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Tag: Barcelone
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[VIDEO] Débat “De la rue au pouvoir, comment révolutionner la politique?”

Le jeudi 22 février, Attac Bruxelles avait organisé un ciné-débat autour du film “Ada for Mayor”. Ce film retrace l’histoire d’une activiste devenue la première femme bourgmestre de Barcelone ainsi que la construction d’un nouveau mouvement politique. Le débat visait à tirer les leçons de ce processus afin d’en apprécier les applications possibles en Belgique.
A la suite de la projection, un débat a eu lieu sur le thème “De la rue au pouvoir, comment révolutionner la politique?” avec pour intervenants notre camarade Anja DESCHOENMACKER (porte-parole de «Gauches Communes» et membre du PSL), aux côtés de Mathilde EL BAKRI ‘députée régionale du PTB), de Pierre EYBEN (animateur du mouvement «DEMAIN»), de Pauline FORGES (militante de la «Gauche Anticapitaliste») & de Jean-Pierre MICHIELS (membre du Parti Communiste).
La vidéo ci-dessous donne un aperçu du débat.
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Comment vaincre la machine d’austérité européenne ?
Depuis le début de la crise de la zone euro, les mobilisations de masse n’ont pas manqué contre la politique d’austérité, avec toute une série de manifestations et de grèves mais aussi de grèves générales. Mais même si ces explosions de colère et de rage ne peuvent plus tout simplement être passées sous silence – malgré le contrôle des médias dominants et de l’information par la classe dominante – le bulldozer de la casse sociale n’en a pas moins poursuivi sa course, une course d’ailleurs destinée à devenir plus meurtrière encore avec l’adoption du ‘‘Traité européen d’austérité’’ (le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance, TSCG). Quelle contre-attaque organiser et comment (re)mobiliser les découragés de la lutte sociale ?
Par Nicolas Croes
A faux diagnostique, faux remède
La logique austéritaire ne fonctionne tout simplement pas. Tout y est faux, du début à la fin. Cette politique de bain de sang social est basée sur une explication totalement erronée : la crise de la zone euro proviendrait non pas de la faillite du secteur bancaire et de la collectivisation des pertes du privé – elles-mêmes conséquences des contradictions du système capitaliste – mais des dépenses publiques ‘‘impayables’’. Banquiers et spéculateurs ont en fait bénéficié de la complicité active et enthousiaste des politiciens capitalistes et des médias dominants pour se cacher, eux et leurs responsabilités, derrière les fonctionnaires ‘‘fainéants’’, les travailleurs ‘‘privilégiés’’, les chômeurs ‘‘parasites’’ et les pensionnés ‘‘destructeurs de sécurité sociale’’. A cette liste se sont rajoutés – au gré des besoins – les immigrés, les homosexuels, les femmes, les syndicats,… et l’extrême-droite est loin d’être la seule à avoir tenu la plume.
Il a toujours été clair que cette politique n’allait rien arranger pour les masses, que nous serrer la ceinture n’allait pas nous préparer des jours meilleurs et qu’il nous faudrait au contraire percer de nouveaux trous. La maîtrise relative de la dette publique avant 2008 n’avait d’ailleurs pas empêché les divers pays européens de sombrer profondément dans la crise. S’il en était encore besoin, un bref coup d’œil porté aujourd’hui sur cette Union Européenne dévastée suffit à illustrer la faillite totale de l’austérité.
En Espagne, après des années de coupes dans les budgets des autorités, d’augmentations de taxes (pour l’homme de la rue, pas pour ceux qui nous regardent du haut de leur tour d’ivoire) et de destruction des conditions de travail et des salaires, l’avenir du pays reste plombé par la récession. Le taux de chômage vient d’y franchir un seuil historique lors du premier trimestre de cette année en atteignant les 27,16%. Derrière ce chiffre, il y a 6.202.700 personnes plongées dans la misère (pas moins de 237.400 de plus qu’au trimestre précédent). Dans cette course macabre, l’Espagne ne cède la place qu’à la Grèce (27,2% de chômage officiel en janvier). Quant à cette fameuse dette publique dont la réduction justifie tous les sacrifices (pour autant qu’ils ne touchent pas l’élite de la société), elle a elle aussi atteint un nouveau record au premier trimestre de 2013 : 923,31 milliards d’euros, soit 87,8% de la totalité des richesses produites en un an dans le pays (le PIB, Produit Intérieur Brut). La Banque centrale prévoit qu’elle poursuivra son ascension vers les 91,4% du PIB en 2013 et les 99,8% en 2016. Et quand ça ne marche pas on fait quoi ? Et bien on continue !
La saignée est inefficace, allons-y à la hache !
En Grèce, l’austérité massive n’a pas empêché la dette publique d’atteindre les 159,9% de son PIB fin 2012 (une croissance de 8,6% entre 2010 et 2012). Ce taux aurait d’ailleurs largement dépassé les 190% si le tiers de la dette grecque (100 milliards d’euros) n’avait pas été annulé en mars 2012. Fin 2012 toujours, la dette souveraine de l’Irlande représentait 117,6% de son PIB (+ 25,5% entre 2010 et 2012) et celle du Portugal 123,6% (+ 29,6% entre 2010 et 2012).
Ces trois pays sont ceux à avoir subi le plus directement la dictature des marchés, par l’intermédiaire de l’action dévastatrice de la troïka européenne (qui réunit la Banque Centrale Européenne, la Commission Européenne et le Fonds Monétaire International). Afin de bénéficier de ‘‘l’assistance’’ du Fonds Européen de Stabilité Financière, puis du Mécanisme Européen de Stabilité, les gouvernements de ces pays se sont engagés à appliquer une politique antisociale extrêmement brutale. Le résultat de cette politique (explosion du chômage, des suicides, des expulsions de logements, de malades incapables de payer leurs soins,…) ne peut que faire froid dans le dos, notamment à la population chypriote dont le pays vient de rejoindre le club des Etats mis en coupe réglée par la troïka européenne. Il est pourtant question de mettre toute la population européenne au même régime à l’aide du TSCG, le ‘‘traité d’austérité’’ européen. Ce texte a été signé le 2 mars 2012 par 25 pays de l’Union Européenne (tous sauf le Royaume-Uni et la République tchèque) et prévoit de ‘‘renforcer le pilier économique de l’Union économique et monétaire en adoptant un ensemble de règles destinées à favoriser la discipline budgétaire au moyen d’un pacte budgétaire, à renforcer la coordination de leurs politiques économiques et à améliorer la gouvernance de la zone euro.’’ En gros, il condamne l’Union Européenne à une austérité permanente.
TSCG : une dictature des marchés de plus en plus ouverte
L’article 3 du Traité interdit de dépasser un ‘‘déficit structurel’’ de 0,5% pour le budget d’un gouvernement (doublé dans le cas où la dette publique se situe sous les 60% du PIB). Respecter cette règle signifiera d’opérer des coupes encore plus profondes dans les dépenses publiques à un moment où les investissements de l’Etat dans l’économie sont plus que jamais nécessaires. De plus, cette notion de ‘‘déficit structurel’’ est absolument arbitraire. En 2006, le Fonds Monétaire International avait par exemple estimé le déficit structurel irlandais à 5,4% du PIB, tandis que la Commission Européenne l’avait estimé à 2,2%. Et c’est la Commission Européenne – le quartier général européen de l’offensive antisociale – qui décidera du chiffre à garder, de même que des moyens à mettre en œuvre pour rester dans le cadre de la discipline budgétaire !
Il ne s’agit là que d’un exemple, tout le reste du texte est du même acabit, uniquement basé sur une vision à court terme de l’économie capitaliste et sur la recherche du profit maximal le plus rapidement possible. L’élite européenne est tellement idéologiquement liée au néolibéralisme qu’elle est incapable de voir l’impact dévastateur qu’aura ce traité, même en considérant les intérêts des capitalistes à plus long terme.
Ce traité est aussi une attaque anti-démocratique de taille. L’Union Européenne est déjà une institution anti-démocratique, ce n’est même pas une ‘‘démocratie parlementaire’’. Le pouvoir y est concentré dans la Commission Européenne et le Conseil Européen. Fin 2011, 6 mesures ont été adoptées (le ‘‘six-pack’’) pour transférer d’importants pouvoirs de décision des gouvernements élus vers la Commission Européenne non-élue, tandis que la prise de décision a été modifiée au sein du Conseil Européen afin de rendre les sanctions punitives quasiment automatiques en cas de non-respect des dictats néolibéraux.
Le texte du Traité prévoit de considérer le néolibéralisme comme une obligation et non plus comme un choix économique. L’article 5 prévoit ainsi de placer un pays directement sous administration des autorités européennes. Actuellement, plus de vingt pays sur les 27 que comprend l’Union Européenne sont exposés à cette tutelle !
Quel type de résistance ?
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Pourquoi l’austérité ?
Comme expliqué ci-contre, l’austérité ne vise pas à ‘‘rééquilibrer les budgets des autorités’’. Dans le cadre de la crise de surproduction dans laquelle est plongée la totalité du système capitaliste (et pas uniquement l’Europe), il s’agit pour ‘‘nos’’ élites de restaurer par la manière forte le taux de profits des capitalistes, les détenteurs des moyens de production. A la manière dont Naomi Klein l’avait développé dans son livre ‘‘La stratégie du choc’’ (également disponible gratuitement sous forme film-documentaire sur internet), le choc de la crise a servi de prétexte pour accroitre l’offensive contre les acquis sociaux que le mouvement des travailleurs avait pu obtenir par le passé grâce à sa lutte.
Il s’agit de l’accentuation de la politique néolibérale de transfert de richesses de la collectivité vers le privé, initiée en leur temps par Pinochet au Chili, Reagan aux Etats-Unis et Thatcher au Royaume-Uni. Cette politique économique était devenue nécessaire suite à la crise économique des années ‘70 et a pris son plein essor suite à l’effondrement du stalinisme au début des années ’90. Depuis lors, les privatisations d’entreprises publiques, les réductions de moyens pour les budgets sociaux et les diminutions de taxes pour les grosses entreprises se sont suivies au pas de charge. Mais cela n’a pas pu empêcher la crise d’éclater.
Quel programme contre l’austérité ?
- Non à l’austérité ! Pour la défense des services publics et des pensions ! C’est aux patrons de payer pour leur crise !
- Pour des syndicats combatifs et démocratiques et des partis larges de travailleurs combatifs !
- Dans chaque pays : pour un plan d’action combatif, démocratiquement discuté à la base, afin de construire le meilleur rapport de force contre l’offensive antisociale et d’élever la conscience des masses par la discussion et l’action collective !
- Pour un plan d’action vers une grève générale de 24 heures à l’échelle européenne !
- Non à la dictature des marchés ! À bas les agences internationales de notation de crédit et le FMI ! Stop au paiement des dettes de l’État aux capitalistes ! Arrachons la richesse des mains des spéculateurs super riches !
- Nationalisation des secteurs-clés de l’économie (finance, énergie, sidérurgie…) sous le contrôle démocratique et la gestion des travailleurs !
- Non au chômage de masse ! Pour la réduction du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires !
- Pour des programmes massifs de travaux publics afin de créer des emplois socialement utiles et de répondre aux besoins de la population
- Non à l’Europe des patrons et des marchés ! Pour une Europe socialiste démocratique !
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Les pétitions, cartes blanches, déclarations,… n’ont pas manqué pour dénoncer ce traité. Les positions défendues dans ces critiques étaient souvent très bonnes, mais les moyens exposés pour vaincre le TSCG n’ont pas été à la hauteur de l’attaque. Le TSCG n’a été soumis au référendum qu’en Irlande, avec une offensive patronale et un chantage extraordinaire qui ont réussi à faire passer le ‘‘oui’’ de justesse. Dans les autres pays, ce sont les parlements nationaux qui étaient responsables de l’acceptation du texte ou de son rejet. En Belgique, cela signifie de passer devant le Parlement flamand et le Sénat (où le traité a déjà été approuvé), à la Chambre du Parlement fédéral, au Parlement wallon, au Parlement bruxellois, au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles et au Parlement germanophone. Hélas, l’opposition à l’austérité européenne s’est limitée à un lobbying à destination de parlementaires qui appliquent quotidiennement la casse sociale…
Ainsi, la centrale des employés de la CSC (CNE), malgré des prises de positions combatives ces derniers temps (notamment concernant la nécessité d’organiser une grève générale contre la politique des autorités belges ou face à la nécessité de construire un nouveau relais politique large pour les travailleurs aux côtés de la FGTB Charleroi & Sud-Hainaut), a appelé ‘‘tous les parlementaires belges à un sursaut de courage pour défendre notre démocratie. Ratifier ce traité serait comme choisir, en pleine mer, la ceinture de plomb plutôt que la bouée.’’ De même, le CEPAG (Centre d’Education Populaire André Genot, une ASBL d’éducation permanente liée à la FGTB et dont l’actuel administrateur général est Thierry Bodson, le président de la FGTB wallonne) a lancé une pétition déclarant notamment : ‘‘Nous devons agir pour que nos représentants élus ouvrent les yeux, refusent d’obéir à l’Europe de l’austérité et rejettent la Traité budgétaire. Mettons la pression sur les parlementaires afin qu’ils ne signent pas un texte en totale contradiction avec les intérêts de la population !’’ Ce lobbying est insuffisant, on ne peut convaincre les politiciens capitalistes d’agir dans nos intérêts que par la force. En ce sens, la manifestation appelée par la FGTB wallonne devant le Parlement Wallon le 29 mai dernier était un premier pas – tardif – dans la bonne direction, qui ne doit pas rester un acte isolé, doit être amplifié et être considéré dans le cadre de la lutte plus large contre l’austérité et les licenciements. Qu’attendre encore pour un vrai plan d’action avec grève(s) générale(s) ?
Pas mal de gens se demandent comment combattre cette Union Européenne antisociale qui parait être si lointaine. De nombreux politiciens traditionnels se servent d’ailleurs de ce sentiment d’impuissance pour justifier leurs attaques, sur le mode ‘‘c’est pas nous, c’est l’Europe’’. Cette question est loin d’être neuve. Karl Marx répondait déjà à son époque que ‘‘la lutte de classes est internationale dans son contenu mais nationale dans sa forme’’. Il n’en va pas différemment aujourd’hui. La majeure partie des problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs oppose directement ces derniers à la classe dominante de leur pays. Hélas, partout en Europe, nous sommes forcés de constater que les sommets syndicaux manquent d’audace et évitent soigneusement toute stratégie d’affrontement direct avec l’Etat capitaliste et les diverses bourgeoisies nationales.
L’exemple de la Grèce est à ce titre des plus édifiants. Ces dernières années, les grèves générales se sont succédées comme nulle part ailleurs en Europe, mais décidées et stoppées d’en haut, sans aucun plan d’action, bien plus destinées à laisser échapper la pression de la base qu’à sérieusement bloquer l’économie pour aller chercher les moyens là où ils se trouvent : dans les caisses des grandes entreprises et des banques. Dans chaque pays, le mouvement des travailleurs doit lutter pour récupérer ses instruments de lutte de masse, ce qui signifie de lutter résolument pour une démocratie syndicale (entre autres parce qu’une lutte déclenchée par la base est plus difficile à stopper par le sommet syndical), pour la fin du syndicalisme de négociation et de concertation et pour le retour d’un syndicalisme de lutte.
Pour nous, cette timidité dans la contre-offensive provient directement de l’absence d’idée concernant l’alternative à défendre contre la société capitaliste. ‘‘Nos’’ dirigeants syndicaux ont été tellement impliqués dans le ‘‘moindre mal’’ et dans la concertation avec les institutions capitalistes qu’ils refusent de sérieusement considérer qu’une voie de sortie existe en dehors du capitalisme. Revenir à un syndicalisme de lutte signifie donc aussi de s’armer d’un programme anticrise anticapitaliste basé sur la collectivisation des moyens de production et leur contrôle et gestion démocratiques. C’est la seule manière d’obtenir un plan de relance basé sur les nécessités sociales et écologiques et non pas sur la recherche de profit. Réclamer tout simplement une ‘‘fiscalité plus juste’’ est largement insuffisant, en plus de nier la possibilité de l’évasion de capitaux qu’il faut résolument saisir et donc exproprier. Cela nécessite aussi de disposer d’un prolongement politique large pour porter les exigences des travailleurs sur l’arène politique tout en étant un parti de lutte, qui ne se cantonne pas à l’activité électorale. Les PS, Partis Travaillistes, Pasok et autres sont totalement passés dans l’autre camp depuis belle lurette.
Pour une grève générale européenne
De même que la lutte internationale ne doit pas servir de prétexte à laisser sa propre classe dirigeante nationale tranquille, une coordination des luttes par-delà les frontières – et particulièrement au niveau européen – est absolument cruciale. A ce niveau aussi, la faiblesse de la direction du mouvement des travailleurs est criante : la Confédération Européenne des Syndicats (CES) reçoit ainsi une partie de ses subsides de la Commission Européenne, et a toujours considéré son action dans le cadre de la construction loyale d’une Union Européenne capitaliste ‘‘sociale’’. On en voit le résultat.
Le mot d’ordre d’une grève générale européenne est aujourd’hui d’une extrême importance, et la journée d’action européenne du 14 novembre dernier en a illustré le potentiel. Cette action coordonnée de plus grande ampleur que par le passé était un reflet de la pression grandissante de la base syndicale sur les divers syndicats européens et sur la CES elle-même. En Espagne et au Portugal, des grèves générales de 24 heures ont eu lieu (ce fut la plus massive et militante depuis 1974 au Portugal tandis qu’un million de personnes avaient manifesté à Barcelone et à Madrid). Des actions de grève avaient aussi eu lieu en Italie, en Grèce, à Malte, à Chypre et en Belgique. Comme nous le disions à l’époque : ‘‘Le génie des actions de grèves internationales est sorti de sa lampe.’’
La combativité nécessaire à la victoire est bel et bien présente. Mais toute cette énergie ne peut être que dilapidée si elle n’est pas canalisée au travers d’un plan d’action combatif, avec un échéancier clair capable de peu à peu (re)mobiliser tous ceux qui veulent se battre mais se rendent bien compte que nombre de responsables syndicaux ne sont eux-mêmes pas convaincus qu’il est possible d’inverser la tendance antisociale actuelle. Laisser cette situation perdurer équivaut à ouvrir grand la voie à la droite la plus réactionnaire et à l’extrême-droite. Avec les conséquences que cela implique.
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Vers une grève générale européenne de 24 heures !
Le 14 novembre : journée de lutte historique contre l’austérité
Le 14 novembre dernier, la Confédération Européenne des Syndicats (CES) avait appelé à une journée internationale d’action contre l’austérité. Nous avons pu avoir un petit aperçu de la force réellement monumentale qui est celle du mouvement des travailleurs. Des millions de travailleurs sont partis en grève ou ont manifesté le même jour, dans plus d’une vingtaine de pays. Comment aller de l’avant à présent ?
Par Nicolas Croes
- Rubrique de ce site consacrée au 14 novembre
- Tract du PSL pour le 14 novembre
Cette journée d’action fut – et de loin – la plus importante jamais organisée par la CES. Le 29 septembre 2010, elle avait organisé une journée d’action, mais il était essentiellement question d’une manifestation à Bruxelles, capitale de l’Union européenne. Plus de 100.000 personnes y avaient participé tandis que l’Espagne connaissait, seule, une grève générale de 24 heures. À l’époque déjà, le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) et ses sections (dont le PSL en Belgique) avait défendu la nécessité d’une grève générale européenne de 24 heures comme prochaine étape dans la construction d’un rapport de force international contre l’austérité.
Le tract du CIO distribué en plusieurs langues dans le cortège de la manifestation dans les rues de Bruxelles expliquait notamment : « La Confédération Européenne des Syndicats a été obligée d’appeler à cette journée de lutte à cause de la pression exercée par la base syndicale en faveur d’actions solidaires à échelle internationale. Toutefois, certains dirigeants syndicaux verront en cette journée une autre possibilité de faire baisser “la pression” en organisant des actions symboliques inefficaces. (…) Les grèves et les manifestations (…) devraient être entreprises dans la perspective (…) de construire une grève générale de 24 heures dans toute l’Europe. Une telle grève ébranlerait les fondations du capitalisme européen et renforcerait infiniment la confiance et la détermination des travailleurs et des jeunes contre l’offensive d’austérité. »
Nous avons saisi chaque occasion pour faire entendre ce mot d’ordre, notamment lorsque la Fédération européenne des sidérurgistes (FEM) avait appelé tous les travailleurs d’ArcelorMittal et de ses sous-traitants en Europe à faire grève le 7 décembre 2011, un « exemple à énergiquement utiliser pour défendre l’organisation d’une grève générale européenne de 24 heures », comme nous l’avions dit dans notre matériel politique diffusé à la manifestation du 6 décembre 2011 à Liège, en solidarité avec les métallos d’ArcelorMittal.
Il a fallu attendre longtemps, jusqu’au 29 février 2012, pour avoir un nouvel appel de la CES, un appel dont l’ambition avait été particulièrement revue à la baisse puisqu’il ne s’agissait que d’organiser des “actions symboliques”. En Belgique, ce mot d’ordre timoré a d’ailleurs été instrumentalisé par nos directions syndicales dans le cadre de leurs efforts visant à faire honteusement atterrir le mouvement anti-austérité qui avait culminé avec la grève générale du 30 janvier 2012.
La pression de la base se développe
Cette décision d’organiser le 14 novembre une action coordonnée de plus grande ampleur reflète la pression grandissante issue de la base syndicale, pression qui s’est ouvertement exprimée le jour même. En Espagne et au Portugal, l’appel avait concrètement pris la forme de grèves générales de 24 heures. Au Portugal, cette grève générale fut la plus massive et militante depuis la Révolution des Œillets de 1974 qui avait fait tomber la dictature salazariste au pouvoir depuis 1933. En Espagne, les syndicats parlent d’une participation à hauteur de 77% des travailleurs, soit un pourcentage bien plus élevé que lors des précédentes grèves générales. À Barcelone et à Madrid, un million de personnes ont battu le pavé tandis que de nombreuses régions connaissaient les plus importantes manifestations de leur histoire.
En Italie, la principale confédération syndicale du pays, la Confédération générale italienne du travail (Confederazione Generale Italiana del Lavoro, CGIL) avait appelé à une « grève générale de 4 heures ». Mais dans plusieurs secteurs, comme le commerce, les télécommunications, les écoles et la fonction publique, la grève a été étendue à 8 heures. La participation aux manifestations a de plus été réellement impressionnante. En Grèce, le secteur privé a stoppé le travail en solidarité durant 3 heures, mais le pays venait de sortir d’une grève générale de 48 heures une semaine auparavant. À Malte et à Chypre, des actions de grève ont également eu lieu. La prochaine étape du mouvement sera très probablement une grève générale commune au sud de l’Europe. Le génie des actions de grèves internationales est sorti de sa lampe.
Il nous faut un plan d’action !
Le caractère destructif et interminable de l’austérité n’est pas partout perçu de la même façon. Certains espèrent encore un “retour à la normale” ou pensent que la contagion du scénario grec restera cadenassée au sud de l’Europe. La pression de la base varie donc en intensité. Les dirigeants syndicaux n’ont de plus pas d’alternative à proposer à la classe sociale et sont souvent pieds et poings liés à la social-démocratie. Ils n’offrent pas de perspective qui gonfle suffisamment la confiance des travailleurs pour que ces derniers se lancent dans la lutte. Soit ils n’organisent rien (ce fut le cas le 14 novembre en Flandre), soit ils organisent des actions sans lendemain, dont on ne peut que suspecter qu’elles ont principalement pour but de faire baisser la pression (ce fut le cas en Wallonie et à Bruxelles le 14 novembre).
Comme nous l’expliquions dans notre tract distribué en Belgique : « Cette situation diminue la pression qui peut venir de la base, un élément qui à son tour est utilisé comme excuse pour ne rien faire de la part de certaines directions syndicales. D’autres préfèrent la fuite en avant dans la radicalité, mais sans avoir préparé le terrain. Il ne nous faut ni passivité, ni aventurisme, mais un plan d’action bien élaboré qui offre une perspective de victoire. »
L’autorité du capitalisme n’a jamais été aussi minée depuis les années ‘30. Mais la faiblesse des capitalistes ne conduit pas automatiquement à la victoire du mouvement des travailleurs. Cette tâche exige de sérieusement organiser l’offensive, avec des assemblées générales d’information sur les lieux de travail, dans les écoles, les universités et les quartiers pour discuter d’un plan d’action comprenant de bons piquets de grève aux entreprises, dans les zonings industriels et les centres-villes, des manifestations (ce qui permet d’impliquer ceux qui ne sont pas intégrés dans les délégations syndicales comme les chômeurs, les jeunes, les retraités, les travailleurs précaires…), des occupations d’entreprises…
Cela nécessite également de construire des relais politiques pour les luttes sociales, avec de nouveaux partis pour et par les travailleurs, larges et démocratiques, qui considèrent que l’essentiel de leur activité est dans la rue auprès de la base syndicale et non dans les Parlements. Les élections et l’activité parlementaires ne doivent être que des moyens au service de la lutte des masses contre l’austérité et, in fine, pour un projet de société basé sur l’épanouissement des possibilités de chacun et la satisfaction des besoins de tous. C’est ce que nous appelons le socialisme démocratique.
- Non à l’austérité! Pour la défense des services publics et des pensions! C’est aux patrons de payer pour leur crise!
- Pour des syndicats combatifs et démocratiques et des partis larges de travailleurs combatifs!
- Dans chaque pays : pour un plan d’action combatif, démocratiquement discuté à la base, afin de construire le meilleur rapport de force contre l’offensive antisociale et d’élever la conscience des masses par la discussion et l’action collective !
- Pour un plan d’action vers une grève générale de 24 heures à l’échelle européenne!
- Non à la dictature des marchés ! À bas les agences internationales de notations de crédit et le FMI ! Stop au paiement des dettes de l’État aux capitalistes! Arrachons la richesse des mains des spéculateurs super riches!
- Nationalisation des secteurs clés de l’économie (finance, énergie, sidérurgie…) sous le contrôle démocratique et la gestion des travailleurs!
- Non au chômage de masse ! Pour la réduction du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires !
- Pour des programmes massifs de travaux publics afin de créer des emplois socialement utiles et de répondre aux besoins de la population!
- Non à l’Europe des patrons et des marchés! Pour une Europe socialiste démocratique!
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14 novembre : Le mouvement ouvrier espagnol illustre quelle est sa force
- La lutte doit se poursuivre ! Pour une grève générale de 48 heures !
- La lutte doit aller de l’avant et s’intensifier, dans l’Etat espagnol comme en Europe !
La grève générale du 14 novembre dernier, à l’instar de celles du 29 mars de cette année et de celle du 29 septembre 2010, a secoué toute la société de l’État espagnol. Les syndicats parlent d’une forte participation à la grève, à hauteur de 77%, un pourcentage bien plus élevé que lors des précédents mouvements de grève. La mobilisation, et la paralysie qui en est issue, a été particulièrement forte dans l’industrie et dans les transports, les plus forts bastions du mouvement ouvrier organisé.
Déclaration de Socialismo Revolucionario (CIO-Espagne)
- Rubrique de ce site consacrée au 14 novembre
- Tract du PSL pour le 14 novembre
De plus, bien plus de chômeurs, de jeunes, de retraités et de travailleurs précaires employés dans des secteurs moins bien organisés (tels que les services et l’hôtellerie) et incapables de faire grève car étant sous la menace d’un licenciement immédiat, ont montré leur soutien actif à la grève en participant à de gigantesques manifestations tout au long de la journée. Des millions de personnes – 5 millions selon les sources syndicales – ont défilé dans tout l’Etat, avec notamment des manifestations de plus d’un million à Barcelone et Madrid. Certains endroits ont connu les plus grandes manifestations de leur histoire, comme la région du nord de la Galice, où un demi-million de personnes ont défilé dans les principales villes. Même les données déformées de la police et de la presse capitaliste (60.000 à A Coruna et 45.000 à Ferrol) donnent l’indication d’un tournant historique.
Dans les principaux lieux de travail de l’industrie du pays, (par exemple Telefonica, Seat, Toyota, etc.), ainsi que dans les transports (alors qu’un ”service minimum” avait été convenu), la grève générale a touché près de 100% des travailleurs. La paralysie de l’économie ainsi que le blocage des centres-villes à travers tout l’État, une des caractéristiques de cette journée du 14 novembre, sont autant de rappels que, fondamentalement, l’économie est incapable de tourner sans la permission de la classe ouvrière organisée.
Il n’y a quasiment eu qu’un seul ”point noir” : le refus des dirigeants des syndicats nationalistes basques – ELA et LAB – de soutenir l’appel à la grève générale. Cette décision reflète un sectarisme absurde, en particulier au regard du caractère international de la mobilisation et des grèves générales ce 14 novembre. En dépit de cela toutefois, un grand nombre de membres de la base de ces syndicats sont parti en action de façon extrêmement déterminée. Dans certaines usines d’importance, comme Volkswagen à Pampelune, les travailleurs sont partis en grève malgré l’attitude de leurs directions syndicales. Tout cela illustre la volonté de la base du mouvement ouvrier et sa préparation à partir en lutte, y compris en passant sur la tête de ses ”dirigeants” si cela est nécessaire. Cette tendance est à renforcer, et deviendra de plus en plus forte dans la prochaine période de la lutte.
Vers la démobilisation ou l’intensification?
Le succès remporté par la grève générale et les diverses mobilisations montre clairement, une fois de plus, que notre classe n’est pas prête à accepter des conditions de vie de misère, le chômage, la perte de ses droits et la destruction des services publics. En bref, les travailleurs refusent la politique imposée par le gouvernement et la dictature des marchés.
Il nous faut cependant tirer les leçons des grèves générales précédentes et nous battre pour le 14 novembre ne soit pas seulement une action symbolique de plus organisée par les directions des syndicats majoritaires (CCOO et UGT) afin de permettre à la colère de se défouler avant de rapidement organiser la démobilisation par la suite. Après la grève générale du 29 mars dernier contre la réforme du travail du Parti Populaire, cette stratégie de démobilisation a conduit à l’adoption d’une législation encore plus défavorable aux travailleurs que celle prévue avant la tenue de la grève ! Après la grève, les dirigeants syndicaux Toxo et Mendez n’avaient seulement plaidé que pour une ”amélioration” de la réforme par le Parlement Voilà où conduit la stratégie des directions syndicales qui consiste à préférer les discussions avec les politiciens capitalistes à la mobilisation de la toute la force de la classe ouvrière pour vaincre les attaques antisociales.
Nous sommes actuellement dans une conjoncture similaire. Le jeudi, les dirigeants du CCOO et de l’UGT parlaient du grand succès de la grève pour appeler le gouvernement à modifier sa politique ou à chercher ”l’approbation du peuple” en demandant un référendum ! Nous devons bien comprendre qu’aucun changement dans la politique du gouvernement ne sera obtenu sans une lutte soutenue et croissante de la classe ouvrière et de la jeunesse, pour vraiment faire monter la pression. Un aperçu en a été donné dans les derniers développements de la lutte contre les expulsions de maisons. Les nouvelles mesures annoncées par le gouvernement après la grève (l’imposition d’un moratoire sur les expulsions dans un petit nombre de cas), en dépit de leur caractère largement insuffisant, sont le produit direct de la lutte de ces dernières années, y compris des actions directes de blocage d’expulsions, de manifestation et d’occupation des banques, etc.
C’est dans ce même esprit que nous devons poursuivre la lutte contre ce gouvernement d’austérité et de misère jusqu’à ce qu’il soit abattu. Mais il nous faut aussi lutter contre ceux qui veulent démobiliser notre mouvement quand il ne fait que commencer. Avant le 14 novembre, les initiatives locales de diverses plates-formes militantes, souvent issues du "15M" (les Indignés), ont instauré des "comités de grève” dans les quartiers et ont notamment organisé les travailleurs de la construction au niveau local.
Ces comités doivent maintenant être utilisés pour organiser le mouvement de la base et pour nous battre pour une stratégie combative, pour vaincre la stratégie démobilisatrice des dirigeants syndicaux. Certains syndicats plus petits (comme les Cobas) ont déjà pris position en faveur de l’appel à une nouvelle grève générale, dans le cadre d’un plan d’action visant à vaincre l’austérité du gouvernement du PP et des autres gouvernements. Socialismo Revolucionario, la section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’Etat espagnol, soutient la convocation d’une nouvelle grève générale, pour 48 heures, ainsi qu’une escalade de l’action du mouvement ouvrier avec un bon plan d’action. L’occupation partielle des travailleurs des hôpitaux de Madrid pourrait également constituer un autre élément de la stratégie de lutte, celle de l’occupation des lieux de travail, des bâtiments officiels et des ministères, pour résister aux licenciements et aux privatisations.
Des comités démocratiques et des assemblées peuvent jouer un rôle crucial dans le cadre du "service minimum" exigé dans les principaux services essentiels (hôpitaux, etc.), où les gouvernements régionaux et central tirent parti de la législation anti-syndicale afin d’imposer des niveaux abusifs de présence pour le service minimum dans un large éventail de secteurs (par exemple, jusqu’à 50% dans les transports publics dans certaines régions!). Les énormes variations qui existent dans l’imposition du service minimum entre les différentes régions résultent de la pression des gouvernements locaux et des patrons.
Comme le scandale des expulsions forcées de logement et les tentatives du gouvernement de calmer la situation l’ont montré, l’administration Rajoy est dans une position beaucoup plus faible que lors de la grève générale du 29 mars. La colère massive contre les expulsions et la législation hypothécaire abusive actuelle s’est étendue jusqu’à des secteurs où on ne l’attendait pas : les juges, la police, et même des personnalités au sein du PP lui-même ! Tout cela illustre la faiblesse du gouvernement.
Le PP fera tout pour s’accrocher au pouvoir, notamment grâce à sa majorité parlementaire, mais l’affaiblissement du gouvernement se poursuivra, et ouvrira la possibilité d’une lutte victorieuse pour faire tomber ce gouvernement et pour défendre l’arrivée d’un gouvernement ouvrier orienté vers la défense de nos intérêts. Cependant, pour la réalisation de cette tâche, les travailleurs et les jeunes doivent être armés d’un relais politique sous la forme d’une gauche de anticapitaliste armée d’un programme authentiquement socialiste qui refuse le paiement de la dette et défend la nationalisation des banques et des secteurs-clés de l’économie, sous le contrôle et la gestion démocratique des travailleurs.
Une fois toutes ces ressources aux mains du public, les besoins de tous pourraient être garantis (un revenu de base, un travail digne, de bons soins de santé, un enseignement gratuit et de qualité, de bons logements accessibles, etc.) dans le cadre d’une économie démocratiquement planifiée.
Le 14 novembre fut la première grève générale de la péninsule ibérique. Des grèves partielles de quelques heures ont également eu lieu en Grèce et en Italie, et des grèves et d’autres actions ont également été organisées dans des pays du nord de l’Europe comme en Belgique, en Allemagne et en France.
Cette coordination historique des luttes est d’une grande importance, et pose la question d’une grève générale européenne de 24 heures, une grève contre l’austérité de l’Europe capitaliste qui sacrifie les travailleurs et les chômeurs pour satisfaire les diktats du marché. Cela peut poser les bases d’une lutte pour une nouvelle Europe des travailleurs, gérée dans l’intérêt de la grande majorité.
- La lutte doit se poursuivre ! Pour une grève générale de 48 heures !
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Espagne : Les mineurs se rendent à Madrid et montrent la voie de la lutte aux travailleurs !
Pour une grève générale de 48 heures destinée à renverser le gouvernement Rajoy
Des milliers de mineurs sont arrivés à Madrid la semaine dernière, au terme d’une marche sur la capitale dans le cadre de leur lutte pour défendre leurs emplois. Ils y ont été accueillis par des milliers de travailleurs et jeunes madrilènes descendus afin d’exprimer leur solidarité tandis que des pompiers les ont escortés à travers la capitale, jusqu’au devant du parlement. Le jour même de l’arrivée des mineurs, Rajoy et le gouvernement de droite du PP (Parti Populaire) ont annoncé de nouvelles mesures budgétaires, qui comprennent selon divers observateurs les pires coupes budgétaires depuis 1956, à l’époque de la dictature fasciste de Franco.
John Hird, Socialismo Revolucionario (CIO-Espagne)
La couverture du magazine satirique EL JUEVES montre Mariano Rajoy embrasser à pleine bouche le joueur de foot Iker Casillas, en parodie du fameux baiser qu’Iker avait donné à sa compagne lorsque l’Espagne avait remporté la coupe du monde de foot il y a deux ans. Rajoy a tout tenté pour être associé à la récente victoire de l’équipe espagnole lors de la coupe de l’Euro 2012. Rajoy a même appelé le coach Vincente Del Bosque à “gagner la coupe pour l’Espagne afin de nous aider à oublier la crise.” Del Bosque a répondu que son équipe ferait de son mieux, mais que la victoire ne résoudrait pas les problèmes sociaux-économiques du pays. Quel grand coach et quel homme avisé !
Les mineurs des Asturies et d’autres régions ont apporté la lutte de classe jusqu’à la porte de Rajoy et ont balayé le facteur ’Euro Cup’. Le célèbre footballeur David Villa (du FC Barcelone et de l’équipe nationale) a même ouvertement déclaré son soutien pour les mineurs et leur lutte. Alors que les mineurs étaient en marche à Madrid, ils chantaient : "Esta es nuestra selección" (“voilà notre équipe”.) Un mineur a commenté dans les médias qu’il s’attendait à un bon accueil à Madrid, mais qu’avec l’accueil incroyable qu’ils ont finalement reçu, il se sentait réellement comme étant dans ’La selección’.
L’arrivée des mineurs à Madrid a été telle une catharsis pour les autres couches de travailleurs également cibles d’attaques antisociales, comme les pompiers, les enseignants et les fonctionnaires locaux. “Les mineurs sont notre fierté!” Les chants d’encouragement de ces travailleurs illustrent que le mouvement des mineurs rassemble la colère qui vit en Espagne. Les mineurs eux-mêmes reprennent des chants de la guerre civile espagnole comme “Santa Barbara”. Même le grand quotidien bourgeois El Pais admet l’idée que la “lucha obrera” (la lutte ouvrière) reprend de la vigueur. Mais en général, les médias espagnols continuent de jouer un rôle des plus lamentables. Alors que des dizaines de milliers de travailleurs manifestent dans les rues de Madrid, les chaînes de TV continuent de diffuser un menu d’émissions de sport, de films américains et de d’émissions de variété.
La presse gouvernementale ne fait que publier des mensonges à propos des mineurs. Selon ABC, les mines sont si sûres que les femmes peuvent s’y rendre en hauts talons, alors que les mineurs reçoivent des salaires de 2.100 euros par mois, ce qui est loin d’être le cas. Les mineurs auraient dilapidé les millions d’euros de subsides qu’ils ont reçu et – l’attaque n’est pas neuve – ce seraient des gens violents. Dans les faits, les mineurs reçoivent en moyenne un salaire compris entre 1.000 et 1.500 euros par mois pôur un travail très dangereux. Un policier gagne environ 1.900 euros.
Toute l’industrie est subsidiée en Espagne, y compris les transports et l’agriculture. Pourquoi s’en prendre aux mineurs, dont les subsides ne représentent qu’1% de l’aide publique totale ? Les banques espagnoles ont encore récemment reçu une centaine de milliards d’euros, et où est passé tout cet argent ? Les subsidies accordés aux compagnies minières ont été gaspillées auprès des entreprises minières privées et des gouvernements locaux et régionaux. Cela aurait dû être consacré à l’amélioration des infrastructures et à la création d’emplois. Les mineurs ne sont pas responsables de cela, et de nombreux travailleurs espagnols le comprennent fort bien. Concernant la violence, que peut-il bien y avoir de plus violent que la destruction brutale de 8.000 emplois directs dans les mines et de 30.000 emplois indirects dans toute la collectivité ? La seule réponse de Rajoy face aux exigences des mineurs a été de mobiliser la police nationale et la Garde Civile, ce qui constitue une véritable provocation pour les communautés de mineurs. Les mineurs et leurs familles ont déjà souffert de leur brutale répression. A Ciñera, León, des balles en caoutchouc ont été utilisées, de même que des gaz lacrymogènes.
Les mineurs féminines ont aussi marché des Asturies à Madrid, et les femmes des mineurs ont aussi commencé à s’organiser. Des milliers de personnes ont pris part aux manifestations massives aux portes du ministère de l’Industrie, avec les mineurs aux côtés de leurs familles et de travailleurs de tous les secteurs de Madrid, parmi lesquels les travailleurs du secteur de l’enseignement. Les manifestations se sont principalement déroulées pacifiquement, malgré les provocations policières. Mais de véritables batailles rangées ont eu lieu, avec le quartier général du Parti Populaire protégé par une douzaine de véhicules armés de la police.
Les politiciens vivent en plein déni. Esperanza Aguirre, présidente de la communauté de Madrid, a refusé d’admettre l’ampleur de la marche des mineurs, tandis que Rajoy n’a jusqu’à présent pas une seule fois mentionné leur cas. A Los Cortes, seul le dirigeant d’Izquierda Unida (Gauche Unie) a quelque peu reflété la colère qui prend place dans le pays en affirmant que les récentes mesures de coupes budgétaires étaient comme de jeter de l’essence dans les rues d’Espagne.
Pour une grève générale de 48 heures
Alors que les mineurs étaient en pleine manifestation, Rajoy a annoncé une augmentation de la TVA de 3% et une réduction importante des allocations de chômage. Rajoy a affirmé que cela “encouragerait” les chômeurs à trouver de l’emploi ! Il y a actuellement plus de 5 millions de travailleurs sans emploi dans le pays… Au total, le pays devra économiser sur les deux ans et demi à venir, c’est à dire d’ici à la fin 2014, 65 milliards d’euros supplémentaires, en plus des précédentes mesures. Le gouvernement capitaliste propose aussi de réduire le nombre de permanents dans les syndicats afin de les rendre moins aptes à défendre les travailleurs. Des protestations spontanées de travailleurs du secteur public (enseignants, fonctionnaires, éboueurs, et même certaines sections de la garde civile) ont eu lieu dans les rues. Selon El Pais, certains membres de la police anti-émeute ont retiré leurs casques à un moment, en signe de solidarité. Tout cela n’est qu’une anticipation de l’explosion sociale massive et des lutes qui vont surgir en Espagne au cours des prochaines mois.
Samedi dernier, Rajoy a dû annuler des apparitions publiques en raison des protestations. D’anciens premiers ministres, comme Aznar et Zapatero, ont déjà dû faire face à une aversion semblable. Mais comme El Pais le souligne, ils ont eu à le faire après 5 années passées au pouvoir alors que Rajoy n’est au pouvoir que depuis 6 mois !
La ligne de front est claire. Le gouvernement n’agit que pour le grand capital. Leur seule politique est de faire payer les pauvres et la classe ouvrière. Hier encore, de nombreux travailleurs étaient en colère face à ce constat, mais n’avaient pas encore la confiance suffisante pour résolument parti à la contre-attaque. C’était hier. Aujourd’hui, les mineurs espagnols ont montré la voie de la résistance à toute la classe des travailleurs. Les syndicats ont appelé à des protestations nationales pour ce 19 juillet. Cela ne sera pas suffisant. Une grève générale de 48 heures est nécessaire en tant que prochaine étape dans la lutte pour renverser le gouvernement Rajoy et lutter pour une alternative favorable aux travailleurs.
La police anti-émeute solidaire des manifestants
Sur la photo ci-dessous, on peut voir les policiers placés devant le Parlement de Madrid retirer leurs casques afin de soutenir les manifestants. Cette image est bien entendu très populaires sur les médias sociaux, tandis que la presse traditionnelle reste étrangement silencieuse à ce sujet…
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Manifestation européenne contre la privatisation du transport
Ce 28 mars 2012, à l’initiative du syndicat britannique le RMT, quelques centaines de membres de délégations européennes de syndicats du transport se sont réunies à Bruxelles afin d’y protester contre un texte de l’Union Européenne prévoyant la privatisation de tous les secteurs du transport. Des membres des syndicats britanniques RMT, Unison et Aslf étaient présents, de même que des syndicats français Sud RATP et Solidaires Transports, du syndicat italien USB, du syndicat portugais CGTB, du syndicat chipriote POA, de la CGT de Barcelone, du CIPTU irlandais et de la CGSP Transports. Il est toutefois regrettable que la Fédération Européenne des syndicats du Transport (FET) n’ait pas activement soutenu l’initiative. Une délagation de la Gauche Unitaire Européenne (GUE/NGL) était aussi présente.
Par Karim (Bruxelles)
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Espagne / Portugal : Des centaines de milliers ‘d’Indignados’ ont occupé les rues le ‘15-O’
Construisons la résistance de masse contre l’austérité!
Les “Indignad@s”, les “Wall Street occupiers” et des centaines de milliers d’autres manifestants, partout à travers le globe, ont occupé les rues ce samedi 15 octobre. Ils contestaient le pouvoir des grandes banques et du Grand Capital dans le cadre d’une protestation internationale (‘15-O’). Voici ci-dessous un rapport d’Espagne et du Portugal, où se sont déroulées certaines des plus grosses mobilisations.
Par des correspondants de Socialismo Revolucionario (CIO-Espagne) et de Socialismo Revolucionario (CIO-Portugal)
Espagne
Puerta del Sol, à Madrid, le berceau du mouvement des indignados, a connu une puissante manifestation ce 15 octobre : cinq cents mille personnes ont envahi les rues ce jour-là ! À Barcelone, les organisateurs ont compté 400.000 participants, et 60.000 à Seville. Des dizaines de milliers d’autres ont défilé dans les rue de Valence, de Bilbao et ailleurs dans le pays. Les Indignés étaient de retour, avec une colère inchangée. L’aggravation de la crise économique du capitalisme espagnol ainsi que l’avalanche de coupes budgétaires et d’attaques contre le niveau de vie continuent à attiser les flammes de la protestation et de la radicalisation. Les élections auront lieu le 20 novembre prochain mais les manifestations massives de ce samedi ont constitué un vibrant rappel du fait que cette multitude de travailleurs, de jeunes et de chômeurs affirment qu’ils ne sont pas représentés par les partis de l’establishment.
Après l’explosion du mouvement après les manifestations ‘Democracia Real Ya !’ le 15 mai dernier, le mouvement 15-M, comme il s’est par la suite fait connaître, a réussi à s’enraciner dans la société espagnole. Bien qu’à une échelle plus limitées, les assemblées populaire que le mouvement a lancées dans les grandes villes d’Espagne ont continué à fonctionner tout au long de l’été. A partir des protestations massives de mai et de juin, le mouvement s’est orienté vers des campagnes locales, en organisant par exemple la résistance contre des centaines d’expulsions de logements ou avec des blocages de masse pour aider ceux qui étaient menacés d’être mis à la porte de chez eux. Samedi dernier, le mouvement a pu démontrer qu’il était encore capable de mobiliser des centaines de milliers de personnes, la participation rivalisant avec celle du 19 juin dernier, quand plus d’un million de personnes avaient manifesté. Mais cette fois, ils ont été rejoints par des centaines de milliers d’autres sur les 5 continents.
La puissante réaction des travailleurs face aux coupes brutales mises en œuvre par le PSOE et le PP dans les gouvernements fédéraux et régionaux au cours de ces derniers mois – y compris la lutte des enseignants en défense de leurs emplois et de leurs conditions de travail à Madrid et dans d’autres régions – a également eu un impact sur le mouvement. Les masses de jeunes ont été rejoints par de nombreux travailleurs plus âgés et des militants anti-austérités, avec des slogans soulignant l’opposition du Mouvement contre le massacre des budgets publics et revendiquant des soins de santé et une éducation gratuits et de qualité. Ces revendications sont essentielles pour que le mouvement soit capable de se développer plus loin, en tant que force de masse capable de fédérer l’opposition qui existe dans la société en une lutte de masse pour une alternative à l’austérité et le chômage de masse.
Socialismo Revolucionario (CIO-Espagne) a participé à des manifestations de plusieurs villes du pays, en plaidant pour que le mouvement avance à partir du 15 octobre en direction d’actions encore plus efficaces, comme en construisant de la base une grève générale. Le 15-M peut constituer un puissant outil pour aider les travailleurs à pousser les dirigeants syndicaux à entrer en action en défense de la majorité de la population. Les assemblées doivent dorénavant être à nouveau ‘remplies’, et s’implanter également sur les lieux de travail afin de commencer à construire le blocage de l’économie. De cette façon, on pourrait réellement faire sentir le pouvoir de la majorité. Armé d’un programme politique alternatif appelant à la propriété publique et démocratique des banques et des principaux piliers de l’économie, ce mouvement pourrait soulever la possibilité d’une lutte capable de mettre fin à ce système pourri et d’instaurer une véritable démocratie.
Portugal: 100.000 personnes à Lisbonne
Environ 100.000 manifestants ont défilé à travers Lisbonne samedi dernier, 20.000 autres à Porto et des milliers encore dans diverses autres villes et villages portugais. La campagne de mobilisation pour le ’15-O ‘, dans laquelle les militants de Socialismo Revolucionario (CIO-Portugal) étaient profondément impliqués, avait duré plusieurs semaines. Des dizaines de milliers de personnes ont pris d’assaut la police anti-émeute pour occuper les marches du Parlement à Lisbonne, et on a pu voir des scènes jamais vues depuis la Révolution portugaise de 1974.
Les manifestations ont fortement été inspirées par le mouvement des indignés espagnols qui, avec des protestations de masse, des occupations et des assemblées populaires, a paralysé les centres ville et su capter un large soutien dans la population. Nombreux sont ceux qui veulent voir se développer un tel mouvement au Portugal. Plus de 10.000 personnes ont assisté à une assemblée de masse après la manifestation de Lisbonne, où les décisions de camper la nuit dans le centre-ville et d’organiser une nouvelle manifestation de masse le 26 novembre ont été prises. Des syndicalistes de la base, y compris des membres de SR, se sont également adressés à l’Assemblée, où un énorme soutien a été exprimé pour l’appel à l’organisation démocratique d’une grève générale dans le cadre d’un mouvement de masse destiné à lutter contre le gouvernement et l’austérité de la troïka (Commission européenne, de la Banque centrale européenne et du FMI). Reflétant la pression de la jeunesse en révolte, les dirigeants syndicaux du CGTP ont annoncé, la veille de la manifestation, que leur plan d’action comprendrait l’organisation d’une grève générale. D’autre part, une déclaration a fait état du fait que le personnel militaire avait informé le gouvernement qu’il prenait le côté du peuple dans leur lutte contre l’austérité, tout en avertissant d’une ‘‘révolution’’.
Les manifestants, principalement jeunes, ont utilisés leurs slogans et pancartes pour dénoncer le massacre des conditions de vie actuellement mené par le gouvernement, suivant les diktats de la “Troika”. Le gouvernement a annoncé de nouvelles et brutales mesures d’austérité au fur-et-à-mesure que la journée du 15 octobre arrivait. Ce mouvement, qui doit maintenant aller de l’avant et construire des assemblées et des occupations en gagnant le soutien actif des travailleurs, peut constituer une partie cruciale de la riposte contre la destruction de l’économie, de nos niveaux de vie et de l’avenir des Portugais.
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La pression de la rue augmente en Europe: Unifions la résistance!
Le 15 octobre, les Indignés seront à nouveau dans les rues. Ce mouvement est né au printemps dernier en Espagne afin de protester contre la destruction des conditions de vie et le manque de démocratie dans la société et s’est directement inspiré du mouvement révolutionnaire en Afrique du Nord et au Moyen Orient. Le 15 octobre sera une journée de mobilisation internationale, notamment à Bruxelles.
Les problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs et les jeunes à travers l’Europe sont similaires. La crise menace l’avenir de toute une génération, et même des générations futures. Les services publics, comme l’enseignement, sont désintégrés.
Près de la moitié des jeunes espagnols est au chômage, et le taux de chômage a quasiment triplé depuis le début de la crise. Près de 40% des communes espagnoles sont menacées de faillite et des villes fantômes se sont développées, de même que des bidonvilles autour des grandes villes.
La crise conduit au désespoir – le nombre de suicides a doublé en Grèce depuis le début de la crise – mais aussi à la résistance collective. Après les grèves générales et les manifestations grecques ont suivi les occupations espagnoles et, début septembre, une courte grève générale en Italie. Le 11 octobre, la France connaîtra une ‘‘journée nationale d’action interprofessionnelle’’ tandis que les Indignés appellent à une journée de mobilisation internationale le 15 octobre. Il s’agit d’une occasion majeure. Les économies sont partout identiques, la riposte se doit d’être unie.
Pour faire un succès des protestations européennes, il nous faut un plan d’action combatif et une alternative à la politique d’austérité. Un plan d’action mobilisateur pourrait, par exemple, aboutir à une grève générale à l’échelle européenne. Cela serait une excellente réponse aux diverses tentatives de monter les travailleurs les uns contre les autres au Nord et au Sud de l’Europe.
Le mouvement des Indignés tourne le dos aux partis politiques traditionnels. Effectivement, nous ne devons pas nous attendre à ce qu’ils représentent le prolongement politique de nos revendications. Contre cette pensée unique néolibérale qui cimente les partis établis, nous avons besoin d’une alternative politique.
Nous appelons à participer aux activités autour du 15 octobre. Nous y interviendrons avec notre programme de transformation socialiste de la société. Tous les remèdes utilisés dans le cadre du capitalisme ont failli. Ce système est malade, nous devons l’achever et le remplacer par un système démocratique basé sur les besoins de la majorité de la population.
Pour y parvenir, nous devons nous organiser et discuter largement de ce que signifie une alternative socialiste. La journée d’action du 15 octobre n’est pas une fin en soi, mais une opportunité à saisir pour appeler à l’organisation d’une grève générale européenne et pour opposer des alternatives à la politique d’austérité. Renforcez ce combat, rejoignez le PSL !
Manifestation ce samedi 15 octobre à Bruxelles 14h, gare du Nord.
Débats: Jeunes en lutte en Europe: Unifions la Résistance !
Avec des participants aux luttes en Grèce et en Espagne : Donna Litzou, étudiante active en Grèce, Xekinima et Clara Aguila, jeune espagnole indignée de Barcelone, Socrev.
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[INTERVIEW] Fureur et désespoir en Grèce
Nouvelle vague de grèves et de protestations estudiantines – Mais comment arrêter ce tsunami de restrictions ?
Récemment, la troïka (Commission Européenne, Banque Centrale Européenne et Fonds Monétaire International) a débarqué à Athènes pour passer en revue les ”progrès” du gouvernement grec dans son planning sacrificiel (progrès réalisés en échange d’un ultime dégagement de fonds voués au sauvetage du pays). Pendant ce temps, le peuple souffre au-delà de ce qu’il est possible d’endurer. Ces quatre dernières années, les revenus du ”Grec moyen” ont connu une chute spectaculaire de 50%, phénomène que le New York Times n’a pas hésité à comparer à une ”spirale de mort”.
Entretien avec un militant grec
Pertes d’emploi massives, taxes en augmentation et spectre d’une inflation menaçante sont en train de ruiner la vie des travailleurs. Selon le ”Guardian” du 24 septembre dernier, Athènes qui est le port d’attache d’un tiers de la population grecque – laquelle compte pas moins de 11.000.000 d’individus – est frappée par une recrudescence de crimes et de délits divers. Les sans-abri sont en nette augmentation et l’addiction aux drogues n’est plus une réalité marginale. Les journaux mentionnent également le cas de malades psychiatriques éjectés de leur institution faute de place…
Beaucoup de commerçants sont contraints de fermer boutique. Les gens sont réduits à fouiller les poubelles une fois la nuit tombée et les pensionnés ne doivent leur survie qu’aux rebuts des marchés de fruits et légumes. Les taux de suicide connaissent une hausse brutale. Par désespoir, un grand nombre de Grecs retournent à leur misère rurale, ou viennent gonfler le plus grand exode qu’on ait connu depuis quarante ans.
Ce contexte désespéré est habituellement associé à la crise du néo-colonialisme ou à l’écroulement de l’ancienne Union Soviétique. Mais cette tragédie humaine est indissociablement liée à ce qui – jusqu’à récemment – était supposé être ”la glorieuse histoire du projet-euro” des capitalistes européens. L’annonce, par le gouvernement PASOK de G. Papandreou de prochains licenciements massifs, d’une nouvelle augmentation des taxes ainsi que d’une diminution du montant des retraites, a provoqué une frustration et une colère colossales et déclenché une nouvelle montée d’actions revendicatives. Des étudiants occupent déjà des universités en guise de protestation contre les nouveaux honoraires et les plans de privatisation. Mais après les grèves générales et l’occupation des centres villes qui ont eu lieu ces derniers mois, il est permis de se demander comment les travailleurs et la jeunesse grecque pourront encore stopper le tsunami des restrictions.
Nous rapportons ci-dessous un entretien avec Nikos Anastasiades, (Xekinima (CIO-Grèce) paru fin septembre dans le journal ”The Socialist”, hebdomadaire de nos camarades du Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles).
Débats: Jeunes en lutte en Europe: Unifions la Résistance !
Avec des participants aux luttes en Grèce et en Espagne : Donna Litzou, étudiante active en Grèce, Xekinima et Clara Aguila, jeune espagnole indignée de Barcelone, Socrev
Pourriez-vous expliquer brièvement ce que les mesures d’austérité signifient pour la majorité des Grecs ?
Le gouvernement a récemment annoncé quelques nouvelles mesures d’austérité. Le terme ”nouveau” est d’ailleurs en train de devenir un prétexte à rire pour l’évidente raison que le gouvernement annonce de nouvelles mesures chaque semaine.
Après la ruine des niveaux de vie causée par de précédentes offensives, le gouvernement a maintenant annoncé des mesures qui mèneront à un surcroît d’agressions à l’encontre de la classe des travailleurs. Ces véritables ”charges” contre le peuple grec comprennent entre autres les licenciements des travailleurs du secteur public (il est prévu de saper dans le secteur public en renvoyant 200.000 travailleurs sur 750.000 dans les toutes prochaines années). Ce plan démarrera cette semaine par la ”mise au placard” de milliers d’ouvriers. Les salaires du secteur public seront aussi réduits de 50% en moyenne. Le gouvernement projette de taxer les travailleurs aux revenus les plus bas, mesure qui serait elle-même combinée à l’instauration d’une autre taxe affectant cette fois la cellule intouchable du ”ménage” lui-même. Par ailleurs, le gouvernement de Papandreou a l’intention de doubler le prix du fuel à usage domestique…
En plus de tout ceci, des menaces visent actuellement les fonds consacrés à l’enseignement et à la mise en place d’un budget consacré aux frais de scolarité universitaires.
Avant la crise politique et économique actuelle, la Grèce était l’un des pays les plus pauvres de l’Union Européenne. Ces insoutenables répressions économiques vont plonger la société dans un état de pauvreté absolue et créer une génération perdue composée de gens inutiles.
Tout récemment, des rapports officiels ont montré que le nombre de suicides pour raisons économiques a doublé l’an dernier…
Des politiciens capitalistes et des financiers internationaux prétendent que ces restrictions gouvernementales sont nécessaires pour secourir l’économie de la Grèce. Mais quelle est la réelle situation économique ?
Après son passage en Grèce en 2009, le Fonds Monétaire International a fait savoir que le pays sortirait de la récession dans pas moins de deux années et serait dès lors dans une meilleure position pour rembourser sa dette souveraine. Mais le FMI se trompait et, aujourd’hui, la situation économique est pire encore. On nous dit que si nous satisfaisons les exigences des marchés, nous serons ”mieux lotis” mais, à chaque fois que nous donnons satisfaction aux marchés, ceux-ci se montrent plus avides. Autant dire qu’ils nous jettent dans un puits sans fond.
Cette année tous les paramètres indiquent que l’économie grecque diminuera de 5%. Beaucoup d’usines et d’entreprises vont connaître la faillite et fermer leurs portes. Officiellement, il y a 600 chômeurs supplémentaires chaque jour. Le taux de chômage est de 16 % – soit l’équivalent de 800.000 travailleurs – et a doublé en seulement trois ans (selon le gouvernement l’emploi inclut tout qui travaille une heure ou plus par semaine).
Et pourtant, cet immense désastre économique n’a pas même contribué à réduire, fût-ce d’un peu, le déficit. En fait, le gouvernement a raté tous ses objectifs financiers. Les revenus de l’Etat sont en baisse en raison d’une base fiscale précaire due à la récession alors que la dépense concernant les allocations de chômage est en augmentation (bien que le montant de ces allocations reste très bas). Le seul chiffre qui continue à croître concerne les milliards d’euros affectés au remboursement de la dette envers les banques, les créanciers internationaux mais aussi l’aide financière aux banques locales. Ces chiffres sont décidément les seules choses dont le gouvernement semble se soucier.
Comment les travailleurs, ou plus généralement les gens, réagissent-ils face à ces atteintes à leur niveau de vie ?
La population est partagée entre l’angoisse et le désespoir. Beaucoup souffrent du chômage ou sont incapables de joindre les deux bouts. Mais, dans le même temps, quasi tous comprennent la nécessité de résister et ils la comprennent d’autant mieux qu’ils ne voient pas de fin aux mesures d’austérité du gouvernement.
En juin de l’année dernière, des mobilisations massives ont vu débouler deux millions de gens – les indignés – dans les rues pour protester contre les mesures menaçant leur niveau de vie. Des grèves et des manifestations violentes ont éclaté aussi chez les travailleurs.
Notre problème ne réside pas dans une ”inaptitude” à la résistance mais dans le fait que la direction syndicale n’est pas à la hauteur de la tâche qui l’attend et qui nous attend.
Face au projet concocté par une classe dirigeante capitaliste – projet qui consiste à détruire notre niveau de vie – les leaders syndicaux appellent parfois à vingt-quatre heures de grève générale. Mais ils le font sans l’apport d’un plan concret qui permettrait de faire chuter le gouvernement. S’ils agissent toutefois ainsi, c’est en partie pour réduire la pression qu’ils sentent peser sur eux. Mais ils échouent à offrir une alternative sérieuse, que ce soit aux mesures de répression du Pasok ou à la défense du niveau de vie des gens. Ils ne s’engagent pas comme il le faudrait dans un dialogue démocratique avec l’union des syndicats et les adhérents.
Quand ils sont mobilisés, les gens ont conscience du potentiel de leur propre pouvoir mais, paradoxalement, ils ne réalisent pas qu’à travers ce pouvoir ils détiennent un outil capable de les mener à la victoire.
Une grande partie des partis de gauche connaissent différentes sortes de problèmes. Le parti communiste (KKE) avance des slogans qui, parfois, interpellent en ce sens qu’ils touchent au noyau dur de la crise capitaliste, mais la démarche du KKE reste incroyablement sectaire dans la mesure où ce parti refuse d’organiser le combat au-delà de ses propres rangs.
Syrisa, un vaste parti de coalition, ne prend pas d’initiatives politiques et ne propose aucun programme capable de provoquer le soulèvement général qui permettrait d’affronter la crise et de faire tomber le gouvernement.
Quelle est l’alternative socialiste proposée par Xekinima pour stopper l’hémorragie et fournir aux gens une solution à la crise ?
Si cette politique d’austérité perdure, il n’y aura pas d’avenir pour les travailleurs et la jeunesse grecs. Car si le gouvernement, le FMI et les banques continuent sur leur lancée mortifère, ils propulseront le niveau de vie des gens vers des profondeurs de plus en plus abyssales. La seule façon de mettre fin à cette politique d’étranglement économique est de stopper le remboursement de la dette. Il faut cesser de rembourser ceux qui sont responsables de la crise, à savoir les institutions bancaires.
Cela requiert de coordonner les différents mouvements de protestations et de luttes ouvrières autour d’un programme de revendications socialistes afin d’en finir avec la crise capitaliste et d’aller de l’avant.
Nous en appelons à la nationalisation des banques et à la re-nationalisation des services privatisés. Nous voulons nationaliser les hautes instances de l’économie sous le contrôle démocratique des travailleurs de façon à faire fructifier – via la création d’emplois – cette manne prodigieuse de ressources et de richesses créées en premier lieu par les travailleurs Grecs.
Les luttes des travailleurs et de la jeunesse grecs devraient être associées à une perspective internationale, elles le devraient parce que la crise capitaliste affecte les travailleurs du monde entier. Il ne saurait y avoir de solution locale à la crise, ou qui soit la seule propriété d’un état nation. Les travailleurs ont besoin de se battre pour une Europe qui défende les intérêts de leur classe, pour une fédération socialiste des états européens.
En Grèce, ce qui nous attend, c’est la perspective immédiate d’un renouvellement des grèves et l’imminence d’une mobilisation de grande ampleur contre les taxes abusives tels que l’impôt sur les ménages. Il faut également compter sur un sérieux mouvement de révolte en réaction aux mesures visant les écoles et les universités.
Si toutes ces luttes se rejoignaient pour n’en former qu’une seule, elles pourraient réussir à renverser le gouvernement et faire valoir une stratégie différente pour mettre fin à la crise.
Plus d’austérité, plus de misère
Le gouvernement Pasok vient pourtant d’en ”rajouter une couche” en matière d’austérité et ses nouvelles mesures viennent encore alourdir, comme un ”extra” amer, un bilan d’agressions sauvages ciblant l’emploi, les pensions, le salaire minimum garanti… avec pour résultat un effondrement (de 50 % en moyenne !) du revenus des ménages. Ces nouvelles répressions économiques signifieront :
- Que le montant mensuel des pensions dépassant le seuil des 1.200 euros sera amputé de 20% et que tout qui prendra sa retraite en dessous de 55 ans connaîtra une diminution de 40 % sur le montant mensuel de sa retraite si celle-ci dépasse le seuil des 1000 euros.
- Que le nombre de fonctionnaires acculés à percevoir une rémunération partielle augmentera de 50% (pour atteindre 30.000 personnes) à la fin de l’année. S’ils ne peuvent pas être réengagés dans l’année, ils seront licenciés. En somme, le gouvernement est en train de faucher 200.000 emplois sur les 750.000 que comptait la fonction publique…
Quant à l’impôt sur le revenu calculé en fonction du montant des salaires annuels, il verra son seuil baisser, passant de 8.000 euros à 5.000…
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Contre le sommet européen des chefs d’Etats à Bruxelles : Dégageons leurs plans d’austérité!
L’Union Européenne, la Banque Centrale Européenne et le Fonds Monétaire International (= la troïka) essayent de forcer les jeunes et les travailleurs à accepter une diminution très forte de leur niveau de vie au lieu de s’en prendre aux vrais responsables de la crise.
Tract des Etudiants de Gauche Actifs
Samedi 15 octobre : Manifestation internationale des indignés – Gare du Nord – Bruxelles – (+ d’infos bientôt)
- en Espagne: 40% de chômage chez les jeunes & Pensions à 67 ans,…
- en Irlande: Chute de 25% du niveau de vie & 1.500 Irlandais émigrent chaque semaine…
- en Grèce: suppression des manuels scolaires vu les économies & baisse des salaires jusqu’à 50%,…
- en Grande-Bretagne: Minervals des unifs à 10.600€ & 300.000 fonctionnaires licenciés,..
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Débat d’EGA et du PSL: Jeunes en lutte en Europe: Unifions la Résistance !
Avec des participants aux luttes en Grèce et en Espagne : Donna Litzou, étudiante active en Grèce, Xekinima et Clara Aguila, jeune espagnole indignée de Barcelone, Socrev
- Liège: Lundi 10 octobre, 19h, Fédération des Etudiants, 24 place du 20 Août à Liège (face à l’université)
- Bruxelles: Mardi 11 octobre, 19h, à l’ULB, local h1309
- Louvain: Jeudi 13 octobre, 20h, MTC 0012, Hogeschoolplein
- Gand: Jeudi 13 octobre, 19h30, auditoire A. Blandijn à l’Ugent (les deux oratrices seront remplacées par des militants belges)
- Namur: Vendredi 14 octobre, 19h, 23 rue de Bruxelles
[/box]Partout en Europe, les gouvernements ont distribué l’argent public pour préserver les énormes profits des banques et des multinationales et mènent une politique d’austérité qui approfondit la récession et qui accroit toujours plus le fossé entre riches et pauvres.
Inspirée par les révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, la jeunesse du Sud de l’Europe est entrée en révolte contre les effets de la crise du capitalisme. En Grèce, les écoles et les universités sont occupées depuis la rentrée par les jeunes pour protester contre les coupes budgétaires dans l’enseignement. Les « indignados » en Espagne organisent une marche sur Bruxelles et appellent à une journée d’action internationale le 15 octobre. Le 15 octobre, une manifestation internationale est prévue à Bruxelles contre le sommet européen du 17-18 octobre.
C’est à cette occasion que les politiciens belges présenteront en bons élèves leur budget 2012. Un budget d’austérité de 8 milliards € aux dépends des pensions, des soins de santé, de l’enseignement, de la sécurité sociale,… une diminution forte du niveau de vie.
Les mouvements de masse des jeunes du sud de l’Europe – de cette génération perdue et confrontée aux emplois précaires qui ne permettent pas d’envisager l’avenir – effraient les capitalistes et leurs politiciens, qui craignent une riposte organisée par des millions de travailleurs en Europe contre leurs politiques antisociales. Participe à la journée d’action du 15 octobre. Celle-ci ne doit pas rester sans lendemain. Une grève générale européenne de 24h serait un pas en avant dans la construction d’une résistance de masse unifiée des jeunes et des travailleurs à l’échelle européenne.
Pourquoi rejoindre Etudiants de Gauche Actifs – Secondaire & Supérieur ?
EGA lutte contre le capitalisme, un système basé sur la course aux profits d’une petite élite. EGA est présent dans les écoles, les unifs et hautes écoles et fait partie d’une organisation de jeunes présente dans plus de 40 pays, ISR (International Socialist Résistance) . Ce qui nous permet de tirer les leçons des révolutions avec des jeunes tunisiens impliqués dans les événements ou d’apprendre de nos interventions dans les mouvements de masse en Grèce, en Espagne, en Israël.
EGA lutte quotidiennement parmi la jeunesse pour construire un monde où la production et toute la société est démocratiquement gérée et contrôlée par les organes issus des luttes de masse des travailleurs et des jeunesmêmes – une démocratie réelle – afin de satisfaire les besoins et l’épanouissement de tous et non leur soif de profits, une société socialiste démocratique. Rejoins-nous !