Tag: Afrique du nord

  • Journée de résistance mondiale contre la dictature des banquiers et des patrons

    Des millions de personnes ont manifesté à travers le monde le 15 octobre dernier, dans 981 villes de 85 pays. A Bruxelles, environ 10.000 personnes ont répondu à l’appel. Ce mouvement de révolte contre les effets de la crise du capitalisme, surtout présent parmi la jeunesse, est parti d’Espagne pour devenir un mouvement mondial de résistance contre le système capitaliste. Depuis septembre, ‘‘Occupy Wall Street’’ a également enthousiasmé la jeunesse à travers le globe. Des appels à “Occupy” Anvers, Gand, Bruxelles, Louvain et ailleurs ont fleuri après le 15 octobre sur les réseaux sociaux. Même l’idée d’une journée mondiale d’action le 11 novembre est déjà lancée sous le slogan “Occupy the world”.

    Par Boris Malarme, article tiré de l’édition de novembre de Lutte Socialiste

    En mai dernier, 400 jeunes espagnols s’étaient rassemblés devant l’ambassade d’Espagne à Bruxelles afin de soutenir les protestations du 15M. Le 19 juin, un millier de jeunes avaient marché vers le Parlement Européen contre l’austérité en Europe et pour crier que ces politiciens capitalistes ne nous représentent pas. Le 8 octobre, les marcheurs partis d’Espagne, rejoints par des jeunes d’autres pays, arrivaient à Bruxelles dans une atmosphère combative. Une intervention policière contre le campement parc Elisabeth visait à provoquer des incidents et à criminaliser le mouvement mais des slogans comme “la police avec nous” et “vous aussi vous serez touchés par l’austérité” ont fait échouer cette tentative. L’agression violente d’une jeune grecque par la police a également fait la une des journaux télévisés et a profondément choqué l’opinion publique. Les assemblées en trois langues et les débats tels que “Les luttes en Grèce”, “Réforme ou Révolution”,… durant toute la semaine ont rassemblé des centaines de personnes jour après jour jusqu’à la manifestation du 15 octobre.

    Le mouvement des indignés franchit une nouvelle étape

    Avant le 15 octobre, le mouvement des Indignés indiquait espérer deux à trois mille personnes à Bruxelles. Mais le succès du 15 octobre illustre la compréhension grandissante que les capitalistes et leurs politiciens n’ont aucune solution à la crise de leur système et que celui-ci nous réserve un avenir de misère. Le soutien de la population s’exprimait tout au long du parcours. Celle-ci ne cessait de croitre en nombre, par exemple quand elle passait par le quartier Maritime à Molenbeek, un quartier ou plus de 60% des jeunes sont au chômage.

    Un calicot géant “Nous ne payerons pas leur dettes” surplombait la place De Brouckère. Les gens exprimaient toute leur colère face au siège de Dexia contre le sauvetage de la banque par les politiciens avec l’argent de la collectivité. La délégation d’EGA et du PSL conjointe avec celle de Rood a été remarquable de par son ampleur et sa combativité. Nos slogans de solidarité avec les travailleurs d’Arcelor était amplement repris par les manifestants. L’assemblée des indignés quatre jours après la manifestation pour discuter la suite du mouvement à entre autres décidé de mobiliser pour la manifestation contre la fermeture d’ArcelorMittal.

    Le mouvement des indignés – de cette génération perdue et confrontée au chômage et aux emplois précaires qui ne permettent pas d’envisager l’avenir – est directement inspirée par les révolutions de masse au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Les occupations de place, les assemblées qui permettent à chacun de participer et les protestations de masse effraient les patrons, les banquiers et leurs politiciens, qui craignent l’entrée en action, comme ce fut le cas avec les grèves en Tunisie et en Egypte, de millions de travailleurs, la force capable de briser leur dictature.

  • Discussion avec trois sans-papiers de la place Fernand Cocq

    Le 31 octobre, une soixantaine de sans-papiers ont été expulsés du Polygone (ancien bâtiment d’AB-3) à Ixelles. Depuis, ils passent leur nuit à Place Fernand Cocq à Ixelles. Ce sont des Afghans, Algériens ou des Marocains venus en Belgique pour trouver des revenus plus intéressants et fuir la misère de leur pays. Jusque là, rien de surprenant, sauf peut-être ce quotidien si banal.

    Par Bruno (Bruxelles)

    Après une discussion avec trois émigrés marocains, nous pouvons vous tracer un portrait de leurs quotidiens. D’abord, ils ont quitté le Maroc, laissant derrière eux des salaires inchangés depuis les années ‘80. Par contre, le prix de la vie a augmenté dans leur pays. Comme l’expliquera un des sans-papiers, quand on doit payer 100 euros de loyers pour une chambre et une cuisine, il vous reste 80 euros pour tenir le mois (le SMIC est de 180 euros).

    Ensuite, ils débarquent en Belgique et recherche à se régulariser. L’un de nos interlocuteurs attend depuis trois ans un domicile, condition sine qua non à toute demande de régularisation. Un autre a obtenu depuis une adresse mais attend toujours depuis 7 ans une réponse à sa demande. En bref, il est facile de dire que l’émigration est motivée par l’ascension sociale mais il est plus dur d’assumer le fait que les salaires ne permettent pas à tout le monde de vivre. Pourtant, on comprend très bien que les mésanges charbonnières migrent en hiver dans nos jardins par manque de nourriture…

    On dit souvent que la lenteur des régularisations entretient un marché parallèle, donc fournit de la main d’œuvre à bas salaire. Au-delà de la rhétorique, le vécu a plus de poids: c’est effectuer douze heures de travail au marché matinal pour 25 euros comme nous dira un des sans-papiers. Il appelle ça de ‘‘l’esclavage moderne’’.

    En recherche d’un logement pour un soir, un des sans-papiers nous explique qu’il s’est rendu à l’asile de nuit, avenue de Stalingrad à Anderlecht. Pour pouvoir profiter d’une des quarante places, il faut piocher la bonne carte dans une main qu’un employé du centre présente. Si la carte est noire, tu restes dehors, si la carte est rouge, tu restes au chaud la nuit. Dans la situation actuelle, les sans-papiers se trouvant dans la rue, ils ne travaillent plus. Comme tout le monde, ils ont besoin de repos pour pouvoir travailler le lendemain.

    Pour finir, ce sont des habitants de la place Fernand Cocq, un Snack et quelques personnes du mouvement des Indignés qui leur sont venu en aide (nourriture, bâches,…). Voilà une réponse concrète aux phrases toutes faites du style : ‘‘Tout le monde à la chance de s’en sortir, il suffit de travailler.’’


    Quelle solution pour la lutte des sans-papiers?

    Le PSL défend la suppression des centres fermés, l’arrêt des expulsions et la régularisation des sans-papiers. A cela, nous lions le droit de chacun à avoir un bon travail, avec un bon salaire, par une répartition du temps de travail avec les 32 heures de travail par semaine avec embauches compensatoires et sans perte de salaire pour en finir avec le chômage. Ce ne sont pas les sans-papiers ou les immigrés qui sont responsables de la pénurie d’emplois, c’est la soif de profit des patrons et des actionnaires.

    C’est d’ailleurs cette même logique d’avidité capitaliste qui maintient des dictatures dans les pays du monde néocolonial. Nous disons : c’est aux multinationales qu’il faut s’en prendre, pas à leur victime ! Pour la solidarité internationale des travailleurs, pour le soutien aux révolutions en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, pour en finir avec les causes de la misère qui poussent tant de gens à quitter leur pays pour courir des risques gigantesques dans le vague espoir d’un meilleur avenir. C’est pour cela que nous luttons pour une société débarrassée de l’exploitation capitaliste, pour une société socialiste !

  • Une bonne contribution aux discussions sur un nouveau projet de gauche

    Depuis fin septembre, le nouveau livre d’Erik De Bruyn est disponible dans les librairies flamandes. De Bruyn s’est fait connaître avec sa candidature à la présidence du SP.a, le parti social-démocrate flamand, en 2007, où il avait obtenu 33% des votes contre Caroline Gennez. Quatre ans plus tard, De Bruyn continue, avec ‘Rood’, en dehors de la social-démocratie. Son nouveau livre est une bonne occasion de mener le débat concernant le projet de gauche qu’il nous faut. Même si ce livre n’existe qu’en néerlandais, nous pensons qu’il est utile de publier notre critique dans les deux langues, car il s’agit d’une contribution au débat entourant l’ouvrage.

    Par Bart Vandersteene, membre de la direction de Rood

    Ce livre donne un aperçu du fonctionnement interne du SP.a et des possibilités très limitées pour construire une opposition de gauche au sein de la social-démocratie. Malgré son bon résultat en 2007, les portes étaient fermées pour De Bruyn au bureau du parti (au niveau national ou régional) de même que pour une place éligible aux élections.

    En avril de cette année, SP.a-Rood a décidé de quitter le parti. ‘‘Juste au moment où l’opinion publique se lance contre l’establishment, le parti ne réussit pas à capter l’esprit et se trouve de l’autre côté des barricades’’ (p.75). Nous pensons que cette méfiance et cette aversion contre l’élite datent de plus longtemps déjà et qu’elles se sont longtemps orientées contre le SP.a, un parti qui a participé au pouvoir (à différents niveaux) depuis 1988 et qui, au fur-et-à-mesure des années, cache de moins en moins qu’il défend une variation de la même politique néolibérale en faveur des riches et puissants. Cela a conduit depuis longtemps à l’existence d’un vide politique à gauche.

    La décision de quitter le SP.a a eu un bon impact sur le contenu du livre. De Bruyn est plus clair dans ses analyses du capitalisme et au sujet de la nécessité d’une alternative socialiste. Les mouvements en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ont aussi eu un effet contagieux sur Erik. Cependant, nous sommes en désaccord avec certaines de ses conclusions. Il va trop loin dans le rejet des formes organisées de la politique par les jeunes espagnols. L’aversion légitime contre les partis traditionnels ne met pas de côté la nécessité d’un parti démocratique des travailleurs et des jeunes.

    ‘‘La démocratie et la participation doivent être des réflexes de chacun à chaque niveau. La démocratie et la participation sont beaucoup trop importants pour les externaliser à de soi-disant experts qui en font leur profession (…) L’avenir appartient aux réseaux, aux structures participatives.’’ (p. 197) Les réseaux sont utiles, mais pour un engagement à plus long terme, approfondi et démocratique avec des procédures de décision et des structures, il nous faut autre chose. L’absence de parti large de la classe ouvrière ne signifie pas qu’il y a ‘‘une ère post-parti politique’’.

    Erik De Bruyn a des doutes concernant l’appel ‘pour un nouveau parti des travailleurs’, un appel soutenu par le PSL depuis les années 1990. ‘‘Les solutions socialistes sont rejetées par l’opinion publique comme étant irréalistes (…) L’affaire ne peut pas être résolue simplement par la création d’un nouveau parti des travailleurs. La gauche doit s’orienter envers des couches plus larges, sans tomber dans un discours du centre. La crise touche les travailleurs, mais aussi les cadres, les indépendants et les petits entrepreneurs.’’ (p. 93) La gauche doit ‘‘aller plus loin que le concept dépassé du ‘nouveau parti des travailleurs’. D’un côté l’élément d’un parti des travailleurs doit être mis en avant, mais de l’autre côté il doit être beaucoup plus audacieux que ça.’’ (p. 189)

    La crise capitaliste frappe partout et toutes les couches de la société. Les cadres et les petits indépendants reçoivent aussi quelques gifles. Certains cadres sont mis de côté, comme tous les travailleurs. Des petits entrepreneurs ne tiennent pas le coup dans la compétition avec les grandes chaînes et les multinationales. Ils sont aussi menacés par les parasites tels que les banques et Electrabel. La seule façon d’y échapper, c’est de suivre la seule classe dans la société qui peut édifier une autre organisation sociale. C’est la classe ouvrière. Bien sûr, un ‘parti des travailleurs’ sera ouvert à d’autres couches, mais dans sa composition et son programme – dans son caractère – il doit être un ‘parti des travailleurs’, avoir un caractère et des méthodes ouvrières.

    Il y a clairement un nombre de sujet sur lequel nous avons des désaccords avec Erik. Il limite ses revendications à ce qui est possible dans le cadre du capitalisme. Nous pensons que cela conduit à des dangers. Cela explique probablement pourquoi Erik continue à répandre des illusions dans le socialisme ‘réinventé’ en Amérique-Latine. Malgré des réformes positives au Venezuela et en Bolivie, Chavez et Morales refusent surtout de rompre fondamentalement avec la logique capitaliste. Cela conduit à une impatience et à une frustration croissantes parmi les masses, de même que la menace de la contre-révolution. Une réponse socialiste part des besoins concrets et essaie de les lier en revendications et slogans concrets avec la nécessité d’un changement fondamental de société. Le manque d’un tel programme est néfaste pour les nouveaux partis de gauche dans des pays dans l’œil du cyclone, comme pour le Bloc de Gauche au Portugal.

    Dans sa critique des dictatures staliniennes, Erik écrit que la chute des ces régimes est due à ‘‘l’absence de deux facteurs : la démocratie et le marché.’’ L’élément important du ‘socialisme dans un pays’ est oublié dans le texte. Ce qu’Erik veut dire avec ‘absence de marché’ est un mystère pour nous. Que tous les secteurs clés deviennent tout de suite gratuits et soient donc en dehors de la sphère d’échange économique, comme l’enseignement et les soins de santé, nous semble évident. Est-ce qu’Erik trouve que l’Union Soviétique est allée trop loin? Lorsque nous parlons du ‘marché’, il ne s’agit en général pas de l’organisation de la consommation (comme avec le marché du dimanche matin) mais de la production (le ‘libre marché’). Avec l’économie planifiée nous n’entendons pas l’expropriation des petits commerçants, mais bien des secteurs clés de l’économie. Est-ce que ces secteurs doivent être gérés par un régime public ou laissés au ‘libre marché’ pour que les capitalistes puissent prendre les meilleurs morceaux et les profits ? Est-ce qu’Erik trouve que le marché aurait dû jouer un rôle plus important ?

    Les propositions du livre pour des réformes d’Etat nous semblent faibles, sans toucher aux intérêts de l’élite économique et politique actuelle. L’approche sur la société multiculturelle et le port du voile reste également un point de discussion et de désaccord.

    Malgré ces critiques, nous trouvons dans ce livre une impulsion importante à la discussion sur la construction d’un nouveau projet de gauche. Nous recommandons le livre et voulons utiliser cette occasion pour mettre en avant nos différences de manière ouverte et honnête. Le fait que Rood veut constituer un mouvement large et ouvert avec en son sein diverses organisations et positions politiques est enrichissant.

    Enfin, encore un avertissement vis-à-vis d’une confiance trop exagérée dans les nouveaux médias. Erik propose une ‘‘plate-forme participative sur l’internet’’ pour ‘‘utiliser la connaissance et l’expertise collective des gens, comme précurseur d’une société socialiste radicalement démocratique et autogérée’’ (p. 191). Nous pensons que les outils de communications offrent de grandes opportunités, mais ils ne peuvent pas remplacer une réelle participation dans les discussions et les réunions. Une participation politique à l’ordinateur semble accessible, mais c’est beaucoup moins contraignant, plus volatile et il y manque un élément important : la dynamique démocratique de groupe.


    ‘La rédaction de Lutte Socialiste vend le livre ‘De terugkeer van de dwarsliggers’ à 14 euros (et 3,5 euros d’expédition). Dans les librairies, le livre est vendu à 17,5 euros. Commandez ce livre en versant sur le n° de compte de Socialist Press 001-3907596-27 avec ‘De Bruyn’ en mention.

  • [DOSSIER] Ce système est pourri… jusqu’à la moelle !

    Il y a quinze ans, notre pays a été touché par une explosion massive de protestations et de colère. Après une semaine d’actions spontanées et de manifestations a suivi la Marche Blanche du 20 octobre 1996 à Bruxelles, avec 300.000 manifestants. Le “Mouvement blanc” a illustré la vitesse à laquelle un mouvement peut se développer. Quinze ans plus tard, il est utile de revenir sur ces actions, mais aussi sur le rôle de la Justice. Après quinze années, qu’est-ce qui a réellement changé ? Quelle est la position des marxistes concernant le système judiciaire ? Nous publions ici un dossier de Geert Cool, actif à l’époque dans le mouvement en tant que militant marxiste.

    Le mouvement blanc : une explosion de colère dans les rues

    Le Mouvement blanc, créé en 1996, est apparu à la suite de l’affaire Dutroux et a exprimé la profonde tristesse éprouvée face au destin des jeunes victimes de Dutroux & Co. Mais au fur et à mesure que les obstacles s’amoncelaient autour de l’enquête, la tristesse est devenue colère.

    L’étincelle qui a mis le feu aux poudres a été le dessaisissement du dossier du juge d’instruction Connerotte après avoir commis le ‘‘crime’’ de manger une assiette de spaghetti lors d’une soirée de soutien aux familles des fillettes disparues… Il ne pouvait dès lors plus être considéré comme “impartial”. Connerotte était considéré comme un personnage dynamique écarté de l’affaire par les manœuvres bureaucratiques de l’establishment judiciaire sur le coup de cet “arrêté spaghetti”. Beaucoup de gens craignaient une nouvelle opération ‘‘sourde oreille’’.

    Les actions ont largement démontré que les politiciens avaient perdu tout crédit auprès de la population, tout comme diverses institutions bourgeoises : Justice, police et médias. Les frustrations s’accumulaient et les travailleurs de Volkswagen-Forest ont lancé le mouvement en cessant le travail le 14 octobre. Très vite, ils ont été imités dans l’ensemble du pays, une semaine de manifestations spontanées et de protestations de masse a suivi.

    L’establishment a en partie perdu le contrôle sur la situation, et s’est vu contraint de lancer de appels désespérés pour que les élèves retournent en classe et les travailleurs au boulot. L’establishment entier ne faisait qu’un, du gouvernement au Roi en passant par l’Église, dans leur frayeur face au mouvement. Il leur fallait absolument que la Marche blanche reste apolitique. De fait, les politiciens traditionnels n’avaient aucun contrôle sur les idées politiques en développement dans ce mouvement dont l’ampleur, la spontanéité et la rapidité ont surpris tout l’establishment.

    Ce n’était pas seulement la Justice, mais l’ensemble de la société qui était remis en question. Nous avons accompagné ce sentiment avec notre slogan “Le système est pourri jusqu’à la moelle”. Là où nous avons su avoir un certain impact, comme à Gand, ce slogan a été repris de manière massive. Nous avons aussi dépensé beaucoup d’énergie pour organiser cette explosion de colère spontanée, avec la mobilisation d’une grande manifestation générale le vendredi 18 octobre 1996 à Gand. L’appel à cette manifestation est venu du Syndicat estudiantin (Studentenvakbond, SVB), dans lequel nos membres jouaient un rôle actif.

    Nous nous sommes rendus aux entreprises, écoles et campus tout en intervenant dans les manifestations spontanées. Les journées étaient fort chargées. Le matin, il fallait se lever tôt, attraper un mégaphone et chercher la première manifestation spontanée qui nous tombait sous la main pour la renforcer et appeler la population à la rejoindre. Ce rituel s’est répété pendant plusieurs jours. La manifestation de Gand du 18 octobre 1996 a été massive : avec 25.000 participants, elle a été la plus grande manifestation du mouvement après la Marche blanche nationale.

    À ce moment, le mouvement était de plus en plus poussé par les travailleurs et leurs familles, sans que cela n’aie toutefois été consciemment en tant que classe, mais plutôt en tant que parents ou enfants. Pourtant, il était possible d’éveiller leur conscience. Un simple mot d’ordre des directions syndicales aurait suffi à donner une orientation au mouvement et à lui permettre de se développer davantage. Nous défendions qu’il fallait un appel à la grève générale et à la formation de comités d’action pour la préparer, ce qui l’aurait placée sous le contrôle de la base. Mais les directions syndicales étaient aussi effrayées que les politiciens par l’idée d’une grève générale.

    Cette attitude a offert à l’establishment l’opportunité de récupérer le mouvement. Faute d’une direction de la part du mouvement syndical, ce sont les parents des enfants disparus, bien souvent contre leur gré, qui ont été proclamés porte-paroles et dirigeants du mouvement. Ils étaient présents dans tous les médias et, tout à coup, toutes les portes – jusqu’à celles du Palais royal ! – leur étaient ouvertes. L’establishment a fait tout son possible pour transformer la Marche blanche en un cortège apolitique où toute critique de l’establishment était interdite. Cela a été couplé avec la répression ad hoc ; nos militants qui, toute la semaine, s’étaient tenus à l’avant des manifestations ont brusquement et impitoyablement été arrêtés pour la simple raison qu’ils avaient des tracts. La liberté d’expression n’était pas permise. Cette récupération a conduit le mouvement à l’impasse.


    Justice de classe pour servir les intérêts des riches

    L’appareil judiciaire suit des règles et des lois qui servent les intérêts de l’establishment. Indépendamment de la composition ou de la structure exacte des tribunaux, il est certain que toutes les décisions doivent être en accord avec les règles qui protègent les privilèges du Capital. L’État bourgeois tel que nous le connaissons aujourd’hui ne fait que protéger le système capitaliste, dont il est d’ailleurs issu, malgré toute la rhétorique sur l’indépendance et l’impartialité de la Justice.

    Sous le capitalisme, le principe central du système législatif est la protection de la propriété privée des moyens de production. Cela vaut aussi bien sur le plan du droit bourgeois (les dettes, les contrats, etc.) que sur le plan du droit pénal. Nous ne défendons clairement pas le fait que les comportements asociaux (tels que la violence, les cambriolages…) ne doivent pas être punis. Mais nous constatons que le droit pénal est appliqué de façon différente en fonction du milieu familial ou de la position sociale. Un grand fraudeur du secteur diamantaire peut bien plus se permettre qu’un simple ouvrier.

    La “neutralité” du droit n’est pas évidente. Les règles sont les mêmes pour tous : riches ou pauvres. Voler une pomme est interdit, quand bien même tu crèves de faim. Mais grâce à toute leur technologie légale très chèrement payée, les riches s’en sortent généralement bien – il suffit de voir comment une personnalité telle que DSK se dépêtre aussi facilement d’une affaire de viol. Les décisions sont prises par des juges habituellement eux-mêmes issus du petit monde de l’élite. Beaucoup de juges ont toute une carrière d’avocat derrière eux et peuvent compter sur un revenu fort confortable. Il n’est pas question d’un contrôle démocratique de la Justice par la population.

    Les véritables socialistes appellent au démantèlement de l’appareil judiciaire existant. Nous sommes en faveur de la formation de nouveaux tribunaux, avec des juges élus de manière démocratique par la majorité de la population et révocables à tout moment par la base.

    Dans une société socialiste, le nombre de conflits diminuera. Aujourd’hui, la plupart des débats sont liées à des conflits sur la propriété. Les cas de criminalité et de comportement asocial seront évidemment punis, mais en gardant un œil sur la prévention de ce genre de comportement, et avec compensation du tort causé à la société. Une approche purement répressive ne résout rien et ne conduit pas à la baisse de la criminalité, comme le prouve la situation aux Etats-Unis. Nulle part ailleurs dans le monde il n’existe un tel pourcentage de la population en prison, sans que le pays ne devienne plus sûr pour autant.


    “Tous sont égaux devant la loi”. Certains plus que d’autres…

    Exagérons-nous lorsque nous parlons de Justice de classe ? Penchons-nous seulement sur un cas récent.

    Selon une estimation faite en Suisse, le secteur du diamant à Anvers a fraudé pour un montant d’au moins 700 millions d’euros. La chance que cela entraîne une condamnation est proche de zéro. Cette fraude est presqu’aussi grande que celles de Beaulieu (du patron du textile De Clerck) et de la KB-Lux prises ensemble – ces deux entreprises ayant chacune fraudé pour environ 400 millions d’euros, sans condamnation. Moralité : pas de soucis pour les gros profits. Faites bien attention à payer vos amendes de circulation, mais dormez tranquille si vous fraudez pour 700 millions d’euros.

    Les fraudeurs diamantaires peuvent compter sur leurs soutiens politiques. À Anvers, ce secteur dispose de son propre échevin : Ludo Van Campenhout (N-VA, ex-VLD). Celui-ci a déclaré que l’affaire “a été exagérée par les médias” et que des mesures “très strictes” ont été prises. L’échevin des diamantaires fraudeurs veut empêcher toute possibilité d’enquête. Quant au secrétaire d’État à la lutte contre la fraude (Carl Devlies, CD&V) : ‘‘Il y a déjà beaucoup de mesures, et je pense qu’elles sont suffisantes’’. Pour le secteur du diamant et les autres fraudeurs, ces mesures paraissent effectivement suffisantes.

    Le secteur diamantaire a lui-même engagé de coûteux avocats pour obtenir les dossiers du fisc via le Conseil d’État. Ainsi, le secteur veut savoir ce que le fisc sait, afin de pouvoir ensuite conclure un accord avec lui. Voilà comment les riches lavent leur linge sale en famille.

    Quand les hauts magistrats d’Anvers déclarent au début de l’année judiciaire que la sécurité sociale est affaiblie par la forte augmentation du travail au noir, ils ne s’attaquent pas aux organisateurs de ces circuits illégaux. Ils se limitent à des appels pour s’en prendre à l’afflux de travailleurs immigrés, les victimes des circuits occultes : les petites victimes du travail au noir sont embarquées tandis que les grands fraudeurs sont libres.

    Petite parenthèse ; pour rester dans le cas d’Anvers, les pénuries sont énormes. Des crèches aux écoles, en passant par les loisirs, l’emploi et les services publics, de plus en plus de choses font défaut. De grandes parties de la population perdent pied, et deviennent des proies faciles pour les criminels (tels que les trafiquants de drogue). La politique de droite a conduit au chaos et la réponse pour chaque proposition du type de créer de véritables emplois avec un salaire décent – ou investir dans de véritables logements de même que dans l’enseignement – est invariablement qu’il n’y a “pas de moyens”. Mais qui oserait encore le dire maintenant que l’on sait que les diamantaires peuvent tranquillement frauder pour 700 millions d’euros ?


    Encore plus pourris

    Notre niveau de vie est attaqué, l’establishment politique ne s’est fait remarquer ces dernières années que par ses chamailleries, la Justice ne s’occupe toujours que de défendre les intérêts des riches (qu’on pense seulement à l’affaire Fortis), et les médias inondent l’ensemble d’un flot de variétés abêtissantes.

    Les politiciens se trouvent à des lieues des réalités quotidiennes. En tant que parlementaires, ils gagnent 10.000 euro par mois et reçoivent des dédommagements jusqu’à 300.000 euros en plus d’une pension bien garnie (après seulement 20 ans de travail). Ensuite, ils peuvent boucler leur fin de carrière avec les postes lucratifs que leur proposent les grandes entreprises dans leurs conseils d’administration. L’indignation face au montant de la prime de départ de Sven Gatz en tant que député (300.000 euros) a bien illustré que le mécontentement envers les politiciens traditionnels est aujourd’hui exceptionnellement élevé. Qui croit encore ces politiciens ?

    La Justice a été réformée ici et là. Des éléments de la structure ont été supprimés, mais son mode de fonctionnement de base n’a pas été touché. Cela reste aussi un petit univers en-dehors du monde, composé de “gens qui se connaissent”. La manière dont le palais de Justice de la place Poelaert à Bruxelles se dresse au-dessus du centre-ville, symbolise bien la situation. En 2009, on a découvert un vaste système de chantage et de corruption impliquant des avocats, des magistrats et des dirigeants d’entreprise autour de la juge De Tandt à Bruxelles. L’enquête à ce sujet a été perturbée pendant des années par le parquet-général, qui craignait que l’image de la Justice n’en soit ternie. Ces pratiques avaient notamment été révélées quand la juge De Tandt avait rendu un jugement dans l’affaire Fortis qui était un copier/coller d’un projet de condamnation émanant des avocats qui représentaient le gouvernement dans le procès. C’est tout à fait courant. Les syndicalistes savent bien que la justice se laisse facilement atteler au carrosse du patronat pour littéralement prendre le relais des requêtes unilatérales des avocats patronaux pour briser les grèves. Qui croit encore ces juges ?

    Entre-temps, la confiance envers les médias est elle aussi en berne. Nous n’avons pas encore eu chez nous de scandales tels que celui de Murdoch au Royaume-Uni (les journalistes mouchardaient les téléphones de particuliers pour obtenir des scoops bien juteux). Le journal de Murdoch, News of the World, a dû fermer boutique. Chez nous aussi, de plus en plus de gens se posent la question : comment pouvons-nous encore croire ces journalistes ?

    Au sommet de la police, de la Justice, du monde des affaires et de la politique, tout le monde se connait, des alliances mutuelles existent et vont plus loin que ce que l’on s’imagine d’ordinaire. En vertu du maintien de ces alliances, on joue de manière “créative” avec la législation et la juridiction. Même les interventions policières peuvent être ordonnées de manière elles aussi très créatives. La soi-disant séparation des pouvoirs est une idée plus théorique qu’autre chose, destinée à donner un semblant d’impartialité. Dans la pratique, l’ensemble de l’establishment est absolument uni en un seul grand cercle d’amis cernant les différents pouvoirs.

    Dans le contexte d’un système en crise, des divergences d’opinion peuvent se développer au sommet. Mais le développement le plus important est celui d’une défiance croissante envers l’ensemble de l’establishment. Dans leur lutte pour un niveau de vie décent, les travailleurs et leurs familles entrent en confrontation avec cet establishment. Comme ce système n’offre aucun avenir décent à la majorité de la population, tout ce que nous pouvons faire est d’expliquer que ce système est pourri jusqu’à la moelle.


    Le Mouvement blanc, 15 ans après

    Un large mouvement spontané qui fait trembler l’establishment jusqu’à ses fondations – il y a 15 ans, c’était là un événement absolument exceptionnel. Aujourd’hui, dans le contexte de la vague de révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, cela nous parait naturellement un peu moins spectaculaire. Il est pourtant important d’expliquer que chez nous aussi, il est possible de voir apparaitre un véritable mouvement, et que même pour des faits divers en apparence insignifiants, une explosion peut se produire. La vitesse et l’ampleur du Mouvement blanc sont une réponse à tous ceux qui pensent que rien ne se passe jamais dans notre pays, ou que les mouvements n’y sont pas à l’ordre du jour en ce moment. Les conditions pour un mouvement tel que celui de 1996 sont aujourd’hui beaucoup plus présentes. Il y a clairement encore plus de mécontentement, de sorte que la moindre goutte pourrait aboutir à des protestations de rues.

    L’absence d’implication active de la direction syndicale a assuré que le mouvement garde un caractère flou quant à sa nature de classe. D’autres couches de la société ont également participé au mouvement. Mais cela est une donnée statique. Le patronat avait déjà décroché à partir du moment où les actions de grève ont commencé. Les classes moyennes avaient auparavant joué un rôle actif dans la diffusion d’affiches des enfants disparus et avaient une sympathie envers les actions, mais n’en avaient pas la direction.

    Parmi les intellectuels, il y avait une certaine condescendance envers le caractère “populaire” de ce mouvement. C’est après la grève de Volkswagen à Forest que le mouvement a acquis un caractère de masse, et qu’il a été de plus en plus porté par les travailleurs et leurs familles. Le Mouvement blanc a également montré la force potentielle des travailleurs. C’est pourquoi il est essentiel pour les forces de gauche d’éveiller la conscience et de donner des perspectives au mouvement à partir d’une position de classe.

    Le Mouvement blanc n’a pu être récupéré que parce que le mouvement ouvrier n’y a pas donné une direction consciente. Il manquait de mots d’ordre et d’une organisation appropriée. Là où il y avait une direction au mouvement, surtout à Gand, il y a eu une grande manifestation de 25.000 personnes et des slogans clairs tels que “Le système est pourri jusqu’à la moelle”.

    Cela montrait le potentiel qui aurait pu se réaliser si seulement les directions syndicales s’étaient impliquées de manière active dans ce mouvement. Voilà pourquoi il est extrêmement important d’organiser les syndicalistes et militants actifs, tant sur le plan syndical que politique. Nous devons refonder tout un nombre de traditions du mouvement ouvrier, de sorte que lors de nouveaux moments décisifs, l’initiative ne puisse pas forcément être abandonnée pour être récupérée par d’autres forces.

  • Organiser la jeunesse pour un changement révolutionnaire

    Les Etudiants de Gauche Actifs s’impliquent et militent activement sur différents thèmes. Nous nous opposons au racisme, au sexisme et aux divisions. Nous luttons pour un enseignement gratuit et de qualité ainsi que pour assurer un avenir aux jeunes. Les problèmes auxquels nous faisons face résultent d’un système malade, où seuls comptent les bénéfices d’une petite élite.

    Marx is back!

    Pour comprendre la crise de leur système, même les économistes bourgeois doivent en revenir à Marx. Le célèbre économiste Nouriel Roubini a déjà fait référence à Marx, de même que George Magnus, conseiller économique à UBS Investment Bank, qui a écrit un article titré ‘‘Donnons à Karl Marx une chance de sauver l’économie mondiale’’, dans lequel il affirme que ‘‘L’esprit de Marx (…) est sorti de tombe au beau milieu d’une crise et du marasme économique qui l’accompagne. L’analyse du capitalisme par le philosophe comprenait de nombreux défauts, mais l’économie mondiale actuelle a de nombreuses similitudes avec les conditions difficiles qu’il prévoyait.’’

    Magnus fait remarquer que le capitalisme entraîne, d’une part une accumulation de richesses par une infime minorité alors que se produit d’autre part une ‘‘accumulation de misère’’ pour la majorité. Il souligne que les inégalités sont au plus haut niveau aux USA depuis les années ’20. ‘‘Jusqu’en 2008, l’inégalité des revenus pouvait être masquée par des facteurs comme le crédit facile, et des familles pauvres pouvaient assumer un style de vie plus élevé. Mais maintenant, le problème a surgi à la surface.’’

    S’organiser et se mobiliser

    Des économistes comme Roubini et Magnus reconnaissent que la situation est particulièrement grave. Mais ils limitent leurs références à Marx à ses analyses de la crise, sans entrer dans ce que Marx propose comme solutions. Cela leur permet de débarrasser le marxisme de son composant actif: l’élaboration d’une alternative. L’analyse marxiste du capitalisme ne peut pas en être séparée.

    Avec EGA, nous mobilisons les jeunes pour débattre, mais aussi pour agir dans le cadre de différentes actions et campagnes. Les mouvements en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et en Europe du Sud illustrent le rôle dynamique que peuvent jouer les jeunes dans la résistance. Mais cette vague révolutionnaire démontre aussi la nécessité d’organiser les protestations et de leur offrir une orientation. EGA milite pour un monde où la production et la société tout entière serait placée sous la gestion démocratique et le contrôle de la jeunesse et des travailleurs dans une véritable démocratie où les besoins de chacun seraient rencontrés, bref, une société socialiste démocratique.

  • Crise économique en Europe : austérité et lutte généralisée

    Il ne se passe plus un jour sans mauvaises nouvelles concernant l’économie. En Europe, les banques et les pays sont sans cesse en première page des quotidiens: “nouvelle dégradation de la note…”, “menace de défaut de paiement”, etc. Les économistes sont de plus en plus pessimistes sur l’avenir. Autant avant l’été on nous prédisait un retour à la croissance sur des bases saines, autant aujourd’hui un nouveau crash et une nouvelle période de récession prolongée semblent ne plus faire de doute. Le système capitaliste fait face à une crise structurelle profonde pour laquelle ses élites politiques et économiques ne trouvent aucun remède. “Un été meurtrier”, “rien n’a été réglé” pouvait-on ainsi lire dans Le Monde au début du mois de septembre.

    Par Nico (Bruxelles), Article tiré de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste

    Les seules mesures matraquées jours après jours sont celles d’une accélération et d’un élargissement des mesures d’austérité censées résoudre la crise des dettes des Etats. Vu sous cet angle, l’été fut meurtrier pour les travailleurs et leurs familles. Les chiffres sont impressionnants et la manière de trouver où réaliser des économies donne clairement le ton. Chacun de ces plans s’attaque aux allocations sociales, aux pensions, aux fonctionnaires (effectifs, pensions, salaires), réduisent les services publics quand ils ne les bradent pas tout simplement au privé. Au travers de tout cela, le fait que c’est la classe des travailleurs qui paie pour une crise qu’elle n’a pas causée est un sentiment répandu à travers toute l’Europe et illustré au travers des différentes luttes qui ont pris place durant cette période.

    En plus de cette crise économique, les élites connaissent une crise politique généralisée. Pour la Belgique, il n’est pas nécessaire de citer les centaines de jours de blocage sans gouvernement. Mais, outre Manche, on a vu comment le scandale Murdoch a ébranlé la classe dirigeante et exposé au grand jour les scandales de corruption entre le monde politique et économique. La crise qui s’approfondit aujourd’hui de jour en jour n’est pas la crise des services publics ou des allocations, c’est la crise du système capitaliste, du secteur privé, des banques à la recherche de toujours plus de profits. Et aujourd’hui, ils veulent nous faire payer leurs crises. Cela, les travailleurs l’ont compris, ils montrent à travers toute l’Europe la volonté de lutter.

    A la lecture de la presse traditionnelle, ces assainissements apparaissent comme inévitables. La colère qu’ils suscitent n’est pas prise en compte dans les analyses. Pourtant, après 11 grèves générales en Grèce, l’idée de ne pas payer les dettes a mûri, et une telle revendication pourrait servir à travers toute l’Europe de mot d’ordre mobilisateur. En septembre, on a vu les Italiens et les Espagnols redescendre en rues, le mouvement des indignés reprendre et, au moment d’écrire cet article, on attendait encore avec impatience les résultats de la journée de grève en France dans le secteur de l’enseignement le 27 septembre. Il ne s’agit pas ici de faire un tour complet des mobilisations européennes, mais nous constatons que, pays après pays, l’opposition à la dictature des marchés se développe.

    Les problèmes financiers que connaissent les banques, les injections massives d’argent public pour les sauver remettent à l’avant plan la revendication d’une nationalisation complète du secteur bancaire sous le contrôle et la gestion démocratique des travailleurs. Les pseudos volontés de régulation apparues après 2008 dans les discours politiciens relèvent d’avantage de l’hypocrisie. Laisser ce secteur aux mains des capitalistes nous entraîne vers des crises toujours plus profondes. Les milliards évaporés sur les places boursières ainsi que les aides publiques toujours plus énormes devraient être utilisés pour résoudre les problèmes sociaux, augmenter les allocations, créer des emplois ou améliorer les services publics.

    Une grève générale européenne

    Le fossé s’élargit entre la volonté de lutter des jeunes et des travailleurs et l’absence de voie de sortie. Les directions syndicales n’organisent d’actions que poussées par leur base. Déjà l’année dernière, en France, sur le dossier des retraites, la base demandait avec insistance dans les cortèges l’organisation d’une réelle grève générale pour faire tomber le gouvernement et ses politiques antisociales. A l’heure actuelle, nous avons besoin d’un plan d’action contre l’austérité afin d’éviter le développement d’un sentiment d’impuissance.

    L’organisation d’une grève générale à l’échelle européenne est une réponse nécessaire face à la troïka. La Confédération Syndicale Européenne (CSE) s’est réunit à Athènes sur le thème “Se mobiliser pour l’Europe sociale” (en mai 2011). La conclusion logique d’une telle réunion doit être la mise en place d’un tel plan d’action. Nous ne devons pas lutter chacun de notre côté. Les révolutions en Afrique du Nord et au Moyen Orient nous montrent que seule la lutte de masse est payante et que l’aboutissement logique d’une lutte sur le plan national est son élargissement sur la scène internationale.

    L’avenir de la zone euro est de plus en plus remis en cause. Les problèmes survenus en Italie semblent annoncer que la spirale ne va pas s’arrêter aux pays périphériques et que les problèmes sont aux portes des grandes économies européennes, censées être plus résistantes. Ne laissons pas les travailleurs de Grèce ou d’Irlande lutter seuls. Nous ne partons pas de nulle part, les mouvements sociaux ces dernières années ont remis à l’avant plan les meilleures traditions du mouvement ouvrier : la grève générale bien sûr mais aussi, au travers des indignés, les occupations, les assemblées générales, les comités locaux. Ce sont sur ces initiatives – qu’il faut élargir – que nous devons discuter et organiser une lutte généralisée contre les attaques orchestrées par les politiciens traditionnels, que ce soit dans nos gouvernements ou au niveau de l’Union Européenne.

    Nous pouvons stopper ces politiques d’austérité mais, pour changer fondamentalement la situation et éviter que les élites capitalistes et leurs alliés politiques ne remettent ça, nous devons discuter dans ces luttes d’un changement radical de modèle économique : face à la crise du modèle capitaliste, défendons une économie démocratiquement planifiée selon les besoins de la majorité et non dictée par l’avidité d’une poignée de parasites prêts à prélever sur notre dos le moindre centime de profit.

  • Kazakhstan. La dictature veut briser les syndicats et les marxistes

    Nazarbajev, au Kazakhstan, est à la tête d’un régime dictatorial depuis l’effondrement de l’Union Soviétique. Mais le régime tremble de peur face à la vague de soulèvements de masse au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, car l’onde de choc se propage vers l’Asie, y compris l’Asie centrale. Parmi les mesures préventives du régime, une répression particulièrement brutale contre les syndicats et les militants marxistes.

    Ce pays est riche en ressources naturelles, y compris en pétrole et en gaz. Les principaux acteurs internationaux actifs dans le pays sont Chevron, Exxon Mobil, Lukoil (Russie), Total et Eni (Italie). Mittal (Inde) est très actif dans le secteur minier. Dans la région de Manguistaou, dans l’ouest du pays, les travailleurs du pétrole sont en grève depuis plusieurs mois. Les revenus du pétrole de cette région sont d’une grande importance pour le régime, et briser la grève est une priorité. Les dirigeants des grévistes reçoivent ainsi régulièrement des menaces anonymes.

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    Match Belgique-Kazakhstan, les droits démocratiques sont-ils hors-jeu ?

    Action de solidarité avec les grévistes du Kazakhstan (Communiqué de presse)

    Autres articles

    Actions de solidarité

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    Ces menaces n’étaient pas lancées en l’air. L’été dernier, un délégué de l’entreprise MunayFiltrServis a été tué et un peu plus tard a suivi le meurtre de la fille de Kudaybergen Karabalayev, délégué dans l’entreprise de transport UOS-1 de la filiale de production OzenMunayGaz. La jeune fille de 18 ans a eu la mâchoire rompue et le crâne fracturé.

    L’avocate des travailleurs du pétrole a de suite été arrêtée et risque elle-même une longue peine de prison pour ‘‘incitation à l’émeute’’. Une activiste qui faisait une grève de faim est poursuivie par la police, qui affirme qu’elle aurait attaqué un policier lors d’une opération policière. Cette femme pesait alors 45 kilos, mais elle aurait battu un policier anti-émeute de deux mètres… Elle aussi est menacée d’une longue peine de prison.

    Les grévistes ont obtenu un peu d’attention internationale à travers le travail de solidarité du Mouvement Socialiste du Kazakhstan, qui organise des syndicats indépendants et des militants politiques. L’Eurodéputé Paul Murphy a visité la région pour soutenir les travailleurs. Le célèbre chanteur britannique Sting a lui aussi soutenu les grévistes en annulant un concert au Kazakhstan le 11 juillet dernier (prévu dans le cadre de l’anniversaire du président). Sting a versé une contribution au fonds de soutien des grévistes et a affirmé que ‘‘les travailleurs du pétrole et du gaz du Kazakhstan et leurs familles ont besoin de notre soutien et de l’attention des médias internationaux’’.

    Dans la même logique de répression contre les travailleurs en grève, le régime a également lancé une nouvelle vague de répression contre des dirigeants connus du mouvement ouvrier. Ainur Kurmanov et Esenbek Ukteshbayev, deux dirigeants du Mouvement Socialiste du Kazakhstan et membres de la section du CIO au Kazakhstan, risquent des années de prison. A la mi-septembre, leur avocat avait annoncé qu’ils seraient poursuivis. Le journal Vzglyad (un quotidien d’affaire) a fait de cette nouvelle sa première page en disant : ‘‘La condamnation des dirigeants de cette organisations sera utilisée pour la liquider. Sans aucun doute, les autorités estiment que cette organisation est une force réelle et massive pour la contestation et qu’elles ne peuvent que l’attaquer en la brisant.’’

    Ces deux marxistes sont poursuivis suite à une campagne menée contre l’expulsion de personnes incapables de rembourser leurs hypothèques. Lorsque les banques étaient en difficulté, elles ont été sauvées par le gouvernement. Mais quand la population a des problèmes, elle n’a qu’à se débrouiller. Le désespoir en a conduit beaucoup au suicide, mais d’autres ont choisi la voie de la résistance collective. Le Mouvement Socialiste du Kazakhstan a joué un rôle dans cette résistance et ses dirigeants sont maintenant accusés d’avoir poussé les gens au suicide ! Ils sont également accusés de ‘‘despotisme’’, des inculpations qui sont en général utilisées contre des bureaucrates qui sont allés trop loin quand ils se permettent eux-mêmes des privilèges. Tous deux risquent un emprisonnement de deux ans.

    En 2010, le Kazakhstan était encore président de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE). Le pays est considéré, notamment par le gouvernement Belge, comme un régime normal. Le 7 octobre, c’est sans problème qu’a été organisé un match de football entre la Belgique et le Kazakhstan. Pour l’élite, le fait que ce dernier pays connait un régime dictatorial avec une répression arbitraire et brutale contre les dirigeants de l’opposition vaut moins que les très lucratifs contrats commerciaux.

    Tant que leur procès est en cours, Ainur Kurmanov et Esenbek Ukteshbayev ne peuvent quitter la ville d’Almaty. Ainsi, le gouvernement espère éviter qu’ils ne témoignent début octobre devant une conférence de l’OSCE à Varsovie consacrée à la ‘‘dimension des droits humains’’.

    La situation au Kazakhstan est de plus en plus tendue. Les hausses de prix rendent la vie insupportable. Les voix s’élèvent pour un niveau de vie décent et pour le droit de mener des actions collectives deviennent de plus en plus fortes. Tout comme au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, cela peut conduire à des explosions révolutionnaires. La présence d’une force socialiste organisée avec des dirigeants reconnus et un programme combatif de changement révolutionnaire de la société peut faire la différence au Kazakhstan. Le mouvement des travailleurs est en train de croître et commence à perdre sa peur face à l’élite politique et économique.

    Le régime se prépare déjà à attaquer avant que la colère ne se transforme en une résistance révolutionnaire. L’enjeu est énorme pour les marxistes. Si le régime réussit à briser le mouvement des travailleurs et le Mouvement Socialiste du Kazakhstan, la population du pays vivra une période extrêmement sombre et difficile. Mais nous pouvons aider à éviter cela grâce à la solidarité internationale. Le PSL prend ses responsabilités dans ce cadre, et nous organisons plusieurs activités les semaines prochaines afin de soutenir le mouvement ouvrier et les révolutionnaires au Kazakhstan.

  • Contre le sommet européen des chefs d’Etats à Bruxelles : Dégageons leurs plans d’austérité!

    L’Union Européenne, la Banque Centrale Européenne et le Fonds Monétaire International (= la troïka) essayent de forcer les jeunes et les travailleurs à accepter une diminution très forte de leur niveau de vie au lieu de s’en prendre aux vrais responsables de la crise.

    Tract des Etudiants de Gauche Actifs


    Samedi 15 octobre : Manifestation internationale des indignés – Gare du Nord – Bruxelles – (+ d’infos bientôt)

    • en Espagne: 40% de chômage chez les jeunes & Pensions à 67 ans,…
    • en Irlande: Chute de 25% du niveau de vie & 1.500 Irlandais émigrent chaque semaine…
    • en Grèce: suppression des manuels scolaires vu les économies & baisse des salaires jusqu’à 50%,…
    • en Grande-Bretagne: Minervals des unifs à 10.600€ & 300.000 fonctionnaires licenciés,..

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    Débat d’EGA et du PSL: Jeunes en lutte en Europe: Unifions la Résistance !

    Avec des participants aux luttes en Grèce et en Espagne : Donna Litzou, étudiante active en Grèce, Xekinima et Clara Aguila, jeune espagnole indignée de Barcelone, Socrev

    • Liège: Lundi 10 octobre, 19h, Fédération des Etudiants, 24 place du 20 Août à Liège (face à l’université)
    • Bruxelles: Mardi 11 octobre, 19h, à l’ULB, local h1309
    • Louvain: Jeudi 13 octobre, 20h, MTC 0012, Hogeschoolplein
    • Gand: Jeudi 13 octobre, 19h30, auditoire A. Blandijn à l’Ugent (les deux oratrices seront remplacées par des militants belges)
    • Namur: Vendredi 14 octobre, 19h, 23 rue de Bruxelles
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      Partout en Europe, les gouvernements ont distribué l’argent public pour préserver les énormes profits des banques et des multinationales et mènent une politique d’austérité qui approfondit la récession et qui accroit toujours plus le fossé entre riches et pauvres.

      Inspirée par les révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, la jeunesse du Sud de l’Europe est entrée en révolte contre les effets de la crise du capitalisme. En Grèce, les écoles et les universités sont occupées depuis la rentrée par les jeunes pour protester contre les coupes budgétaires dans l’enseignement. Les « indignados » en Espagne organisent une marche sur Bruxelles et appellent à une journée d’action internationale le 15 octobre. Le 15 octobre, une manifestation internationale est prévue à Bruxelles contre le sommet européen du 17-18 octobre.

      C’est à cette occasion que les politiciens belges présenteront en bons élèves leur budget 2012. Un budget d’austérité de 8 milliards € aux dépends des pensions, des soins de santé, de l’enseignement, de la sécurité sociale,… une diminution forte du niveau de vie.

      Les mouvements de masse des jeunes du sud de l’Europe – de cette génération perdue et confrontée aux emplois précaires qui ne permettent pas d’envisager l’avenir – effraient les capitalistes et leurs politiciens, qui craignent une riposte organisée par des millions de travailleurs en Europe contre leurs politiques antisociales. Participe à la journée d’action du 15 octobre. Celle-ci ne doit pas rester sans lendemain. Une grève générale européenne de 24h serait un pas en avant dans la construction d’une résistance de masse unifiée des jeunes et des travailleurs à l’échelle européenne.


      Pourquoi rejoindre Etudiants de Gauche Actifs – Secondaire & Supérieur ?

      EGA lutte contre le capitalisme, un système basé sur la course aux profits d’une petite élite. EGA est présent dans les écoles, les unifs et hautes écoles et fait partie d’une organisation de jeunes présente dans plus de 40 pays, ISR (International Socialist Résistance) . Ce qui nous permet de tirer les leçons des révolutions avec des jeunes tunisiens impliqués dans les événements ou d’apprendre de nos interventions dans les mouvements de masse en Grèce, en Espagne, en Israël.

      EGA lutte quotidiennement parmi la jeunesse pour construire un monde où la production et toute la société est démocratiquement gérée et contrôlée par les organes issus des luttes de masse des travailleurs et des jeunesmêmes – une démocratie réelle – afin de satisfaire les besoins et l’épanouissement de tous et non leur soif de profits, une société socialiste démocratique. Rejoins-nous !

  • New York : La répression de la Police ne suffit pas à stopper l’occupation

    Rapport et réflexions d’un participant

    Ce samedi 24 septembre, “l’occupation de Wall Street” est partie en manifestation, après huit journées où des jeunes, des travailleurs et divers militants ont commencé l’occupation d’une place dans le district financier de Manhattan, à deux blocs de Wall Street. Tout commença comme une manifestation normale. Les slogans habituels pouvaient être entendus: “Les banques sont renflouées, nous sommes plumés !”, “A qui sont ces rues ? Ce sont les nôtres !”, “A quoi ressemble la démocratie? Voici à quoi ça ressemble !”

    Par Jesse Lessinger, Socialist Alternative (CIO-USA)

    Le cortège, dès le début, était très énergique. Cette occupation avait reçu une attention nationale et internationale, et était vue comme une tentative de se soulever contre l’avarice et la domination des grandes banques sur notre économie, notre gouvernement et nos vies. L’inspiration pour cette occupation était directement issue des occupations de masse de la jeunesse en Espagne, en Grèce de même que des soulèvements révolutionnaires en Tunisie, en Egypte et à travers le Moyen Orient et l’Afrique du Nord.

    De nombreux participants à l’occupation de New York sont des militants de longue date, organisés depuis des années. Mais d’autres sont totalement nouveaux dans l’organisation de protestations et participant pour la première fois de leur vie à une lutte sociale. Alors que la plupart d’entre eux sont inexpérimentés, ils ont su faire preuve d’une détermination et d’un esprit combatif à toute épreuve. Tout comme les autres, ils chantaient : “Toute la journée et toute la semaine : occupation de Wall Street!”

    Alors que nous marchions, notre nombre grandissait graduellement et la manifestation commençait à bloquer le trafic. Etant donné que nous n’avions pas de route prédéterminée, ni permission officielle, la police a tenté de nous éjecter et a tenté en vain de contrôler la manifestation et de la repousser vers le côté.

    “A qui sont ces rues ? Ce sont les nôtres!”

    Contrairement à la plupart des manifestations à New York, nous n’avons pas été parqués comme des animaux, forces à marcher sur les trottoirs, isolés et marginalisés du reste de la ville. Les passants pouvaient nous voir, et certains nous ont d’ailleurs rejoints, surtout des jeunes. Nous étions alors plus de 1.000, marchant librement à travers les rues de Manhattan, nos voix portant loin, claires et décidées.

    J’ai déménagé à New York il y a de cela 4 ans, et j’ai participé à un nombre incalculable de manifestations et d’actions. Mais ce que je n’avais encore jamais vu, c’était une manifestation qui prenait place dans les rues elles-mêmes. Nous avons parcouru quelques kilomètres. Nous n’avions pas eu à subir de tir de gaz lacrymogènes et n’avons pas du affronter des motards de la police. Pour la première fois depuis bien longtemps, les gens étaient capables d’exercer leur droit de se rassembler librement dans les rues de New York, sans restriction d’aucune sorte.

    C’était une petite victoire pour les travailleurs et les jeunes de la ville, une victoire que la police et le gouvernement ne voulait pas voir perdurer. Cette occupation, qui durait alors depuis une semaine, n’était pas une simple nuisance. L’establishment est en fait très apeuré que ce genre d’initiative puisse se répandre et menace le bon “ordre” de la ville, un ordre où les riches deviennent plus riches et où le reste n’est qu’une masse de laissés pour compte, un ordre où la super-élite, le “top 1%,” dirige la société alors que les “99% restant” n’ont pas voix au chapitre. C’est pourquoi l’occupation de Wall Street avait pour slogan “Nous sommes les 99%!”.

    Après quelques brèves prises de parole, la manifestation s’est retournée pour rentrer “à la maison”, au campement baptisé Liberty Plaza (place de la liberté). La police avait amassé de plus grandes forces derrière nous. Dans un premier temps, il semblait qu’il n’avaient l’intention que d’entourer le cortège, de nous séparer en petits groupes et de disloquer ainsi l’action. Mais nous avons vite compris qu’ils voulaient arrêter le plus grand nombre de personnes possibles.

    La police deviant violente

    La police est alors devenue agressive, a violement repoussé les manifestants, se saisissant de certains pour les jeter à terre, et procédant à des arrestations. Nous avons couru, mais ils ont bloqué des dizaines de personnes à la fois entre eux et les bâtiments. J’ai pu ‘échapper et rejoindre les autres qui, de l’autre côté du cordon de police, criaient des slogans pour exiger la libération de leurs camarades.

    Nous étions pacifiques. Ils étaient violents. Nous ne faisions qu’exercer notre liberté d’expression et notre droit de nous rassembler. Ils ont brutalement violé ces droits. Un petit groupe de jeunes femmes, encerclées, avaient une attitude parfaitement pacifique, mais elles ont été les cibles de jets de sprays anti-émeute sans aucune raison. La vidéo de cet incident a fait le tour du monde. Environ cent personnes ont été arrêtées – dont des passants qui n’avaient rien à voir avec la protestation – détenues dans des bus et jetées en cellules durant des heures, pour n’être finalement relâchées que vers 5 heures le lendemain matin.

    La police n’avait qu’un seul objectif: intimider. Ce comportement scandaleux visait à briser l’esprit combatif de la jeunesse. La violence policière a peut-être bien pu réussir à refroidi certains face aux protestations, mais cela a aussi causé une indignation très large, ainsi qu’une grande solidarité. La majorité du mouvement est d’ailleurs restée poursuivre l’occupation.

    Cela illustre le rôle hypocrite de la police et de l’Etat. Ils ont brutalement réprimé une tentative de parler librement contre la domination des grandes entreprises. Alors que les vrais criminels se rendent librement à Wall Street, et amassent des milliards sur notre dos, exigeant que ce soit à nous de payer pour leur crise, ce régime oppresseur les protège, et abuse des lois s’il le peut, de la force aussi.

    La plupart d’entre nous sont donc revenus à la place occupée, exténués mais excités aussi, choqués mais en colère, et surtout déterminés. J’ai su plus tard qu’un de nos camarades avait été arrêté. Il a par la suite realisé cette vidéo de la manifestation, avec sa propre arrestation. Bien entendu, nous étions tous inquiets de la santé des personnes arrêtées.

    Extension de la lutte

    J’ai aussi commence à me demander où allait ce mouvement qui avait su saisir l’imagination de centaines de personnes et capter l’attention de milliers, peut-être même des dizaines de milliers, à travers le monde. Les discussions sont constantes quant à la meilleure manière d’étendre le mouvement. Nombreux sont ceux parmi les nouveaux arrivants, électrisés par l’énergie et le fort sens de la collectivité présents à l’occupation, qui demandent : “Pourquoi n’y a-t-il pas plus de monde ici?”

    Il n’y a pas de réponse simple, mais nous pouvons être sûrs d’une chose. Des milliers de personnes regardent ce mouvement avec sympathie, nombreux sont ceux qui veulent rejoindre, mais qui ne le peuvent pas. Ils ont un travail ou une famille. Ils ne peuvent pas se permettre d’occuper la place indéfiniment. Ils ne sont pas capables, ou peut-être pas encore prêts, à faire de grands sacrifices. Mais ils veulent soutenir l’action. La question n’est pas simplement de savoir comment obtenir plus de monde à l’occupation, mais comment nous pouvons être plus impliqués dans le mouvement général.

    Avec l’attention dont bénéficie cette occupation et l’armée de militants à temps plein qui existe, Liberty Plaza peut devenir un point de rassemblement pour organiser des luttes plus larges. Une prochaine étape pourrait être d’appeler à une nouvelle manifestation de masse un samedi, avec quelques revendications de base comme: ‘‘Faites payer Wall Street pour la crise; Taxez les super-riches; des emplois, pas d’austérité; Enseignement et soins de santé, pas de guerre et de renflouement des banques; Non à la brutalité policière, défendons nos droits démocratiques.’’ De cette façon, des milliers de personnes pourraient participer aider à développer le mouvement. L’occupation de Wall Street devrait publiquement appeler toutes les organisations progressistes, particulièrement les syndicats, à participer à ces manifestations de masse et à mobiliser pour elles.

    Des occupations se développent également aux autres villes, comme à Washington, D.C. pour le 6 octobre (www.october2011.org). Quelque chose est en train de changer dans ce pays. Les travailleurs et les jeunes se politisent et se radicalisent. La colère est profonde et s’amplifie de jour en jour dans la société américaine, juste sous la surface. Elle ne pourra pas être contenue éternellement. Elle explosera.

    L’occupation de Wall Street reflète la colère et la radicalisation de la société. Du Wisconsin à New York, nous faisons l’expérience du tremblement de terre social qui se développe à travers la planète en réaction aux tensions nées de la crise économique. L’épicentre de cette vague de protestations de masse est peut-être bien dans la région de l’Europe, du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord, mais il ne faudra pas longtemps avant que les USA ne soient profondément affectés.

  • Extrême-droite. Des idées nauséabondes sur base d’ une société pourrie

    La période dans laquelle nous nous trouvons est politiquement et économiquement instable. La crise que l’on traverse, bien qu’elle maintienne le niveau de vie des patrons intact, dégrade franchement celui des travailleurs et des jeunes. Le dégoût envers les partis traditionnels et leurs politiques néolibérales ne fait que grandir.

    Par Ben (Charleroi)

    On voit des peuples entiers lutter collectivement et massivement pour défendre leurs droits : en Grèce, en Italie, au Portugal en Espagne, au Chili, en Israël,… Sans parler des luttes contre les dictatures en Afrique du Nord et au Moyen Orient. Mais l’absence de luttes collectives ou d’une organisation de travailleurs et de jeunes proposant une politique de gauche véritable peut mener au dégoût, à la division et faire le lit de l’extrême-droite. En France, Marine Le Pen risque de faire un gros score électoral lors des prochaines présidentielle de 2012. Un succès électoral du Front National français aurait comme conséquence un renforcement du discours de l’extrême-droite, divisant les travailleurs et les jeunes au lieu de les unir dans la lutte contre le capitalisme et la crise. Les militants néofascistes ou certains individus isolés prendraient encore plus confiance dans leurs idées nauséabondes, les poussant parfois à la violence. Les 77 morts et 96 blessés graves des attentats d’Oslo le rappellent tristement.

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    Ils sont fous ces nazis ! Mais aussi dangereux…

    Le 12 septembre, les néonazis de BBET (‘‘Bloed, Bodem, Eer en Trouw’’, soit ‘‘sang, sol, honneur, fidélité’’) sont passés devant le tribunal de Termonde. Dix-sept de ces crânes rasés doivent se défendre d’avoir fait partie d’un groupe armé.

    En trois ans d’existence, ce groupuscule a écrit (sans grande subtilité) à de nombreuses reprises contre le PSL. Sur son site, BBET affirmait que le PSL était ‘‘rien de plus et rien de moins qu’une opération de la sûreté d’Etat contre les véritables opposants au système’’ ou encore que ‘‘le PSL est formellement un parti qui lutte pour les pauvres de toutes races, mais en réalité, c’est un mouvement qui ne s’occupe que d’objectifs sionistes et de juifs’’.

    Ils ont aussi commencé un de leur meeting en 2004 (perturbé par l’activité de notre campagne antifasciste flamande Blokbuster) avec ‘‘quelques piques à l’adresse des judéo-bolcheviques comme Geert Cool (porte-parole de Blokbuster, NDLR) et Manuel Abramowitz (responsable du site resistances.be, NDLR), les dobermans de la ploutocratie qui veulent troubler les débats non-conventionnels en faisant appel à leurs employeurs de la police, de la sûreté d’Etat, de la presse du système et des partis du système’’.

    Mais le fait que ces énergumènes aient possédé des armes les rend tout de suite moins drôles, certainement après le massacre de Norvège. Ne laissons pas de pareils malades avoir suffisamment de confiance en eux pour passer à l’offensive et poursuivons la lutte contre l’extrême-droite !

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    En Belgique, il y a quelques mois, le Voorpost (milice du Vlaams Belang) a annoncé qu’il voulait marcher sur les villes ‘‘volées’’ à la Flandre comme Enghien, Soignies, Braine-le-Comte, Mouscron et Tournai. Cinq bus ont donc amené 200 militants du Voorpost à Enghien, où ils ont marché sur la place en entonnant des chants anti-wallons. Il est clair que les tensions communautaires leur permettent de se construire.

    Du côté francophone, on pense souvent – à tort – être à l’abri de ce genre de groupe. Beaucoup pensent que des partis comme le Vlaams Belang, des groupes comme Blood & Honor et Combat 18, ou encore des individus isolés influencés par des idées d’extrême-droite ne peuvent que rester marginaux. Pourtant, bien qu’encore relativement faible, le danger d’un développement de l’extrême-droite est bien réel et va aller en s’aggravant au fur et à mesure que la crise ainsi que les politiques d’austérité s’approfondiront.

    Bien que groupusculaire et divisée, l’extrême-droite a obtenu des scores électoraux relativement importants aux dernières élections communales, et des élus. Nous pourrions également voir des scores importants pour l’extrême-droite lors des prochaines élections communales de 2012. Le rapprochement entre le groupuscule néofasciste Nation et le Front National réunifié montre qu’ils ont compris le potentiel que la période de crise ouvre à leurs discours populistes.

    Modrikamen l’a fort bien compris également, comme le révèle les déclarations qu’il a dernièrement faites dans L’Echo du 13 juillet. Celui que certains appelle le ‘‘petit Degrelle’’ a avoué son attirance pour Marine Le Pen, il explique qu’ ‘‘Un mouvement de retour vers les aspirations du peuple grandit en Europe, avec Wilders, avec Marine Le Pen. Elle est en train de transformer le Front National en un parti de gouvernement. Ce n’est plus une extrême-droite, critiquable, mais une droite qui s’assume avec un côté populaire. Notre parti s’inscrit dans ce mouvement. Il va décoller.’’ Le site Résistances.be va jusqu’à penser qu’il pourrait devenir le pendant belge officiel du Front National français, ce qui pourrait peut-être propulser le populiste Parti Populaire de Modrikamen. Mais il est encore un peu tôt pour le dire.

    Des troupes de choc existent également, on connaissait déjà les actions violentes du groupe Nation déjà cité mais, récemment, une section wallonne de Blood & Honor a été créée. Le noyau dur se composerait d’une dizaine de personnes, basées pour la plupart autour de Charleroi. Ils fréquenteraient les manifestations du mouvement Nation et du Front National réunifié. Ce groupe se réclame ouvertement de l’idéologie National-socialiste et veut former des soldats politiques afin de mener une guerre raciale pour ‘‘sauver la race blanche’’. Son emblème est celui de la division SS Wallonie, qui avait participé à la croisade antibolchévique de Léon Degrelle sur le front de l’Est durant la seconde guerre mondiale. Ce 1er octobre, ils ont l’intention d’organiser un concert de groupes skinheads allemands, français et britanniques, avec l’appui des sections flamandes et allemandes du mouvement.

    Nous devons donc nous organiser et construire un mouvement antifasciste, doté d’un programme socialiste, qui puisse répondre aux défis qui nous attendent dans la prochaine période.

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