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Tag: Asie
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Un Forum Social Mondial très politisé
Le Forum Social Mondial (FSM) s’est déroulé à Tunis du 26 au 30 mars dernier, et a rencontré un succès inattendu. Près de 70.000 militants issus du monde entier s’étaient réunis en Tunisie, un choix des plus approprié. Et force est de constater que le processus révolutionnaire que connait le pays a conduit à une forte politisation.
Rapport de Jeroen Demuynck, collaborateur de Paul Murphy au parlement Européen
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Socialisme 2013. Dimanche prochain, à l’occasion du week-end "Socialisme 2013", un rapport de la situation actuelle en Tunisie sera livré par Nicolas Croes, rédacteur de socialisme.be et de notre mensuel, de retour de Tunisie.
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Les militants tunisiens étaient bien entendu présents en masse, ce qui s’est ressenti au niveau des discussions politiques. Le processus révolutionnaire est toujours en cours en Tunisie. L’arrivée au pouvoir du parti islamiste conservateur Ennaha n’a conduit à la résolution d’aucun des problèmes qui furent à la base du soulèvement révolutionnaire. Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO, dont le PSL est la section belge) était présent avec des militants issus de six pays différents, et les idées marxistes révolutionnaires que nous défendons ont pu compter sur un large écho.
Les organisateurs du FSM ont longtemps douté de la faisabilité de cette édition. Les forums précédents, depuis Porto Alegre au Brésil, avaient connu une participation limitée. Cette crainte a été partiellement confirmée par la participation limitée provenant d’Asie et d’Amérique latine. D’autre part, de nombreuses inquiétudes ont été alimentées par l’instabilité politique du pays, très certainement depuis l’assassinat politique de Chokri Belaïd, le célèbre opposant de gauche (voir notre article à ce sujet).
La très forte participation au Forum, tout spécialement d’Afrique du Nord, est une indication que le processus révolutionnaire en Tunisie et dans la région se poursuit et continue à faire appel à l’imagination de nombreux militants de gauche, mais aussi bien au-delà. De nombreux militants de base tunisiens étaient là, l’UGTT (Union générale tunisienne du travail) avait environ 1.000 de ses militants présents. Malheureusement, certaines décisions des organisateurs ont eu un effet néfaste qui a conduit à des tensions entre des militants tunisiens et les organisateurs du FSM. Ainsi, les étudiants du campus universitaires avaient dû céder leurs logements à des participants du FSM, sans qu’ils n’en aient été avertis au préalable !
Le processus révolutionnaire est loin d’être terminé
Le sentiment dominant parmi les militants tunisiens est que la révolution est encore à achever. Le processus révolutionnaire se développe et est visible au travers de la forte polarisation politique qui prend place dans le pays. D’une part, la grande majorité de la population s’identifie à la révolution. Mais, deux ans après la chute de Ben Ali, la vie quotidienne reste marquée par de très nombreux problèmes. Le taux de chômage est monumental et toute une génération de jeunes n’a pas de perspectives d’avenir. Quant à ceux qui ont un emploi, ils travaillent souvent dans des conditions très précaires pour des salaires de misère, souvent inférieurs au salaire minimum officiel de 200 dinars (100 euros) par mois.
D’autre part, il y a le gouvernement de coalition dirigé par les islamistes réactionnaires du parti Ennahda et les puissances capitalistes nationales et étrangères qui veulent défendre les intérêts de l’élite. Depuis son arrivée au pouvoir, Ennahda n’a fait qu’appliquer une politique similaire à celle qui prévalait sous le règne du dictateur déchu : encore et toujours la politique néolibérale. Le gouvernement a récemment signé un prêt d’environ 1,35 milliards d’euros avec le Fonds Monétaire International. En contrepartie, le gouvernement a promis d’abolir les subsides d’Etat pour la nourriture et l’essence alors que les prix des denrées alimentaires ont déjà fortement augmenté jusqu’à présent. Pendant ce temps, de nombreuses entreprises sont parties à l’offensive contre les salaires et les conditions de travail.
La façade ‘‘démocratique’’ du gouvernement s’effondre face à son incapacité de répondre aux aspirations sociales et aux revendications de la population. La lutte de classe se développe, et la riposte des autorités se limite à une répression de plus en plus brutale, y compris à l’aide des Ligues de Protection de la Révolution, des milices réactionnaires islamistes radicales qui agissent comme "mercenaires" pour Ennahda.
L’assassinat de Chrokri Belaid est à considérer dans ce cadre. Mais la réponse du mouvement des travailleurs, venus en masse assister à son enterrement, fut une grève générale de 24 heures dans tout le pays. Les revendications de la fédération syndicale UGTT ont malheureusement été limitées à la condamnation de la violence politique. Cette grève aurait pu être utilisée pour développer un plan d’action vers la chute du gouvernement.
Un tel plan disposerait d’un vaste soutien dans la société. Un jeune militant nous a ainsi exprimé sa détresse en déclarant que ‘‘nous n’allons tout de même pas nous laisser voler notre révolution.’’ Ce sentiment est largement partagé, et se reflète en partie dans le score élevé obtenu par le Front populaire, une alliance de partis et d’organisations de gauche qui a déjà obtenu dans les 20% dans plusieurs sondages. Mais en raison de l’absence d’une stratégie claire de la part de l’UGTT et du Front Populaire pour aller de l’avant, beaucoup de jeunes et de militants sont à la recherche de moyens pour accélérer le processus révolutionnaire.
La soif d’idées révolutionnaires
Cette quête d’idées pour renforcer et accélérer le processus révolutionnaire – jusqu’à la question du contrôle des moyens de production et du socialisme démocratique – a été illustrée par l’intérêt qu’ont pu susciter nos divers tracts et notre matériel politique. Dès le premier jour du FSM, la quasi-totalité de nos journaux, livres et brochures avaient disparu. Quant à nos tracts (l’un portant sur la situation en Tunisie, l’autre présentant le CIO, tous deux disponibles en arabe, en français et en anglais), ils ont été pris avec enthousiasme.
Le va-et-vient fut constant à notre stand tout au long du FSM. Souvent, des gens revenaient après avoir lu notre matériel politique afin d’en discuter avec nos militants. Ces discussions ont pu être très poussées politiquement, l’intérêt était grand pour l’idée de vagues de grèves de 24 heures successives jusqu’à la chute du gouvernement et son remplacement par un gouvernement des travailleurs, des jeunes et des pauvres. L’essentiel de nos discussions ont porté sur la stratégie à adopter pour rompre avec le système capitaliste et passer à l’instauration d’une société socialiste démocratique. Il n’était donc pas uniquement question de renverser ce gouvernement pourri, mais aussi de construire un système fondamentalement différent. Cela a créé une dynamique et une ambiance animées à notre stand, avec de petits meetings spontanés réunissant de petits groupes de passants autour de l’un de nos militants. Notre meeting consacré à la lutte internationale contre le capitalisme a pu compter sur une présence de 80 participants, malgré la difficulté de trouver la salle. Ce meeting a également été diffusé en direct sur le site du FSM, et 1.200 personnes y ont assisté virtuellement.
Le Comité pour une Internationale Ouvrière fera tout son possible pour accroître sa présence dans la région et pour aider à y construire un mouvement révolutionnaire conséquent armé d’un programme socialiste.
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Pour stopper la casse sociale – Un vrai plan d’action avec grève(s) générale(s)
Le 21 février, des dizaines de milliers de syndicalistes en colère et motivés ont manifesté contre le refus du gouvernement de prendre en considération leurs revendications. A leurs côtés se trouvent d’autres dizaines de milliers qui n’étaient pas dans les rues de Bruxelles ce jour-là mais partagent une même indignation. C’est facile à comprendre. La majorité de la population – les salariés, les pensionnés, les allocataires sociaux – doivent se serrer la ceinture. Pendant ce temps, on ne touche pas aux salaires et primes mirobolants de managers et aux profits gigantesques des grandes entreprises.
Par Bart Vandersteene
Nous devons sacrifier nos conditions de vie au nom de la concurrence avec les pays à bas salaires. Pour ça, il ne faut pas aller chercher jusqu’en Europe de l’Est ou en Asie. En Allemagne, 6,5 millions de travailleurs ont un salaire horaire net compris entre 4 et 5 euros. En Saxe, à l’Est du pays, les coiffeurs gagnent 3,06 euros nets de l’heure. C’est face à ça qu’il faut être compétitif ? C’est dans cette mesure-là qu’il faut détruire nos conditions de travail et de vie pour faire plaisir aux patrons ? C’est encore une autre illusion néolibérale que l’on veut nous faire avaler : il serait possible de restaurer l’économie en sabrant dans le pouvoir d’achat et le niveau de vie de la majorité de la population. Le résultat de l’application d’une austérité drastique en Europe du Sud est la preuve parfaite que cette logique n’a aucun sens.
Avant et après la manifestation du 21, les syndicats ont dû essuyer des salves successives d’accusations de la part des médias et de tous les partis représentés aux Parlements. La ministre de l’emploi Monica De Coninck (SP.a), veut jouer à la Margaret Thatcher du gouvernement, a parlé des ‘‘ringards’’ des syndicats. Au PS, on tente de faire croire qu’on est de gauche en parole, mais Reynders n’a pas difficile de répondre aux critiques de Magnette en rappelant que le PS est au pouvoir depuis 1988 et a participé à l’application de toutes les politiques néolibérales. Pour Reynders, derrière toutes les gesticulations du PS, il y a toutefois une réalité : les ministres du MR et du PS restent ‘‘sur la même longueur d’onde’’ au gouvernement. C’est ça les partenaires de la FGTB au gouvernement ?
Les travailleurs de Ford et d’Arcelor, les fonctionnaires fédéraux, les cheminots, le non-marchand, etc. ont fait grève ou ont manifesté ces dernières semaines. Mais le gouvernement s’en fout, et les demandes polies ne vont rien changer à ça. Une mobilisation syndicale, ça doit servir à autre chose qu’à se défouler, ça doit aider à construire un rapport de force pour appliquer une autre politique. Ce n’est qu’avec la préparation d’une grève générale que les politiciens établis comprendront vraiment que nous ne plaisantons pas.
La timidité des dirigeants syndicaux soulève bien plus de doutes et de critiques que d’approbations. Pourtant, le soutien pour des mots d’ordre clairs peut être très large. Selon un récent sondage de La Libre et de la RTBF, 43% des Belges sont favorables à la nationalisation d’entreprises pour que l’activité se poursuive, une revendication que nous défendons depuis longtemps. Ce n’est aucunement un hasard si ce genre de position politique bénéficie d’un soutien croissant. La situation actuelle appelle à des propositions radicales et réellement socialistes.
Pour y parvenir, le mouvement des travailleurs doit résolument passer à l’offensive. Imaginons quel serait l’impact sur l’opinion publique d’un parti qui défendrait sans relâche sur le terrain politique ce que défendent les syndicats dans les entreprises ! Il est grand temps que les syndicalistes combatifs se dirigent vers la construction d’une telle force large et inclusive pour réunir les forces qui veulent clairement faire avancer la lutte.
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Inde : Grève générale de 48 heures. Quelle voie à suivre pour les travailleurs ?

Ces 20 et 21 février, une grève générale a secoué l’Inde, avec des dizaines de millions de travailleurs en grève. Le texte ci-dessous est une déclaration de la section indienne du Comité pour une Internationale Ouvrière, New Socialist Alternative. Cette monumentale action de grève avait été appelée par les principales organisations syndicales du pays contre la politique d’austérité du gouvernement indien. Les accords très favorables aux multinationales conclus par le gouvernement menacent les conditions de vie de plus d’un milliard de personnes !
Notre classe est sans équivoque opposée aux réformes néolibérales instaurées de façon brutale de 1991 à aujourd’hui. Depuis lors, il y a eu 14 grèves générales contre ces ‘‘réformes’’ synonymes de pauvreté et de pénurie croissantes pour la vaste majorité des travailleurs de ce pays. Le régime en place, qui dépend très clairement des multinationales, ne ménage pas ses efforts pour démanteler chaque brique de l’État Providence que prévoit la Constitution indienne.
C’est un défi !
La dernière grève générale, le 28 février 2012, a vu la participation de plus de 10 millions de travailleurs à travers l’Inde, aurait dû pousser les autorités à battre en retraite. Mais au lieu de cela, sur ces 12 derniers mois, nous avons assisté à un défilé de législations et de décrets tous plus pro-capitalistes les uns que les autres. Les différentes assemblées d’État nous accablent d’une intolérable austérité économique.

Parallèlement, chaque denrée de base et chaque service – du thé jusqu’au textile, de l’enseignement au transport – ont connu une montée exponentielle de leurs prix semaines après semaines, comme ce fut le cas au cours de ces deux dernières décennies. L’inflation est devenue un véritable cancer économique qui ne connait aucun remède. Pourtant, alors que le pouvoir d’achat diminue pour la majorité de la population, le nombre de milliardaires en dollars s’accroit de plus de plus en Inde.
Le Parti du Congrès au pouvoir, dans ses efforts serviles visant à apaiser ses riches donateurs impérialistes ainsi que les institutions financières telles que le FMI et la Banque Mondiale, attaque l’existence et le niveau de vie des travailleurs et des opprimés de toutes les façons possibles et imaginables. Les accords d’investissements directs de l’étranger vont entraîner le licenciement de 40 millions de travailleurs. Ils seront plongés dans la pauvreté.
Ou est l’opposition ?
Il est grand temps que les soi-disant partis d’opposition soient appelés par leur vrai nom : ils ne sont pas différents de l’agressif et néolibéral Parti du Congrès. Il n’y a pas un seul parti traditionnel qui s’oppose aux mesures néolibérales.
Serait-il possible que le BJP et Modi, Akhilesh Yadav du Parti Samajavadi, Mayavathi et Mamata s’opposent véritablement aux grandes entreprises ? Est-ce que le parti DMK corrompu et le malhonnête AIADMK, qui ont la prétention d’être ‘‘pro-pauvres’’, se déclareront opposés aux mesures capitalistes ?
Nous avons vu comment ces partis essentiellement capitalistes se sont comportés, dans le dossier des centrales nucléaires par exemple. Ils scandaient les mêmes slogans que les riches, et leur politique n’a été rien d’autre que la destruction de la vie des pauvres.
La classe dirigeante et leurs représentants politiques dans les différents partis bourgeois et petits-bourgeois parlent encore sans vergogne le langage de la croissance, du PIB et du développement alors que 836 millions d’Indiens continuent de gagner la somme dérisoire de 20 roupies par jour ! Le pouvoir en place camoufle les faits de l’autre Inde, celle dont on ne veut pas parler, celle qui est noyée dans la malnutrition, la misère, la maladie et la pauvreté.
Le fait est que la croissance économique de la dernière décennie a profité aux multinationales, aux entreprises indiennes et aux couches les plus hautes de la société indienne. Elle n’a pas profité à la classe ouvrière indienne, d’aucune manière que ce soit. La libéralisation de l’économie au cours de ces deux dernières décennies n’a amélioré aucun indicateur social, pas même le secteur agricole marqué par une faible croissance et une extension du nombre de suicides de paysans (250.000 au cours des 15 dernières années). L’Inde comprend plus de pauvres que l’Afrique subsaharienne. Toute cette histoire de la croissance de l’Inde s’est basée sur l’exploitation de la population et des pauvres.
Le communautarisme croissant, les atrocités de caste commis sur les Daliths et les minorités religieuses, la perpétuation d’actes honteux de violence envers les femmes à travers le pays,… tout cela ne sont que les symptômes de l’échec total du capitalisme en Inde. La classe capitaliste liée aux vestiges du féodalisme est incapable de résoudre les problèmes fondamentaux de ce vaste pays.
Cette grève générale de 48 heures arrive au moment où le capitalisme mondial connait sa pire phase dans l’histoire récente. Les soi-disant ‘‘success story’’ du capitalisme tombent en poussière. D’Amérique en Europe, en passant par le Moyen-Orient et l’Asie, l’autorité des classes dirigeantes est de plus en plus défiée par les travailleurs.
Les évènements tumultueux en Tunisie, en Grèce et en Afrique du Sud témoignent de la force collective des travailleurs et forgent une voie à suivre pour la création d’alternatives formidables qui mettront à mal le capitalisme et le remplaceront par le socialisme démocratique.
Tout en soutenant les revendications syndicales qui comprennent ‘‘l’arrêt de la montée des prix, l’arrêt des violations des droits du travail, l’autorisation des syndicats dans les lieux de travail, les primes, les gratifications et des fonds de solidarité pour tous les travailleurs,…’’, New Socialist Alternative (section du CIO en Inde) appelle les travailleurs à participer à cette grève de 48 heures :
- contre le système capitaliste et sa faillite totale
- contre les salaires de misère alloués à la vaste majorité des travailleurs
- contre le chômage et la privatisation qui détruisent les emplois et les services
- pour la renationalisation de toutes les entreprises privatisées et de tout les services publics.
- pour un système qui permet d’assurer à chacun des soins de santé, un bon enseignement et des logements
- pour la fin des atrocités commises contre les Daliths et les Adivasis et contre la montée du communautarisme
- contre la violence sexuelle
- contre le pillage des richesses par les multinationales
- contre les centrales nucléaires de Kudankulam, Jaithapur et d’autres lieux.
La classe ouvrière indienne, au côté d’autres couches opprimées, est la seule force progressiste qui peut s’opposer au capitalisme et ainsi mettre fin à ce système oppresseur.
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Chine : Bo Xilai et la crise du PCC
La lutte de pouvoir expose le régime chinois à encore plus de risques
Quand Bo Xilai est spectaculairement tombé en disgrâce au sein de la direction du Parti Communiste Chinois, cela a révélé les profondes divisions qui règnent au sein de l’élite dirigeante. La révélation semi-publique de la lutte de pouvoir expose le régime chinois à encore plus de risques.
Vincent Kolo (Chinaworker.info), article initialement paru dans Socialism Today, magazine mensuel du Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de galles)
L’exclusion du ”prince rouge” déchu Bo Xilai du Parti ”Communiste” (PCC) au pouvoir, décidée à la réunion du Politburo le 28 septembre dernier, a marqué une nouvelle phase dans la lutte de pouvoir de haut niveau qui se mène en Chine, la plus sérieuse depuis au moins 20 ans. A cause des divisions sur le degré de dureté avec lequel traiter Bo, le congrès du PCC qui se tient tous les 5 ans a été reporté de plus d’un mois, au 8 novembre.
Ce délai a illustré la profondeur des divisions internes sur les places dans composition de la nouvelle direction, qui seront révélées au congrès. Les dates des trois derniers congrès (1997, 2002 et 2007) avaient été annoncées fin août, un mois plus tôt que pour ce congrès. En août, un traditionnel conclave pré-congrès des dirigeants du PCC, qui s’est tenu dans la station balnéaire de Beidhane, était sensé avoir trouvé un accord sur la composition de la direction très contestée. Ce délai suggère que cet accord s’est rompu dans le renouvellement des querelles des factions.
Le sort de Bo Xilai a été utilisé comme monnaie d’échange entre ses partisans et opposants au sein de la direction du parti. Les opposants de Bo – qui incluent la direction actuelle du président Hu Jintao et du premier ministre Wen Jiabao – semblent avoir pris le dessus, mais la question est à quel prix ? Quelles concessions la faction ”tuanpai” (ligue de la jeunesse communiste) de Hu a-t-elle été forcée de faire sur le partage des sièges dans le tout puissant Comité Permanent du Bureau Politique (CPBP) ?
Les divisions actuelles dans l’Etat à un seul parti reflètent les tensions explosives dans la société, qui a l’écart de richesse le plus extrême en Asie, une épidémie de corruption, et des centaines d’ ”incidents massifs” chaque jours. La ligne de faille principale dans la lutte de pouvoir actuelle est entre les ”princes rouges” – les super-riches de la deuxième ou troisième génération de dirigeants du PCC comme Bo – et leurs opposants – surtout représentés par la faction tuanpai, qui veut limiter le pouvoir des princes rouges et mettre fin à leurs ”droits acquis”. Ceux-ci incluent les groupes industriels puissants appartenant à l’Etat, qui sont vus comme un blocage dans la libéralisation de l’économie. Certains commentateurs comparent la férocité de la lutte interne actuelle au coup d’Etat manqué de Lin Biao contre Mao Zedong en 1971 et au mystérieux accident d’avion qui a tué Lin pendant qu’il tentait de s’échapper en Union Soviétique.
L’exclusion de Bo est un premier pas vers un procès-spectacle minutieusement préparé dans le but de ”l’éliminer” – politiquement, sinon littéralement. Il risque maintenant une longue peine de prison, voire même la peine de mort. Alors que cela pourrait faire un tollé en Chine parmi les nombreux partisans de Bo, quelques uns de ses opposants ”libéraux” seraient en faveur d’une condamnation aussi drastique, pour éliminer toute possibilité de retour politique. Il est improbable que le procès de Bo soit ouvert au public, pour éviter tout acte de défi en public ou tentative d’incriminer ses ennemis. En ce sens, la procédure sera surement moins démocratique que quand la ”bande des quatre” maoïstes ont été jugés en 1981 et que Jiang Qing (Madame Mao) a engueulé ses accusateurs pendant deux heures la télé.
Bo Xilai et la ”nouvelle gauche”
Avant sa destitution de la direction du parti à Chongqing, Bo était la principale figure de proue de la ”nouvelle gauche” en plein essor, un groupe imprécis qui va de la jeunesse inspirée par Mao aux nationalistes en passant par les vieux du PCC. Ils sont critiques des politiques néolibérales et mondialistes de Pékin. Bien qu’il soit lui-même un multimillionnaire, Bo a acquis une renommée nationale avec ses campagnes flamboyantes contre l’autopromotion, comme sa campagne néo-Maoïste de ”culture rouge” qui puise dans le rejet populaire des effets de la restauration du capitalisme.
La répression brutale des célèbres triades de Chongqing, dirigées par le chef de police et ancien sous-fifre de Bo, Wang Lijun, récemment emprisonné, a attiré les critiques des militants des droits de l’Homme, et a visé beaucoup d’autres au-delà des triades. Une telle campagne et la popularité que Bo en a tirée n’étaient pas pour plaire à la direction en place de Hu et Wen. Bo était vu comme une menace contre les tentatives de Pékin de régner sur les provinces rebelles et comme un symbole de l’arrogance des princes rouges, de la corruption et d’autoritarisme qui, s’il n’est pas contrôlé, est une menace au pouvoir du PCC.
Depuis son exclusion, les médias contrôlés par l’Etat ont dénigré Bo dans des termes inhabituellement durs pour un dirigeant déchu, en présentant une litanie de crimes, dont l’abus de pouvoir, corruption et même ”relations sexuelles inappropriées”. Significativement, ces soupçons reviennent sur presque 20 ans, à l’époque où Bo était vice-maire de Dalian. Il a été cloué au pilori en tant que ”dictateur” qui régnait sur Chongqing d’une ”main de fer” et en tant que ”homme vraiment dégoûtant”, selon le Guangming Daily, un journal sous contrôle du Comité Central. Ce journal ouvertement libéral n’a pas pu se retenir d’attaquer les positions prétendument à gauche de Bo, qu’il décrit comme un ”modèle politique dépassé qui a mené la Chine à un désastre sans équivalent”.
Ces attaques constituent une stratégie très risquée pour la direction du PCC. Son but est clairement de détruire non seulement Bo mais aussi de porter un coup à la gauche néo-Maoïste qui est de plus en plus audible et a adopté Bo comme porte-drapeau. Mais la campagne de propagande contre Bo peut aussi attiser le scepticisme à l’égard du régime dans son ensemble.
Les gens vont inévitablement se demander pourquoi, si Bo ”a violé la discipline du parti” pendant 20 ans, le régime n’a pas réagi jusqu’ici ? Et en quoi ses actions sont-elles plus dictatoriales que celles des autres hauts fonctionnaires du PCC ? En tant qu’historien libéral, Yuan Weishi, demande : ”Pourquoi a-t-il été malfaisant si longtemps et qu’est-ce qui peut bien alimenter ce comportement ?” Bo s’est vu reprocher d’avoir choisi peu judicieusement Wang comme chef de police, dont la fuite vers le consulat américain à Chengdu a accéléré la chute de Bo. Mais, comme le commente l’avocat militant Liu Xiaoyuan : ”Bo Xilai a échoué à surveiller Wang Lijun, mais alors qui a échouéà surveiller Bo ?”
Avec ces attaques, le régime s’avance sur un terrain glissant. Elles pourraient attiser les protestations des partisans de Bo mais aussi des opposants qui doutent de la sincérité du régime ou de sa capacité à faire face à la corruption et les ”abus de pouvoirs”. L’impasse sur le sort de Bo, et le délai du congrès du parti, soulignent la sérosité de cette tactique et les risques encourus. En plus de profiter de la protection des princes rouges, Bo a construit un soutien considérable en dehors du PCC et aussi dans les forces armées, à un degré sans doute inégalé par aucune personnalité du régime.
”Le cas de Bo est sans précédent car il a apparemment beaucoup plus d’influence que Chen Liangyu et Chen Xitong [anciens chefs du parti à respectivement à Shanghai et Pékin, emprisonnés pour corruption]”, note Yuan Weishi, faisant référence aux deux plus importantes affaires de corruption des deux dernières décennies.
Le procès pour meurtre de Gu Kalai
C’est un revirement total depuis le procès en août de Gu Kalai, la femme de Bo, qui a reçu une peine capitale suspendue après avoir avoué le meurtre de l’homme d’affaire Neil Heywood. Le procès mis en scène de Gu, qui n’a duré qu’une journée, n’a pas fait la moindre mention de Bo. Maintenant, Xinshua écrit que Bo porte la « principale responsabilité » dans le meurtre de Heywood ! De la même façon, le procès de Gu minimisait la question de la corruption, malgré qu’il soit connu que Heywood blanchissait l’argent de la famille Bo et a été tué à cause d’une dispute avec Gu après qu’une affaire de plusieurs millions de dollars ait tourné au vinaigre.
En ne mentionnant pas Bo, le procès de Gu impliquait qu’une procédure criminelle lui serait épargnée et qu’il serait traité avec plus d’indulgence, dans les canaux disciplinaires du PCC lui-même (shanggui). Cela a été perçu comme faisant partie d’un accord plus large à la tête du parti à l’approche du congrès. Apparemment, les choses ont changé. Le changement a commencé avec le procès de Wang Lijun à la mi septembre, qui a envoyé l’ancien chef de police de Chongqing en prison pour 15 ans – une peine indulgente si on considère qu’un des quatre actes d’accusation était la tentative de déserter vers les USA. Les rapports officiels du procès en grande partie secret de Wang impliquent Bo, dans la tentative de couvrir le meurtre de Heywood. Bo n’était pas explicitement nommé, cependant le rapport parlait du ”principal responsable du comité du parti à Chongqing à cette époque”.
On nous dit maintenant que Bo ”recevait d’énormes pots-de-vin, personnellement et à travers sa famille” (Xinhua, 28 septembre). Mais, à son procès il y a juste deux mois, cette charge n’a été retenue contre Gu Kalai ou contre le fils de Bo, Bo Guagua, dont on dit qu’il se cache à présent aux USA. L’omission de telles charges malgré une connexion évidente avec le meurtre de Heywood montre à quel point le procès de Gu a été manipulé par le groupe dirigeant du PCC dans son propre intérêt, qui a à présent changé. Le procès imminent de Bo XIlai ne va probablement pas montrer une plus grande « impartialité » ou un plus grand respect de « l’autorité de la loi ».
Même le compte rendu officiel du meurtre de Heywood a été mis en question, sur le blog de Wang Xuemei (26 septembre), l’un des principaux experts de médecine légale chinois. Elle a mis en doute la confession écrite de Gu attestant qu’elle avait empoisonné Heywood avec du cyanure parce que cela donne des symptômes indubitables, comme la décoloration du corps, qui aurait forcément été remarquée par les médecins légaux sur la scène du crime. Le post de Wang, qui a rapidement été supprimé par la censure, soulevait l’hypothèse qu’il ait été étouffé.
Pourquoi l’accusation a-t-elle besoin de « modifier » la méthode par laquelle Heywood a été tué ? Il est possible que ce soit pour soutenir un scénario dans lequel Gu a agi seule, prétendument dans un état mental instable, plutôt que tout simplement (et plus logiquement) faire appel à des « professionnels » des forces de sécurité sous le contrôle de Bo pour s’occuper de Heywood.
On peut s’attendre à de telles « modifications » des faits pendant le procès de Bo. Déjà, dans la campagne médiatique contre lui, les allégations de corruption ont été ramenées à 20 millions de yuan par commodité. C’est un chiffre ostensiblement bas, en particulier si cela représente tout ce qu’il a pris pendant une carrière de deux décennies. « Pour autant que je sache, c’était bien plus que 20 millions de yuan », note Li ZHuang, un avocat emprisonné par Bo. « Bien plus que 200 millions, je dirais même. »
Une comptabilité honnête du montant du pillage de la famille Bo poserait cependant de graves problèmes au régime du PCC. La décision de baisser les sommes d’argent concernées et d’introduire la question des « relations inappropriées avec de multiples femmes » (ce qui n’est pas un crime en Chine) représentent des manœuvres de diversion de la part de l’Etat et de sa machine de propagande. Malgré cela, beaucoup de gens vont conclure avec raison que, plutôt que la « brebis galeuse », Bo n’était ni meilleur ni mauvais que les autres dirigeants quand il s’agissait de s’en mettre plein les poches.
Le niveau de corruption dans le cas de Bo et de sa famille n’est pas du tout exceptionnel dans la Chine d’aujourd’hui, bien qu’il s’agisse probablement de milliards de yuan. Selon les rapports dans les médias étrangers basés sur les informations des initiés du parti, Bo a collecté un milliard de yuan en pots-de-vin rien qu’en dispensant des promotions, quand il dirigeait le parti à Chongqing entre 2007 et cette année. Si ces sommes plus réalistes faisaient surface pendant le procès et dans les comptes rendus officiels, cela alimenterait inévitablement les revendications d’une investigation plus approfondie. La plupart des subalternes qui ont payé Bo pour des promotions sont encore assis sur leurs sièges officiels hors-de-prix. Très peu d’entre eux ont été purgés à Chongqing après la chute de leur bienfaiteur.
La lutte de pouvoir va continuer
Le drame autour de Bo ne peut pas être compris simplement en termes de corruption et de criminalité. Comme toujours en Chine, les affaires de corruption de haut niveau sont menées par la lutte entre les factions du parti pour des postes, l’influence et le contrôle. Les factions internes du PCC ne sont pas basées sur un programme ou une idéologie mais sur des loyautés claniques et le pouvoir politique. Cependant malgré ce manque de distinctions politiques apparentes, qui prête à confusion, la lutte actuelle reflète une grande différence entre ceux qui veulent accélérer la dérégulation et la privatisation de l’économie et diminuer le rôle des entreprises d’Etat, surtout dans « l’aile réformiste » de Wen (qui inclurait aussi le président à venir Xi Jinping), et ceux comme Bo qui dont pour plus d’intervention de l’Etat et la défense du capital national contre le capital étranger.
Le principal appui de Bo dans la hiérarchie du parti vient de la faction connue en tant que « gang de Shangai » ou « faction des princes rouges », dirigé par l’ex-président Jiang Zemin (86 ans). Ce groupe avait espéré protéger Bo d’une crucifixion publique, pas par solidarité politique au départ (la plupart des princes rouges d’opposent au Maoïsme teinté de populisme de Bo) mais dans un esprit d’auto-préservation collective. Rendre publics les méfaits de Bo menace la position des princes rouges de couche politique privilégiée. Cela pourrait aussi représenter une menace systémique plus large contre l’Etat à parti unique lui-même.
D’après Steve Tsang, professeur d’études chinoises contemporaines à l’université de Nottingham, la tournure récente des événements signifie que la faction de Jing a « accepté de laisser Bo être jeté aux loups en échange d’un accord quelconque dans le changement de direction du parti. » Il semble qu’ils aient sacrifié Bo pour plus de présence dans le CPBP. Il y a même une rumeur selon laquelle Jiang, officiellement depuis longtemps à la retraite, a assisté à la réunion du Bureau Politique qui a exclu Bo.
Plutôt qu’une victoire que certains observateurs ont proclamée pour Hu, Wen et le camp réformiste tuanpai, c’est plus probablement un compromis qui inclut des concessions à Jiang, qui est maintenant présenté comme exerçant une influence considérable, en échange du scalp de Bo. Si, comme on s’y attend, le nombre de sièges du CPBP passe de 9 à 7 pour concentrer plus de pouvoir dans les mains de Xi Jinping, cela va aussi accentuer la lutte de pouvoir – une version brutale des chaises musicales.
Manifestations anti-Japon
Il est aussi possible que la faction de Hu, soutenue par Xi, n’ait changé sa position que récemment en faveur d’une « solution durable » au problème de Bo, même si cela signifie accorder un plus grand rôle à la faction des princes rouges de Jiang dans la nouvelle direction.
Les récentes manifestations contre le Japon dans plus d’une centaine de villes en Chine peuvent avoir pesé dans la balance. C’étaient les plus grosses manifestations depuis plusieurs années, exigeant la restitution des îles Diaoyu par le Japon alors que les nationalistes japonais de droite sont très actifs. Elles montrent aussi de nouvelles preuves de scissions dans le PCC.
Alors que le gouvernement central cherche à maintenir un contrôle serré et à utiliser ces manifestations pour renforcer sa position dans les négociations avec le Japon et les USA, les manifestations ont donné quelques mauvaises surprises à Pékin. L’apparition de portraits de Mao et de slogans en soutien à Bo Xilai en particulier ont fait sentir au gouvernement que les manifestations ont été détournées par les partisans de Bo et ses alliés factionnels dans les forces de sécurité et les gouvernements locaux. Cela « a alarmé de nombreux membres du parti », selon Zhang Ming, un politologue à l’université de Renmin, à Pékin.
En retournant ses fusils contre Bo, la direction du PCC veut empêcher tout retour politique futur. Elle veut aussi porter un coup à ses partisans dans la « nouvelle gauche » et l’empêcher de lancer un défi au régime et à son programme de plus en plus néolibéral.
Dans le monde entier, les commentateurs capitalistes ont voulu nous rassurer en disant que la décision de juger Bo Xilai signifiait que Pékin était « sur la bonne voie » avec son congrès et la cure de jouvence de sa direction. Depuis quelques temps, les bourses du monde entier ont été très nerveuses à propos de la paralysie étatique et de l’impasse en Chine, un peu comme dans l’Union Européenne et aux USA. Cela a paniqué les capitalistes quand ils ont vu l’économie chinoise plonger vers un possible dur atterrissage. Ils ont sollicité un retour à des mesures pratiques à Pékin, comme un plus grand stimulus économique.
Mais quel que soit le sort de Bo, il ne mettra pas fin à la lutte de pouvoir au sein du régime, qui lui-même n’est qu’un reflet des contradictions sociales fondamentales de la société chinoise. Elles proviennent de la fusion du développement capitaliste déchaîné et de la dictature du parti unique. La lutte est installée pour continuer et la ligne de conduite dans laquelle le régime s’est embarqué lui-même peut lui donner un nouvel élan explosif.
« Déballer tout ce linge sale est très risqué pour le parti. Ils jouent avec le feu », avertit Chovanec. Il faut une force politique massive de la classe ouvrière, complètement indépendant des factions du PCC, pour lutter pour les droits démocratiques et le socialisme.
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Perspectives mondiales : ‘‘L’ère de l’austérité’’ prépare des convulsions sociales sismiques
Nous vivons une des périodes les plus dramatiques de l’Histoire
Les travailleurs grecs, suivis par les portugais et les espagnols, sont à l’avant-garde du mouvement contre cette interminable austérité. Plus personne ne peut aujourd’hui affirmer que la classe ouvrière reste passive face aux attaques du système capitaliste malade et pourrissant. Sa résistance s’est exprimée par une série de grèves générales épiques, mais elle a encore à créer un parti de masse ainsi qu’une direction dignes d’elle pour cette bataille entre travail et capital qui va dominer le début du 21ème siècle. La tâche du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), grâce à la clarté théorique de ses idées liée à un programme orienté vers l’action, est d’aider à créer cette nouvelle direction, une direction capable d’assurer la victoire de la classe ouvrière.
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Ce texte est un résumé du projet de document sur les perspectives mondiales discuté lors de la dernière réunion du Comité Exécutif International (CEI) du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) qui a eu lieu en décembre. Le document final est disponible, en anglais, sur le lien suivant.
[/box]Le caractère instable des relations mondiales (qui peuvent entraîner l’éclatement d’un conflit dans de nombreux endroits du monde et à n’importe quel moment) s’est illustré lors des récents affrontements entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza. Ils se sont limités à un échange de roquettes et de missiles et un accord de cessez-le-feu a été atteint, mais la guerre pourrait reprendre et un assaut d’Israël sur la Bande de Gaza n’est pas à exclure. En retour, des troubles auraient lieu dans le Moyen-Orient.
D’autre part, une ou plusieurs guerres régionales sont toujours de l’ordre du possible. La Syrie représente un véritable baril de poudre avec le régime de Bachar el-Assad assiégé et menacé d’être renversé, mais avec une opposition divisée sur des lignes sectaires. Les véritables socialistes ne peuvent soutenir ni Assad ni l’opposition, mais doivent s’orienter vers les masses que nous pouvons atteindre avec une voie clairement indépendante basée sur un programme et des perspectives de classe.
Certaines minorités du pays recherchent encore la protection d’Assad par craintes des conséquences d’une victoire de l’opposition, laquelle bénéficie clairement d’un soutien prédominant de la part de la majorité sunnite de la population, avec une influence grandissante significative d’organisations du type d’Al-Qaïda. De plus, l’intervention de la Turquie contre le régime a augmenté la tension entre les deux pays. Des affrontements armés pourraient avoir lieu entre eux, ce qui pourrait devenir hors de contrôle. Une intervention de l’Iran dominé par les chiites pour soutenir les chiites en Syrie n’est pas non plus à exclure. Pareillement, le conflit pourrait déborder au Liban avec l’éclatement de conflits sectaires. Cela en retour pourrait conduire Israël à saisir l’opportunité de lancer des attaques aériennes contre les supposées infrastructures nucléaires iraniennes, avec sans doute en riposte des salves de missiles et de roquettes de la part de l’Iran et du Hezbollah contre les villes et infrastructures israéliennes.
Au cours du récent conflit, le régime israélien et la population, plus largement, ont été pris de court par la capacité des roquettes du Hamas de frapper au cœur même de Tel Aviv. Le CIO s’oppose aux prétendues ‘‘frappes chirurgicales’’ d’Israël (qui ne sont en rien chirurgicales) qui ont tué au moins 160 Palestiniens. Mais nous ne soutenons pas pour autant les méthodes du Hamas, qui a lancé des roquettes à l’aveugle contre les villes les plus peuplées d’Israël. Cela a uniquement servi à jeter la population d’Israël dans les bras de Netanyahou, dont les actions punitives seraient soutenues par 85% de la population tandis que 35% soutiendraient maintenant une invasion de Gaza, opération qui verrait des centaines et des milliers de Palestiniens tués ou mutilés, de même que des Israéliens. Le peuple palestinien a le droit de résister aux méthodes terroristes de l’Etat Israélien, mais cette tâche peut être mieux accomplie par des mouvements de masse dans but de faire séparer la classe ouvrière d’Israël du régime vicieux de Netanyahou. En cas d’invasion de Gaza ou d’un autre territoire occupé, le peuple palestinien a tous les droits de résister, avec des armes si nécessaire, contre les envahisseurs.
Les mineurs sud-africains montrent la voie
Nonobstant l’influence des facteurs géopolitiques comme les guerres sur le cours des évènements (ce qui peut, sous certaines circonstances, sérieusement altérer nos perspectives), les principales caractéristiques de la situation présente sont l’approfondissement de la crise du capitalisme mondiale et la réponse combattive des la classe ouvrière et des pauvres.
Cela est symbolisé par le magnifique réveil de la classe ouvrière sud-africaine à la suite des mineurs. Ces grèves héroïques, à l’instar des révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, ont inspiré la classe ouvrière des pays industriels avancés. Un élément ‘‘d’Afrique du Sud’’ pourrait lui aussi être exporté en Europe avec un mouvement similaire au sein des syndicats afin de renverser les dirigeants qui refusent d’organiser la classe ouvrière pour sérieusement résister aux attaques du capitalisme.
A la suite des mineurs, d’autres pans de la classe ouvrière d’Afrique du Sud sont eux aussi entrés en action dans cette grève qui est en ce moment la plus grande et la plus sanglante au monde.
Cette lutte a également été caractérisé par un haut degré de conscience de la classe ouvrière (un héritage qui a su être préservé après les révolutions avortées des années 1980, avant la fin du régime de l’apartheid). Cela s’exprime par l’aspiration à la construction de nouveaux syndicats combattifs pour les mineurs afin de remplacer le syndicat officiel des mineurs, complètement corrompu, le NUM. Confrontés à l’ANC tout aussi corrompue, les mineurs (avec l’aide du Democratic Socialist Movement, le DSM, section du CIO en Afrique du Sud) ont lancé un appel pour un nouveau parti de masse des travailleurs. Cela ne peut que renforcer les revendications du même type portant sur la question de la représentation indépendante de la classe ouvrière dans tous les pays (c’est-à-dire la majorité) où la masse des travailleurs n’a pas de parti, pas même un capable de les représenter ne fut-ce que partiellement.
Même le magazine The Economist, la voix du grand capital, a déclaré : ‘‘le meilleur espoir pour le pays dans les années à venir est une scission réelle dans l’ANC entre la gauche populiste et la droite afin d’offrir un vrai choix aux électeurs.’’ C’est surprenant, sinon incroyable, au premier abord. Aucun journal capitaliste ne propose cela pour la Grande Bretagne ! Mais ce qui alarme The Economist, c’est que face au discrédit de l’ANC (un fossé de la taille du Grand Canyon existe à présent entre les seigneurs, chefs et rois de l’ANC et la classe ouvrière), les masses appauvries ont commencé à se tourner brusquement vers la gauche, vers les véritables militants pour le socialisme, les membres du DSM. Ils vont donc remuer ciel et terre pour essayer d’empêcher les masses d’aller dans notre direction, même si cela signifie de mettre en place une alternative ‘‘populiste’’ pour bloquer le développement d’un vrai parti de masse des travailleurs.
Les élections américaines
Le plus important évènement de cette période, au moins dans l’Ouest capitaliste, a été la réélection d’Obama aux USA. Il a été le premier président à être réélu depuis 1945 avec un taux de chômage supérieur à 7,5% dans le pays. Certains stratèges du capital (ou certains imaginant l’être) ont tiré des conclusions complètement fausses hors du résultat de cette élection. Ils affirment que la principale raison pour laquelle Obama a été élu, c’est que le peuple américain blâmait Bush, l’ancien président, pour les catastrophes économiques actuelles. Cela a sans doute été un facteur, certes, mais ce n’était ni le seul, ni le plus décisif. Une grande polarisation a pris place dans la société américaine avec les électeurs d’Obama (malgré leur déception face à son bilan) se rendant massivement au bureau de vote pour empêcher le candidat des 0,01% des riches et des plutocrates, Romney, de remporter les élections.
Il y avait une réelle peur de ce que signifierait une victoire de Romney, qui aurait fait tourner à l’envers la roue de l’histoire, briser les aides sociales et les réformes limitées dans la santé, etc. Cela a fait accroître la participation électorale qui, même si elle n’était pas aussi élevée qu’en 2008, était néanmoins d’un niveau historique. Le vote populaire a été serré, Obama l’emportant par 50,8% contre 47,5%. Mais il est crucial que la majorité des femmes l’aient soutenu, avec une majorité encore plus forte concernant les jeunes femmes. Il a aussi gagné 80% du vote des minorités (Latinos et Afro-Américains), bien sûr, et des sections significatives de travailleurs syndiqués (dans l’automobile par exemple) ont milité pour lui et l’ont soutenu. Dans cette élection, ce n’était pas seulement une question de victoire du ‘‘moindre mal’’ pour Obama pour ‘‘arranger l’économie’’. Bien sûr, il ne sera pas capable de le faire, à cause du caractère de la crise économique.
Le magnifique résultat de la candidate de Socialist Alternative aux élections de la chambre des représentants de l’Etat de Washington (un splendide 28% des suffrages) a été un triomphe non seulement pour nos camarades Américains mais pour l’ensemble du CIO.
C’était la confirmation du fait que présenter des candidats des travailleurs indépendants peut conduire au succès, et à un nouveau parti de masse des travailleurs. De plus, cela s’est produit au cœur même de la plus grande puissance capitaliste au monde. Cette élection est un avant-goût de ce à quoi nous pouvons nous attendre ailleurs dans la prochaine période, en particulier en Afrique du Sud et en Europe, et cela montre le potentiel qui existe dialectiquement aux USA pour les idées et le programme du socialisme.
L’héritage des trahisons social-démocrates et staliniennes n’existe pas aux USA, ce qui en fait un terrain encore plus favorable pour les vraies idées du socialisme en comparaison de nombreux endroits d’Europe et d’ailleurs à ce stade. De notre point de vue, il en va de même pour la victoire d’Obama. Son deuxième mandat pourrait préparer la voie à la création d’un troisième parti, mais d’un parti de la classe ouvrière cette fois, socialiste, radical et populaire. Bien sûr, toutes les perspectives sont conditionnées par la façon dont l’économie se développera aux USA et dans le monde entier.
L’économie mondiale fait face à une série de crises
L’économie américaine (l’une des seules à ré-atteindre le niveau de production d’avant 2008) a ralenti pour atteindre son rythme le plus faible depuis 2009, avec une croissance de moins de 2% alors que, simultanément, toutes les plus grandes économies mondiales ont perdu de la vitesse. Si les Républicains refusent un accord avec Obama, si les USA échouent face à la falaise fiscale, cela pourrait presque automatiquement plonger l’économie mondiale (fondamentalement stagnante) dans une nouvelle dépression encore plus profonde. Les intérêts des capitalistes devraient logiquement forcer les Républicains à chercher un accord avec Obama. Mais le système politique des USA, conçu à l’origine pour une population prédominée par les petits fermiers au XVIIIème siècle, est maintenant complètement dysfonctionnel, de même que le Parti Républicain.
En 2009, lors de l’un de ses discours parmi les plus révélateurs devant les banquiers américains, Obama a déclaré : ‘‘Mon administration est tout ce qu’il y a entre vous et les fourches.’’ Mais lors des élections, cela ne lui a pas pour autant apporté le soutien de la bourgeoisie américaine dans son ensemble, qui a en général préféré Romney. Cela tend à montrer qu’une classe ne reconnait pas toujours ce qui est dans son meilleur intérêt ! Ce sont les stratèges et les penseurs de la classe dominante, parfois en opposition avec ceux qu’ils sont sensés représenter, qui sont préparés à défendre les meilleurs intérêts des capitalistes et à planifier le chemin à suivre. Aujourd’hui, le problème pour eux est que les différentes routes qui mènent toutes le capitalisme à la ruine.
Leur perte de confiance est visible dans leur refus d’investir ainsi que dans les avertissements des institutions sacrées du capitalisme : le FMI, la Banque Mondiale, etc. Leurs perspectives de sortie rapide hors de la crise actuelle ont toutes été balayées. Dorénavant, ils sont plongés dans un pessimisme total. Le premier ministre britannique David Cameron et le Gouverneur de la Bank of England ont averti que la crise peut durer encore une décennie, et c’est le même son de cloche au FMI. Le thème des ‘‘banques zombies’’, d’abord employé au Japon, est à présent utilisé pour décrire non seulement les banques mais aussi les économies de l’Amérique, de l’Europe et du Japon. Comme dans le cas du Japon, les économistes bourgeois prédisent une ‘‘décennie perdue’’ pour certains pays et pour l’ensemble de l’Europe. Ils comparent cela à la dépression de 1873 à 1896, au moins en ce qui concerne l’Europe. Martin Wolf, du Financial Times, réfléchit ainsi : ‘‘l’âge de la croissance illimitée est-il terminé ?’’ en citant beaucoup une nouvelle étude ‘‘La Croissance Economique des USA Est-Elle Terminée ? L’Innovation Hésitante Confronte Les Six Vents Contraires’’. (NBER Working Paper no 18315)
Cela a posé la question essentielle du rôle de l’innovation dans le développement du capitalisme, et en particulier dans l’amélioration de la productivité au travail. Les auteurs de l’étude mentionnée ci-dessus ont conclu qu’il y avait eu ‘‘trois révolutions industrielles’’ depuis 1750 qui ont été cruciales pour le développement du capitalisme.
La première s’est située entre 1750 et 1830, a vu la création des machines à vapeur, du filage du coton, des chemins de fer, etc. La deuxième était la plus importante des trois avec ses trois inventions principales : l’électricité, le moteur à combustion interne et l’eau courante avec la plomberie, dans une période relativement courte, de 1870 à 1900. Ces deux révolutions ont pris à peu près 100 ans pour que leurs effets se répandent complètement dans l’économie. Après 1970, l’augmentation de la productivité a nettement ralenti, pour un certain nombre de raisons. La révolution informatique et internet (décrits par les auteurs comme la révolution industrielle n°3) ont atteint leur apogée à l’ère d’internet, fin des années 1990. Selon cette étude, son principal impact sur l’économie s’est altéré au cours des 8 dernières années. Les chercheurs en concluent que, depuis les années 2000, l’invention a largement été concentrées dans les appareils de loisir et de communication qui sont plus petits, plus smart et ont plus de capacités, mais ne changent pas fondamentalement la productivité du travail ou le niveau de vie de la même manière que la lumière électrique, les voitures à moteur et la plomberie. Cela ne veut pas dire que la science et la technique n’ont pas le potentiel de considérablement rehausser la productivité, mais le problème est posé par l’état actuel du capitalisme en déclin, incapable de développer pleinement le potentiel de ses forces productives. La baisse tendancielle du taux de profit (et les baisses réelles de rentabilité) décourage les capitalistes d’adopter des innovations qui pourraient développer les forces productives.
Il y a ensuite le problème de la ‘‘demande’’ qui en retour a conduit à ‘‘une grève de l’investissement’’, avec un minimum de 2000 milliards de dollars de ‘‘capital au chômage’’ dans la trésorerie des entreprises américaines. Et le problème du surendettement par-dessus tout. Styajit Das, du Financial Times, admoneste la bourgeoisie américaine qui ‘‘parait incapable d’accepter la vérité : la perspective d’une croissance économique faible ou nulle pour une longue période. (…) Le maintien de la croissance nécessite toujours plus d’emprunts. En 2008, aux USA, 4 ou 5 dollars de dettes étaient nécessaires pour créer 1 dollar de croissance, contre 1 ou 2 dollars dans les années 1950. A présent, la Chine a besoin de 6 ou 8 dollars de crédit pour générer 1 dollar de croissance, une augmentation de 1 à 2 dollars par rapport à il y a 15 ou 20 ans.’’
Le capitalisme ne fait pas face à une crise, mais à une série de crises. Ses partisans essaient de faire accepter à la classe ouvrière la perspective d’une croissance faible, voire de pas de croissance du tout, et ainsi qu’elle soit plus encline à accepter de voir ses conditions de vie se réduire drastiquement, comme en Grèce. Nous devons contrer cela par notre programme et en mettant en avant les possibilités illimitées (évidentes même aujourd’hui) qui sont présentes pour autant que la société soit organisée de façon rationnelle et planifiée, c’est-à-dire grâce à l’instauration du socialisme.
L’insoluble crise de l’Europe
La crise économique en Europe est la crise la plus sérieuse à laquelle fait face le système capitaliste. Cette crise parait insoluble avec la politique d’austérité qui ne fonctionne clairement pas, l’éclatement de conflits et la mise en garde du FMI contre ‘‘l’austérité excessive’’ appliquée par les gouvernements nationaux en Europe avec la bénédiction des autorités de l’UE et de la Banque Centrale Européenne (BCE). La BCE a d’un côté cherché à implanter, comme l’US Federal Reserve et la Bank of England, une forme de keynesianisme par l’achat d’obligations d’Etat ainsi qu’en accordant des prêts meilleurs marché à certaines banques et pays. Mais de l’autre, ces mêmes autorités (la ‘‘Troïka’’) ont été l’instrument des politiques d’austérité. Pourtant le FMI critique ‘‘l’effet multiplicateur’’ négatif qui s’opère quand une austérité drastique est appliquée (coupes dans les dépenses d’Etat, pertes d’emplois, etc.) car cela réduit les revenus de l’Etat. La BCE et les gouvernements nationaux rétorquent avec l’argument de ‘‘l’absolue nécessité’’ de faire des coupes dans les dépenses d’Etat, accompagnées de toutes les autres mesures d’austérité, de privatisation, etc. Mais en dépit de toutes les attentes, l’austérité a eu pour effet d’éteindre les braises économiques qui subsistaient encore durant la crise.
Il est vrai que les politiques keynésiennes ont échoué à générer la croissance. Dans la situation actuelle, cela revient à ‘‘pousser un objet avec une corde’’. Cela a conduit les nouveaux keynésiens, comme l’ancien monétariste thatchérien Samuel Brittan, à faire pression pour des mesures plus audacieuses ; il défend ce qui revient à une ‘‘chasse au trésor’’ géante, dans une tentative désespérée de faire bouger l’économie. Il suggère, en plaisantant seulement à moitié, d’enterrer des montagnes de cash, et que les aventuriers qui les découvriraient aillent les dépenser ! Il n’y a pas d’indication que cela se produise, cependant. Les largesses qui ont été distribuées jusqu’ici ont été utilisées pour payer les dettes, pas pour augmenter les dépenses. C’est une indication du désespoir de la classe dominante pour une amélioration, à ce stade. Le keynésianisme a été partiellement essayé et a échoué, mais cela ne signifie pas que, face à une explosion révolutionnaire, les capitalistes ne vont pas recourir à des mesures keynésiennes de grande ampleur. Des concessions peuvent être accordées, et par la suite les capitalistes vont tenter de les reprendre par le biais de l’inflation.
Même à présent, les autorités européennes tentent d’éviter que la Grèce soit en défaut de paiement en suggérant que plus de temps lui soit donné pour payer. Cela ne va pas empêcher les attaques sauvages contre la classe ouvrière grecque, qui sont appliquées sans état d’âme par l’UE. Cela ne va pas non plus résoudre les problèmes de base de la Grèce, qui vont encore s’accumuler avec la dette colossale. Un défaut de la Grèce est donc toujours probable, ce qui aura d’énormes répercussions dans toute l’Europe, dont en Allemagne, lourdement endettée envers les banques d’autres pays. Il est même possible que l’Allemagne elle-même prenne l’initiative de quitter la zone euro, telle est l’opposition politique intérieure contre la politique de renflouement. Même la proposition de donner à la Grèce plus de temps pour payer ses dettes rencontre une opposition de la part des capitalistes allemands parce que cela signifierait d’effacer une petite partie de leur dette. Il est possible que, en ce qui concerne l’Espagne et certains autres pays, ‘‘la canette soit envoyée plus loin’’. Mais, en fait, la canette va devenir trop grosse pour pouvoir être envoyée au loin ! Par conséquent, une rupture de la zone euro reste en jeu.
Même les Chinois sont alarmés par la tournure des événements en Europe. Un haut fonctionnaire Chinois, Ji Liqun, assis au sommet d’un fond souverain d’Etat de plus de 350 milliards d’euros, a averti que le public européen est à un ‘‘point de rupture’’. Auparavant, il avait argumenté que les Européens devraient travailler plus, mais il reconnait maintenant que la profondeur de la colère publique pourrait conduire à un ‘‘rejet complet’’ des programmes d’austérité. ‘‘Le fait que le public descende dans les rues et recoure à la violence montre que la tolérance du public en général a atteint ses limites’’, a-t-il commenté. ‘‘Les syndicats sont maintenant impliqués dans des protestations organisées, des manifestations et des grèves. Ca sent les années ‘30.’’ Ses préoccupations inexprimées sont que l’exemple de la classe ouvrière européenne puisse faire des vagues en Chine. Il craint d’autre part pour la sûreté des investissements chinois en Europe.
La Grèce est la clé de la situation
En ce moment, l’Europe est la clé de la situation mondiale : c’est là que la lutte des classes est la plus aigüe, c’est là que se trouvent les plus grandes opportunités pour une percée de la gauche et des forces révolutionnaires. Mais s’il en est ainsi, la Grèce est en conséquence la clé de la situation en Europe, suivie de près par l’Espagne et le Portugal dans la chaine des maillons faibles de l’Europe capitaliste. Comme Trotsky le disait de l’Espagne dans les années ‘30, non pas une mais 3 ou 4 révolutions auraient été possibles si les travailleurs grecs avaient une direction prévoyante et un parti de masse à sa tête. Le jour de la dernière grève générale, un programmeur informatique grec a commenté dans le journal britannique The Guardian : ‘‘Personnellement, je suis épaté qu’il n’y ait pas encore eu de révolution.’’ La télévision britannique a aussi commenté que seulement 3% de la population soutient effectivement les mesures d’austérité du gouvernement et de la Troïka. Avec tous les tourments que les Grecs sont forcés d’endurer, à la fin du programme d’austérité actuel, la dette de la Grèce sera encore de 192% du PIB ! En d’autres termes, il n’y a absolument aucune chance que cette dette soit payée. L’austérité sans fin est cependant l’avenir que le capitalisme a décrété pour le peuple grec.
Toutes les conditions pour la révolution ne sont pas seulement mures, mais pourries. 19 jours de grève générale (parmi lesquelles quatre de 48h et le reste, de 24h) témoignent des réserves colossales d’énergie dont disposent les travailleurs grecs et de leur capacité à résister. Cependant, ils en ont conclu que, malgré une lutte magnifique, la Troïka et les capitalistes grecs n’ont pas encore capitulé. Il est donc nécessaire de se tourner vers le front politique, vers l’idée d’un gouvernement de gauche capable de montrer la voie pour sortir de la crise. Ce processus a trouvé place malgré le fait que les masses soient sceptiques vis-à-vis de Syriza et de sa direction. Des sections significatives des masses sont prêtes à soutenir Syriza, qui reçoit actuellement 30% de soutien dans certains sondages, mais ils ne sont pas prêts à rejoindre ses rangs et à s’engager activement. Il y a une part de cet élément dans beaucoup de pays. La forte déception consécutive à l’échec des partis ouvriers a entraîné un scepticisme extrême envers ceux-ci, même ceux qui sont formellement de gauche. La volonté est bien présente de soutenir les formations et partis de gauche aux élections, mais pas de leur donner du temps et de l’énergie en s’engageant dans leurs rangs et en les construisant. Les travailleurs ont été déçus dans le passé et craignent d’être à nouveau laissés tomber. Bien sûr, cet état d’esprit peut et va être modifié une fois qu’ils auront vu ces partis véritablement accomplir ce qu’ils ont promis. Cependant, au lieu d’aller vers la gauche, les partis de gauche en général – et Syriza en particulier – ont eu tendance à aller vers la droite, en baissant leur programme et en ouvrant même leurs portes à d’ex-dirigeants de la social-démocratie (comme le Pasok en Grèce) qui ont ouvertement joué un rôle de briseurs de grève dans la dernière période.
Dans les circonstances de la Grèce, les tactiques souples employées par nos camarades grecs – tout en restant fermes sur le programme – répondent aux besoins de cette situation très complexe. Nous devons avoir l’œil non seulement sur les forces de gauche à l’intérieur de Syriza, mais aussi sur les forces importantes qui se situent à l’extérieur et qui, dans certains cas, ont revu leurs positions politiques. Nous ne pouvons pas dire à quel moment le gouvernement actuel va s’effondrer (car il va surement s’effondrer), avec la probable arrivée au pouvoir d’un gouvernement de gauche emmené par Syriza. Mais nous devons être préparés à une telle éventualité, dans le but de pousser ce gouvernement vers la gauche, tout en aidant à créer des comités démocratiques populaires qui peuvent en même temps soutenir le gouvernement contre la droite mais aussi faire pression pour la prise de mesures en défense de la classe ouvrière. Il n’est pas impossible qu’une nouvelle force semi-massive significative émerge des tactiques dans lesquelles nous nous sommes à présent engagés.
Cela implique non seulement une concentration sur les développements dans la gauche et dans les partis des travailleurs mais aussi contre les dangers de l’extrême-droite, et en particulier celui de la montée du parti fasciste Aube Dorée, dont le soutien est récemment monté jusqu’à 14% dans les sondages, mais qui est maintenant descendu autour des 10%. Une des raisons de cette diminution est la formation de comités de masse antifascistes, que nous avons aidé à initier et dans lesquels nous avons attiré des travailleurs, des jeunes et des réfugiés. Ce travail est d’une importance exceptionnelle et pourrait être le modèle pour le genre de situation à laquelle la classe ouvrière peut être confrontée dans beaucoup d’autres pays à l’avenir.
Si la classe ouvrière et la gauche échouent à mener à bien une révolution socialiste, l’Histoire témoigne qu’ils devront en payer de lourdes conséquences. Les tensions sociales qui existent en Grèce ne peuvent être contenues pour toujours dans le cadre de la ‘‘démocratie’’. Il y a déjà une guerre civile voilée, avec plus de 90% de la population opposée aux ‘‘un pour cent’’ et cela peut exploser en un conflit dans le futur. Quelques éléments d’extrême-droite en Grèce ont discuté de l’idée d’une dictature, mais ce n’est pas immédiatement à l’agenda. Tout mouvement prématuré qui paraitrait imiter le coup d’état militaire de 1967 pourrait provoquer une grève générale totale, comme en Allemagne en 1920 avec le Putsch de Kapp, et entraîner une situation révolutionnaire. De plus, un coup d’Etat ne serait pas acceptable en ce moment pour l’impérialisme, la ‘‘communauté internationale’’, dans cette ère de ‘‘démocratie et de résolution des conflits’’.
Dans un premier temps, les capitalistes vont plus probablement recourir à une forme de bonapartisme parlementaire, comme le gouvernement Monti en Italie, mais en plus autoritaire. La position économique et sociale risquée de la Grèce va demander un gouvernement plus ferme et plus à droite qu’en Italie, avec le pouvoir de renverser le parlement ‘‘en cas d’urgence’’. Si cela ne fonctionne pas, et qu’une série de gouvernements de caractère similaire est incapable de forcer l’impasse sociale, et si la classe ouvrière, faute d’un parti révolutionnaire conséquent, échoue à prendre le pouvoir, alors les capitalistes grecs pourraient passer à une dictature ouverte.
Nous devons avertir la classe ouvrière que nous avons encore du temps en Grèce, mais nous devons utiliser ce temps pour préparer une force capable d’accomplir un changement socialiste de société. Le 14 novembre dernier, la réponse dans toute l’Europe a illustré que les luttes de la classe ouvrière sont liées entre elles. Si les travailleurs grecs brisaient les chaines du capitalisme et en appelaient aux travailleurs de l’Europe de l’Ouest, ou au moins aux travailleurs du Sud de l’Europe, il y aurait une énorme réponse pour un appel pour une confédération socialiste – qui impliquerait probablement l’Espagne, le Portugal et peut-être l’Irlande dans un premier temps, sinon l’Italie.
La Chine à la croisée des chemins
Comme le montre le fait que la première visite d’Obama après sa victoire électorale était en Asie, l’impérialisme américain a identifié ce continent comme une région-clé (plus importante que l’Europe, par exemple, stratégiquement et économiquement). Il s’agissait en partie de réaffirmer l’enjeu économique de l’impérialisme américain mais aussi à avertir la Chine de l’importance des intérêts stratégiques militaires des USA. Cela paraissait nécessaire à cause de la réaffirmation militaire de la Chine, qui a été révélée récemment dans les clashs de la marine chinoise avec le Japon à propos d’îles inhabitées contestées. Le Japon commence à construire ses forces militaires, seulement pour sa ‘‘défense’’ bien sûr ! Cela signifie que l’Asie va devenir un nouveau dangereux théâtre de conflits militaires, avec la montée du nationalisme et la possibilité de conflits déclarés, où les diverses puissances seront préparées à se confronter les unes aux autres, avec les armes si nécessaire, afin de renforcer leur influence, leur pouvoir et leurs enjeux économiques.
La Chine est le colosse de l’Asie, la deuxième puissance au monde après les USA. La façon dont elle se développe va avoir un effet énorme, peut-être décisif, sur la région et le monde. Et la Chine est certainement à la croisée des chemins, comme son élite dirigeante le comprend bien. Comme beaucoup de groupes dirigeants dans l’Histoire, elle sent les tensions contradictoires monter d’en bas et est incertaine concernant la façon de les gérer. Les érudits Chinois décrivent la situation actuelle du pays à The Economist comme ‘‘instable à la base, découragée dans les couches moyenne, hors de contrôle en haut.’’ En d’autres termes, en ce moment, les ingrédients pour une révolution fermentent en Chine. Le temps des taux de croissance spectaculaires de l’ordre de 12% est révolu. La Chine est aujourd’hui telle une voiture embourbée dans la neige : les roues tournent mais le véhicule n’avance pas. La croissance s’est probablement contractée entre 5 et 7%. Le régime revendique une certaine ‘‘reprise’’ mais ne s’attend pas au retour d’une croissance à deux chiffres. Cela va automatiquement affecter les perspectives pour l’économie mondiale. Un taux de croissance de plus de 10% n’était possible que par l’injection de ressources, qui est monté jusqu’à 50% du PIB investi dans l’industrie, ce qui est énorme et sans précédent. Cela a en retour généré du mécontentement et du ressentiment contre la croissance des inégalités et la dégradation de l’environnement ainsi que contre l’accaparation illégale des terres collectives par des fonctionnaires avides.
Cela et les conditions de surexploitations dans les usines ont généré une opposition énorme parmi les masses avec 180.000 manifestations publiques en 2010 (et ce chiffre a augmenté depuis), en comparaison à l’estimation officielle de 40.000 en 2002. Le retrait du ‘‘bol de riz en fer’’ (la sécurité sociale) et les attaques contre la santé et l’éducation ont ajouté au mécontentement. Cela a forcé la direction à réintroduire un minimum de couverture-santé. La direction chinoise est hantée par la gestion de ce volcan et par la voie économique à adopter. Le village de Wukan s’est soulevé il y a un an et a été victorieux après des batailles avec la police pour réclamer des terres qui leur avaient été volées par la bureaucratie locale. Ceci était symptomatique de ce qui se passe sous la surface en Chine : une révolte souterraine qui peut éclater à n’importe quel moment. A cette occasion, les fonctionnaires locaux ont battu en retraite mais d’un autre côté, les manifestants n’ont pas donné suite à leur mouvement. Il semble que cet incident et beaucoup d’autres sont ‘‘de petits soulèvements qui ne cessent de bouillonner à travers toute la Chine.’’ (Financial Times)
Beaucoup de protagonistes pensent naïvement que si seulement les seigneurs de Pékin connaissaient l’échelle de la corruption, ils interviendraient pour y mettre fin. Quelque chose de similaire se produisait en Russie sous le stalinisme. Au départ, les masses tendaient à absoudre Staline de toute responsabilité dans la corruption, pour laquelle il n’aurait pas été ‘‘au courant’’. Cela était considéré comme étant le crime de la bureaucratie locale et non pas de Staline lui-même. Mais l’arrestation de Bo Xilai et le procès de sa femme ont aidé à dissiper ces illusions dans la Chine actuelle. Il a été accusé d’avoir abusé de sa position pour amasser une fortune, acceptant d’énormes pots-de-vin tout en permettant la promotion de ses amis à de hauts postes. Bo, membre du sommet de l’élite (un prince rouge, fils d’un dirigeant de la révolution chinoise) est accusé de complicité de meurtre, de corruption passive et de corruption à grande échelle. Cela pose naturellement la question de la manière dont il a pu s’en sortir si longtemps.
En réalité, ce ne sont pas ces crimes (bien qu’ils soient probablement vrais) qui ont conduit à son arrestation et à son procès imminent. Il représentait un certain danger pour l’élite et faisait campagne pour un poste au plus élevé en évoquant, élément très dangereux pour l’élite, certaines expressions radicales du maoïsme associées à la Révolution Culturelle. En faisant cela, il aurait pu inconsciemment libérer des forces qu’il n’aurait pas été capable de contrôler, qui auraient pu aller plus loin et exiger des actions contre les injustices du régime. Qui sait comment cela se serait terminé ?
Le régime chinois est en crise. Il est assez visiblement divisé sur les prochaines étapes à accomplir (en particulier sur la question économique). Un prince rouge l’a exprimé brutalement au Financial Times : ‘‘La meilleure époque de la Chine est révolue et le système entier a besoin d’être remanié.’’ Les commentateurs bourgeois de journaux comme The Economist, le Financial Times, le New York Times, etc., ont récemment recouru à la terminologie qu’utilise le CIO, en décrivant la Chine comme ‘‘un capitalisme d’Etat’’. Ils n’ajoutent pas la clause que nous y ajoutons, ‘‘un capitalisme d’Etat avec des caractéristiques uniques’’. Cela est nécessaire pour différencier notre analyse de la position rudimentaire du Socialist Workers Party et d’autres, qui décrivent inexactement les économies planifiées du passé de cette façon. Le sens de la marche de la Chine est clair. Par le passé, le secteur capitaliste a augmenté au détriment des entreprises d’Etat. Mais récemment, et en particulier depuis le plan de relance de 2008, il y a eu une certaine recentralisation et le pouvoir économique a tendu à être plus concentré dans le secteur d’Etat, à tel point que maintenant les entreprises d’Etat pèsent maintenant 75% du PIB total. D’un autre côté, selon The Economist : ‘‘Les experts ne s’accordent pas à dire si l’Etat représente la moitié ou un tiers de la production chinoise, mais sont d’accord pour dire que cette part est plus basse qu’elle l’était il y a deux décennies. Depuis des années, depuis la fin des années 1990, les entreprises d’Etat paraissent battre en retraite. Leur nombre a décliné (à environ 114000 en 2010, une centaine d’entre elles étant des champions nationaux contrôlés centralement), et leur part dans l’emploi a chuté. Mais à présent, même alors que le nombre de compagnies privées a augmenté, la retraite de l’Etat a ralenti et, dans certaines industries, s’est inversées.’’
Il est clair qu’une discussion féroce a lieu derrière les portes fermées de l’élite. Les ‘‘réformateurs’’ sont en faveur d’un programme déterminé de démantèlement du secteur d’Etat pour se tourner de plus en plus vers le ‘‘marché’’. Ils proposent de lever les dernières barrières à l’entrée et l’action du capital étranger. Selon la rumeur, le nouveau ‘‘dirigeant’’ Xi Jinping, malgré la rituelle rhétorique du ‘‘socialisme avec des caractéristiques chinoises’’ soutient ces réformateurs. D’un autre côté, ceux qui ont proposé l’ouverture, dans l’économie mais aussi avec des réformes ‘‘démocratiques’’ limitées, paraissent mis à l’écart. Des études ont été réalisées sur la façon dont d’anciennes dictatures comme la Corée du Sud aurait réussi une ‘‘transition froide vers la démocratie’’. Elles ont eu lieu quand l’expansion économique ne s’était pas épuisée et même alors, il s’agissait d’un contexte de mouvement de masses. La ‘‘transition’’ proposée en Chine prend place au milieu d’une crise économique massive. Il paraitrait que les dirigeants chinois étudient avidement le rôle de Gorbatchev en Russie. Il avait d’abord l’intention de ‘‘réformer’’ le système et a fini par présider son démantèlement. Dans la Chine actuelle, des réformes importantes d’en haut provoqueront une révolution d’en bas. On ne peut pas exclure qu’une période ‘‘démocratie’’ très faible (avec le pouvoir encore aux mains des anciennes forces, comme aujourd’hui en Egypte avec l’armée et les frères musulmans au pouvoir) pourrait se développer après un soulèvement révolutionnaire en Chine. Mais cela ne serait qu’un prélude à l’ouverture des vannes à un des plus grands mouvements de masse dans l’Histoire.
Conclusions
En quatre ou cinq ans de crise économique mondiale dévastatrice, nous pouvons conclure qu’il y a des perspectives très favorables pour la croissance du marxisme, avec toutefois certaines réserves compte tenu du fait que la conscience (la vision large de la classe ouvrière) doit encore rejoindre la situation objective, qui peut encore être décrite comme prérévolutionnaire, surtout à l’échelle mondiale.
Les forces productives n’avancent plus, mais stagnent et déclinent. Cela a été accompagné d’une certaine désintégration sociale de certaines sections de la classe ouvrière et des pauvres. En même temps, de nouvelles couches de la classe ouvrière se créent ainsi que de parties de la classe moyenne (prolétarisées) et sont forcées d’adopter les méthodes traditionnelles de la classe ouvrière avec les grèves et les organisations syndicales. Le pouvoir potentiel de la classe ouvrière reste intact, même entravé et affaibli par les directions syndicales droitières ainsi que par la social-démocratie et les partis ‘‘communistes’’.
Le CIO n’a pas encore fait de percée décisive dans un pays ou un continent. Cependant, nous avons maintenu notre position globale en termes de membres et, surtout, nous avons augmenté notre influence dans le mouvement ouvrier. Beaucoup de travailleurs sympathisent et regardent de notre côté, ils peuvent nous rejoindre sur base des événements et de notre militantisme. Nous devons faire face à la situation en formant et préparant nos sympathisants pour le prochaine période tumultueuse, dans laquelle de grande opportunité se présenteront de renforcer les organisations et partis du CIO et l’Internationale dans son ensemble.
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Industrie automobile européenne : Une autre crise est en cours…
Il faut une stratégie syndicale européenne et internationale pour défendre les usines, les emplois et les conditions de travail
‘‘C’est un bain de sang’’, a déclaré Sergio Marchione, le patron de Fiat (une entreprise aujourd’hui en difficulté) et également président du comité des constructeurs européens d’automobiles, en se lamentant de l’état du marché européen. De son côté, le New York Times a titré: ”L’industrie automobile européenne a atteint le jour du jugement dernier”.
Stephan Kimmerle, Comité pour une Internationale Ouvrière
Avec le ralentissement de la croissance en Chine, l’industrie automobile internationale est confrontée à des temps difficiles. Mais en Europe, c’est un véritable désastre. Les ventes en Europe ont baissé d’un nombre total de plus de 15 millions en 2007 à environ 12,4 millions en 2012. Un nouvelle diminution des exportations vers les marchés chinois va noyer les usines européennes dans la surcapacité.
Étant donné le fait que d’énormes surcapacités existaient déjà avant même le déclenchement de la crise, le coût constant de maintenir les usines instaure une énorme pression pour la fermeture d’environ 8 à 10 sites, aux dires des commentateurs capitalistes. Cela implique de se débarrasser de la capacité à produire au moins 3 millions de véhicules en Europe – l’équivalent de près de 250.000 emplois. Selon les analystes, les usines doivent fonctionner à 75% de leurs capacités de production au moins pour rester rentables.
La destruction de cette capacité de production – et pas automatiquement une production automobile – et la mise à la porte d’une main-d’œuvre très qualifiée venant ainsi grossir les rangs des chômeurs, voilà la ”solution” capitaliste pour ce problème. Cependant, jusqu’à présent, au cours de cette crise, seuls quelques très rares sites ont été fermés en Europe (Opel à Anvers et Fiat en Sicile par exemple) et, en même temps, de nouvelles entreprises ont été installées en Europe de l’Est et à l’étranger.
Gagnants et Perdants
La crise automobile actuelle est en train de frapper les divers producteurs de masse de manières très différentes. Alors que Volkswagen semble avoir augmenté sa part de marché (en dépit de quelques problèmes avec sa filiale Seat), les groupes Peugeot (PSA) et General Motors en Europe (Opel, Vauxhall) semblent avoir le plus souffert. Opel accuse des pertes de l’ordre de 938€ par voiture vendue, Peugeot-Citroën, de 789€. Opel parle de fermer des usines, soit à Eisenach (Est de l’Allemagne) ou à Bochum (Ouest de l’Allemagne). Ford envisage la fermeture de son usine de Genk, en Belgique. Peugeot a annoncé une réduction de 8.000 travailleurs de sa main-d’œuvre en France (100.000 au total), la fermeture de son usine d’Aulnay-sous-Bois près de Paris comprise (au total, 14.000 emplois seront perdus sur 210.000 de la main-d’œuvre mondiale selon ce plan).
Alors que les travailleurs d’Aulnay sont descendus dans les rues pour protester et exiger que leurs emplois soient protégés, un soi-disant expert, au nom du gouvernement français, a proposé de fermer l’usine de Peugeot de Madrid à la place et de licencier les travailleurs là-bas.
L’annonce de licencier les travailleurs dans les usines Peugeot de France en Juin a immédiatement déclenché de vives actions de protestation dans tout le pays. Le 9 octobre, la CGT a appelé à une manifestation des travailleurs de l’automobile à Paris, en affrontant les patrons présentant les nouveaux modèles le même jour. La réunion de délégués originaires de différentes usines de Peugeot, les dirigeants syndicaux a forcé d’organiser cette action ainsi que d’autres, plus décisives, mais aucune stratégie n’existe pour utiliser pleinement la puissance de l’effectif total à Aulnay et dans les autres sites. Alors que les ouvriers d’Aulnay se sont mis en grève, d’autres n’ont pas été appelés à les rejoindre.
Les différences entre sociétés reflètent également les effets inégaux de la crise économique en Europe et les effets dévastateurs des mesures d’austérité imposées à l’Europe du Sud. Alors que les ventes de voitures allemandes stagnent, la France a connu une baisse de 14%, l’Italie de 20%, tandis que le nombre d’achats a baissé de plus de 40% en Grèce et au Portugal. La baisse des ventes en Europe du Sud a eu un effet beaucoup plus important sur les achats de Peugeot et Ford compte tenu de leur parc automobile et de leurs marchés traditionnels. Ford a réduit le temps de travail, par exemple, dans son usine de Cologne, en Allemagne, qui produit pour ces marchés.
Dans le même temps, les travailleurs sont soumis à un chantage qui les force à accepter la dégradation des conditions de travail. Les problèmes actuels de Bochum reflètent la décision de GM en mai en faveur de leur usine Vauxhall d’Ellesmere Port, en Grande-Bretagne. Ils ont forcé les travailleurs à accepter de plus longues heures, des pertes de salaire net et une plus grande flexibilité, avec des temps de travail même le week-end afin que la production ne discontinue pas. Avec cela, la concurrence interne entre les usines Opel en Allemagne (Rüsselsheim, Bochum) et Vauxhall à Ellesmere Port a été à nouveau utilisée avec succès par les patrons contre les travailleurs.
Toute une série d’accords impliquant des travailleurs donnant des concessions pour sauver leurs emplois ont été mises en œuvre dans le passé. Or, malgré les ”garanties” accordées aux travailleurs concernant la sauvegarde de leurs emplois jusqu’en 2016, l’usine de Bochum fait face au danger d’une fermeture, et Rüsselsheim verra une énorme surcapacité dès que les prochains changements de modèles seront entièrement mis en place.
Malheureusement, au lieu de développer une riposte commune, les dirigeants syndicaux en Grande-Bretagne et en Allemagne ont toujours justifié les concessions, partageant une vision très étroite de la défense de l’emploi, dans le seul cadre de leur État-nation ou même en cherchant à sauver un site et pas l’autre.
Une stratégie patronale calquée sur l’exemple américain?
Les tentatives patronales visant à faire payer la crise aux travailleurs sont évidentes. Mais quel est leur plan pour organiser une sortie ? Des milliards d’euros ont été dépensés après la crise de 2009 pour renflouer l’industrie automobile en Europe. A partir d’un point de vue très américain, le New York Times a commenté : >"Mais au lieu d’avoir utiliser cet argent pour faciliter la douloureuse réduction des effectifs des sites et des fiches de paie, les gouvernements ont fourni des subsides pour que les gens échangent leur ancien modèle pour un nouveau, ont subsidié les salaires des travailleurs afin de dissuader les entreprises d’effectuer des coupes dans les emplois." (New York Times, 26 Juillet)
C’est aussi ce qui s’est passé aux États-Unis. L’administration Obama a pris le contrôle effectif de GM et Chrysler, deux des trois grandes entreprises automobiles américaines, et a organisé une restructuration massive dans le but de restaurer la rentabilité pour les actionnaires. Cette restructuration a impliqué la fermeture de dizaines d’usines à travers tout le Midwest, la perte de milliers d’emplois et la disparition de gains historiques pour les travailleurs en termes de salaires, de pensions et de soins de santé. Les salaires des nouvelles recrues représentent désormais la moitié de ceux des plus anciens! Cette ”restructuration”, faite au détriment des travailleurs du secteur automobile, n’a été possible qu’avec la coopération active de la direction de l’United Auto Workers (UAW), le syndicat autrefois puissant des travailleurs automobiles américains.
Une partie de la bureaucratie syndicale participe à la gestion des entreprises par l’intermédiaire des actions contrôlées par l’UAW à GM et Chrysler. Elle doit aussi gérer leur ”fonds de grève” d’1 milliard de dollars placé à Wall Street et le plan de santé pour les retraités contrôlé par l’UAW.
Dans le cadre du processus de réorganisation des modalités d’exploitation, une forte baisse des salaires des travailleurs de l’automobile aux États-Unis a été mise en œuvre. Les bases industrielles traditionnelles au nord des États-Unis, où existe un niveau élevé d’organisation et de traditions syndicales, ont été défavorisées et la production a été déplacée au sud des États-Unis, là où les syndicats sont peu présents dans l’industrie automobile. Plusieurs sociétés japonaises et allemandes ont maintenant des usines de fabrication automobile à bas salaires aux États-Unis, un pays constamment plus considéré comme un centre de fabrication à bas salaires.
Voilà le plan de restructuration sous l’administration Obama : un coup dévastateur pour le niveau de vie et les conditions de travail des travailleurs américains de l’automobile sous prétexte de ”sauver des emplois”. Mais l’objectif principal est en réalité de réduire les coûts afin de restaurer les profits des actionnaires.
Compte tenu de l’énorme surcapacité du secteur en Europe, Sergio Marchione, patron de Fiat et actuel président de l’association des constructeurs automobiles européens, a appelé à l’application de cette méthode à l’américaine à l’échelle de l’Union Européenne. ”[L’Europe] doit fournir un système unifié, une feuille de route concertée pour y parvenir", a-t-il dit . ”Regardez ce qui s’est passé avec les aciéries dans les années ’90, il faut copier cet exemple.” Cela signifie fermetures d’usines, licenciements et détérioration des conditions de travail pour ceux qui conservent leur emploi, tout cela organisé par les gouvernements européens.
Les capitalistes européens vont-ils mettre en œuvre un plan à l’américaine ?
Incapables de résoudre la crise fondamentale de l’industrie automobile, les patrons européens seront-ils en mesure de suivre la voie américaine ? Les différents États-nations vont essayer d’agir comme en 2009. Mais il est plus qu’improbable que les capitalistes européens parviennent à trouver une approche commune. En 2009, les différents États-nations ont avancé des mesures comme les ”prime à la casse” pour pousser à acheter de nouvelles voitures. Formellement, ils ont traité avec les différents producteurs de manière neutre, mais la conception des différentes mesures est basée sur des intérêts nationaux concurrents.
Si Fiat et Peugeot sont les grands perdants de cette crise, l’Etat allemand, d’un point de vue capitaliste, ne doit pas s’inquiéter de trop. De nouvelles opportunités pourraient même apparaître pour Volkswagen. Dans la logique du capitalisme, les tensions et les différences entre les Etats-nations et les entreprises basées sur ces Etats-nations augmentent. Cela n’exclut toutefois pas que des actions communes puissent voir le jour sous la pression de l’intérêt commun de stabiliser l’économie ou pour empêcher une remontée des luttes et des protestations. Mais, comme le montre la crise de la zone euro, les Etats-nations européens sont les instruments des différentes classes capitalistes. Les diverses bourgeoisies nationales sont capables de coopérer tant que cela sert leurs intérêts, mais les contradictions se multiplient aujourd’hui.
L’utilisation de leur État-nation est une voie à sens unique pour les capitalistes, qui ne les oblige pas à faire quoi que ce soit. Deux ans et demi plus tôt, le patron de Fiat, Marchione, a plaidé en faveur de ce qu’il appelle un ”plan d’investissements” dans les usines italiennes de Fiat sous le nom de ”Fabbrica Italia” (Usine Italie). (A l’origine, ”Fiat” signifie Fabbrica Italiana Automobili – Torino). En jouant la carte italienne, il a plaidé pour une aide de l’État et des concessions massives de la part des travailleurs au niveau de leurs conditions de travail et de leurs salaires. Les travailleurs des usines italiennes ont déjà été forcés d’adopter une diminution de leur temps de travail avec perte de salaire. Il s’agit parfois même de moins de 4 jours de travail par mois.
Perspectives
Cependant, il est loin d’être certain que les gagnants actuels, les constructeurs automobiles allemands par exemple, puissent tout simplement continuer à l’emporter. Après la crise de 2009, ce sont surtout les marchés chinois qui ont aidé les constructeurs automobiles européens à surmonter leurs problèmes. Compte tenu de ces ventes opérées en Asie, les voitures de gamme supérieure – les allemands Daimler, BMW et Audi – n’ont toujours pas été blessées par une nouvelle crise, mais un ralentissement est bel et bien présent.
Même en plein essor, Volkswagen a annoncé à ses fournisseurs en Allemagne la possibilité d’une baisse de 10% de la production. Daimler a annoncé de nouveaux programmes pour réduire les coûts. Les tentatives de renforcement de la coopération entre les entreprises ont augmenté (par exemple Opel avec PSA, Daimler avec Nissan). L’échec de la fusion Daimler-Chrysler constitue toujours un bon avertissement. Mais la pression sur les entreprises est immense, des fusions supplémentaires ainsi que l’effondrement de sociétés entières sont envisageables.
L’option espérée par les diverses entreprises est que le déclin de l’Europe puisse être amorti par le reste du marché mondial. Il est difficile de savoir dans quelle mesure ce scénario se concrétisera. Même dans ce cas, cela ne pourrait se faire qu’avec de nouvelles réductions de sites et du nombre d’emplois. Une situation bien plus sévère encore ne peut pas être exclue du fait d’un ralentissement brutal de l’économie chinoise (un taux de croissance tombant à 5%) et d’autres marchés émergents touchés par le ralentissement économique mondial.
Quelle stratégie syndicale?
Durant les premières journées d’horreur qui ont accueilli la crise automobile en 2009, la crainte de perdre des emplois et des usines a renforcé le débat sur une reconversion de l’ensemble de l’industrie vers des voitures électriques et la ”mobilité verte”. Cela a très vite été oublié dès lors que les ventes en Chine ont augmenté, et c’est le schéma des primes à la casse qui a été favorisé.
Les syndicats, tel le puissant syndicat allemand IG Metall, ont signé des accords stipulant que les travailleurs acceptent un travail de durée moindre ainsi que de graves pertes de salaire. Les travailleurs contractuels ont perdu leur emploi et l’effectif de base a payé un lourd tribut. Les dirigeants syndicaux ont accepté le ”système à deux vitesses” où les travailleurs les plus récents sont employés à des salaires beaucoup plus bas et des conditions de travail bien plus mauvaises. Les bureaucraties syndicales allemandes du secteur ont joué un rôle identique à celui de leurs homologues à l’époque du déclin de la sidérurgie et des charbonnages en Allemagne : organiser la fin de l’emploi et des entreprises avec quelques concessions mineures, en évitant ainsi de grands bouleversements sociaux.
La crise est en train de mordre à nouveau les travailleurs des usines automobiles. Il est urgent d’éviter une répétition de ces événements sur une base économique encore pire qu’en 2009. Il nous faut une véritable stratégie syndicale capable de coordonner la résistance des travailleurs à travers toute l’Europe et ailleurs pour défendre l’emploi et les usines, et mettre fin au jeu qui consiste à monter les travailleurs d’une usine contre ceux d’une autre, ou ceux d’un pays donné contre ceux d’un autre.
Une lutte unifiée est nécessaire pour lutter contre toutes les attaques antisociales, contre toutes les concessions, toutes les pertes d’emplois et toutes les fermetures. Toutes les usines où les travailleurs sont menacés de licenciements doivent être collectivisées par les autorités et fonctionner sous le contrôle et la gestion des travailleurs. Mais, étant donné les liens existants entre les diverses usines, les différentes interdépendances et la surcapacité de production dans l’industrie en général, la lutte pour la nationalisation ne peut se limiter aux usines dont les patrons n’ont plus besoin. L’ensemble de l’industrie a besoin d’être placée sous la propriété de l’Etat et sous la gestion démocratique des travailleurs, des syndicats et de l’Etat.
Il nous faut un plan de réorganisation de l’industrie automobile afin d’utiliser cette main-d’œuvre instruite et qualifiée en fonction de la satisfaction des intérêts des travailleurs en Europe et dans le monde. Si nécessaire, cela pourrait nécessiter de convertir cette production en d’autres produits socialement nécessaires. Une telle gestion permettrait de diminuer le temps de travail sans perte de salaire dans le cadre d’un plan de relance socialiste destiner à vaincre la crise économique capitaliste, non avec le développement du chômage et de la pauvreté, mais en réorganisant la production en fonction des besoins des travailleurs.
Marchione appelle à une ”feuille de route unifiée et concertée” en vue d’abattre l’emploi et les sites, la réponse des travailleurs et des syndicats doit elle aussi être unifiée et concertée. Pour ouvrir ce chemin, les syndicats doivent devenir de réelles organisations de combat, basées sur la démocratie interne, en construisant des liens étroits entre les travailleurs à l’échelle européenne et internationale. Il nous faut un mouvement militant sur les lieux de travail et dans les syndicats afin de lutter pour ces changements, en développant ainsi des liens directs entre les représentants des travailleurs de différentes usines et de différents pays, pour surmonter les obstacles qui se présentent sur la voie d’une lutte menée de concert.
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Hong-Kong : 15 ans après le retour à la Chine, la démocratie est toujours absente et les inégalités sont plus grandes que jamais.
Ce premier juillet, alors que Hong-Kong fêtait le 15e anniversaire de son retour à la Chine, une manifestation antigouvernementale massive a eu lieu. L’an dernier, plus de 200.000 personnes avaient participé à cet évènement devenu annuel depuis 2003. Cela suffit à démontrer les vives tensions qui existent dans les relations entre le gouvernement central de Pékin et la région administrative spéciale de Hong Kong, depuis que celle-ci a été rétrocédée par les Britanniques en 1997.
chinaworker.info
La manifestation « 7.1 » (pour le premier juillet) organisée cette année était un baptême du feu pour le nouveau chef exécutif (à la tête du gouvernement), Leung Chun-ying, alors qu’il entrait au pouvoir. Leung, que l’on surnomme CY, est un politicien capitaliste avec des tendances clairement autoritaires. Il est aussi soupçonné d’être membre du parti ‘‘communiste’’ au pouvoir (PCC). Comme beaucoup d’autres membres de l’élite, Leung nie ces allégations en bloc. Même si le PCC détient les rênes du pouvoir, officiellement, il n’existe pas à Hong-Kong, et préfère opérer dans l’ombre.
Le PCC est fortement impopulaire, surtout parmi les jeunes. En tant que parti officiel, s’il n’avait pas le monopole politique qu’il exerce en Chine continentale, le PCC serait inévitablement miné par des dénonciations populaires plus fréquentes, des sondages d’opinions défavorables et des pertes majeures au niveau électoral. Cela remettrait fortement la légitimité du parti en question, et pas seulement à Hong-Kong.
La commentatrice et auteure libérale, Christine Loh décrit le système hongkongais assez poliment en le qualifiant de ‘‘capitalisme antidémocratique’’. Même si cette zone du territoire jouit d’un certain degré d’autonomie, le peuple ne peut pas élire de gouvernement car celui-ci est désigné d’office par la dictature du PCC, en consultation avec les milliardaires d’Hong-Kong, les Tycoons. Le PCC a conservé le système gouvernemental antidémocratique hérité des Britanniques, et n’y a apporté que très peu de modifications.
Les vagues de manifestations successives et les revendications pour ‘‘une personne, une voix’’ qui ont été scandées par les masses ont été accueillies par le gouvernement central et ses représentants locaux par des tactiques de retardement, des pseudos ‘‘réformes’’ et d’autres manœuvres de ce type. Les Tycoons capitalistes et le conglomérat qui contrôle l’économie ne cachent pas leur opposition face à une transition démocratique plus rapide. Ils avancent que cela conduirait à un Etat-Providence et que cela minerait fortement leur compétitivité (c’est-à-dire leurs profits). La faible cadence des changements démocratiques est l’une des causes principales de ce sentiment antigouvernemental. D’autres facteurs tels que la crise immobilière, l’extrême disparité des richesses, le copinage entre les hommes d’affaires et les hommes d’Etat, etc. ont poussé le mécontentement au sein de la population à un point de non-retour.
Malgré le caractère antidémocratique de son système, Hong-Kong est souvent considéré comme ‘‘l’économie la plus libre du monde’’ par les think tanks libéraux. La Fondation Heritage (l’un des plus importants think tank conservateur américain lié au Wall Street Journal) place régulièrement Hong-Kong au sommet de ses listes des ‘‘économies les plus libres’’. Si on veut établir une comparaison, dans les listes récentes, la Grande-Bretagne est arrivée 14ième et l’Allemagne 26ième.
Extrême disparité des richesses
Néanmoins, selon les Nations Unies, Hong-Kong détient le record de la disparité des richesses de toutes les économies développées. De nombreuses études observent que cette région détient aussi celui des ‘‘logements les moins abordables au monde’’. Les prix des logements ont augmenté de 82% depuis la fin de l’année 2008. Ces prix ont été fortement propulsés par le dollar américain bon marché et les taux d’intérêts américains extrêmement bas (par lequel Hong-Kong est lié à travers un ancrage de la devise) et un afflux du capital en provenance de la Chine continentale en quête de gains spéculatifs et d’un moyen de contourner les contrôles du capital exercés par Pékin. Les continentaux représentent plus d’un tiers des contrats de propriété immobilière depuis 2008.
Hong Kong accueille plus de millionnaires que n’importe quelle autre ville de cette taille, mais ne dépense qu’une fraction de ce que les autres économies allouent à leurs services sociaux, leurs systèmes d’éducation et leurs pensions. On estime qu’environ 300.000 personnes (des femmes pour la majorité) ramassent les poubelles dans la rue chaque jour afin de gagner un peu d’argent grâce au recyclage. Et depuis que le pays a récupéré Hong Kong, la disparité en Chine a encore augmenté. La proportion de la population vivant sous le seuil de pauvreté a augmenté de 14,8% en 1995 pour atteindre 18% aujourd’hui. Alors que le PIB a augmenté de 30% ces dernières années, le salaire moyen mensuel a stagné, variant de 10000$HK en 2011 à 11000$HK aujourd’hui, partiellement à cause de la réduction du salaire minimum de l’année dernière.
L’empire des Tycoons
A Hong Kong, le terme ‘‘propriété hégémonique’’ est largement répandu. Il décrit la manière dont certaines dynasties de Tycoons contrôlent la majeure partie de l’économie. Ils détiennent des empires d’entreprises composés de propriétés immobilières, de compagnies de construction, d’hôtels, de services de transport, de télécommunications, de magasins et de banques. Quatre familles de Tycoons à elles seules (menée respectivement par Li Ka-shing, les frères Kwok, Lee Shau-Kee et Cheng Yu-tung) contrôlent une bonne moitié de l’économie. De plus, ils ont été capables de se renforcer grâce aux liens étroits qu’ils entretiennent avec le PCC depuis la passation de pouvoir.
Li Ka-shing est l’homme le plus riche d’Asie. Il détient des compagnies dans plus de 50 pays, comme par exemple, les compagnies des eaux et de l’électricité de Grande Bretagne, d’Australie et du Canada. On dit souvent que sur chaque dollar dépensé à Hong Kong, 5 centimes tombent directement dans la poche de Li Ka-shing. Les avoirs étrangers nets de Hong Kong (les compagnies privées, de sécurité, les actions, etc.) sont les plus élevés au monde avec un taux de 288% du PIB, dépassant la Suisse à qui revient la seconde place, avec 157% du PIB. On voit bien que les Tycoons de Hong Kong ont été capables d’élargir leur champs d’influence bien au-delà des frontières, et ce, surtout grâce à des transactions foncières avec la Chine continentale.
Alliance avec les Tycoons
Le PCC a tissé des liens étroits avec les Tycoon hongkongais depuis le début des années ’80, lorsque les négociations ont commencé avec les Britanniques, par rapport à l’avenir du territoire. Le PCC a adopté la doctrine ‘‘utilisons les affaires afin de diriger la politique’’, une tactique qui a été remise au goût du jour à Taiwan récemment, lorsqu’une alliance a été formée avec les grands capitalistes Taïwanais. Sur les 20 plus grandes compagnies d’exportation chinoises, 10 appartiennent à Taiwan.
Dans le cas d’Hong Kong, les Tycoons et les libéraux sont désormais les acteurs principaux de l’économie continentale. Les prêts consentis au secteur privé de la Chine continentale par les banques kongkongaise valent 200% de son PIB, c’est-à-dire 280 milliards de dollars. Ce phénomène s’observe surtout depuis la passation de pouvoir en 1997, l’économie de Hong Kong s’est construite sur le ‘‘blanchiment d’argent’’ pour faciliter les mouvements des capitaux depuis la Chine continentale et éviter ainsi les contrôles du gouvernement. La plus grosse partie de cet argent est ensuite ré-envoyé vers la Chine en tant ‘‘qu’investissement étranger’’, jouissant alors de l’évasion fiscale, de territoires bon marchés (voire gratuits) et de biens d’autres avantages. Entre 1978 et 2010, Hong Kong représentait la moitié des investissements directs à l’étranger (IDE) totaux en Chine.
En 1985, afin de préparer la passation de pouvoir, Pékin a mis sur pied un Comité d’élaboration de lois (the Basic Law Drafting Committee -BLDC) afin de rédiger une ‘‘constitution’’ pour Hong Kong. Ce comité était composé de 23 membres hongkongais sur un total de 59 membres. Et sur les 23 membres choisis, 12 étaient des Tycoons. Le Tycoon Pao Yue Kong, fondateur d’une entreprise maritime mondiale, et David KP Li, président de la banque d’Asie de l’est, sont tous deux devenus vice-présidents de la BLDC. Ce qui montre, selon Christine Lo, ‘‘l’ambition de la part de Pékin de former une alliance avec les capitalistes’’. La constitution qui en a découlé, ‘‘la législation de base’’ impose le capitalisme comme ‘‘unique système pouvant être exercé à Hong Kong, et ce jusqu’à 2047’’ (soit 50 ans après la passation de pouvoir). Elle rend même hors-la-loi tout déficit budgétaire afin de lui servir de bouclier contre ‘‘l’assistanat’’.
Même si le BLDC n’existe plus, les Tycoon sont toujours surreprésentés parmi les représentants hongkongais sélectionnés pour participer aux institutions quasi-gouvernementales chinoises, comme par exemple, le Congrès National Populaire (NPC) ou encore la Conférence Consultative Politique Populaire Chinoise (CPPCC). Ce processus d’intégration des grands capitalistes avec le régime en place du PCC a commencé à Hong Kong mais s’est répandu par la suite ; il atteint même le continent aujourd’hui.
Pendant toute cette période, Pékin a travaillé de concert avec la classe des capitalistes de Hong Kong afin de mettre un frein au suffrage universel et aux revendications pour le droit à la sécurité sociale. Dans ses mémoires, l’ancien responsable de la branche hongkongaise de l’agence Xinhua (précurseur du bureau de liaison du gouvernement central) Xu Jiatun confesse ‘‘certains capitalistes et certains membres des hautes strates de la société pensaient qu’ils pouvaient compter sur la Chine afin de résister aux tendances démocratiques de Hong Kong.’’ Xu exprimait ainsi ses peurs de voir ‘‘un vote pour une personne’’ se mettre sur pied, ce qui ‘‘ferait perdre le contrôle de Hong Kong à Pékin.’’ (Propos recueillis dans le livre de Christine Loh, Underground Front, HK University Press, 2010.)
L’Article 23
En utilisant son alliance avec les Tycoons, le PCC a aussi été capable de museler la ‘‘presse libre’’ hongkongaise. La plupart des médias Tycoons ont des intérêts financiers sur le continent et des positions clés au sein du corps gouvernemental de continent. Les patrons qui contrôlent le câble télévision : le groupe Sing Tao (Charles Ho), le groupe Oriental Press (Ma Ching Kwan) ainsi que Wheelock (Peter Woo) sont tous membres du PCC. C’est aussi le cas de Victor Li, le fils de Li Ka-shing dont l’empire financier détient la société de diffusion du Metro. En 2003, lorsqu’un demi-million de personnes se sont mobilisées afin de combattre la proposition de loi sécuritaire sur la répression, l’Article 23, les Tycoons tels que Li Ka-shing, Stanley Ho et Gordon Wu l’ont publiquement soutenue. L’article 23 limiterait le droit de rassemblement, de libre expression, et d’autres droits démocratiques comme les ‘‘liens avec des organisations étrangères’’ telles que le Comité pour une Internationale Ouvrière.
La manifestation monstre du “7.1” qui s’est déroulée en 2003, a établi une nouvelle tradition, constituée de manifestations de masse pour la démocratie chaque année le même jour. Cette année, alors que CY prend le pouvoir, l’Article 23 est remis sur la table. Son gouvernement, avec le soutien de Pékin, va sans aucun doute tenter de faire passer une nouvelle proposition de loi, et il s’attirera le soutien de certains ‘‘libéraux démocrates’’ en échange de petites concessions ou même peut-être contre des sièges dans un gouvernement de ‘‘coalition’’. Ces politiciens pro-capitalistes ont montré à de nombreuses reprises que leur soutien à la démocratie se limite à des mots.
Mais à la base de la société, une opposition massive se forme contre de nouvelles législations répressives et la frustration monte face aux promesses éternellement brisées concernant le suffrage universel.
La disparité grandissante de richesses entre les détenteurs du pouvoir et le peuple conduiront à des explosions sociales, avec des répercussions sans précédents en Chine continentale et dans la région. Mais l’histoire du long chemin parcouru par Hong Kong depuis la domination coloniale jusqu’à leur fragile ‘‘autonomie’’ illustre que la lutte pour une démocratie véritable est inséparable de la lutte contre le capitalisme et pour l’instauration d’une société socialiste démocratique.
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Les révoltes mondiales contre ce système sans perspective suscitent la recherche d’une alternative (1)
1. L’été dernier, l’illusion selon laquelle le capitalisme mondial allait parvenir à s’extraire du pétrin dans lequel il se trouve depuis 2008 a de nouveau volé en éclats. On était parvenu à changer la Grande Dépression en une Grande Récession. C’est pourquoi on avait ouvert les robinets à argent, les dettes privées avaient été transférées aux gouvernements et les stimulants de masse avaient sauté. Depuis lors, une question cruciale tient en suspens les économistes et les politiciens : à partir de quand les déficits budgétaires peuvent-ils être purgés, sans pour autant de nouveau rejeter l’économie dans la récession ?
2. Bonne question ! Au lieu de redémarrer au turbo sur les starting-blocks, l’économie mondiale continue à cahoter. Cela suscite des tensions, qui deviennent difficiles à cacher même avec diplomatie. Ces derniers 18 mois, les États-Unis et la FED ont continué à arroser l’économie avec leur pompe à pognon. C’est entre autres comme cela que le déficit budgétaire des États-Unis va atteindre cette année un nouveau record de 1.645 milliards $. Dans le meilleur des cas, cela pourra redescendre en-dessous de 1.000 milliards $ à partir de 2013. En même temps, le bilan de la FED, l’autorité monétaire destinée à lubrifier l’économie, a grimpé de 1.000 milliards $ avant la crise du crédit, à 3.000 milliards $ en juillet de cette année.
3. Le gouvernement chinois a encore une fois surpassé l’américain. En pourcentage du PIB, les stimuli chinois dépassent de moitié les américains. Grâce à ses banques sous contrôle d’État, 3000 milliards $, soit 60% du PIB, sont passés au crédit. Cela n’a pu se faire que par la nature hybride de l’État chinois. Même si cela fait bien longtemps déjà que la demi-caste, demiclasse dirigeante a décidé de passer à une économie de marché, elle dispose encore toujours de leviers qui lui permettent de mobiliser les forces productives d’une manière dont les autres économies purement de marché ne peuvent que rêver. Le régime a ainsi pu neutraliser l’effet de la grande récession sur son économie et dans la foulée soutenir l’économie américaine afin d’éviter d’être entrainé en chute libre avec elle.
4. La Chine a accumulé 3.200 milliards $ en réserve au cours de ces dernières décennies, 66% en dollars, 26% en euro. Elle aimerait bien diversifier ce trésor. Un peu partout dans le monde, les détenteurs de capitaux sont très conscients de cela. C’est pourquoi la Chine se trouve sous pression. Le moindre signe qu’elle commence à vendre ses réserves en dollars causera une fuite subite, chacun cherchant à se débarrasser de ses dollars, conduisant à une implosion de cette devise, et à une baisse subite de la valeur de ses réserves. Mais sur un plus long terme, le fait de garder ces réserves en dollars pourrait s’avérer encore plus grave.
5. L’économie chinoise est bien la deuxième au monde par sa taille, mais avec 1.250 millions d’habitants, la consommation des particuliers est sous celle de l’Allemagne, avec ses 82 millions d’habitants. La Chine a exporté près de 1.600 milliards $ en 2010. La dépendance envers le marché américain est énorme. Le surplus commercial (c.à.d, les exportations moins les importations) avec les États-Unis en 2010 était de 273 milliards $, plus que le surplus commercial total, qui est lui de 183 milliards $. Face au surplus commercial avec les États-Unis, il y a il est vrai un déficit commercial avec les pays fournisseurs de matières premières et de mains d’oeuvre encore meilleur marché dans la plupart des pays d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique. La Chine a donc tout intérêt à ce que l’économie américaine continue à tenir le coup.
La Chine – nouvelle superpuissance mondiale ?
6. Les mesures prises par le gouvernement chinois ont assuré une poursuite de la croissance dans toute une série de pays, dont par exemple le Brésil et l’Australie, mais cela n’est pas sans risque. Le Brésil présente à nouveau des signes d’économie coloniale qui produit essentiellement des matières premières et des produits semi-finis et en échange ouvre son marché aux produits manufacturés chinois. On y voit même un processus de désindustrialisation. Avec l’immense hausse de la productivité en Chine, en moyenne de 9,6% entre 2005-2009, cela a fait croître l’illusion que la Chine est sur le point de détrôner les États-Unis en tant que principale puissance mondiale. Tout comme les États-Unis après la Deuxième Guerre mondiale avaient chassé de cette position le Royaume-Uni.
7. Cela est cependant peu probable. Aussi bien le Royaume-Uni que les États-Unis disposaient durant toute leur phase ascendante des techniques de production les plus modernes. C’était leur efficience de production qui déterminait les limites scientifiques et technologiques du reste du monde. Tous deux ont connu leur période de gloire dans une période d’expansion économique. Les Etats-Unis – après que ses plus importants concurrents aient été aplatis sous les bombardements, l’Amérique latine leur étant tombée dans les mains comme un fruit bien mûr – ont pu imposer leurs termes commerciaux et leur monnaie au reste du monde capitaliste, et ont développé une économie de guerre, sans pour autant avoir à subir les désavantages de la guerre. Voilà quelles ont été les conditions par lesquelles les techniques de production qui étaient déjà connues avant la Deuxième Guerre mondiale, mais qui se heurtaient auparavant aux limites du marché, ont pu être appliquées pour la première fois à une échelle de masse.
8. Déjà en 1950, les États-Unis étaient beaucoup plus productifs que leurs concurrents. La productivité de l’Allemagne et de la France n’atteignait même pas la moitié de la productivité américaine. L’Union Soviétique n’en atteignait à peine que le tiers, et le Japon un cinquième. Les seuls qui atteignaient des résultats comparables étaient l’Australie, le Canada et… le Venezuela. Le Royaume-Uni était alors déjà un bon quart moins productif, juste un peu mieux que l’Argentine, mais derrière Hong Kong. Dans les années ’60 et ’70, la productivité aux États-Unis ne s’est cependant accrue que de moins de +3%, alors qu’elle s’accroissait de +5% dans les quinze pays de l’Union Européenne et de +8% au Japon. Comment cela se fait-il ? Selon la FED, à New York (Current Issues v13, n8), parce que lorsque la quantité de capital placée par travailleur est basse, le capital est relativement productif. Il a alors un haut produit marginal (la quantité par laquelle la production s’accroit pour chaque nouveau travailleur engagé) et contribue visiblement à la croissance de la productivité.
9. Ce phénomène a déjà été expliqué par Marx. Il a fait remarquer le changement dans la composition organique du capital. Avec la composition organique, on détermine le rapport entre capital “vivant et variable” et capital “mort et constant”. Le capital vivant est consacré aux heures de travail de la main d’oeuvre et fournit une plus-value. Le capital mort est consacré aux bâtiments, aux matières premières, aux machines, et transmet sa valeur à celle du produit final, mais sans y ajouter de plus-value. La concurrence force les capitalistes à au moins suivre les techniques les plus modernes, et donc à investir de plus en plus dans du capital mort, aux dépens du capital vivant. L’effet clairement contradictoire de cela est le fait que le taux de profit – le profit réalisé par unité de capital investie – a une tendance à baisser. Les marxistes appellent cela “la loi de la baisse tendancielle du taux de profit”.
10. Comme seconde raison pour expliquer la faible croissance de la productivité aux USA dans els années ’60 et ’70, la FED explique que des pays connaissant une degré moindre de technologie et de techniques de production, qui attirent des investissements étrangers et autres joint-ventures, pouvaient facilement copier les USA. On appelle cela la “loi de l’avancée en tant que frein” ou, pour employer une terminologie plus multilatérale et plus marxiste, la “loi du développement inégal et combiné”. Cela explique la croissance plus rapide de la productivité au Japon après la Deuxième Guerre mondiale, mais aussi pourquoi un pays qui se coupe du monde extérieur est au final condamné à stagner et à rester en arrière. La Corée du Nord ou l’Albanie d’Enver Hoxha, de véritables caricatures d’autarcie, en sont des témoins flagrants.
11. La rapide hausse de la productivité au Japon et dans l’Union européenne a cependant cessé au début des années ’90. Selon la FED, cela s’est produit en Europe à cause de la “rigidité du produit et du travail”. Selon nous, cela s’est produit parce que le mouvement ouvrier en Europe est mieux parvenu qu’aux États- Unis à résister contre les tentatives du patronat de rehausser le taux d’exploitation. Pour le Japon, la FED explique qu’au fur et à mesure que la productivité d’un pays atteint son summum, le produit marginal baisse, et il devient plus difficile de copier, et de ce fait la hausse de la productivité devient plus difficile à réaliser. Nous ajouterions ceci : à moins qu’il ne survienne une situation exceptionnelle. La destruction massive de l’infrastructure et des moyens de production pendant la Deuxième Guerre mondiale constituait une telle situation exceptionnelle.
12. Les États-Unis ont connu leur période de gloire durant l’âge d’or des années ’50 et ’60. À ce moment, la croissance économique était tirée par l’État social, avec la hausse des salaires, la baisse du temps de travail, l’apparition de véritables allocations sociales, de services publics et d’un système d’impôt progressif. L’économie chinoise est au second rang si on compare sa taille pour tout le pays mais, en termes de richesse par habitant, elle se trouve à la 95e place. Le pays connait une énorme croissance de la productivité de par les raisons définies ci-dessus, auxquelles il faut ajouter son infrastructure, son niveau d’enseignement et sa centralisation, tout cela hérité de son économie planifiée. Pourtant, la productivité par travailleur en 2005 n’y était que de 15% supérieure à ce qu’elle est aux États-Unis. La Chine devrait surmonter cela, alors que nous sommes en plein milieu d’une période de contraction économique.
Les déséquilibres de l’économie chinoise
13. Tout comme pour le Japon en son temps, la croissance économique chinoise est essentiellement poussée par les investissements. Au début, cela permet une croissance fébrile mais, après un certain temps, cela devient un frein. Entre 2000 et 2010, les investissements se sont accrus chaque année en moyenne de 13,3%, mais la consommation des particuliers n’a cru que de 7,8%. Cela signifie un transfert de la consommation vers les investissements. La baisse des salaires, l’expansion du crédit et un cours de change sous-évalué ont tous contribué à cela. La part de la consommation dans le PIB au cours de cette période est passée de 46% à 34%, tandis que celle des investissements passait de 34% à 46%. Pour 1% de croissance du PIB, il fallait encore dans les années ’90 une croissance du capital de 3,7%, en 2000, ce 1% de croissance exigeait par contre une hausse des investissements de 4,25%. On voit donc que la rentabilité de l’investissement diminue.
14. C’est pourquoi Wen Jiabao, le premier ministre chinois, a déclaré l’économie ‘‘instable, déséquilibrée, non-coordonnée et au final, non-durable’’. On craint que ‘‘ne soient piégés les revenus moyens.’’ C’est le phénomène où un pays ne parvient plus à croître à partir du moment où il a atteint un niveau bien défini. L’incapacité à livrer l’accès aux couches moyennes pour la majorité de la population est un de ces symptômes. Les bas salaires et la répartition inégale sont il est vrai la source de la croissance des investissements. En fait, la croissance devrait être plus basée sur la consommation des particuliers. La croissance des investissements devrait être inférieure à celle du PIB. Dans les années ’80, le Japon a tenté de soutenir la croissance avec le crédit d’investissement, sans effet : cela a conduit à une explosion du crédit. Dans les années ’90, la correction est arrivée, avec les conséquences catastrophiques que l’on connait.
15. Plus encore qu’à l’époque au Japon, les investissements en Chine sont basés sur du crédit. Sans un soutien artificiel, une grande partie ne serait pas rentable. Le moindre affaiblissement de la croissance à 7% ferait s’écrouler les investissements à 15% du PIB. Toute tentative de réorienter les moyens vers les ménages causerait une encore plus grande baisse des investissements. De ce fait, on voit que les investissements deviennent une source de stagnation, au lieu d’être un moteur pour la croissance. La Chine a maintenant un PIB par habitant comparable à celui du Japon en 1950 (juste après la guerre et juste avant le début de sa phase de croissance rapide longue de 25 ans). On dit que le PIB par habitant de la Chine pourrait atteindre 70% de celui des États-Unis en 2035, comme l’a fait le Japon en 1975 – à ce moment, l’économie chinoise serait plus grande que celle des États-Unis et de l’Europe ensemble. Bien que la taille de la population chinoise offre une échelle et des possibilités supplémentaires pour la répartition du travail, il y a aussi d’importants inconvénients qui y sont liés, le gigantesque besoin en matières premières n’est pas des moindres.
16. La création d’argent avec laquelle le gouvernement chinois a tenté de repoussé la crise en 2009 et 2010 n’a pas réduit sa dépendance face aux exportations et aux investissements. Sur le marché de l’immobilier, il y a énormément de spéculation, dont l’argent est financé par des prêts. Cela a causé une énorme hausse des prix. La bulle immobilière a entrainé avec elle du capital spéculatif. Les investisseurs courent, il est vrai, le risque d’une réévaluation du yuan par rapport au dollar. Les hausses salariales sont compensées par la hausse des prix à la consommation. Le taux d’inflation “alarmant” provient apparemment de la croissance rapide du crédit et de la monnaie et de la hausse du prix du pétrole, des matières premières et des denrées alimentaires ; cela est renforcé par les spéculateurs qui attendent que la demande augmente. L’exportation massive de produits chinois fait en sorte qu’il y a un afflux massif de devises étrangères. Les entreprises tout comme les particuliers peuvent facilement prêter de l’argent, comme le robinet à crédit a été coupé sur injonction des autorités. Mais tandis que le gouvernement national coupe le robinet à crédit, celuici reste grand ouvert auprès des autorités locales.
Guerre des devises et commerciale
17. L’Occident trouve que le dernier plan quinquennal s’attaque insuffisamment aux problèmes structurels. On doit faire quelque chose pour résoudre la dépendance aux exportations et le fossé entre riches et pauvres. L’Occident a peur d’un affaiblissement de la croissance. Nouriel Roubini avertit d’un danger de crash. Mais leurs remarques ne sont certainement pas désintéressées. Ils espèrent gagner en compétitivité en forçant la Chine à réévaluer sa monnaie. Ils veulent aussi gagner l’accès à quelques miettes du marché intérieur chinois, mais celui-ci doit d’abord être mis sur pied. Pour la Chine, ils défendent par conséquent ce que partout ils combattent à tout prix : de meilleurs salaires et une sécurité sociale. Mais l’idée que la Chine puisse subitement gonfler sa consommation sans toucher aux intérêts des détenteurs de capitaux privés est une illusion. L’économie chinoise est une économie de marché libre dans la mesure où une hausse significative des salaires ou une réévaluation comparable du yuan provoquerait une chute du niveau d’investissements, et avec elle, de la croissance économique.
18. Les gouvernements américains et européens demandent à la Chine ce qu’eux-mêmes ne peuvent pas se permettre. À première vue, c’est plutôt agréable. Dans la pratique, il s’agit d’une manoeuvre audacieuse. Ainsi, l’assouplissement quantitatif dont a fait usage la FED avait comme prévu affaibli le dollar au milieu de l’an passé. Cela a incité les spéculateurs à s’adonner au “carry trade”, c.à.d. à emprunter des dollars à un taux quasi nul pour les placer dans des pays avec un taux plus élevé. L’investisseur encaisse la différence de taux, sans même y engager son propre argent. L’affluence d’investissements a poussé la valeur des devises des pays receveurs, au détriment de leur compétitivité. Le premier à utiliser le terme de “guerre monétaire” a été le ministre des finances brésilien Guido Mantega, mais il exprimait ainsi ce à quoi beaucoup d’autres gens pensaient déjà. Le Brésil demande à l’OMC de prendre des sanctions contre les pays qui laissent filer trop bas leur taux de change. Il y a aussi le dumping. La Chine menace d’une guerre commerciale si les États-Unis décident de placer des taxes à l’importation sur les produits chinois.
États-Unis : la politique anticyclique échoue
19. Les États-Unis sont désespérément à la recherche de quelqu’un qui puisse reprendre une partie de leurs problèmes. De là viennent la pression sur la Chine pour qu’elle réévalue sa monnaie, la guerre monétaire à peine voilée, et le plaidoyer en faveur d’une politique monétaire plus conviviale en Europe. Depuis la catastrophe qu’a été le passage du “war-president” George W Bush avec ses cadeaux fiscaux aux riches, l’idée dominante est à présent de lutter contre la crise par une politique anticyclique. Ce courant est représenté par le président Obama, son ministre des Finances Timothy Geithner, et le président de la FED Bernanke. Tout comme leurs opposants, ils trouvent que l’État doit remettre de l’ordre dans ses dépenses, mais pas d’une manière qui risque d’hypothéquer la croissance. Ils craignent que des économies drastiques ne rejettent à nouveau l’économie dans la récession, voire la dépression. En plus de cela, ils souhaitent une participation de la part des riches, pour éviter des réticences de la part de la population face au plan d’austérité. Le gourou de la Bourse Warren Buffet affirme publiquement vouloir payer plus d’impôts.
20. Cette politique s’est composée des stimuli de 800 milliards $ au début 2009, et de deux opérations d’assouplissement quantitatif par la FED, pour un total de 1850 milliards $. Entretemps, on a lancé le QE 1.5, avec lequel des remboursements libérés sont consacrés à des prêts d’États supplémentaires. La FED a également décidé de bétonner le taux nul jusqu’à 2013. Au final, elle a vendu pour 400 milliards $ de bons d’État à court terme (jusque 3 ans) et a acheté pour un montant semblable en bons d’État à long terme (de 6 à 30 ans). Rien ne semble cependant fonctionner. La consommation des particuliers n’a pas repris parce que les ménages tentent maintenant de rembourser leurs dettes, parce que le chômage sape le pouvoir d’achat, et parce que les autorités locales économisent sur les services et sur le personnel. Malgré des taux très bas, les entreprises américaines continuent à simplement stocker leur argent, pour un montant de 1,84 milliards de dollars, et préfèrent racheter leurs propres actions plutôt que d’investir.
21. L’absence de résultat sape la crédibilité du gouvernement. Cela renforce la confiance des opposants, qui avaient pourtant pris un fameux coup avec la disparition de Bush. Cela a fait changer de camp ceux qui hésitaient. Au sein de la FED, Bernanke doit de plus en plus compter avec l’opposition, mais il ne doit pas se présenter à des élections. Obama et ses Démocrates n’ont pas ce luxe. Au niveau des Etats et au niveau plus local, des économies copieuses sont déjà bien avancées, même là où des Démocrates sont au pouvoir. Le mouvement Tea Party a sauté sur le mécontentement pour se présenter en tant que défenseur de l’Américain travailleur. Pour les Républicains, ces radicaux de droite étaient des partenaires bienvenus qui les ont aidés à obtenir la majorité à la Chambre basse en 2010.
Le fouet de la contre-révolution
22. Mais ce soutien pourrait bien s’avérer être un cadeau empoisonné. Le rôle des partisans du Tea Party dans l’attaque brutale contre les conditions de travail et les droits des travailleurs, entre autres au Wisconsin, a provoqué une réaction de masse. Pour les jeunes et les travailleurs, cela a été un moment décisif. Cela, en plus de son empressement à laisser les États-Unis faire défaut sur leurs paiements (pendant le débat sur le plafond légal de la dette), a endommagé le soutien populaire du Tea Party. Cela pourrait être décisif pour les élections présidentielles de 2012. Trouver un équilibre entre l’establishment des Républicains et les activistes qui exigent un plus grand rôle avec le Tea Party, devient de plus en plus difficile. Un Républicain modéré a officiellement une plus grande chance de récupérer des votes démocrates. Mais c’est surtout les dangers liés au fouet de la contre-révolution, qui font que l’establishment se réunit catégoriquement derrière la candidature de Mitt Romney. Il n’est pas exclu que ce “Grand Old Party” se dirige vers une scission après les élections présidentielles, et que le système des deux partis ne se rompe en premier lieu sur son flanc droit.
23. Cela ne signifie pas pour autant qu’Obama a déjà gagné. Pour relever le plafond de la dette, on prévoit des économies pour 2.500 milliards $ au cours des dix prochaines années. Pas un mot sur plus d’impôts pour les riches. Le nombre de pauvres a augmenté l’an passé jusqu’à 46,2 millions, le nombre le plus élevé en 52 ans. 15% des Américains sont pauvres, le plus haut chiffre depuis ’93 : 10% des Blancs, 12% des Asiatiques, 26% des Hispaniques et 27% des Noirs. 50 millions d’Américains sont non-assurés, 48 millions des personnes entre 18 et 64 ans sont sans travail. Le revenu médian des ménages est retombé à son niveau de 1996. Le revenu médian personnel d’un travailleur adulte masculin, rapporté en dollars de 2010, était l’an passé inférieur à celui de 1973. Entre 1980 et 2009, le revenu des 20% les plus riches s’est accru de 55%, celui des 20% les plus pauvres a baissé de 4%. En 2007, 23,7% du revenu national allait aux 1% les plus riches, soit la même proportion que ce qui avait été atteint en 1929, juste avant la Grande Dépression.
24. À chaque fois que l’on espère que l’économie a été sauvée et que l’on pense alors à débrancher la mise sous perfusion par la FED, apparait l’une ou l’autre statistique qui envoie tout valser. En août, pas un seul job n’a été créé. Les chiffres parus en juillet ont dû être fortement revus à la baisse. Immédiatement est réapparue l’angoisse que l’économie allait droit vers une nouvelle récession. Obama a lancé un nouveau plan d’emploi pour 447 milliards $, dont 240 milliards pour la réduction de moitié des impôts sur salaire, une mesure essentiellement destinée à soutenir les PME. De l’argent a été libéré pour des investissements dans des autoroutes, des chemins de fer et des écoles, et des moyens ont également été prévus pour tempérer le nombre de licenciements d’enseignants dans les écoles d’État. Pour réduire le chômage officiel de 9,1% à 5% en 5 ans, il faudrait cependant créer tous les mois 300.000 nouveaux emplois. Depuis le début de 2010, cela n’a été que 100.000 en moyenne, mais cela aussi s’est fortement réduit ces derniers temps.
25. Ce plan ne suffira pas à remettre sur pied l’économie américaine pour une croissance durable. Il n’est qu’une répétition du plan précédent, en mode mineur. Avec de la chance, cela pourrait de nouveau tirer la croissance de l’emploi, jusqu’à la fin de ce plan. Le problème fondamental n’est toutefois pas un manque de moyens pour investir. Les entreprises ont tous les moyens qu’il leur faut. Elles ne croient cependant pas que l’investissement dans la production pourra rapporter suffisamment. Bon nombre d’entreprises reçoivent aujourd’hui bien plus de profits de par leurs transactions financières que de leur production. De plus, il n’est plus garanti qu’il existe encore un marché pour pouvoir absorber la production. Avec le développement actuel de la science et de la technique, les innovations nécessitent des années de recherche pour un rendement qui doit être réalisé dans un délai de plus en plus court. À peine un produit est-il développé qu’avec les possibilités actuelles il suffit tout au plus de quelques années pour saturer le marché mondial.
26. Entretemps, l’État américain accumule les dettes. Tôt ou tard, il faudra bien les payer. Jusqu’à récemment, on considérait que cela était une donnée sûre. L’impasse dans le débat autour du plafond de la dette a cependant semé le doute. Qui aurait pensé que les politiciens aller amener les États-Unis au bord d’un défaut de paiement afin d’obtenir gain de cause dans la discussion budgétaire ? L’agence de notation Standard & Poors a décidé pour la première fois dans l’Histoire de baisser la garantie sur crédit de l’État américain. Elle a pris cette décision au lendemain d’un rapport avec une faute de calcul de pas moins de 2.000 milliards $. En plus, les marchés s’en foutaient de cette notation. La demande en bons du Trésor américain n’a pas descendu, de sorte que les États-Unis peuvent prêter au même taux que l’Allemagne. Cela ne va encourager la FED à faire de la lutte contre l’inflation une priorité. Au contraire, un peu d’inflation serait plus que bienvenu afin d’éponger la montagne de dettes. Le seul problème à cela est la difficulté de doser l’inflation.
Zone euro : priorité à l’austérité
27. La visite du ministre des finances américain Timothy Geithner au sommet européen de Wrocław n’a pas été extrêmement bien reçue. Geithner était là pour avertir l’Europe. Il aura remis en mémoire le glissement incontrôlable de Lehman Brothers jusqu’à la faillite, pour convaincre l’UE d’abandonner les spéculations sur la banqueroute de l’État grec. Il y a aussi plaidé en faveur d’un large élargissement du fonds de stabilité européen, qu’il fallait selon lui quadrupler. Les dirigeants des États-Unis craignent une nouvelle crise de l’économie mondiale, cette fois avec d’encore plus grandes conséquences que pendant la Grande Récession, déjà aussi parce que les Banques centrales et les États au cours de la précédente récession ont déjà épuisé toutes leurs munitions. Il y a apparemment plaidé en faveur d’une injection ferme et résolue de moyens afin de tuer dans l’oeuf la crise de la dette.
28. Pour l’Europe, cela est cependant encore plus difficile que l’assainissement du budget aux États-Unis ou que la rehausse de la consommation des particuliers en Chine. Les politiciens européens sont également partagés quant à la manière de combattre la crise au mieux. Aux États-Unis domine pour le moment la tendance qui veut mettre la priorité sur la croissance plutôt que sur l’austérité. Mais il ne faut pas s’étonner que les rapports de force en Europe soient tout à fait opposés. La tendance qui veut donner la priorité à l’austérité “afin de soutenir la croissance de manière structurelle” y est dominante. Ce n’est guère surprenant. La zone euro est une union monétaire, mais pas une union fiscale ni politique. Elle consiste en 17 pays qui ont tous leur propre bourgeoisie, leur propre gouvernement et leurs propres intérêts. À qui rapporte le fait que la priorité soit mise sur la croissance ? Aux récipiendaires directs. Et à qui est-ce que ça rapporte qu’on ait des économies d’abord, avant les dépenses ? Les payeurs nets. Ces derniers sont les pays les plus forts, qui sont dominants dans la détermination de la politique de la zone euro et de la BCE.
29. Le PSL et le CIO ont toujours été d’avis que l’unification européenne n’est pas possible sur une base capitaliste. Nous sommes également depuis longtemps convaincus du fait qu’une récession économique mettrait une croix sur le projet d’une monnaie unique européenne, même avant que l’euro n’arrive en existence. Les unions monétaires ne sont pas quelque chose de nouveau. Les pays insulaires autour de l’Australie utilisent le dollar australien et il existe encore quelques anciennes unions monétaires coloniales, telles que le franc CFA. D’autres unions monétaires ont existé par le passé sur une base volontaire entre des États plus ou moins comparables. L’Union monétaire scandinave par exemple, qui a duré de 1873 à 1914. Ou l’Union latine, à partir de 1865 entre la Belgique, la France, la Suisse et l’Italie, qui a ensuite été rejointe par l’Espagne et la Grèce, et enfin par la Roumanie, la Bulgarie, la Serbie, Saint-Marin et le Venezuela (entre autres). Cette union a tenu jusqu’en 1914, bien qu’elle n’ait été officiellement dissoute qu’en 1927. Nous pensions cependant que la conjoncture économique, cette fois, exclurait complètement l’idée d’une nouvelle union monétaire. Nous nous sommes trompés. Nous restons néanmoins convaincus que la crise va à un moment donné faire éclater la zone euro, mais pas au point d’avant l’introduction de l’euro.
30. Les bourgeoisies nationales d’Europe n’ont jamais eu l’intention, ni avec l’Union européenne, ni avec la zone euro, d’unifier les peuples d’Europe par la paix. Cela n’a jamais été que de la rhétorique, derrière laquelle était caché la signification réelle, c’est-à-dire la création de leviers pour la maximalisation du profit et de la casse sociale. C’est évident, la réalité de la division du travail croissante et le besoin de devenir plus fort dans la concurrence avec d’autres blocs commerciaux aura joué, mais jamais jusqu’au point où cela irait au prix des intérêts nationaux particuliers. Le traité de Nice et plus encore celui de Lisbonne ont en tant que but de faire de l’Europe la région la plus compétitive au monde. C’était sans doute l’intention de laisser converger petit à petit les économies nationales, même si les normes de Maastricht et le pacte de stabilité qui ont été institués à cette fin ont été abusivement utilisés par les politiciens nationaux pour rejeter sur eux la responsabilité de la politique nationale. La plupart des pays n’ont jamais atteint les conditions requises par les normes de Maastricht, encore moins du pacte de stabilité, et la Belgique non plus.
31. Jusqu’à avant la crise de la dette, les économistes étaient convaincus que la convergence était un fait. Ils voyaient les caractères communs superficiels, mais pas les contradictions croissantes sous la surface. Ils voyaient surtout ce qu’ils voulaient voir. En 2006, Marc De Vos, de l’agence Itinera, écrivait dans une carte blanche dans De Tijd : « L’Irlande nous apprend qu’une relative inégalité de revenu est le prix à payer pour une expansion économique rapide, dont néanmoins tout le monde, y compris les pauvres en termes absolus, s’enrichit ». De Vos ne raconterai plus aujourd’hui de telles sornettes de la même manière, mais en ce temps-là, il était complètement aveuglé par l’expansion économique. Dans notre réponse dans les textes de notre Congrès de 2006, nous indiquions déjà une contradiction que lui-même n’allait découvrir que quelques années plus tard : « … le symptôme spécifique par lequel l’Irlande depuis des années a connu un taux d’intérêt réel négatif. Le taux d’intérêt est il est vrai défini par la Banque centrale européenne et se trouve depuis des années sous les chiffres de l’inflation irlandaise. Le crédit extrêmement bon marché est indirectement financé par un grand afflux de capital étranger ». À cela, nous ajoutions : « Une profonde récession sur le plan mondial fera cependant éclater l’économie artificiellement gonflée de l’Irlande (du Sud) ».
32. Aujourd’hui, tout le monde reconnait que les contradictions n’ont pas diminué, mais plutôt augmenté. Avec la politique du bas taux d’intérêt qu’ont exigé de la BCE les pays à la plus forte économie, d’énormes bulles immobilières et paradis fiscaux ont été créés dans la périphérie, ce qui ailleurs a été utilisé pour casser les acquis sociaux et mettre sur pied des secteurs à bas salaires. Le fait que cette bulle se viderait à un moment donné, cela fait des années que les socialistes le prédisent. Les spreads, la différence de coûts que doivent payer les Etats nationaux pour pouvoir emprunter, n’ont jamais été aussi grands. Dans Le Soir, le professeur d’économie Paul De Grauwe (KUL) expliquait qu’il s’était trompé. Au sujet d’un pays qui adhérait à une union monétaire, il dit : « Nous avions toujours pensé que ce pays devenait plus fort, mais non ! » L’Espagne a un plus petit déficit budgétaire et une plus petite dette que le Royaume-Uni, mais ce dernier peut financer sa dette à 2,52% sur dix ans, tandis que l’Espagne doit le faire pour deux fois ce prix. Cela vient, selon De Grauwe, du faite que la Banque centrale britannique peut si besoin est imprimer de l’argent elle-même afin de satisfaire à ses obligations, mais l’Espagne dépend pour cela de la BCE.
Tragédie grecque
33. Les pays en-dehors de la zone euro peuvent stimuler l’exportation par la dévaluation de leur propre monnaie. Qui se trouve dans la zone euro est condamné à la “dévaluation interne”, un terme à la mode pour dire “casse sociale”. Il n’y a entre temps plus un seul pays de la zone euro qui n’est pas en train d’assainir. Les uns parce qu’ils ont dû faire appel à l’aide de la “troïka” de la Commission européenne, de la BCE et du FMI, les autres pour pouvoir éviter d’avoir à faire un tel appel. Les plans d’austérité dure doivent diminuer les déficits budgétaires et améliorer la compétitivité, mais ça ne marche pas. Ils sapent au contraire le pouvoir d’achat par la baisse des salaires, les attaques sur toutes les allocations sociales, la hausse du chômage et dans la plupart des pays une hausse des impôts directs sur les biens de consommation. Cela touche à son tour la petite bourgeoisie, les entreprises de distribution et les entreprises qui sont orientées vers le marché interne de chaque pays. Les véritables investisseurs sont découragés d’investir, les spéculateurs qui espèrent des rachats d’entreprises (d’État) sont encouragés. Avec la vente urgente des entreprises d’État, on perd des revenus annuels fixes en échange d’une cacahouète. Les revenus des impôts se ratatinent, et les dépenses sociales augmentent, car de plus en plus de gens y font appel.
34. Les pays qui sont mis sous curatelle de la troïka partent directement dans une spirale de croissance négative. Dans le deuxième trimestre de 2011, l’économe grecque s’est contractée de 6,9% par rapport à l’année précédente. Le déficit budgétaire va apparaitre de 8,5% au-dessus de l’objectif de la troïka. À quoi d’autre peut-on s’attendre ? Le revenu moyen des ménages a été diminué de moitié l’an passé. Le pays menace à tout moment de faillite. Lorsque la Grèce a reçu le premier paquet de sauvetage de 110 milliards d’euro qui lui avait été promis, c’était afin d’éviter le défaut de payement sur le prêt d’État de 8 milliards d’euro devant être payé le 19 mai 2010. C’était le plus grand paquet jamais vu. Entretemps, le taux d’intérêt auquel cet emprunt a été mis à disposition de la Grèce a été diminué, et le délai de payement a été doublé. Néanmoins la Grèce a dû être soutenue une bonne année plus tard avec la promesse d’un nouveau paquet.
35. Cette fois, il s’agit de 109 milliards d’euros. À compléter avec une contribution théorique du secteur financier via un échange d’obligations volontaire par lequel les détenteurs d’obligations grecques devraient accepter une “tonte” de 21%, d’une valeur totale de 37 milliards d’euro. Pour les banques, c’est une bonne affaire, mais pour l’État grec, cela ne va pas énormément arranges son problème de dette. Ses obligations sont il est vrai déjà maintenant échangées sur le marché secondaire à moins de 50% de leur valeur nominale. Et même avant que ce nouveau plan soit accepté par les parlements nationaux des pays de la zone euro, la Grèce est cependant de nouveau au bord du défaut de paiement. Les analystes supposent que la question n’est plus de savoir si la Grèce va vers la faillite, mais de savoir à partir de quand elle le sera.
36. Lorsque cela se produira, les conséquences en seront catastrophiques. L’État ne pourra plus prêter ses prêts et allocations, ou alors de manière extrêmement réduite. Les factures ne seront plus payées, ou alors pas avant de longs délais. Par le non-paiement (complet ou partiel) des dettes, le pays se verra dépourvu de liquidités. Le secteur financier entrera en faillite, tout comme de nombreuses entreprises. Les pensions, aussi bien celles des pensionnés actuels que celles des futurs pensionnés, seront fortement minées. Les investisseurs tenteront de quitter le pays. Les épargnants tenteront de récupérer leur argent. Il y aura un raid sur les banques. Des troubles sociaux, mais certainement aussi des pillages seront à l’ordre du jour. Lorsque l’Argentine a fait faillite en 2001, des dizaines de gens sont morts dans des émeutes, l’état d’urgence a été instauré et la situation n’a finalement pu se stabiliser qu’après que la monnaie soit tombée à 25% sous sa valeur.
37. Pour quelques économistes, c’est là le seul scénario possible, et il vaut peut-être mieux le commencer tout de suite parce que le cout social et économique n’en sera autrement que plus grand. Nouriel Roubini plaide en faveur d’une faillite et d’un départ de la zone euro, dans l’espoir qu’une forte dévaluation rétablisse la compétitivité à terme. Remonter le temps n’est cependant pas sans un certain cout. Quitter la zone euro est différent que de ne jamais y avoir adhéré. Qui va financer les dettes si la Grèce introduit sa propre monnaie ? Maintenant elles s’élèvent déjà à 142% du PIB. Ces dettes sont surtout en euro. Si la drachme est réintroduite, et qu’on a comme on s’y attend une dévaluation de 60% par rapport à l’euro, la dette sera soudainement équivalente à 230% du PIB. Il faudra alors des mesures encore plus drastiques afin d’éviter un raid sur les banques et imposer des contrôles de capital. Les entreprises avec des prêts dans le pays entreront en faillite. Les produits importés deviendront plus chers et le niveau de vie des familles sera encore plus réduit. Sur une base capitaliste, il n’y aura à ça non plus aucune réponse.
38. Certains plaident en faveur d’une reconversion des obligations nationales en obligations européennes, dans l’espoir de décourager les spéculateurs. L’idée est de répartir le risque en empaquetant ensemble les bonnes et les mauvaises obligations d’État, un peu comme ce qui avait été fait avec les hypothèques foireuses. On craint cependant le célèbre dégât moral, par lequel la pression en faveur d’une discipline budgétaire diminue et le nombre de mauvaises obligations d’État après un certain temps entraine avec elles les bonnes vers le bas. Au lieu de répartir en tant que tel le risque jusqu’à ce qu’il n’en reste plus, cela détériorerait au contraire les bons emprunts, comme on l’a vu en 2008 avec les subprimes. D’autres espèrent pouvoir limiter cela en transformant seulement 60% de ces dettes d’État en obligations européennes. Mais cela aussi ne résoudrait rien du tout, car les spéculateurs continueraient à spéculer en pourcentage au-dessus de 60%. Les pays les plus forts de la zone euro s’opposent à l’introduction d’obligations européennes. Pour reprendre les mots de Karel Lannoo dans Knack : les obligations européennes sont le point de conclusion d’une union fiscale et politique, pas le point de départ.
Payer ou se séparer
39. Paul de Grauwe, selon ses propres mots, dit ne rien comprendre. « Nous disposons des moyens », dit-il, « la BCE peut imprimer de l’argent autant qu’elle veut ». Cela ne causera pas d’inflation, ajoute-t-il. Mais les pays forts de la zone euro ne sont pas prêts à cela. À part le fait qu’ils abandonneraient également ainsi le contrôle sur la politique monétaire, joue à nouveau le fait que cela enlèverait la pression pour remettre de l’ordre dans les budgets. Le problème le plus important est cependant réellement le danger de l’inflation. Il est vrai que le simple fait d’imprimer de l’argent ne mènera pas immédiatement à une forte inflation. Après tout, l’inflation se produit du fait que la quantité d’argent en circulation grandit plus vite que la quantité de biens et de services disponibles. Cette quantité n’est pas seulement définie par la quantité d’argent dans la société, mais aussi par la rapidité avec laquelle cette quantité d’argent change de propriétaire. Quand l’argent est retenu par les épargnants, les investisseurs en actions comme au début de ce siècle lorsque a eu lieu le phénomène de l’inflation du prix des actifs, ou quand les entreprises qui l’entassent sans le dépenser, alors cet argent ne va pas vers l’économie réelle et n’a aucun ou quasi aucun effet sur l’inflation.
40. Une comparaison avec le mouvement actuel du prix du pétrole, et de manière plus large de toutes les denrées énergétiques, clarifie cependant ce que l’effet pourrait être d’une création large d’argent par la BCE. À chaque fois que la croissance économique stagne, le prix du pétrole diminue, par lequel il existe un espace pour respirer. Mais dès que l’économie repart à la hausse, le prix du pétrole remonte à nouveau, par lequel la croissance est entravée. Le même peut se produire avec une trop grande hausse de la quantité d’argent. À chaque fois que l’économie stagne, le danger de l’inflation laisse la place à un danger de déflation, mais aussitôt que l’économie repart et que l’argent recommence à rouler, une trop grande quantité d’argent peut mener à une explosion d’inflation. La Chine a maintenant déjà à se battre contre une inflation galopante. Les politiciens allemands gardent encore toujours un traumatisme dû au souvenir de l’hyperinflation pendant la république de Weimar. En outre, le souvenir plus réaliste de la stagflation des années ’70 est encore plus frais dans la conscience.
41. Le lecteur critique peut interjeter que la création d’argent aux États-Unis n’a tout de même pas mené à une inflation hors de contrôle. Nous avons déjà attiré l’attention sur le fait que les États-Unis, en opposition à la zone euro, sont un État-nation avec une bourgeoisie nationale qui non seulement dispose de sa propre monnaie, mais aussi d’une unité politique et fiscale. En outre, les réserves en dollars existent déjà et elles sont réparties à travers le monde entier. Une création d’argent comparable dans la zone euro est facilement une de trop, aussi pour la Chine ou d’autres pays avec d’importantes réserves de valeurs. En 2012, la zone euro doit refinancer 1700 milliards d’euro, dont un quart par la France, 23% par l’Italie, 19% par l’Allemagne et 20% par l’Espagne, la Grèce, l’Irlande et le Portugal tous ensemble. Selon la Deutsche Bank, la Chine pourrait investir pour un montant de 175 milliards d’euro dans des titres de dette européens, soit “une goutte d’eau sur une assiette chaude”.
42. Le 21 juin, il a été décidé d’élargir la disponibilité du fond de stabilité européen. La hausse espérée des moyens pour le fonds d’urgence est cependant demeurée lettre morte. Juste fin septembre, le parlement allemand a voté l’élargissement déjà décidé auparavant de sa contribution pour les garanties du fonds de stabilité européenne. Ainsi, le fonds dispose maintenant finalement des 440 milliards d’euro annoncés depuis janvier. Pour faire face à une faillite grecque, voire à une infection à d’autres pays européens, cela est largement insuffisant. La Chine et les États-Unis appellent à un élargissement du fonds à 2000 milliards d’euro. Cela illustre le fait qu’ils prennent au sérieux une faillite de la Grèce et ne croient pas en l’illusion que l’on peut placer la Grèce en quarantaine. Malgré la position “unique” de la Grèce, qui a déjà reçu pour 250 milliards d’euro, la crise de la dette des États s’est étendue à l’Irlande, qui a reçu un prêt d’urgence de 86 milliards d’euro, et au Portugal, avec un prêt de 78 milliards d’euro. L’Espagne qui a elle seule autant de dettes (637 mld €) que l’Irlande (148 mld €), la Grèce (328 mld €) et le Portugal (161 mld €) réunis, tente désespérément de rester à flot avec l’aide de la BCE. Si l’Italie, avec une dette (1842 mld €) trois fois plus grande que celle de l’Espagne, venait à glisser, alors même quadrupler le fonds d’urgence ne suffira plus. Comment vont-ils faire accepter cela aux 17 parlements de la zone euro ?
43. Il y a la menace d’une nouvelle crise bancaire. Les banques françaises sont pour plus de 600 milliards d’euro exposées aux PIIGS, les banques allemandes, britanniques et américaines pour chacun de ces pays, pour environ 500 milliards d’euro. La base du capital des banques européennes a été renforcée après la crise de 2008, mais pas de la manière dont cela a été fait aux États-Unis. La plupart n’avaient pas calculé qu’elles allaient devoir renoncer à leurs obligations d’État grecques. Si demain cependant aussi les obligations espagnoles et italiennes doivent être annulées, le fait que le fonds d’urgence puisse désormais être utilisé pour recapitaliser les banques aussi sera un maigre réconfort. Les bourgeoisies européennes se sont mises dans une situation à la “catch 22”. Abandonner l’euro serait une énorme saignée pour les entreprises qui sans nul doute présenteront la facture aux travailleurs et à leurs familles. Cela serait un énorme coup porté au prestige des bourgeoisies européennes et cela mettrait fin à la collaboration qui a eu lieu après la Deuxième Guerre mondiale. Cela saperait en outre la position à l’export des pays les plus forts de la zone euro. Mais le cout du maintien de la zone euro continue à augmenter, et la question est à partir de quand ce prix sera-t-il trop grand ?
44. En fait, il existe déjà depuis quelques mois un très grand consensus sur le fait que la politique de la dévaluation interne ne fonctionne pas, mais qu’il n’y a pas d’alternative. En conséquence, on continue contre tout meilleur jugement dans la même politique. La plus jeune réalisation a été le vote au Parlement européen du fameux “sixpack”. Officiellement, cela est la réponse à la crise économique, mais on abuse de cette occasion pour institutionnaliser la politique de l’orthodoxie néolibérale. Les États-membres doivent dorénavant présenter leur budget aux institutions européennes avant de pouvoir les faire valider par leurs parlements nationaux. On peut imposer des entraves budgétaires et des plafonds de dette sont infranchissables. Qui les enfreint peut être sanctionné. En même temps, on discute cependant d’un détour pour pouvoir élargir le fonds d’urgence. Comme si on n’avait pas déjà fait assez de dégâts avec toutes ces manipulations financières, on veut y placer un effet de levier. La BCE prêterait des sommes d’argent illimitées à quiconque veut acheter les obligations d’État des pays faibles de la zone euro, avec les 440 milliards d’euro du fonds d’urgence en tant que garantie. De cette manière, on peut garantir pour quatre ou cinq fois plus d’euro en obligations d’État, et on espère contrer la spéculation contre les obligations d’Italie ou d’Espagne.
45. On peut bien se demander à quoi ils sont occupés. En fait, ils continuent simplement à faire la même merde jusqu’à ce que la séparation inévitable et douloureuse ne se présente. C’est logique : sur base du capitalisme, il n’y a pas d’issue. Le problème fondamental est il est vrai que le marché capitaliste sous-utilise et contrecarre les capacités scientifiques et techniques. Nous devons libérer l’économie de la chasse au profit et la mettre au service de la société et de son cadre de vie et de travail, par la mise en propriété collective libre des secteurs-clés de l’économie et de la science, et par la planification démocratique. Le gouvernement qui fait cela, se ferait vraisemblablement jeter de la zone euro à coups de pieds au cul. Ce ne serait pas une autarcie délibérément choisie. Les jeunes et les travailleurs partout en Europe comprendraient bien vite que la bourgeoisie tente par là de les isoler de la seule alternative possible. Cela aurait l’effet exactement opposé.
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Sauvons le climat, pas leurs profits !
3 décembre, 14h, Bruxelles-Nord. Manifestation Climat
Il n’y a à nouveau guère de choses à attendre du prochain sommet de l’ONU sur le climat, qui se tient début décembre à Durban. Deux ans après le sommet de Copenhague, nous aurons l’occasion d’entendre les mêmes belles paroles, peut-être mêmes quelques nouvelles promesses. Mais aucun changement véritable ne sera discuté. Malgré tous les sommets climatiques et les traités du type du Protocole de Kyoto, il n’y a jamais eu autant de CO2 qu’en 2010
En 2010, 512 millions de tonnes de CO2 de plus ont été émises en comparaison de l’année 2009. Même les prévisions les plus négatives du Groupe Intergouvernemental d’Experts sur le Climat (GIEC) de 2007 ont été dépassées. Le GIEC parle d’une augmentation de la température moyenne mondiale de 2,4 à 6,4 degrés d’ici la fin du siècle, avec en conséquence une augmentation proprement vertigineuse des catastrophes naturelles.
Le changement climatique et le réchauffement global se reflètent dans l’accroissement de conditions météorologiques extrêmes. Le GIEC l’a encore confirme dans son nouveau rapport. Partout, on peut remarquer que quelque chose ne va pas avec le climat : hiver plus rude, inondations, sécheresses,… constituent de plus en plus la norme à laquelle il faut s’adapter.
Chez nous, cela va encore, mais les inondations se succèdent en Asie et ont provoqué des centaines de morts dans des pays extrêmement pauvres comme le Pakistan, l’Inde et la Thaïlande. En Afrique du Nord, la sécheresse croissante menace de famine des centaines de milliers de personnes. Ailleurs, les ouragans se font plus réguliers.
Le climat est bien trop important que pour laisser son avenir aux mains des dirigeants actuels du monde. Ces derniers ont largement démontré qu’ils n’ont aucune solution, et qu’ils sont bloqués par la défense de leur système économique. Si le capitalisme est incapable d’assurer l’avenir de notre planète, la conclusion logique est de mettre un terme à ce système. Le contrôle démocratique de l’organisation de la production par les travailleurs et la collectivité est la seule manière de garantir que les ressources disponibles soient utilisées de façon rationnelle et planifiée. Ce système, c’est ce que nous appelons le socialisme démocratique. De plus, le fait que les moyens de productions soient placés dans les mains de la collectivité permettrait de suffisamment investir dans le développement de réponses écologiques.