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Hong-Kong : 15 ans après le retour à la Chine, la démocratie est toujours absente et les inégalités sont plus grandes que jamais.
Ce premier juillet, alors que Hong-Kong fêtait le 15e anniversaire de son retour à la Chine, une manifestation antigouvernementale massive a eu lieu. L’an dernier, plus de 200.000 personnes avaient participé à cet évènement devenu annuel depuis 2003. Cela suffit à démontrer les vives tensions qui existent dans les relations entre le gouvernement central de Pékin et la région administrative spéciale de Hong Kong, depuis que celle-ci a été rétrocédée par les Britanniques en 1997.
chinaworker.info
La manifestation « 7.1 » (pour le premier juillet) organisée cette année était un baptême du feu pour le nouveau chef exécutif (à la tête du gouvernement), Leung Chun-ying, alors qu’il entrait au pouvoir. Leung, que l’on surnomme CY, est un politicien capitaliste avec des tendances clairement autoritaires. Il est aussi soupçonné d’être membre du parti ‘‘communiste’’ au pouvoir (PCC). Comme beaucoup d’autres membres de l’élite, Leung nie ces allégations en bloc. Même si le PCC détient les rênes du pouvoir, officiellement, il n’existe pas à Hong-Kong, et préfère opérer dans l’ombre.
Le PCC est fortement impopulaire, surtout parmi les jeunes. En tant que parti officiel, s’il n’avait pas le monopole politique qu’il exerce en Chine continentale, le PCC serait inévitablement miné par des dénonciations populaires plus fréquentes, des sondages d’opinions défavorables et des pertes majeures au niveau électoral. Cela remettrait fortement la légitimité du parti en question, et pas seulement à Hong-Kong.
La commentatrice et auteure libérale, Christine Loh décrit le système hongkongais assez poliment en le qualifiant de ‘‘capitalisme antidémocratique’’. Même si cette zone du territoire jouit d’un certain degré d’autonomie, le peuple ne peut pas élire de gouvernement car celui-ci est désigné d’office par la dictature du PCC, en consultation avec les milliardaires d’Hong-Kong, les Tycoons. Le PCC a conservé le système gouvernemental antidémocratique hérité des Britanniques, et n’y a apporté que très peu de modifications.
Les vagues de manifestations successives et les revendications pour ‘‘une personne, une voix’’ qui ont été scandées par les masses ont été accueillies par le gouvernement central et ses représentants locaux par des tactiques de retardement, des pseudos ‘‘réformes’’ et d’autres manœuvres de ce type. Les Tycoons capitalistes et le conglomérat qui contrôle l’économie ne cachent pas leur opposition face à une transition démocratique plus rapide. Ils avancent que cela conduirait à un Etat-Providence et que cela minerait fortement leur compétitivité (c’est-à-dire leurs profits). La faible cadence des changements démocratiques est l’une des causes principales de ce sentiment antigouvernemental. D’autres facteurs tels que la crise immobilière, l’extrême disparité des richesses, le copinage entre les hommes d’affaires et les hommes d’Etat, etc. ont poussé le mécontentement au sein de la population à un point de non-retour.
Malgré le caractère antidémocratique de son système, Hong-Kong est souvent considéré comme ‘‘l’économie la plus libre du monde’’ par les think tanks libéraux. La Fondation Heritage (l’un des plus importants think tank conservateur américain lié au Wall Street Journal) place régulièrement Hong-Kong au sommet de ses listes des ‘‘économies les plus libres’’. Si on veut établir une comparaison, dans les listes récentes, la Grande-Bretagne est arrivée 14ième et l’Allemagne 26ième.
Extrême disparité des richesses
Néanmoins, selon les Nations Unies, Hong-Kong détient le record de la disparité des richesses de toutes les économies développées. De nombreuses études observent que cette région détient aussi celui des ‘‘logements les moins abordables au monde’’. Les prix des logements ont augmenté de 82% depuis la fin de l’année 2008. Ces prix ont été fortement propulsés par le dollar américain bon marché et les taux d’intérêts américains extrêmement bas (par lequel Hong-Kong est lié à travers un ancrage de la devise) et un afflux du capital en provenance de la Chine continentale en quête de gains spéculatifs et d’un moyen de contourner les contrôles du capital exercés par Pékin. Les continentaux représentent plus d’un tiers des contrats de propriété immobilière depuis 2008.
Hong Kong accueille plus de millionnaires que n’importe quelle autre ville de cette taille, mais ne dépense qu’une fraction de ce que les autres économies allouent à leurs services sociaux, leurs systèmes d’éducation et leurs pensions. On estime qu’environ 300.000 personnes (des femmes pour la majorité) ramassent les poubelles dans la rue chaque jour afin de gagner un peu d’argent grâce au recyclage. Et depuis que le pays a récupéré Hong Kong, la disparité en Chine a encore augmenté. La proportion de la population vivant sous le seuil de pauvreté a augmenté de 14,8% en 1995 pour atteindre 18% aujourd’hui. Alors que le PIB a augmenté de 30% ces dernières années, le salaire moyen mensuel a stagné, variant de 10000$HK en 2011 à 11000$HK aujourd’hui, partiellement à cause de la réduction du salaire minimum de l’année dernière.
L’empire des Tycoons
A Hong Kong, le terme ‘‘propriété hégémonique’’ est largement répandu. Il décrit la manière dont certaines dynasties de Tycoons contrôlent la majeure partie de l’économie. Ils détiennent des empires d’entreprises composés de propriétés immobilières, de compagnies de construction, d’hôtels, de services de transport, de télécommunications, de magasins et de banques. Quatre familles de Tycoons à elles seules (menée respectivement par Li Ka-shing, les frères Kwok, Lee Shau-Kee et Cheng Yu-tung) contrôlent une bonne moitié de l’économie. De plus, ils ont été capables de se renforcer grâce aux liens étroits qu’ils entretiennent avec le PCC depuis la passation de pouvoir.
Li Ka-shing est l’homme le plus riche d’Asie. Il détient des compagnies dans plus de 50 pays, comme par exemple, les compagnies des eaux et de l’électricité de Grande Bretagne, d’Australie et du Canada. On dit souvent que sur chaque dollar dépensé à Hong Kong, 5 centimes tombent directement dans la poche de Li Ka-shing. Les avoirs étrangers nets de Hong Kong (les compagnies privées, de sécurité, les actions, etc.) sont les plus élevés au monde avec un taux de 288% du PIB, dépassant la Suisse à qui revient la seconde place, avec 157% du PIB. On voit bien que les Tycoons de Hong Kong ont été capables d’élargir leur champs d’influence bien au-delà des frontières, et ce, surtout grâce à des transactions foncières avec la Chine continentale.
Alliance avec les Tycoons
Le PCC a tissé des liens étroits avec les Tycoon hongkongais depuis le début des années ’80, lorsque les négociations ont commencé avec les Britanniques, par rapport à l’avenir du territoire. Le PCC a adopté la doctrine ‘‘utilisons les affaires afin de diriger la politique’’, une tactique qui a été remise au goût du jour à Taiwan récemment, lorsqu’une alliance a été formée avec les grands capitalistes Taïwanais. Sur les 20 plus grandes compagnies d’exportation chinoises, 10 appartiennent à Taiwan.
Dans le cas d’Hong Kong, les Tycoons et les libéraux sont désormais les acteurs principaux de l’économie continentale. Les prêts consentis au secteur privé de la Chine continentale par les banques kongkongaise valent 200% de son PIB, c’est-à-dire 280 milliards de dollars. Ce phénomène s’observe surtout depuis la passation de pouvoir en 1997, l’économie de Hong Kong s’est construite sur le ‘‘blanchiment d’argent’’ pour faciliter les mouvements des capitaux depuis la Chine continentale et éviter ainsi les contrôles du gouvernement. La plus grosse partie de cet argent est ensuite ré-envoyé vers la Chine en tant ‘‘qu’investissement étranger’’, jouissant alors de l’évasion fiscale, de territoires bon marchés (voire gratuits) et de biens d’autres avantages. Entre 1978 et 2010, Hong Kong représentait la moitié des investissements directs à l’étranger (IDE) totaux en Chine.
En 1985, afin de préparer la passation de pouvoir, Pékin a mis sur pied un Comité d’élaboration de lois (the Basic Law Drafting Committee -BLDC) afin de rédiger une ‘‘constitution’’ pour Hong Kong. Ce comité était composé de 23 membres hongkongais sur un total de 59 membres. Et sur les 23 membres choisis, 12 étaient des Tycoons. Le Tycoon Pao Yue Kong, fondateur d’une entreprise maritime mondiale, et David KP Li, président de la banque d’Asie de l’est, sont tous deux devenus vice-présidents de la BLDC. Ce qui montre, selon Christine Lo, ‘‘l’ambition de la part de Pékin de former une alliance avec les capitalistes’’. La constitution qui en a découlé, ‘‘la législation de base’’ impose le capitalisme comme ‘‘unique système pouvant être exercé à Hong Kong, et ce jusqu’à 2047’’ (soit 50 ans après la passation de pouvoir). Elle rend même hors-la-loi tout déficit budgétaire afin de lui servir de bouclier contre ‘‘l’assistanat’’.
Même si le BLDC n’existe plus, les Tycoon sont toujours surreprésentés parmi les représentants hongkongais sélectionnés pour participer aux institutions quasi-gouvernementales chinoises, comme par exemple, le Congrès National Populaire (NPC) ou encore la Conférence Consultative Politique Populaire Chinoise (CPPCC). Ce processus d’intégration des grands capitalistes avec le régime en place du PCC a commencé à Hong Kong mais s’est répandu par la suite ; il atteint même le continent aujourd’hui.
Pendant toute cette période, Pékin a travaillé de concert avec la classe des capitalistes de Hong Kong afin de mettre un frein au suffrage universel et aux revendications pour le droit à la sécurité sociale. Dans ses mémoires, l’ancien responsable de la branche hongkongaise de l’agence Xinhua (précurseur du bureau de liaison du gouvernement central) Xu Jiatun confesse ‘‘certains capitalistes et certains membres des hautes strates de la société pensaient qu’ils pouvaient compter sur la Chine afin de résister aux tendances démocratiques de Hong Kong.’’ Xu exprimait ainsi ses peurs de voir ‘‘un vote pour une personne’’ se mettre sur pied, ce qui ‘‘ferait perdre le contrôle de Hong Kong à Pékin.’’ (Propos recueillis dans le livre de Christine Loh, Underground Front, HK University Press, 2010.)
L’Article 23
En utilisant son alliance avec les Tycoons, le PCC a aussi été capable de museler la ‘‘presse libre’’ hongkongaise. La plupart des médias Tycoons ont des intérêts financiers sur le continent et des positions clés au sein du corps gouvernemental de continent. Les patrons qui contrôlent le câble télévision : le groupe Sing Tao (Charles Ho), le groupe Oriental Press (Ma Ching Kwan) ainsi que Wheelock (Peter Woo) sont tous membres du PCC. C’est aussi le cas de Victor Li, le fils de Li Ka-shing dont l’empire financier détient la société de diffusion du Metro. En 2003, lorsqu’un demi-million de personnes se sont mobilisées afin de combattre la proposition de loi sécuritaire sur la répression, l’Article 23, les Tycoons tels que Li Ka-shing, Stanley Ho et Gordon Wu l’ont publiquement soutenue. L’article 23 limiterait le droit de rassemblement, de libre expression, et d’autres droits démocratiques comme les ‘‘liens avec des organisations étrangères’’ telles que le Comité pour une Internationale Ouvrière.
La manifestation monstre du “7.1” qui s’est déroulée en 2003, a établi une nouvelle tradition, constituée de manifestations de masse pour la démocratie chaque année le même jour. Cette année, alors que CY prend le pouvoir, l’Article 23 est remis sur la table. Son gouvernement, avec le soutien de Pékin, va sans aucun doute tenter de faire passer une nouvelle proposition de loi, et il s’attirera le soutien de certains ‘‘libéraux démocrates’’ en échange de petites concessions ou même peut-être contre des sièges dans un gouvernement de ‘‘coalition’’. Ces politiciens pro-capitalistes ont montré à de nombreuses reprises que leur soutien à la démocratie se limite à des mots.
Mais à la base de la société, une opposition massive se forme contre de nouvelles législations répressives et la frustration monte face aux promesses éternellement brisées concernant le suffrage universel.
La disparité grandissante de richesses entre les détenteurs du pouvoir et le peuple conduiront à des explosions sociales, avec des répercussions sans précédents en Chine continentale et dans la région. Mais l’histoire du long chemin parcouru par Hong Kong depuis la domination coloniale jusqu’à leur fragile ‘‘autonomie’’ illustre que la lutte pour une démocratie véritable est inséparable de la lutte contre le capitalisme et pour l’instauration d’une société socialiste démocratique.
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En Bref…
Cette rubrique est destinée à mettre en avant différents faits, citations, vidéos ou petites nouvelles particulièrement frappantes.
8.890 chômeurs privés d’allocations en 6 mois
Au cours des 6 premiers mois de l’année, pas moins de 5.224 chômeurs ont été sanctionnés en Wallonie, et 2.196 en Flandre en les privant temporairement ou définitivement de leur allocation de chômage. C’est un quart de plus que l’an dernier. L’Onem avertit de suite que la différence s’explique par le fait que les chômeurs sont plus contrôlés, et plus facilement sanctionnés. La chasse aux chômeurs fonctionne donc très bien… A quand une diminution du temps de travail avec embauches compensatoires et sans perte de salaire, histoire de s’en prendre au chômage et pas aux chômeurs ?
Plus d’un postier malade est licencié chaque jour
Plus d’un postier est licencié chaque jour pour cause de maladie! Point commun: toutes les victimes de ces licenciements sont contractuelles et ne sont donc pas protégées comme les statutaires, dénonce la CSC Transcom. André Blaise, responsable général du secteur poste à la CSC Transcom affirme : “En 2010, nous en avons compté un peu plus de 400. Et pour 2011, on est encore bien partis.” Sur 30.000 employés, bpost compte 20.000 statutaires et 10.000 contractuels, ce qui n’est pas légal.
Le Trou noir
L’hebdomadaire britannique The Economist, considéré comme une référence mondiale, prévient des risques d’un trou noir dans son édition de cette semaine. ‘Be Afraid’ (‘prenez peur’) titre le magasine en première page, car l’économie mondiale se dirige droit vers un gigantesque Trou noir. Le magazine développe ses arguments en ce sens : les dirigeants européens ne parviennent pas à sauver l’euro, aucun indicateur économique n’est positif quant à une reprise, les économies émergentes commencent à s’essouffler, les nouvelles des Etats-Unis ne sont pas bonnes,… The Economist affirme que les politiciens ont tort de se concentrer sur des économies à court terme, mais aussi qu’il manque de politiciens honnêtes. ‘‘En Allemagne, où le chômage est inférieur à celui de 2008, les électeurs croient que les Grecs et les Italiens sont paresseux et constituent le problème. Merkel doit encore expliquer à ses électeurs que les banques allemandes font partie du problème et que l’électeur a le choix entre une solution coûteuse et l’effondrement de ses banques.’’
10 ans après le 11 septembre. Le nombre d’attaque continue d’augmenter au Pakistan
Attentats-suicides, bombes et attaques contre la population, voilà dix ans qu’il s’agit d’une réalité quotidienne au Pakistan. Alors que différente régions du pays étaient encore dans les années 1970 un paradis pour les hippies et les touristes, c’est maintenant la peur et la violence qui domine. Les touristes ont disparu depuis bien longtemps. Depuis le 9 septembre 2011, le Pakistan a changé et est devenu le centre international des attentats suicides. Depuis le 09/11, on a compté une moyenne de 480 décès et de 1014 blessés chaque année. Dans les années ’90, le Pakistan n’avait connu qu’un attentat-suicide, une attaque contre l’ambassade égyptienne à Islamabad en 1995.
Le top-trois des attentats-suicides s’établit pour l’instant comme suit:
- Irak : plus de 12.000 morts et de 30.000 blessés depuis le début de la guerre en 2003.
- Pakistan : 303 attentats-suicides ayant causé 4.808 morts et 10.149 blessés
- Afghanistan: 736 attentats-suicides au total, ayant causé 3.755 morts
Si l’Irak connaît une diminution du nombre d’attentats, c’est l’inverse au Pakistan. En 2003, il y a eu 70 morts dans ce pays, pour 766 en 2007 et 1.172 en 2010. Pour cette année, nous en sommes à 601 décès pour les 9 premiers mois.
La crise augmente le nombre de suicides
Le site Express.be a écrit cette semaine: " Les suicides ont augmenté de 40% en Grèce sur les cinq premiers mois de cette année, par rapport à la même période de l’année dernière, écrit le Wall Street Journal. Ils ont doublé depuis le début de la crise, et atteignent désormais 6 pour 100.000. Et selon les responsables de la santé mentale en Grèce, les statistiques sous-estiment la réalité, parce que le suicide est particulièrement tabou chez les Grecs. L’Eglise orthodoxe interdit les rites religieux en cas de suicide, sauf si la personne décédée était malade mentale. Les familles masquent donc les suicides en accidents. Ailleurs, en Europe, le nombre de cas de suicides a aussi progressé depuis le début de la crise financière, selon une étude récente menée par la revue britannique The Lancet. Le nombre de suicides a particulièrement augmenté entre 2007 et 2009, et notamment dans les pays les plus durement touchés. En Grèce, le nombre de suicides de personnes de moins de 65 ans a augmenté de 17% en 2008 par rapport à 2007, et en Irlande, il a progressé de 13%."
‘‘L’économie s’effondre’’
La BBC a publié une interview très révélatrice d’un trader, maintenant critiqué de toutes parts aux vu de ses déclarations, un peu trop directes et honnêtes pour la bourgeoisie. Selon lui, la zone euro va tout simplement se crasher et il explique que le monde est gouverné par "Goldman Sachs".
Vidéo de la ‘‘Marche des salopes’’ de dimanche dernier
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Libye: Non à l’intervention militaire occidentale !
Victoire à la révolution libyenne! Construisons un mouvement indépendant des travailleurs et des jeunes!
Même si elle a été fêtée avec joie dans les rues de Tobruk et de Benghazi, la décision du Conseil de sécurité de l’ONU de décréter une ”no fly zone”, une zone d’exclusion aérienne, n’a pas été prise dans le but de défendre la révolution libyenne. Les révolutionnaires libyens peuvent penser que cette décision va les aider, mais ils se trompent. Des calculs économiques et politiques se trouvent derrière les décisions des puissances impérialistes, il ne s’agit pas de sauver la révolution contre Kadhafi. Les majeures puissances impérialistes ont décidé d’exploiter la révolution et de tenter de remplacer Kadhafi par un régime plus fiable. L’annonce par le ministre libyen des affaires étrangères d’un cessez-le-feu immédiat a toutefois compliqué la position de l’impérialisme.
Robert Bechert, CIO
Confrontés à une avance rapide des troupes de Kadhafi, nombreux sont ceux à l’Est du pays qui ont considéré que l’idée d’une ”no-fly-zone” serait de nature à les aider, mais ce n’est pas là le chemin pour défendre et étendre la révolution. Malheureusement, le mouvement initial de la révolution vers l’Ouest, où habitent les deux tiers de la population, n’était pas basé sur un mouvement construit sur base de comité populaire et démocratiques capables d’offrir un programme clair afin de gagner le soutien des masses et des soldats du rang, tout en menant une guerre révolutionnaire. Cela a donné à Kadhafi l’opportunité de regrouper ses troupes.
Le soutien croissant pour une ”no-fly-zone” est une inversion du sentiment exprimé sur des affiches en anglais à Benghazi, en février dernier: “No To Foreign Intervention – Libyans Can Do It By Themselves” (”Non à une intervention étrangère, les Libyens peuvent le faire par eux-mêmes”). Cela suivait les merveilleux exemples de Tunisie et d’Égypte, où l’action de masse a totalement miné les régimes totalitaires. Les masses libyennes étaient confiantes que leur élan finirait en victoire. Mais Kadhafi a été capable de maintenir sa poigne sur Tripoli. Cette relative stabilisation du régime et sa contre-offensive ont conduit à un changement dans l’attitude vis-à-vis d’une intervention étrangère, ce qui a permis à la direction largement pro-occidentale du Conseil National Libyen rebelle de passer au-dessus de l’opposition des jeunes à une demande d’aide à l’Ouest.
Cependant, malgré les déclarations du régime de Kadhafi, il n’est pas certain que ses forces relativement petites auraient été capables de lancer un assaut contre Benghazi, la seconde plus grande ville de Libye, avec environ un million de personnes y vivant. Une défense de masse de la ville aurait pu bloquer l’attaque des forces restreintes de Kadhafi. Maintenant, si le cessez-le-feu se maintien et que Kadhafi reste au pouvoir à Tripoli, une scission de fait du pays pourrait se produire, pour retourner à quelque chose de semblable aux entités séparées qui avaient existé avant que l’Italie ne crée la Libye après 1912 et qui a été restauré par la Grande-Bretagne à la fin des années ’40.
Quel que soit l’effet immédiat de la ”no fly zone”, toute confiance placée dans l’ONU ou dans les puissances impérialistes menace de miner les véritables aspirations de la révolution qui a commencé le mois dernier. Les puissances qui ont menacé d’actions militaires ne sont pas amies des masses libyennes. Jusqu’à récemment, ces mêmes puissances étaient plutôt heureuses de faire affaire et de flatter la clique de meurtriers de Kadhafi afin de maintenir un partenariat, très certainement concernant les industries du gaz et du pétrole libyennes. Le jour suivant la décision de l’ONU, le Wall Street Journal (qui appartient à l’empire Murdoch) s’est lamenté que “le partenariat étroit entre les services secrets du dirigeant libyen le Colonnel Muammar Kadhafi et la CIA a été détruit” (18 mars 2011). Le journal disait encore: “selon un fonctionnaire américain âgé” ce ”partenariat” était ”particulièrement productif”.
Maintenant, après avoir perdu d’anciens dictateurs alliés, Moubarak en Égypte et Ben Ali en Tunisie, l’impérialisme essaye de tirer profit du soulèvement populaire en Libye à la fois pour redorer son image “démocratique” et pour aider à installer un régime plus “fiable”, au moins dans une région du pays. Tout comme avant, la région d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, en raison de sa situation stratégique et de ses réserves de pétrole, est d’une importance majeure pour les puissances impérialistes.
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Cherchez l’opposant le plus sincère au dictateur libyen…
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Cela révèle l’absolue hypocrisie des principales puissances impérialistes, qui ont soutenu des régimes dictatoriaux et répressifs à travers tout le Moyen-Orient depuis des décennies. Au même moment qu’ils décidaient d’une No-Fly-Zone, ces puissances impérialistes n’ont absolument rien fait contre l’Arabie Saoudite et ses alliés et leur répression de la population du Bahreïn. Dans les 12 heures qui ont suivi la décision de l’ONU, les forces armées d’un autre allié régional, le Yemen, ont tués au moins 39 manifestants dans la capitale, Sanaa. L’ONU n’a été capable de prendre sa décision en Libye à cause du soutien de la Ligue Arabe pour une ”no-fly-zone”, mais ces régimes réactionnaires ne disent rien, bien entendu, à propos de la répression au Bahreïn, au Yémen ou dans un autre pays arabe.
Les considérations de Cameron et de Sarkozy pour la Libye sont en partie motivées par leur impopularité dans leur propre pays, avec l’espoir qu’un succès à l’étranger pourraient renforcer leur position. Cameron espère très clairement jouir d’un effet similaire à celui dont a bénéficié Thatcher après sa victoire en 1983 au cours de la Guerre des Malouines (Falklands). Mais Thatcher a pu compter sur une victoire militaire rapide – une opération ”no-fly-zone” ne conduira pas à une même victoire militaire. Sarkozy, après le désastre de sa politique tunisienne qui a entraîné la chute de son ministre des affaires étrangères, a besoin d’un succès pour contrecarrer les sondages actuels, les élections présidentielles de 2012 arrivant à grands pas.
Les zig-zags de Kadhafi
En dépit des récents rapprochements entre les puissances impérialistes et Kadhafi, ce tyran est resté un allié incertain. Au cours de ses 42 années au pouvoir, la politique de Kadhafi est faite de zig-zags, parfois violents. En 1971, il a aidé le dictateur soudanais, Nimeiry, à écraser un coup d’État de gauche qui avait pris place en réaction à l’interdiction de la gauche, y compris du parti communiste soudanais, qui avait un million de membres. Six ans plus tard, Kadhafi a proclamé une "révolution du peuple" et a changé le nom officiel du pays de ”République Arabe Libyenne” en ”Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire socialiste”. Malgré le changement de nom et la création de soi-disant “comités révolutionnaires”, il ne s’agissait pas d’un véritable socialisme démocratique où d’un mouvement en cette direction. Les travailleurs et les jeunes de Libye n’ont pas dirigé leur pays. Kadhafi est resté au pouvoir. Cela est d’ailleurs souligné par le rôle incroyablement proéminent que jouent nombre de ses enfants dans le régime.
Depuis 1969 toutefois, sur base des revenus du pétrole et d’une petite population, de grandes améliorations ont eu lieu, particulièrement au niveau de l’enseignement et des soins de santé, ce qui explique pourquoi Kadhafi peut encore jouir d’une certaine base parmi la population. Même si l’opposition est grandissante contre la clique de kadhafi, spécialement parmi les jeunes et la population qui a reçu une instruction, la peur existe face à l’avenir, face à qui pourra le remplacer, de même qu’existe une grande opposition à tout ce qui sent le pouvoir de l’étranger. L’utilisation répandue du vieux drapeaux monarchiste a aliéné ceux qui ne veulent pas d’un retour à l’ancien régime, et Kadhafi a utilisé cela pour justifier ses actes. Porter le vieux drapeaux peut encore être contre-productif pour les Libyens de l’Ouest, parce que l’ancien roi provient de l’Est.
Mais ces facteurs ne constituent pas une explication complète pour comprendre pourquoi Kadhafi est capable, au moins temporairement, de stabiliser sa position. Alors qu’il y a un soulèvement populaire dans l’Est du pays, Kadhafi a été capable de maintenir sa position à l’Ouest, malgré les protestations à Tripoli et les soulèvements à Misrata, Zuwarah et dans quelques autres endroits.
Le rôle de la classe ouvrière
Contrairement à l’Égypte et à la Tunisie, la classe ouvrière n’a pas joué un rôle indépendant dans la révolution. De plus, de nombreux travailleurs en Libye sont des immigrés qui ont quitté le pays ces dernières semaines.
L’absence d’un élément tel que le syndicat tunisien UGTT (malgré le fait que sa direction nationale est pro-Ben Ali), a compliqué la situation en Libye. Le grand enthousiasme révolutionnaire de la population n’a pas encore eu d’expression organisée. Le ”Conseil National” qui a émergé à Benghazi, très largement un conseil autoproclamé, est une combinaison d’éléments du vieux régime et d’éléments pro-impérialistes. Par exemple, le porte-parole du Conseil, Mahmoud Jibril, l’ancienne tête dirigeante du Bureau national de développement économique de Kadhafi, est décrit par l’ambassadeur américain comme un “interlocuteur sérieux qui a compris la perspective américaine”.
Il est facile pour Kadhafi de présenter ces gens comme une menace pour le niveau de vie des Libyens et comme des agents des puissances étrangères. Cette propagande n’a cependant qu’un effet limité, le niveau de vie de la population étant en train de diminuer, au contraire du chômage (de 10% actuellement), depuis la fin du boom du pétrole dans les années ’80 et depuis le début des privatisations en 2003.
Kadhafi utilise la menace de l’intervention impérialiste pour récupérer du soutien dans le pays, et cela peut avoir un plus grand effet en cas de partition du pays. Combien de temps cela pourra marcher est une autre question. En plus de sa rhétorique anti-impérialiste, Kadhafi a fait des concessions. Chaque famille a reçu l’équivalent de 450 dollars. Certains travailleurs des services publics ont eu 150% d’augmentation de salaire et des taxes sur la nourriture ont été abolies. Mais cela ne répond pas aux revendications de liberté et à la frustration grandissante de la jeunesse libyenne (la moyenne d’âge est de 24 ans dans le pays) contre la corruption du régime.
A travers le monde, des millions de personnes suivent les révolutions dans la région et sont inspirées par elles. Ces évènements ont inspiré des protestations contre les effets de la crise capitaliste dans plusieurs pays. Certains de ceux qui accueillent les événements révolutionnaires de la région peuvent soutenir la ”no-fly-zone”, mais nous affirmons que cela se fait en premier lieu pour défendre les intérêts des puissances impérialistes, ces mêmes puissances qui ne font rien contre la répression dans le Golfe.
Que peut-il être fait pour réellement aider la révolution libyenne? En premier lieu, les syndicats doivent bloquer les exportations de gaz et de pétrole de Libye. Ensuite, les travailleurs dans les banques doivent organiser le gel des finances de Kadhafi.
La ”no-fly-zone” ne va pas automatiquement conduire au renversement de Kadhafi. Comme Saddam Hussein en son temps, le dirigeant libyen pourrait consolider sa position pour un moment dans les parties du pays qu’il contrôle. Comme l’ont montré les expériences de Tunisie et d’Égypte, la clé pour renverser une dictature réside dans un mouvement des travailleurs et des jeunes.
Un programme révolutionnaire
L’avenir de la révolution doit se décider dans le pays lui-même. Cette victoire demande un programme qui peut aller outre les divisions régionales et tribales, et qui soit capable d’unifier la masse de la population contre la clique de Kadhafi et pour un meilleur avenir.
Un programme pour la révolution libyenne qui pourrait véritablement bénéficier à la masse de la population serait basé sur de véritables droits démocratiques: la fin de la corruption et des privilèges, la sauvegarde et le développements de gains sociaux obtenus grâce au pétrole, l’opposition à toute forme de recolonisation et la défense d’une économie démocratiquement contrôlée, sous propriété publique, et d’une planification économique afin d’utiliser les ressources du pays pour le bien des masses.
La création d’un mouvement indépendant des travailleurs, des pauvres et des jeunes pourrait opérer cette transformation réellement révolutionnaire de la société. C’est la seule façon de contrecarrer les plans de l’impérialisme, de mettre fin à la dictature et d’améliorer la vie de la population.
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Chine : La grève de Honda, point tournant du mouvement ouvrier naissant
Les grèves des travailleurs des usine de sous-traitance de Honda dans la province méridionale du Guangdong (Canton) ont fait trembler la Chine, « l’atelier du monde ». L’exemple combatif des travailleurs de Honda, dont de nombreux n’ont qu’à peine vingt ans, a engendré une vague de grèves à sa suite à travers toute la Chine, au fur et à mesure que les travailleurs migrants (pour la plupart, des paysans venus chercher du travail en ville en tant qu’ouvriers), surtout dans les entreprises étrangères, qui se tuent à l’ouvrage dans des conditions connues pour leurs longs horaires et leurs bas salaires, exigent des hausses salariales, de meilleures conditions et une « restructuration » des syndicats.
Vincent Kolo, chinaworker.info
La vague de grève ne fait que commencer, mais si elle se poursuit et se développe, elle a le potentiel de transformer le paysage politique et économique de la Chine. Cette vague de grèves est déjà la plus importante explosion de lutte ouvrière depuis 2002, lorsque les ouvriers dans l’industrie lourde se sont battus, sans succès, pour protéger leur emploi et leurs pensions lorsque les entreprises d’Etat ont été vendues et restructurées. Les luttes d’aujourd’hui se concentrent essentiellement sur le secteur manufacturier et de l’exportation, avec sa main d’oeuvre essentiellement constituée de travailleurs migrants. Les grèves actuelles, et en particulier les revendications de l’élection des représentants syndicaux, posent des problèmes majeurs à la dictature « communiste » au pouvoir, qui craint plus que tout la croissance d’un mouvement ouvrier indépendant.
La première grève de Honda, dans la ville de Foshan, province du Guangdong, a été la « plus grande et la plus puissante grève jamais vue par une multinationale en Chine », selon le South China Morning Post. Terry Gou, le patron milliardaire de l’entreprise Foxconn, s’est exclamé : « Ceci est une déferlante. On ne peut plus se baser sur le bas coût de la main d’oeuvre chinoise ». Gou, qui a aussi annoncé de fortes hausses salariales la semaine passée dans son entreprise Foxconn, dans une tentative de rompre le cycle de suicides de jeunes et de désapprobation publique, a prédit le fait que des hausses salariales pour les ouvriers de production chinois allaient devenir « une tendance irréversible ». De nombreuses entreprises dans le même parc industriel de Foshan où se situe l’usine Honda ont relevé les salaires en tant que mesure préventive, probablement poussées par le gouvernement, afin d’éviter que ne se répande la grève à Honda.
Au cours des derniers jours, des grèves ont éclaté dans au moins cinq provinces de Chine, touchant l’industrie automobile, mais aussi des usines de composants électroniques, de caoutchouc, d’équipements sportifs, de chaussures, et de machines à coudre industrielles. Plus récemment, dans la province du Jiangxi, 8000 travailleurs qui fabriquaient les ballons de la Coupe du Monde tant controversés sont partis en grève. Dans presque tous les cas, les grévistes ont proclamé avoir été encouragés par la victoire à Honda Foshan. « Si leur grève n’avaient pas été victorieuse, nos travailleurs ici ne seraient pas aussi unis qu’ils ne le sont à présent » a déclaré une travailleuse migrante de 22 ans à l’usine Foshan Fengfu Autoparts, où 250 travailleurs ont organisé une grève de trois jours du 7 au 9 juin.
Bien que la grève à l’usine de transmission de Foshan, qui appartient entièrement à Honda, ait permis des hausses de salaire de 24 à 32%, les jeunes travailleurs qui se sont confiés à chinaworker.info ont exprimé leur mécontentement et ont insisté sur le fait que le retour au travail ne serait que temporaire à moins que leur liste de 147 revendications ne reçoive une réponse adéquate de la part de la direction de Honda. L’entreprise a négocié une période d’étude de deux mois afin d’ « examiner » ces revendications. Les principaux points incluent le droit d’organiser des élections afin de remplacer les pantins de la direction qui se trouvent à la tête de la branche locale du syndicat officiel contrôlé par l’Etat.
Cela ne fait qu’une semaine que la grève des 1900 travailleurs de l’usine Foshan a été « résolue », pourtant la Chine semble depuis lors être un endroit différent. La grève qui a tout d’abord éclaté le 17 mai a redémarré avec une vigueur renouvelée le 23 mai, après que la direction ait annoncé une hausse misérable de seulement 55 yuan par mois. La revendication des travailleurs était d’une hausse mensuelle de 800 yuan, afin d’aligner les salaires de Foshan sur ceux des travailleurs dans les autres usines d’assemblage de Honda en Chine. Le sixième plus grand producteur automobile au monde a la capacité de fabriquer 650 000 véhicules par an en Chine, tout en prévoyant d’étendre sa production à 830 000 véhicules par an d’ici 2012. La grève de dix jours a été remarquablement solide, malgré les tentatives mafieuses par la direction, par le gouvernement local et par son syndicat pantin de briser la résolution des travailleurs. Sous un régime dictatorial qui interdit les grèves et de véritables syndicats, ceci est une magnifique réussite.
En étouffant l’approvisionnement des pièces détachées, la grève de Foshan a mis à l’arrêt les quatre usines automobiles de Honda dans le Guangzhou et dans le Wuhan, ce qui aurait coûté à l’entreprise 130 millions de dollars en termes de production perdue. Ceci souligne la puissance dévastatrice des travailleurs à l’époque de la mondialisation capitaliste, avec ses chaînes d’approvisionnement complexes, et ses méthodes de production just-in-time. Sans structures formelles, et confrontés à de terribles pénalités légales pour avoir participé à une organisation indépendante, la lutte a été construite en utilisant des affiches sur les murs de l’usine, des messages SMS et par des grèves éclair grâce auxquelles un département en appelait un autre à rejoindre la grève. Ces travailleurs ont fait preuve d’une grande audace tactique : alors que la direction faisait tout son possible pour briser la grève, et que certaines sections se flétrissaient sous la pression, ils ont organisé une marche de 500 travailleurs à l’intérieur du terrain de l’usine, renforçant le moral et mettant en échec l’offensive patronale.
Le 31 mai, les patrons de Honda ont fait monter les enchères dans leur tentative d’écraser la grève. Ils ont mobilisé les cadres du syndicat et les professeurs des écoles d’apprentissage qui fournissent Honda avec une masse d’apprentis – un autre dispositif couramment employé par les multinationales afin de maintenir le bas niveau des salaires en Chine. Les professeurs et les directeurs ont ordonné aux travailleurs de signer de nouveaux contrats comprenant un accord de non-grève, menaçant les apprentis en leur disant qu’ils ne recevraient pas leurs diplômes et devraient faire face à la police pour avoir enfreint la loi. Partout dans le monde, sont apparues des images montrant des nervis à casquette jaune en train de filmer les grévistes, de beugler des ordres et de maltraiter les jeunes travailleurs, leur criant de sortir de l’usine s’ils ne voulaient pas travailler. « Votre action a gravement endommagé la production et l’opération de l’usine », clamait un dirigeant syndical via mégaphone.
Ces « casquettes jaunes » étaient censés être des représentants de la Fédération Panchinoise des Syndicats (FPCS), le seul syndicat légal. Des rumeurs circulent sur internet selon lesquelles le dirigeant de la branche locale du syndicat a été payé 600 000 yuan pour mettre un terme à la grève, et a engagé 100 nervis à 200 yuan par jour pour brutaliser les grévistes. Voilà bien une illustration frappante du véritable rôle des syndicats officiels – un rôle de criminels et de briseurs de grèves. Toutefois, l’incident du 31 mai a encore plus fait enrager les travailleurs de Foshan. « Maintenant, ce n’est plus une question de hausse salariale, mais de garder notre dignité », disait au South China Morning Post (1er juin 2010) un travailleur âgé de 23 ans. Un jour plus tard, le porte-parole du syndicat officiel a été forcé de publier une lettre d’excuse aux grévistes. Ceci n’a que partiellement satisfait à leurs revendications en la matière, cependant, qui demandaient que soient punis les « syndicalistes » coupables d’avoir physiquement attaqué les grévistes.
Lorsque la direction a réalisé qu’elle ne pourrait pas facilement briser la grève par la force ou par l’intimidation, elle a reculé, offrant des hausses salariales nettement améliorées d’environ 400 yuan par mois. Mais ceci est toujours peu comparé à la revendication des travailleurs d’une hausse de 800 yuan. La nouvelle offre est parvenue à diviser la main d’oeuvre, entre une couche qui voulait accepter et d’autres qui préféraient continuer la grève.
Certains travailleurs de Foshan qui ont discuté avec chinaworker.info étaient critiques vis-à-vis du retour au travail, et pensaient que bien plus aurait pu être obtenu, étant donné la puissance de la grève. Certains ont accepté l’accord à contre-coeur, le considérant plutôt comme un « cessez-le-feu » de 2 mois, jurant d’organiser une nouvelle grève si de nouvelles concessions ne sont pas faites. L’équipe de négociation composée de 16 personnes, qui a doublé les structures du syndicat officiel pro-Honda, semble avoir été mis sous une forte pression de la part de l’entreprise et du gouvernement pour faire cesser la grève avant la date anniversaire politiquement chargée du 4 jjuin (jour de commémoration du massacre de la place Tiananmen).
Les experts basés à Beijing qui ont offert leurs services en tant que « conseillers » à l’équipe de négociation ont eux aussi pu insister sur une résolution rapide afin d’éviter que la grève ne soit perçue comme étant « politique ». La manière dont l’équipe de négociation des travailleurs a été sélectionnée reste peu claire étant donné les problèmes de l’illégalité et les risques de victimisation, et est le sujet de discussions ininterrompues. Etablir des structures syndicales indépendantes cachées de l’entreprise et de l’Etat, avec ses espions et ses méthodes de surveillance sophistiquées, n’est pas une tâche facile en Chine. L’internet a joué un rôle crucial tout au long de la grève en fournissant un forum anonyme aux travailleurs afin de discuter des tactiques au jour le jour.
Les discussions et même les controverses parmi les travailleurs de Honda se sont reflétées dans une interview donnée par un travailleur à l’agence Reuters (9 juinb 2010) :
« Nous devons toujours discuter de nombreuses conditions… Ils n’ont accepté qu’une petit nombre des revendications, y compris une très modeste hausse salariale qui est bien en-dessous de ce que nous avions demandé… Pour nous, nous faisons tout ceci simplement parce que nos salaires sont trop bas. Mais notre grève semble avoir causé un impact négatif sur la société et avoir causé des soucis aux cadres locaux. Nous ne voulons pas ceci… par conséquent, certains d’entre nous ont décidé de retourner au travail. »
Il ne fait aucun doute que, cherchant désespérément à mettre un terme à la grève avant l’anniversaire du 4 juin, les autorités « communistes » ont été impliquées afin d’obtenir cet accord à la va-vite en faisant pression sur Honda. On ne sait pas vraiment encore dire à présent quelles garanties ils ont données à Honda. Mais ce problème était particulièrement aigu étant donné le tollé en Chine contre une autre multinationale, Foxconn, où une douzaine de suicides se sont produits cette année dans ses deux usines géantes de Shenzhen. Foxconn est devenu synonyme de l’exploitation inhumaine de la main d’oeuvre chinoise dans ses usines massives qui ressemblent à des dictatures militaires en modèle réduit. Si le but du gouvernement à Honda est de prévenir une potentielle vague d’actions de grèves à la suite de Foshan, toutefois, cette stratégie a clairement échoué.
Ces derniers jours, deux autres usines affiliées à Honda dans le Guangdong ont été touchées par une action de grève. La composition de la main d’oeuvre – à majorité de jeunes migrants – de même que les tactiques et les revendications sont similaires à celles de la grève de Foshan initiale. Au moment où nous écrivons ces lignes, la grève de Foshan Fengfu Autoparts s’est terminée avec une modeste prime salariale, mais une troisième, à Honda Lock dans la ville de Zhongshan, est entrée dans sa troisième journée de grève avec environ 85% des 1400 travailleurs qui soutiennent la grève. Cette usine fournit les verrous et clés pour Honda.
Certains reportages donnent l’impression que le régime chinois a adopté une approche bienveillante par rapport à ces grèves – en particulier contre les capitalistes étrangers – en tant que partie prenante d’un grand stratagème visant à renforcer le pouvoir d’achat et à rééquilibrer l’économie, mettant un terme à sa dépendance actuelle aux exportations extérieures pour se tourner vers le marché interne. Mais ce point de vue est trompeur. La police et les agences de sécurité ont brutalement attaqué les travailleurs de Zhonshang et d’autres grévistes ces derniers jours, pas vraiment une preuve d’un soutien officiel ! Un gréviste migrant de Zhongshang a raconté au South China Morning Post que la police avait distribué des tracts menaçant de trois à cinq ans d’emprisonnement toute personne prenant part à la grève. De même, les travailleurs de Fengfu à Foshan se plaignent d’avoir été forcé à retourner au travail sur base d’une pression massive et de menaces. Cette entreprise, un partenariat entre Honda et une société taïwanaise, a dit aux travailleurs que leur action serait classifiée en tant qu’ « émeute » et que la police pourrait intervenir d’un moment à l’autre.
« Nous voulons être traités de la même manière que les travailleurs de Honda Autoparts », expliquait un travailleur de Honda Lock. Leurs revendications reprennent celles de la grève de Foshan : une hausse du salaire mensuel de base de 930 à 1600 yuan (100 à 180€), un double salaire pour toute heure supplémentaire, des blâmes pour les gardes qui battent les travailleurs, un syndicat « restructuré », et pas de victimisation pour les grévistes. A Zhongshang, de même que lors d’une autre grève chez l’entreprise taïwanaise KOK dans la province du Jiangsu, les médias officiels ont faussement rapporté que la grève était terminée. Ceci est en partie un reflet de leurs propres espoirs, en partie une tentative de semer la confusion dans une situation où les grèves doivent être dirigées de manière complètement clandestine. C’est cette même tactique qui a été utilisée contre les travailleurs de Honda à Foshan, et qui a échoué dans tous ces cas : afin de fournir une preuve que leur grève était toujours bien vivante en son troisième jour, les travailleurs de Honda Lock se sont rassemblé à l’entrée de l’usine et ont commencé à entonner : « Est-ce qu’on y retourne pour 200 ? Jamais ! 300 ? Jamais ! Pour 400 alors ? Jamais ! »
D’autres grèves dans le delta du Fleuve des Perles (province de Guangdong) incluent une action le dimanche 6 juin de la part de 300 travailleurs de chez Merry Electronics à Shenzhen, une entreprise taïwanaise de composants automobiles, qui ont bloqué les routes en guise de protestation contre les changements de pauses. Les patrons de Merry Electronics ont affirmé avoir décidé de rehausser les salaires de +10% pour le 1 juillet, « mais ils ne l’avaient pas encore annoncé au personnel ». Lundi 7 juin, 2000 travailleurs sont partis en grève chez Yacheng Electronics à Huizhou.
Mais les grèves ne se sont pas limitées au delta du Fleuve des Perles ; elles se sont répandues dans le delta du Fleuve Yangtze près de Shanghai, et jusqu’aux provinces de l’intérieur. Dans la province de Shaanxi, 900 travailleurs employés par Brother, un fabricant japonais de machines à coudre industrielles, ont organisé un arrêt de travail du 3 au 10 juin. Dans le district de Pudong à Shanghai, un sous-traitant de Foxconn, TP Displays, a été touché hier par « un arrêt quasi total » en réaction au plan de relocalisation de l’entreprise. Une grève « quasi unanime » de la part de plusieurs centaines de travailleurs du caoutchouc a éclaté vendredi 4 juin à KOK International à Kunshan, province de Jiangsu. Ces travailleurs se sont mis en lutte pour des hausses de salaire, le payement des heures supplémentaires et contre le non-payement par la compagnie de la sécurité sociale et de l’assurance santé. Près de 50 de ces travailleurs ont été blessés lors d’affrontements avec la police le week-end passé : « La police nous a tous battus sans distinction… Ils nous sont rentrés dedans et ont frappé tout le monde, hommes comme femmes », a rapporté une travailleuse. AU moins sept grévistes ont été arrêtés par la police. Mais les grèves en cours en ce moment ne se produisent pas que chez les multinationales. On a fait état d’une grève à l’usine de Qijiang Gear Transmission à Chonqching qui s’est déroulée en même temps que celle de Honda à Foshan.
Les hausses de salaire à deux chiffres qui sont en train d’être arrachées de la part des patrons à travers certains des conflits en cours semblent énormes, mais comme les analystes capitalistes l’ont eux-mêmes fait remarquer, il ne s’agit que de hausses de « rattrapage » – les salaires ouvriers ont été gelés depuis fin 2008 lorsque la crise capitaliste mondiale a frappé la Chine. Dans de nombreux cas, les niveaux de salaires réels ne se sont pas améliorés depuis le milieu des années 90, tandis que l’inflation des prix, et en particulier pour les produits de base tels que la nourriture, a fortement entamé les salaires et alimente le mécontentement des travailleurs. Les travailleurs chinois ont encore un long chemin à parcourir ne serait-ce que pour rattraper le niveau des travailleurs des autres pays soi-disant émergents. Les salaires dans l’industrie manufacturière en Chine ne valent que 5% des salaires ouvriers sud-coréens, et 17% des salaires ouvriers brésiliens.
La part du PIB qui est constituée des salaires n’a fait que diminuer depuis 22 ans, passant de 57% en 1983 à 37% en 2005. Ces statistiques illustrent bel et bien quelle classe est celle qui a payé pour les « réformes » capitalistes mises en place au cours de cette période. Au même moment, la productivité au travail – la quantité produite par chaque travailleur en Chine – a cru de plus de 9% par an lors des cinq dernières années, selon les estimations de la U.S. Conference Board (Wall Street Journal du 7 juin 2010). Pourtant, les syndicats officiels ont récemment rapporté que près d’un travailleur chinois sur quatre n’a reçu aucune augmentation salariale depuis cinq ans. En conséquence, le coût du travail ne représente qu’une minuscule fraction des bénéfices immenses engrangés par les entreprises multinationales opérant en Chine.
Dans le cas de Honda, par exemple, une hausse uniforme de +30% des salaires à l’usine ne réduirait les marges de profit de l’entreprise que 0,6%. Même si l’on se base sur les hausses de salaires obtenues par les travailleurs de Honda à Foshan, avec un salaire relevé à 1650 yuan (180€) par mois, il faudrait 7 ans et demi de travail (sans rien dépenser du tout !) à un de ces travailleurs pour acheter la moins chère Honda Civic fabriquée en Chine. Comme Marx l’a expliqué, la source du profit des capitalistes est la force de travail de la classe ouvrière, ce qui veut dire que les travailleurs ne peuvent pas se permettre de racheter ce qu’ils produisent, poussant par là le système de marché à des crises et à des troubles inévitables.
L’économie chinoise semble avoir bien récupéré, avec un PIB en hausse de +11,9% au premier trimestre par rapport à l’année précédente. Ceci a sans nul doute l’effet d’inciter les couches les plus exploitées des travailleurs chinois et une nouvelle génération relativement intrépide à revendiquer leur part de la reprise économique. Des pénuries de main d’oeuvre existent dans de nombreuses provinces côtières dont les économies sont dominées par des multinationales. Les données du gouvernement ont récemment montré une hausse brusque de +35% dans les postes à pourvoir publiés par les employeurs au premier trimestre de 2010, mais seulement une hausse de +8% dans le nombre de personnes postulantes.
Un important facteur derrière ce développement est la croissance basée sur la propriété foncière dans les provinces de l’intérieur des terres, également alimentée par de grands projets d’infrastructure financés par les gouvernements locaux, qui ont généré des nouveaux emplois dans l’industrie, dans la construction et dans les services, justement dans ces régions de Chine qui sont la source traditionnelle de travailleurs migrants. Beaucoup de personnes, en particulier les migrants plus âgés avec des enfants, préfèrent chercher un travail dans ou près de leur province natale, abandonnant des emplois mieux rémunérés dans les ateliers des provinces côtières. Il semble que la province du Guangdong souffre cette année d’un déficit de 2 millions de travailleurs migrants, et les autres provinces côtières sont confrontées à des pressions similaires.
Mais il y a d’autres facteurs économiques et sociaux derrière la hausse de combativité actuelle sur le lieu de travail, et surtout concernant la nouvelle jeune génération de travailleurs migrants. Ces travailleurs ne considèrent plus la ville comme étant un lieu d’habitation temporaire avant de rentrer à la campagne après avoir économisé assez d’argent que pour bâtir une maison et fonder une famille. Ces jeunes sont de plus en plus urbanisés dans leur vision du monde, et mis en colère par la discrimination et les mauvais traitements systématiques qui forment l’apanage du travailleur migrant. Les nombreux ingrédients présents aujourd’hui dans l’économie et dans la société chinoises (et non des moindres, le caractère de « bulle » extrêmement instable de la reprise actuelle) forment un cocktail explosif. Dans un sens négatif, ceci est démontré par le désespoir à Foxconn, et dans un sens positif, par le flambeau de la lutte qui semble avoir été passé des mains des jeunes grévistes de Honda à celles des travailleurs d’autres usines en Chine.
Afin d’éviter la propagation des grèves actuelles, le régim chinois pourrait tenter une nouvelle tournée d’augmentation des salaires minimums (établis au niveau provincial ou municipal, avec de grandes variations). Ceci pourrait être accompagné d’une propagande massive selon laquelle le gouvernement serait convaincu que les travailleurs méritent « leur juste part » du progrès économique, mais aussi de terribles menaces comme quoi le régime ne tolérera pas les « menaces faites à la stabilité ». A de nombreuses occasions auparavant, nous avons vu une telle combinaison « carotte et bâton » être employée par le parti au pouvoir afin de tuer dans l’oeuf les mouvements populaires. Mais même cette stratégie d’action comporte d’importants risques pour le régime chinois et pour le capitalisme mondial, qui dépend si fortement de la Chine, surtout si ces concessions sont perçues comme étant le résultat de la lutte ouvrière.
Chinaworker.info appelle à la formation de syndicats indépendants et au droit de grève au côté des autres droits démocratiques fondamentaux en Chine. Nous appelons à des hausses de salaires immédiates pour tous les travailleurs afin de compenser les longues années de stagnation et de hausses des prix. Nous exigeons un salaire national minimum de 3000 yuan (330€) pour tous. Nous appelons à la fin des heures supplémentaires obligatoires, et à un contrôle démocratique des travailleurs concernant la sécurité et la santé sur leur lieu de travail. Nous soutenons les luttes des travailleurs afin d’obtenir toute amélioration fût-elle modeste, tout en insistant sur le fait qu’une lutte de masse pour une alternative socialiste est nécessaire afin de garantir des emplois et des salaires décents, de même que le bien-être pour tous. Chinaworker.info et Socialist Action (CIO à Hong Kong) ont organisé et participé à diverses actions de protestation en solidarité avec les travailleurs de Honda en Chine de même que pour ceux de Foxconn.
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Réélection de “Long Hair” Leung Kwok-hung
Hong-Kong
Grands gains pour la “Ligue des Sociaux-Démocrates” lors des elections générales.
Les élections du dimanche 7 septembre du Conseil Législatif ou Legco, le pseudo-parlement de Hong Kong, ont été un sévère coup porté au Parti Libéral, parti de droite, qui a été massacré lors de ces élections et a été rayé de la carte. Mais elles ont aussi constitué une victoire importante pour la Ligue des Sociaux-Démocrates (LSD), la force la plus à gauche à s’être présenté à ces élections. La LSD a vu sa représentation monter de deux à trois sièges. La participation à été inférieure au dernier suffrage de 2004 – autour de 45% cette fois-ci. Ceci reflète la colère croissante parmi les travailleurs et la jeunesse vis-à-vis des salaires, du prix des services publics et des privatisations. Au total, en présentant 5 candidats, la LSD a reçu presque 153.000 voix. C’est là un résultat stupéfiant qui représente environ 10% des voix (1,52 million).
Article issu de chinaworker.info
Ces résultats sont extrêmement significatifs en dépit de la nature limitée et antidémocratique de la « démocratie parlementaire » de Hong Kong. Le gouvernement de la Région Administrative Spéciale n’est pas élu mais nommé. Le régime chinois dirige Hong Kong par un Chef de l’Exécutif à ses ordres, Donald Tsang, dont les politiques peuvent à peine être contrôlées par le Legco (une majorité des deux tiers est nécessaire pour un véto). Cet arrangement est très commode pour la classe de chefs d’affaires qui dirige l’économie de Hong Kong ainsi que pour ses alliés du gouvernement « communiste » de Chine. Malgré le fait que ces élections se soient déroulées si peu de temps après les jeux olympiques et la vague de nationalisme chinois qui a déferlé jusqu’à Hong Kong, les élections de dimanche dernier ont été peu confortables pour l’administration Tsang – dont le soutien publique est à son niveau le plus bas – ou pour Pékin. Dans les 30 collèges électoraux géographiques qui font partie du Legco, les pan-démocrates ou « l’opposition », comme ils sont également connus dans les médias, ont augmenté leur représentation de 18 à 19 sièges. L’étiquette de pan-démocrate se rapporte à une constellation de partis et de groupes qui exigent le suffrage universel – ce n’est pas un bloc ou une alliance électorale formelle. Le soutien au régime est issu des quartiers les plus riches, où l’on trouve les médecins, les avocats, les banquiers et les promoteurs immobiliers. Cela illustre quelle classe à Hong-Kong est proche de Pékin.
Ce résultat s’oppose à ce qu’avaient prévu les commentateurs bourgeois. Ils avaient en particulier prédit la chute de l’élu socialiste le plus populaire du LSD, « Long Hair Leung Kwok-hung (notamment le Wall Street Journal du 7 septembre 2008. Une dépêche de l’agence de presse AFP prévoyait avec plaisir le jour des élections que « Long Hair » pourrait « sombrer dans l’obscurité politique ». En réalité, il a été réélu avec une marge confortable, récoltant presque 45.000 voix, arrivant ainsi en seconde place dans le collège électoral où il s’était présenté. Le fait que les travailleurs, les bas salaires et les étudiants en lutte aient voté pour un socialiste comme « Long Hair » n’a fait que conforter les riches de leur droit de s’opposer au suffrage universel et à n’importe quelle extension des droits démocratiques.
Les thèmes sociaux étaient dominants
De même, les stratèges de Pékin étudieront à n’en pas douter ces résultats électoraux avec la plus grande attention et la plus grande inquiétude. L’homme de Pékin à Hong Kong n’est autre que Xi Jinping, l’héritier présumé assurer la présidence de la Chine après que Hu Jintao se soit retiré en 2012. Le fait que plus de « modérés », c’est-à-dire des « démocrates » pro-capitalistes, aient perdus du terrain pour les « sociaux-démocrates » les plus radicaux qui se sont clairement positionnés contre les privatisations et ont appelé à l’instauration d’un salaire minimum illustre le danger que court Pékin. Les gains du LSD illustrent que les habitants ordinaires de Hong-Kong voient la question de la démocratie comme étant fortement liée aux améliorations sociales nécessaires – un salaire décent, de véritables emplois et un secteur public plus fort et plus juste.
« Notre groupe n’est pas encore un parti, mais une alliance » a déclaré « Long Hair » à chinaworker.info. « Mais maintenant nous devrons avoir des discussions au sujet de la façon de développer ceci à l’avenir. Une chose que nous avons à discuter discuterons est la nécessité d’une section jeune pour travailler dans l’esprit pionnier de la social-démocratie d’il y a 100 ans », a-t-il ajouté.
Chinaworker.info envoie ses félicitations à Lon Hair et à ses camarades pour cet impressionnant résultat électoral extrêmement significatif. Nous, ainsi que tous les socialistes, suivrons ces développements et ces discussions avec grand intérêt. Une analyse complète des élections de Legco apparaîtra bientôt sur chinaworker.info.
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Débat : La spéculation est-elle fondamentale dans les causes de la hausse des prix?
DEBAT
Quelques temps après la publication de notre tract sur la crise alimentaire, nous avons reçu cette lettre d’un lecteur de notre site. Nous la publions ici, ainsi que notre réponse. Vous aussi, n’hésitez pas à réagir vis-à-vis de nos articles, idées, méthodes,… La polémique est souvent une bonne manière d’aller au fond des choses !
Bonjour camarades,
Je voudrais réagir à l’article et au tract intitulés "Prix de l’alimentation. Ils spéculent. Nous payons la note!"
Dans ce texte, il est indiqué que la spéculation est le facteur prépondérant dans la flambée des prix. Je pense que cette analyse est erronée et peut déboucher sur de mauvaises conclusions. Voici en gros, mon analyse :
- 1. Il est clair que la spéculation joue un rôle. Mais pas forcément le 1er rôle. Il faut d’abord regarder les fondamentaux du marché. Or nous sommes dans une situation où la demande augmente de manière régulière depuis plusieurs années, sous l’impulsion des pays émergeants.
- 2. La production ne suit pas la même courbe et les stocks baissent pour atteindre des niveaux très bas ces derniers mois.
- 3. Les coûts de production augmentent fortement (notamment à cause du pétrole). Les petits producteurs ont donc des difficultés à investir pour produire plus, à cause du renchérissement des intrants. Et s’ils peuvent investir, ils ont la possibilité de s’orienter vers les agrocarburants…
- 4. La spéculation vient s’ajouter à tout ceci. Mais la spéculation ne fonctionnerait pas si le marché n’était pas tendu. En d’autres termes, dans un contexte de surproduction, même en achetant des centaines de tonnes de céréales, il sera très difficile de faire monter les prix ne fût-ce que de 1%. Aujourd’hui, beaucoup de denrées alimentaires sont à la limite de la rupture, donc la spéculation peut fonctionner à plein rendement. Sur les matières premières, le déterminant essentiel des prix ce n’est pas l’offre ou la demande mais bien le niveau des stocks ; or, pendant des années on a fait face au surcroît de demande de céréales en puisant dans les réserves, à tel point que celles-ci ont désormais atteint des niveaux proprement intenables, d’où l’extrême violence des "ajustements" actuels, amplifiés par les restockages prudentiels de nombre de pays importateurs… La spéculation n’est donc pas indispensable ni nécessaire pour faire monter les prix. Pour preuve, certaines denrées sont inaccessibles aux spéculateurs (pas de marchés à terme), et les prix ont doublé en quelques mois (ex : les lentilles, le riz…). Il est vrai que le Japon détient des stocks pharaoniques de riz, mais c’est la conséquence d’une contrainte imposée de longue date par l’OMC…
- 5. Les inégalités croissantes de revenus jouent un rôle important dans la flambée des prix, car la différence entre ce que peuvent payer les uns et les autres pour se nourrir est… énorme.
En conclusion, la spéculation joue certes un rôle, mais globalement marginal. Pointer le doigt vers elle, c’est désigner la partie visible (et particulièrement abjecte) de l’iceberg du capitalisme.
Ce qu’il faut dénoncer, c’est le fonctionnement global du système capitaliste : laisser la production des denrées alimentaires, et donc la survie d’une grande partie de l’humanité aux mains des capitalistes, c’est courir à la catastrophe, de manière certaine et répétée. La situation actuelle était prévisible, mais personne n’a voulu l’éviter. Seule une planification démocratique de la production et une organisation structurelle de la surproduction peut faire face aux aléas du climat et à l’augmentation des besoins de la population.
En l’absence d’une telle planification démocratique organisée au niveau mondial, chaque Etat doit avoir le droit de prendre des mesures pour garantir sa sécurité alimentaire.
J.L.
Cher camarade,
Différentes données démontrent le rôle prépondérant de la spéculation dans la hausse des matières premières, notamment de l’alimentation et du pétrole. Cela découle de la crise inhérente au capitalisme. Faute de pouvoir investir dans la production par crainte d’une crise de surproduction, les capitalistes spéculent en injectant leur argent non pas pour de nouveaux appareils dans les entreprises par exemple, mais en entretenant différentes "bulles" économiques. L’éclatement de celles du crédit et de l’immobilier a poussé les spéculateurs à chercher d’autres débouchés chez les valeurs "sures" comme les matières premières. Une récente enquête réalisée par des parlementaires américains et révélée par le Wall Street journal indique par exemple que la spéculation représente autour de 71% des échanges sur le Nymex, le New York Mercantile Excange (bourse spécialisée dans l’énergie et les métaux). En 2000, ce pourcentage était "seulement" de 37%. Il est vrai qu’il ne s’agit pas ici de denrées alimentaires, mais le principe est le même.
Le magazine britannique New Statesman a par exemple publié un article ("La folie commerciale à l’origine de la flambée des prix") qui parle bien sûr de l’augmentation de la population mondiale et de la place occupée par les agrocarburants, mais continue en affirmant que :"Ces facteurs à long terme sont importants, mais ne sont pas les raisons véritables pour lesquelles les prix alimentaires ont doublé ou pourquoi l’Inde rationne le riz ou pourquoi les éleveurs britanniques tuent les cochons pour lesquels ils ne peuvent plus payer la nourriture animale. C’est la crise du crédit. (… la crise alimentaire s’est développée au cours) d’un laps de temps incroyablement court, en essence au cours de ces 18 derniers mois. (…) La raison de la "pénurie" alimentaire est la spéculation sur le marché à termes de marchandises, suite à l’effondrement des marchés à termes des instruments financiers. En désespoir de cause d’obtenir un rendement rapide, les courtiers ont retiré des millions de dollars investis en actions et dans des prêts immobiliers pour les placer dans les denrées alimentaires et les matières premières. A Wall Street, on parle alors de "super cycle des matières premières" et il est probable que cela conduise à une famine à une échelle épique." Avec un certain cynisme, la première banque belge, la KBC, a eu comme slogan pour un de ses "produits" financier: "Tirez avantage de la hausse du prix des denrées alimentaires !".
Sean Corrigan (Diapason Commodities Management, Suisse, en charge d’un portefeuille de 6 milliards de dollars) a déclaré en 2007 que : "S’il y a un ralentissement mondial de l’activité, ça n’affectera pas les produits agricoles car les gens continueront de manger (…) L’acier, le fer et le nickel souffriront, mais les gens continueront d’acheter du pain et des pommes de terre."
De son côté, l’ancien associé de George Soros Jim Roggers disait aussi au même moment "Il y a trois milliards d’asiatiques (…) qui ne perdront pas leur appétit à cause d’un problème aux Etats-Unis.".
Pour Marc Faber, financier spécialiste des matières premières, les prix des matières premières agricoles sont relativement "attractifs". Il précise aussi que les perturbations climatiques vont faire monter les prix.
Il existe, comme tu le mentionnes, différents facteurs qui jouent dans la hausse des prix. Mais la spéculation en est le facteur fondamental. Et au plus les prix augmentent, au plus ils attirent d’autres investissements.
Le Monde Diplomatique, dans son édition de mai, a aussi déclaré que "Les indices agricoles font un tabac auprès des fonds d’investissement. Entre la fin du premier trimestre et la fin du quatrième trimestre 2007 (…) le volume des capitaux gérés par les fonds d’investissement cotés sur les produits agricoles européens a quintuplé" et est passé de 99 millions d’euros à 583 millions. Aux USA, c’est par sept que les fonds d’investissement sur les produits agricoles ont été multipliés l’année dernière…
Mais, bien évidemment, nous nous rejoignons sur la nécessité d’une économie planifiée et sur le fait qu’il faut dénoncer le capitalisme… Laisser à la soif de profit et au chaos du secteur privé des secteurs aussi fondamentaux que ceux de l’énergie et de l’alimentation, par exemple, signifie de laisser consciemment un gaspillage immense s’effectuer, en terme de ressources et de vies humaines.
Pour plus d’informations, nous invitons les lecteurs à lire notre dossier Crise internationale du pouvoir d’achat, crise alimentaire,… Le malheur des uns fait le bonheur des autres!.
Liens:
- Prix de l’alimentation: Ils spéculent, nous payons la note! Tract du MAS/LSP
- Augmentation des prix et crise alimentaire: Ce n’est pas notre faute, ce n’est pas à nous de payer!
- Augmentation des prix, rébellion et pauvreté.
- Rage globale contre les hausses de prix de la nourriture
- Côte d’Ivoire: Lutte victorieuse contre l’augmentation des prix de la nourriture !
- Catégorie "Pouvoir d’achat"
Crise économique (articles du plus récent au plus ancien)
- C’est la crise pour tout le monde… sauf pour les gros joueurs
- Capitalisme en crise. En route vers un tsunami économique ?
- Après une année 2007 agitée : vers une année 2008 explosive!
- Le capitalisme se dirige-t-il vers une crise économique profonde?
- Le capitalisme : un système en crise
- Stagflation: syndrôme d’une maladie chronique
- Une crise économique mondiale est-elle inévitable ?
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L’impérialisme américain : affaibli et impopulaire, mais quelle est l’alternative ?
L’impérialisme américain s’embourbe dans les problèmes. La guerre contre le terrorisme en Afghanistan et en Irak a provoqué plus d’instabilité et de terrorisme. D’autres alliés, comme le Pakistan, sont également touchés par ces convulsions. Aux USA, le moteur économique commence à capoter et on parle de récession. Ce dossier se propose de brosser l’état des lieux de l’impérialisme américain.
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Vers une récession dure? Quelques citations
“Si, en plus, le protectionnisme freine l’arrivage de marchandises bon marché venant d’Asie, nous entrerons bientôt dans une situation de récession économique combinée à une inflation galopante de 5 à 8 % (voire plus), bref à une stagflation. Une telle situation est à l’ordre du jour, mais le calendrier exact est difficile a estimer. Cela peut se produire à tout moment comme cela peut également être reporté. Mais plus ce sera postposé, plus la crise frappera durement, tout comme la désintoxication est plus dure si l’intoxication a été longue. L’effet sur la lutte de classe est difficile à juger. La période précédente de stagflation a provoqué une vague révolutionnaire qui a menacé l’existence du système. Les réserves construites pendant la période d’après- guerre et l’autorité qu’avaient les partis sociaux-démocrates et « communistes » (là où ils avaient une base de masse) ont finalement pu freiner ce mouvement. Mais il suffit de se rappeler les acquis de Mai ’68 – le mouvement de démocratisation de l’enseignement qui n’est toujours pas entièrement détruit – ou la Révolution des Oeillets au Portugal et les diverses révolutions dans les anciennes colonies pour en mesurer l’impact.” (“Stagflation: syndrôme d’une maladie chronique” Alternative Socialiste no 126, novembre 2007, à relire sur les sites socialisme.be ou marxisme.org)
“Les USA n’ont connu que deux récessions ces 25 dernières années qui étaient l’une et l’autre une récession brève et douce. Il y a lieu de penser que la prochaine crise, lorsqu’elle viendra, sera plus grave.” (Wall Street Journal)
“Le marché immobilier américain a connu la crise la plus grave depuis les années septante, avec des baisses de prix de 8% en moyenne depuis le pic de 2005, mais de 40% dans les régions les plus touchées. Le marché part de l’idée que la baisse pourrait continuer jusqu’à 30%. Cela augure de la direction que l’économie américaine pourrait prendre. Avec un taux de chômage record depuis deux ans (5% en décembre) et qui pourrait atteindre les 7% selon certaines estimations, le consommateur américain (qui a longtemps été considéré comme le moteur de la croissance mondiale) pourrait jeter le gant. La consommation des ménages a chuté de 0,4% en décembre. Les ‘experts’ en discutent encore, mais six Américains sur dix jugent que le pays est déjà en récession.” (The Economist du 12 janvier 2008)
[/box]La guerre contre le terrorisme n’est pas une grande réussite. Dès le début de la guerre en Irak en 2003, nous avons publié une brochure écrite par Peter Delsing qui expliquait les tenants et les aboutissants de cette “guerre pour le pétrole”. Cinq ans après, nous avons interrogé Peter sur la situation actuelle de la guerre.
Trente mille soldats supplémentaires ont été envoyés sur place, l’impérialisme américain a-t-il réussi à stabiliser l’Irak après cette augmentation des troupes? Quelle est la situation en Irak même?
“L’invasion en 2003 faisait partie des projets de l’aile néoconservatrice des Républicains. Ces projets existaient depuis longtemps et visaient au remodelage du Moyen-Orient. Les attentats du 11/09 ont fourni le prétexte rêvé à leur mise en oeuvre. Cette guerre devait permettre à Bush et Cie de rétablir leur emprise sur cette région vitale et pétrolifère et aussi de soutenir leur allié local : Israël. Les régimes en Irak et en Iran étaient une cause permanente d’exaspération pour les Etats-Unis. Bush n’aurait jamais envahi l’Irak s’il n’y avait pas eu de pétrole sous son sol. Mais Bush s’est fourvoyé sur la possibilité d’y établir un régime à sa botte.”
“Le gouvernement de Maliki en Irak est assis sur un cimetière social. Chaque jour, des centaines d’adultes et d’enfants meurent des conséquences de l’occupation : le terrorisme, la violence, la misère, le grand banditisme, etc. En réalité, une guerre civile intercommunautaire y fait rage, entre chiites et sunnites ou entre Arabes et Kurdes. L’eau potable, l’électricité et même l’essence font défaut. L’augmentation des troupes a eu pour effet de militariser quasi complètement la ville de Bagdad et n’a fait que déplacer la violence ailleurs. Par exemple, les attentats terroristes se sont récemment multipliés au Kurdistan.
“Ces divisions communautaires que les Américains ont institutionnalisées ne peuvent mener qu’à des conflits de plus en plus aïgus pour la répartition des maigres ressources encore disponibles. La seule alternative viable serait une lutte commune des masses laborieuses et pauvres pour assurer leur propre sécurité et la défense des besoins de base. Cette lutte devrait être liée au respect du droit à l’autodétermination des différentes composantes de l’Irak et enfin à la lutte pour la transformation socialiste de la société.”
Quels sont les effets de cette politique impérialiste sur le reste du Moyen-Orient?
“Parlons d’abord de l’autre aventure impérialiste, celle d’Afghanistan. Un politicien britannique a récemment déclaré qu’on sous-estimait la position délicate du gouvernement de Karzaï. Fin janvier, les USA ont déplacé 2.200 marines vers l’Afghanistan, car la menace d’une offensive des Talibans se précisait dans le sud du pays. Lors du Forum Economique Mondial à Davos, Karzaï a même mis en garde contre “un embrasement du terrorisme” dans la région. Une telle instabilité – que renforcerait encore un possible effondrement de la société au Pakistan – montre bien l’impossibilité de développer ces pays dans le cadre du capitalisme et de l’impérialisme. Les conditions sociales y sont déjà telles qu’une récession mondiale pourrait donner le coup de grâce à plusieurs régimes instables.”
“Au Moyen-Orient, comme dans les pays du Golfe, il existe une élite riche qui nage littéralement dans les profits pétroliers. De l’autre côté, il y a une population souvent jeune, mais désorientée par la décadence capitaliste. La politique de Bush et de ses marionnettes locales a joué en faveur du fondamentalisme islamique, au Liban avec l’ascension du Hezbollah, à Gaza avec celle du Hamas. La soi-disant initiative de paix de Bush à Annapolis, en novembre de l’année passée, a donné plus de moyens au Fatah en Cisjordanie. Mais Israël continue à y construire des logements pour les colons.”
“En janvier, Bush a aussi fait une tournée dans sept pays arabes. Pour contrecarrer l’influence de l’Iran, il a vendu à l’Arabie Saoudite des bombes à guidage pour une valeur de 123 millions de dollars. Il en a aussi livré gratuitement 10.000 à Israël. D’autres contrats sont prévus pour une valeur totale de 20 milliards de dollars. La région devient une poudrière et l’exemple pakistanais n’a pas servi de leçon.”
Quels seront les effets d’une récession aux USA sur la position de l’impérialisme?
“Le prix du baril de pétrole a chuté légèrement depuis son pic de 10 dollars, mais il oscille toujours à un niveau élevé, entre 85 et 90 dollars. La crise financière actuelle – qui se traduira bientôt par des licenciements de masse, par des fermetures d’entreprises et par de nouvelles attaques sur les salaires et la sécurité sociale – se caractérise par l’éclatement des bulles artificielles qui maintenaient à flot le capitalisme en crise.
“Dans les années 80, dans le sillage de Reagan et de Thatcher, les gouvernements ont relancer les profits en sapant le pouvoir d’achat des salariés et des allocataires sociaux. Ils ont cependant préféré recourir provisoirement à l’emprunt public plutôt que de lancer une offensive encore plus dure contre la classe ouvrière. Dans le cas de Reagan, il s’agissait d’investir dans l’appareil militaire.”
“Au cours des dix dernières années, et surtout depuis la récession en 2001 aux USA, les dirigeants capitalistes ont essayé de différer une crise encore plus profonde en laissant enfler une bulle de crédits à bon marché. C’était le seul moyen pour que la population continue à consommer malgré des revenus qui ne progressaient plus ou même baissaient. C’est ainsi que les salariés se sont mis à dépenser leurs revenus futurs.”
“La bulle du marché immobilier est en train d’éclater aux USA. A l’heure actuelle, les prix n’y ont diminué “que” de 8%. Mais avec quelles conséquences ! Cela a cependant suffi pour que la Bourse américaine recule sérieusement, entraînant derrière elle toutes les Bourses à travers le monde. En Inde, la bourse a chuté de 11% en une journée. Les analystes n’en estiment pas moins que la chute des prix pourrait atteindre les 30%. La bulle d’autres formes de crédits aux USA pourrait produire des effets comparables.
“La bulle du ‘dollar fort’ est déjà en train d’éclater depuis un moment. Si elle devait éclater pour de bon, les exportations européennes auraient du mal à se maintenir et l’économie mondiale pourrait encaisser des chocs plus importants encore. “En outre, on ignore encore l’ampleur de la diffusion des ‘créances douteuses’ qui ont été converties en paquets d’actions. Un géant bancaire américain comme Citigroup a fait ses plus grosses pertes depuis 196 ans ! Un sentiment d’inquiétude, et même de panique, commence à s’installer parmi les dirigeants capitalistes. Il suffit de voir l’intervention énergique de la Federal Reserve (Banque Centrale Américaine) qui a réduit d’un coup ses taux de 0,75%. Les Américains sont endettés jusqu’au cou, mais Bernanke (le président de la FED) les incite à continuer dans cette voie.
“Les remèdes des rebouteux néolibéraux fonctionnent de moins en moins. La classe ouvrière américaine sera appelée à jouer un rôle important dans la construction de nouveaux partis pour les pauvres, les salariés et leurs familles, dans le feu de la lutte pour une autre société, une société socialiste.”
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Problèmes rencontrés dans la construction de nouveaux partis des travailleurs
Théorie
Dans cet article, notre camarade Peter Taaffe analyse quelques leçons à tirer de l’histoire en ce qui concerne la formation d’organisations de masse pour les travailleurs. Il revient à ce titre plus particulièrement sur les expériences récentes accumulées en Italie et en Allemagne ainsi que lors des derniers développements qu’a connu la situation au Brésil.
Une question centrale pour le mouvement ouvrier à travers le monde – et peut-être d’ailleurs la plus cruciale à ce stade – est celle de l’absence dans la plupart des pays d’une voix politique indépendante sous forme parti(s) des travailleurs de masse.
L’effondrement du mur de Berlin et des odieux régimes staliniens a également signifié la liquidation des économies planifiées. Il s’agissait d’un important tournant historique, avec des conséquences majeures pour la classe ouvrière et, plus particulièrement, pour sa conscience. Coïncidant avec le long boom économique des années ‘90 et la pression sans relâche du capitalisme néo-libéral, ce processus a décomposé les bases de la social-démocratie et des partis « communistes ». Les formations que Lénine et Trotsky caractérisaient encore comme des « partis ouvriers bourgeois » (ouvriers à leur base, bourgeois à leur direction) ont assisté à la disparition de leur base ouvrière pour devenir des formations purement bourgeoises. En conséquence, pour la première fois depuis des générations – plus de 100 années dans le cas de la Grande-Bretagne – la classe ouvrière est sans plate-forme politique de masse.
Mais ce n’est pas la première fois dans l’histoire que des marxistes sont confrontés à une telle situation. Ni Marx ni Engels n’ont cru que le mouvement ouvrier gagnerait une conscience de classe indépendante ou une conscience socialiste uniquement par l’agitation, la propagande ou même leurs puissantes idées théoriques. L’expérience serait le plus grand professeur de la classe ouvrière, argumentait Marx, en combinaison avec les idées du socialisme scientifique (le marxisme). C’est pour cette raison que Marx, sans jamais diluer son propre trésor théorique, a tâché de lier ensemble dans l’action les forces dispersées de la classe ouvrière à travers, par exemple, l’établissement de la…
…Première Internationale
Les marxistes ont travaillé conjointement avec des syndicalistes anglais et même des anarchistes au sein de l’Internationale. Marx a toujours procédé à partir du niveau existant d’organisation et de conscience de la classe ouvrière, cherchant par sa propre intervention inestimable à l’élever à un plan supérieur. La Première Internationale a accompli cette tâche colossale mais, à la suite de la défaite de la Commune de Paris ainsi que des tentatives de sabotage et finalement la scission des anarchistes emmenés par Bakounine, la Première Internationale avait épuisé sa mission historique et a été dissoute. Cette expérience, cependant, a été essentielle en préparant le terrain pour la Deuxième Internationale, avec le développement des partis de masse, l’acceptation du socialisme, etc…
Engels & le Labour Party
Engels a adopté une approche similaire à celle de Marx dans la dernière partie du dix-neuvième siècle, en Grande-Bretagne par exemple, pendant la « longue hibernation » de la classe ouvrière. Il a patiemment propagé l’idée d’un « parti des travailleurs indépendant », en opposition au sectarisme des forces socialistes et même « marxistes » de ce temps. Il ne s’est par exemple pas basé sur la Social Democratic Federation (Fédération Social-Démocrate) qui avait formellement adhéré au « socialisme scientifique » et comprenait à un moment plus de 10.000 membres, mais qui avait aussi adopté une attitude ultimatiste et sectaire envers d’autres forces et en particulier envers l’idée de rassemblement pour créer un parti indépendant de la classe ouvrière. Aucun théoricien dans le mouvement ouvrier n’égalait à ce moment Engels, historiquement le second derrière Marx lui-même, mais il insistait sur le fait qu’étant donné le niveau de conscience et d’organisation politique de la classe ouvrière britannique à cette époque, un tel pas en avant vaudrait des douzaines de programmes. Il s’agissait d’une reconnaissance du fait – illustré plus tard par le développement du Labour Party (le parti travailliste) comme parti de masse – qu’une « pure » et immaculée organisation marxiste en Grande-Bretagne avec des racines dans les masses ne pourrait se développer sans que la masse de la classe ouvrière ne passe d’abord par l’expérience de son propre parti indépendant.
Lénine a adopté la même attitude face au Labour Party qui était né depuis, même si ce dernier n’avait pas adopté une orientation socialiste à sa fondation. Il disait que même si le Labour Party « ne reconnaissait pas la lutte des classes, la lutte de classe reconnaîtrait certainement le Labour Party ». Son analyse a elle aussi été confirmée par le virage à gauche avec des traits révolutionnaires prononcés qu’a connu la Grande-Bretagne après la Révolution russe. Cela s’est notamment exprimé à l’intérieur du Labour Party par l’adoption de l’aspiration au socialisme à travers la célèbre « clause quatre », liquidée par « l’entriste bourgeois » Tony Blair en 1995.
Depuis lors, le processus de dégénération politique du « New Labour » a été inéluctable et immuable. Et cela en dépit des minces espoirs de ceux qui comme Tony Benn habitent un avant-poste réformiste de gauche isolé au milieu de l’océan néo-libéral du New labour. Cette dégénération n’a pas seulement eu des conséquences idéologiques, mais a également affecté matériellement les luttes de la classe ouvrière. La bourgeoisie a pu utiliser avec succès l’effondrement du stalinisme pour mener une contre-révolution idéologique à travers le monde entier dont les plus grands effets se sont fait sentir aux sommets de la social-démocratie et de l’aile droite syndicale. Leur enthousiasme à embrasser l’économie de marché a renforcé la capacité de la bourgeoisie à vendre son programme néolibéral, accompagné par le leitmotiv de Thatcher, « There is no alternative / Il n’y a pas d’alternative ». À la différence des années ’80, où cette idée était rejetée, elle est maintenant renforcée par les dirigeants ex-sociaux-démocrates et par l’aile droite syndicale.
La seule alternative
Quand les « partis ouvriers bourgeois » étaient réformistes, la classe dirigeante était au moins forcée de regarder derrière son épaule. Ces partis étaient dans une certaine mesure un « contrôle », ne fut-ce que partiel, pour empêcher la bourgeoisie d’aller « trop loin ». Un regard sur l’Allemagne d’aujourd’hui renforce ce point. L’apparition du « Die Linke » d’Oskar Lafontaine, même avec toutes les insuffisances de ce parti, a néanmoins exercé un effet sur les sociaux-démocrates du SPD. Emmêlé dans une coalition bourgeoise avec les démocrates-chrétiens d’Angela Merkel, le SPD a connu une baisse dramatique de son soutien, électoralement ainsi qu’en terme d’adhésions. Parallèlement, Die Linke a bénéficié de la perte de soutien du SPD et se tient actuellement à environ 12% dans les sondages d’opinion. En retour, cette situation a contraint les sociaux-démocrates à s’opposer à certaines « réformes », telles que l’attaque brutale contre les chômeurs, alors qu’ils en avaient accepté le principe dans la précédente coalition et le précédent gouvernement de Schröder, lui-même du SPD.
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‘Pour la Grande-Bretagne’, c’est-à-dire pour les riches et les patrons, au détriment des pauvres et des travailleurs…
En Grande-Bretagne, Gordon Brown utilise à sa sauce la vieille affirmation de Thatcher en déclarant aux directions syndicales « quelle est votre alternative au New Labour ? ». Les élections – avec les trois principaux partis qui dans les faits ne se distinguent pas – sont maintenant pratiquement une farce en Grande-Bretagne. Le système électoral britannique combiné à l’absence de réel choix signifie que les résultats des prochaines élections, comme Polly Toynbee (du quotidien The Guardian) l’a précisé, seront déterminés par les votes « marginaux ». Finalement, seuls les 20.000 électeurs « flottants » décideront du résultat.
Ceci va de pair avec la domination d’une caste bureaucratique de droite ossifiée au sommet des syndicats, comme Prentis (secrétaire général du syndicat Unison, le plus grand syndicat professionnel de Grande Bretagne) et d’autres, qui agit en tant que véritable frein sur chaque action efficace, tel que l’a encore démontré le récent conflit postal. Mais le mécontentement colossal de la base montre que cette situation ne pourra continuer sans arriver à un conflit, dans les usines ou politiquement. Sans compétition sérieuse de la part de la gauche, y compris de la gauche syndicale, Gordon Brown continuera à traiter les syndicats et en particulier leur direction avec le plus grand mépris avec l’assurance que le New Labour est la seule alternative.
La classe ouvrière française – actuellement engagée dans une lutte épique contre le gouvernement Sarkozy qui est décidé à casser ses droits et conditions de vie – fait face à un dilemme semblable. Durant les 15 dernières années, chaque fois que la bourgeoisie française a cherché à affronter la classe ouvrière de telle manière, cela s’est terminé par sa défaite partielle. Mais étant donné la perception négative qu’a la bourgeoisie française de sa position face à ses concurrents capitalistes européens et internationalement, les capitalistes français sont « cette fois » décidés à ne pas laisser passer de concessions à la classe ouvrière. Dans ce cadre, l’absence d’un pôle d’attraction de masse sous la forme d’un parti de masse est assurément un facteur qui affaiblit la lutte.
Sarkozy a ainsi pu gagner les dernières élections avec une campagne menée contre son propre gouvernement, qui, selon lui, présidait une « société bloquée ». Cette stratégie n’a pu être payante que grâce à l’absence de challenger face à lui avec Ségolène Royal et son Parti Socialiste maintenant complètement bourgeois. Déjà en 1995, quand les travailleurs français avaient remporté une victoire contre la bourgeoisie et le « plan Juppé », l’absence d’une alternative politique pour les masses était palpable. Les capitalistes auraient alors pu être poussés dehors, mais faute d’un gouvernement et d’un parti politique de masse capable de l’avancer, toutes les conclusions nécessaires de cette lutte n’ont pas été tirées.
Leçons du Brésil
Cette situation n’existe pas au Brésil, en raison de la formation du parti du socialisme et de la liberté (P-SoL), créé en 2004 comme résultat de la révolte suscitée par le virage à droite du gouvernement de Lula après son élection en 2002. La formation de ce parti et son évolution par la suite est une donnée d’importance pour le Brésil lui-même, mais elle comprend également bien des leçons pour les travailleurs et le mouvement de la gauche internationalement. La création du P-SoL est le produit du dégoût ressenti par les travailleurs, en particulier dans le secteur public, à cause de la rapide trahison de Lula et de son gouvernement placé sous la direction du PT (Parti des Travailleurs) qui s’est exprimée dans l’acceptation des attaques contre les masses demandées par le capitalisme brésilien.
Auparavant, des couches de la gauche brésilienne, et parmi elles même certaines qui avaient des antécédents trotskistes, avaient entretenus quelques espoirs que Lula aurait installé un gouvernement de « gauche » une fois arrivé au pouvoir. Pourtant, avant même les élections, Lula lui-même avait clairement capitulé face au « consensus de Washington » du néo-libéralisme (acceptation des principes de privatisation, de travail précaire et de soumission au capital étranger). Son évolution à droite avait été illustrée par les nombreux éloges qu’il avait reçu de la part des chauds partisans et prêcheurs du néo-libéralisme « social-démocrate ». Ainsi, alors que Blair et Mandelson (l’un des principaux architectes de la transformation du Labour Party en New Labour et proche collaborateur de Tony Blair) avaient précédemment fortement attaqué le PT et Lula, ce dernier n’a ensuite reçu que des félicitations de leur part. Pour reprendre ses propres paroles, Lula s’est avéré être « une paire de mains sûre » pour le capitalisme et l’impérialisme brésilien. L’attaque menée contre les fonctionnaires, cependant, a provoqué une opposition au sein du PT, exprimée avec force par un certain nombre de ses parlementaires, tels que Heloísa Helena, Baba et Luciano Genro. Avec un autre parlementaire, ils ont tous été sommairement expulsés par Lula à cause de leur opposition à son programme de « réforme des pensions ».
Cette trahison avait un sens aigu, compte tenu du fait que Lula – à la différence de Blair – est à l’origine issu des profondeurs de la classe ouvrière brésilienne. Le P-SoL a quant à lui rassemblé des sections significatives de la gauche brésilienne militante et combative. À sa conférence de fondation en 2004, ce nouveau parti s’est clairement affirmé socialiste et à gauche, avec la plupart des participants provenant d’un passé trotskiste.
Le trotskisme possède de fortes et profondes racines en Amérique Latine, particulièrement au Brésil et en Argentine. Cette tradition s’est principalement reflétée dans deux tendances, celle du Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale (USFI, United Secretariat of the Fourth International) d’Ernest Mandel et celle des organisations morénistes, menée par Nahuel Moreno. Le morénisme et son organisation internationale, Liga Internacional de los Trabajadores (LIT – la Ligue Internationale des Travailleurs) ont représenté une réaction face à Ernest Mandel et sa politique qui a combiné des éléments ultra-gauches à un moment donné (avec un soutien désastreux à des mouvements de guérilla urbaine) avec de l’opportunisme, élément qui a d’ailleurs plus tard mené l’USFI à connaître la rupture au Brésil. Certains de ses adhérents ou anciens adhérents ont participé au gouvernement de Lula comme ministres.
On trouve dans la tradition moréniste d’excellents militants qui ont fait de grands sacrifices pour la cause des travailleurs, certains y ont même laissé leurs vies. Cela a particulièrement été le cas en Argentine et au Brésil. Dans le même temps, l’opposition de Moreno à l’opportunisme de Mandel s’est crûment exprimée. Moreno lui-même l’a illustré et a commis de sérieuses erreurs d’un caractère ultra-gauche, comme le démontre sa surestimation du MAS (nom du parti moréniste à cette époque) dans l’Argentine des années ‘80. Bien que le MAS se soit en Argentine développé pour devenir une force considérable, Moreno a surestimé sa capacité à « prendre le pouvoir ». Après sa mort, ses héritiers ont commis beaucoup d’erreurs, la plus importante concernant l’analyse de l’effondrement du stalinisme. Ils ont ainsi présenté cet évènement unilatéralement de manière « progressiste ». La bourgeoisie avait internationalement adopté une attitude similaire, résumée par le Wall Street Journal qui a déclaré dans un éditorial au nom du capitalisme « nous avons gagné ».
En résultat de cette analyse, le courant moréniste a connu différentes ruptures qui ont donné lieu à la création de différents organismes et « Internationales » en concurrence féroce les unes contre les autres pour gagner le soutien d’une base de plus en plus réduite d’anciens militants morénistes. Une fois confrontée à l’opposition, plutôt que de débattre et de discuter des idées – comme c’est la tradition au sein du Comité pour une Internationale Ouvrière – la méthode de la direction est caractérisée par les expulsions arbitraires, à la façon du SWP britannique, ou encore tout simplement par des « invitations à partir ».
Récents succès
En dépit de tout cela, la plupart des initiateurs du P-SoL étaient issus du PT et d’un passé trotskiste. Lors des élections présidentielles de 2006, Heloísa Helena (qui provient de la tradition d’Ernest Mandel) a récolté presque sept millions de voix comme candidate du P-SoL et comme alternative de gauche au gouvernement de gauche « traditionnel » de Lula. Ce succès spectaculaire d’un parti très jeune – une plus grande réussite, par exemple, que celle obtenue par le PT à l’occasion de sa première participation aux élections nationales en 1982 – a été une justification complète des positions de ceux qui, à l’instar de Socialismo Revolucionário (SR, section brésilienne du Comité pour une Internationale Ouvrière) et des autres sections du CIO, ont de façon conséquente argumenté en faveur de la création d’un nouveau parti de masse. En conséquence, Socialismo Revolucionário a été l’un des pionniers du P-SoL – en prêtant ses ressources et ses bureaux au nouveau parti dans la première période de son histoire – et a également eu une présence à l’Exécutif National de ce parti. Le plus important a été que le P-SoL a entériné le droit de plate-forme et de tendance, ce qui lui a assuré d’être un parti extrêmement démocratique.
Le P-SoL, cependant, comme Die Linke en Allemagne, n’a pas été créé dans une période d’intensification de la lutte des classes, particulièrement sous forme de conflit dans les usines, comme cela avait été par exemple le cas pour la création du PT dans les années ’80 ou pour le COSATU, la fédération syndicale d’Afrique du Sud, qui s’était déclarée socialiste et « révolutionnaire » dans sa première phase d’existence. Cette situation a eu des conséquences sur le P-SoL, qui était – et est resté – un petit parti de masse de la classe ouvrière. Les nouveaux partis de masse formés au lendemain de la Révolution russe étaient issus de scissions survenues dans les vielles organisations de la classe ouvrière (la social-démocratie) et avaient emporté la grande majorité des travailleurs actifs de ces vieux partis. Mais même alors, la social-démocratie, largement vidée de ses membres, a continué à recevoir le soutien des travailleurs inactifs. Parfois, c’est même la majorité des travailleurs qui sont restés accrochés à ces vieilles organisations suite à une inertie historique ainsi qu’à l’absence de compréhension de la nécessité de nouveaux partis révolutionnaires. Cela demandait, comme Lénine et Trotsky l’ont argumenté, que ces nouveaux Partis Communistes adoptent une tactique de « front unique » pour enrichir et influencer les actions des travailleurs toujours sous la bannière de la social-démocratie.
Ces nouvelles formations, les Partis Communistes, s’étaient toutefois développées dans une période de révolution et étaient généralement assez grandes, avec une base active et des racines enfoncées au sein même de la classe ouvrière. Ce n’est pas le cas de Die Linke en Allemagne, qui est surtout en ce moment un phénomène électoral. Seuls quelques travailleurs et jeunes ont été disposés à rentrer dans ses rangs, et ce peu d’enthousiasme a été particulièrement visible à Berlin et en Allemagne de l’Est. Dans ces régions, Die Linke est regardé avec beaucoup de suspicion en raison des connections de ce parti avec le stalinisme et du fait que les coalitions gouvernementales à Berlin, en particulier, et ailleurs attaquent les conditions de vie de la classe ouvrière. Le P-SoL, à ses débuts, a connu une situation différente. S’il est vrai qu’un certain nombre d’organisations trotskistes étaient présentes, c’était aussi le cas d’une couche importante de travailleurs, d’ « indépendants », etc.
Au même moment, le gouvernement de Lula a constamment plus repoussé sa base à mesure que s’est accentué son virage à droite. Renan Calheiros, membre du PT et ancien président du Sénat Brésilien, a été forcé de démissionner en raison d’un scandale de corruption. Il est, entre autres, accusé d’avoir assuré le salaire d’une ancienne journaliste avec qui il avait eu une liaison et une petite fille de 3 ans. Le Brésil est « habitué » à la corruption, qui est endémique dans les partis bourgeois. Mais la saga des méfaits de Renan a été le « scandale de trop ». La pression populaire a finalement forcé la main à Lula et Renan a été éjecté de ses fonctions.
Le gouvernement Lula a été marqué par des accusations de corruption depuis mai 2005. Bien qu’ayant causé des dégâts sérieux au début, la corruption est tellement habituelle et « intégrée » dans la vie politique brésilienne que les brésiliens « ne s’attendaient à rien de mieux de la part de leurs politiciens ». Selon une estimation, environ 30% des membres du Congrès font l’objet de procédures judiciaires. En fait, beaucoup d’entre eux quittent leurs fonctions pour ainsi éviter les poursuites et les tribunaux ! La corruption est estimée par une étude à ce sujet à 0.5% du PIB (produit intérieur brut). Oui, il a eu un moment où le PT a été perçu comme un parti « différent », avec une vision socialiste d’une nouvelle société. Mais maintenant, tout comme les ex-sociaux-démocrates et les partis ex-« communistes » en Europe et ailleurs, le PT, après avoir accepté le capitalisme, a embrassé la « philosophie » qui y est associée.
La bourgeoisie brésilienne s’est ralliée au gouvernement de Lula parce qu’il « fait son job » en défendant les profits du capitalisme. Le crédit et la demande domestique explosent alors que des millions de Brésiliens pauvres deviennent des « consommateurs pour la première fois » (selon le « Financial Times »). Ce qui arrive quand la base de l’économie américaine s’effondre et a des répercussions sur la Chine, un énorme marché pour les produits du Brésil, est un autre problème. Même un léger ralentissement du taux de croissance de l’économie brésilienne sera une catastrophe pour les millions de personnes, particulièrement des pauvres, qui ont placé leur confiance dans le gouvernement de Lula pour détruire le cauchemar que forme la vie quotidienne de millions de Brésiliens. L’agriculture, le secteur des services et même l’industrie ont ressenti la croissance économique du pays à la suite de la croissance économique mondiale. De plus, les dépenses dans la consommation ont augmenté, avec l’aide d’une certaine augmentation du salaire minimum et des avantages pour les plus pauvres ainsi que d’une injection de crédit dans l’économie (dont la taille a doublé depuis 2003 pour atteindre aujourd’hui environ 35% du PIB). Un ralentissement ou une récession économique mondiale aurait un effet dévastateur sur les millions de personnes dont les espoirs ont été suscités par la récente croissance économique et par la création d’emplois, bien que très mal payés.
Le gouvernement clame que plus de 1.2 million d’emplois ont été créés dans les douze mois qui ont précédé juillet 2007. Cela a signifié que certaines des sections les plus faibles de la population et même des sections de la classe ouvrière ont bénéficié du gouvernement Lula. En conséquence, le soutien électoral fondamental du gouvernement ne s’est pas encore évaporé. La bourgeoisie tolère Lula comme la « meilleure option » tandis que les pauvres et la classe ouvrière n’ont pas encore dans leur grande majorité retiré leur soutien au gouvernement. Toutefois, la classe moyenne ressent plus intensément la crise de l’infrastructure, en particulier dans l’industrie aéronautique et s’oppose en majorité au gouvernement. La situation économique, sociale et politique est par conséquent fortement volatile.
Pour aller plus loin de sa base limitée, bien qu’importante, de 6% de l’électorat, le P-SoL devrait se positionner de manière à attirer dans ses rangs les « réserves lourdes » de la classe ouvrière qui demeurent toujours derrière Lula et le PT à titre d’essai. Ils briseront ces amarres dès que le Brésil sera affecté par la vague économique et sociale orageuses qui arrive. Mais ce n’est pas dit que ces derniers passeront au P-SoL si ce parti n’adopte pas les politiques, la stratégie et la tactique nécessaire pour les attirer.
Le piège électoral
Le développement de Rifondazione Comunista (PRC) en Italie contient beaucoup de leçons et d’avertissements pour le P-SoL et le Brésil. La création du PRC a représenté un pas en avant gigantesque pour la classe ouvrière italienne mais, à ses début, il n’a entraîné avec lui que la plupart des couches les plus avancées et militantes. Le parti, en particulier sous la direction de Bertinotti, n’a pas sérieusement miné la base des Démocrates de Gauche (DS – la majeure partie de l’ancien parti communiste italien) même alors que ces derniers se déplaçaient vers la droite. Une des raisons qui explique ce phénomène est la position contradictoire du PRC, en particulier son enthousiasme électoraliste qui s’est fait aux dépens d’une dynamique de politique de lutte des classes. D’ailleurs, au lieu de poursuivre une politique d’intransigeance de classe face au capitalisme, la direction du PRC a glissé dans le marais de la collaboration de classes sous forme de coalition. Même avant qu’un « bloc national » ne se forme au niveau local et dans les villes, le PRC a partagé localement le pouvoir avec les partis bourgeois. Ceci a inévitablement conduit aux attaques contre les travailleurs et les syndicats à un niveau local et le PRC a été considéré comme responsable aux yeux des travailleurs.
De cette étape à une coalition formelle avec les partis bourgeois autour de Prodi au niveau national, il n’y avait pas un grand pas à faire. Il ne s’agissait au début que d’un soutien « extérieur » du PRC au gouvernement « olivier » de 1996. Sans même l’effet des « avantages » des postes ministériels et des piéges qui y sont liés, le PRC s’est odieusement associé aux attaques de ce gouvernement contre la classe ouvrière et les syndicats. C’est cette politique qui a pavé la voie au retour de Berlusconi. Maintenant, Rifondazione Comunista a franchi une étape supplémentaire en rejoignant formellement la coalition de Prodi qui, comme Lula au Brésil, attaque les pensions, l’éducation et tous les acquis passés de la classe ouvrière italienne. Sous la direction de Bertinotti en tant que « président » de la chambre italienne des députés, le PRC va perdre sa peau de parti spécifiquement pour les travailleurs pour devenir une des composantes de la « chose rouge » (selon le terme utilisé par la presse pour parler de la nouvelle formation regroupant principalement le PRC, les verts et une scission des Démocrates de Gauche), qui est un masque servant à cacher la création d’un autre parti libéral et capitaliste.
Ce processus n’est pas encore complètement arrivé à son terme au sein du PRC, mais c’est un avertissement d’ampleur au P-SoL et à tous les nouvelles organisations de la classe ouvrière. Sans politiques claires et indépendante des formations bourgeoisies (et sans coalition avec les forces bourgeoises), ces nouvelles formations, plutôt que d’être autant de chrysalides à partir desquelles peuvent émerger des pôles d’attraction pour les masses, pourraient être étouffées dès leur naissance. Le P-SoL n’a jusqu’ici pas atteint cette étape. Cependant, les énormes pressions de la société bourgeoise pour « se conformer » – c’est-à-dire élever le profil électoral aux dépens de l’intervention dans la lutte des classes, en particulier la lutte dans les usines et les mouvements sociaux en général – ont eu un certain effet sur la direction du P-SoL.
Virage à droite
Heloisa Helena adopte des positions moins radicales…
[/box]Cela s’est reflété lors des élections présidentielles, en particulier par la voix de la candidate Heloisa Helena, par la minimisation des politiques radicales dans le but d’aller au devant d’un maximum de voix. Elle s’est également prononcée contre l’avortement, mais s’est alors heurtée à la majorité des membres du P-SoL. Heloísa Helena a d’ailleurs rencontré l’opposition implacable de la majorité des délégués au récent Congrès du P-SoL. Mais un groupe constitué autour d’elle, en particulier certains membres du parlement comme Luciana Genro, qui vient de Rio Grande Del Sul, ont cherché à pousser le P-SoL vers une politique plus « pragmatique », ce qui constitue une orientation droitière. Cette position a été renforcée par de récents réfugiés issus du PT qui ont maintenant rejoints les rangs du P-SoL.
Ensemble, ils ont avec succès décalé la direction du P-SoL vers une orientation plus à droite qui, en retour, a provoqué une opposition gauche, dans laquelle est impliquée Socialismo Revolucionário. Cette opposition a reçu juste en dessous d’un quart des voix au Congrès du P-SoL. Socialismo Revolucionário cherche à dépasser ce chiffre en forgeant un front unique des organisations les plus conséquentes de la gauche, à travers l’établissement d’un « bloc des quatre » dans le P-SoL. Ce bloc a impliqué Socialismo Revolucionário ainsi que d’autres groupes partout dans l’ensemble du Brésil, tous issus du trotskisme.
Quelques parallèles historiques peuvent être faits avec ce développement. Après la victoire d’Hitler en 1933, sans que le Parti Communiste allemand n’ait entreprepris de résistance sérieuse, une crise profonde de confiance a traversé les « Internationales » existantes (la deuxième, social-démocrates, et la troisième, qui avait dégénéré des positions communistes vers le stalinisme). Trotsky a alors proclamé la nécessité de la création d’une nouvelle, la Quatrième Internationale. En conséquence arriva la formation d’un « bloc de quatre » partis, décrit par Trotsky comme étant « particulièrement important ». Ces quatre partis étaient l’Opposition de Gauche Internationale trotskiste, le Parti Ouvrier Socialiste allemand (SAP), et deux partis de gauche hollandais, le Parti Socialiste Révolutionnaire (RSP) et le Parti Socialiste Indépendant (OSP). Ensemble, ils ont signé une déclaration pour une « nouvelle internationale » suivant les principes de base de Marx et de Lénine.
Ce « bloc des quatre » s’était donné des objectifs plus grandioses que l’actuel « bloc des quatre » dans le P-SoL, mais la logique est finalement identique : comment maximiser le potentiel pour la gauche dans le mouvement de la classe ouvrière. L’ancien bloc des années ‘30 n’a été jamais été consolidé en une nouvelle formation permanente en raison des contradictions politiques entre les dirigeants des partis non-trotskistes. Dans le cas du P-SoL, les organisations sont beaucoup plus proches politiquement, avec toutes les chances, si une clarté politique arrive à être obtenue, de forger une force politique cohérente au sein du P-SoL.
Le P-SoL illustre, tout comme les expériences issues du PRC en Italie, que le succès continu et la croissance de l’influence ainsi que du nombre de membres d’un parti n’est pas automatiquement garantie si un nouveau parti se déplace vers la droite. Cependant, la gauche est plus claire et a plus de potentiel dans le P-SoL que dans le PRC italien. Il faut en voir la raison dans les organisations trotskistes qui, dès la fondation du PRC, ont poursuivi une politique fondamentalement fausse. La section italienne du Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale, sous la direction du défunt Livio Maitan, ne se différenciait pas de Bertinotti – elle a été durant longtemps membre de la même « fraction » et n’a par conséquent pas gagné de forces substantielles. D’autres organisations ont adopté une position ultra-gauche ou un rôle purement militant, un rôle de commentateur.
Le « bloc des quatre » brésilien
L’opposition de gauche organisée dans le P-SoL est beaucoup plus forte politiquement. Le front unique des organisations, le « bloc des quatre », inclut des camarades d’Alternativa Revolucionária Socialista (Alternative Socialiste Révolutionnaire – ARS), en particulier présent à Belem, dans le nord du Brésil. Une autre organisation présente à São Paulo est le CLS (Liberté Socialiste Collective), composé de travailleurs qui ont une tradition de lutte à São Paulo et à Minas Gerais, un Etat très important, où le CLS a une base importante dans les mouvements sociaux, en particulier le mouvement des paysans sans terre et parmi les imprimeurs. Deux autres organisations participent encore à ce bloc. Il est à espérer que ce « bloc des quatre » sera consolidé par une série de meetings et d’activités publiques qui pourraient alors attirer d’autres groupes dissidents du P-SoL.
En même temps, un processus de regroupement des marxistes-trotskistes suit son cours. À son récent congrès, auquel ont participé des représentants des groupes qui travaillent dans le « bloc des quatre », Socialismo Revolucionário, avec ces camarades, s’est fixé la tâche de construire une force marxiste numériquement plus forte et bien plus influente. Étant donné qu’à ce stade, le P-SoL est relativement vide de nouvelles couches de la classe ouvrière, cette tâche ne pourra pas seulement se faire en concentrant principalement les activités à l’intérieur de ce parti. La bataille au niveau des usines est aussi cruciale, si pas plus, en ce moment. Mais le P-SoL n’a pas encore épuisé son potentiel. L’effondrement du « Lulaïsme » et du PT aura comme conséquence que des couches plus importantes placeront leurs espoirs dans le P-SoL. Une des raisons qui justifie l’appel pour un nouveau parti de masse des travailleurs est que cela offre l’opportunité à la classe ouvrière et à la gauche de rassembler des forces jusqu’ici dispersées.
De tels nouveaux partis sont une arène pour la discussion, le débat et l’élaboration de politiques capables de garantir le succès de la classe ouvrière à l’avenir. L’existence d’une épine dorsale viable de marxiste-trotskistes dans un tel parti est essentielle à son succès. Sans cela, ces partis, y compris le P-SoL, peuvent stagner, voir même diminuer et disparaître, même si ils ont connu initialement des succès. Cela semble toutefois peu probable au Brésil, étant donné l’influence du marxisme dans le P-SoL.
La tâche des marxistes au Brésil, qui sera ardemment suivie par les marxistes du monde entier, est d’intervenir dans les processus qui se déroulent dans le P-SoL pour l’éloigner du réformisme et des nuances de centrisme – c’est-à-dire une phraséologie révolutionnaire qui couvre des positions réformistes – en rassemblant les meilleures forces à la gauche du P-SoL. La première étape vers cet objectif est la création d’une organisation trotskiste puissante, avec de claires perspectives, tactiques, stratégie et organisation. Le capitalisme entre en crise, mais cela ne signifie pas que la gauche va automatiquement l’emporter. Pour que cela se réalise, il faut créer de nouveaux partis de masse des travailleurs. Les développements au sein du P-SoL seront vivement observés et étudiés par les marxistes du monde entier pour y apprendre les leçons utiles aux développements semblables ailleurs.
Pour en savoir plus
- Un nouveau parti de gauche en Allemagne : Die Linke : un nouveau parti contre le capitalisme ?
- France : Pour une campagne de lancement d’un nouveau parti, maintenant !
- Belgique : 71% des Belges désapprouvent les politiciens : Un nouveau parti des travailleurs est nécessaire !
- Belgique : SP.a et PS : la faillite du réformisme
- Rubrique « Nouveau Parti des Travailleurs » sur socialisme.be
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Changements climatiques : Les prix vont suivre la température
La question de l’écologie et de la préservation de notre environnement est vue parfois comme un problème secondaire, comme une préocupation réservée à ceux qui n’ont que cela à faire. Le cynisme n’est pas étranger au regard que certains portent sur les modifications du climat : « plus de soleil, plus de bronzage ! ». Pourtant, il s’agit d’un problème crucial et pour notre avenir immédiat également.
Souvent, les militants écologistes ont été vus comme des farfelus. Mais bon, il est vrai que pour un travailleur aux prises avec l’exploitation qu’il subit sur son lieu de travail – avant de replonger dans la vie familliale et les problèmes des enfants, des factures à payer,… – il n’est pas toujours évident d’être sensible au drame que représente la disparition d’un petit mammifère en Asie. D’autant plus que les solutions proposées par les Verts – « officiels » et autres – n’ont régulièrement été que des délires utopistes ou des taxes supplémentaires (évidemment, uniquement pour les consommateurs afin de ne pas effrayer les principaux pollueurs que sont les entreprises).
Depuis quelques temps, les rapports du GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat), d’autres organismes similaires ou encore ceux de l’ONU ont fait la une de l’actualité. Il est maintenant devenu complètement absurde de nier les effets de l’activité humaine sur la terre. Mais pour beaucoup de gens, les chiffres donnés restent abstraits ou lointains. Pourtant, 50 millions de « réfugiés écologiques » en 2010 à cause des sécheresses et innondations croissantes, ce n’est pas rien. Le culte de l’individualisme qui a déferlé sur la société ces dernières années n’est pas pour rien dans le désintérêt surprenant à l’égard des enjeux du problème.
Un article paru dans le « Wall Street Journal » et relayé dans le « Courrier International » du 10 au 15 mai donne des données beaucoup plus concrètes sur l’impact du réchauffement climatique sur notre quotidien immédiat. Tout l’article est centré autour de la flambée des prix (l’inflation) alimentaires qui va découler des mauvaises récoltes dues aux températures anormalement élevées et à l’absence de pluie.
Par exemple, dans le Land de Saxe, dans l’est de l’Allemagne, les prix des denrées alimentaires ont augmenté quatre fois plus que les autres produits de consommation durant le mois de mars de cette année. Et dans l’ensemble du pays, le volume des pluies a été 90% inférieur à la normale durant le mois d’avril. « C’est le mois d’avril le plus sec, le plus chaud et le plus ensoleillé jamais enregistré » déclare le service national de météorologie allemand.
En France, les températures durant ce mois ont été globalement 10% supérieures aux moyennes saisonnières tandis qu’en Espagne, les bassins de rétention d’eau ne sont remplis qu’à 40% de leur niveau normal. De fait, le mois d’avril 2007 a été le plus sec depuis au moins un siècle en Europe ; jamais en Belgique nous n’avons connu de pareilles chaleurs en avril depuis au moins 1830.
En Italie, l’organisation patronale redoute les fermetures d’usines durant l’été et le gouvernement est sur le point de décréter l’Etat d’urgence.
La Banque d’Angleterre a, quant à elle, expliqué que si le Royaume-Uni a eu une inflation de plus de 3% c’était en raison « d’une hausse des prix alimentaires provoquée par une réduction mondiale de l’offre en raison des conditions climatiques ». Et si l’inflation annuelle a atteint 3,1% en mars, les prix de la production agricole ont connu une inflation deux fois supérieure.
Le tableau est similaire partout en Europe. « L’augmentation des prix est imminente » déclare le patron de Pinguin (conditionneur belge de légumes surgelés). Les prix se situent à « un niveau trompeusement bas depuis des années» dit-il encore.
Il y a d’ailleurs encore quelques mois, les organisations agricoles misaient sur des récoltes exceptionnelles en raison de l’hiver particulièrement doux que nous avons connu. L’Union Européenne avait même commencé à vendre ses stocks de blé, ce qui avait en conséquence fait diminuer (un peu) les prix.
Le problème ne se situera pas seulement au niveau de l’alimentation, mais également au niveau de l’électricité car la pénurie d’eau aura aussi des effets sur les centrales électriques.
A cela, on peut encore ajouter que la canicule de 2003 avait causé plus de 70.000 décès à travers l’Europe et que les services de soins de santé publics se sont dégradés depuis lors…
Tout ces éléments démontrent que les questions environnementales nous concernent réellement tous. Il est urgent de réfléchir aux solutions à mettre en oeuvre face à la dégradation de l’environnement et ses conséquences, comme par exemple la montée des prix de l’alimentation.
Conscientiser… ou culpabiliser ?
De nombreuses campagnes sont mises en oeuvre pour « conscientiser le citoyen ». Il est certain que le gaspillage d’eau et la pollution sont l’oeuvre de toutes les couches de la société, mais en définitive, les véritables responsables ne sont pas les personnes visées par ces campagnes. Culpabiliser le « citoyen » est un moyen commode pour masquer les premiers pollueurs.
Dans un système basé sur la compétition entre entreprises, il est logique de voir leurs propriétaires faire ce qu’ils peuvent pour éviter de couler. La course aux profits est une nécéssité si un entrpreneur ne veut pas finir dans les poubelles de l’économie. Alors, avec une logique pareille, l’environnement, on s’en préoccupe peu. Pas assez rentable. Frein à la liberté d’entreprendre.
Alors, comme l’ensemble des politiciens tiennent pour acquis que ce sont les entreprises qui créent l’emploi et qu’il faut les séduire et non les effrayer, on ne fait rien à leur niveau. Et si des lois passent, leur respect est encore tout théorique, sans parler des entreprises qui préfèrent payer des amendes qui reviennent de toute façon moins chères que le respect des normes.
Donc… on s’attaque au « citoyen ». Mais les taxes touchent tout le monde de la même manière : le patron de Fortis paie la même taxe sur sa cannette de Coca que le livreur intérimaire de Pizza Hut. Il en va de même avec les incitants pour produits écologiquement meilleurs, comme par exemple les voitures moins polluantes. Mais, dans les faits, ce n’est même pas le cas. Car quand on a les moyens, ce n’est pas un problème de changer de voiture, d’installer une série de panneaux solaires ou de consommer des produits plus respectueux de l’environnement, mais aussi plus chers. En définitive, quand on « conscientise le citoyen », on attaque en réalité les travailleurs, les chômeurs, les femmes au foyer, les jeunes,… La majorité de la population ne pourra pas adapter son comportement puisqu’elle n’en a pas les moyens, et en a d’ailleurs de moins en moins.
De toute façon, les nouveaux impôts ne servent bien souvent même pas à augmenter le budget pour la protection de l’environnement.
Que faire donc ? L’écologie et le capitalisme sont opposés. Lutter pour préserver l’un, c’est détruire l’autre. Le capitalisme est basé sur le gaspillage. La loi du marché et de la concurrence signifie que personne ne sait ce qui est produit avant que cela le soit. Un peu comme si un étudiant allait à son examen de math pour voir ce qu’il doit étudier. Dans ces conditions, on produit trop et sans que cette production ne soit même nécessaire puisque la base est de rapporter aux actionnaires et aux chefs d’entreprises et non de satisfaire les besoins de la population.
Le système qui préserverait le mieux l’environnement est une économie démocratiquement planifiée, c’est-à-dire où les moyens de produire sont aux mains des travailleurs – et non pas d’une minorité de profiteurs – qui décideraient eux-même de ce qu’ils doivent produire en fonction de leurs besoins. Et parmi ces besoins figure la protection de la planète. L’écologie et le marxisme révolutionnaire sont étroitement liés, contrairement à l’image qu’à pu en donner la caricature productiviste stalinienne des ex-pays « socialistes ». A la lutte pour nos emplois, contre la cherté de la vie, contre le racisme,… doit être liée la lutte pour la préservation de notre éco-système.
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"Des soulèvements sociaux enflamment le Mexique"
"Des soulèvements sociaux enflamment le Mexique". Ceci était le titre de la Une du Wall Street Journal pour le week-end du 1-3 septembre. Le vendredi 6 octobre 2006, El País, le quotidien espagnol, comportait un article d’Ignacio Sotelo sous le titre, "Mexique : une situation pré-révolutionnaire". Ces articles révèlent la véritable étendue des batailles et luttes qui se déroulent en ce moment au Mexique, suite à un trucage des élections présidentielles de juin, qui a mené au pouvoir Felipe Calderón, le candidat de l’aile droite conservatrice, le PAN (Partido Acción Nacional – Parti Action Nationale).
Tony Saunois
Depuis lors, le centre-ville de Mexico City reste bloqué par un campement de dizaines de milliers de partisans de López Obrador, le candidat radical et populiste du PRD (Partido Revolucionario Democratico – Parti Révolutionnaire Démocratique).
Bien qu’il soit prématuré de décrire le Mexique, sur une échelle nationale, comme étant arrivé à un stade pré-révolutionnaire classique tel qu’il est compris par les marxistes, des éléments pouvant mener à cette phase commencent à se développer, et un soulèvement social massif se déroule.
Le dernier rassemblement de masse a été l’assemblée populaire à laquelle on estime qu’un demi-million de personnes étaient présentes, le 16 septembre 2006, jour de la Fête d’Indépendance. Cette assemblée élut Obrador "président" d’un gouvernement parallèle dont le but est d’organiser une campagne de masse de "protestation citoyenne" qui devra empêcher Calderón d’être intronisé à la présidence du pays le 1er décembre, et combattre les tentatives du gouvernement de mettre en oeuvre son agenda néolibéral.
Cette campagne a été accompagnée par des batailles massives de la classe salariée, des paysans et d’autres, durant toute cette année. Ces événements historiques ouvrent un nouveau chapitre dans l’histoire des luttes des masses mexicaines. Avec la grande tradition révolutionnaire mexicaine, qui prend sa source dans la période de 1910-20, la classe dirigeante du Mexique et la junte autour de Bush ont de quoi être terrifiés de la manière dont va se dérouler la suite des événements. En tant que seul pays "néocolonial" à partager une frontière avec une grande puissance impérialiste, il ne fait aucun doute que ces soulèvements auront des répercussions massives, pas seulement au Mexique et en Amérique Latine, mais aussi aux USA, avec leur forte population hispanique et mexicaine. Depuis la révolution de 1910-20, le Mexique s’est transformé et a maintenant une classe salariée puissante et bien éduquée, avec 55% de la main d’oeuvre employée dans le secteur des services. La population mexicaine a explosé de 15 millions en 1910, aux 100 millions actuels. En 1910, 29% des gens vivaient dans les villes, alors que ce chiffre s’élève maintenant à 75%. Cependant, l’histoire de la révolution mexicaine est bien implantée dans la conscience des masses.
Comme le disait le Wall Street Journal (01/09/06): "L’âpre bataille qui se déroule juste après les élections a révélé une facette du Mexique, que beaucoup assumaient ne plus se trouver que dans les livres d’histoire." Le même article comparait la situation actuelle, avec la période qui s’est ouverte en 1913 après l’assassinat du président Francisco Madero, "la période que les Mexicains appellent maintenant leur ‘révolution’". Enrique Krauze, un historien mexicain proéminent, et adversaire d’Obrador, avertit que "Il ne doit faire aucun doute que M. López Obrador représente une menace révolutionnaire. Ceci n’est pas une blague. J’espère qu’il n’y parviendra pas, et que la démocratie aura le dessus. Mais néanmoins, il est important que tout le monde réalise bien ce qui est en jeu." (WSJ, 01/09/06)
Toutefois, plutôt que López Obrador, la menace réelle vient de la puissance de la masse des salariés, paysans, étudiants, et autres exploités du capitalisme qui le soutiennent. Car, tout en dénonçant la corruption, la pauvreté et l’inefficacité, son programme radical est limité à une application au sein du système capitaliste, avec pour objectif de "faire le nettoyage" et de construire une forme plus "humaine" de capitalisme.
Ce que craint la classe dirigeante, et à juste titre, en ce qui concerne la montée au pouvroir d’Obrador, est qu’une telle victoire ouvre grand la porte à des mouvements massif de grèves et d’occupations d’usines, afin d’exiger du gouvernement qu’il dirigera, d’aller bien plus loin que ce que lui-même avait l’intention de faire au début. Il est clair que le nouveau gouvernement de Calderón, s’il est capable de s’asseoir sur sa chaise de président, n’aura ni crédibilité, ni autorité. Des luttes massives sont imminentes, et beaucoup ont déjà lieu.
Même avant les élections présidentielles, des milliers de mineurs à Lázaro Cárdenas, dans l’état du Michoacán, ont été impliqués dans une rude grève qui a vu des conflits avec la police, et au cours de laquelle deux mineurs ont perdu la vie.
Les métallurgistes ont aussi connu un mouvement de grève de 141 jours, qui a fermé le port, qui a impliqué des batailles rangées entre policiers et grévistes, et l’incendie de deux des bureaux de leur entreprise. Les métallos n’ont pas seulement gagné chacune de leurs revendications, mais ils sont aussi parvenus à forcer l’enterprise à les dédommager de leur salaire pour chaque jour de grève.
Le Mexique a une classe salariée puissante et fortement syndiquée, avec 10 millions de syndicalistes. La plupart sont dans les syndicats officiels liés à l’ancien régime du PRI (Partido Revolucionario Instituciónal – Parti Révolutionnaire Institutionnel) qui a dirigé le Mexique pendant plus de 70 ans sous un système de plus en plus corrompu et répressif, et qui incluait dans son économie un très fort secteur de corporation d’Etat.
Arrivé au pouvoir en 2000, le PAN néolibéral agit en faveur du capitalisme et de l’impérialisme. Il est maintenant impatient de pouvoir mettre la main sur le pétrole, l’électricité, l’eau et les autres services publics – qui appartiennent tous à l’Etat – pour pouvoir les revendre. Même les dirigeants corrompus des syndicats officiels sont maintenant obligés d’agir, sous pression de leurs membres, mais aussi pour défendre leurs propres intérêts.
400 000 travailleurs de la sécurité sociale menacent de partir en grève dès la mi-novembre. Le dirigeant du syndicat est un partisan d’Obrador. Maintenant, la direction des travailleurs de l’électricité à Mexico City menace aussi de partir en grève contre les investissements privés, et soutient Obrador. Lors d’un rassemblement de masse, Fernado Amezcua, un haut dirigeant syndical, a déclaré que "Nous ne permettrons pas le pillage de nos ressources nationales". Sous l’ancien régime du PRI, la direction syndicale collaborait à la politique en tenant leur base à carreau, en échange de concessions de la part du secteur d’Etat. Mais maintenant, avec ces menaces, des luttes majeures de la classe salariées sont en cours d’éruption.
D’énormes concessions (pour le monde néocolonial) ont été remportées par la classe salariée mexicaine, et que la classe dirigeante aimerait remettre en cause. Les investisseurs impérialistes veulent réformer le Code du Travail, introduit dans les années 30 (sous le régime radical-populiste de Cardenas – qui avait nationalisé l’industrie pétrolière, et accordé l’asile politique à Léon Trotsky). Ce Code assure que le plus haut salaire qui aurait été accordé par une entreprise à ses travailleurs, devient automatiquement le salaire de tous les travailleurs du même secteur ! Et cela, même, dans les entreprises où il n’y avait pas de représentation syndicale. Même Calderón n’ose pas encore attaquer cette partie du Code du Travail, de peur de provoquer une nouvelle explosion encore plus large.
Pourtant, tous les analystes craignent que ce que seront les batailles à venir au Mexique, est ce que l’on peut déjà voir dans l’état d’Oaxaca, dans lequel une insurrection populaire est maintenant en cours. Ce qui a commencé par une grève militante des professeurs pour leurs salaires, s’est maintenant développé en une insurrection de masse, qui demande la démission du gouverneur de l’état, Ulises Ruis, membre du PRI.
70 000 enseignants sont maintenant en grève dans cet état, depuis début mai, bloquant l’accès aux cours pour 1,3 millions d’étudiants. Pour toute cette période, l’état a été contraint de leur payer leur salaire plein. Ces professeurs ont une très forte tradition militante. Chaque année depuis les années 80, ils sont partis en grève en demandant une hausse de salaire supérieure à celle accordée par les négociations entre le gouvernement et la direction syndicale nationale. En général, après une manifestation à Mexico City, ils gagnaient quelques centaines de dollars de plus. Mais cette année, lorsque les négociations sont arrivées à leur terme, ils ont simplement demandé 100 millions de dollars, et ont entamé une grève. Le chef des enseignants d’Oaxaca, Enrique Rueda, a résumé l’attitude des professeurs en ces termes : "Nous avons appris à nous battre pour chaque chose que nous obtenons, parce que sinon, personne ne nous accorde aucune attention."
Depuis trois mois, la capitale de l’état est assiégée. Les touristes ne vont plus visiter la petite cille coloniale. Le gouverneur se cache, et le congrès de l’état ne peut plus se rassembler qu’en secret dans un hôtel. L’Assemblée Populaire d’Oaxaca (APPO), formée pour soutenir les professeurs, est un organisme de coordination pour des centaines d’organisations sociales, syndicales, indigènes et politiques, qui a virtuellement pris à sa charge la gestion de la ville, y compris la sécurité. La police a disparu, et n’apparaît qu’en secret, pour tirer au hasard sur tous les activistes qu’ils croisent. Des groupes de jeunes, avec des bandanas pour recouvrir leur figure, parcourent la ville, et il y a des groupes de professeurs au coin des rues, dont bon nombre sont armés de machettes, et qui arrêtent tous ceux qu’ils jugent suspects.
L’APPO a implémanté un couvre-feu dès 22h, et a interdit la prise de photos, à cause de la surveillance de la police. Les insurgents ont pris le contrôle de huit stations de radio privées pour diffuser leurs revendications et leurs appels à l’action, afin de coordiner le mouvement. Le gouverneur d’état a peur d’apparaître en public, les juges d’état se cachent dans leurs maisons : toute la ville est en pause. On voit donc ici des éléments de double pouvoir et de situation pré-révolutionnaire. Ceci signifie que la vieille machine d’Etat capitaliste n’est plus totalement contrôlée, et qu’une partie de ses fonctions ont été reprises par la classe salariée et ses partisans, mais que les travailleurs n’ont pas un contrôle total, et que la vieille machine d’Etat existe toujours, bien qu’affaiblie.
Une telle situation ne peut continuer indéfiniment – et surtout pas si elle est isolée à un seule état. Le mouvement peut toujours s’essoufler, ou même être écrasé. Le gouvernement s’est abstenu d’intervenir brutalement jusqu’ici, de peur de provoquer une crise encore plus profonde. Toutefois, de telles mesures pourraient être tentées à un certain stade, de sorte à essayer d’intimider les masses sur le plan national, et de leur ôter toute envie de tenter ailleurs une telle rébellion. Alors que la revendication centrale du mouvement s’est centrée sur la démission du gouverneur, il est urgent que le mouvement à Oaxaca se répande et entreprenne toutes les démarches possibles afin de gagner le soutien des masses nationalement, ce qui inclut des manifestations et des grèves nationales, en solidarité avec les gens d’Oaxaca. Obrador a gardé ces distances vis-à-vis de ce mouvement, et a insisté pour que la lutte nationale se limite à "une protestation citoyenne et pacifique", ce qui est très révélateur. Pourtant, cette rébellion à Oaxaca n’est qu’un avant-goût des mouvements à venir au Mexique, au cours des prochains mois ou années.
Tandis que se développe cette lutte au Mexique, la nécessité pour la classe salariée de développer ses propres organisations, parti et programme indépendants afin de renverser le capitalisme, devient de plus en plus pressante. Une tâche urgente, consiste à se battre pour la démocratisation des syndicats, qui sont toujours dirigés par une puissante bureaucratie antidémocratique sur des lignes corporatistes. Des élections démocratiques et libres pour la direction syndicale, et le contrôle démocratique des syndicats par la base, sont une étape urgente et cruciale.
En même temps, une campagne pour une grève de 24h, nationale et générale, doit être lancée, en tant que premier pas pour empêcher l’intronisation de Calderón. Une campagne de désobéissance civile, comme celle qui est proposée par Obrador, n’est pas suffisante pour infliger une défaite aux gangsters corrompus qui ont volé les élections au peuple mexicain.
Des comités de lutte démocratiquement élus doivent être établis dans tous les lieux de travail, universités et quartiers ouvriers, ouverts aux paysans et aux autres personnes opposées au système existant. De tels comités, dont les délégués doivent être élus, révocables et pleinement responsables devant des assemblées de masse, doivent être structurés à l’échelle des villes, des districts, des états, et du pays tout entier. De tels organes peuvent devenir une expression et une organisation réellement démocratique du mouvement, et former la base qui permettra de mener encore plus loin les luttes, d’une manière coordonnée.
A partir de ce mouvement, une autre nécessité urgente se pose à la classe salariée, celle de construire son propre parti, un parti qui combattra pour ses intérêts, et qui développera un programme révolutionnaire et socialiste. Obrador a déclaré que le Mexique "a besoin d’une révolution". Toutefois, il s’imagine cette révolution se déroulant dans le cadre du capitalisme. Ce dont nous avons besoin, est une révolution qui brisera le corset étroit que voudrait lui imposer le capitalisme et le féodalisme au Mexique. Si ceci n’est pas réalisé, il ne sera pas possible de remplir les attentes des masses qui se sont ralliées à la campagne d’Obrador.
Les luttes afin de prévenir Calderón d’être intronisé, et contre son gouvernement s’il devait quand même être formé, doivent faire partie de la lutte pour un gouvernement des salariés et des paysans avec un programme socialiste révolutionnaire. En liant ce mouvement à ceux qui se déroulent en Bolivie et au Venezuela, et à l’achèvement de la révolution socialiste dans ces pays et la mise en place d’une véritable démocratie ouvrière à Cuba, il sera possible d’établir une fédération socialiste démocratique de ces pays avec le Mexique. Le capitalisme et le féodalisme pourraient commencer à être défiés à travers toute l’Amérique Latine, et la porte vers le soutien des travailleurs et des pauvres aux USA, à s’ouvrir. C’est ce défi, qui se dresse maintenant devant les socialistes et les travailleurs au Mexique, tandis que la lutte deviendra de plus en plus aigüe dans les mois et années à venir.