Tag: Banque Centrale

  • Une année 2011 turbulente

    Cette année 2011 a été marquée par une crise intense et de plus en plus profonde des structures économiques et sociales du capitalisme européen. En Irlande, les manifestations de cette situation sont extrêmement dramatiques. Dans cet article, Joe Higgins, élu de notre parti-frère le Socialist Party au Parlement irlandais, commente l’année écoulée et les perspectives pour celle à venir.

    Par Joe Higgins, parlementaire du Socialist Party (CIO-Irlande)

    Nous avons vu durant cette année une scène internationale secouée dans son ensemble par la mobilisation héroïque et répétées de millions de travailleurs, de paysans et de pauvres visant à renverser les dictatures brutales du Moyen Orient et d’Afrique du Nord. C’est un processus compliqué, bien sûr, avec les masses aspirant à une vie meilleure par l’obtention de droits démocratiques et le respect des droits de l’homme, de leur dignité et de leur droit à avoir un emploi, tandis que les anciennes élites et le sommet des forces armées tentent de se construire une nouvelle image de ‘‘démocrates’’ pour mieux s’accrocher à leurs richesses et leurs privilèges, au détriment des intérêts de la majorité.

    Les masses, de façon on ne peut plus compréhensible, entrent dans l’action révolutionnaire avec une haine extrêmement palpable de l’ordre ancien qui les a froidement brutalisé, et sans nécessairement avoir une vue exacte du système qui constituerait une véritable alternative démocratique garantissant le partage des richesses jusqu’ici accaparées par les élites. C’est un débat qui va cependant s’intensifier à mesure que des alternatives radicales seront considérées comme nécessaires.

    Par une ironie des plus amères, alors que le peuple d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient lutte pour l’obtention de ses droits démocratiques contre des systèmes dictatoriaux, l’élite politique de la ‘‘démocratique’’ Union Européenne s’assure que le peuple européen devienne sujet d’une nouvelle dictature de plus en plus affirmée, celle de l’oligarchie bancaire et des spéculateurs des marchés financiers.

    Les gouvernements de Papademos en Grèce et de Monti en Italie, loin d’être composés de technocrates désintéressés, sont en réalité rempli de banquiers et de représentants des grandes entreprises. Leur objectif est d’instaurer une politique visant à sauver les fortunes des grands acteurs des marchés financiers. Ils sont là pour s’assurer que les milliards avec lesquels ces rapaces ont joué soient repayés par la majorité de la population, ces 99% dont les conditions de vie et l’accès aux services publics sont détruits dans ce processus.

    ‘‘Les marchés sont endormis, mais pas pour longtemps…’’ a été le titre de bien mauvais augure d’un éditorial du Daily Mail, qui avertit que ‘‘dans les semaines à venir, ces marchés vont à nouveau bander leurs muscles’’. L’image évoquée est celle d’un peuple primitif terrorisé par un ogre vorace qui, s’étant gorgé du sang de victimes innocentes, se retire dans sa tanière et tombe dans un sommeil repu tandis que les survivants attendent dans la terreur son réveil et les conséquences de son inépuisable soif de sang.

    La question qui frappe l’esprit est la suivante : pourquoi donc la majeure partie des médias font fidèlement rapport de cette situation, sans condamner le moins du monde ce règne de la terreur. Loin de contester cette moralité, les médias spéculent sur ce qui doit être fait pour satisfaire la bête et pour accabler les victimes – les travailleurs et leurs organisations syndicales et sociales – qui osent se soulever et résister à ses incessantes exigences.

    La majeure partie des médias est bien entendu elle-même un instrument des marchés, une créature servile qui a encouragé en Irlande le développement de la bulle immobilière ainsi que l’avidité vorace des promoteurs et des banquiers, avec des conséquences très désastreuses pour la société. Voilà pourquoi, face à la colère de leur lectorat, les médias peuvent diaboliser certains excès parmi les plus évidents, mais sans jamais admettre leur propre culpabilité. Dans les temps à venir, les gens considèreront très clairement que cette frénésie de profits des marchés financiers européens est profondément destructrice pour la société, et qu’une partie importante des médias a collaboré à ce développement.

    Le gouvernement du Fine Gael et du Parti Travailliste, installé au pouvoir depuis le mois de mars dernier, s’est avéré aussi lâche devant les exigences des marchés que tous leurs homologues de l’Union Européenne. Avant les élections, ces partis s’étaient engagés à opérer un changement révolutionnaire face à la politique menée précédemment par la coalition du Fianna Fail et du parti écologiste. Il devait y avoir de nombreuses mesures énergiques destinées à lutter contre le chômage et visant à aider concrètement le plus grand nombre de personnes face au paiement d’hypothèques insoutenables.

    Au lieu de cela, nous assistons à une capitulation servile devant les diktats du Fonds Monétaire International, de l’Union Européenne et de la Banque Centrale Européenne. La population irlandaise devrait se retrouver à payer pour le sauvetage des grandes institutions financières européennes et pour les conséquences de leurs actions sauvages dans le cadre de la bulle immobilière irlandaise. Elle devrait faire le sacrifice de ses soins de santé et de son enseignement alors que de nombreux jeunes gens fuient le pays ou sont confrontés au chômage. C’est une politique qui trouvera face à elle une résistance acharnée pour l’année à venir.

  • Di Rupo Ier veut nous faire payer la crise des banquiers et des spéculateurs…

    Dégageons l’austérité par la grève !

    Voici la dépêche régionale des sections bruxelloises du PSL/LSP. Il y est surtout question de la nécessaire résistance contre ce gouvernement d’austérité, avec un rendez-vous pour un meeting début février avec des syndicalistes combatifs dans le quartier de Saint-Gilles.

    Di Rupo 1er déclenche une avalanche d’austérité…

    Après 530 jours de crise institutionnelle, la Belgique a un gouvernement avec Elio Di Rupo (PS) comme 1er ministre. Ce gouvernement n’aura pas tardé à démontrer sa vraie nature : celui d’un gouvernement qui veut faire payer la crise aux 99% et sauvegarder les profits records des 1% de la population, c’est-à-dire des banquiers et des patrons qui spéculent et jouent avec nos vies et notre avenir.

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    Préparons la grève générale du 30 janvier pour stopper l’austérité

    Après la journée de grève des services publics, une grève générale est d’ores et déjà à l’agenda le 30 janvier. Nous avons besoin d’un plan d’action démocratiquement élaboré pour riposter contre l’austérité. Ce 30 janvier ne doit pas rester sans suite ! Des grèves générales de 48h et 72h doivent être programmées dans les mois qui suivent s’il n’y a pas de changement, comme Nico Cué des Métallos FGTB l’a récemment proposé.

    C’est bien une avalanche d’austérité qui nous attend, d’une ampleur jamais vue en Belgique. Les mêmes coupes budgétaires et attaques antisociales chères aux marchés financiers, au FMI et à la Banque Centrale Européenne qui ont réduit de moitié les salaires et les allocations des familles Grecques, Portugaises et Irlandaises. Au final, ce sont des millions de jeunes, travailleurs, chômeurs, retraités qui se retrouvent jetés dans la pauvreté.

    … et replonge le pays dans la récession

    Après avoir sauvé les banques, ils veulent nous faire payer la note. Le budget 2012 consiste à aller chercher 11,3 milliards € dans nos poches. Selon les patrons et leurs politiciens, il n’y a pas d’autre choix. Pourtant, ce gouvernement qui veut briser notre pouvoir d’achat va aggraver la récession.

    Selon la banque nationale, 1 à 2 milliards € d’assainissements supplémentaires seront encore nécessaires en mars pour l’année 2012. Chaque année, un nouveau budget d’austérité plus dur nous attend provoquant une spirale austérité-récession comme on l’a déjà vu ailleurs en Europe. Tout le monde est aujourd’hui d’accord pour dire que les cures d’austérité ne fonctionnent pas. Mais les capitalistes n’ont aucune solution à la crise de leur système.

    Réforme des pensions: travailler plus pour gagner moins ?

    Lors de la grève des services publics du 22 décembre, les pompiers bruxellois manifestent à coup de lance incendie devant le cabinet de Van Quickenborne.

    La réforme des pensions signifie pour eux une perte de 200 à 700€ brut/mois et travailler jusqu’à minimum 62 ans au lieu de 60 ans.


    Lors de son action devant le siège du PS, la CNE a souligné que de nombreux membres CSC ont voté pour le PS, en espérant voter pour un parti de gauche. Les insignes PS à l’entrée ont été remplacés par des lettres bleues et une grande banderole bleue a été fixé à la façade. Des affichettes annonçaient ‘‘je Lutte des Classes’’, une allusion à la doctrine officielle que le PS a depuis longtemps oubliée, et “Le capital s’enfonce, mais pas nous’’.

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    Ce gouvernement semble bien décidé à détricoter le reste de nos acquis. Le ministre Van Quickenborne l’a illustré en s’attaquant d’emblée à la réforme des pensions. Derrière lui se trouve toute l’équipe gouvernementale et un patronat bien satisfait.

    Ils veulent nous faire travailler plus pour gagner moins:

    • En maintenant les aînés plus longtemps au travail, alors que le chômage des jeunes à Bruxelles atteint déjà le taux record de 33% !
    • En rabotant les pensions, alors que les pensions en Belgique sont déjà parmi les plus basses en Europe !

    Importer le modèle des travailleurs pauvres allemands ?

    Di Rupo 1e s’inspire du modèle allemand en voulant exclure les chômeurs et leur voler leurs allocations, pour faire accepter n’importe quel emploi et construire un large secteur à bas salaire. De cette manière, 20% des travailleurs en Allemagne sont pauvres et sont confrontés au “mini-Jobs” à moins de 400€ par mois sans assurances maladie et de travail et aux “jobs à 1€ l’heure”. Ce large secteur précaire est utilisé par les patrons pour miner l’ensemble des salaires.

    Pas d’autre choix?

    Les syndicats proposent à juste titre de s’attaquer sévèrement à la fraude fiscale (près de 30 milliards d’€/an) et d’abolir les intérêts notionnels et autres cadeaux fiscaux aux patrons. Ces cadeaux représentent plus de 10 milliards d’€ par an qui minent les revenus de la sécurité sociale et pousse le gouvernement à aller chercher l’argent dans nos pensions, nos allocations et nos services publics.

    Mais que faire si les investisseurs mettent les voiles pour aller dans des endroits plus rentables? L’exemple d’ArcelorMittal montre que ne payer quasi pas d’impôts grâce aux cadeaux fiscaux n’empêche pas la suppression d’un millier d’emplois directs. Pour les sauver, les syndicats défendent la nationalisation de la sidérurgie. Pourquoi ne pas occuper l’entreprise pour que la collectivité la reprenne, sans indemniser les grands actionnaires, pour la gérer nous-même, sous contrôle des travailleurs ?

    Plutôt que de sauver Dexia sur le dos du public, il faut placer les banques et les secteurs clés de l’économie dans les mains de la collectivité. De la sorte, les moyens et les richesses que nous produisons pourraient être orientés vers les besoins de la société, et non vers les profits d’une minorité. C’est ce que nous appelons une société socialiste démocratique.


    Rencontre avec des syndicalistes combatifs

    Mercredi 8 février 19h – Café « Dillens » – Place Julien Dillens, 1060 Saint-Gilles (à 5 min. du parvis)

    *Avec des syndicalistes de la SNCB qui luttent contre la libéralisation du rail Les cheminots en tête, les travailleurs des services publics ont été les premiers à passer à l’action contre la réforme des pensions. Le système de pension des services publics est le seul qui protégeait encore nos retraités de la pauvreté. De plus, le gouvernement veut diminuer de 10% le budget de la SNCB d’ici 2013 : nouvelles suppressions de trains, augmentation des tarifs, démolition du statut des travailleurs,… Le PSL défend des services publics de qualité et accessibles à tous !

    *Avec des syndicalistes des hôpitaux bruxellois qui s’opposent à la commercialisation des soins Déjà confronté a un manque de personnel endémique et à l’absence de nominations, le gouvernement veut en plus assainir pour 2,3 milliards d’€ dans le secteur. Inévitablement, l’accès aux soins va diminuer (du fait d’une augmentation des coûts) et les conditions de travail déjà particulièrement pénibles vont encore plus se détériorer. Le PSL défend un service public national de santé qui met fin au règne du profit des entreprises pharmaceutiques !

    *Avec Anja Deschoemacker, habitante de Saint-Gilles et porte-parole du PSL. Elle était tête de liste Front des Gauches à Bruxelles-Hal-Vilvorde lors des élections de 2010. Elle abordera le besoin pour les syndicats de casser leurs liens avec les partis traditionnels et la nécessité d’un nouveau parti des travailleurs.


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    Il vous est également possible de prendre un abonnement à notre mensuel, “Lutte Socialiste“, pour 20€/an ou pour 2€/mois par ordre permanent bancaire.

  • Pour une grève générale européenne contre la dictature des marchés – Nous voulons décider ! A bas les régimes technocratiques !

    A quelques jours d’intervalle, des technocrates sont arrivés à la tête des gouvernements d’Italie et de Grèce, avec l’argument que ces éminents personnages seraient ‘‘au-dessus des considérations politiciennes’’ pour prendre des mesures destinées à préserver le ‘‘bien commun’’. Un mensonge ridicule et surtout bien incapable de masquer la réalité : ces financiers de haut vol ont été propulsés au pouvoir afin d’assurer que la population paie le coût de la crise au prix fort et que l’avidité des vautours capitalistes soit satisfaite.

    Par Nicolas Croes

    Quell e est cette caricature de démocratie ?

    ‘‘Wall Street a deux partis, nous avons besoin du nôtre’’ défendent nos camarades américains de Socialist Alternative aux USA, une question cruciale aux quatre coins du globe. Mais si les sommets syndicaux peinent à rompre fermement leurs liens avec des partis traditionnels du type du PS, nous ne pouvons qu’être frappés par la rapidité à laquelle les marchés règlent cette question. Pour eux, Silvio Berlusconi et George Papandréou n’étaient plus les hommes de la situation. Les marchés ont donc ‘‘voté’’ à leur manière, avec l’envolée des taux d’intérêt de la dette, et les parlementaires se sont très docilement pliés à ce choix : ils ont soutenu l’arrivée antidémocratique de gouvernements de banquiers.

    Mario Monti est l’ancien commissaire européen à la concurrence, également ancien président ou membre dirigeant de différents groupes de pression néolibéraux (dont le fameux Groupe de Bildeberg) et jusqu’à tout récemment il était encore conseiller pour le géant bancaire Golman Sachs. Son gouvernement comprend notamment le patron de la seconde banque du pays (Intesa Sanpaolo) au poste de ministre du Développement économique, des Infrastructures et des Transports.

    En Grèce, Lucas Papadémos est l’ancien vice-président de la Banque Centrale Européenne. Son gouvernement est une alliance qui regroupe le PASOK (équivalent local du PS), la Nouvelle démocratie (droite officielle) et enfin le parti d’extrême-droite l’Alerte populaire orthodoxe (LAOS). C’est la première fois depuis 1974 (c’est-àdire la fin de la dictature des colonels) que l’extrême-droite entre au gouvernement grec. Voilà donc les ‘‘hommes de la situation’’.

    Ce nouveau développement politique de la crise économique illustre la gravité de cette crise pour la classe capitaliste ainsi que sa panique. Avec l’aide de la troïka – Fonds Monétaire International (FMI), Union Européenne et Banque Centrale Européenne – les marchés ont balayé le suffrage universel pour placer directement leurs propres pions et assurer ainsi que l’austérité soit promptement appliquée. Cette menace pèse sur tous les pays.

    Pour une grève générale européenne !

    Face à la crise de l’euro, le danger du développement d’un repli nationaliste, même ‘‘de gauche’’, existe. Nous devons défendre nos droits sociaux durement acquis contre les prédateurs capitalistes internationaux, c’est vrai, mais aussi nationaux. Ainsi, nous nous sommes toujours opposés à l’Union Européenne du capital, mais sans pour cela tomber dans le piège du nationalisme. C’est en ce sens que nos sectionssoeurs en Irlande et en France avaient mené campagne contre la Constitution Européenne et le Traité de Lisbonne qui lui a succédé, mais sur base d’un programme de lutte pour défendre tous les acquis sociaux et propager l’idée d’une Fédération socialiste européenne.

    Divisés, nous sommes faibles. Opposons à la dictature des marchés une résistance internationale. C’est tout à fait possible. La volonté de lutter contre l’austérité ne manque pas. En France, les syndicats appellent à une journée de mobilisation pour le 13 décembre. En Grande Bretagne, une grève générale d’ampleur historique a frappé les services publics le 30 novembre. Le Portugal (le 24 novembre), l’Italie (le 6 septembre) et l’Espagne (le 6 décembre également) ont connu des grèves générales et la Grèce a déjà une bonne douzaine de grèves générales derrière elle. Qu’attend-on encore pour unifier la résistance ?

    Le 7 décembre, la Fédération Européenne des Métallos a appelé à une grève européenne sur tous les sites d’ArcelorMittal, sur base directe de l’annonce de la fermeture de la phase à chaud liégeoise, mais aussi pour répondre aux menaces diverses dans tous les sites de la multinationale. Cet exemple doit être suivi et développé. Il est grand temps de nous diriger vers une journée de grève générale européenne, première étape d’un plan d’action européen contre l’austérité capitaliste.

    L’une des revendications les plus cruciales de ce plan d’action devrait être d’assurer que les travailleurs et leurs familles puissent avoir le contrôle des décisions économiques prises dans leurs pays, par la nationalisation des secteurs clés de l’économie (énergie, sidérurgie, finance,…) sous le contrôle démocratique des travailleurs. La démocratie réelle passe par le contrôle de l’économie et le renversement du chaos capitaliste, par l’instauration d’une production démocratiquement planifiée.

  • Est-ce la fin de l’Euro ?

    La décote de 50% des obligations du gouvernement grec ainsi que l’engagement d’une nouvelle aide d’urgence de 130 milliards € en échange d’un autre plan d’assainissements drastiques n’ont pas encore sauvé la Grèce d’une banqueroute imminente. Les pare-feux que l’on a voulu créer autour du pays afin de priver les marchés financiers de l’envie de spéculer sur les dettes des autres pays de la zone euro en installant un bazooka de 1.000 milliards € ne les a pas impressionné.

    Article tiré de l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste

    Depuis, tout ce qui a le potentiel de foirer le fait véritablement. Le technocrate grec Papadémos, le premier Premier ministre non-élu depuis la dictature des colonels imposé par l’Europe après la démission forcée de Papandréou, ne réussit pas à aligner sa coalition d’unité nationale. Les conservateurs de la Nouvelle Démocratie refusent d’accepter sa nouvelle austérité et veulent se rendre aux urnes au plus vite. Par conséquent, l’Europe continue de bloquer les 8 prochains milliards € d’aides en urgence. D’ailleurs, le risque d’aller en défaut de paiement continue pour décembre.

    Par ailleurs, l’effet de levier placé sur le fond européen d’urgence n’a rien ébranlé. Papandreou avait à peine été renvoyé que le clown d’Italie, Berlusconi, était également évincé avec toute sa clique. Mais rien de cela n’a fonctionné non plus. En réalité, la démocratie est un luxe que l’Europe ne se permet que lorsque ses intérêts ne sont pas en jeu. L’annonce d’une révision du traité de l’UE par la France et l’Allemagne avec, pour la première fois, une clause destinée à pouvoir éjecter des pays de la zone euro, est revenue à jeter de l’huile sur le feu. Mais cette option est visiblement considérée dans ces 2 pays.

    Il n’en fallait pas plus aux investisseurs pour déverser des obligations européennes. Des obligations italiennes et espagnoles, mais aussi belges, françaises et même hollandaises, autrichiennes et finlandaises. De plus, les obligations allemandes n’en profitent plus. Cela peut indiquer que les marchés financiers abandonnent l’Euro. En théorie, la zone euro a encore les moyens de se défendre, mais des obligations européennes et une intervention de la Banque Centrale Européenne (BCE) signifieraient que l’Allemagne se défasse de sa politique monétaire. François Baroin, ministre français des Finances, suggère de contourner cela en donnant une licence bancaire au fonds d’urgence qui pourrait alors emprunter de façon illimitée à la BCE.

    Il n’est pas exclu que des échappatoires techniques soient trouvées pour repousser l’éclatement de la zone euro, mais cet éclatement est justement inévitable, bien qu’il ne soit pas possible de revenir à la situation exacte d’avant l’introduction de l’euro. L’Euro partagerait ainsi un sort identique à ses prédécesseurs. D’ailleurs, l’idée que la monnaie européenne est la première en son genre est un mensonge. Déjà en 1866, l’Union Monétaire Latine a été créée et a duré près de 50 ans jusqu’en 1914. Elle n’a été officiellement dissoute qu’en 1927. La Belgique, la France, la Suisse et l’Italie en étaient les membres fondateurs, rejoints ensuite par l’Espagne la Grèce et plus tard par la Roumanie, la Bulgarie, la Serbie, Saint-Marin et… le Venezuela. Mais cela aussi, c’est de l’histoire ancienne.

  • Lier la lutte pour des réformes positives à la lutte pour le socialisme

    Le terme de ‘‘réforme’’ est maintenant utilisé de façon différente. Partout dans le monde, des gouvernements annoncent des ‘‘réformes’’. L’enseignement est réformé, les pensions doivent être réformées, l’Etat, le système fiscal, les allocations de chômage, la protection sociale,…

    Des réformes aux contre-réformes

    Dans le contexte de ces dernières années ‘‘réformes’’ signifie détérioration et assainissement pour les travailleurs, les jeunes et les pensionnées. Le terme ‘‘réforme’’ a été volé dans son sens originel. Dans les années 1970, les ‘‘réformes’’ en matière d’éducation voudrait dire un meilleur accès pour les jeunes issus de familles ouvrières, voire même un enseignement gratuit. Aujourd’hui, les ‘‘réformes’’, cela veut par exemple dire d’augmenter les frais d’inscription. Les réformes concernant le travail avaient comme but de réduire le temps de travail de 6 à 5 jours, de 48 à 40 heures, de 40 à 38 heures,… Aujourd’hui, les ‘‘réformes’’ impliquent de travailler plus long et d’augmenter l’âge de la pension.

    Au lieu de réforme, nous avons des contre-réformes. Cela explique pourquoi beaucoup de mouvements de lutte prennent un caractère défensif, pour préserver ce nous avons obtenu dans le passé. Des améliorations positives ne semblent plus réalisables, il s’agit surtout d’éviter le pire.

    Les temps ont changé

    Congés payés, sécurité sociale, primes de fin d’année, semaine des 40 heures, enseignement démocratique, congé parental,… sont autant de réformes qui affectent et améliorent la vie de la majorité de la population. Depuis la fin du 19e siècle, des centaines de milliers de travailleurs se sont organisés en partis qui ont défendu l’idée que, grâce à une série de réformes, il serait possible de créer une société juste.

    Ce discours était encore possible dans un contexte de croissance économique (dans la période directement après les deux guerres mondiales) et de développement (dans les pays capitalistes développés). La classe capitaliste a facilement pu faire des concessions, comme l’augmentation de l’exploitation dans le monde colonial impliquait que les réformes ne minaient souvent pas fondamentalement les profits des capitalistes. D’autre part, les protestations des masses, les grèves et l’existence d’un modèle de société différent en Europe de l’Est ont souvent instauré une pression suffisante sur les patrons pour qu’ils acceptent de faire des concessions, même s’ils n’étaient pas très chauds pour cela.

    Les partis sociaux-démocrates défendaient que, par une succession de réformes, le capitalisme pouvait être dépassé pour parvenir à une société socialiste. Pour beaucoup, les preuves matérielles étaient sur la table, avec l’argument ultime que chaque génération connaissait une avancée majeure en termes de conditions de vie et se retrouvait en meilleure position par rapport à la précédente.

    Il est clair aujourd’hui que ces réformes positives n’étaient que temporaire, liées à un contexte particulier. Le capitalisme n’a pas connu de croissance illimitée. Les contradictions du capitalisme, la concurrence, la poursuite de la maximisation du profit et la crise ont remplacé la croissance. Les périodes de crise s’enchaînent toujours plus vite. Les périodes de croissance sont toujours plus courtes et plus faibles. Cela limite les possibilités de réforme. La révolutionnaire allemande Rosa Luxembourg affirmait déjà, au début du XXe siècle déjà, que l’idée selon laquelle, dans le contexte des contradictions capitalistes, il est possible de créer une société socialiste sans que les caractéristiques fondamentales de l’économie ne soient changées de façon radicale est une illusion.

    En 1900, Rosa Luxemburg a écrit le texte ‘Réforme sociale et Révolution’, où elle s’oppose aux réformistes et plaide en faveur d’une social-démocratie ayant une approche révolutionnaire. ‘‘La social-démocratie veut établir un mode de répartition socialiste en supprimant le mode de production capitaliste, tandis que la méthode bernsteinienne consiste à l’inverse à combattre le mode de répartition capitaliste dans l’espoir d’arriver à établir progressivement par ce moyen même, un mode de production socialiste.’’

    Nous connaissons une des plus graves crises du capitalisme. Des réformes positives et l’idée d’une voie progressive vers une société socialiste sont hors de question. Au niveau européen, nous connaissons un tsunami d’attaques contre le niveau de vie de la population. Le chômage des jeunes dans l’Union européenne est déjà de 20,9%, avec l’Espagne en première ligne à 46,2%.

    Est-ce que des réformes sont encore possibles ?

    Le magazine britannique The Economist a écrit le 22 octobre sous le titre “Rage against the machine” que la social-démocratie européenne a promis des avantages impossibles aux électeurs, des promesses que la société d’aujourd’hui ne peut plus offrir. Cela soulève la question de savoir s’il y a encore la possibilité de réformes positives et comment nous pouvons les obtenir.

    Selon The Economist la social-démocratie a fait des promesses que la société ne saurait pas payer et, de fait, nous constatons qu’elle est à l’avant-garde de l’austérité et des attaques contre l’avenir des générations futures. En Grèce, ce sont les sociaux-démocrates qui s’attaquent aux travailleurs, malgré 12 grèves générales et des manifestations de masse.

    Dans des pays comme la Grèce, il semble aujourd’hui impossible d’obtenir des réformes positives sans qu’il n’y ait de changement révolutionnaire. La social-démocratie, le PASOK en Grèce, le PSOE de Zapatero en Espagne et Socrates au Portugal, suivent tous les diktats du FMI, de l’Union Européenne, de la Banque Centrale Européenne et des capitalistes privés. Par conséquent, il est désormais important de mener la lutte sur deux fronts. D’une part, avec des mobilisations concrètes dans les rues et, de l’autre, en soutenant la reprise du débat idéologique concernant les alternatives à ce système destructeur. Les deux vont de paire.

    ‘‘Cher 1%, nous nous sommes endormis un certain temps, mais nous venons de nous réveiller. Sincèrement, les 99’’ Le mouvement #Occupy Wall Street’, après les Indignad@s d’Europe du Sud et les révolutionnaires de Tunisie et d’Egypte, a réveillé quelque chose dans la société. Depuis la chute du Mur de Berlin, nous avons été bombardés de propagande avec l’idée que l’antagonisme entre Travail et Capital avait disparu. On a parlé d’une politique gagnant-gagnant, de partenaires sociaux et de démocratie populaire. Cela se traduit politiquement par l’argument selon lequel donner aux riches peut bénéficier à l’ensemble de la société, en ruisselant de bas en haut. Ils ont essayé de dissimuler l’impact de cette politique par la dette. Mais échapper à la réalité n’est aujourd’hui plus possible. Les 99% réalisent que leurs intérêts sont fondamentalement opposés à ceux du 1%.

    Quel programme pour le changement ?

    En Afrique du Nord et au Moyen-Orient, différents régimes ont dû faire concession de réformes face aux exigences des manifestants, afin de sauver leur peau. Dans le monde occidental, des capitalistes plaident pour un impôt temporaire sur les fortunes. Il ne faut pas y voir de volonté pour régler les problèmes budgétaires, ce ne sont que des tentatives visant à maintenir la légitimité de leur système. Ces exemples illustrent que les réformes positives, en général, ne sont que le produit d’un processus révolutionnaire ou d’une menace révolutionnaire.

    Il est grand temps de défier le capitalisme, d’armer les 99% d’un programme qui promeut des réformes positives et qui met cette lutte dans le contexte d’une lutte pour le socialisme. La politique du moindre mal a atteint ses limites et nous a conduits à cette crise. Le moindre mal signifie aussi une attaque frontale contre les 99% pour maintenir la position du 1%.

    Les marxistes ne se mettent pas de côté en disant que seule une société socialiste peut nous sauver et c’est tout. Nous soutenons les revendications des syndicats pour ne pas toucher à la sécurité sociale, à nos pensions ou à l’index. Nous demandons que les secteurs énergétique et bancaire soient placés dans les mains du public. Nous luttons pour société au service des 99%.

    Parallèlement, nous défendons la nécessité de renforcer ces revendications à l’aide d’actions de rue et en faisant grève, pour obtenir leur réalisation. Si les capitalistes ne sont pas disposés à céder leurs privilèges, c’est à la classe ouvrière de reprendre les usines et les machines afin de les relancer, sous la gestion et le contrôle des travailleurs.

  • La dictature des marchés conduit à des régimes technocratiques

    En Italie et en Grèce, les technocrates ont pris fonction à la tête des gouvernements. Cette nouvelle étape anti-démocratique est présentée comme une mesure des plus nécessaires afin de laisser l’administration publique en des ‘‘mains sûres’’. Mensonge ! Papademos (en Grèce) et Monti (en Italie) ont été choisis par le secteur bancaire, pas par la population ! Le fait que ces ‘‘technocrates’’, des banquiers en réalité, aient été propulsés à la tête des Etats illustre la gravité de la crise pour la classe capitaliste dans ces pays bien sûr, mais aussi à travers l’Europe.

    Réaction de Paul Murphy

    Pour tenter de sauver leur système, les droits démocratiques de la population sont sacrifiés aux pieds des marchés. Avec la troïka du Fonds Monétaire International (FMI) de l’Union Européenne et de la Banque Centrale Européenne, les marchés ont balayé la démocratie pour directement placer leurs propres pions. L’objectif de ces technocrates est on ne peut plus limpide : reporter le coût de la crise sur le dos des travailleurs, des chômeurs et des pauvres.

    Jusqu’au week-end dernier, Monti était conseiller auprès de la banque Goldman Sachs tandis que Papademos est l’ancien vice-président de la Banque Centrale Européenne. Il s’est publiquement prononcé contre l’amortissement des dettes des banques grecques, parce que cela affecterait tout le secteur bancaire.

    En 2010, dans le magazine Rolling Stone, Goldman Sachs a été qualifiée de ‘‘banque d’investissement la plus puissante au monde’’ et de ‘‘vampire qui tient l’humanité sous son emprise et qui plonge impitoyablement ses dents dans tout ce qui sent l’argent.’’ La banque d’investissement peut dominer ‘‘des secteurs économiques entiers’’.

    Ces ‘‘technocrates’’ sont présentés comme des experts en mesure de résoudre la crise financière, comme s’il s’agissait d’hommes sages au-dessus des politiciens. La ‘‘dictature des technocrates’’ par du principe que l’économie et la politique sont distinctes l’une de l’autre. Mais ces technocrates ne serviront en aucun cas le ‘‘bien commun’’ et la population ; ils sont aux ordres de ceux qu’ils représentent, et qu’ils ont toujours représentés : l’élite financière.

    Au sein du Parlement européen, le député européen Paul Murphy (député du Socialist Party, notre parti-frère irlandais) a clairement défendu qu’il fallait riposter par une grève générale européenne et par un mouvement massif des travailleurs, des chômeurs et des jeunes. Nous devons renverser cette dictature des marchés et construire une société gérée démocratiquement, dans les intérêts de la majorité de la population.

    Intervention de Paul au Parlement européen

    ‘‘Mme le président, je me suis abstenu concernant ce rapport, parce qu’il ne résout pas le problème de la dictature des marchés que subit notre société. Nous avons pu voir ces dernières semaines jusqu’où va cette dictature. Ces faits font penser à l’époque coloniale de l’Europe. L’argument qui a servi pour désigner ces gouvernements technocratiques en Italie et en Grèce est en effet similaire : la population n’est pas en mesure de se diriger elle-même. Le résultat est que les droits démocratiques pour élire un gouvernement sont subordonnés aux besoins du marché, aux besoins des banquiers, aux bénéfices de l’élite au sommet de notre société.

    ‘‘Les technocrates qui ont été désignés ne se trouvent pas dans une zone neutre entre les 1% et les 99%. Jusqu’au week-end dernier, Mario Monti était conseiller auprès de Goldman Sachs. Papademos a défendu les intérêts des banquiers contre l’amortissement des dettes grecques. Leur mandat n’est pas issu de la population italienne, grecque, ou du reste de l’Europe. Leur mandat leur a été accordé par les marchés. C’est un mandat destiné à s’attaquer au niveau de vie de la population afin de servir les intérêts de l’élite, et uniquement eux. Il faut une résistance européenne contre cela, une lutte européenne contre les économies et contre la domination de l’élite. Une grève générale européenne constituerait une bonne étape dans cette direction.’’

  • [INTERVIEW] En Grèce, pas d’autre choix que la résistance !

    En octobre, nous avons organisé différents meetings concernant la résistance contre l’austérité en Europe. L’un des orateurs était Donna Litzou, membre de notre parti-frère en Grèce, Xekinima. Nous avons discuté avec elle de ce que signifie l’austérité pour la population et de la résistance qui se développe.

    Par Thomas (Namur), article tiré de l’édition de novembre de Lutte Socialiste

    Aujourd’hui, la Grèce est dans l’impasse. Peux-tu nous parler de la crise sociale que traverse le pays ?

    ‘‘Tout le monde dit que la Grèce vit au-dessus de ses moyens. La crise vous est présentée dans les médias comme une conséquence de l’insouciance méditerranéenne… Il faut savoir que ce sont les Grecs, avec les Portugais, qui travaillent le plus en Europe, tout en étant les plus pauvres !

    ‘‘À titre d’exemple, une serveuse en Grèce travaille dix heures par jour et reçoit pour cela 25 ou 30 euros à peine, au noir, car le même travail déclaré n’est payé que 15 euros. Quand on sait que le coût de la vie est similaire à celui de Londres, on se rend compte que le salaire moyen de 520 euros par mois est beaucoup trop juste. C’est de la survie.

    ‘‘Le chômage chez les jeunes représente 47%, alors que les coupes dans le budget pour rembourser la dette continuent de plus belle. Des attaques énormes contre le niveau de vie se préparent, surtout dans le secteur public, où les études montrent que les salaires ont déjà diminué de 40%. Pour réaliser les économies exigées par la troïka (FMI, Banque Centrale et Commission européenne), on devra encore augmenter les taxes, évincer un fonctionnaire sur trois et, à terme, privatiser tous les secteurs publics, les transports, la santé, l’éducation,… Alors qu’il y a déjà des écoles où on manque de bâtiments, de matériel et de profs.’’

    Le portrait que tu dresses de la situation du pays fait froid dans le dos. Cette colère populaire s’est exprimée par 12 grèves générales et par la naissance du mouvement des enragés, qui fait échos aux indignados espagnols et au contexte révolutionnaire en Afrique du nord et au Moyen-Orient. On a vu des Tahir square Fleurir un peu partout dans le monde.

    ‘‘Oui, il y a effectivement déjà eu 12 grèves générales, dont deux de 48 heures. Tous les jours, il y a de nouvelles manifestations, de nouveaux piquets de grève. Dans tout le pays, la colère est immense et, peu à peu, les gens comprennent l’importance de s’organiser pour lutter ensemble. Le plus important a sans doute été le mouvement de ‘non-paiement’, avec le refus de payer les péages autoroutiers, les transports publics et les frais d’hôpitaux. La grève des chauffeurs de bus, par exemple, a duré trois mois !

    ‘‘Deux problèmes se sont rapidement posés. D’abord, les syndicats, pour la plupart, n’ont pas attaqué de front le gouvernement. Les leaders des appareils syndicaux sont liés au parti au pouvoir, le PASOK [équivalent grec de notre PS, NDLA]. La base des travailleurs s’est donc retrouvée désemparée, sans mots d’ordres clairs. Ensuite, les deux grands partis de gauche, le Parti Communiste (KKE) et Syriza n’ont pas su saisir l’opportunité d’entrer dans la lutte et d’unir le peuple derrière un programme de lutte.

    ‘‘Par exemple, il existe un syndicat révolutionnaire en Grèce, très lié aux dirigeants du KKE. Son message tient en ceci : ‘‘votez pour nous, et lorsqu’on aura gagné les élections, on mènera une autre politique’’. Cette approche est la négation totale de l’histoire du mouvement ouvrier, qui a toujours été chercher ses droits dans la rue avec les dents. Le KKE qualifie par exemple les Indignés grecs de ‘‘mouvement petit bourgeois’’ et refuse de s’y impliquer.’’

    Parlons des Indignés, quelle forme ce mouvement international adopte-t-il dans ton pays ?

    ‘‘Comme ailleurs, le sentiment ‘antiparti politique’ est fort et nous devons être très sensibles sur ce terrain. Les partis traditionnels comme le PASOK ou la Nouvelle Démocratie (droite officielle) nous ont conduits à cette crise, et aucun grand parti de gauche ne propose de réelle alternative combative.

    ‘‘Malheureusement, il existe aussi un sentiment antisyndical. Il faut expliquer aux jeunes en colère l’importance des syndicats et, surtout, faire la distinction entre la base syndicale, qui s’en prend plein la figure, et l’appareil bureaucratique corrompu.

    ‘‘A ses débuts, au mois de mai, ce mouvement était très nationaliste. L’intervention de groupes de gauche a permis une réorientation politique anticapitaliste et internationaliste. Les slogans du début comme ‘‘vive la Grèce’’ ou ‘‘fuck Merkel’’ ont évolué vers des slogans antifascistes, antiracistes ou du type ‘‘nous ne paierons pas la dette, nous ne paierons pas la crise’’.

    ‘‘Je m’insurge au passage contre les medias, qui ne montrent pas les manifestations d’un million de personnes, mais se limitent aux émeutes. Ils cautionnent constamment la police. Toute la bourgeoisie s’emploie à décourager les Grecs.

    ‘‘Mais face à cette ‘politique de sauvetage’ qui nous enfonce la tête dans l’eau, où les moyens sont uniquement consacrés au remboursement de l’énorme dette du pays, les Grecs commencent à comprendre qu’il n’y a pas d’autre solution possible que de lutter dans le cadre de ce système.

    ‘‘Il faut lier tous ces mouvements entres eux, élire des comités dans les entreprises, les universités et les quartiers, les rassembler au niveau local et régional avec des représentants nationaux démocratiquement élus. Cela conduira à une situation de double pouvoir (entre l’Etat et les comités) et à un affrontement entre leur politique bourgeoise et ce que nous appelons la démocratie ouvrière.’’

  • La crise de la zone Euro vers son dénouement ?

    La crise de la zone Euro a atteint son sommet ces dernières semaines, à l’occasion directe de l’annonce que la Grèce serait en défaut si la sixième part du plan de sauvetage (8 milliards d’euros) n’était pas versée dans les semaines à venir. Il est improbable que la troïka laisse les choses en arriver là. Des analystes sont néanmoins convaincus que la question à se poser n’est plus de savoir si la Grèce fera défaut, mais bien quand elle le fera. Les conséquences seront alors catastrophiques pour les Grecs, mais aussi pour les autres pays d’Europe du Sud ainsi que pour le secteur bancaire européen, à cause du danger de contamination. On calcule déjà le coût d’un effondrement de l’eurozone.

    Article par Eric Byl

    Un défaut de payement signifie que la Grèce n’amortirait pas ses dettes, ou seulement partiellement. Cela déchargerait la pression sur le budget et pourrait libérer des moyens afin d’adoucir la politique d’économies. De plus en plus d’observateurs se demandent d’ailleurs combien de sacrifices on peut exiger d’une population avant qu’elle se révolte. Nouriel Roubini, professeur d’économie à New York, plaide en faveur du défaut et ajoute que, dans ce cas, la Grèce ferait mieux de quitter l’eurozone. Il espère qu’une forte dévaluation monétaire puisse suffisamment rétablir la compétitivité pour assurer la croissance.

    Paul De Grauwe, professeur d’économie à la KUL, a écrit en avril dernier qu’il avait jusque là toujours pensé que l’entrée d’un pays dans l’eurozone serait une meilleure protection, mais qu’il s’était trompé. Pour illustrer sa pensée, il comparait l’Espagne à la Grande-Bretagne; tous deux ont des déficits budgétaires comparables, mais sont traités de manière différente sur les marchés financiers. La Grande- Bretagne peut emprunter sur 10 ans à un taux de 2,52%, alors que l’Espagne doit payer le double d’intérêts. Cela s’explique par le fait que la Banque Centrale Britannique peut imprimer de l’argent si nécessaire, tandis que l’Espagne doit se fier à la Banque Centrale Européenne.

    Retourner dans le passé n’est toutefois pas gratuit. Quitter la zone Euro, c’est autre chose que de ne jamais l’avoir intégré. Qui va financer la dette si la Grèce réintroduit sa propre monnaie? Il faudrait certainement des mesures pour stopper une panique bancaire et imposer des contrôles sur le capital. Des entreprises avec des dettes extérieures tomberaient en faillite. Des spécialistes estiment que le PIB se réduirait de moitié durant la première année. Les prix des produits importés dégringoleraient et continueraient à miner le bienêtre des foyers. Sur base du capitalisme, cela ne serait pas une solution.

    Pour la zone Euro également, mettre la Grèce à la porte ou l’abandonner – ce qui ne laisserait pas d’autre choix à la Grèce que de quitter la zone – n’est pas une option. Les spéculateurs sélectionneraient immédiatement leur prochaine victime jusqu’à la chute de toute la zone. Dès que l’Italie sera menacée, aucun fond ne suffira. Selon beaucoup d’économistes, il ne reste pas d’autre choix que de continuer à financer la Grèce, le Portugal, l’Espagne, l’Irlande, l’Italie et qui sait quels autres pays encore. On songe à des obligations européennes ou, comme De Grauwe, à la planche à billets agitée par la BCE. Il est improbable que les pays plus résistants soient d’accord, puisque cette facture aussi sera de plus en plus lourde. Par conséquent, on continuera probablement à trainer jusqu’à ce que s’impose un pénible divorce.

    Qu’ils traînent est logique puisque, sur base capitaliste, aucune solution n’existe. Le problème fondamental, c’est que le marché capitaliste sous-utilise et freine les capacités scientifiques et techniques. Il faut libérer l’économie de la course au profit et la mettre au service de la collectivité, de son environnement de travail et de vie, par la gestion collective et libre des secteurs clés de l’économie et du savoir au travers d’une planification démocratique.

    Un gouvernement qui agirait ainsi serait probablement éjecté de la zone Euro, mais ce ne serait pas choisir l’isolement. Des jeunes et des travailleurs, partout en Europe, comprendraient vite cette démarche comme étant une tentative de les couper de la seule alternative possible.

  • [DOSSIER] Pourquoi le capitalisme prépare de puissantes explosions sociales

    Le mois dernier, en une fraction de temps, l’euphorie concernant la ‘‘reprise économique’’ est devenue panique. Commentateurs et analystes s’efforcent à expliquer le phénomène. On fait référence à la psychologie et au manque de leadership politique. Pour nous, ce ne sont là que les symptômes d’une maladie chronique. La plupart de la population ne doit s’attendre qu’à l’appauvrissement et à une exploitation accrue de la part du capitalisme.

    Par Eric Byl, article tiré de l’édition de septembre de Lutte Socialiste

    Si l’on avait consacré les 5.000 milliards de dollars de valeur boursière évaporés ce dernier mois à la lutte contre la faim dans le monde, la Corne de l’Afrique serait probablement un paradis aujourd’hui. Avec les 25 milliards d’euros disparus à Bruxelles, on aurait pu déminer la bombe à retardement du coût du vieillissement. Mais ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent. Il faut d’abord créer la richesse avant de pouvoir la partager, nous disent les libéraux. Ils nous ont aussi affirmé que lorsque l’on enrichi suffisamment les riches, cela arrose le reste de la population. C’est exactement l’inverse que nous constatons : lorsque les pauvres deviennent plus pauvres, cela affecte également le revenu des groupes moyens. Le professeur britannique Richard Wilkinson souligne que tant la crise de 1929 que celle de 2008 sont survenues à un moment où l’inégalité sociale a atteint un sommet.

    Quand les économistes bourgeois sont au bout du rouleau, ils font appel à Marx. Selon le professeur d’économie Nouriel Roubini, celui-ci ‘‘avait partiellement raison en disant que la mondialisation, un secteur financier enragé et la redistribution des richesses issue du travail finiraient par conduire à la destruction du capitalisme.’’ Tout comme le prix Nobel Paul Krugman, il appelle à une restauration progressive des finances publiques, à des stimulants ciblés et à des impôts plus équitables. ‘‘L’alternative, c’est comme dans les années ‘30 du siècle dernier, la stagnation interminable, la dépression, des guerres monétaires et commerciales, des contrôles de capitaux, des crises financières, des gouvernements insolvables et l’instabilité politique.’’ Pour éviter cela, Warren Buffet, le gourou des bourses, appelle à cesser le traitement fiscal favorable aux super-riches. ‘‘Dans les années ‘80 et ‘90, quand je payais encore plus d’impôts, je n’ai jamais hésité à investir’’. Voilà ce que n’aiment pas entendre nos patrons belges, pour qui les propositions – pourtant timides – de Di Rupo représentent déjà un tsunami d’impôts.

    La recette de Roubini a pourtant déjà été appliquée, en 1933, quand le président américain Roosevelt a renversé la politique d’assainissements catastrophique de Hoover avec son New Deal. Dès que Roosevelt a voulu réduire le déficit budgétaire en 1937, l’économie a à nouveau plongé dans la dépression. Si Roubini avait pris au sérieux la seconde partie de sa citation de Marx, il saurait pourquoi. Il a finalement fallu la deuxième guerre mondiale et ses 70 millions de morts, la destruction massive des infrastructures et des entreprises, puis la peur du communisme et par conséquent l’acceptation de la nationalisation de pans entiers de l’économie, de l’organisation des services publics, de la création de la sécurité sociale et de la négociation sociale pour que l’économie se remette complètement de la Grande Dépression.

    Des sociétés et leurs limites

    Marx a dit, en boutade, que l’homme n’a pas été libéré de l’esclavage mais qu’il s’agit de l’inverse. Les sociétés esclavagistes, aussi répréhensibles furent-elles, ont à une certaine époque joué un rôle dans la protection de l’homme, à la merci de la nature. Même si, initialement, les sociétés esclavagistes se situaient à un niveau inférieur et ont étés envahies par des sociétés basées sur ce que Marx appelait le mode de production asiatique, elles l’ont par la suite remporté. Elles étaient plus productives, les esclaves étant totalement à la merci du maître.

    Au fil du temps, cet avantage s’est transformé en son ‘‘opposé dialectique’’. Le nombre d’esclaves était la mesure de toute richesse, un ‘‘investissement’’ à nourrir et à loger, y compris aux moments non productifs. L’amélioration de la production ou de l’utilisation des outils n’intéressait pas les esclaves. Ils frappaient les chevaux jusqu’à ce qu’ils deviennent boiteux. Le besoin continuel de nouveaux esclaves réclamait des efforts de guerre constamment plus importants. Ce n’est que lorsque Rome est complètement tombée en décadence que des sociétés féodales primitives et moins développées ont eu des opportunités de l’envahir.

    Les serfs étaient alors liés à la terre. Ils devaient céder une partie du produit au Seigneur, mais ils pouvaient utiliser eux-mêmes le restant. Eux avaient donc intérêt à accroître la productivité, et c’est ainsi qu’ont été rendus possibles l’utilisation de meilleurs outils et le passage de l’assolement biennal à l’assolement triennal. La croissance de la productivité a également jeté les bases du capitalisme commercial, des expéditions et des pillages coloniaux ainsi que du développement des précurseurs de nos industries (les manufactures) qui, par la suite, se sont heurtés aux limites de la société féodale basée sur la propriété terrienne.

    Selon les économistes actuels, les conditions matérielles ne contribuent guère à expliquer pourquoi le socialisme ne fonctionne pas, contrairement au capitalisme. Seuls leur suffit l’égoïsme de l’homme et son manque de motivation pour être productif sans compétition. Marx ne nierait pas l’existence de caractéristiques psychologiques mais, plutôt que d’expliquer la société à partir de là, il enquêterait sur les caractéristiques matérielles à la base de certains phénomènes psychologiques. Parallèlement, il tiendrait compte d’une certaine interaction.

    Ses conclusions au sujet de l’aliénation associée au développement du capitalisme nous offrent d’ailleurs beaucoup plus de bases pour comprendre les récentes émeutes des banlieues anglaises que les discours des politiciens portant sur la haine et ‘‘l’effondrement moral’’ de la génération actuelle. Marx admirait la manière révolutionnaire dont le capitalisme développait les forces productives. Il reconnaissait le rôle progressiste du capitalisme mais, comme avec toutes les sociétés antérieures, il a en même temps analysé ses limites en profondeur.

    Défauts inhérents et maladie chronique du capitalisme

    La tendance à la surproduction et au manque d’investissements sont des ‘‘défauts inhérents’’ au capitalisme. Le travailleur ne reçoit jamais le produit intégral de son travail sous forme de salaire. Une partie du travail non rémunéré (plus-value) disparaît dans les poches du patron qui, autrement, fermerait rapidement boutique. Mais la compétition favorise la concentration de capital dans de grands conglomérats. Tant que les capitalistes réinvestissent une part importante de la plus-value, la surproduction est principalement un problème cyclique, puisque la production et l’installation de nouvelles machines exige des travailleurs qu’ils consacrent à leur tour leur salaire en biens de consommation et en services.

    Face à la concurrence, les capitalistes sont obligés de recourir à l’usage des techniques de production les plus modernes. Cela nécessite des investissements sans cesse plus importants dans les machines, la recherche scientifique et le développement technologique, qui devront être amortis dans des délais constamment plus courts. Dans la composition du capital, le facteur travail (ou capital variable, générateur de plus-value) souffre donc en faveur du capital fixe. Le bénéfice par unité de capital investi (le taux de profit) a dès lors tendance à baisser. C’est ce qui explique que, surtout depuis le milieu des années ’70, les marchés boursiers ont connu une forte expansion. Beaucoup de capitalistes préfèrent spéculer en bourse plutôt que d’investir dans la production, qui ne génère pas grand chose. Ceux qui sont restés dans la production se sont adressés aux banques afin de financer des investissements coûteux. Toutes les grandes entreprises participent désormais à l’investissement en bourse. L’idée qu’il existerait un capital industriel responsable au côté d’un capital financier téméraire n’est qu’un mythe.

    Par le passé, ces défauts inhérents étaient ‘‘gérables’’. Mais comme la science et la technologie ont atteint un niveau où toute innovation engloutit rapidement le marché capitaliste, la manière dont notre production est organisée constitue un frein continuel au développement. Les innovations nécessitent des années de recherche pour une durée de vie de plus en plus courte. Pourtant, les actionnaires privés exigent du rendement et ne veulent surtout pas courir le risque qu’un concurrent s’envole avec le fruit de leur investissement, d’où le commerce des brevets et le sabotage constant des savoirs scientifiques, qui devraient être librement accessibles.

    Les raisons immédiates de la crise actuelle

    La presse économique cite toute une série de raisons derrière cette ‘‘montagne russe boursière qui donne le vertige à l’investisseur’’. Pour les Etats-Unis : la crainte d’une nouvelle récession, l’impasse entre Démocrates et Républicains et la réduction de la notation triple A. Pour l’Europe : l’extension de la crise de la dette, l’avenir de la monnaie unique et la solvabilité des banques. Pour la Chine : l’inflation galopante, les craintes de l’impact de la récession américaine sur les exportations et la dette des collectivités locales. Nous ne balayons pas ces raisons immédiates, mais la raison sous-jacente est que la science et la technique ont dépassé les limites de l’élasticité du marché capitaliste. Les possibilités modernes aspirent à une libre gestion collective et à une planification démocratique, ce que les capitalistes ne peuvent temporairement contourner qu’en repoussant les contradictions internes jusqu’à devenir incontrôlables !

    Dans les années ’80, déjà, pour tenter de surmonter la surproduction et restaurer les taux de profits, on s’est servi de l’extension des crédits à bon marché sur le plan de la consommation et, sur celui de la production, de restructurations et de fermetures d’entreprises, de réduction des coûts de production de biens et de services ainsi que d’attaques contre les salaires, les conditions de travail, les horaires et les contrats de travail. L’effondrement des caricatures totalitaires de socialisme en Europe de l’Est et en Union Soviétique sous le poids parasitaire de la bureaucratie stalinienne et la décision de la bureaucratie chinoise d’introduire – de façon contrôlée – le marché libre afin de s’enrichir personnellement ont donné une énorme impulsion au transfert de production vers des pays à bas salaires.

    L’économie mondiale est un enchevêtrement de nombreux facteurs qui s’influencent mutuellement. D’où ‘‘l’effet papillon’’ selon lequel un petit mouvement dans un pays, dans des circonstances particulières, peut déclencher une tornade dévastatrice dans un autre. Avec 1.200 milliards de dollars de bons du Trésor américain dans ses réserves de change et encore 800 milliards de dollars en obligations d’institutions liées aux autorités américaines, le gouvernement chinois est effrayé par une dévaluation drastique du dollar. En 2000, la consommation particulière en Chine représentait 46% de son Produit Intérieur Brut et les investissements, 34%. Dix ans plus tard, ces investissements représentaient déjà 46%, tandis que la consommation privée avait chuté à 34%, en conséquence de l’expansion massive du crédit bon marché et de la sous-évaluation de la monnaie chinoise. Cela explique l’inflation galopante et la menace de surchauffe de l’économie. Si le marché américain décroche suite à une récession, on craint que la Chine connaisse un développement semblable à celui que connaît le Japon depuis le début des années ‘90.

    USA : vers une rechute

    L’impasse entre Démocrates et Républicains, en particulier du Tea Party, concernant l’augmentation du plafond d’endettement du pays a illustré à quel point les représentants politiques de la bourgeoisie sont divisés concernant la manière de s’attaquer à cette crise. Rien ne semble fonctionner. Les ménages ne consomment pas parce qu’ils réduisent leurs dettes, que le chômage mine leur pouvoir d’achat et que les gouvernements locaux économisent. Malgré les taux d’intérêt bas, les entreprises continuent de garder leur argent au lieu de l’investir. La Banque Fédérale s’est déjà, à deux reprises, mise à imprimer de l’argent sans que cela n’apporte fondamentalement de solution, et le gouvernement fédéral devra bien un jour endiguer son déficit budgétaire. Comment faire cela sans provoquer une explosion sociale?

    Cependant, certains analystes renversent le raisonnement. Un éditorial du journal boursier flamand De Tijd, fait même appel à Gustave Lebon, qui à publié en 1895 ‘‘La psychologie des foules’’. Selon le rédacteur, les investisseurs aspirent à une poigne de fer, mais ils ne la reçoivent ni aux États-Unis, ni en Europe. Le raisonnement est ainsi fait: il n’y a pas de direction, la confiance disparaît, ainsi la panique se crée et le troupeau court dans toutes les directions. Les fondations, selon ces analystes, sont en effet en bonne santé, parce que les entreprises ont un stock de cash important. L’hebdomadaire The Economist estime toutefois la probabilité d’une récession aux États-Unis à 50% et les investisseurs espèrent quand-même un troisième recours à la planche à billet.

    Si l’agence de notation Standard & Poor a, pour la première fois depuis 1941, dévalorisé la cote des États-Unis, c’est, selon ces mêmes analystes, la faute des politiciens. S&P peut bien prétendre que l’énorme erreur de calcul à hauteur de 2.000 milliards de dollars dans le rapport sur lequel elle se basait n’a pas joué dans la démission du PDG, il est certain que cela y aura certainement contribué. La vague de critiques que S&P a dû avaler et le fait que les investisseurs, au lieu de fuir, ont encore augmenté leurs achats d’obligations du Trésor américain, permettant aux États-Unis d’emprunter à un taux d’intérêt inférieur à celui de l’Allemagne, l’ont probablement achevé.

    Bye, bye Europe ?

    Pour ne pas se faire assommer par les oracles modernes – les agences de notation – les foyers grecs, portugais et irlandais ont fortement serrés leurs ceintures. Mais maintenant, presque tout le monde s’accorde à dire qu’elles sont incompétentes. Parce que ce sont des personnes de chair et de sang, selon le professeur d’économie Paul De Grauwe de Louvain ; parce que ce sont des entreprises privées qui veulent faire du profit et non pas des évaluations appropriées, selon nous. La sévère politique d’économie imposée à la population en échange de l’aide de la troïka (Fonds monétaire international, Banque centrale européenne et Fonds européen de stabilité) a plongé ces sociétés dans une profonde récession.

    L’unification capitaliste de l’Europe et la monnaie unique étaient des leviers de maximisation des profits et de casse sociale. Les différences entre les diverses économies nationales de la zone euro n’ont pas diminué, mais augmenté. Avec la politique de faibles taux d’intérêt que les économies les plus fortes ont exigé de la Banque Centrale Européenne, des bulles immobilières se sont développées et des paradis fiscaux ont été créés dans la périphérie, instrumentalisés ailleurs pour briser des acquis sociaux et mettre en place des secteurs à bas salaires. Cette hydrocéphalie devait se dégonfler à un certain moment, nous le disons depuis des années. Les spreads, la différence entre les coûts auxquels les gouvernements nationaux peuvent emprunter, n’ont jamais été plus grands.

    Des pays non membres de la zone euro peuvent stimuler les exportations en dévaluant leur monnaie. Quiconque est emprisonné dans la zone euro ne peut que recourir à la dévaluation interne, un mot à la mode qui signifie ‘‘casse sociale’’. Les bourgeoisies européennes se sont elles-mêmes placées dans une situation kafkaïenne. Abandonner l’euro provoquerait une hémorragie majeure pour les entreprises qui repousseraient sans doute la facture vers les travailleurs et leurs familles. Mais le coût du maintien de la zone euro pourrait devenir trop élevé. La Grèce a besoin d’une seconde aide, et quelques pays ripostent déjà, mais si l’Espagne et l’Italie glissent elles-aussi bientôt, nous entrerions alors dans une toute autre dimension. Le secteur bancaire européen deviendrait insolvable, la liquidité s’assécherait, une récession mondiale s’ensuivrait et la zone euro s’éclaterait probablement de façon incontrôlée. C’est pourquoi la BCE a relancé son programme d’achats d’obligations d’États. Pour l’instant, cela semble fonctionner, mais personne ne croit que cela puisse être suffisant à terme.

    D’où l’illusion de transférer – en partie ? – les dettes nationales vers l’Europe et de les mutualiser dans des obligations européennes. Selon Karel Lannoo, le fils, cela sous-entend une responsabilité commune, un trésor européen et donc des revenus d’impôts européens. Tous les 17 parlements nationaux auraient à l’approuver. Par ailleurs, on sait très bien que la crise en 2008 avait été déclenchée parce qu’on avait saucissonné de mauvais prêts, en particulier les hypothèques à grands risques, pour les emballer avec de meilleurs prêts, en espérant qu’ainsi, les risques seraient tellement éparpillés qu’il n’y en aurait plus. Qui ose prétendre que la même technique, parce que ce sont les obligations européennes, fonctionnerait lorsqu’il s’agit de dettes publiques ?

    Fuite vers des refuges

    Les investisseurs fuient vers de prétendues valeurs refuges. En cas de croissance, ce sont des matières premières, particulièrement le pétrole, mais la hausse des prix conséquente étrangle la croissance. Les récoltes sont aussi très populaires, mais elles ont déjà entraîné des émeutes de la faim. Aujourd’hui, les obligations des gouvernements américain et allemand sont populaires, mais elles rapportent chacune moins que ce que l’on perd par inflation. Ensuite viennent l’or et les francs suisses. Le prix de l’or dépasse de loin le coût de production et la Suisse risque de devenir victime de son succès. La demande pour les francs fait tellement rebondir la monnaie que sa propre industrie risque d’être enrayée et que l’industrie du tourisme risque de s’effondrer. Des consommateurs suisses vont de plus en plus faire leurs achats de l’autre côté des frontières. Cet avertissement, l’Allemagne le prendra en considération, car ce scénario risque de lui arriver dans le cas d’un éclatement de la zone euro.

    Explosions sociales

    Ces dernières années, les fidèles lecteurs de Lutte Socialiste et du site ‘‘socialisme.be’’ ont pu lire dans nos publications de nombreux articles consacrés aux révolutions, aux grèves générales et aux mouvements provoqués par les premiers effets de la crise. Selon nous, ce ne sont là que des signes avant-coureurs des explosions sociales qui nous attendent. Lors de ces explosions, le mouvement ouvrier va se réarmer tant sur le plan organisationnel que programmatique. Le Parti Socialiste de Lutte est déterminé à y apporter une contribution importante.

  • Capitalisme = Crise – Leurs remèdes ne fonctionnent pas

    Le spectre de la récession est de retour. Les milliards d’euros et de dollars consacrés aux stimuli et à la reprise de la dette des banques n’ont fait que repousser la crise. Une nouvelle phase de ralentissement de la croissance mondiale arrive, et risque de donner à nouveau de belles claques aux travailleurs, partout à travers le monde.

    Par Els Deschoemacker

    Le capital vogue vers de soi-disant refuges, que ce soient les francs suisses, l’or ou les obligations d’État américaines ou allemandes. La population n’a pas cette alternative. Elle fait face à un choix : accepter que les politiciens capitalistes éliminent la dette en compromettant gravement leur niveau de vie ou contre-attaquer.

    Aucune perspective agréable ne nous attend. En août, les quartiers défavorisés anglais ont concrètement illustré à quoi peuvent conduire la pauvreté et le manque de perspectives d’avenir. Là-bas s’est produite une explosion de frustration et de violence de la jeunesse, avec des pillages dans des quartiers ouvriers où les ménages ont déjà bien du mal à nouer les deux bouts.

    Depuis que la crise a éclaté en 2008, les capitalistes sont à la recherche de remèdes. Mais tout ce qu’ils ont trouvé pour tenter de soigner ce système malade a échoué. Les autorités ont massivement repris les dettes privées du monde financier, mais elles sont maintenante obligés – par ce même monde financier – à lourdement économiser sur les dépenses sociales afin de s’acquitter de leurs dettes. Ces économies entraînent une nouvelle récession, et davantage de dettes en conséquence. La patience de la société envers l’élite politique et financière touche progressivement à sa fin. Cette élite sent la pression. Quelques milliardaires, dont Warren Buffet, disent même qu’ils veulent payer plus d’impôts.

    Cette réaction n’est pas spécialement inspirée par la frayeur d’explosions sociales telles que celles de Londres, mais surtout par la peur d’une riposte massive et organisée de la classe ouvrière américaine et européenne. Quand les milliardaires disent ‘‘ faites- nous payer’’, à vrai dire, ils disent surtout ‘‘ faites-nous AUSSI payer’’. Afin de mieux faire passer la pilule à la population, ils sont prêts à y aller un peu de leur poche.

    Une contribution des riches et des super-riches pourrait, peut-être et temporairement, tempérer la pression, et nous ne sommes bien évidemment pas contre. Chaque euro que nous pourrons trouver, nous irons le chercher.

    Mais nous ne pouvons pas nous laisser duper ainsi. Cela ne résoudra pas la crise ni ne préservera la classe ouvrière d’une destruction drastique et structurelle de ses acquis sociaux, au contraire. Cette mesure a pour but d’être un moyen d’éviter tout trouble social afin de préserver leur système tout en faisant finalement payer la classe des travailleurs. Celle-ci n’a pas d’autre choix que de se battre pour se défendre et de lutter pour de véritables solutions, comme la nationalisation de l’entièreté du secteur financier ainsi que d’autres secteurs-clé de l’économie.

    Les ‘‘indignado’s’’ (les ‘‘indignés’’ qui ont occupé les places espagnoles) ont appelé à la tenue d’une journée d’action internationale le 15 octobre contre la dictature des marchés et la politique d’austérité imposée par la troïka de l’Union Européenne, du FMI, et de la Banque Centrale Européenne.

    Les jeunes et les travailleurs de Belgique doivent se saisir de cette journée d’action pour assurer que le gouvernement, qu’il soit en affaire courante ou non, ne répercute pas la crise sur notre dos. Nous devons nous préparer, nous mobiliser et montrer au grand jour la force de la classe ouvrière, de préférence en un mouvement des travailleurs coordonné à l’échelle européenne, afin de mettre le holà à l’austérité de la troïka.

    Pour cela, il est nécessaire de nous battre afin de faire des syndicats de véritables instruments de lutte, de construire et de développer nos propres instruments politiques, mais avant tout de ne pas éviter le débat concernant l’alternative au capitalisme, le socialisme, et la manière dont cet objectif peut être atteint.


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