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Tag: Ariel Sharon
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Ariel Sharon : Mort de l’architecte brutal de crimes monstrueux
Le boucher de Sabra et Chatila est mort. Ariel Sharon, connu autrefois comme le ‘‘père des colonies israéliennes’’, est décédé après avoir passé huit ans dans un semi-coma, à la suite d’une attaque cérébrale survenue alors qu’il était encore Premier ministre, en janvier 2006. A travers le monde, de nombreux dirigeants capitalistes – qu’ils soient toujours en fonction ou non – ont tenu à exprimer leur sympathie, leur chagrin et même leur admiration pour cet ancien général et homme politique israélien. Main dans la main avec les médias dominants à l’extérieur du monde arabe, ils tentent de réécrire l’histoire et de travestir ce criminel de guerre en un courageux combattant de la paix.
Par Shahar Benhorin, Maavak Sozialisti (CIO-Israël/Palestine)
Georges W. Bush a dit de lui qu’il était ‘‘un guerrier et partenaire de longue date pour assurer la sécurité de la Terre Sainte et pour un meilleur et pacifique Moyen-Orient’’. Le Premier ministre britannique David Cameron a quant à lui déclaré qu’en tant que Premier ministre, ‘‘il avait pris des décisions courageuses et controversées à la recherche de la paix, avant d’être si tragiquement incapacité’’.
En partisan inconditionnel du thatchérisme et du néolibéralisme le plus dur, les gouvernements dirigés par Sharon ont instauré des mesures néolibérales agressives, ont réprimé des grèves et sont directement responsables de la forte augmentation de la pauvreté dans la société israélienne. Un tiers des enfants y vivent sous le seuil de pauvreté. D’autre part, l’histoire de la vie de Sharon comprend bon nombre de crimes parmi les plus horribles crimes par le régime israélien contre le peuple palestinien.
Il a pris part à la guerre israélo-arabe de 1948 en tant que commandant de détachement. Des centaines d’habitants ont été tués et des dizaines de milliers déracinés dans le cadre de ce nettoyage ethnique depuis lors connu comme la Nakba palestinienne (la catastrophe). En 1953, plus de 60 Palestiniens ont été tués dans le village de Qibya, en Cisjordanie, alors que Sharon dirigeait l’Unité 101 de l’armée israélienne dans l’infâme objectif d’infliger des ‘‘dommages maximaux’’ contre les habitants de Cisjordanie. En tant que major-général (Aluf) à la veille de la guerre d’occupation de 1967, la guerre des Six Jours, il a proposé d’examiner la possibilité d’un coup d’Etat militaire pour pouvoir partir en guerre sans le consentement du gouvernement, qui tardait à lancer l’offensive. Après la guerre, à la tête du Commandement Sud, il a mené diverses attaques brutales contre les habitants de Gaza. Il fut ensuite parmi les fondateurs du parti de droite Likoud et se distingua comme l’un des plus ardents défenseurs des colonies israéliennes dans les nouveaux territoires occupés.
Sabra et Chatila
Le massacre probablement le plus étroitement lié à Sharon est celui de Sabra et Chatila, qui eut lieu à Beyrouth, au Liban, en 1982. Des centaines, sinon plus, de réfugiés palestiniens et de résidents chiites libanais ont été abattus en un jour et demi par les fanatiques des Phalanges chrétiennes. La zone était sous occupation israélienne et les forces de Tsahal, l’armée israélienne, ont autorisé l’entrée des Phalanges, ont éclairé la zone avec leurs fusées éclairantes et ont empêché les victimes de l’attaque de s’échapper.
Les rapports concernant cet assassinat de masse pointent du doigt la responsabilité de Sharon, alors ministre de la sécurité, qui a permis aux Phalanges de laisser libre court à leur frénésie meurtrière. Sharon était le cerveau de cette guerre d’occupation visant à écraser les milices palestiniennes et à exploiter la guerre civile libanaise afin d’installer un régime fantoche chrétien destiné à respecter un ‘‘accord de paix’’ avec Israël. Il a même trompé le gouvernement israélien concernant l’ampleur de l’invasion.
Le massacre de Sabra et Shatila a donné naissance au plus grand mouvement anti-guerre de l’histoire d’Israël. Des centaines de milliers de personnes ont manifesté pour exiger une enquête condamnant les responsables ainsi que pour exiger le retrait des forces de Tsahal du Liban et la démission de Sharon et du Premier ministre Menahem Begin. Des soldats du front ont également convertis une chanson pour enfants en un chant de protestation contre leur utilisation en tant que chair à canon pour satisfaire les visées impérialistes de Sharon : ‘‘Des avions viennent jusqu’à nous, nous nous envolons pour le Liban, nous allons nous battre pour Sharon, et revenir dans un cercueil.’’
Provocations
En décembre 1987, dans les premiers jours de la première Intifada (un soulèvement palestinien de masse contre l’occupation), Sharon avait organisé une pendaison de crémaillère de provocation pour sa seconde résidence, installée en plein cœur du quartier musulman occupé de Jérusalem-Est. Treize ans plus tard, une autre provocation de sa part a déclenché la deuxième Intifada, une révolte contre l’imposture du ‘‘processus de paix’’ des accords d’Oslo.
En 2001, Sharon a été propulsé Premier minister, en surfant sur une vague nationaliste réactionnaire qui avait été alimentée dans la société israélienne. Il fut alors chargé par l’élite dirigeante israélienne de mener deux guerres – une campagne militaire sanglante contre les Palestiniens et une guerre de classe contre la classe ouvrière israélienne. Dans les deux cas, il fut sans merci.
Après s’être essayé à différentes tactiques, il a finalement adopté une approche d’intensification de la guerre contre les Palestiniens au travers d’une ré-occupation complètes de tous les centres de population relevant de l’Autorité palestinienne, à la suite d’une série d’horribles attentats-suicides commis dans les villes israéliennes en 2002. Environ 500 Palestiniens et 29 soldats israéliens ont été tués au cours de cette ‘‘Opération Rempart’’.
Peu de temps après, le gouvernement de Sharon a utilisé les attentats-suicides comme un prétexte pour construire une gigantesque barrière de séparation de béton et de barbelés s’étendant aujourd’hui sur des centaines de kilomètres à l’intérieur-même de la Cisjordanie.
Vers la fin de la deuxième Intifada, le dirigeant palestinien Yasser Arafat est tombé malade et est décédé en 2004, probablement à la suite d’un assassinat commis par les services secrets israéliens du gouvernement Sharon, comme le suggèrent des preuves récentes.
A cette époque, le ‘‘plan de désengagement’’ de Sharon était en plein essor, mais ce plan était bien loin d’être une ‘‘recherche de la paix’’. Derrière ce plan de démantèlement des colonies et des bases militaires dans la bande de Gaza se trouvait une combinaison de facteurs. Parmi eux, les soucis démographiques du régime israélien considérant que la croissance de la population palestinienne sous domination israélienne conduirait la population juive israélienne à devenir une minorité ainsi que la compréhension que les Palestiniens reprendraient inévitablement le chemin de la lutte contre l’occupation, encore et encore. Sharon a lui-même exprimé les craintes de l’élite dirigeante en déclarant en 2003 au sujet de l’occupation que : ‘‘Nous devons être libérés du contrôle de 3,5 millions de Palestiniens qui se reproduisent.’’
Le mouvement des colons et l’idéologie d’un ‘‘Grand Israël’’ a subi un grand coup avec le retrait ‘‘unilatéral’’ de la bande de Gaza à partir de 2005. Au plus fort de la guerre de 2002, Sharon avait déclaré qu’il ne fallait pas évacuer les colonies et que ‘‘le sort de Netzarim (ancienne colonie israélienne au cœur de la bande de Gaza) est lié au sort de Tel-Aviv.’’ Le retrait n’était toutefois qu’une démarche stratégique de compromis destinée renforcée l’occupation israélienne et d’autres colonies tout en préparant le terrain pour un approfondissement des mesures brutales à l’encontre des Palestiniens de la bande de Gaza, transformé en véritable prison à ciel ouvert. Cela a été largement démontré par les politiques de siège et les horribles massacres commis lors de la guerre de Gaza de 2008-09 et de l’opération Pilier de Défense en 2012.
Durant le temps où il était Premier ministre, quelques enquêtes de corruption ont été lancées contre lui, mais les grands médias israéliens ont consciemment travaillé à sa protection afin d’éviter les critiques publiques.
Le ‘‘dirigeant de la nation’’
Tout a été fait pour présenter Sharon comme un puissant dirigeant de la nation, une sorte de bonapartiste parlementaire, dont les efforts visaient à instaurer la paix. La scission qu’il a orchestrée au sein du Likoud et la création du parti Kadima a été considérée par une large partie de la classe dirigeante israélienne comme une tentative visant à permettre d’appliquer à la Cisjordanie un plan similaire à celui qui avait frappé la Bande de Gaza.
Le parti Kadima a remporté les élections de 2006 autour d’une telle promesse, et a mené deux nouvelles guerres, au Liban puis à Gaza. Ce n’est que par crainte de voir la Cisjordanie contrôlée par le Hamas que cette stratégie ‘‘unilatérale’’ a été abandonnée.
L’invocation de Sharon est utilisée par certains membres de l’establishment israélien ou international pour faire pression sur le gouvernement Netanyahu afin qu’il prenne ‘‘des décisions difficiles’’ lors des farces de négociation avec l’Autorité palestinienne.
La classe dirigeante israélienne actuelle est particulièrement frustrée suite au processus de révolution et de contre-révolution en Afrique du Nord et au Moyen Orient, avec leurs problèmes démographiques en suspens sur fond de colère croissante parmi les Palestiniens ainsi qu’avec l’isolement grandissant d’Israël sur la scène internationale. Mais un boucher corrompu comme Ariel Sharon n’aurait résolu aucun problème.
Les attaques continuelles à l’encontre des Palestiniens verront tôt ou tard une lutte massive des Palestiniens leur faire face.
Les colonies israéliennes jouissent de moins en moins de soutien en Israël, et une nouvelle génération de travailleurs et de jeunes israéliens a soif de justice sociale et de paix. Elle devra entrer en lutte contre l’occupation, contre l’oppression et contre la discrimination des Palestiniens.
La seule manière d’en finir avec l’héritage venimeux de Sharon est de développer ces luttes, tout en construisant les forces du socialisme en Israël et dans les territoires occupés.
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Rafle monstre de l’armée israélienne
Le 25 juin, un commando palestinien attaquait un poste militaire israélien, tuant 2 soldats et en capturant un troisième, le caporal Gilad Chalit. Le commando exige la libération de prisonniers palestiniens en échange du caporal. Le gouvernement israélien y a répliqué le 28 juin par une offensive de grande ampleur dans la Bande de Gaza qui s’est déjà soldée par la mort d’une vingtaine de Palestiniens et d’un soldat israélien. Le lendemain, l’armée israélienne arrêtait 64 responsables politiques (des ministres, des parlementaires, des maires) du Hamas, le parti qui forme le gouvernement palestinien.
Thierry Pierret
Le gouvernement israélien justifie son offensive par la nécessité de libérer le caporal Chalit et de faire cesser les tirs de roquettes incessants depuis la Bande de Gaza. Il est déterminé à faire juger les responsables du Hamas arrêtés pour avoir planifié des actes terroristes ou, à défaut, pour « appartenance à une organisation terroriste ». Pourtant, le Hamas avait posé des gestes d’apaisement après sa victoire électorale de janvier. Il avait maintenu la trêve dans les actions armées contre Israël. Mais le gouvernement israélien a pris prétexte du refus du Hamas de reconnaître explicitement Israël pour refuser de traiter avec le nouveau gouvernement palestinien issu de ses rangs.
Pire, Israël, soutenu en cela par l’Union européenne et les Etats-Unis, a pris des sanctions contre l’Autorité palestinienne en refusant de lui reverser la part des recettes douanières qui lui revient (Israël et les Territoires occupés forment une seule unité douanière). Cela a perturbé le payement des fonctionnaires palestiniens et compromis le financement de toute une série de programmes d’aide à la population palestinienne. Israël a tenté de contourner le nouveau gouvernement élu en ne traitant qu’avec le Président de l’AP, Mahmoud Abbas, malgré le discrédit total jeté sur son parti, le Fatah.
L’attitude du gouvernement israélien a eu un double effet désastreux : d’une part, elle a incité les différents groupes armés palestiniens (du Fatah comme du Hamas) à rompre la trêve implicite avec Israël. D’où la reprise des tirs de roquettes à l’aveuglette contre les villes du sud d’Israël et des attaques contre les soldats et les colons. D’autre part, elle a conduit à une quasi-guerre civile entre le Hamas et le Fatah. En effet, des prisonniers palestiniens de toutes obédiences (y compris du Hamas donc) avaient rédigé une plate-forme qui demande la création d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967, ce qui équivaut à reconnaître implicitement Israël. Mais le Hamas a refusé de se rallier à ce texte tant que des progrès substantiels n’auraient pas été enregistrés dans les négociations avec Israël. Mahmoud Abbas a tenté de contourner le gouvernement palestinien en soumettant ce texte à référendum. D’où une situation de tension extrême entre le Hamas et le Fatah qui s’est soldée par de nombreux actes de violence de part et d’autre. Finalement, le Hamas s’est rallié au texte à la fin du mois de juin pour éviter le référendum prévu en juillet.
Si le gouvernement israélien d’Ehoud Olmert était vraiment épris de paix comme il le prétend, il aurait saisi cette opportunité pour cesser son boycottage du gouvernement palestinien élu, lever les sanctions et aller de l’avant pour arriver à une solution négociée du conflit. Même si nous pensons que des négociations entre la coalition d’Olmert et le gouvernement Hamas d’Ismaël Hanye se seraient soldées à terme par un échec (les politiciens israéliens et palestiniens actuellement au pouvoir ne sont pas disposés à créer les conditions matérielles de la paix en résolvant les problèmes sociaux aigus qui se posent de part et d’autre de la « ligne verte »), cela aurait au moins créé temporairement un climat plus propice au développement de liens de solidarité entre travailleurs israéliens et palestiniens, voire à la diffusion des idées socialistes au sein du mouvement ouvrier des deux pays.
Hypocrisie israélienne
Mais le gouvernement d’Olmert ne veut pas d’une solution négociée avec quelque gouvernement palestinien que ce soit. Sa politique est d’imposer une solution unilatérale au conflit (notamment la fixation des frontières) sous prétexte qu’il n’y a pas d’interlocuteurs valables en face. Hier, ils boycottaient le « terroriste Yasser Arafat » issu du Fatah, aujourd’hui ils boycottent le « gouvernement terroriste » issu du Hamas en feignant de regretter le Fatah qu’ils ne traitaient pourtant pas avec plus d’égards lorsqu’il dirigeait l’Autorité palestinienne. Il est frappant que l’offensive israélienne actuelle intervient quasiment au lendemain du ralliement du Hamas à la plate-forme des prisonniers.
L’enlèvement du caporal Chalit en a fourni le prétexte. Des membres du gouvernement israélien se disent en faveur de la plate-forme des prisonniers. Mais ils ne peuvent ignorer que l’arrestation de dizaines de responsables du Hamas est une énorme provocation qui lui donne un prétexte en or pour prendre ses distances par rapport à ce texte. Quelle hypocrisie ! L’offensive israélienne réduit ainsi à néant tous les efforts d’Abbas pour infléchir la position du Hamas. Ehoud Olmert est bien le digne successeur d’Ariel Sharon dont la politique de retrait unilatéral de certains territoires palestiniens ne devait rien à une transformation subite du faucon en colombe, mais obéissait à des considérations purement tactiques. On en voit aujourd’hui les conséquences…
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Liberté d’expression ou diviser pour mieux régner?
Révolte contre les caricatures
Le 30 septembre 2005 le quotidien danois Jyllands-Posten publie 12 caricatures malveillantes du prophète Mahomet dont l’une le représente avec une bombe dans son turban. Dès le mois d’octobre les représentants de la communauté musulmane du Danemark et des ambassadeurs de pays musulmans protestent auprès de la rédaction de Jyllands-Posten et du gouvernement danois. Ils se heurtent à une fin de non recevoir abrupte: la direction du journal refuse de présenter des excuses au nom de la liberté d’expression et le gouvernement se retranche derrière la liberté de la presse. A partir de là, la vague de protestation va s’amplifier peu à peu pour déboucher sur une crise ouverte fin janvier.
Dossier par Thierry Pierret
Les manifestations se multiplient dans le monde entier et les produits danois sont boycottés dans nombre de pays musulmans. Sous prétexte de défendre la liberté d’expression menacée par l’obscurantisme islamique, des journaux de plusieurs pays européens reproduisent les caricatures. Du coup, la colère populaire prend également ces pays pour cible et – parfois – leurs ressortissants dans les pays musulmans.
Le gouvernement danois pointe du doigt des imams danois qui, lors d’une tournée d’information au Moyen-Orient, auraient fait un amalgame entre les caricatures du Jyllands-Posten et des caricatures plus odieuses encore jamais publiées dans la presse.
Même si cela devait se confirmer, là n’est pas l’essentiel.
Une attaque islamophobe
Le gouvernement danois est un gouvernement de droite qui mène une politique ouvertement raciste. Il a notamment pris des mesures draconiennes pour limiter le regroupement familial des étrangers légalement établis au Danemark. De plus, ce gouvernement minoritaire est soutenu de l’extérieur par le Parti du Peuple danois, un parti d’extrême-droite dont le racisme est le fond de commerce électoral. Ce parti, ainsi que bon nombre de politiciens des autres partis, ne cesse de dénoncer l’islam et les musulmans comme une menace pour la démocratie et les valeurs occidentales et de faire l’amalgame entre islam et terrorisme.
Après la chute du Mur de Berlin, les néoconservateurs aux Etats-Unis avaient besoin d’imposer une nouvelle image de l’ennemi pour justifier leur rhétorique de guerre. Bien que les Etats-Unis ont jadis soutenu des mouvements réactionnaires d’obédience islamiste, comme en Afghanistan, pour contrer l’influence de l’URSS et des partis communistes.
L’interview que Carsten Juste, le rédacteur en chef de Jyllands-Posten, a accordée pour tenter de se justifier est révélatrice à ce sujet. Il y dit notamment : C’est le dessin qui représente Mahomet avec une bombe dans son turban qui suscite les critiques les plus vives. Pourtant, pour moi, l’association saute aux yeux. C’est une façon d’illustrer le problème du terrorisme islamique fanatique, dont les partisans font eux-mêmes le lien entre leurs actes et la religion et son contenu. C’est cela que notre caricaturiste a voulu montrer. C’est un sujet de débat fréquent : «Dans quelle mesure la nature de l’islam contribue-t-elle à engendrer des terroristes ? Cette religion crée-t-elle ses propres terroristes ? » C’est une question tout à fait légitime. Je n’aurais jamais imaginé qu’elle pourrait déclencher de pareilles réactions… »
Suggérer que le terrorisme pourrait découler de la nature de l’islam sous prétexte que des terroristes s’en réclament est aussi stupide que, par exemple, vouloir faire découler le militarisme de la nature du christianisme parce que Bush et les néoconservateurs américains se réclament ostensiblement de cette religion. L’idée de représenter Jésus en tortionnaire de la CIA n’aurait d’ailleurs jamais effleuré l’esprit du plus anticlérical des caricaturistes européens. Et même dans ce cas il y a fort à parier que Jyllands-Posten ne l’aurait jamais publié parce que, là, Carsten Juste aurait très bien imaginé les réactions… Le gouvernement danois a beau jeu de se retrancher derrière la soi-disant liberté de la presse pour se laver les mains de toute responsabilité. Le fait est que les politiciens danois – en particulier ceux des partis qui forment ou soutiennent le gouvernement – ont créé un tel climat d’hostilité envers les musulmans que le premier quotidien du pays n’a éprouvé aucune gêne à s’en prendre ouvertement à la communauté musulmane à travers la figure de son prophète.
Le gouvernement danois attise le racisme et l’islamophobie pour diviser les travailleurs et les empêcher de s’unir contre sa politique de régression sociale. Les politiciens et les patrons belges vantent le « modèle danois » comme un modèle à suivre parce que le taux de chômage y est très bas et que le taux d’activité y est très élevé. Il feignent d’oublier que la majorité des emplois au Danemark sont des emplois précaires, à temps partiel ou à durée déterminée. Un salarié doit souvent cumuler deux, voire trois emplois pour s’en sortir.
La population danoise est pourtant loin de faire bloc autour de l’establishment politicomédiatique. Si le Parti du Peuple danois a gagné 5% d’intentions de votes dans les sondages depuis le début de la crise, plus de 50% des Danois disent comprendre la colère des musulmans et 49% des Danois désapprouvent la publication des caricatures contre 43% qui l’approuvent.
Le Moyen-Orient en ébullition
La crise autour des caricatures du prophète n’aurait jamais pris une telle ampleur sans les tensions énormes qui traversent actuellement le Proche et le Moyen-Orient. Des régimes dictatoriaux et corrompus ont récupéré l’affaire des caricatures pour essayer de peser sur les rapports de force sur le plan national ou international. Outre l’Irak et le Liban, deux foyers de tension se sont particulièrement développés récemment.
Iran. De males propos pour dissimuler les problèmes sociaux du pays
L’ultra-conservateur Mahmoud Ahmadinejad a été élu Président de la République islamique d’Iran fin juin 2005. Ce populiste de droite a bâti sa fulgurante carrière politique en jouant sur son image d’homme proche du peuple : l’ex-maire de Téhéran avait gardé son salaire de petit fonctionnaire.
Dans un pays où la corruption générée par la manne pétrolière arrose toutes les factions de l’establishment – et surtout où la population est confrontée à un chômage de masse et à des loyers inabordables dans les grandes villes – c’est un argument qui fait mouche. Ahmadinejad a aussi bénéficié de la démobilisation d’une partie des jeunes et des femmes déçus par la faillite des réformateurs à réaliser leurs promesses de démocratisation.
L’Iran est une dictature où les partis sont interdits et où les candidats « non-conformes » sont écartés par les chiens de garde du régime des mollahs. Les travailleurs iraniens et leurs familles, ainsi que les couches paupérisées de la population, se sont donc engouffrés dans le maigre espace d’expression politique que constituait cette élection pseudo-démocratique pour émettre un vote de protestation contre l’establishment et un vote-sanction contre les réformateurs. Il ne s’agissait donc en aucun cas d’un vote d’adhésion au régime ou aux idées réactionnaires d’Ahmadinejad comme c’est souvent présenté en Europe.
Ahmadinejad est d’ailleurs conscient de la fragilité de sa position. Depuis son élection, les conditions de vie de la majorité de la population se sont encore détériorées tandis que le contrôle social du régime sur les jeunes et les femmes s’est renforcé. Pour détourner l’attention de la population, il a multiplié les déclarations antisémites en appelant à plusieurs reprises à « rayer Israël de la carte » et en niant, à plusieurs reprises également, la réalité du génocide des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le président iranien a tenu certains de ces propos dans le cadre d’une conférence intitulée “Le monde sans le sionisme”. En tant qu’internationalistes, les marxistes sont opposés à toutes les formes de nationalisme réactionnaire, y compris le sionisme et l’islamisme. Mais lorsque des politiciens réactionnaires au Moyen-Orient ou en Europe se profilent comme anti-sionistes ou anti-islamistes, ils ne font que jeter un voile idéologique sur leur anti-sémitisme ou leur islamophobie.
Mais c’est surtout la décision d’Ahmadinejad de reprendre le programme d’enrichissement d’uranium – aux applications potentiellement militaires – qui a mis le feu aux poudres. Cela a déclenché une crise ouverte avec les USA et l’Union européenne qui menacent de saisir le Conseil de Sécurité de l’ONU avec des sanctions à la clé. Mais l’Iran a développé de forts liens économiques avec la Russie et avec la Chine.
De plus, le régime iranien n’ignore pas que les Etats-Unis sont embourbés en Irak et qu’une intervention militaire est hautement improbable.
Palestine. La faillite du FAtah ouvre la voie au Hamas
La disparition brutale d’Ariel Sharon de la scène politique israélienne et la victoire du Hamas lors des élections législatives palestiniennes de janvier ont sans doute porté un coup fatal au soi-disant processus de paix. Ariel Sharon n’avait rien d’un homme de paix, toute sa carrière politique et militaire en témoigne. Désavoué au sein du Likoud, il l’a quitté pour lancer une nouvelle formation « centriste », Kadima. Jusqu’il y a peu les sondages promettaient à Kadima une quarantaine de sièges, soit la position de premier parti, lors des élections de mars. Kadima avait pour ambition de négocier avec l’Autorité palestinienne une paix aux conditions d’Israël.
Mais les élections palestiniennes ont tout remis en question. La victoire du Hamas, qui a remporté la majorité des sièges au Conseil législatif (parlement) palestinien, est une gifle à la face de tous les protagonistes du conflit. Ce résultat est d’autant plus amer que ces élections ont été organisées de façon exemplaire d’après les critères de la démocratie bourgeoise. Les Etats-Unis pourraient même en tirer des leçons…
Pourtant les Palestiniens ont plus voté contre le Fatah que pour les islamistes du Hamas. Ils ont sanctionné des années de corruption, d’autoritarisme et d’échecs dans la lutte pour la libération nationale. Si on veut prendre la mesure exacte de la corruption de l’Autorité palestinienne (AP), il suffit de savoir que l’Union européenne, principal bailleur de fonds de l’AP, enquête sur la « disparition » de 700 millions d’euros. Or l’aide annuelle de l’UE à l’AP est d’1 milliard d’euros… Nous avons toujours dit que le Fatah d’Arafat et d’Abbas était plus populaire auprès d’une certaine frange de la mouvance pro-palestinienne en Europe, y compris hélas une certaine gauche, que parmi les Palestiniens. Le résultat des élections en est la parfaite illustration.
La victoire du Hamas n’a pourtant rien d’un pas en avant pour la lutte des Palestiniens. Le gouvernement israélien en prendra prétexte pour multiplier les faits accomplis. Il a déjà pris des mesures de rétorsion qui priveront l’AP de quelque 30% de ses ressources fiscales. C’est ce qui s’appelle prendre un peuple en otage pour avoir mal voté… Cette politique de rétorsions minera pourtant davantage la position du Président de l’AP, Mahmoud Abbas, que celle du Hamas. En effet, le Hamas pourrait récupérer une partie du manque-à-gagner en se tournant vers l’Iran, ce qui renforcera l’influence de ce pays dans la région. De plus, les gouvernements israélien et américain mènent une campagne d’isolement de l’AP au niveau international. Mais l’invitation des dirigeants du Hamas par la Russie ouvre déjà une brèche de taille dans ce boycottage. Pour ne rien arranger, des groupes armés liés au Fatah vont probablement reprendre l’initiative militaire contre Israël pour récupérer le terrain perdu dans l’opinion palestinienne.
Un tel scénario pourrait peser lourdement sur le résultat des élections israéliennes de mars. Le Likoud de droite, qui était en perte de vitesse, pourrait regagner du terrain voire gagner les élections en surfant sur l’inquiétude et l’incompréhension des Israéliens envers le vote des Palestiniens. Le manque d’une alternative socialiste aux partis réactionnaires, nationalistes ou religieux, se fait cruellement sentir des deux côtés.
Afin de sortir de l’impasse, il faut une unité des travailleurs dans la lutte commune contre le système capitaliste.
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Sharon disparaît de la scène politique et laisse l’instabilité derrière lui
Le 4 janvier, pour des raions médicales, Ariel Sharon a disparu de la scène politique, ce qui a renforcé l’instabilité en Israël. Ce fait sera, à coup sûr, déterminant quant à l’issue des élections en Israël et aura des conséquences sur toute la région.
Kevin Simpson
Ariel Sharon, un faucon de droite
Dans sa jeunesse, Sharon faisait partie du Gadna (organisation militaire des jeunes) et plus tard de la Haganah (l’armée secrète juive) qui oeuvraient pour la protection des immigrants juifs mais en réalité, lancaient des opérations commando contre les villages arabes de Palestine et anéantissaient leurs opposants.
Sharon était lié au parti Herout, le prédécesseur du Likoud, qui préconisait un état juif sans syndicats ni arabes. Sur base de son expérience militaire, Sharon fit une carrière éclair dans l’armée israélienne. En 1953, il prit la responsabilité d’une action punitive au cours de laquelle 69 arabes furent tués, la moitié d’entre eux étaient des femmes et des enfants.
Comme ministre de la défense, Sharon lança une action en 1982 au Liban pour éliminer l’OLP. Le 16 février, un bain de sang fut commis par ses alliés de droite (les phalangistes chrétiens) dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila.
Sur le plan politique, Sharon s’est toujours opposé à des accords de paix avec les Palestiniens. En tant que minsitre des Infrastructures, il a doublé le nombre de colonies dans les territoires occupés de Cisjordanie. En septembre 2000, la visite de Sharon au Mont du temple est la cause directe de la deuxième intifada (résistance palestinienne contre l’armée israélienne). Entre 2001 et 2003, on a dénombré environ 1000 Israëliens et 3000 palestiniens tués.
Micha Teller
Le chaos politique au sein de l’autorité palestinienne (AP) a été croissant à mesure que les élections de juin approchaient. L’AP, dominée par les dirigeants du Fatah, la principale fraction de l’OLP (Organisation de Libération de la Palestine), est perçue comme corrompue et faible. Les islamistes du Hamas ont fait une percée électorale lors des élections municipales de l’année passée. Les différentes factions du Fatah et les milices dissidentes sont entrées plusieur fois en confrontation les unes avec les autres ces dernières semaines dans le sud de la bande de Gaza. La société est au bord de la désintégration totale après des années de direction corrompue de l’AP et des décennies d’oppression israélienne.
Dans le passé, la classe dominante en Israël a été mise sous pression. Pression en provenance de l’impérialisme US mais également de l’impossibilité de s’imposer militairement en Palestine et de l’instabilité sociale au sein de la population juive. De plus, la population palestinienne croît davantage que la population juive d’Israël, ce qui signifie que la population palestinienne sera à terme majoritaire. C’est pourquoi Sharon et la majorité de la classe dirigeante israélienne ont dû réviser leur position historique concernant la mise sur pied d’un Grand Israël intégrant la bande de Gaza et les territoires situés à l’Ouest du Jourdain.
L’autorité de Sharon a été renforcée au niveau local et international par le retrait de Gaza. Pendant ce temps, Amir Peretz a été élu comme président du parti travailliste. Il a remporté ce mandat sur base d’une rhétorique radicale (d’après les critères israéliens) promettant d’augmenter le salaire minimum de façon vigoureuse et d’introduire une pension pour tous.
Ces évènements et la réorientation de la classe dominante furent les facteurs qui sont à la base du “Big Bang” du monde politique israélien. Sharon a démissionné du Likoud pour créer une nouvelle formation politique: Kadima (En avant).
Selon certaines estimations, ce nouveau parti remporterait 40 sièges en cas d’élection. Ce n’est pourtant encore qu’un parti en construction dominé par Sharon lui-même. A l’heure actuelle, il semble bien que Kadima se présentera aux élections, même si ses figures dominantes craignent l’émergence de scissions. Cette situation pourrait être avantageuse pour Peretz du parti travailliste mais ce dernier a abandonné sa réthorique radicale après son élection.
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Israël/Palestine. Un retrait lourd de nouvelles tensions
Israël a mis fin en 4 semaines à 38 ans d’occupation dans la Bande de Gaza et le nord de la Cisjordanie. Mais Israël continue de contrôler la majeure partie de la Cisjordanie ainsi que l’espace aérien et maritime de Gaza. Surtout, le retrait israélien va aviver les tensions internes en Israël comme en Palestine.
Thierry Pierret
Le Premier Ministre israélien Ariel Sharon a mené l’opération tambour battant. Il a passé outre l’opposition du puissant lobby des colons et même d’une bonne partie de son gouvernement et de son propre parti, le Likoud. Il faut dire que Sharon était soumis à une double pression. Celle du Président Bush qui veut relancer la “feuille de route” pour arriver à un accord final entre Israël et l’Autorité palestinienne (AP). Celle de la population israélienne qui n’acceptait plus le coût exorbitant de l’occupation de ce territoire minuscule.
La classe dirigeante israélienne se heurte aux limites de sa politique. Pendant 38 ans, elle a tenté de contenir les luttes sociales en Israël en envoyant des milliers de familles modestes dans les territoires occupés. Là, elles recevaient un logement à bas prix et des avantages sociaux payés par le contribuable israélien. Elles y recevaient également des terres fertiles confisquées aux Palestiniens. Les gouvernements israéliens successifs ont encouragé les mouvements extrémistes religieux dans leur entreprise de “reconquête” des terres bibliques de “Judée-Samarie”.
Mais les contradictions de classe finissent toujours par reprendre le dessus. Les plans d’austérité draconiens successifs du gouvernement Sharon se sont heurtés à une résistance énorme des travailleurs israéliens. La colonisation est devenue un facteur de mécontentement supplémentaire, car nombre d’Israéliens ne comprennent pas pourquoi le gouvernement continue de subventionner généreusement les implantations alors qu’il taille allègrement dans les dépenses publiques en Israël même.
Le fondamentalisme religieux, qui devait servir à détourner les Israéliens pauvres de la lutte des classes, échappe désormais au contrôle de la classe dirigeante israélienne. Des milliers de jeunes fanatiques venus de colonies illégales en Cisjordanie sont venus “prêter main forte” aux habitants des implantations de Gaza. Ils n’ont pas hésité à asperger d’acide les policiers et les soldats israéliens et à les traiter de nazis. Deux attentats mortels ont été commis contre des Palestiniens pour empêcher le retrait. Bien que la majorité des colons de Gaza soient partis de leur plein gré, ces excès les ont isolés. Avec un cynisme consommé, le gouvernement en profite pour refuser de faire suite à leurs revendications d’être relogés dignement en Israël. Ils craignent à juste titre de rester indéfiniment dans des préfabriqués. Cette situation risque de générer un terreau fertile pour l’extrême droite et le fondamentalisme.
L’évacuation va aussi accroître les tensions du côté palestinien. La lutte pour le pouvoir que se livrent les factions palestiniennes va se doubler d’une lutte pour le partage des terres des colons. Le chef de l’AP, Mahmoud Abbas, s’est empressé de nationaliser la quasi-totalité de ces terres pour empêcher une curée générale. C’est une tentative illusoire de protéger la classe dirigeante palestinienne de sa propre voracité. En effet, c’est l’administration corrompue de l’AP qui contrôle ces terres… L’exaspération de la population est à son comble.
Le 7 septembre, l’ancien chef des renseignements militaires de Gaza, Moussa Arafat, était abattu à son domicile par une centaine d’hommes armés. Ils lui reprochaient sa corruption et son despotisme. La seule solution, c’est la nationalisation de la terre sous le contrôle de ceux qui la travaillent, c’est-à-dire les ouvriers agricoles palestiniens. Pour cela, il faut que les travailleurs et les couches pauvres de Palestine s’organisent et conquièrent leur indépendance politique par rapport aux partis islamistes et nationalistes.