le début du calvaire. Les assurances maladie étant privées, la soif de profits conduit ici aussi à des situations absurdes et surréalistes que Michael Moore met en scène. La manière badine avec laquelle Michael Moore cadre les histoires adoucit les faits, mais on en a pas moins envie de crier vengeance : quelques témoins y ont littéralement perdu la vie.
Sur l’air connu de Star Wars, défile à l’écran la liste (35 pages!) des maladies pour lesquelles il est impossible de prendre une assurance maladie privée. Une visite à Guantanamo Bay montre jusqu’où cette absurdité peut aller. La prison/forteresse américaine sur le sol cubain est le seul lieu aux Etats-Unis où existent des soins de santé universels et gratuits,… alors que de nombreux sauveteurs du 11/9 sont abandonnés à leur triste sort.
Ce documentaire de Michael Moore a, comme d’habitude, le mérite de dénoncer des injustices. Cependant, on peut regretter le ton quelque peu moralisateur (typiquement américain) de la critique et de son approche des soins de santé européens qui est tout sauf nuancée. L’Europe est présentée comme le pays de cocagne où la politique néolibérale de ces dernières années n’a été apparemment qu’un mauvais rêve. Mais c’est oublier le démantèlement de la sécurité sociale en Europe. Le Service National des Soins de Santé (NHS) en Grande-Bretagne est mis sur un piédestal, alors qu’il ne se passe pas une semaine sans qu’il y ait d’actions contre la fermetures de cliniques.
“Sicko” est cependant vivement recommandé à tous ceux qui veulent savoir quel avenir nos politiciens néolibéraux et les patrons nous préparent.
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Plus que des Rois et des Reines… La vision marxiste de l’Histoire
Naomi Byron
On nous fait croire que le capitalisme est la meilleure manière d’organiser la société, que le socialisme est impossible. On nous fait croire que l’Histoire est faite par des personnalités remarquables comme les rois, les reines et les politiciens, et que les travailleurs n’ont pas le pouvoir de changer la société.
Certains veulent même nous faire croire qu’il n’existe aucun moyen de comprendre comment se développe la société : les adeptes du post-modernisme, une théorie qui a gagné en popularité dans les années ‘90, affirment qu’il n’y a pas de lois générales qui gouvernent le développement de la société. Ce texte démontre que rien de tout cela n’est vrai.
Pourquoi étudier l’Histoire ?
Le capitalisme, le système sous lequel nous vivons aujourd’hui, est inégal et antidémocratique. Pourquoi ? Parce que le capitalisme est une société de classes basée sur l’exploitation de la classe des travailleurs (la majorité de la population) par la classe des capitalistes (une petite minorité de la population) qui possède et contrôle les industries et les institutions financières et qui domine les gouvernements et les institutions politiques.
On nous fait croire que le capitalisme est la meilleure manière d’organiser la société, que le socialisme est impossible. On nous fait croire que l’Histoire est faite par des personnalités remarquables comme les rois, les reines et les politiciens, et que les travailleurs n’ont pas le pouvoir de changer la société.
Certains veulent même nous faire croire qu’il n’existe aucun moyen de comprendre comment se développe la société : les adeptes du post-modernisme, une théorie qui a gagné en popularité dans les années ‘90, croient qu’il n’y a pas de lois générales qui gouvernent le développement de la société.
Rien de tout cela n’est vrai. La théorie du matérialisme historique, développée par Marx et Engels, apporte un cadre d’analyse de la société humaine et des lois de son développement. Cette théorie explique que les sociétés de classes n’ont pas toujours existé, que les premières sociétés humaines n’étaient pas divisées en classes et qu’elles étaient basées sur la coopération et non sur l’exploitation.
Ce texte a pour but de montrer comment les dirigeants d’aujourd’hui essayent de faire accepter à la population l’idée qu’il n’y a aucune alternative au capitalisme, mais aussi comment la réalité de la vie force la population à chercher une alternative et à expliquer les batailles d’idée que cela engendre. Plus important encore, elle explique les raisons pour lesquelles nous, la classe des travailleurs, avons le pouvoir de renverser le système capitaliste, tous ensemble, et de créer une société qui abolisse l’exploitation de classe, une société qui combine la démocratie, l’égalité et la liberté existant dans les premières sociétés avec les avantages des développements économiques, scientifiques et technologiques modernes : une société socialiste.
1. La société humaine est basée sur des forces matérielles
Matérialisme contre idéalisme
Marx et Engels ont élaboré leur étude de la manière dont se développe la société humaine à travers une lutte acharnée contre les philosophes « idéalistes ».
Beaucoup de gens pensent que le socialisme est « idéaliste », que c’est une bonne idée mais que c’est irréalisable (ce que Marx et Engels appelait l’« utopisme »). Au contraire, les idées du socialisme et du marxisme sont réalistes et très praticables car elles sont basées sur l’analyse du monde réel et de son fonctionnement.
Contrairement à la manière dont la plupart des gens comprennent ce mot aujourd’hui, l’« idéalisme » désignait à l’origine un courant de la pensée philosophique. Les idéalistes pensaient que les idées viennent en premier et que la réalité matérielle arrive à l’existence en résultat de ces idées. Un idéaliste (en philosophie) dirait que les changements dans la réalité matérielle sont provoqués par les idées et non par des forces matérielles et que les idées ont une existence indépendante – et même sans relation – avec la réalité matérielle.
Tout en reconnaissant que les idées jouent un rôle important dans le changement social, les marxistes sont matérialistes (ici aussi dans le sens philosophique du terme). Pour un matérialiste, la société humaine et l’histoire est modelée par des forces économiques et sociales matérielles – des choses et des processus bien réels – et les idées sont le reflet de cette réalité matérielle dans la conscience humaine.
Les marxistes pensent que la société humaine est basée sur des forces matérielles. En d’autres mots, pour que n’importe quelle société humaine puisse exister, les humains doivent produire les biens de première nécessité qui leur permettent de survivre : la nourriture, un abri, de l’eau,… Ce sont des éléments matériels sans lesquelles nous mourrions. Mais la manière dont nous interagissons pour produire ces biens indispensables – qui sont les gens qui ont le contrôle sur les produits issus du travail et comment utilisent-ils ceux-ci ? – détermine le type de société dans laquelle nous vivons.
Au commencement : l’évolution
Sans certains facteurs physiques, la société humaine telle que nous la connaissons ne se serait jamais développée : le vaste cerveau humain, l’appareil phonatoire (la langue, le palais, les dents, les cordes vocales) et les pouces opposables.
Le développement et la croissance du cerveau et de l’appareil phonatoire sont apparus à cause de la manière dont les humains ont évolué en interaction avec leur environnement. Les premiers humains étaient moins bien adaptés à leur environnement que beaucoup d’espèces. Ils ont compensé ce handicap en travaillant ensemble dans de larges groupes et en développant des outils.
La croissance de la taille physique du cerveau humain (qui est beaucoup plus grand que celui de n’importe quel autre animal quand on les compare en tenant compte des poids de leurs corps respectifs), est à la fois le résultat du développement de l’intelligence humaine (provoqué par le besoin de coopérer et de fabriquer des outils) et la cause d’une nouvelle croissance. Avec une plus grande quantité de cerveau disponible à l’utilisation, les premiers humains ont eu plus de potentiel pour développer encore plus leur intelligence.
Le fait d’avoir des pouces opposables nous permet de tenir, de fabriquer et d’utiliser des outils. Sans la belle habileté de manipulation que ceux-ci rendent possible, les premiers humains n’auraient pas été capables de développer et d’utiliser les outils sophistiqués qui leur ont permis de survivre et de prospérer dans un environnement changeant.
Sans la large gamme de sons que l’appareil phonatoire nous permet de produire, les sociétés primitives n’auraient jamais pu développer les langages complexes qui ont permis de communiquer des idées et de coopérer sur une large échelle.
En résumé, le développement de nouvelles capacités de faire face à la lutte pour la survie a provoqué des changements physiques. A leur tour, ces changements physiques ont ouvert de nouvelles possibilités pour le développement du langage, de la fabrication d’outils et des capacités mentales (comme la pensée abstraite). Et ces deux processus ont continué de se développer et de se renforcer l’un l’autre.
Les sociétés de chasseurs-cueilleurs / le communisme primitif
On nous a enseigné que les sociétés de classes ont toujours existé, que l’exploitation de classe est un aspect naturel et inévitable de la société humaine. Mais ce n’est pas vrai.
Les premières sociétés humaines étaient des sociétés sans classe basées sur la coopération et le consensus et ne connaissant pas l’exploitation ou l’oppression systématique d’un quelconque groupe sur un autre.
Ce type de société, habituellement appelée société de chasseurs-cueilleurs, n’a pas été un bref interlude dans l’exploitation et l’oppression que nous connaissons dans les sociétés de classe. Cela a été la seule façon dont les sociétés ont été organisée pendant plus de 100.000 ans, jusqu’à ce que des sociétés de classes commencent à se développer il y a environ 10.000 ans. Même aujourd’hui, il existe encore quelques régions dans le monde où des sociétés de chasseurs-cueilleurs existent encore (quoique ce ne sera peut-être plus le cas pour longtemps, car elles sont toutes sous la pression d’une absorption dans l’économie capitaliste mondiale). Pourquoi les sociétés de chasseurs-cueilleurs fonctionnaient-elles si différemment de la société actuelle ? La réponse tient à la manière dont la production des biens indispensables était organisée.
Pour tenter de subvenir à leurs besoins, ces groupes combinaient, d’une part, la chasse d’animaux sauvages et la récupération de charognes et, d’autre part, la cueillette de plantes sauvages. Ils étaient à la merci de leur environnement et ne pouvaient stocker de grosses quantités de nourriture sur le long terme, en particulier parce qu’ils voyageaient généralement sur de longues distances à la recherche de nourriture, et ce pendant parfois plusieurs saisons.
Chacun était intégré à la production des biens de première nécessité (nourriture, abri,…) car autrement tout le monde serait mort de faim. Il n’existait aucun espace dans lequel une élite aurait pu se développer en organisant l’exploitation du travail des autres.
Il y avait souvent des différences dans le travail que faisaient les gens. Par exemple, dans beaucoup de sociétés de chasseurs-cueilleurs, les femmes semblent avoir consacré plus de temps à la garde des enfants tandis que les hommes se consacraient plus à la chasse, bien que cette division élémentaire du travail était très flexible et n’existait pas partout.
Cependant, ces différences, là où elles existaient, étaient dues à des raisons pratiques et ne menaient à aucun jugement de valeur sur le statut de chaque type de travail ou des gens qui l’accomplissaient (comme c’est le cas aujourd’hui). C’est seulement quand la société s’est divisée en classes que la garde des enfants et les autres travaux associés aux femmes ont perdu leur valeur et que l’oppression systématique de la femme a commencé.
Les sociétés de chasseurs-cueilleurs avaient tendance à vivre en petits groupes (la taille de ceux-ci dépendant des ressources dont ils disposaient) qui étaient liés à d’autres petits groupes vivant dans la même région. Les études sur les sociétés de chasseurs-cueilleurs réalisées au siècle dernier montrent que, dans de nombreux cas, celles-ci avaient développé des systèmes complexes de partage des ressources au sein des groupes et entre ceux-ci pour avoir une sorte d’assurance contre les famines et les conflits.
Dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs, si un groupe se porte bien, il est dans son intérêt à long terme de partager les fruits de ses succès avec d’autres groupes. S’il dispose d’un surplus de nourriture qu’il ne peut pas manger ou conserver, il en donne une partie à d’autres groupes, sachant que les autres feraient pareil s’ils se retrouvaient dans la même situation.
Ceci représente non seulement une aide pour ces groupes quand la nourriture se fait rare, mais aussi un moyen de réduire les conflits entre eux. Quand chacun dépend de chacun, il est dans l’intérêt de tous d’éviter les conflits.
Marx et Engels ont décrit ces sociétés de chasseurs-cueilleurs sous le nom de « communisme primitif » parce que la manière dont les biens essentiels étaient produits et distribués dans ces sociétés – leur « mode de production » – produisait en retour une méthode démocratique et coopérative de prise de décision. La citation ci-dessous décrit comment ce processus se déroulait entre des groupes de Boshimans parlant la langue G/wi dans la réserve du Kalahari central du Bostwana à fin des années ‘50 et au début des années ‘60: « Le consensus est atteint au terme d’un processus d’examen des divers scénarios d’action possibles conduisant au rejet de tous sauf un. C’est un processus d’élimination successive de propositions jusqu’à ce qu’il n’en subsiste plus qu’une qui ne rencontre plus d’opposition significative. Celle-ci est alors adoptée par le groupe. Le fait que ce soit le groupe dans son ensemble qui décide est à la fois nécessaire et suffisant pour légitimer ce qui est décidé et pour rendre la décision contraignante pour tous ceux qu’elle concerne ou qu’elle affecte. » (Political process in G/wi bands by George Silberbauer (extrait de Politics and history in band societies, edited by Eleanor Leacock and Richard Lee, published by Cambridge University Press, 1982))
On nous dit souvent que l’égoïsme, la brutalité et la guerre que nous voyons dans le monde aujourd’hui font partie de la nature humaine, que les humains ne sont pas conçus pour coopérer et vivre en égaux. Mais l’existence de sociétés de « communisme primitif » partout dans le monde pendant une période de temps aussi longue prouve que ce n’est pas le cas.
La nature humaine a des possibilités quasi-illimitées. La vie dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs n’était certainement pas parfaite. Il devait y avoir des privations et des désaccords entre individus. Mais la manière dont ces sociétés étaient organisées aidait à mettre en évidence les aspects les plus coopératifs et les plus positifs de la nature humaine tout en rejetant au second plan des aspects plus négatifs comme l’égoïsme et la cupidité. Tout comme la société de chasseurs-cueilleurs l’a fait hier, une société socialiste serait capable demain de faire ressortir le meilleur dans la nature humaine
La révolution néolithique…
Il y a à peu près 10.000 ans, deux découvertes ont commencé à révolutionner la façon dont les sociétés humaines s’organisaient : la culture de plantes (l’agriculture) et la domestication d’animaux.
Ces deux innovations, connues sous le nom de révolution néolithique, ont, pour la toute première fois, permis aux humains d’exercer un certain contrôle sur leur environnement. La productivité du travail a augmenté considérablement : les humains n’avaient plus besoin de se déplacer pour trouver de la nourriture aux différents moments de l’année, ils pouvaient cultiver et stocker leurs propres réserves de nourriture. De ce fait, ils n’étaient plus entièrement dépendants des conditions naturelles.
Ces changements ont mené à l’établissement de campements plus permanents, où les réserves de nourriture pouvaient être stockées et où on pouvait à la fois s’occuper des cultures et des animaux et les défendre contre des attaques. La quantité de nourriture disponible a augmenté considérablement, en même temps que la population humaine dans les sociétés néolithiques se développait rapidement.
Pour la première fois, la société humaine était capable de produire un surplus permanent (c’est-à-dire une quantité de nourriture et de biens dépassant ce qui est nécessaire à la survie), ce qui a permis à une partie de la société d’être délivrée du travail quotidien qui consiste à produire les biens de base, sans mettre en péril la survie du groupe.
Une partie de la société a ainsi pu se consacrer bien davantage à des tâches spécifiques et spécialisées, qui allaient de la pratique de rituels dont on pensait qu’ils apportaient de la nourriture et de la chance au groupe, jusqu’à la fabrication d’outils et au développement de nouvelles techniques comme la fonte du métal et la cuisson de la poterie.
Tout ceci a conduit à des méthodes plus productives d’utilisation du travail humain, comme par exemple l’utilisation d’outils en métal dans l’agriculture.
A mesure qu’augmentait la productivité du travail et que se complexifiaient certaines sociétés, une couche d’administrateurs s’est développée. Le premier système d’écriture connu dans le monde, par exemple, a été développé par les Sumériens peu avant 3.000 avant JC.
Le développement de la société sumérienne, qui a émergé entre les fleuves Tigre et Euphrate, non loin de l’actuelle ville de Bagdad, s’est fait sur base de l’irrigation. La création par les habitants de systèmes de canaux pour acheminer l’eau de pluie et l’eau des fleuves vers les champs ou les cultures a eu pour effet d’augmenter massivement le rendement des cultures. Mais, tant pour organiser le travail de creusage des canaux d’irrigation nécessaire à l’entretien d’une population nombreuse et en expansion que pour assurer une distribution efficace de l’eau, la société sumérienne avait besoin d’administrateurs.
La première écriture sumérienne a pris la forme de symboles, gravés dans des tablettes d’argile pour enregistrer de simples transactions (par exemple un nombre de moutons ou une quantité de céréales). Mais, en quelques centaines d’années, à mesure que les tâches des administrateurs se développaient et se complexifiaient, ces symboles primitifs ont été transformés en un système d’écriture reconnue et comprise par tous les administrateurs sumériens (les compétences de lecture et d’écriture étaient un privilège jalousement gardé).
…et la naissance de la société de classe
Les « spécialistes » et les administrateurs qui ont été libérés du travail de production de biens de première nécessité ont joué un rôle extrêmement progressif dans la mesure où ils ont contribué à développer les forces productives.
Cependant, beaucoup de ces « spécialistes » et de leurs descendants se sont peu à peu accrochés à leurs positions en s’appuyant sur l’accumulation de richesses réalisée, le statut privilégié et la tradition.
Dans beaucoup de régions, ils ont commencé à devenir une élite dirigeante, une nouvelle classe avec des intérêts différents de ceux des autres dans la société. Ils ont essayé d’établir des lois afin de protéger leur position privilégiée. Parmi ces nouvelles élites, celles qui ont le mieux réussi ont créé des groupes spécialisés de serviteurs/guerriers qu’elles payaient pour renforcer leur domination au sein de la société ainsi que pour protéger celle-ci d’attaques de l’extérieur.
Tout cela ne s’est pas passé sans résistance. Il semble que, dans certains groupes, les tentatives d’une classe dirigeante émergente pour consolider son pouvoir ont été bloquées et qu’une organisation collective à été réétablie. Cependant ces groupes tendaient à être plus faibles que les sociétés dirigées par une classe dominante où les forces productives avaient été davantage développées. En conséquence, à moins qu’ils soient géographiquement isolées d’autres sociétés plus développées, les groupes de chasseurs-cueilleurs dirigés collectivement ont généralement été absorbées par celles-ci, le plus souvent suite à des défaites lors de guerres et à leur réduction en esclavage.
Le développement de la société humaine est basé sur le développement des forces productives
Le développement d’outils, de machines ou de techniques qui accroissent la productivité du travail humain – comme la charrue tirée par un cheval, l’irrigation ou la production industrielle – accroissent également :
– la taille de la population qu’une société peut supporter,
– la spécialisation ou la division du travail qui est possible au sein de la société.Il a existé beaucoup de manières différentes d’organiser la production dans la société, ce qui a conduit à beaucoup de formes différentes de sociétés de classe. Voici quelques exemples de trois des types de sociétés de classes les mieux connus – l’esclavagisme, le féodalisme et le capitalisme – qui montrent comment la manière dont la production est organisée a modelé chaque société.
L’esclavagisme : les anciennes sociétés esclavagistes – comme l’Egypte, la Grèce et la Rome antiques – étaient basées sur l’exploitation du travail d’esclaves à une échelle de masse. De grandes villes où vivaient de riches propriétaires étaient entretenues par d’énormes quantités d’esclaves (essentiellement capturés lors des guerres) qui travaillaient la terre et produisaient la plupart des biens – comme les huiles, le vin, les poteries et les bijoux – qui rendaient les sociétés esclavagistes si riches.
Le féodalisme : les sociétés européennes du Moyen-Age reposaient sur une économie à base paysanne dans laquelle les paysans contrôlaient ce qu’ils produisaient sur leur « propre » lopin de terre mais étaient obligés de donner une partie des fruits de leur labeur au seigneur féodal qui possédait ou contrôlait la terre sur laquelle ils vivaient. Ce surplus accaparé par le seigneur pouvait prendre des formes très diverses : le paysan travaillait un certain nombre de jours sur les terres du seigneur, ou donnait à celui-ci une certaine proportion de la production de l’année ou encore lui payait une rente en argent.
L’aristocratie de propriétaires terriens était la classe dirigeante sous le féodalisme. Bien que l’Etat était souvent organisé autour de la royauté, la famille royale provenait généralement de l’aristocratie et défendait ses intérêts.
Le capitalisme : le système économique qui domine le monde aujourd’hui est basé sur la propriété privée des moyens de production (l’industrie manufacturière, les matières premières, les diverses ressources nécessaires à l’industrie et, aujourd’hui, même les graines nécessaires à la production de nourriture !) et l’exploitation du travail de la classe des travailleurs salariés.
Ces travailleurs, qui ne possèdent ni terre ni richesse substantielle transmise par héritage, ne disposent par eux-mêmes d’aucun moyen de subsistance et sont donc forcés de vendre leur force de travail pour survivre. Les capitalistes achètent celle-ci ; ensuite ils récupèrent leur argent et réalisent des profits en vendant des biens essentiels et d’autres produits à la classe des travailleurs et aux autres classes de la société.
La lutte des idées dans la société reflète la lutte des classes
Les idées ne sont en aucune manière neutres ou « au-dessus » de la société. Dans une société de classe, les idées de la classe dirigeante dominent à cause de la domination économique, politique et légale de cette classe (ou, en d’autres termes, de la somme d’argent, de pouvoir et de contrainte dont elle dispose).
L’idéologie (le système d’idées) de toute classe dirigeante reflète ses intérêts matériels. Par exemple, les monarchies féodales de nombreux pays à travers le monde ont défendu leur pouvoir et leurs privilèges en faisant appel aux idées et aux institutions religieuses. En Angleterre et en France, l’Eglise a soutenu le « droit divin » de la monarchie féodale à diriger, en affirmant que les hommes et femmes ordinaires n’avaient pas le droit de remettre en question un monarque qui avait été choisi par Dieu.
Des idées qui sont considérées comme « de bon sens » sont souvent en réalité le produit d’un type particulier de société de classe. Au 4e siècle avant notre ère, le philosophe Platon défendait l’idée que ce qui se passait dans la nature était déterminé par les idées et pas par des forces matérielles. Il croyait en conséquence que les expériences pratiques n’étaient pas indispensables pour développer une compréhension de la manière dont fonctionne les processus naturels : ceux-ci pouvaient être déchiffrés par la pensée.
Sa vision était conditionnée par le type de société dans lequel il vivait, la Grèce antique, qui était une société esclavagiste dans laquelle le travail physique était considéré comme avilissant et inutile pour l’élite. Il a fallu bien plus d’un millier d’années pour que les conceptions erronées de Platon soient abandonnées et pour que l’importance des méthodes scientifiques de mesure et d’expérimentation soit reconnue.
Bien que les idées de la classe dirigeante soient dominantes, elles sont constamment remises en cause par d’autres idées. Cette lutte d’idées reflète la lutte entre les classes sociales dans la société. L’opposition à l’idéologie dominante de la classe dirigeante est le reflet des intérêts matériels des autres classes.
Gouvernement, système légal et idéologie
Le gouvernement, le système légal et l’idéologie de n’importe quelle société sont appelés la « superstructure ». Celle-ci se développe sur la base économique de la société. La forme que prend la superstructure dans une société est déterminée avant tout par les rapports économiques sur lesquels est basée cette société.
Cependant, cela ne signifie pas que le système économique détermine tout dans une société. Les traditions locales et la manière dont la société s’est développée jusque là influencent aussi le système politique et légal. Par exemple, beaucoup de sociétés capitalistes ont encore une monarchie qui est en réalité une institution féodale et pré-capitaliste. Les républiques et les monarchies, les démocraties parlementaires, les dictatures militaires et les régimes fascistes sont autant de systèmes de gouvernement utilisés par la classe capitaliste.
Dans l’Europe d’aujourd’hui, les lois sont essentiellement faites et mises en œuvre par des représentants de la classe dirigeante capitaliste. D’autres classes, comme la classe des travailleurs et les classes moyennes, font bien entendu aussi entendre leur voix, mais la manière dont est constitué le système légal protège les intérêts de la classe dirigeante. Ainsi de nombreux délits contre la propriété privée (comme les vols, les cambriolages,…) sont considérés comme des délits plus sérieux que ceux contre les personnes (les agressions, les coups et blessures, les viols et même les meurtres dans certains cas).
Cela conduit à des situations étranges, comme en Grande-Bretagne où la majorité des femmes emprisonnées le sont pour des « crimes » liés à la pauvreté comme des vols de nourriture ou l’incapacité de payer des amendes, tandis que les compagnies privées qui gèrent les chemins de fer ne sont pas poursuivies lorsque des gens meurent dans des accidents de train provoqués par une chasse au profit passant avant la sécurité.
Dans le monde global dominé par les monopoles où nous vivons aujourd’hui, il est légal pour une société multinationale de breveter des plantes existantes, comme les variétés de riz qui ont été cultivées depuis des centaines d’années, et de faire payer les agriculteurs partout dans le monde pour avoir le « droit » de cultiver ces plantes.
L’idéologie change lorsque les conditions matérielles changent
Les affirmations suivantes expriment des idées qui sont largement répandues chez nous aujourd’hui. La comparaison avec des idées qui étaient largement répandues à la fin du 19e siècle est frappante.
Aujourd’hui : Les hommes sont plus forts que les femmes. La cupidité fait partie de la nature humaine; une société égalitaire ne peut donc pas exister. Le racisme existera toujours.
Au 19e siècle : Les hommes sont supérieurs aux femmes tant du point de vue physique que du point de vue intellectuel. Les Blancs sont supérieurs aux Noirs. La Belgique aide les Congolais en leur apportant la civilisation.
Ces deux séries d’affirmations reflètent l’idéologie de la classe dirigeante qui affirme que la division et la cupidité sont naturelles et nécessaires. Mais les changements dans les conditions matérielles du capitalisme pendant les cent dernières années ont obligé les commentateurs à modifier la manière dont ils expriment leur idéologie.
A la fin du 19e siècle, les femmes étaient considérées sur le plan légal comme étant la propriété de leur mari ou pères et n’avaient aucun droit en matière de succession, de vote ou d’études universitaires.
En 1884-1885, les puissances européennes se sont rencontrées lors d’une conférence à Berlin pour se partager l’Afrique. A la fin du 19e siècle, grâce à leur puissance économique et navale, la Grande-Bretagne dirigeait un Empire qui couvrait un tiers de la surface de la planète. La France possédait, elle aussi, un vaste empire colonial et la Belgique elle-même s’était appropriée en Afrique des colonies qui représentaient cent fois sa propre superficie. Ces empires fournissaient des matières premières et des minerais pour l’industrie de la « mère-patrie » et un énorme marché pour l’industrie de celle-ci. La classe dirigeante essayait de justifier son colonialisme (qui dans beaucoup de cas prenait avant tout la forme d’une occupation militaire) en diffusant des idées ouvertement racistes dans toutes les couches de la société.
Au cours du 20e siècle, des mouvements de masse pour l’indépendance brisèrent les empires coloniaux et la Grande-Bretagne (sans parler de la France et de la Belgique) fut remplacée par les Etats-Unis en tant que puissance économique mondiale dominante.
En même temps, les luttes pour les droits des femmes combinées au besoin croissant d’ouvrières dans l’industrie ainsi qu’à la confiance et au pouvoir que leur nouvelle position sur le marché de l’emploi leur donnaient, ont permis aux femmes d’acquérir beaucoup de droits qu’elles n’avaient pas au 19e siècle.
Ce sont ces changements matériels qui ont obligé les commentateurs capitalistes à adapter la façon dont ils présentent leur idéologie.
Le pouvoir des idées vient des forces matérielles qu’elles représentent
Marx et Engels n’ont pas inventé l’idée de socialisme : elle existait déjà depuis longtemps. Des mouvements comme les Diggers, qui avaient lutté pour mettre fin à la propriété privée de la terre durant la Guerre civile anglaise au 17e siècle, avaient mis en avant des idées socialistes de base bien avant eux. Cependant, les premiers mouvements socialistes étaient avant tout utopiques : ils mettaient en avant l’idée d’une société meilleure mais sans avoir une véritable compréhension de comment on pouvait y arriver.
La contribution de Marx et d’Engels a été de montrer que les idées socialistes ont une base scientifique et objective et de les mettre en contexte en expliquant comment la société humaine s’était développée. Ils ont été capable de développer une idéologie approfondie pour le socialisme : le marxisme.
La puissance des idées socialistes et marxistes provient du fait qu’elles reflètent et expliquent avec précision les conditions matérielles que la classe des travailleurs connaît sous le capitalisme :
- L’aliénation, l’exploitation et l’oppression de la classe des travailleurs
- La nature collective du travail de la classe des travailleurs
- La contradiction entre l’énorme pouvoir productif du capitalisme et son incapacité à développer les forces productives pour le bien de tous ou à fournir suffisamment de biens de première nécessité pour satisfaire les besoins de chacun ( comme on le voit aujourd’hui dans le fossé entre les riches et les pauvres, qui a atteint un niveau historique).
Tant que ces conditions matérielles existent, les gens seront obligés de chercher une alternative socialiste. Pourtant, la popularité du socialisme ne sera pas suffisante pour liquider le capitalisme et le remplacer par une forme socialiste d’organisation de la société.
2. Changer le cours de l’Histoire
Le changement révolutionnaire – Comment se développe la société
Au fil du temps, les contradictions inscrites dans les structures économiques, politiques et légales de chaque société de classe s’aiguisent. Elles finissent par devenir un blocage pesant sur les forces productives (la productivité du travail humain) freinant leur développement. La vieille classe dirigeante essaie désespérément de bloquer tout changement afin de défendre son pouvoir et ses privilèges.
Dans cette situation, la seule voie qui permette à la société d’aller de l’avant est d’écarter cette vieille classe dirigeante du pouvoir et d’installer à sa place une nouvelle organisation de la société. Cela signifie une révolution.
En Angleterre et en France, la classe capitaliste a conquis le pouvoir politique par une révolution – même si elle préfère parfois qu’on n’en parle pas trop ! La Guerre Civile anglaise au milieu du 17e siècle – où les parlementaires emmenés par Cromwell affrontèrent les monarchistes sur le champ de bataille – tout comme la Révolution française à la fin du 18e siècle – où les insurrections urbaines se combinèrent avec des affrontements militaires entre la République naissante et la noblesse exilée – furent de véritables guerres entre deux classes en opposition frontale – l’aristocratie féodale et la monarchie contre la classe capitaliste montante – qui mobilisaient toutes deux leurs partisans.
Le système féodal en Europe occidentale avait en réalité commencé à atteindre ses limites de développement beaucoup plus tôt. Les améliorations apportées aux méthodes agricoles ainsi que le défrichement de forêts destiné à fournir davantage de terres pour l’agriculture avaient énormément amélioré la productivité agricole mais ne pouvaient guère aller au-delà dans un système féodal reposant sur de petites parcelles paysannes.
L’épidémie de peste noire au milieu du 14e siècle provoqua la mort de près de 40% de la population européenne. La raréfaction de la main d’œuvre qui en découla dans les campagnes finit par donner à la paysannerie plus de pouvoir dans leur lutte permanente avec les seigneurs féodaux qui furent obligés de leur concéder de meilleures conditions de travail et des loyers moins élevés pour les terres qu’ils occupaient. Les pauvres sans terre – qui étaient obligés de travailler pour d’autres afin de survivre – purent obtenir de meilleurs salaires tant à la campagne que dans les villes.
Pendant que la classe féodale déclinait, l’embryon d’une nouvelle classe commençait à se former dans les villes et les bourgs. Encouragés par la croissance du commerce sur une longue distance, artisans et marchands se réunissaient à l’occasion des marchés dans les villes pour vendre leurs produits. Les artisans trouvèrent aussi localement des acheteurs pour leurs productions, particulièrement parmi les seigneurs féodaux et les paysans les plus fortunés.
Les villes ayant acquis dans la plus grande partie de l’Europe occidentale une relative liberté les mettant à l’abri du contrôle direct des seigneurs féodaux, les artisans et les riches marchands y formèrent bientôt des guildes et des corporations pour protéger leurs intérêts.
Ces processus – la croissance de la production de biens à vendre sur les marchés et la crise grandissante du pouvoir féodal à la campagne – se renforcèrent mutuellement. Les guildes et les corporations commencèrent à introduire les rapports capitalistes en employant une armée de plus en plus grande de travailleurs salariés.
Mais le pouvoir économique de cette classe capitaliste embryonnaire avait beau continuer à croître, le gouvernement et le système légal défendaient toujours les intérêts de l’aristocratie féodale. En Angleterre, la lutte pour le pouvoir politique entre la noblesse et la bourgeoisie capitaliste montante fut réglée par une guerre civile. Les bourgeois entraînèrent derrière eux dans leur lutte les sections les plus opprimées de la population. Ils renversèrent la monarchie, installèrent comme autorité politique suprême un parlement (dominé à ce moment par les représentants de la nouvelle classe capitaliste) et établirent un système légal qui défendait leurs intérêts de classe. Néanmoins, des revers dans la lutte obligèrent ensuite la bourgeoisie à passer un compromis partiel avec l’aristocratie, impliquant notamment la restauration de la monarchie, mais sans que sa domination économique soit remise en cause.
Moins d’un siècle et demi plus tard, la bourgeoisie française, économiquement et idéologiquement plus solide, fut capable de garder le contrôle d’un processus révolutionnaire tumultueux et d’imposer après quelques années un système politique qui écartait définitivement la noblesse du pouvoir.
Cependant, les sociétés humaines ne se développent pas en ligne droite – en sautant d’un type de société à un autre et en progressant constamment. La société peut aussi reculer.
Que se passe-t-il quand les révolutions échouent?
Malheureusement, les révolutions contre l’ordre existant ne réussissent pas toujours. Si des révolutions contre un mode de production dépassé et sa classe dirigeante échouent encore et encore, le système déclinant continuera à sombrer et le niveau de développement de la société peut être rejeté en arrière pour des centaines d’années.
Les anciennes sociétés esclavagistes de l’Egypte, de la Grèce et de Rome ont été très loin dans le développement de la science, de la technologie et de la littérature. Cet essor culturel était rendu possible parce que ces sociétés étaient basées sur l’exploitation d’immenses armées d’esclaves. A un moment, ces empires puissants ont commencé à être confrontés aux limites de l’esclavagisme (et dans le cas de l’Empire Romain, aux limites d’une expansion territoriale constante).
Un exemple montrant comment les limites de l’esclavagisme ont freiné la société est le fait que les progrès scientifiques et les inventions produites par la société esclavagiste n’ont pas toujours été utilisées pour augmenter l’efficacité du travail humain. Ainsi, les anciens Egyptiens avaient compris tous les principes nécessaires à la construction de la machine à vapeur tandis que les Romains avaient inventé la roue hydraulique.
Cependant, aucune de ces inventions n’a été utilisée de façon systématique ou généralisée ; elles n’ont été utilisées que pour produire des jouets pour amuser les riches et les puissants. Ceci s’explique par le fait que le système économique de l’esclavagisme, où le travail de l’esclave coûtait trois fois rien et était facile à se procurer, n’incitait pas à répandre une nouvelle technologie qui aurait pu amener à un développement considérable de la productivité du travail humain et faire avancer fortement la société.
Au lieu d’être renversées et remplacées par une forme de société plus progressive, les anciennes économies esclavagistes ont commencé à se désagréger jusqu’à ce que, divisées et affaiblies, elles soient conquises par des envahisseurs étrangers. L’effondrement de l’Empire Romain a provoqué un recul important dans une grande partie de l’Europe Occidentale, un recul qui allait durer des siècles avant que celle-ci puisse se développer à nouveau.
Le capitalisme
Les réalisations du capitalisme, en termes de développement des forces productives, sont immenses. La mécanisation du processus de production, l’électrification, le développement des chemins de fer, un réseau routier étendu et des véhicules motorisés, l’invention d’ordinateurs et le développement d’une communication virtuellement instantanée aux quatre coins du monde ont transformé le commerce et permis la production de biens et de richesses en des quantités auparavant inimaginables.
Mais ces avancées ont eu un lourd prix. L’expansion du travail salarié et du « libre marché » ont permis une exploitation encore plus intensive de la classe des travailleurs. Les capitalistes possèdent et contrôlent les outils, les usines et les matières premières (les moyens de production). Les travailleurs eux, n’ayant pas de terres ou de source de revenus indépendante, sont donc obligés de vendre leur travail aux capitalistes pour survivre.
Les capitalistes, qui sont en compétition les uns avec les autres, essayent de comprimer les salaires de leur main-d’œuvre afin d’augmenter leurs profits. La menace du chômage – et des demandeurs d’emploi qui seraient prêts à travailler pour un salaire plus bas – est utilisée comme un bâton afin de les faire accepter aux travailleurs des conditions de travail et des salaires plus mauvais.
Dans les premiers temps du capitalisme (c’est-à-dire au début de la révolution industrielle en Angleterre), les conditions de vie et de travail des masses étaient pires que celles qu’avait connue la majorité de la population sous le féodalisme. C’est seulement avec le développement de la lutte des classes, et notamment la création des syndicats, que les travailleurs et les chômeurs ont commencé à améliorer leur situation.
Les énormes richesses et la puissance qu’elles rendent possibles ont été monopolisés par la classe capitaliste et utilisées pour faire encore plus d’argent en exploitant le travail de la classe des travailleurs. Les premiers pays capitalistes (comme l’Angleterre, la France et la Belgique) ont utilisé leur puissance économique et militaire pour créer des empires en s’emparant d’immenses territoires à l’étranger où les ressources naturelles et le travail de la population indigène ont été exploités impitoyablement pour maximaliser les richesses, le pouvoir et le prestige de la classe dirigeante impériale.
La classe des travailleurs – « fossoyeurs » du capitalisme
Marx et Engels ont montré que le capitalisme n’était que la forme la plus récente d’une société d’exploitation de classes. Ils ont aussi expliqué qu’en se développant, le capitalisme semait aussi les graines de sa propre destruction. Le rôle central que la classe des travailleurs en pleine expansion a joué dans le processus de production a ainsi produit une classe qui non seulement peut mettre en cause le rôle des capitalistes, mais qui est aussi capable de créer une société nouvelle et plus progressiste.
D’un point de vue historique, la réalisation la plus importante du capitalisme a été de développer les forces productives jusqu’à un niveau où une société socialiste est possible. Sans les bases matérielles pour éradiquer la faim, la pauvreté et l’analphabétisme partout dans le monde, une société socialiste est impossible.
Le capitalisme a réalisé cette base matérielle. Comme le disent les Nations Unies : « On estime que le coût supplémentaire pour réaliser et maintenir l’accès universel à l’éducation de base pour tous, les soins de santé de base pour tous, les soins de santé en matière de gynécologie et d’obstétrique pour toutes les femmes, une alimentation appropriée pour tous et l’accès à l’eau potable et à des installations sanitaires pour tous, est grosso modo de 40 milliards de dollars par an… Ceci représente moins de 4 % de l’ensemble de la fortune des 225 personnes les plus riches. » (Rapport du Développement Humain des Nations Unies, 1997).
Pourtant, sous le capitalisme, même cette redistribution relativement mineure ne verra jamais le jour. La propriété privée de l’industrie, des transports et des communications freine les forces productives. L’économie moderne mondialisée essaie continuellement de dépasser les limites du capitalisme, comme les frontières nationales ou l’incapacité dans laquelle se trouvent les travailleurs de racheter les produits qu’ils ont produit parce qu’ils ne sont pas payés à la valeur réelle de leur travail. Mais régulièrement, ces limites plongent le système dans des crises.
La nature parasitaire du capitalisme moderne se révèle à travers le développement massif de la spéculation financière, en opposition à l’investissement dans l’industrie. Les systèmes de communications incroyables qui ont été développés pourraient permettre à une société socialiste de planifier démocratiquement une économie moderne de façon détaillée afin de faire face aux besoins de la population. Mais sous le système capitaliste, ces systèmes de communications sont monopolisés par les plus grandes multinationales qui s’en servent pour s’assurer qu’ils pressent chaque goutte de profit tant de leurs travailleurs que des consommateurs.
Le rôle des individus dans l’Histoire
Une révolution n’est pas quelque chose qu’un individu ou une organisation peut faire apparaître d’un coup de baguette magique. C’est un processus qui se développe lorsque les contradictions à l’intérieur d’une société de classes ont atteint un seuil critique : lorsque les masses, qui sentent qu’elles ne peuvent plus supporter plus longtemps leur oppression se soulèvent pour défier la domination de la classe dirigeante alors au pouvoir. (Pour en savoir plus sur ce qui se passe lors d’une révolution, un autre texte se trouvera bientôt sur ce site : Changer le Monde – Le rôle d’un parti révolutionnaire )
Les marxistes rejettent l’idée, défendue par des historiens du courant dominant, que des individus dotés de fortes personnalités sont à eux seuls responsables des avancées de l’Histoire. Attribuer des événements historiques majeurs aux ambitions ou aux fortes convictions personnelles d’un individu donne une vision mystifiante l’Histoire au lieu d’aider à l’expliquer. Cependant, tandis que nous sommes convaincus, en tant que marxistes, que les révolutions sont faites par les masses, nous comprenons aussi que dans un mouvement de masse ou une révolution – et en particulier à certains moments critiques – l’intervention de certains individus peut faire la différence entre la réussite ou l’échec du mouvement.
Néanmoins, ceci ne veut pas dire que des individus peuvent, de quelle que manière que ce soit, remplacer des mouvements de masse ou une implication de masse dans une révolution. Des gens qui peuvent aider à orienter des mouvements de masse dans la bonne direction ne tombent pas tout cuits du ciel. Ils sont formés et préparés par la période économique et politique dans laquelle ils ont vécu, et particulièrement par les luttes de classes et les mouvements de masse auxquels ils ont participé. De cette façon, l’expérience et les leçons des mouvements du passé sont absorbées et assimilées par ces individus et réintroduites par ceux-ci dans le mouvement afin d’en assurer le succès.
La différence entre la révolution socialiste et toutes les autres révolutions antérieures
Une révolution socialiste doit être menée par la classe des travailleurs. Les révolutions contre les formes précédentes de sociétés de classes ont chaque fois été menées par une classe minoritaire qui exploitait la colère des masses dans sa lutte pour conquérir le pouvoir politique pour elle-même (par exemple les révolutions capitalistes contre la classe dirigeante féodale).
Aujourd’hui, dans beaucoup de pays, la classe des travailleurs représente la majorité de la population. Afin de se libérer elle-même de l’oppression et de l’exploitation, la classe des travailleurs doit abolir complètement la société de classes. La révolution socialiste est la première révolution dans l’histoire de l’humanité qui a le pouvoir de mettre un terme à l’exploitation de classe. C’est aussi la première révolution qui est menée par une classe qui est devenue entièrement consciente du rôle historique qu’elle doit affronter.
Cette conscience n’existe pas encore à l’heure actuelle. L’expérience que les gens ont du système capitaliste les pousse vers des conclusions socialistes de façon différente et à des moments différents. Encourager le développement d’une conscience de classe et d’idées socialistes est l’une des tâches d’un parti révolutionnaire, qui peut rassembler différents secteurs de la classe des travailleurs et de la classe moyenne radicalisée en les unissant dans un combat commun.
La fin de la société de classes
Une société socialiste abolirait les classes sociales, permettant à la gestion collective et vraiment démocratique de la société de réapparaître pour la première fois dans l’Histoire depuis les sociétés de chasseurs-cueilleurs. Mais ceci se ferait sur une base matérielle beaucoup plus élevée : au lieu de vivre à un niveau de subsistance quotidienne, en étant entièrement dépendant de l’environnement local, la société serait basée sur des forces productives qui sont à même de procurer plus qu’assez pour satisfaire les besoin de chacun.
Dans la période de transition entre le capitalisme et le socialisme, c’est-à-dire après une révolution socialiste réussie, l’Etat sera dirigé par la classe des travailleurs (et aussi par la paysannerie pauvre et les masses de sans-terre dans les nombreux pays où ils existent). Mais même cette forme d’Etat – bien qu’il s’agirait d’un Etat basé sur la démocratie des travailleurs plutôt que sur l’exploitation de classe – finira par disparaître lorsque le socialisme, puis une véritable société communiste seront réalisés.
La base matérielle de l’Etat est la suppression d’une classe (en l’occurrence les capitalistes) par une autre (en l’occurrence les travailleurs, soutenus par d’autres classes opprimées comme la paysannerie et les pauvres sans-terre). A mesure que se développe une société sans classe, disparaît peu à peu la base matérielle pour toute organisation étatique se dressant au-dessus de la population. Les tâches nécessaires que l’Etat accomplit dans une société de classes – la planification, l’administration,… – seront organisées et exécutées par la population dans son ensemble selon ses propres décisions démocratiques.
« Socialisme ou barbarie »
Si une révolution échoue à renverser le capitalisme, les conséquences peuvent être gravissimes. Le fascisme et la dictature sont des « solutions » auxquelles la classe capitaliste a souvent recours pour « maintenir l’ordre » après une révolution qui a échoué. Mais si, sur le long terme, aucune révolution ne réussit à établir une société socialiste, même ces perspectives horribles se révèleraient insignifiantes comparées à la désintégration du capitalisme au niveau mondial.
Car, tout au long de l’Histoire, le potentiel de destruction de l’humanité s’est accru en même temps que se développaient les forces productives. Au fur et à mesure que de nouvelles formes de sociétés de classes émergeaient, l’exploitation des classes opprimées en leur sein s’est intensifiée. L’augmentation de la productivité et de la technologie ont permis à la fois une exploitation et un contrôle des masses de plus en plus complet et la mise en œuvre d’armes de destruction massive de plus en plus puissantes et épouvantables.
Les armes nucléaires détenues par des gouvernements partout dans le monde pourraient détruire des centaines de fois la planète. La destruction de l’environnement par l’industrie capitaliste va de pair avec la propriété privée et le profit. Comme le système capitaliste titube de crise en crise, l’instabilité croissante qu’il crée augmente le nombre de guerres et de conflits et épuise les ressources naturelles avec de moins en moins de considération pour les générations futures.
A moins qu’une série de révolutions socialistes de par le monde réussisse à mettre fin au capitalisme, la désintégration d’une société disposant d’une telle force de destruction terrifiante pourrait être un désastre sans précédent dans l’histoire de l’humanité.
Une société socialiste ne libérerait pas seulement les forces productives des limites du capitalisme, elle ne libérerait pas seulement les humains de l’esclavage salarié et de l’aliénation par le travail sous le capitalisme : elle assurerait aussi que la production et la technologie soient utilisées à des fins constructives et pas à des fins destructives.
Quelques définitions en bref
- Réalité matérielle : les choses et les processus dans le monde réel qui peuvent être touchés ou mesurés
- Mode de production : la manière dont est organisée la production des produits de première nécessité et des autres biens
- Forces productives : la productivité du travail humain (la quantité de biens produite par une quantité fixée de travail humain) qui est développée et augmentée à l’aide de la technologies, des connaissances scientifiques et des manières plus efficaces d’organiser le travail humain
- Idéologie : système d’idées
- Progressiste : qui contribue à faire progresser la société en aidant au développement des forces productives
Terminologie
Note de l’auteur : Marx et Engels ont classifié les premiers types de sociétés de classes en barbarie et la montée des anciens empires esclavagistes d’Egypte, de Grèce et de Rome en civilisation. Aujourd’hui, ces termes semblent démodés et teintés par leur association avec l’idéologie de l’impérialisme. J’ai donc utilisé dans cette brochure des termes plus spécifiques qui sont apparus dans les études modernes, respectivement société néolithique et société esclavagiste.
Note du traducteur :Des passages du texte ont été réécrits pour remplacer des exemples typiquement britanniques par des exemples de valeur plus générale. D’autre part, à la place du terme de classe ouvrière, qui semble réduire la classe aux seuls ouvriers, j’ai préféré employer le terme de classe des travailleurs qui permet d’inclure de manière plus large le grand nombre de salariés (ouvriers, employés, fonctionnaires, enseignants,…) qui sont aujourd’hui victimes de l’exploitation dans le cadre du capitalisme moderne.
Liste de lecture
- L’idéologie allemande (première partie) – Marx et Engels
- Le Manifeste du Parti Communiste – Marx et Engels
- De la préhistoire à l’Histoire – Gordon Childe
- L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat – Engels
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Les travailleurs, les chômeurs et les pauvres ont besoin de leur propre parti !
Depuis 1995 déjà, le MAS/LSP met en avant la nécessité d’un nouveau parti des travailleurs. A cette époque, le Plan Global était encore dans toutes les mémoires mais les directions syndicales avaient encore réussi à convaincre leur base que la coalition chrétienne-“socialiste” au pouvoir était “le gouvernement le plus à gauche possible”.
Par Anja Deschoemacker, 3e sur la liste néerlandophone pour le Sénat
Aujourd’hui, les choses ont bien évolué. Depuis des années, le PS commence enfin à être vu comme l’architecte de la casse sociale. Au vu de la résistance contre ce démantèlement de nos acquis – entre autres les centaines de milliers de grévistes et de manifestants contre le Pacte des Générations – il est clair que « le fossé entre le citoyen et la politique » dont parlent les médias signifie surtout que la grande majorité de la population ne se sent plus représentée politiquement.
Un vote utile ?
Beaucoup de travailleurs, de chômeurs, de pensionnés et de jeunes vont pourtant de nouveau opter pour le soi-disant « vote utile à gauche ». Ce processus, en France, a permis à Ségolène Royal d’obtenir un bon score au premier tour des présidentielles tandis que Tony Blair a pu se maintenir au pouvoir pendant dix ans en Grande-Bretagne, et ce malgré l’énorme chute de popularité du New Labour. Chez nous, les partis socialistes viennent de passer 20 années d’affilée au pouvoir malgré leur participation à toutes les privatisations et au démantèlement de nos droits et acquis.
Nous comprenons les motivations de ces électeurs qui veulent voter « utile » mais nous pensons que l’expérience des dernières décennies démontre que ce vote « utile » ne nous mène à rien sauf à une politique de démantèlement social négociée.
Si on parle en termes d’équivalents temps plein, aucun emploi supplémentaire n’a été créé au cours de ce dernier quart de siècle et la part des salaires dans la richesse nationale a constamment diminué, tout comme le pouvoir d’achat des salariés, notamment à cause du coût toujours croissant du logement. Beaucoup de services publics sont quant à eux soit déjà privatisés, soit en passe de l’être et les conditions de travail y sont souvent devenues plus pénibles pour un service aux usagers fortement diminué (au contraire des prix…).
Contre tout cela, un “vote utile” n’est pas suffisant. Le prochain gouvernement – où seront très probablement à nouveau présents le PS et le SP.a – va poursuivre les attaques contre les pensions et les chômeurs tout en continuant à donner des cadeaux aux patrons sous forme, notamment, des diminutions de charges patronales qui minent notre sécurité sociale….
Résistance !
La lutte contre la régression sociale sera en grande partie une lutte syndicale. Pour la mener de manière efficace, il est nécessaire de rassembler les militants syndicaux combatifs dans un parti capable de les armer avec un programme et une stratégie corrects.
Nous ne pouvons pas garantir que le CAP deviendra un nouveau parti large de gauche qui défende de façon conséquente les intérêts des travailleurs, des chômeurs et des pauvres. Mais, ce qui est sûr, c’est que le CAP offre une opportunité qui doit être saisie à pleines mains. Si le CAP ne se développe pas, nous en serons réduits une nouvelle fois à entrer dans les prochaines luttes sans aucune réponse politique du mouvement ouvrier.
Nous pensons que le CAP a un potentiel gigantesque. Les résultats électoraux ne pourront exprimer ce potentiel que très partiellement, mais la campagne électorale offre une excellente base pour construire cette initiative. Après les élections, le MAS/LSP va donc continuer ses efforts pour aider à construire le CAP avec autant d’enthousiasme et d’énergie !
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Pour les jeunes aussi, une autre politique est nécessaire !
« Une autre politique est possible !» est le slogan du Comité pour une Autre Politique pour les élections fédérales du 10 juin. Cette autre politique, une alternative à la politique néo-libérale des partis traditionnels, est aussi un besoin crucial pour la jeunesse !
Jeroen Demuynck
Des emplois décents pour les jeunes !
L’avenir n’est pas rose pour bien des jeunes. Le marché du travail est toujours plus inaccessible. Chaque emploi vacant fait l’objet d’une lutte acharnée entre demandeurs d’emploi. Le « perdant » a droit, dans le meilleur des cas, à une maigre allocation.
En fait d’emploi, il s’agit le plus souvent d’intérims ou de contrats à durée déterminée qui n’offrent aucune sécurité d’existence. En février 2007, un nouveau record a été atteint en matière d’heures de travail prestées par les intérimaires : 11% de plus qu’en février 2006 !
L’emploi fixe avec un salaire stable et convenable (et donc la possibilité d’avoir sa maison, sa voiture, des enfants…) est une espèce en voie de disparition. Pour beaucoup de jeunes, l’avenir est incertain.
C’est dans ce contexte que certains cherchent des boucs-émissaires. Dans une telle situation, il n’est pas rare de voir la frustration se retourner contre d’autres qui sont souvent dans une position encore plus précaire : on s’en prend à plus faible que soi au lieu de s’en prendre aux puissants. Mais cette logique aboutit à une impasse. Le Standaard du 21 mars révélait qu’un tiers des jeunes « seraient racistes » mais que le « racisme surgit quand les gens se sentent menacés » et qu’il s’agit donc souvent « de racisme économique ».
Plus de loisirs !
Les effets du néolibéralisme se font sentir dans le quotidien de chacun ; les restrictions n’épargnent pas les lieux de rencontre et de détente. Sous-financement des maisons de jeunes, absence de salles de fête bon marché ou de structures sportives réellement accessibles, festivals de plus en plus chers… Les jeunes n’ont pas d’alternative au secteur privé des loisirs où tout est plus cher.
Plus de moyens pour l’enseignement !
Les conséquences de la logique du profit sont clairement visibles dans l’enseignement. Au lieu d’axer l’enseignement sur les besoins des jeunes et du personnel, il est de plus en plus orienté sur ceux du marché. Le but est clair : faire de l’enseignement une usine à diplômes sur mesure pour les grandes entreprises.
Dans son rapport sur la Belgique, l’OCDE insiste sur la nécessité d’augmenter fortement les droits d’inscription dans l’enseignement supérieur, dans la droite ligne des « accords de Bologne ».
Notre enseignement se conforme de plus en plus au modèle anglo-saxon, c’est-à-dire moins de moyens de la collectivité et une plus grande dépendance envers les subventions du privé. En Grande-Bretagne, les droits d’inscription s’élèvent déjà à plus de 6.000 euros. Cela rend évidemment l’enseignement supérieur inaccessible à beaucoup de jeunes. Pourtant, aucun parti établi ne semble vouloir réagir : tous acceptent la logique néolibérale, de Frank Vandenbroucke, le ministre « socialiste » de l’enseignement flamand, à Marie-Dominique Simonet, la ministre « humaniste » de l’enseignement supérieur francophone.
Une formation politique ouverte aux préoccupations des jeunes !
Le besoin d’un parti qui défende les intérêts des jeunes se fait cruellement sentir, un parti qui n’accepte pas la politique néolibérale actuelle et qui n’impose pas de coupes budgétaires. Le CAP veut devenir une telle formation. Mais il aura besoin de ton aide. Ensemble, nous pouvons engager le combat contre l’incertitude face à l’avenir, les coupes budgétaires et la logique de profit du patronat et de ses laquais politiques. Participe au combat pour notre futur, participe au CAP !
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Opel-Anvers suit le scénario VW : 1.400 travailleurs victimes du nouveau carnage social
La direction de General Motors a enfin clarifié les choses ! Oui, mais au détriment des salariés d’Opel à Anvers… Ce sont 1.400 emplois qui disparaîtront d’ici la fin de l’année. En outre, la nouvelle Astra ne sera pas construite à Anvers. Un modèle de Chevrolet, au succès incertain, sera construit là-bas. Les salariés ont arrêté le travail mais le mot ‘grève’ n’est pas prononcé.
Geert Cool
A Opel comme à VW
General Motors a finalement décidé que la construction de la nouvelle Astra sera effectuée par quatre des cinq sites – Ellesmere Port en Grande-Bretagne, à Bochum en Allemagne, à Gliwice en Pologne et à Trollhättan en Suède – tandis que le site d’Anvers sera consacré à une partie de la production de la Chevrolet.
Opel suit donc l’exemple de VW. Comme nous l’avons déjà écrit, les parallèles sont trop frappants. Dans les deux cas, la direction a essayé de dresser les différents sites les uns contre les autres afin de décrocher un maximum de concessions sur le plan de la flexibilité. Opel a longtemps laissé planer le scénario le plus sombre en espérant ainsi moins de réactions à l’annonce du plan d’assainissement.
Solidarité européenne?
Il règne dans les sites d’Opel une solidarité européenne entre les syndicats des différentes sites. Il a notamment été convenu de répartir les assainissements sur tous les sites. Un succès partiel. Si cette stratégie est importante pour stopper la politique de la direction de « diviser-pour-mieux-régner », cela n’a pas pu arrêter des coups durs.
Lorsqu’en 2005, General Motors avait laissé courir le bruit que 12 usines et 30.000 salariés devaient disparaître aux USA, il était évident que l’Europe allait suivre. Une épuipe a déjà disparu à Ellesmere Port en Grande-Bretagne (900 salariés), 1000 salariés ont été licenciés en 2006 à Azambuja au Portugal et des milliers d’emplois ont aussi été perdus en Allemagne.
Ces attaques ont mené à des actions de protestation au niveau européen. Dans onze sites européens de GM (60.000 salariés), le travail a été arrêté pour une courte durée. Au vu de la dureté des attaques, cette politique était trop défensive. La solidarité européenne tiendra-t-elle encore longtemps si Opel-Anvers est transformé en Chevrolet-Anvers avec une usine à capacité réduite ? Et si GM ne réusit pas à lancer les modèles Chevrolet « à prix démocratique » sur le marché européen ? L’arrivée de Chevrolet est en soi loin d’être certaine.
Chevrolet
Jusqu’ici, Chevrolet est surtout connue comme une marque de voitures de luxe américaines. Après avoir racheté Daewoo, GM désire avant tout produire d’anciens modèles de la marque coréenne sous le nom de Chevrolet pour le marché européen, Daewoo ayant une réputation trop négative. Ainsi, depuis 2005 déjà, GM commercialise des Daewoo sous l’appelation Chevrolet.
Par rapport au succès quasi-assuré de l’Opel Astra, le nouveau modèle de Chevrolet court un risque élevé et la direction s’attend déjà à un succès mitigé. Mais le nombre de Chevrolet vendues a connu une croissance, surtout en Europe de l’Est où déjà 350.000 voitures ont trouvé acquéreur. Mais que fera-t-on si la direction de GM décide de construire ce modèle en Europe de l’Est ?
Réactions syndicales
Les travailleurs d’Opel ont stoppé le travail quand la suppression des 1.400 emplois a été annoncée. On a en revanche pris soin d’insister sur le fait qu’un arrêt de travail n’équivaut pas à une grève. Les travailleurs ont reçu la permission de rentrer à la maison. Le délégué FGTB Rudi Kennis – sixième candidat sur la liste SP.a pour la Chambre à Anvers… – a déclaré que plutôt que de licencier une des trois équipes, il préfèrait répartir les pertes sur l’ensemble du site. Les syndicats ont donc, semble-t-il, accepté les licenciements d’avance. Les syndicats pourraient tenter de se servir des négociations étalées dans le temps dans le cadre de la loi Renault pour créer un rapport de forces, comme ce fut le cas avec succès à Agfa-Gevaert. Mais il y a de sérieux doutes sur leur volonté de procéder de la sorte.
Qu’une lutte semblable à celle de VW se développe est également loin d’être garanti. Pour le délégué CSC Luc Van Grinsven: « Opel-Anvers n’a pas une tradition de conflits. Faire la grève maintenant ne jouerait qu’à l’avantage de la direction. » En conséquence, il n’a été permis aux travailleurs que de rentrer à la maison avec la garantie que les salaires continueraient à être payés. C’est tout à l’avantage de la direction face à la colère qui vit parmi les travailleurs et qui, si elle s’exprimait à l’usine, ferait perdre la mainmise de la direction de l’entreprise (et d’une partie de la direction syndicale) sur les salariés.
Les réactions d’une série de travailleurs étaient sans équivoque: « Nous ne voulons pas voir nos conditions de travail et de salaires descendre à un niveau plus bas encore, nous n’acceptons pas les pertes d’emploi dans l’usine, nous ne voulons pas de scénario « VW ». Les réactions des salariés d’Opel et de VW sont identiques et il est bien commode de tenter d’étouffer l’expression organisée de ce sentiment.
Réactions politiques
Les politiciens traditionnels se sont empressés de limiter les dégâts avant les élections. Peu importe à leurs yeux le sort des 1.400 salariés foutus à la porte tant que leur image peut être préservée. Le premier ministre Verhofstadt souhaite, en concertation avec le gouvernement flamand, aboutir à « un scénario de transition plus avantageux pour le modèle Chevrolet à Anvers ». On négociera donc sur plus de flexibilité et plus de baisses de charges patronales. Un air déjà entendu notamment… à VW.
Jusqu’où peut-on encore pousser davantage la flexibilité et la productivité ? Avec le réglement « plus/minus », il est maintenant possible d’étaler le temps de travail sur… six ans avec la possibilité d’une semaine de travail de 48 heures et une journée de travail de 10 heures. Les charges patronales ont également été abaissées,… Combien de cadeaux supplémentaires le gouvernement accordera-t-il au patronat alors qu’ils sont loin d’avoir pu empêcher le démantèlement d’Opel-Anvers…
Face à la logique néolibérale de démantèlement social et de pertes d’emploi pour maximaliser les profits, il faut une autre politique. Ces nouvelles pertes d’emplois si près des échéances électorales sont un problème pour des politiciens qui n’ont d’autres réponses à offrir que des recettes périmées comme la réduction des charges patronales et l’augmentation de la flexibilité pour les travailleurs. A cela, nous opposons la lutte internationale pour le maintien de tous les emplois dans le secteur de l’automobile.
Nombre de travailleurs chez Opel-Anvers:
- 1990: 10.000
- 1992: 8.797
- 1996: 6.814
- 2001: 5.400
- 2004: 5.100
- 2008: 3.700?
Nombre de travailleurs dans le secteur automobile : – 10.800 entre 2000 et 2010
- Ford Genk: 11.400 (2000) -> 6.000 (2010)
- VW-Forest: 7.100 (2000) -> 2.300 (2010)
- Opel-Anvers: 5.600 (2000) -> 3.700 (2010)
- Volvo-Gand: 3.700 (2000) -> 5.000 (2010)
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Hausse des frais d’inscription dans l’enseignement supérieur ?
Dans son nouveau rapport sur la Belgique, l’OCDE plaide pour une hausse des frais d’inscription dans l’enseignement supérieur. Cette opération drastique aurait deux ‘avantages’ considérables. D’un côté, l’enseignement supérieur aurait plus de moyens et, de l’autre, les institutions d’enseignement supérieur pourraient exacerber la concurrence. « Il est important », écrit le rapport, « que les frais soient augmentés substantiellement pour qu’ils puissent devenir une source de financement importante de l’enseignement supérieur ».
Stefanie Lagae
L’enseignement devient un ‘marché’
Ce n’est pas un hasard si cette idée est lancée maintenant. D’ici 2012, le paysage de l’enseignement européen doit être adapté à l’économie de marché, un objectif déjà avancé dans les accords de Bologne. Ceux-ci ont été signés en 1999 par tous les ministres de l’enseignement en Europe et visent la transformation de nos universités sur le modèle anglo-saxon afin de les préparer à la concurrence au niveau européen et international.
Le plan Vandenbroecke pour l’enseignement flamand, contre lequel des milliers d’étudiants protestent, n’est rien d’autre que la partie financière de ces réformes. Sous cette pression, les institutions devront dorénavant se concurrencer pour décrocher une partie du budget gouvernemental. Ce budget n’est pas encore fixé d’ici 2012, mais devra progressivement céder la place au capital privé : des entreprises, ou les étudiants eux-mêmes.
Si nous partageons le constat de l’OCDE sur le manque de moyens pour l’enseignement, nous ne sommes pas d’accord avec les objectifs mis en avant par cette organisation. Nous sommes en faveur de plus de moyens publics. Depuis 25 ans, la part de l’enseignement dans le budget a baissé systématiquement. Alors que 7% du PIB étaient dépensés pour l’enseignement en 1980, ce n’était déjà plus que 4,9% en 2005. Les coûts liés aux études ont augmenté en moyenne de 40% à 60% entre 1986 et 1999.
Accès démocratique en danger
Plus de la moitié des étudiants travaillent afin de financer leurs études. Selon certaines enquêtes, des étudiants salariés ont 40% de chances en moins de réussir. Une augmentation des frais d’inscription rendra l’accès à l’enseignement supérieur encore plus difficile pour beaucoup de jeunes. L’enseignement supérieur ne doit pas devenir un privilège des familles aisées qui ont suffisamment de moyens, mais doit au contraire devenir accessible à tous et à toutes.
En Grande-Bretagne, les étudiants paient jusqu’à 6.000 euros pour s’inscrire à une université. La logique sous-jacente est que les étudiants décrocheront ainsi un diplôme avec lequel ils accèderont plus facilement à une belle carrière avec un salaire élevé. Les étudiants peuvent aussi demander un prêt sans intérêt qu’ils devront rembourser dès que leur revenu annuel s’élève à plus de 22.500 euros.
Cela aura pour conséquence que beaucoup d’étudiants termineront leurs études avec une dette de plus de 30.000 euros, avant même d’avoir trouvé un premier emploi ! 70% des étudiants anglais travaillent à mi-temps tout au long de leurs études. Une autre conséquence de cette politique, c’est l’augmentation de la prostitution des étudiantes. Dans ce ‘secteur’, les étudiantes peuvent gagner rapidement beaucoup d’argent, ce qui leur laisse plus de temps pour étudier. Depuis 2000, on constate une hausse de 50% du nombre d’étudiantes qui subviennent à leurs besoins de cette façon. C’est ça la perspective que nos politiciens ont à offrir aux étudiants de demain ?
Que feront ‘nos’ ministres de l’enseignement ?
Les ministres flamand et francophone de l’enseignement supérieur, Frank Vandenbroucke et Marie-Dominique Simonet, ont réagi de façon mitigée aux propositions de l’OCDE. Les élections sont en vue. Il est pourtant clair que tous les partis traditionnels se retrouvent entièrement dans la logique néolibérale de l’OCDE.
Du côté francophone, Marie-Dominique Simonet a interdit les ‘droits d’inscription complémentaires’ (DIC) dans les hautes écoles, mais cette interdiction ne sera pleinement effective… que d’ici 10 ans ! En revanche, elle a légalisé les ‘droits administratifs complémentaires’ (DAC). Même si le minerval augmenté des DIC et des DAC ne pourra plus dépasser les 778 euros, ça reste un montant élevé pour les étudiants des hautes écoles. En effet, il correspond au minerval en vigueur à l’université. Or, les étudiants des hautes écoles proviennent généralement de milieux plus défavorisés que ceux des universités.
Les représentants étudiants officiels du VVS ou de la FEF s’opposent à toute hausse des frais d’inscription. Nous saluons toutes les actions contre de telles hausses. Pour cela, il faut une opposition aux partis traditionnels et la construction d’un parti combatif qui défende les intérêts des jeunes et du personnel. Le CAP peut devenir un tel instrument.
Dans cette optique, les Etudiants de Gauche Actifs (EGA-ALS) ont décidé de faire une coalition avec le CAP lors des élections pour le conseil étudiant à la VUB. Nous sommes convaincus que seules nos luttes peuvent mettre un terme aux hausses des frais d’inscription. Le budget de l’enseignement doit être relevé à 7% du PIB. L’enseignement est un droit, pas une marchandise !