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  • La crise exige une modification de la politique Ă©conomique – La lutte des classes en dĂ©terminera le caractĂšre (TroisiĂšme partie)

    Dans cette partie, nous regardons dans quelles mesure les caractéristiques de la crise économique internationale se manifestent aussi en Belgique. Nous parcourons le marché immobilier, l’inflation, les cadeaux fiscaux aux entreprises et les salaires des managers. Nous expliquons comment cela conduit aux grèves spontanées que la bourgeoisie et les politiciens aimeraient brider. La combativité à la base s’est reflétée dans des discours plus radicaux le premier mai, dans un bon résultat pour les délégations syndicales combatives dans les élections sociales, et enfin dans la semaine d’actions de juin 2008.

    Texte de perspectives du Congrès National DU PSL/LSP. Ce texte a été écrit durant l’été.

    La folie des bourses laisse des traces aussi en Belgique

    75. En termes de distribution inégale de richesse, la Belgique n’est pas mieux placée que les autres pays de l’OCDE. En juillet 2008, les fortunes nets des familles belges étaient de 1.610 milliards d’euros, à peu près 352.000 euros par foyer ou 151.000 euros par Belge. (1) Cela fait entretemps 14 ans qu’il n’y a plus eu de recherche sur la répartition de cette fortune. En 1994, Jef Vuchelen et Koen Rademaeckers sont arrivés à la conclusion que les 50% des fortunes appartenaient à 10% des familles les plus riches, contre seulement 1,1% des fortunes pour les 10% des familles les plus pauvres. Nous supposons que cette différence s’est plutôt creusée que diminuée. (2) Selon Merill Lynch, à la fin 2006, il y avait 68.000 millionnaires en dollars en Belgique, fin 2007 ils étaient déjà 72.000. (3) En 2007, les entreprises belges cotées en bourse ont vu pour la première fois en 5 ans diminuer leurs profits suite à la crise du crédit. En 2005 et en 2006, ces profits avaient encore monté à chaque fois de 30% contre une baisse de 11% en 2007 jusque 19,14 milliards d’euros. Pourtant, ces mêmes entreprises ont distribué 10,2 milliards d’euros aux actionnaires, une augmentation de 42% comparée à l’année précédente. Cela fait qu’en 2007, malgré la crise du crédit ou peut-être justement à cause d’elle, la moitié du profit net a été versée aux actionnaires contre un tiers en 2006.(4)

    76. Ainsi, la fine fleur du capital belge s’est protégée contre les conséquences de la crise du crédit. Celle-ci n’a pas épargné la Belgique. Il est difficile de prévoir où le BEL-20 se trouvera fin 2008, mais avec une perte d’en moyenne 23%, le premier semestre de 2008 était la pire chute en 21 ans, depuis le crash boursier de 87.(5) Surtout les banques, qui représentaient en 2006 encore 42% du BEL-20, ont fortement chuté. Cela s’explique par le fait que toutes les grandes banques belges, y compris la KBC qui a perdu 32,4% de sa valeur boursière lors du premier semestre de 2008, se sont laissées séduire par des instruments financiers souvent couverts par des hypothèques à grand risque américaines. Pour Dexia (-44,4% de la valeur boursière), s’y ajoutent les difficultés de sa filiale américaine, le rehausseur de crédit FSA. Pour Fortis, -46,48% de sa valeur boursière, s’y ajoute sa reprise annoncée en grandes pompes mais mal planifiée, d’ABN Amro. Cela fait que l’action Fortis vaut aujourd’hui (juillet 2008) à peu près la moitié d’une action de la Société Générale en 1998. Au printemps précédent, l’action Fortis valait encore 35€, à la fin du premier semestre 2008 moins de 10€. (6)

    77. La Banque nationale a calculé la perte totale des Belges en conséquence de la crise boursière en juillet 2008 à 50 milliards d’euros, dont la moitié en conséquence de la baisse des valeurs des actions, et l’autre moitié en perte sur des fonds de pension et des fonds d’investissement (les sicav). Les dettes des familles ont aussi augmenté. Mais c’est surtout le personnel qui paiera la facture. « Des changements des banques belges qui prendraient normalement 15 ans, tels que la rationalisation du réseau couteux des agences, seront grâce à la crise du crédit réalisés en quelques années », dit Dick-Jan Abbringh, auteur de « Trendbreuk.be ? Nieuwe spelregels in een digitale wereld » (« Inversion de la tendance.be ? Nouvelles règles du jeu dans un monde digital »), son livre pour lequel il a interviewé 15 managers du monde financier en Belgique. « Il est certain qu’il y aura des licenciements massifs. Il y a un bel avenir pour des gens qui donnent des conseils financiers de haute qualité, mais non pas pour les employés de banques qui aident les clients à remplir les formulaires de virement. » (7) En bref, celui qui amène beaucoup d’argent obtiendra un siège confortable, mais celui qui a des difficultés à s’en sortir selon laissé à son propre sort.

    Les fondements minés

    78. Jusqu’ici, l’économie belge n’a pourtant pas presté de façon faible. Avec un chiffre de croissance de 2,8% en 2006 et en 2007, elle a même fait un peu mieux que la zone euro. Après une augmentation du chômage en 2005, il y a eu une légère baisse en 2006, suivie d’une baisse plus forte en 2007. Le déficit budgétaire était légèrement négatif en 2007 (-0,2%), mais quand même moins que la moyenne de la zone euro (-0,6%).(8) Après quelques années de diminution (2000-2005) ou de croissance faible (2006) (9), les investissements en 2007 ont connu une vraie accélération de 8%. Notre pays s’avère d’ailleurs être une des localités les plus attirantes de l’Europe pour les investissements étrangers. En Europe (27), seulement 4 grands pays, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et l’Espagne, ont accueilli plus d’investissements. Entre 2003 et 2007, les investissements étrangers directs représentaient 12,3% du PIB ! Ceci n’est que de 1,2% pour l’Allemagne, 3,4% pour la France, 5,3% pour les Pays-Bas et 3% pour la chine.(10) Nous devons évidemment considérer les proportions et aussi le caractère de ces investissements, mais prétendre que la Belgique ne serait pas attractive pour des investisseurs étrangers n’est pas possible. Grâce à la prestation durant le premier semestre, la croissance des investissements en 2008 sera de 6,6%, mais retombera ensuite jusqu’à seulement 1,7% en 2009.(11)

    79. Ici s’arrêtent les bonnes nouvelles. Depuis, les 6 marchés d’exportations les plus importants de l’économie belge sont au bord de la récession. Il s’agit de l’Allemagne, de la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie. Ensemble, ils représentent deux tiers de notre exportation. Pour un pays dont l’exportation des marchandises représente 71% du PIB, c’est d’une importance vitale. De plus, l’industrie belge livre beaucoup de produits semi-finis. Elle est une sorte de sous-traitant pour l’industrie des partenaires commerciaux.(12) Sur cette base, la KBC estime réaliste que l’économie belge parte en récession technique à partir du deuxième semestre 2008.(13) Qu’importe, pour la première fois en 16 ans, la balance commerciale risque en 2008 d’être déficitaire. Pendant les 5 premiers mois, la Belgique a connu un déficit de 7 milliards d’euros contre un surplus de 2,5 milliards d’euros l’année dernière. Le refroidissement de l’exportation est une des raisons principales pour lesquelles le Bureau du Plan a dû réajuster ses perspectives de croissance vers 1,6% en 2008 et seulement 1,2% en 2009.(14)

    Marché immobilier : illusions statistiques ?

    80. L’autre raison est le ralentissement de la demande intérieure, principalement la consommation particulière. Sa croissance en 2007 encore de 2,6% retombe en 2008 à 1,4% et en 2009 même à 0,8%.Les augmentations de prix de ces derniers mois et années y sont pour quelque chose. Entre 97 et 2007, les prix des maisons dans notre pays ont augmenté en moyenne de 142% ou 9,2% par an. Même le FMI trouve, compte tenu de la croissance des revenus nets, de la population à l’âge du travail, de la croissance du crédit et des cours des actions, que c’est 17% de trop. Moins qu’en Irlande, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, mais autant qu’en Espagne et même 5% de plus qu’aux Etats-Unis. Ne devons-nous pas alors craindre une chute du marché immobilier ? Oui, selon certains économistes et le secteur immobilier. L’économiste Van de Cloot, de ING, estime que les augmentations de prix sont derrière nous et que nous allons vivre pour la première fois depuis le crash de 79-82 une stabilisation, il n’exclu même pas la première baisse des prix depuis cette époque. (15)

    81. Les prix des maisons et des terrains à construire ont bien augmenté lors de la première partie de 2008 comparé au premier semestre de 2007 – de 8,1% pour des maisons d’habitation, de 5,5% pour des appartements et même de 9,7% pour des terrains à construire – mais des promoteurs parlent d’une « illusion statistique ». Ils prétendent avoir constaté un point tournant en octobre et sont d’avis qu’une correction est en train de se faire. « Ce ne sera pas de la même force qu’au RU, en Irlande ou en Espagne, disent-ils, mais elle peut durer pendant quelques années. » (16) Pourquoi pas de la même force ? Selon Dick-Jan Abbringh, parce qu’en Belgique, le marché des prêts hypothécaires ne correspond qu’à 34% du PIB contre plus de 100% aux Pays-Bas. (17) Pourquoi pendant quelques années ? Selon Van de Cloot, parce que « on croit de plus en plus au caractère élevé structurel de l’inflation. Si cela se traduit en un taux d’intérêt à long terme fondamentalement plus élevé, nous pouvons oublier un retour à l’époque des prix hypothécaires bons marché. Justement ces prêts là étaient la force conductrice derrière la croissance immobilière de ces dernières années. » (18) N’avons-nous donc rien à craindre ? La KBC ne s’attend pas seulement à une stabilisation des prix des maisons, mais aussi à une chute de la construction. (19) Ce que cela va signifier pour l’emploi dans le secteur de la construction n’a pas encore été chiffré.

    82. Nous saisissons l’occasion de démontrer une autre illusion statistique beaucoup plus grande. Selon le Bureau du Plan, le revenu réel disponible des foyers, donc de salaires, y compris des managers, et d’allocations, mais aussi de fortunes financières et immobilières, connaitrait en 2008 encore une croissance de 0,1% et en 2009 même de 1,8%.(20) Avec « réel », on veut dire en tenant compte de l’inflation. Il faut se poser la question : quelle inflation ? Pour le Financial Times, l’inflation aux USA, qui serait de 2,5%, serait de 8,9% si l’on appliquait la manière de calcul d’avant 1992, qui a changé radicalement depuis !(21) Le chiffre national de l’indexation des prix de consommation, qui serait de 4,7% cette année-ci, contre 4,2% de l’index-santé, et qui serait de 2,7% l’an prochain, contre 2,6% pour l’index-santé, n’est pas du tout une réflexion correcte des véritables augmentations de prix. Ceux-ci sont beaucoup plus importants parce que des postes de dépense importants tels que le loyer y ont un poids inférieur au poids qu’ils représentent dans la réalité. Le loyer compte pour 6,2% (22) Plus de 23% de la population sont des locataires. La consommation d’habitation totale dans notre pays représente d’ailleurs 20% de toutes les dépenses des foyers. (23)

    83. Ceci nous aide immédiatement à comprendre pourquoi le loyer commence à être impayable pour les familles. Une étude commandée par le gouvernement flamand démontre qu’après retrait des dépenses d’habitation, les locataires disposaient en 2005 encore de 881 euros contre, corrigé après inflation, 1041 euros en 1992 ! Le pouvoir d’achat des locataires est fortement réduit depuis 1992, de 86 euros dans la période 1992-1997 et de 161 euros dans la période 1997-2005. En 2005, les locataires détiennent depuis 1992 en moyenne 16% de moins après avoir payé leur loyer qu’en 1992.(24) Ceci a évidemment à faire avec la faiblesse du secteur des logements sociaux qui en Belgique (10%) a un grand retard sur des pays tels que les Pays-Bas (largement 40%), le RU et la Suède

    Hystérie de l’inflation

    84. Les CPAS de Wallonie ont construit un « index de précarité » sur base des dépenses des foyers pauvres. Il apparait qu’un foyer qui vit du revenu d’insertion social de 997€, dépense en moyenne 27% à l’alimentation, et pas moins de 42,5% à l’habitation contre une moyenne de 26% pour toute la Wallonie. L’index de précarité a connu entre janvier 2006 et janvier 2008, donc avant la forte augmentation de l’inflation, une croissance deux fois plus élevée que le chiffre officiel d’indexation. La fédération wallonne des CPAS demande une adaptation urgente du revenu d’insertion sociale, pour une personne isolé de 698 à 860€ et pour une famille avec enfant, de 930 à 1548€. Ceci signifierait selon la Cour des Comptes, une dépense additionnelle de 1,25 milliards d’euros par an si c’est appliqué sur le plan national.(25)

    85. Le Bureau du Plan admet lui-même que le revenu réel des foyers a été « négativement influencé » parce que l’augmentation des prix de l’énergie n’est pas tenu en compte dans l’index-santé qui règle l’adaptation des salaires et des allocations aux augmentations des prix.(26) Cette augmentation n’est pas des moindres. Beaucoup de familles de travailleurs ont toujours été méfiants à propos de la fable selon laquelle la libéralisation du marché de l’énergie réduirait les frais du consommateur. Cette méfiance a été confirmée en octobre 2007. Après Electrabel, c’était aux distributeurs d’augmenter leurs tarifs. (27) En février, la Banque Nationale a demandé des compétences supplémentaires pour le Creg, le régulateur fédéral du marché de l’énergie, afin d’annuler au moins une partie des augmentations de prix.(28) Le Creg lui-même demande de réduire le tarif de la TVA sur l’énergie de 21 à 6%, et une approche plus dure tant vers les producteurs que vers les distributeurs (29). En avril, il est apparu que les dépenses pour se chauffer et se nourrir pour une famille moyenne avec deux enfants vont monter de 676€ en 2008, et pour une personne isolée de 330 €. (30) Vers septembre, le prix du gaz avait déjà augmenté de 48,7% sur base annuelle, celui de l’électricité de 20,7% et on y ajoute que les prix vont encore monter. (31)

    86. À partir de février, les arguments du patronat sur l’hystérie de l’inflation ont définitivement été balayés. (32) Il apparait que les prix des produits alimentaires transformés montent en force depuis la deuxième partie de 2007. Ces augmentations sont d’ailleurs en moyenne de 6% plus élevées qu’ailleurs dans la zone euro. L’abolition du prix du pain réglementé en 2004 a fait monter les prix hors proportion. Sur base annuelle, les prix des produits alimentaires transformés ont monté de près de 9%. (33) Mais lorsqu’il s’agit de son propre commerce, Unizo n’est plus unilatéralement en faveur du marché libre. Au contraire, Unizo n’est pas d’accord avec la Banque Nationale que plus de concurrence et moins de règlementations contribueraient à un niveau de prix plus bas. Dans sa réaction, l’économiste en chef Van de Cloot avertit de surtout ne pas répéter les fautes des années ‘70, lorsque les augmentations de prix ont été compensées par des augmentations générales de salaires. (34)

    Cadeaux fiscaux aux entreprises

    87. « Le mazout : +61%. Le gaz naturel : +52%. Le spaghetti : +42%. Le diesel : +32%. L’essence : +32%. L’électricité : +20%. » C’est ainsi que De Tijd a commencé son éditorial du 31 juillet, comme s’il fallait compenser ses précédents écrits sur l’hystérie du pouvoir d’achat. Même le chiffre officiel de l’indexation, cette illusion statistique, a dû, même si ce n’est que partiellement, refléter de telles augmentations de prix. En juillet, il a atteint 5,91%, le deuxième niveau les plus élevé en Europe, le plus élevé en 24 ans. (35) « Il est plus facile de rejoindre des manifestations pour plus de pouvoir d’achat », écrivait l’éditorialiste du Tijd, comme s’il ne faisait rien d’autre de ses journées, « que de remettre en question des systèmes que nous utilisons depuis des années. Mais nous devons aussi reconnaitre qu’il n’est pas raisonnable de faire payer l’inflation par les entreprises ou les autorités, les employeurs les plus importants, qui n’ont pas cette inflation en main. » Quoi ?

    88. Entre-temps, un sondage de City Bank Belgique a montré que 9 belges sur 10 réduisent leurs dépenses en réaction à la baisse du pouvoir d’achat. C’est surtout sur les loisirs, le chauffage, les vêtements et les appareils ménagers que nous faisons des économies.(36) Les 10% restants n’en ont pas besoin, ils se sont construit une bonne réserve depuis longtemps. Malgré la crise du crédit, les entreprises ont réalisé en 2007 en Belgique un profit record de 79 milliards d’euros, 4 milliards de plus que l’année record précédente, en 2006.(37) Ils ont eu beaucoup d’aide de la part des autorités. Selon le rapport annuel de la Banque Nationale, les entreprises ont reçu, en 5 ans, de 2003 à 2007 compris, 21,85 milliards d’euros en diminutions des contributions patronales à la sécurité sociale. En 2007 uniquement, c’était déjà largement 5 milliards d’euros. De plus, pendant cette même période, ils ont reçu pour 1,28 milliards d’euros de diminution du précompte professionnel, surtout sur le travail en équipe et de nuit (38), dont 730 millions rien que pour 2007.

    89. Mais le vol du siècle a sans aucun doute été la déduction des intérêts notionnels, introduite à partir du 1er janvier 2006 sous le gouvernement violet, un argument que Reynders lance régulièrement à ceux qui le critiquent au sein du PS et du SP.a. Le fait est que la violette avait initialement estimé le coût des intérêts notionnels à 500 millions d’euros, alors que cela coutera 2,4 milliards d’euros annuellement. Selon ce système, des entreprises peuvent déduire fiscalement non seulement l’intérêt qu’elles paient sur des prêts, mais dorénavant aussi un intérêt fictif sur leur propre actif. Cette mesure doit stimuler les entreprises à renforcer leur propre actif et même à encrer l’industrie en Belgique. On veut de cette manière compenser l’abolition des centres de coordination.(39) L’Europe considère ceux-ci comme une aide publique illégale et doivent être dissous au plus tard fin 2010.(40)

    90. Pour les entreprises, qui doivent officiellement payer 33,99% d’impôts, il s’agissait d’un jackpot. Cela réduit le taux d’imposition moyen des entreprises à seulement 25%.(41) Ce n’est donc pas étonnant que, déjà en 2006, 41% des 381.288 entreprises en ont fait usage. Le tout mis ensemble, cette année là a connu 6 milliards d’euros de déduction d’intérêt, dont 37% qui ont été accordé à seulement 25 entreprises. (42) Selon De Tijd, l’intérêt notionnel explique le fait que l’influx de capitaux en Belgique a doublé jusqu’à 72 milliards d’euros en 2006, soit plus que vers la Chine. De Tijd reconnait bien qu’une partie importante de ces capitaux sont des capitaux endormis qui créent à peine des emplois.(43)

    91. Mais la déduction des intérêts notionnels est controversée. En février 2008 déjà, Di Rupo brandissait une liste sur laquelle apparaissait le fait que les entreprises du BEL-20 payaient à peine encore des impôts. (44) Les entreprises publiques sont également passées à la caisse. La Banque nationale a ainsi épargné 17 millions d’euros en taxes ; la SNCB 1,4 millions d’euros et La Poste 8,6 millions d’euros. (45) De plus, le calcul des intérêts notionnels incite à la fraude, pleins d’entreprises cumulant toutes sortes de déductions, d’une telle ampleur que l’administration fiscale a du mettre sur pied un groupe spécial d’intervention pour les combattre. (46) Mais les patrons ne vont pas facilement abandonner leur fleuron. Ils ont même fait appel à la Banque nationale pour relativiser le coût de la mesure. L’avantage fiscal de 2,4 milliards d’euros pour les entreprises est un coût brut, argumente la Banque Nationale. Sur base de « données provisoires » pour 2006, elle conclut, une année et demi plus tard, que le coût net en 2006 se situerait « quelque part entre 140 et 430 millions d’euros ». (47) La Banque admet d’ailleurs qu’une fois que la mesure arrivera à sa vitesse de croisière, le revenu des impôts des entreprises sera fortement réduit. L’administration fiscale donne des chiffres plus précis, elle a calculé le coût net de la mesure à 1,2 milliards d’euros ! (48)

    92. En terme d’effets sur l’emploi, la Banque Nationale estime « possible » que la mesure aie créé 3.000 emplois. Cela fait entre 46.500 et 144.000 euros par emploi. Si nous prenons les chiffres de l’administration fiscale, cela fait même 400.000 euros par emploi. Si on avait dépensé tout cela pour élever le pouvoir d’achat, l’effet sur l’emploi aurait probablement rapporté des dizaines de fois plus, et qui sait si cela n’aurait pas amené plus d’investissement. Le PS et le SP.a devaient bien essayer de corriger le tir quelque part. Le SP.a avec sa proposition d’une mesure anti-abus, par laquelle l’administration fiscale peut refuser la déduction des intérêts notionnels si la seule intention n’est que fiscale sans création d’emploi. Le PS avec sa proposition de taxe sur la valeur ajoutée sur la vente des actions, tel que cela existe en Italie et en France. (49) Les deux propositions sont restées au frigo.

    93. Depuis 1988, le SP.a et le PS se trouvent au gouvernement, pour le SP.a jusqu’en 2007, pour le PS jusqu’à aujourd’hui. Suffisamment de temps donc, si ce n’est que pendant cette même période, de nombreux dossiers de fraude ont dépassé la prescription. Paul Dhaeyer, chef de la section financière du parquet de Bruxelles, ne le cache pas. « Beaucoup d’étrangers considèrent la Belgique comme un paradis fiscal, depuis des années nous sommes en sous-effectif. Il y avait un manque chronique de moyens. C’était un choix politique. » (50) Aussi, dans le scandale récent à « Liechtenstein Global Trust », au moins une cinquantaine de personnes résidant en Belgique seraient impliqué.

    94. Malgré cela, les patrons et leurs représentants politiques trouvent qu’ils paient encore trop. Et donc, Unizo et Voka plaident pour laisser les entités fédérées déterminer le taux d’imposition des entreprises. Ils pensent pouvoir ainsi réduire les impôts des sociétés jusqu’à 20%. Mais ce n’est pas seulement l’impôt des sociétés qui doit être réduit, les impôts sur les personnes physiques, qui doivent entre autres financer les services publics collectifs, sont selon eux trop élevé. Pour le CD&V Hendrik Boogaert, la pression fiscale aux Pays-Bas serait de 40% du PIB contre 44% en Belgique. « Les impôts doivent donc être réduits de 14 milliard d’euros. », conclut-il, ce qui correspond à 4% du PIB (51).

    95. Ceux qui prônent les réductions de charge argumentent toujours les ‘effets de retour’. Ce que cela vaut, nous le savions déjà, mais cela a été récemment confirmé scientifiquement par deux recherches. Ive Marx, sociologue du CSB à Anvers et Kristian Orsini, doctorant à la KUL, ont constaté tous deux que l’effet des baisses des charges est surestimé. Orsini est d’ailleurs tout sauf quelqu’un de gauche. Il plaide pour une limitation des allocations de chômage dans le temps pour remplacer la baisse des charges. (52)

    Des rémunérations généreuses pour les patrons

    96. Ce qui n’échappe pas non plus à l’attention de beaucoup de familles de travailleurs, ce sont les salaires exagérés des managers des entreprises. Ce n’est pas pour rien que les économistes bourgeois parlent d’avidité, surtout lorsque l’on considère la modération salariale qui a été imposée aux travailleurs depuis des années. L’appel pour plus de contrôles devient de plus en plus pressant. Certainement aux Etats-Unis, où un mouvement, soutenu par les démocrates, s’est créé sous le nom « Say on pay », mais également un peu partout dans le monde, y compris en Belgique. Le patron d’Inbev, Brito, a reçu en 2007 une augmentation salariale de 9%, jusqu’à 4,25 millions d’euros, plus ou moins 375.000 euros par mois ou 12.500 euros par jour. Le patron de Fortis, Votron, a reçu une augmentation de 15% à 3,9 millions d’euros. (53) De nouveau, les patrons des entreprises publiques suivent leurs collègues du secteur privé. Didier Bellens de Belgacom a reçu en 2007 une augmentation de 42%, à 2,7 millions d’euros, à peu près 225.000 euros par mois, même si, depuis, il a dû assainir. Cette même année, Johnny Thijs a allégé la Poste de 900.000 euros, soit 75.000 euros par mois, autant que le salaire combiné d’un bon bureau de Poste de distribution. (54)

    97. Pour Vincent Van Quickenborne (VLD), ce sont les affaires des actionnaires, dans lesquelles les autorités ne doivent pas intervenir. C’est ce même Van Quick qui trouve qu’il y a trop de fonctionnaires. Son camarade De Gucht est plus réaliste. « Pendant que les salaires les plus élevés connaissent un pic, il y a une classe moyenne croissante qui est de plus en plus en difficulté. Ceci fait obstacle au ‘plaidoyer de modération’ dans la sécurité sociale. (
) Le sommet des entreprises doit bien se réaliser qu’il ferait mieux lui aussi de modérer afin de ne pas stimuler des tendances populistes ; les gouvernements de l’occident doivent mieux répartir les fruits de la mondialisation, sans détruire ces fruits. » (55) De Gucht est plus ou moins le prototype du libéral, l’homme de la raison, sans dogme, et évidemment franc-maçon. Ce n’est pas un libéral vulgaire comme Van Quick, qui n’a retenu du libéralisme que le droit de se remplir les poches de façon illimitée. Pour De Gucht, le libéralisme n’est pas une carte blanche pour l’avidité. Il estime évidemment la liberté de l’individu et la propriété privée comme étant supérieure à Dieu, à la Nation, ou à la communauté collective, même si cette liberté mine celle des autres. Ce qui est inacceptable selon lui, c’est que le système même qui permet à l’individu de jouir de cette liberté soit miné.

    98. Le problème de De Gucht, c’est que son système libéral est en contradiction avec les lois de fonctionnement du capitalisme. Il a dû lui-même subir cela lorsqu’il a voulu donner des leçons à Kabila et aux autorités congolaises sur la corruption et l’incompétence. Non seulement Leterme a dû intervenir pour sauver les meubles, en fait surtout les contrats lucratifs, mais en plus, son camarade Pierre Chevalier, nommé représentant belge des Nations Unies au Congo, à condition qu’il délaisse son mandat à Forrest International, avait été en cachette renommé administrateur délégué de Forrest Int. Rik Daems, le tueur de la Sabena, un autre camarade de De Gucht et ancien ministre des télécoms (de 1999 à 2003), aurait agit comme consultant en 2007 pour Belgacom au Qatar. Coïncidence ? Nous ne le pensons pas. Un système basé sur la chasse aux profits a comme conséquence inévitable que certains dépassent les lignes quand ils colorient.

    Actions pour plus de salaire

    99. Il n’est donc pas étonnant que beaucoup de travailleurs soient insensibles aux arguments de De Tijd et soient bien d’avis qu’il est temps que les patrons et les autorités y mettent de leur poche. Après une année record en 2005, l’année du Pacte de solidarité entre les générations, avec 669.982 journées de grèves enregistrées, il y a eu une pause de deux ans. (56) Il n’y a pas encore de statistique pour 2008, mais il est pratiquement sûr que la courbe de grève cette année fera un saut. On aurait pu le savoir. En avril 2007, quelques grèves spontanées avaient déjà éclaté à Zaventem et chez les fournisseurs de Ford Genk. Le système de sous-traitance, de fournisseur, de travail intérimaire, de travail à temps partiel ou temporaire, avait été mis sur pied afin de diminuer la force des travailleurs. Mais, comme tout système, celui-ci connait aussi ses limites. Dans une carte blanche dans De Tijd, on souligne le fait que « les travailleurs de la ‘périphérie’ (de la production) savent à peine qui est leur vrai employeur, les syndicats les considèrent comme des forces étrangères, et notre modèle de concertation n’a pas prévu de donner à ces travailleurs le sentiment qu’ils font partie du système. » (57)

    100. Chez les fournisseurs de Ford Genk, on savait très bien qui étaient les vrais employeurs. Le fait que Ford Genk pouvait à peine suivre la demande n’avait pas échappé à sa ‘périphérie’. C’était le bon moment de se mettre en action. A commencer par le 14 janvier 2008, à Syncreon, fournisseur de panneaux de portière et de pots d’échappement. Ils ont obtenu 0,47 centimes d’euros et deux boni de 500 euros. Après cela, la vague de grèves spontanées ne pouvait plus être arrêtée. Fin janvier, la vague avait déjà touché 32 entreprises, dont 14 au Limbourg, mais aussi 6 à Liège et 5 à Anvers. C’était surtout le secteur automobile, avec 12 entreprises, et d’autres entreprises métallurgiques (9) qui ont été touchées. (58) Nous n’avions plus vécu une telle vague de grèves spontanées depuis la fin des années ‘60 et surtout le début des années ‘70. Là aussi, les travailleurs avaient le sentiment qu’ils avaient insuffisamment reçu les fruits de la bonne conjoncture.

    101. Agoria, l’organisation patronale du métal, qualifiait ces grèves « d’illégales ». La FEB et le sommet de la CSC ont tempéré et insistaient surtout sur le fait qu’il fallait sauvegarder le modèle de concertation. (59) Finalement, selon Agoria, 42 entreprises du secteur auraient été confrontées à des revendications salariales supplémentaires. Ce n’est pas une coïncidence. Dans le secteur du métal s’applique ce qu’on appelle les « accords all-in » ou leur version adoucie, les « accords saldo ». (60) Le sommet syndical a réussi à faire dévier les revendications pour plus de salaires vers une vague de bonus. Ce système n’était entré en application qu’un mois auparavant. Il détermine que des entreprises peuvent, à un tarif fiscalement intéressant, payer un bonus jusqu’à 2.200€ nets par an au travailleur. (61) C’est attractif, mais nous devons tenir compte du fait qu’on ne paie pas des cotisations sociales et que c’est une mesure unique. Les syndicalistes les plus combatifs ont donc insistés sur des augmentations salariales réelles, ce qui explique la popularité de la revendication « 1€ en plus par heure ».

    102. En mars, les actions pour l’augmentation du pouvoir d’achat ont commencé à toucher le secteur public. Les 24.000 fonctionnaires de l’administration flamande ont exigé une augmentation du pouvoir d’achat de 5% dans la période 2008-2009 avec des augmentations des primes de fin d’année et une cotisation plus élevées de l’employeur en chèques repas. Par voie du futur ex-ministre Bourgeois, le gouvernement a répondu ne pas avoir les moyens et Kris Peeters a menacé de réquisitions si les blocages des écluses n’étaient pas arrêtés. Parallèlement, ils ont avancé des propositions provocatrices pour rendre possible le travail intérimaire et niveler le statut des travailleurs statutaires au niveau de celui des travailleurs contractuels. Finalement, une augmentation salariale minimale de 2% a été imposée. Plus tard, des actions du personnel des CPAS et des communes ont suivi dans tout le pays.

    Premier mai – élections sociales et semaine d’actions

    103. Il fallait que les dirigeants syndicaux expriment tout cela le premier mai. Dans ses discours, la FGTB a revendiqué une augmentation salariale de 10%… pour les prochaines années. En utilisant pour cela l’argent qui va aujourd’hui à l’intérêt notionnel. Jan Renders du MOC : « certains veulent un gros poisson communautaire, d’autres veulent un gros poisson fiscal. Mais nous voulons un gros poisson social. » Luc Cortebeek : « Avec les employeurs, cet automne, il faut arriver à un accord interprofessionnel qui rende possibles des augmentations salariales. Les profits et les salaires des managers ont aussi augmenté. Celui qui ne veut pas y collaborer peut s’attendre à un hiver chaud. »

    104. A nouveau dans la première partie de ce même mois de mai 2008, 1,4 millions de salariés dans à peu près 6.300 entreprises pouvaient voter pour 142.000 candidats pour les comités de prévention et les conseils d’entreprise. C’est le double des candidats que les partis politiques ont présenté lors des élections communales en 2006, 13% de plus qu’en 2004. (62) Pour la CSC, il y avait 68.000, pour la FGTB, 55.000. Contrairement à la majorité des pays de l’OCDE, le degré de syndicalisation net en Belgique a continué à croitre pendant les années 90. Avec degré de syndicalisation net, nous voulons dire seulement ceux qui sont effectivement au boulot, donc pas les pensionnés ni les chômeurs ni d’autres catégories considéré comme membres mais qui ne paient pas de contribution. (63) Pour 2003, les syndicats donnent les chiffres de 1,6 millions de membres pour la CSC, 1,2 million pour la FGTB, et 223.000 pour la CGSLB.(64)

    105. Bien que 1,4 million d’électeurs soit un record, le degré de couverture des élections sociales diminuerait petit à petit. Selon une étude de Hiva, il y a divers raisons : dans les services publics, des élections sociales ne sont organisées presque nulle part, il y a la PME-tisation de l’économie, qui fait qu’il y a plus d’entreprises qui n’atteignent pas le seuil électoral, et il y a la croissance du travail intérimaire et de la construction où des élections sociales ne sont pas organisées. (65) Le degré de participation serait bien retombé un peu, mais il reste, sans obligation de vote, très élevé : 72,4% pour les comités de prévention et 70,6% pour les Conseils d’entreprises. Des jeunes qui peuvent voter, 42,5% ont participé, contre 52,4% en 2004. Probablement, le degré de participation était plus bas dans ces entreprises où des élections sociales n’étaient pas tenues par le passé. (66)

    106. Comme nous l’avions pensé, les élections sociales n’ont pas amené de très grands glissements. Contrairement à ce qu’elle avait annoncé, la CGSLB n’a de nouveau finalement pas obtenu les 10%. La FGTB a avancé légèrement, tant en Flandre qu’en Wallonie. La CSC a reculé légèrement, mais gagne à Bruxelles. Les listes séparées de cadre, de la Confédération Nationale des Cadres, et les listes individuelles d’entreprises ont fortement perdu. Un phénomène classique lors de l’augmentation de la lutte des classes, c’est que le mouvement entraine différentes couches à différents moments. Pendant qu’une avant-garde tire déjà ses premières conclusions politiques, il y a des couches qui viennent seulement de rejoindre le mouvement et qui reflètent encore la phase précédente du développement. (67) Nous ne pouvons donc pas concentrer notre attention sur la stabilité apparente des résultats généraux. Au contraire, lorsque l’on regarde de plus prêt, la FGTB a gagné dans les entreprises, surtout dans le secteur automobile, où des actions sur le pouvoir d’achat ont été menées plus tôt dans l’année. En général, les délégations syndicales qui sont connues comme étant combatives ont gagné, indépendamment du syndicat auquel elles adhèrent.

    107. En juin, les délégations nouvellement élues étaient déjà confrontées à un test important, lorsque les directions syndicales ont annoncé une semaine nationale d’action pour le pouvoir d’achat. A peu près partout, la mobilisation était très forte, 80.000 travailleurs au total ont répondu à l’appel. Celui qui prétendait que le débat sur le pouvoir d’achat ne vivait pas en Wallonie a eu sa réponse. Les manifestations à Liège, Mons, Namur et même Arlon, étaient systématiquement plus grandes qu’en Flandre. A Anvers et à Hasselt, tout comme en Wallonie, différentes entreprises ont spontanément fait grève. La présence de beaucoup de femmes, mais surtout de jeunes, souvent élus pour la première fois, démontre qu’une nouvelle couche combative a pris sa place. Rarement nous avons reçu une telle ouverture, tant pour notre programme que pour notre appel aux syndicats de casser les liens avec leurs partenaires politiques traditionnels. Là où les syndicats ont optés pour des actions « nouvelles », telles que « Foodstock » à Gand ou des ballades en vélo ou d’autres inventions de ce type à Bruges et à Courtrai, la mobilisation était faible. La méthode d’action ne correspondait pas à la demande de la base.

    Le droit de grève restreint ?

    108. « Les actions d’une minorité pour plus de salaire sont absurdes » déclare Caroline Ven, anciennement active dans le service d’étude de l’organisation patronale flamande VKW, et désormais économiste en chef du Cabinet du Premier Ministre Leterme, qui est pourtant officiellement de tendance ACW (MOC en Flandre). (68) « Ils n’ont jamais été aussi forts et pourtant ils n’ont jamais eu aussi peu à dire », déclare un élu de la chambre du CD&V- qui n’a pas de cachet ACW. (69) Caroline Ven et les patrons essayent, en fait, de toujours présenter les actions comme de l’aventurisme d’une minorité bruyante, contre laquelle la majorité silencieuse n’ose pas se rebeller. De cette manière, on prépare l’opinion publique aux restrictions sur le droit de grève.

    109. En avril 2007, le personnel de sécurité et les pompiers de l’aéroport de Zaventem ont commencé une grève spontanée. 26.000 passagers ont été bloqués. L’avocat de droite Peter Cafmeyer qui, pendant le Pacte des Générations, était déjà le conseiller juridique des patrons ayant subis des pertes à cause de la grève, s’est attaqué à cette grève. Cafmeyer a réussi à laisser payer 500 passagers pour plaider une affaire contre 46 employés et CSC-Transcom. Pour retrouver l’identité de ces 46 employés, il a fait appel à des détectives privés. Cafmeyer a agi de sa propre initiative et il est peu probable qu’il gagnera cette affaire qui a été reportée à la fin de l’année 2009. Cela n’empêche pas Rudi Thomaes de la FEB d’espérer un procès, selon ses propres dires. « Une condamnation ferait réfléchir les autres avant qu’ils ne passent à des actions inacceptables ».

    110. Selon Thomaes, ce n’est pas une atteinte au droit de grève. (70) Pour lui, le droit de grève doit exister, mais doit être réglementé à un tel point que dans la pratique il ne reste presque plus rien. Mais cela aussi à ses limites. Ainsi Guy Cox, directeur général du service de médiation collective du travail, estime que les procédures de concertation moyennes prennent tellement de temps que la pression de la base devient trop forte. (71) D’une manière ou d’une autre, les grèves spontanées sont attaquées. En août 2007, Ryanair a menacé de partir de Charleroi si les syndicats n’acceptaient pas un service minimum, et ils ont également exigé une indemnisation immédiate d’un million d’euros pour la grève spontanée du 15 juin. En mai 2008, le Ministre wallon du transport, André Antoine, a jugé une grève de la TEC comme étant une habitude « inadmissible ». Presque au même moment, l’Open VLD a plaidé pour la prestation d’un service minimum à la SNCB. Pour Vervotte, Ministre responsable des Services Publics, c’est une mesure “inapplicable”, mais elle a affirmé en même temps vouloir discuter sur des procédures plus strictes, plus claires et plus responsables des mouvements spontanés. (72)

    111. En août 2008, la discussion est revenue sur table à la suite d’une grève spontanée des bagagistes. Dans un premier temps, toutes les responsabilités étaient mises sur le dos des grévistes mais, pour une fois, l’attention de la presse a commencé à se déplacer également sur les conditions de travail intenables. (73) Même De Tijd qui, dans son édito du 12 août avait plaidé pour dresser une liste des services stratégiques, a dû remettre une balance dans le journal du samedi. « Ce qui est arrivé cette semaine à Zaventem est la conséquence du rachat de l’activité de l’aéroport
 La sous-traitance a aussi des inconvénients. Que devons-nous proposer par un service minimum dans ce cas ? Que seuls les bagages des passagers de la classe Business soient emmenés ? D’ailleurs, le traitement des bagages est-il un service essentiel ? Non. Le trafic aérien n’est plus une affaire du gouvernement, il a été privatisé il y a déjà longtemps. » (74) Compare cette attitude à l’accord que les syndicats ont signé avec la direction de la SNCB, accord qui dit notamment qu’une grève spontanée peut être une raison acceptable pour un licenciement.


    (1) De Tijd, 25 juillet 2008, Financieële crisis kost Belgiëen 50 miljard euro

    (2) De Tijd, 28 juillet 2007, Belgiëen samen 71 miljard rijker dan verwacht.

    (3) Le Soir, 25 juin 2008, La Belgique abrite 72.000 millionaires.

    (4) De Tijd, 5 avril 2008, Belgische bedrijven geven aandeelhouders 10 miljard

    (5) Le Soir, 2 juillet 2008, La pire chute depuis 21 ans.

    (6) Le Soir, 29 juillet 2008, L’action Fortis vaut une demi G-Banque.

    (7) De Tijd, 20 septembre 2008, “Grote ontslagronde bij Belgische banken onvermijdbaar”.

    (8) BNB, indicateur économique pour la Belgique, 19 septembre 2008.

    (9) De Tijd, 8 janvier 2008, Ondernemingen trekken investeringen dit jaar op

    (10) The Economist, country briefings, fact sheet par pays

    (11) Bureau fédéral du Plan, communiqué 12 septembre 2008.

    (12) De Tijd, 10 septembre 2008, Belgische afzetmarkten op rand van recessie

    (13) KBC épargner et investir, 5 septembre 2008, Wanneer de zon schijnt in New York 


    (14) Bureau fédéral du Plan, communiqué 12 septembre 2008.

    (15) De Tijd, 4 avril 2008, Economen verwachten afvlakking huizenprijzen

    (16) De Tijd, 26 août 2008, Hogere vastgoedprijzen zijn statistische illusie et Le Soir, 26 augustus 2008, Prix en hausse, baisse en cours

    (17) De Tijd, 20 septembre 2008, ‘Grote ontslagronde bij Belgische banken onvermijdbaar’

    (18) De Tijd, 26 août 2008, De onvermijdelijke correctie op de vastgoedmarkt is begonnen.

    (19) De Tijd, 4 avril 2008, Economen verwachten afvlakking huizenprijzen

    (20) Bureau fédéral du Plan, communiqué 12 septembre 2008

    (21) Financial Times, 7 septembre 2008, Government lies and squishy ethics

    (22) La liste complète des produits et de leur poids dans le panier de l’index peut être trouvé sur le site du Service Public fédéral sous index des prix à la consommation ou ici : http://www.statbel.fgov.be/indicators/cpi/cpi1_fr.pdf

    (23) BBSH Bouwen aan Vertrouwen in de Woningmarkt, Ruimte geven, bescherming bieden Een visie op de woningmarkt

    (24) De Morgen, 30 juillet 2008, Woning huren wordt voor gezinnen onbetaalbaar

    (25) Le Soir, 30 août 2008, La crise cogne d’abord les précaires.

    (26) Bureau fédéral du Plan, communiqué 12 septembre 2008

    (27) Le Soir, 13 octobre 2007, Le gaz en hausse (épisode II)

    (28) De Morgen, 23 février 2008, Gas en electriciteit toch fors duurder

    (29) De tijd, 19 janvier 2008, Creg vraagt lager btw-tarief voor energie

    (30) La Libre, 12 avril 2008, Selon Olivier Derruine van de studiedienst van het CSC

    (31) Le Soir, 19 septembre 2008, Le prix du gaz enflera encore

    (32) L’édito de De Tijd du 30 janvier 2008 a pour titre: “inflatiehysterie » et l’éditorialiste conclu : « il est important de ne pas prendre des mesures hâtives. Puisque jusqu’ici, il n’y a vraiment pas de raison de créer de l’hystérie sur l’inflation. »

    (33) BNB, Indicateurs économiques pour la Belgique, 19 septembre 2008

    (34) De Tijd, 23 fevrier 2008, Belg betaalt levensmiddelen te duur

    (35) Le Soir, 31 juillet 2008, Pas d vacances pour l’inflation

    (36) De Tijd, 22 mai 2008, Negen op de tien Belgen schroeven uitgaven terug

    (37) De Tijd, 14 fevrier 2008, Bedrijfswinsten stijgen tot record van 79 miljard euro, sur base du rapport de la Banque Nationale

    (38) Rapport annuel de la Banque Nationale, 2007, p. 98 tableau 25

    (39) Les centres de coordination ont été introduits à la fin de l’année 1982 comme un régime fiscal favorable aux entreprises belges ou aux multinationales avec des filiales belges. Pour en illustrer l’importance : le 31 décembre 1997, 236 centres de coordination ont assuré 11,4% des profits avant impôt et 13,5% après impôt pour l’ensemble des entreprises belges. Ces mêmes centres de coordination n’ont pourtant payé que 0,82% des impôts de sociétés. Voir : taxincentives : analyse van de impact van notionele interestaftrek – Riet Janssens – http://statbel.fgov.be/studies/ac735_nl.pdf

    (40) Rapport annuel de la Banque Nationale, 2007, p. 159

    (41) De Tijd, 27 octobre 2007, Didier Reynders, vader van de notionele intrestaftrek

    (42) De Tijd, 20 août 2008, Bijna helft firma’s pas notionele rente toe

    (43) De Tijd, 27 octobre 2007, Heldere belastingen

    (44) De Tijd, 12 février 2008, Bel 20’ers betalen amper belastingen

    (45) Le Soir, 5 mars 2008, Les entreprises publiques profitent des notionnels

    (46) De Tijd, 27 octobre 2007, Van ‘double dip’ tot misbruik

    (47) Le Soir, 24 juillet 2008, La BNB clémente avec les intérêts notionnels

    (48) De Tijd, 20 août 2008, Bijna helft firma’s pas notionele rente toe

    (49) De Tijd, 25 janvier 2008, ‘U vernietigt de notionele intrestaftrek’

    (50) De Tijd, 31 mai 2008, ‘Achterstand was politiek keuze’

    (51) De Tijd, 5 avril 2008, ‘Belastingen moeten met 14 miljard euro omlaag’

    (52) DeTijd, 7 mai 2008, Effect lastenverlaging wordt overschat

    (53) Le Soir, 3 avril 2008, Salaire des patrons: “une affaire des actionnaires.”

    (54) L’Echo, 15 mars 2008, Les salaires fous du secteur public

    (55) De Morgen, 24 mars 2007, Karel De Gucht bindt de strijd aan met de toplonen.

    (56) Site des autorités Fédérales, grèves

    (57) De Tijd, 19 avril 2007, De opstand van de periferie

    (58) De Tijd, 31 janvier 2008, Stakingsgolf januari trof 32 privebedrijven

    (59) De Tijd, 31 janvier 2008, ACV en VBO willen vermijden dat stakingsgolf escaleert

    (60) Dans les accords all-in, la norme salariale est un plafond absolu qui ne peut pas être dépassé, même pas si l’index-santé dépasse la norme salariale. Dans des accords saldo, le même principe s’applique, mais sans pouvoir toucher à l’indexation. Dans De Standaard du 13 avril 2008, un exemple concret est calculé. (61) De Standaard, 28 septembre 2007, Akkoord over loonbonus

    (62) De Tijd, 30 avril 2008, 13 procent meer kandidaten voor sociale verkiezingen

    (63) Monthly Labour Review, janvier 2006, Union membership statistics in 24 countries

    (64) Le Soir, 5 mei 2008, Les Belges et le syndicat: l’amour-haine

    (65) De Tijd, 4 april 2008, Amper een op drie kan stemmen

    (66) De Tijd, 11 september 2008, Liberale vakbond haalt 10 procent toch niet

    (67) Trotsky explique ce phénomène dans son livre sur la révolution russe lorsqu’il décrit la situation en juin 1917. C’était au moment où les partis du gouvernement provisoire, qui avaient été portés au pouvoir lors de la révolution de février, perdaient le soutien des travailleurs et des soldats les plus actifs et conscients à l’avantage des bolcheviks, du moins dans les grandes villes. La surprise était donc grande, surtout chez elle-même, lorsque le plus grand parti gouvernementale, les SRs, gagnaient les élections avec plus de 60%. Trotsky dit là-dessus que la révolution de février avait provoqué beaucoup de poussière et avait fait un impact sur, avec quelques mois de retards, beaucoup de valets de maisons et d’écuries. Ceux-ci adhéraient logiquement chez ceux que la révolution de février aveint mis au pouvoir, c’est-à-dire les sociaux-révolutionnaires. Ils n’étaient pas encore conscients du frein que ce parti représentait, ceci ne serait compris généralement qu’après le coup échoué du général Kornilov en août 1917. Trotsky remarquait que les révolutionnaires doivent baser leur politique sur les couches les plus actives et conscientes parce que celles-ci reflètent le mieux les conditions réelles et ne doivent donc pas se baser sur les couches qui ne commencent à s’intéresser au changement qu’avec un certain retard.

    (68) De Tijd, 10 mai 2008, ‘Acties van een minderheid voor meer loon zijn absurd’

    (69) De Standaard, 27 avril 2008, Wij zijn allen ACW’er

    (70) Le Soir, 28 avril 2008, Raid surprise sur grève sauvage

    (71) De Tijd, 21 avril 2007, Hoe wild is wilde stakingsactie

    (72) Le Soir, 21 mai 2008, Grève: les priorités de la ministre.

    (73) Le Soir, 12 août 2008, Pourquoi les bagagistes débrayent en plein coup de feu.

    (74) De Tijd, 16 août 2008, De cruciale rol van bagagesjouwers

  • Pas de norme salariale pour les topmanagers

    Les négociations entre les syndicats et les organisations patronales sur un nouvel accord interprofessionnel vont bientôt commencer. De tous côtés, on s’échauffe déjà, et chacun y va de ses chiffres et de ses analyses pour renforcer ses positions. Les organisations patronales disent que, vu la crise économique et la forte inflation, il n’y a pas d’espace pour des augmentations salariales et elles plaidaient pour l’abolition du système d’indexation automatique.

    Par Karel, LSP-Bruges

    Mais il faut bien constater que les salaires de ceux qui plaident pour une politique de modération salariale sont ceux
 qui montent le plus. L’hebdomadaire Trends vient de révéler que les salaires des topmanagers des entreprises reprises dans le Bel-20 ont augmenté en moyenne de 15% en un an. Dans les entreprises plus petites, l’augmentation des salaires des managers est plus limitée mais elle reste toujours nettement supérieure à celle qu’ont pu enregistrer ouvriers, employé et fonctionnaires !

    Plusieurs politiciens ont réagi ces derniers mois en s’indignant des hauts salaires des topmanagers. Mais, dans la réalité, rien n’a été fait pour arrêter l’enrichissement de cette petite élite privilégiée. Karel De Gucht (VLD) a déclaré que les hauts salaires des managers donnaient du « blé à moudre au moulin des populistes » qui essaient de miner la confiance dans notre système économique. Mais il n’a évidemment pas été plus loin qu’un appel « moral » aux managers à se restreindre un peu
 Les politiciens ne savent même pas limiter les salaires des managers dans les entreprises où l’Etat est actionnaire majoritaire comme à La Poste et à Belgacom.

    Il n’y a pas que chez nous que les salaires des topmanagers font problème : c’est un débat à l’échelle européenne. Le Commissaire européen Joaquim Almunia a déclaré après une réunion avec les ministres des Finances que « c’est une situation intenable de demander une norme salariale à la population alors que les topmanagers s’offrent des salaires excessifs ». C’est en Allemagne que la discussion est la plus animée. Ce n’est pas un hasard puisque c’est ici que les attaques les plus dures ont été lancées des dernières années contre les revenus de la population. Allez justifier après cela que le salaire du patron de Mercedes ait augmenté de 45% l’an dernier pendant que le revenu net de la population ordinaire diminuait…

  • Une semaine d’action qui en veut plus !

    La discussion se poursuit au sujet de l’estimation la plus correcte du nombre de participants à la semaine d’action des syndicats. Les sous-évaluations auxquelles la presse a eu recours, parfois en mentionnant plus de participants dans l’article que dans le titre, ont disparu. Les politiciens, la presse et même les patrons n’osent plus remettre en question que le mouvement pour le pouvoir d’achat est porté par la base, plus d’ailleurs que ce qu’avaient imaginé les dirigeants syndicaux dans un premier temps.

    Même le dirigeant de la CSC Luc Cortebeeck a reconnu dans le quotidien flamand De Morgen qu’il y a eu «plus de monde qu’attendu». Jusqu’à trois ou quatre fois plus même. Les chiffres varient de 80 à 100.000. Liège et Anvers ont ouvert la danse, les gens y étaient bien conscients qu’ils allaient donner le ton pour le reste de la semaine. La semaine précédente, la délégation de GM avait précisé que seule la délégation allait manifester, mais par la suite, l’usine a été fermée sous la pression de la base. La même chose s’est passée à Atlas Copco, et dans d’autres entreprises anversoises aussi, la volonté de passer à l’action a dépassé toutes les attentes. Résultat : 7.500 participants, bien plus que toutes les prévisions.

    A Liège, il y a eu pas moins de 25.000 manifestants. Qui a prétendu que « le débat sur le pouvoir d’achat » n’était pas lancé en Wallonie ? Il est exact de dire que la vague de grève du début de cette année dans environ 70 entreprises principalement flamandes ne s’est pas étendu vers la Wallonie et Bruxelles. Cela peut partiellement s’expliquer par le haut taux de chômage dans ces deux régions, par le retard économique et par le fait que les travailleurs wallons et bruxellois ont ces dernières années été systématiquement brutalisés par la presse, les patrons et les politiciens. Toutefois, dès qu’un mot d’ordre arrive, le mouvement se généralise, les gens n’ont plus alors la responsabilité du retard de la région entière placée sur leurs épaules en tant que délégation et les traditions de lutte des travailleurs wallons ressurgissent alors pleinement.

    LES GRÈVES ET LES MANIFESTATIONS « DÉMODÉES » RAPPORTENT PLUS QUE LES ACTIONS « LUDIQUES ».

    Le Hainaut a été à la hauteur des camarades liégeois, il y avait 20.000 manifestants à Mons. Quelle différence avec les 2.500 participants à « Foodstock », à Gand. Les régions qui ont opté pour des combinaisons classiques et « démodées » de grèves et de manifestations ont eu un résultat beaucoup plus grand que les régions qui ont privilégié les actions « nouvelles et ludiques », comme en Flandre Orientale, ou pire encore avec les randonnées à bicyclette et autres actions aux grandes surfaces à Bruges et Courtrai. Qui avait auparavant participé à la manifestation de Mons avec ses 20.000 participants a dû se sentir bizarre à Courtrai au milieu de 500 participants. Nous avons beaucoup entendu des remarques sur le fait que nous ne sommes pas dans un syndicat pour faire la fête ou des excursions, mais bien pour protéger notre travail et nos salaires.

    De toute façon, le ton a été donné. À Hasselt, il y a eu 3 à 4.000 participants, dont beaucoup de délégations d’entreprises entièrement ou partiellement stoppées, entre autres le sous traitant de Ford Lear Corporations. À Namur, nous avons été 4.500, avec quelques légers débordements d’une dizaine de syndiqués, ce qui a été présenté plus tard dans la presse comme des « émeutes ». Arlon a connu sa plus grande manifestation depuis 1977, depuis la fermeture de la société métallurgique d’Athus. À Bruxelles, où les syndicats avaient dans un premier temps fixé un quota de 1000 manifestants chacun, les directions syndicales ne pouvaient pas se permettre de perdre la face au regard des autres régions. Malgré la pluie battante, nous avons été 10.000 et beaucoup d’autres sont restés dans les commerces environnants ou se sont abrités dans les métros ou les gares.

    LE NOMBRE DE JEUNES ET DE FEMMES A ETE FRAPPANT

    A chaque manifestation, le nombre de jeunes participants a été frappant. Beaucoup venaient d’être élus au cours des récentes élections sociales et ont considéré une manifestation syndicale pour le pouvoir d’achat comme le prochain pas logique de leur engagement. Un grand nombre s’est adressé à nos militants afin de demander où leur délégation se trouvait ou encore où ils pouvaient encaisser l’indemnisation de grève, indépendamment de leur couleur, rouge ou verte. À la base, la couleur ne fait souvent pas de différence, on considère soi-même et autrui avant tout comme des travailleurs qui sont dans le même bateau. Beaucoup de femmes étaient présentes également, et c’est une donnée relativement nouvelle dans ce genre de mobilisation.

    Il fallait chercher loin l’affinité avec le CDH chez beaucoup de militants CSC, ce qui est un changement remarquable en comparaison des années de la coalition violette. L’attachement de militants FGTB au PS était aussi à un point historiquement bas. Le peu de mandataires PS présents doivent aussi l’avoir senti et ils sont restés étonnamment discrets. En Flandre, SPa-Rood, qui a bénéficié d’une certaine attention des médias ces derniers mois, n’a pas été aperçu, nous n’avons même pas vu un tract.

    LES PATRONS SOUFFLENT LE CHAUD ET LE FROID

    Du côté patronal, on a eu très peur. On ne parle plus de « l’hystérie de pouvoir d’achat ». La parution d’innombrables « études » sensées nous montrer que la situation s’est améliorée pour nous tous ne prend plus. Qu’en ’83 nous devions travailler aussi longtemps qu’aujourd’hui pour acheter une voiture, cela est bien possible, mais depuis lors, sur le même laps de temps, nous produisons beaucoup plus qu’en ‘83. On sait tous que les patrons sont pour le progrès, mais qu’ils veulent exclusivement mettre dans leur propre poche tout ce que rapporte ce progrès, nous ne devons pas être d’accord avec ça.

    Il y a même eu une étude qui a comparé nos habitudes alimentaires avec celles du siècle dernier. Et devines quoi, nous avons consacré à ce moment-là une plus grande partie de notre revenu à la nourriture comparé à aujourd’hui. Nous supposons que les auteurs ne plaident pas pour envoyer à nouveau les enfants dans les puits de 8 jusqu’à 12 heures par jour, 6 jours par semaine. Quant aux vacances, nous consacrons en moyenne 2.000 euros pour les voyages. Est-ce qu’on a comparé les prix des hôtels par rapport à il y a quelques années, ou encore le prix d’un billet d’avion ou d’une assurance de voyage ? Si nous consacrerions aujourd’hui environ autant qu’en ’83 en voyages, alors nous serions tous stockés dans des tentes sur un terrain de scouts dans les Ardennes ou à la mer.

    Le président français Sarkozy, pourtant bien à droite, veut abaisser la TVA sur les combustibles. Le ministre italien des finances, tout aussi à droite, veut même instaurer une taxe à la Robin des Bois sur les bénéfices des sociétés pétrolières. En bref, ça panique du côté patronal, comme le reflètent Sarkozy & Co. Dans ce cadre, même la commission européenne s’est sentie obligée d’intervenir, et son côté néolibéral est tout de suite apparu. Au Sommet européen des ministres du travail, il a été décidé d’autoriser un temps de travail pouvant aller jusqu’à 48 heures par semaine, jusqu’à 60 heures même dans certains cas, et même jusqu’à 65 heures pour les métiers qui comprennent un temps d’attente « inactif ». Joëlle « Madame Non » Milquet a été contre, mais n’a malheureusement pas voté non et s’est abstenue. Le Sommet des ministres européens des finances veut débattre, sur proposition de Reynders, du « mécanisme d’indexation », et ce ne sera pas pour l’améliorer. La Banque Centrale Européenne risque d’augmenter les taux d’intérêt si les gouvernements européens ne tiennent pas sous contrôle leurs prix et surtout les salaires. Est-ce encore surprenant si les Irlandais, les seuls qui ont pu se prononcer via un référendum au sujet du Traité de Lisbonne, ont – heureusement – rejeté ce Traité?

    LETERME I : UN MILLIARD D’EUROS POUR LE POUVOIR D’ACHAT, 3,5 MILLIARDS D’EUROS POUR LES PATRONS

    Leterme nous « comprend », mais n’a malheureusement pas de sous. « Il n’y a aucun gouvernement au monde » prétend-il, « qui peut compenser à 100% la perte du pouvoir d’achat par la hausse des prix du pétrole ». Grâce à l’index, 1 milliard d’euros a déjà été injecté dans le pouvoir d’achat, ajoute-t-il, comme si ce à quoi nous avons droit avec l’indexation était un cadeau personnel de sa part. Avec le dépassement de l’index pivot, les salaires des fonctionnaires augmenteront de 2%, ce qui représente des coûts supplémentaires de 25 millions d’euros mensuellement, soit 300 millions d’euros par an. De plus, il y a encore 700 millions d’euros qui partiraient vers l’indexation des allocations sociales comme les retraites et les allocations familiales.

    En sachant que les 30.000 plus grandes entreprises ont de nouveau réalisé l’année précédente un bénéfice record d’au moins 77 milliards d’euros et que les entreprises du Bel 20 ont rapidement distribué 50% de leurs profits en dividendes, alors on se rend compte combien les paroles de Leterme sonnent creux. L’ancien leader étudiant de mai ’68 en Belgique et membre du PS Guy Quaden, le gouverneur de la Banque Nationale, accourt aujourd’hui à l’aide de Leterme. Il affirme vouloir partiellement réviser le mécanisme d’indexation en supprimant ou en révisant fortement l’indexation pour les hauts salaires. Bref, il donne à Leterme le moyen de s’en prendre à l’indexation sans que cela ne soit de prime abord une menace pour les bas revenus. Quaden brode en fait aujourd’hui sur base de l’idée de Caroline Ven – ancienne chef des services d’études de la FEB et du VKW (fédération patronale catholique flamande) et actuelle économiste en chef de Leterme, étiqueté « CSC » – qui a reproché aux militants syndicaux de monter aux créneaux uniquement pour les privilégiés alors que certains allocataires ont vraiment difficile. Nous nous sommes alors demandé si Caroline Ven manifestera autant de préoccupations pour eux quand le gouvernement mènera demain sa politique de suspension vis-à-vis des chômeurs et des invalides


    PS, SPa, ECOLO : DE PETITES MESURES POUR DE PETITES INTERVENTIONS DANS LES JOURNEES D’ACTION

    Du côté de la social-démocratie, l’imagination est au pourvoir, suivant l’exemple de leur représentant à la direction de la Banque Nationale. Le SPa a ainsi trouvé des solutions qui ne coûtent pas un euro, en s’appuyant sur l’exemple de différentes mesures prisent dans des pays européens. De son marché aux mesures, le SPa est revenu avec l’idée d’instaurer un blocage des prix pour le gaz et l’électricité, de manière temporaire
 en attendant une vraie libéralisation du secteur de l’énergie ! Autre proposition, donner plus de pouvoir au Creg (la Commission de régulation des prix de l’énergie) et à la commission de régulation de l’énergie. Cela ne coûte effectivement rien
 Les pouvoirs étendus du service de répression à la fraude fiscale n’empêchent pas, faute de moyens et de volonté politique (et pas que de la part du parti du ministre des finances
), qu’environ 30 milliards d’euros par an (selon la CGSP-Finances) restent dans les poches des grandes entreprises plutôt que de revenir à la collectivité.

    Le Parti Socialiste revendique pour sa part une hausse des allocations, le renforcement des mécanismes de régulation et de contrôle pour empêcher les pratiques spéculatives et abusives de la part des patrons et veut aussi s’en prendre aux parachutes dorés. Plus concrètement, il affirme aussi vouloir rénover 35.000 logements par an pour les isoler énergétiquement, ce qui pourrait créer 16.000 emplois, et travaille encore à un bonus net de 1.250 euros. Enfin, le PS revendique, tout comme le PTB, la réduction de la TVA sur le gaz et l’électricité de 21% à 6%. Bien peu de choses en définitive, avec le grand avantage que ces propositions ne sont pas chiffrées pour la plupart. Du reste, elles ne font que s’ajouter à la montagne des revendications promises à être sacrifiées sur l’autel de la participation gouvernementale. Pour ne pas tomber du navire, il vaut mieux ne pas trop s’accrocher à ce que les partenaires veulent lancer par dessus bord.

    On a aussi fort peu vu le PS et le SP.a dans les mobilisations de la semaine d’action. Quelques mandataires ont bien fait leur apparition (sous les huées dans le cas du Bourgmestre Willy Demeyer à Liège) mais aucune intervention organisée n’a pu être vue. Pourtant, ces partis ont démontré que de l’argent, ils en ont (assez en tout cas pour leurs campagnes électorales), mais visiblement pas encore suffisamment assez pour participer à la construction du mouvement. Ou bien alors ne faut-il pas à leurs yeux trop développer ce mouvement pour le pouvoir d’achat qui, à chaque pas, les pousse un peu plus dans leurs contradictions. On a beaucoup parlé de la déduction des intérêts notionnels durant cette semaine, mais cette mesure n’a pas été approuvée que par la droite officielle. Comme toute la coalition violette l’a votée, PS et SPa ont accordé avec cette seule mesure entre 2,4 et 3,5 milliards d’euros (les estimations varient) aux patrons. On attend en vain quelque chose de cette ampleur aujourd’hui pour le pouvoir d’achat. Mais cela n’en étonnera pas beaucoup en souvenir du Pacte des Générations, de la chasse aux chômeurs, des différentes privatisations des services publics, des attaques dans l’enseignement,
 Les attaques contre Reynders & Co sont opportunément utilisées pour masquer les responsabilités de ces partis.

    Ecolo, au contraire de Groen !, était présent à quelques manifestations avec de (très) petites délégations et de (gros) drapeaux. Mais si le parti « écologiste » a fait parlé de lui durant cette semaine, c’est surtout par l’intermédiaire de son ancien secrétaire fédéral (durant la participation électorale d’Ecolo
) et actuellement président au CPAS de Namur, Philippe Defeyt, responsable de l’étude sur le temps de travail nécessaire pour pouvoir acheter un bien aujourd’hui comparé à ‘83. Pour le reste, dans son tract, Ecolo précise qu’il veut relever les bas salaires, augmenter les allocations sociales, organiser un contrôle des prix, supprimer la redevance télé, développer les transports en commun, entre autres mesures pour favoriser l’isolement énergétique des habitations par des primes. Mais tout comme pour le PS, rien n’est précisé sur celui qui va devoir payer tout cela, ni par quels moyens Ecolo compte imposer ces mesures. Mis à part en appelant les gens à voter pour lui bien entendu.

    C’est en fait surtout là que se trouve le but des partis traditionnels, avancer des (légères, très légères) mesures, et reprocher ensuite aux électeurs de ne pas avoir assez voté pour eux. Une méthode originale pour faire retomber la responsabilité de leur soutien aux politiques néolibérales sur les électeurs. Pourtant, les partis traditionnels n’ont pas leur pareil pour faire venir la presse chez eux pour qu’elle relaye leurs propos. Pourquoi ne pas avoir utilisé leur influence sur les journalistes et leur position pour réellement relayer les positions des syndicats ? Pourquoi ne pas avoir par exemple protesté contre les mensonges que l’on a pu lire sur les « émeutes » à Namur ?

    QUE RESTE-T-IL A GAUCHE ?

    En définitive, seuls le Parti du Travail de Belgique et le Mouvement pour une Alternative Socialiste sont intervenus dans les mobilisations en nombre et en tant que force organisée en Wallonie, à Bruxelles et en Flandre.

    L’intervention du PTB, dans la lignée du tournant officialisé lors de leur dernier Congrès, était particulièrement remarquable dans la mesure où elle rappelait plus celle d’un parti traditionnel que celle d’un parti de lutte. Nous avons ainsi peu vu de vendeurs du journal du PTB, Solidaire, et à certains endroits, les militants du PTB ont distribué des pommes de terre, comme lors de la manifestation du 15 décembre 2007, en référence à leur campagne dont l’illustration est composée d’une pomme de terre, d’un jerrican et d’une ampoule protégées par des préservatifs.

    Leur tract se concentrait sur trois revendications assez correctes, sous le titre «Moins de blabla, préservons notre pouvoir d’achat». Le PTB exige en premier lieu, comme le front commun syndical et le PS, la diminution de la TVA sur le gaz et l’électricité de 21% à 6%. Ce thème est à la base de la pétition initiée par le PTB qui vise à réunir 100.000 signatures et qui a été la principale activité des membres du PTB durant la semaine d’action. Nous n’avons rien contre cette revendication, mais ce n’est pas un hasard si c’est justement celle-là qui a été reprise par le PS… L’abolition pure et simple de la TVA sur les produits de première nécessité aurait été une exigence plus à la hauteur du mouvement. Le PTB revendique aussi une forte hausse des salaires, de 1 euro par heure, qui est également à la base de notre campagne, tandis que la dernière exige un contrat à durée indéterminée pour chaque travailleur qui passe plus de 60 jours chez le même employeur. Aucune indication ne figurait par contre sur la manière de construire le mouvement, de même qu’il n’y avait aucune critique à l’encontre des directions syndicales.

    POUR LA LUTTE, LA SOLIDARITE ET LE SOCIALISME

    Le MAS/LSP a pu être présent à toutes les manifestations, à l’exception de celle d’Arlon. Nos camarades y sont activement intervenus, en diffusant 448 exemplaires de notre mensuel, l’Alternative Socialiste. Le temps aurait été plus favorable lors de la dernière journée à Bruxelles, il ne fait aucun doute que nous aurions pu atteindre les 550 ou même les 600 journaux.

    Le tract que nous avons distribué a été bien reçu et est à la base, tout comme notre journal, d’innombrables discussions avec des syndicalistes de tous âges et de tous lieux. Il était axé sur la dénonciation du marché « libre », sur le soutien aux actions syndicales, mais en mettant en avant que c’est à la base de décider et qu’elle doit être impliquée dans l’élaboration d’un plan d’action. Les revendications proposées à être considérées par la base syndicale étaient consacrées à une augmentation salariale d’au moins un euro par heure, à l’introduction d’un index qui reflète réellement le coût de la vie, à l’abolition de la norme salariale pour en revenir à un seuil d’augmentation salariale et non à un plafond, au refus des accords salariaux portant sur plus de deux ans, à la suppression de la TVA sur les produits de première nécessité ainsi qu’à un plan massif de construction de logements sociaux publics. Pour financer ces mesures, nous proposons d’instaurer un impôt sur les grandes fortunes et d’augmenter fortement la répression de la grande fraude fiscale. Enfin, nous avons mis en avant que les secteurs clés de l’économie ne doivent pas être laissés à la merci de la soif de profit du secteur privé, et avons donc plaidé pour la nationalisation de ces secteurs sous le contrôle démocratique du mouvement ouvrier et de toute la collectivité.

    COMMENT CONTINUER ?

    Pour la suite des actions, la volonté de lutter massivement pour notre pouvoir d’achat doit être gardée à l’esprit. C’est un rapport de force puissant qui a commencé à se construire, mais rien n’est encore garanti. Pour ne pas que la pression retombe, un bon moyen serait de lancer des différentes délégations une motion pour une journée d’action nationale à l’automne, avec un mot d’ordre de grève. Un tel outil permettrait de continuer à mobiliser dans les entreprises sur base de l’enthousiasme qui est issu de la première semaine d’action sur le pouvoir d’achat.

    Mais il reste frappant de voir que le mouvement ouvrier ne possède pas de large relais politique propre. La question qui se pose aujourd’hui est la même que celle qui s’était posée lors des luttes contre le Plan Global. Comme personne ne représente les syndicats au Parlement, le gouvernement n’a qu’à attendre que l’orage passe pour ensuite, comme au temps du Pacte des Générations, voter le tout malgré l’opposition de centaines de milliers de travailleurs. Un parti de type « syndical » serait une aide précieuse pour ne pas laisser les partis traditionnels continuer leurs petits jeux en étant seuls à occuper la scène politique. La CSC et la FGTB ont réuni pour les dernières élections sociales 115.000 candidats pour les Conseil d’Entreprises et les CPTT. Ces 115.000 personnes vont représenter les travailleurs sans recevoir un centime de plus. Ce qu’il nous faut, ce sont des représentants politiques de cette sorte. Puisons dans ces 115.000 là pour nous représenter au niveau politique de la même manière qu’ils nous représentent dans les entreprises. Payés au même salaire qu’un travailleur, le reste de leurs salaires de parlementaire pourrait être reversé à une caisse pour les actions de ceux qui sont obligés de se défendre contre les agressions patronales.

    Il faut imaginer l’impact qu’aurait eu une telle formation dans les journées précédent la semaine d’action ou durant celle-ci pour populariser les actions auprès des couches larges de la population et pour contrer l’argumentaire patronal qui est seul à s’épanouir dans la presse traditionnelle. Dans une telle situation, les ballons De Decker ou Vlaams Belang se videraient très vite. Une pétition revendiquant que les syndicats rompent leurs liens privilégiés avec la social-démocratie pour la FGTB et avec la démocratie-chrétienne pour la CSC serait un bon instrument pour continuer cette discussion.

    > Tous les rapports et reportages photo de la semaine d’action pour le pouvoir d’achat du 9 au 12 juin.

  • Pouvoir d’achat. Construire un rapport de forces favorable pour un automne chaud !

    La semaine d’actions et de manifestations provinciales pour le pouvoir d’achat organisée par les syndicats du 9 au 13 juin est une bonne initiative. Ce n’est qu’un premier pas, qui devrait être suivi par une manifestation nationale à l’automne. Mais pour assurer qu’une telle mobilisation soit un succès, il faut un programme clair et l’implication active de larges couches de travailleurs.

    Geert Cool

    Le néolibéralisme en crise de légitimité

    Personne ne nie plus la hausse des prix de ces derniers mois. Pour l’année 2008, les banques estiment que l’inflation – la montée des prix – sera de 3,6% (ING) à 3,8% (KBC).

    Pour que les salaires suivent, une norme salariale supérieure à 5% pour deux ans sera nécessaire, sans quoi les travailleurs, les chômeurs et les pensionnés connaîtront un appauvrissement collectif encore plus grave. Une part grandissante du budget des ménages file vers l’énergie et la nourriture. Des économistes bourgeois affirment qu’on va devoir “accepter que notre niveau de bien-être diminue” (selon un économiste d’ABN-Amro).

    Au cours des dernières années, les politiciens traditionnels ont affirmé que la lutte contre la pauvreté était importante et qu’elle ne pourrait se mener que par le biais du marché “libre”. Verhofstadt a par exemple écrit dans une lettre aux antimondialistes que “le marché et le libre échange constituent la meilleure méthode, la seule méthode avérée, pour triompher de la pauvreté.”

    Pourtant, c’est au marché soi-disant “libre” que l’on doit aujourd’hui la hausse des prix de l’alimentation, parce que les grandes entreprises et les spéculateurs voient dans ce secteur une opportunité de réaliser de juteux profits. De même, la libéralisation du marché de l’énergie a conduit à des prix plus élevés, ce qui n’empêche pas la multinationale Suez de balayer toute critique en affirmant que sa filiale Electrabel a recours à des prix conformes au marché !

    Libéralisations et privatisations mènent à moins de services qu’on paie plus cher, avec la conséquence qu’une bonne partie de la population ne peut plus s’en sortir.

    Mais le néolibéralisme n’est pas néfaste pour tout le monde. Les managers de haut vol qui réalisent chaque année de nouveaux records salariaux n’ont évidemment pas à se plaindre. Aux Pays-Bas, les 5 plus grands top managers reçoivent un salaire cumulé de 131,8 millions d’euros, à peu près le salaire annuel de 4.000 travailleurs normaux.

    Dans notre pays, le salaire moyen d’un topmanager d’une société reprise au Bel 20 est de 2,22 millions d’euros. Nul doute que les chiffres néerlandais seront utilisés chez nous comme argument pour augmenter encore les salaires de nos topmanagers
 pendant que les salaires chinois seront utilisés comme argument pour bloquer nos salaires !

    En mars 2007, le libéral Karel De Gucht reconnaissait déjà que les actionnaires et les top managers étaient les “grands gagnants” de la mondialisation. Il disait aussi : “Il y a 20 ans, le paquet total de rémunération d’un top manager américain était à peu près 40 fois le salaire d’un employé normal. Aujourd’hui il est monté jusqu’à 110 fois. Chez nous, en Europe, le fossé est beaucoup plus petit, mais il a fortement augmenté ici aussi ces 15 dernières années.” Il appelle même les top managers à la modération “pour ne pas faire le jeu des tendances populistes (
) On ne peut jamais perdre de vue que l’économie de marché puise sa légitimité morale et politique dans la supposition que les revenus correspondent grosso modo à la contribution faite à l’économie. Cette légitimité doit être préservée.” Aujourd’hui, cette légitimité du néolibéralisme est de plus en plus contestée.

    Plus de pouvoir d’achat par plus de salaire

    Contre la vie chère, il faut plus de salaire. On a trouvé de l’argent pour faire de – très gros – cadeaux au patronat, comme la déduction des intérêts notionnels. Pour les travailleurs par contre, le moindre centime est un problème et l’indexation des salaires ne suffit pas à compenser la hausse des prix. L’index est en fait déjà tellement miné que le pouvoir d’achat réel baisse. Mais en plus du rétablissement de l’index, il nous faudra lutter pour une véritable augmentation salariale. 1 euro de plus par heure serait un bon point de départ.

    Cela peut être financé par des mesures comme un impôt sur les grandes fortunes (par exemple au-dessus de 1 million d’euros) et la suppression de mesures comme la déduction des intérêts notionnels.

    Nous devons bien prendre garde à ne pas perdre d’un côté ce qu’on nous a donné de l’autre en payant nous-mêmes nos augmentations salariales. Les réductions de taxes sur le travail peuvent sembler sympathiques mais, en diminuant les rentrées pour l’Etat, elles aboutissent à une diminution de moyens pour la collectivité, ce qui conduit au final à devoir payer pour des services offerts auparavant par l’Etat. La libéralisation du marché de l’énergie constitue un avertissement suffisant : quand la collectivité n’a plus aucun contrôle sur un secteur, on paie plus cher alors que ce secteur génère des profits record.

    La seule réponse correcte est la nationalisation du secteur de l’énergie sous le contrôle des travailleurs et des consommateurs pour que les besoins de la majorité de la population deviennent centraux à la place des profits.

    Construire un mouvement

    La crise économique touche déjà les travailleurs et leurs familles de plein fouet. En Espagne, 250.000 emplois dans le secteur de l’immobilier risquent de disparaître. Aux Etats-Unis, il devrait y avoir cette année 17% d’opérations oculaires en moins, la faible sécurité sociale américaine renforçant l’impact de la récession économique. Le pourcentage de leur revenu que les Américains doivent consacrer à la nourriture et à l’énergie est au plus haut niveau depuis que ces données sont collectées.

    Les prix qui montent, le pouvoir d’achat qui baisse, cela touche tout le monde. Pour que les actions prévues soient une réussite, il est crucial de ne pas se limiter à de simples concentrations de permanents et de délégués mais d’impliquer activement des couches les plus larges possibles dans des manifestations et des arrêts de travail afin de construire un meilleur rapport de forces.

    Un bon pas dans cette direction serait aussi de ne pas faire les évaluations des journées d’actions provinciales des syndicats lors d’une conférence de presse le 13 juin, mais dans des réunions intersectorielles de militants (et pourquoi pas dans des assemblées communes FGTB-CSC) où on pourrait en même temps discuter de la continuation de la campagne vers une journée d’action nationale après les vacances.


    Lien:

  • Pour couvrir les frais rĂ©els des Ă©tudes : Un salaire Ă©tudiant !

    Le lancement de la campagne « Respacte » pour une baisse des coûts directs et indirects des études dans l’enseignement supérieur, à l’initiative de la Fédération des étudiants francophones (FEF) et de son équivalent néerlandophone (VVS) a reçu un large écho dans la presse. A cette occasion, la revendication d’un salaire étudiant a été abordée dans un article du journal « Le Soir ».

    Boris Mallarme

    Etudiants de Gauche Actif – l’organisation étudiante du MAS/LSP – veut contribuer à la discussion au sein de Respacte et à l’élaboration du cahier de revendication que la campagne mettra en avant à l’occasion des élections de 2009. Nous pensons que cette campagne est une bonne occasion pour remettre à l’ordre du jour la revendication d’un salaire étudiant qui était auparavant portée par les organisations jeunes des syndicats.

    L’enquête de la FEF effectuée auprès de plus de 3.000 étudiants francophones révèle que l’ensemble des frais liés aux études (minerval, matériel, logement, transports, alimentation, soins de santé,
) s’élève à des montants variant entre 10.000 et 12.000 euros pour ceux qui ont un kot et entre 7.000 et 9.000 euros pour ceux qui vivent chez leurs parents. Beaucoup de jeunes restent chez leurs parents le temps de leurs études non pas par choix, mais parce que payer un loyer à côté des autres frais est impossible.

    L’augmentation incessante des frais des études ces 20 dernières années a été accompagnée par une réduction de l’accès aux bourses d’études. En Flandre, le nombre de boursiers a chuté de 25% à 15% des étudiants de 1989 à 2004 car les seuils de revenus pour avoir droit à une bourse d’étude n’ont pas suivi l’index. De plus, le montant des bourses est trop restreint et ne couvre au maximum qu’un cinquième de l’ensemble les frais !

    Un étudiant boursier doit encore travailler à mi-temps pendant toute l’année à côté des cours pour s’en sortir. Un travailleur arrive difficilement à épargner suffisamment pour envoyer plusieurs de ses enfants à l’université.

    L’augmentation croissante du coût des études pousse plus en plus d’étudiants à accepter des boulots précaires et mal payés. Des milliers de filles sont même poussées vers des solutions extrêmes comme la prostitution. Selon Randstad, en 2006, 84% des étudiants ont effectué un travail rémunéré dont un cinquième au noir. Toujours selon cette agence d’intérim, ces deux dernières années, le nombre d’étudiants qui travaillent pendant l’année en plus d’un job d’été a doublé et la moitié d’entre eux travaillent l’équivalent de plus d’un mois à temps-plein en dehors des vacances d’été. Comme ce temps doit normalement être consacré aux études, il n’est pas étonnant qu’il y ait de plus en plus d’échecs et d’abandons.

    Dans certains secteurs, les travailleurs intérimaires – toujours plus nombreux au détriment d’emplois stables – doivent souvent chômer pendant l’été et de plus en plus durant l’année car les entreprises utilisent à leur place des étudiants, encore meilleurs marchés. Il s’agit d’une pression à la baisse sur les salaires et les conditions de travail de l’ensemble des salariés.

    L’enseignement finlandais est souvent cité en exemple, et il est vrai que ce système est moins antisocial. Le financement public y est supérieur, le minerval n’existe pas et le système d’aide est plus étendu. Un peu plus de la moitié des étudiants accèdent à une aide d’un montant maximum de 259 euros par mois pendant 55 mois et il existe aussi une aide au logement de 27 euros à 250 euros par mois (chiffres de 2005). Mais le fait que 65% des étudiants finlandais travaillent montre que c’est encore insuffisant. D’ailleurs, 40% de ceux qui accèdent à cette aide contractent un emprunt étudiant de 300 euros par mois qu’ils mettent dix ans en moyenne à rembourser après leurs études. Le système finlandais est intéressant pour illustrer les améliorations que peut apporter un meilleur financement public mais cela n’offre ni de solution quant à l’accès à l’enseignement supérieur pour les jeunes issus de la classe des travailleurs ni de bonnes conditions d’étude pour réussir et s’épanouir.

    Obtenir une indépendance financière complète des jeunes par l’introduction d’un salaire étudiant permet de garantir que chacun puisse non seulement accéder aux études mais aussi avoir pleinement la liberté de choisir quel type d’étude entreprendre. Un jeune dont la famille a dû faire des sacrifices importants pour qu’il accède aux études est souvent bien plus confronté à la pression de faire des études qui permettent de mieux gagner sa vie au détriment de celles qui l’intéressent peut être plus.

    Ce salaire étudiant, il faut le financer en prenant l’argent là où il est, chez les capitalistes. Les entreprises du Bel-20 ont fait 21 milliards d’euros de bénéfices après impôts en 2007. Et les impôts des entreprises représentent aujourd’hui moins de 12% des recettes fiscales de l’Etat en Belgique


    Mais ce sont pourtant ceux qui produisent les richesses, les travailleurs, qui n’ont pas les moyens d’offrir des études supérieures à leurs enfants.


    Liens :

  • Non-marchand. Il faut de l’action maintenant !

    Accord fédéral 2005-2010 insuffisant :

    Lors du vote de l’accord fédéral actuel en 2005, beaucoup doutaient que celui-ci puisse être suffisant pour remplir les besoins immédiats du secteur. Cela fut illustré, surtout à la FGTB, par le résultat du vote: la plus grande section du SETCa Bruxelles-Hal-Vilvorde avait rejeté l’accord à 90%. Finalement, tant la SETCa que la Centrale Générale ont accepté l’accord à respectivement 68% et 73%. Il y avait également du doute au sein de la LBC et de la CNE, mais pour l’une ou l’autre raison cela ne s’est pas traduit dans le résultat du vote. Finalement, le sentiment d’avoir obtenu le maximum possible a été décisif. Beaucoup a certes été arraché, mais cela ne diminue en rien le fait que seulement 14% des revendications ont étés reprises dans cet accord.

    Hypertension, journal d’action non-marchand

    Aujourd’hui, en 2008, nous avons atteint la phase d’alarme ‘ROUGE’ sur le lieu de travail. Entretemps, nous sommes liés pour encore 2 ans à un accord insuffisant qui ne sera appliqué complètement qu’en 2015.

    Le manque aigu et chronique de personnel est plutôt la règle que l’exception, et ce alors que la charge de travail s’accroît systématiquement (entre autres à cause du vieillissement et de l’augmentation des tâches administratives). Les heures supplémentaires atteignent des chiffres astronomiques (par milliers par hôpital), et la récupération reste lettre morte (sans parler du paiement); et nous pourrions continuer la liste encore longtemps…

    Comme la LBC le dit correctement dans son tract, il faut d’urgence plus de mains dans notre secteur. Déjà plus de 2.000 soignants ont obtenu le diplôme d’infirmier via un projet spécial de formation. Malgré le fait qu’il y ait des centaines de candidats pour l’année scolaire suivante, le projet n’est plus prolongé, ‘il n’y a pas d’argent’.

    PAS D’ARGENT ?

    Pas d’argent, alors que les baisses de charges aux patrons atteignent des milliards d’euros par an. Il suffit de citer l’intérêt notionnel 
 du profit pur qui disparaît dans les poches des grands actionnaires. Toute une série d’entreprises du Bel 20 ne paient pas un centime d’impôts. Il y a bien de l’argent, mais le gouvernement préfère jouer les Robin des Bois à l’envers : voler les poches des travailleurs pour donner aux riches.

    POUVOIR D’ACHAT: DANS NOTRE SECTEUR AUSSI, TRES PROBLEMATIQUE!

    DU POUVOIR D’ACHAT PAR DES AUGMENTATIONS SALARIALES !

    Pendant que notre secteur se trouve en queue de peloton en terme de conditions salariales (malgré les conditions de travail hyper flexibles) nous sommes liés à un plan quinquennal. D’autres secteurs peuvent corriger la situation tous les deux ans via un Accord Interprofessionnel (AIP). Les ‘cacahuètes’ que nous avons obtenu dans l’accord actuel ne suffissent pas à compenser la montée du coût de la vie, sans même compter le retard salarial par rapport à d’autres secteurs.

    Ces 6 derniers mois, les prix des produits de base ont augmenté en moyenne de 13%, selon une enquête réalisée dans les grandes surfaces de Delhaize, Colruyt et Carrefour par le journal télévisé de la VRT (19 avril 2008)

    Selon une étude récente de la FGTB, 20% des travailleurs actifs font partie de la catégorie des ‘travailleurs pauvres’. Ces gens ne sont plus capables de se payer des concerts ou une soirée au cinéma, ils ne peuvent pas s’acheter une maison ou voyager. 35% de ceux qui ont répondu à l’enquête disent avoir des difficultés pour payer les études de leurs enfants, 37% affirment ne pas pouvoir épargner. Le phénomène de ‘working poor’ se développe principalement dans le secteur public et 
 dans le non-marchand.

    Les ‘cacahuètes’ dans l’accord actuel se résument à la prime ‘d’attraction’ et à l’augmentation de la prime de nuit et de celle du dimanche et des jours fériés de 50 à 56 %. Pas vraiment spectaculaire. Les primes ne sont pas reprises dans le calcul de la pension, et sont plus faciles à retirer. La seule solution pour le pouvoir d’achat, c’est une augmentation considérable des barèmes. Un 13ème mois complet et une augmentation des primes pour les prestations irrégulières restent à l’ordre du jour.

    DES ACCORDS DE CINQ ANS NE FONCTIONNENT PAS DANS LA VIE REELLE

    Vu l’évolution dans notre secteur, il est nécessaire de suivre le tout avec une vision à plus long terme. Il ne s’agit pas seulement des conditions de travail, mais aussi de l’état général des soins de santé dans le pays. De mauvaises conditions de travail laissent la voie à une commercialisation accrue et le développement de soins de santé à plusieurs vitesses. Les travailleurs en sont doublement victimes : en tant que travailleurs et en tant que patients.

    L’accord interprofessionnel biannuel ne s’applique pas au non-marchand SAUF si c’est pour nous serrer la ceinture, ou pour une détérioration des conditions de travail, comme le crédit-temps lors du pacte de solidarité entre les générations. Le non-marchand ne participe qu’aux désavantages de l’AIP, à quand les avantages? Peut-être que des accords bi-annuels c’est un peu trop, mais une ‘évaluation partielle’ devrait être possible.

    LA COLERE BLANCHE A REINVENTER: POUR UN FRONT COMMUN SYNDICAL HONNETE ET CONSTRUCTIF

    Il est nécessaire que les directions nationales des syndicats, ensemble avec les militants de base, tirent des leçons de la colère blanche précédente, tant sur le plan des revendications, que sur le plan des méthodes d’action (organisation et planification) et des résultats obtenus. Les conclusions devraient alors aboutir, via une discussion aussi large que possible en front commun syndical, et un plan d’action détaillé pour la prochaine colère blanche.

    Dès le début de la Colère Blanche un ultimatum clair et concret pourrait être posé au gouvernement. Et ceci accompagné d’un plan d’action, qui construit petit à petit les actions et mène à un point culminant avec un maximum d’impact (coordonné tant sur le plan national que sur le plan provincial et local). Si on passe à l’action, il faut que les gens aient une perspective claire. La fin relativement chaotique du mouvement précédent avec ‘la grève au finish’ n’avait pas eu un effet favorable (cela ressemblait plus à l’étouffement de la grève)

    LES LEÇONS DE LA COLERE BLANCHE EN FINLANDE EN 2007

    RESULTAT: UNE AUGMENTATION SALARIALE DE 22 A 28 %, ETALEE SUR 4 ANNEES !

    L’année passée, les soignants finlandais, avec leur syndicat TEHY, ont obtenu une victoire spectaculaire par leur positionnement ferme. La raison du mouvement était la baisse du pouvoir d’achat et la fuite massive d’infirmiers vers les autres pays scandinaves, où les salaires et les conditions de travail sont nettement meilleures.

    Tout un plan de campagne avait été élaboré et une piste tout à fait inorthodoxe a été suivie: la menace de démission collective en masse 
 par les travailleurs. D’ans un premier temps, des grèves traditionnelles, des manifestations et des arrêts de travail se sont tenus afin de préparer l’ultimatum. Les démissions en masse devaient se faire en plusieurs vagues, et les militants syndicaux auraient eu droit à une indemnité de grève tant qu’il n’y aurait pas eu une solution avec réembauche de tout le monde.

    Mais ça n’a pas été jusque-là. Malgré le vote d’une loi d’urgence au parlement lors du weekend précédant la fin de l’ultimatum, le gouvernement et les employeurs n’ont pas osé aller à la confrontation avec le syndicat des infirmiers (TEHY). La loi d’urgence aurait rendu possible la réquisition des travailleurs, même après leur démission. Mais il était clair qu’une partie importante des infirmiers n’auraient pas accepter les réquisitions : soudainement beaucoup d’entre eux avaient complètement disparu 


    Malgré la forme drastique d’action, qui menaçait de mettre à l’arrêt les soins de santé dans leur totalité, les acteurs avait un soutien large dans l’opinion publique. Le gouvernement avait pourtant déjà organisé des ponts aériens vers d’autres hôpitaux en Europe pour gérer les cas les plus graves 


    LEÇONS POUR LA BELGIQUE ?

    L’impact des actions de grèves dans notre secteur est, comme en Finlande, plutôt limité, à cause des réquisitions massives, qui dans beaucoup de cas ont l’effet pervers que durant les grèves, il y a plus de personnel présent que d’habitude vu le contrôle supplémentaire.

    Des manifestations sont utiles pour annoncer nos revendications à un large public et pour mobiliser afin d’impliquer un maximum de collègues dans l’action. Comme moyen de pression sur le gouvernement et les employeurs, c’est beaucoup moins utile: à Bruxelles il y a quotidiennement diverses manifestations…

    Il y a lieu de réfléchir sur ce qu’est un ‘vrai ultimatum’. Le bas taux de syndicalisation dans le non-marchand belge est plutôt un obstacle pour initier des actions collectives dures et rapides … il faudra en tenir compte. Un autre élément perdra toujours plus de sa valeur : l’idée de soi-disant ‘intérêts communs’ entre les travailleurs et les employeurs (lesquels veulent le plus de subsides possibles afin de pouvoir en mettre davantage dans leurs poches). La compétition croissante entre hôpitaux, entre autres par la commercialisation rampante, se fera sentir de plus en plus sur le lieu de travail par une politique de plus en plus répressive envers le personnel. Dans les maisons de retraites commerciales, nous en avons déjà un avant-goût !

    MALAISE DANS LES HOPITAUX PRIVES A BRUXELLES


    Selon différents directeurs d’hôpitaux, durant les 5 années à venir, entre 1.000 et 2.000 lits se perdront à Bruxelles.

    En-dehors de la question qu’il y ait oui ou non une surcapacité de lits à Bruxelles, ce détricotage se fera sur le dos des travailleurs et des patients. A cause d’une mauvaise gestion, beaucoup d’hôpitaux ont accumulé des dettes énormes, mais cela n’inquiètera pas les directions. Ce ne sont pas elles qui devront chômer ou attendre qu’un lit se libère lorsqu’elles seront malades! Les hôpitaux privés, qui n’ont rien à craindre ces prochaines années et semblent donc en bonne santé financière, se comptent sur les doigts d’une main.

    Les premiers dominos sont déjà tombés avec le licenciement collectif à St. Etienne ainsi qu’à l’hôpital Français qui est, depuis le 7 avril, dans la première phase de la loi Renault. A Erasme, on s’attend à une restructuration considérable à partir de juin. A St-Luc on a accumulé une dette sérieuse. Les ‘tendances pharaon’ (ç.-à-d.: toutes sortes de projets de construction) de la part des directions n’y sont pas étrangères. On veut augmenter encore plus la flexibilité du personnel, mais on l’appelle différemment : ‘rentabiliser’.

    Vu l’impact social de cette évolution en terme d’emplois et de services à la population, nous ne pouvons pas laisser traîner les choses en longueur.

    Au lieu de s’attaquer à la vague de restructurations hôpital par hôpital, il nous faut une initiative syndicale unie au niveau de Bruxelles
 afin de réveiller les responsables politiques et de leur mettre devant leurs responsabilités. Il y a beaucoup trop peu de contrôle de la part des autorités sur la manière dont les directions hospitalières utilisent les moyens de la communauté.

    Comme dans le tract de la LBC pour le 30 avril:

    “MAIS QUI LE RESOUDRA ?”

    Evidemment notre secteur ne se trouve pas sur une île; par conséquent, la politique néolibérale laisse des traces dans les soins de santé.

    Il faut constater qu’aucun parti représenté dans le parlement ne défend de façon consistante les intérêts des travailleurs.

    Des braillards populistes tel un Dedecker se rendent sympas par leur discours anti-establishment, mais parallèlement, leur programme économique est un rêve pour tout patron: engraisser les actionnaires sur le dos des travailleurs.

    Lors de la discussion sur le Pacte de solidarité entre les Générations il n’y avait aucun parti traditionnel pour défendre les travailleurs et leurs syndicats; au contraire: la plupart étaient d’avis que les assainissements du pacte n’allaient pas assez loin.

    La lutte syndicale a besoin d’un prolongement politique, mais celle-ci n’existe pas dans le parlement actuel. La seule alternative, c’est la construction d’un nouveau parti large et démocratique des travailleurs, mais il s’agit d’un processus complexe et de longue haleine: cela ne tombera pas soudainement du ciel! Tant que des parties importantes de la FGTB et de la CSC ne cassent pas leurs liens exclusifs respectifs avec le PS et le CDh-CD&V, une percée pour un parti viable et démocratique des travailleurs ne sera pas possible.

    Après les actions contre le Pacte de Solidarité entre les Générations, de nouveaux mouvements politiques, dont le CAP, se sont créés. Le ‘Comité pour une Autre Politique’, né à l’initiative de vétérans du mouvement ouvrier (dont Jef Sleeckx et Georges Debunne) était le plus clair en terme de mise à l’ordre du jour de la nécessité d’une voix politique indépendante pour le mouvement ouvrier et les travailleurs en général. Ce n’est malheureusement resté qu’une tentative honorable
 Beaucoup de gens dans le mouvement des travailleurs organisés ont suivi à distance ce développement, mais n’y ont pas participé activement.

    Ce n’est que par la lutte sociale massive que cette question sera soulevée de nouveau. Entretemps nous devons construire des réseaux (inter)sectoriels de syndicalistes combatifs et critiques. C’est le défi qu’Hypertension s’est posé dans le non-marchand.

  • Et le marchĂ© du travail, vous le voulez en français ou en nĂ©erlandais?

    Et voilà, encore un édito sur le communautaire. Mais bon, l’agenda politique ne se fait pas selon notre volonté. Pour ce sujet, comme pour tant d’autres, nous dépendons de ce que proclament à grands cris les partis traditionnels.

    Stéphane Delcros

    Le grand sujet du jour, c’est l’emploi; ça, personne ne peut le nier. Les partis traditionnels flamands ne jurent que par la régionalisation du marché du travail. Selon Yves Leterme (CD&V), ceux qui s’y opposent sont un danger pour le pays. Leterme «veut aider les chômeurs wallons». Comment? En adaptant le budget des allocations de chômage en fonction du taux d’emploi dans la région. Autrement dit, il suffit de botter le derrière des chômeurs, de les enfoncer dans la misère et vous verrez comme ils trouveront vite du boulot ! Au nom du gouffre existant entre les réalités d’emploi au Nord et au Sud du pays, Johan Vande Lanotte (SP.A) veut lui aussi régionaliser cette matière. Mais en quoi cette régionalisation permettrait une meilleure politique d’emploi, ça, personne ne le dit.

    Elio Di Rupo, ainsi que la Fédération des Entreprises de Belgique (FEB), y sont par contre opposés. D’ailleurs, du côté wallon, on se targue de prendre le taureau par les cornes : en 2006, 7.000 chômeurs wallons ont été suspendus, c’est-à-dire plus qu’en Flandre et à Bruxelles confondus! Qu’on ne vienne pas dire que les partis francophones ne serrent pas la vis!

    Finalement, si les formes diffèrent un peu (voire très peu), tous sont d’accord sur le fond : c’est aux travailleurs de souffrir, qu’ils aient ou non un emploi.

    A titre d’exemple, Joëlle Milquet (CDH), opposée à une nouvelle révision de la constitution, est favorable à une nouvelle diminution de l’imposition des entreprises (fixé actuellement à 33% seulement) ainsi qu’à l’amplification du «plan d’accompagnement» des chômeurs. Avec elle, l’humanisme se colore visiblement d’attaques sociales.

    Les différences entre la Wallonie et la Flandre (et Bruxelles) existent certainement, mais si on regarde à l’intérieur des régions, on rencontre également de grosses inégalités. Pour une offre d’emploi, à Liège, il y a 43 demandes, tandis qu’à La Louvière, il y en a 130. A la lumière de ces données, difficile de croire que c’est en bottant le cul des chômeurs qu’ils trouveront un emploi qui n’existe pas.

    Les syndicats sont également opposés à la régionalisation du marché du travail, mais les directions ne mettent en avant aucune véritable solution pour l’emploi.

    A la régionalisation du marché du travail, nous opposons la réduction du temps de travail, sans perte de salaire et avec embauches compensatoires ! L’argent ? Il faut aller le chercher là où il est. En 2006, les sociétés du BEL 20 ont réalisé d’énormes bénéfices : plus de 27 milliards d’euros, doublant presque leurs résultats en deux ans.

    Les dividendes sont également en hausse : plus de 8 milliards d’euros. Quasi toutes ces entreprises ont augmenté la rémunération de leurs actionnaires de plus de 10% par rapport à 2005.

    Qui a dit qu’il n’y avait pas d’argent?

  • Les propos scandaleux de Leonard font rĂ©agir le mouvement

    Le mouvement gay est un mouvement politique et revendicatif !

    Ces derniers jours, beaucoup d’encre a coulé suite aux nouvelles déclarations de l’évêque de Namur à propos de l’homosexualité et du mariage des couples gays et lesbiens notamment. La RTBF et RTL en ont même fait la Une de leurs JT pendant près d’une semaine.

    Le scandale s’est propagé au moment où Monseigneur Léonard déclarait dans une interview au Télémoustique que «Les homosexuels ont rencontré un blocage dans leur développement psychologique normal, ce qui les rend anormaux. (L’homosexualité) est un stade imparfaitement développé de la sexualité humaine qui contredit sa logique intérieure.»

    Ensuite, sûr de lui, il compare l’homosexualité à l’inceste. Et il termine par une bonne vieille définition du mariage sortie tout droit des évangiles: «c’est une union STABLE entre un homme ET une femme». Il préconise donc, pour les unions homosexuelles, de recourir à une autre appellation: «un pics, un pacs, un pucs [sic!]… tout ce que vous voulez mais pas de mariage», s’exclame-t-il.

    C’est vrai que Léonard n’en est pas à son premier coup d’essai. Cet homme n’a pas été nominé pour rien pour le prix Homophobie il y a deux ans, nous rappelle la Holebi Federatie (regroupant la majorité des association gay en Flandre) qui réaffirme aujourd’hui encore que «ce n’est pas parce que les hétérosexuels sont en majorité que la minorité est anormale! Il n’y a aucune raison de penser cela.» Mais cela ne semble pas gêner Monseigneur Léonard qui, en dépit des mises en garde de la Fédération, a récidivé.

    Pourquoi un tel effroi au sein du milieu LGBT (lesbienne, gay, bisexuel et transgenre) à la lecture de tels propos ?

    Ce sont des propos tels que ceux tenus par Monseigneur, qui légitiment la violence homophobe. Même si la Belgique se trouve sur le plan mondial à l’avant-garde des avancés législatives (droit au mariage et à l’adoption), on voit que celles-ci ne signifient pas pour autant un arrêt des discriminations, préjugés et actes homophobes, que se soit dans la famille, à l’école, sur les lieux de travail ou en matière de logement.

    La vie au quotidien des LGBT reste difficile!

    L’oppression, la répression et les discriminations envers les LGBT restent une réalité. Les chiffres parlent d’eux-mêmes: 12,4 % des jeunes gays tentent de se suicider (en rapport avec 5,9 % des garçons hétéros) et 25 % des jeunes lesbiennes (contre 5,4 % des jeunes filles hétéros). Selon une enquête financée par la Commission européenne en Irlande, Finlande, Belgique et Italie, 80 % des gays et lesbiennes de moins de 25 ans déclarent avoir été victime de violences verbales et souvent physiques durant leur scolarité du fait de leur orientation sexuelle différente (ou de leur identité de genre). Ces chiffres éclairent le parcours du combattant qui attend en général tout LGBT.

    Pour permettre aux LGBT d’avoir une vie meilleure, nous devons lutter contre chaque propos homophobe parce que ceux-ci instaurent insidieusement un climat anti-gay dans notre société.

    Devant les propos ignobles de cet évêque, notre mouvement n’a pu rester insensible.

    Nous sommes tous concernés parce que cet évêque ne se contente pas d’attaquer les LGBT, il s’en prend dans la foulée aux préservatifs, à l’avortement et à l’euthanasie (plus d’info sur le site telemoustique.be).

    Avec ceux qui ont été choqués, blessés ou scandalisés par les propos ouvertement racistes et homophobes de Monseigneur Léonard nous avons protesté ce samedi 07 avril 2007 devant la cathédrale de Namur. Une délégation des associations a rendu visite au Seigneur Léonard. Réactions? Celui-ci, sans complexe, a réitéré ses propos scandaleux et a même ajouté devant les journalistes que «la sexualité entre deux personnes du même sexe n’existe pas, elle n’a lieu qu’entre un homme et une femme, par définition!» (enfin, la définition qu’un masturbateur en puissance peut donner au mot sexualité!). Il nie avoir qualifié les homosexuels d’anormaux, mais plutôt l’homosexualité d’anormalité, ce qui constituerait selon lui une forte différence sémantique. Mais qu’est-ce que l’homosexualité si ce n’est les homosexuels qui la constituent ? En tout cas, cela n’empêchera pas l’évêque de dormir sur ses deux oreilles: sa hiérarchie soutient haut et fort ses propos homophobe.

    Son patron, le cardinal Danneels s’est senti obligé de soutenir largement les propos de l’évêque homophobe. On s’en doutait… «Cette position suit simplement la doctrine de l’Eglise», a indiqué son porte-parole Hans Geybels. «Il faut par exemple aussi différencier le péché commis de la personne elle-même. L’Eglise condamne uniquement le péché», a-t-il poursuivi. Devant les regards ahuris de l’assistance, il ajouta aussitôt que son intention n’est pas de présenter l’homosexualité comme un péché… soit. Quant au prêtre de la cathédrale Michel Dangoisse, il s’est insurgé face à l’impossibilité de pratiquer la messe dans son église habituelle…

    Quant à la contre-manifestation de soutien à Léonard lancée par les intégristes religieux et les groupuscules néo-nazis (comme Nation) n’a pu dénicher en tout et pour tout qu’une quarantaine de racistes venus à Namur uniquement pour… prier! Prier pour ces «malades» que sont les homosexuels (voir le JT de la RTBF du soir même). En tout cas, cet attroupement fut pathétique. C’est évident, les proportions parlent d’elles mêmes: «il y avait 1 nazi pour 7 pédés».

    En effet, la manifestation contre l’homophobie a été d’une réussite inespérée, en ce week-end pastoral et de départ en vacances, 350 personnes ont crié leur colère face à de tels propos. Homos et hétéros, main dans la main, scandant «Homos du monde entier, rassemblez-vous!» ou encore «Léonard, connard, les anormaux sont là!» mais aussi «Syndicats, ouvriers et tous les opprimés, on va pouvoir changer toute notre société!». Ce discours ouvert unissant tous les opprimés est la marque de fabrique des LGBT. La solidarité, oui c’est sûr, les homos savent ce que c’est… Notre manif s’est déroulée dans une ambiance bonne enfant avec toute la gaîté qui nous caractérise. Au point que quelques familles et habitants du quartier se sont joints aux militants LGBT pour apporter leur soutien à la manifestation.

    Comment combattre l’homophobie ?

    On a pu noter la présence de certains Partis parlementaires (PS et Ecolo). Malheureusement pour eux, les pédés ont bien compris qu’en cette période électorale il est de bon ton de se montrer GAY-FRIENDLY («tolérant vis-à-vis des homosexuels») pour tout parti politique. Mais les manifestants n’étaient pas dupes!

    En effet, quelle hypocrisie quand on sait que derrière des slogans progressistes pour les droits homosexuels, ces partis contribuent à la propagation des préjugés racistes, sexistes et homophobes.

    Il est clair que ce n’est pas en menant une politique néo-libérale (qu’ils défendent depuis 25 ans) que l’on viendra à bout de ces préjugés. Au contraire, ce genre d’idées véhiculées par l’extrême droite ne peuvent qu’être banalisées avec une politique qui précarise les conditions de vie et de travail, qui détruit les acquis sociaux, qui met en concurrence les travailleurs entre eux, qui divise les gens et les monte les uns contre les autres dans le but avoué de maximiser les profits des entreprises belges (dont les superprofits atteignent 27 milliards pour le BEL-20 en 2006) et des plus riches.

    On voit que dans une société avec de nombreux problèmes sociaux, les bouc émissaires sont vite trouvés et arrangent un peu les partis au pouvoir: «diviser pour mieux régner».

    C’est pourquoi, avec le MAS (Mouvement pour une Alternative Socialiste), nous luttons contre toutes formes de discriminations et avançons la nécessité d’avoir un parti qui unisse les jeunes et les travailleurs, sans distinctions d’origine, de genre ou de sexualité. Il nous faut un outil dans lequel tous ensemble nous pouvons nous organiser et lutter contre leur politique et ces effets. Le CAP (Comité pour une Autre Politique, autrepolitique.be) semble pour nous incarner un tel parti. D’ailleurs, sa présence à la manif était plutôt bien accueillie. Tout simplement parce que les personnes discriminées sont souvent les premières à se rendre compte que quelque chose ne tourne pas rond dans le monde d’aujourd’hui et qu’après les 25 dernières années de chacun pour soi, il est grand temps pour une autre politique, une politique plus solidaire.

    Mais ce n’est qu’un premier pas. Avec le MAS, nous défendons la nécessité de changer ce système pour le remplacer par une alternative crédible, une société où serait mise en place une économie démocratique, basée sur les besoins de tous et non pas les profits d’une élite, où les services publics seraient bien plus développés, l’enseignement réellement gratuit, le temps de travail distribué et rémunéré de manière égale, où tous seraient considérés de la même façon et pourraient réellement s’émanciper, c’est-à-dire, une société socialiste. Y en a assez de la de compétition à outrance entre les gens! Y en a marre de la dure loi de survie dictée par le marché! Justice sociale tout de suite, pas de domination d’un groupe par un autre!

    Si toi aussi tu veux résister aux casseurs de pédés et à toutes les discriminations, si tu veux te battre contre ce système, ne reste pas seul, rejoins le MAS et participe à sa commission LGBT.

  • Négociations salariales. Recul ou progrès ?

    Le 13 novembre, les partenaires sociaux ont commencé les négociations pour fixer la ‘norme salariale’ des deux prochaines années, c’est à dire l’augmentation maximale de nos salaires. Sera-ce un pas en avant, oui ou non?

    Geert Cool

    Les managers américains…

    Aux Etats-Unis, les salaires du 0,01% des travailleurs les mieux payés (qui sont en fait des managers) a connu une croissance de 617% entre 1996 et 2001, et pour le 0,1% de veinards les mieux rétribués, l’augmentation est « seulement » de 256%.

    Autre donnée intéressante, en 2005, un patron américain gagnait 10,5 millions de dollars par an, soit 369 salaires moyens d’ouvrier. En 1993, il s’agissait « seulement » de l’équivalent de 131 salaires, et en 1976, de 36!

    Qui gagne, qui perd?

    Les salaires des dirigeants des entreprises reprises dans l’indice boursier bege BEL-20 ont augmenté de 12% en une année seulement, de 2004 et 2005.

    Mais le Conseil Central de l’Economie (CCE) a pourtant dû avouer qu’en général le pouvoir d’achat réel des Belges a reculé de 1,3% au cours de chacune des quatre dernières années, notamment parce que certains produits ont été sortis de l’index, qui reflète donc moins la réalité. Une étude du Centre de Recherche et d’Information des Organisations de Consommateurs (CRIOC) dit même que le déclin du pouvoir d’achat a été en fait annuellement de 3%.

    Vers un accord interprofessionnel (AIP)?

    L’AIP est un accord général négocié tous les deux ans entre syndicats et patronat. Il traite entre autres des salaires et des conditions de travail des deux millions d’employés du secteur privé mais il concerne également les allocations sociales. De tels accord interprofessionnels sont conclus depuis le début des années ‘60. Il est toutefois frappant de constater que, depuis qu’une norme salariale (un plafond d’augmentation salariale à ne pas dépasser) a été imposée, la hausse autorisée des salaires a diminué (de 6,1% en 1997-1998 jusqu’à 4,5% en 2005-2006).

    Le CCE présente cette fois une norme salariale de 5,5%, supérieure à la norme salariale précédente. Pourquoi? Une raison importante est la montée de l’inflation (la hausse des prix et du coût de la vie) qui devrait être de l’ordre de 3,9% selon les prévisions pour les années 2007-2008. Cette inflation doit être déduite de la norme salariale.

    La Fédération des Entreprises de Belgique (l’organisation du patronat) affirme de son côté qu’il faudrait plutôt établir une norme salariale de 4,4%, les salaires belges ayant augmenté de 4,7%, plus rapidement donc (de 1,1%) que dans les pays voisins. Une spirale négative devrait par conséquent être entamée. Futur argument pour organiser des coupes budgétaires dans les pays voisins ?

    En fait, les salaires français et néerlandais ont connu une augmentation supérieure aux belges et ce sont surtout les salaires allemands qui augmentent moins vite que l’indice, ce qui traduit un véritable déclin concret pour les travailleurs et leurs familles de ce pays. Cela n’est pas une surprise quand on se rappelle les 250.000 manifestants qui ont défilé fin octobre contre la politique gouvernementale de la chancelière allemande Merkel. Le gouvernement de celle-ci veut même faire grimper l’âge de la retraite à 67 ans. Et c’est ce genre de politique qui nous attend si aucune résistance ne bloque les désirs du patronat.

    Comment les futures attaques seront-elles organisées?

    Les déclarations des cercles patronaux n’ont pas manqué ces dernières années pour réclamer que quelque chose soit fait à propos de l’index. Car une adaptation automatique des salaires à l’augmentation des prix, même partielle et faussée, dérange profondément les patrons.

    Cet indice a pourtant déjà été trafiqué. L’essence, par exemple, n’est plus prise en compte. L’impact des loyers est également sous-évalué : il ne compte que pour 6,2% dans le chiffrage de l’index alors que la majorité des familles bruxelloises consacrent plus de 30% de leur budget au logement et qu’en Wallonie et en Flandre, la moitié des locataires dépense plus de 20% de leurs revenus pour ce poste.

    Pourtant, pour la FEB, la suppression de l’index serait la «meilleure solution». Pour faciliter les attaques contre nos salaires, très certainement. Mais le patronat sait qu’il doit se montrer prudent. Il a, lui aussi, tiré les leçons du mouvement contre le Pacte des Générations. Avant de toucher à l’index, le patronat préfère lancer des attaques indirectes qui susciteront moins de remous.

    Les accords “all-in”

    La solution selon le patronat? Des accords par secteurs qui seraient autant de digues contre l’augmentation de l’index. Actuellement, 516.000 travailleurs (un cinquième du total) sont déjà sous une réglementation « all-in » ou des variantes de ceux-ci, comme les accords-solde.

    En voici quelques possibilités:

    – Supprimer une partie de l’augmentation salariale accordée quand l’index augmente « trop », comme cela existe déjà dans le secteur du métal.

    – Fixer un maximum général d’augmentation comprenant l’indexation, ce qui signifie que l’indexation est neutralisée si une augmentation trop forte se produit. Un tel type d’accord a été appliqué en octobre 2006 dans le secteur de la construction.

    – Arriver à un accord qui dit que les fortes augmentations seront réglées plus tard, dans des accords sectoriels.

    Quel est le problème avec nos salaires ?

    Si nous examinons les bénéfices des entreprises, on ne croirait pas qu’il y a tant de problèmes. Durant les seuls 9 premiers mois de 2006, Fortis a réalisé autant de bénéfices qu’en 2005, soit 3,6 milliards d’euros. Un cas isolé ? Certainement pas ! Ces 5 dernières années, les bénéfices des entreprises côtées en Bourse ont augmenté de 41%…

    De plus, la productivité des travailleurs belges augmente plus rapidement que leurs salaires. Pour la période 2003-2004, la productivité d’un travailleur en Belgique a augmenté de 3,1% et les coûts salariaux par unité produite de 1,4%. On produit davantage, mais si c’est invisible sur nos fiches de paie, cela se voit dans les bénéfices supplémentaires que le patronat accapare.

    Une autre façon d’augmenter les bénéfices est de réduire les contributions «patronales» à la sécurité sociale (en réalité, la part indirecte de nos salaires). Chaque année, la hotte de Saint-Nicolas pour les patrons se remplit un peu plus:

    • 2000 : 2.964.200.000 €
    • 2001 : 3.487.200.000 €
    • 2002 : 3.579.200.000 €
    • 2003 : 3.749.800.000 €
    • 2004 : 4.604.300.000 €
    • 2005 : 5.279.600.000 €
    • 2006 : 5.415.100.000 €

    Quel réponse syndicale?

    La position des sommets syndicaux semble très modérée et fait suite à la convention conclue avec le patronat en septembre, par laquelle les allocations ont été faiblement augmentées en contrepartie de nouvelles baisses de charges (entre autres sur les heures supplémentaires et le travail en équipes). A cette occasion, on s’est aussi pu se rendre compte que les directions syndicales avaient accepté l’idée patronale selon laquelle nos salaires ne peuvent augmenter trop fortement par rapport aux pays voisins. Aucune réaction n’est venue de leur part face aux déclarations des patrons.

    La base syndicale suivera-t-elle ses sommets ? Le mouvement contre le Pacte des Générations a démontré que la base ne suit pas nécessairement sa direction et ose parfois même s’y opposer : 58.000 membres de la CSC ont ainsi participé à la grève du 7 octobre 2005 alors que leur direction avait dépensé 140.000 euros pour la campagne «10 raisons pour ne pas faire grève ».

    Face aux propositions et exigences patronales, il faut construire un mouvement unifié et puissant, ce qui ne saurait être le cas en faisant systématiquement des concessions au patronat. Construisons un rapport de forces ! La base syndicale doit être informée et organisée pour plus tard pouvoir passer aux mobilisations. Un programme répondant aux préoccupations des travailleurs et de leurs familles renforcerait ce processus.

    • Non à la spirale négative de nos salaires ! Face à la concurrence pour la plus grande baisse du pouvoir d’achat en Europe, nous mettons en avant la nécessité d’une lutte commune pour augmenter réellement nos salaires
    • Non aux attaques contre l’index ! Pour un rétablissement complet de l’index, un index qui corresponde à la réalité
    • Non aux attaques indirectes contre l’index (accords all-in et autre)!
    • Pour une augmentation des salaires et des allocations sociales !
    • Pour un rythme de travail viable : non à l’augmentation de la flexibilité !
    • Pour une redistribution du travail au lieu du chômage ! Diminution du temps de travail, 32 heures de travail par semaine avec embauche compensatoire et sans perte de salaire !
  • Négociations salariales: les patrons réalisent des profits records, mais en veulent toujours plus

    Réponse à un courrier des lecteurs de la FEB

    Le 6 octobre, notre rédaction a eu l’honneur de recevoir un courrier d’un lecteur inhabituel. Le service d’information de la FEB (Fédération des Entreprises Belges) nous a demandé d’attirer l’attention de nos lecteurs sur une rectification. Il y aurait eu, selon lui, une « erreur » dans un article de notre site. Nous y avions parlé de « l‘avarice » de la FEB et des topmanagers, en nous référant entre autre à l’augmentation des salaires des membres de la direction des entreprises reprises dans l’indice boursier belge, le Bel-20. Si nous savions déjà que nos articles et positions avaient un certain écho, notre étonnement a cependant été grand d’apprendre que le patronat belge suivait également notre argumentation.

    Peter Delsing

    Topmanagers nécessiteux?

    La FEB nous écrit ainsi : « Nous avons lu l’article ci-dessous avec intérêt. Noussignalons cependant que la supposition selon laquelle les salaires des membres de la direction des entreprises côtées au BEL-20 auraient augmenté de 12 % (cfr Trends/Tendances) est complètement fausse »

    S’agit-il alors de pauvres nécessiteux, à l’aube des négociations salariales avec les syndicats? Il semblerait que oui… « Le rédacteur de Trends/Tendance a reconnu quelques semaines après que ses calculs étaient erronés et que la véritable hausse des salaires des topmanagers n’était que de 2 %, moins que l’inflation donc. Il nous semble opportun que vous indiquiez à vos lecteurs cette rectification. »

    On pourrait donc croire en lisant ces lignes que les topmanagers, à cause de l’inflation, ne peuvent plus mettre de beurre sur leurs tartines.

    A partir de novembre se dérouleront les négociations salariales entre les syndicats et le patronat qui devraient déboucher sur un nouvel Accord Interprofessionnel (AIP). Les enjeux – et la FEB le sait- ne sont pas minces. La colère de beaucoup de salariés et de militants syndicaux remontera-t-elle à la surface un an après un mouvement contre le Pacte des générations stoppé de façon anti-démocratique par les directions syndicales? Ou bien les patrons arriveront-ils encore à faire payer les salariés pour augmenter des profits déjà exorbitants, en dépit du pouvoir d’achat à la baisse et de la misère croissante

    Des profits records !

    Depuis le début de la politique néolibérale, faite d’austérité et de modération salariale, un gigantesque transfert de richesses s’est produit des travailleurs vers les riches. En 1981, début de cette politique et année de crise économique, les profits des entreprises représentaient 20 milliards de francs belges. Six ans seulement plus tard, ils pesaient déjà 167 milliards, soit 8 fois plus. Dix ans après, en 1997, les profits atteignaient 1.240 milliards de francs. Pendant cette même période (de 1981 à 1997), les prix ont augmenté d’environ 60 % sous l’effet de l’inflation. Les 1.240 milliards de francs de 1997 représentent donc 775 milliards en francs de 1981. Les profits (inflation déduite) de 1997 sont donc 4,5 fois plus élevés qu’en 1987 et… 39 fois plus élevés qu’en 1981.

    La FEB devrait aussi savoir que, pendant la dernière décennie (1997-2006), les patrons n’ont pas vu fondre leurs profits. Tout au plus, à cause d’une croissance plus faible, le rythme d’augmentation a-t-il ralenti. En 2003, les profits des entreprises étaient de 37 milliards d’euros ! Inflation déduite, on arrive ainsi à l’équivalent de 870 milliards de francs de 1981, soit plus de 43 fois le montant de 1981 !

    Ces dernières années n’ont pas été non plus faites de vaches maigres pour le patronat. Les 97 plus grandes entreprises qui ont clôturé leur comptabilité fin 2005 ont indiqué un profit net commun de 18 milliards d’euros, en hausse de 31 % par rapport à 2004. En 2005, les profits des banques Dexia et KBC ont augmenté respectivement de 12 et 39%.

    Celui ou celle qui a vu sa fiche de salaire augmenter pareillement peut lever la main. Les études montrent que le pouvoir d’achat des salariés du privé a baissé de 2,08 % depuis 10 ans, celui des fonctionnaires de 2,28 % et ceux des non-salariés de 2,61 à 3,25 %. Les modifications imposées à plusieurs reprises à l’index ont engendré une baisse de notre pouvoir d’achat. Ces pourcentages sont encore probablement sous-estimés, vu que le loyer n’est pas encore totalement compris dans l’index actuel.

    L’index sapé engendre, depuis des années, une baisse de notre pouvoir d’achat. Ces pourcentages sont encore probablement une sous-estimation, vu que le loyer n’est pas encore totalement compris dans l’index actuel.

    Topmanager: 1,5 millions d’euros par an. Et vous?

    Le PDG d’une entreprise du Bel-20 gagne en moyenne 1,5 milions d’euros par an. Et quand Pieter Timmermans, manager à la FEB, juge que les salaires des travailleurs ont trop augmenté, il veut en fait dire qu’ils n’ont pas encore assez perdu de pouvoir d’achat.

    Nous devons exiger une véritable hausse des salaires: les patrons et les grands actionnaires ont augmenté énormément leur part du gâteau depuis 25 ans. Leur soif de profit face à la ‘concurrence’ a entraîné la société dans une logique terrible. Plus de richesse d’une part, plus de pauvreté d’autre part. Nous devons nous opposer à une indexation qui ne porterait plus que sur les salaires nets (comme le réclame le VOKA, une organisation extrémiste du petit patronat flamand), ce qui minerait la sécurité sociale. Les directions syndicales ne doivent pas se laisser séduire par cette proposition qui aboutirait à limiter la hausse du pouvoir d’achat à la minorité des salariés aux revenus les plus bas.

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