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  • Corée du Nord : Le dictateur nord-coréen brandit la menace nucléaire

    Simple provoc’, ou l’annonce de millions de morts ?

    Les craintes et tensions en péninsule coréenne et dans le monde ont connu un nouveau pic, pour des raisons très compréhensibles. La Corée du Nord est un régime quasi stalinien d’un genre très particulier et fondamentalement instable. Son nouveau “grand dirigeant”, Kin Jon-un, semble encore plus imprévisible que son père en ce qui concerne ces menaces d’envoyer des bombes nucléaires sur ses voisins.

    Clare Doyle, secrétariat international du CIO

    Considère-t-il le Sud de cette péninsule divisée comme constituant une menace majeure envers son régime dictatorial (surtout vu la différence de niveau de vie et la présence dans le Sud de quelques éléments de base de démocratie) ? Cherche-t-il à démontrer à sa propre clique dirigeante, y compris à sa tante et à son oncle, vu son jeune âge, qu’il a la carrure d’un chef ? Tente-t-il d’utiliser la menace d’une attaque nucléaire afin de contraindre ses voisins à un retour à la table des négociations ? À moins que son objectif ne soit d’obtenir la levée des sanctions internationales et une hausse de l’aide alimentaire pour sa population affamée ?

    Probablement un mélange de tout cela. Nous avons ici réellement une situation dans laquelle un échange nucléaire pourrait démarrer à tout moment – délibérément ou par accident. Cela ne peut être exclu. Un tel acte engendrerait un véritable cauchemar de mort et de destruction, l’effondrement du régime nord-coréen et une crise majeure pour la Corée du Sud et pour toute la sous-région.

    La première réponse des États-Unis par rapport aux menaces de la Corée du Nord a heureusement été “revue à la baisse”, selon le mot d’un commentateur de l’université Yonsei. Après avoir envoyé des bombardiers B2 survoler la péninsule, les États-Unis ont reporté leur test prévu de tir de missiles intercontinental et cherchent apparemment le “dialogue” plutôt que la “dissuasion active”.

    La nouvelle équipe dirigeante chinoise semble elle aussi moins prompte que dans le passé à apporter son soutien automatique au régime nord-coréen et à ses provocations périodiques à l’encontre de l’impérialisme et du régime sud-coréen. D’un autre côté, dans le Sud, la “politique de confiance” du nouveau régime de droite implique l’acceptation que la “dénucléarisation” n’est pas la seule chose à faire avant la neutralisation de la menace quasi permanente provenant du Nord.

    Un des facteurs qui joue sans doute dans les calculs du régime du Nord est la crainte que s’il devait supprimer son arsenal nucléaire, il subirait alors le même sort que les régimes irakien et autres qui ont subi le courroux de l’impérialisme.

    Beaucoup d’hypocrisie

    Le fait que les États-Unis et la Chine exigent le désarmement total de la Corée du Nord, alors que ces pays sont eux-mêmes armés jusqu’aux dents (notamment d’armes nucléaires qu’ils n’ont pas la moindre intention de démanteler), est le signe d’une terrible hypocrisie. Les armes nucléaires sont des dispositifs monstrueux de destruction massive. Aucun gouvernement sain d’esprit ne ferait usage de ces armes, à cause de la perspective de destruction mutuellement assurée qui en découlerait. Ces armes ne servent que de moyens de dissuasion.

    Mais cela ne signifie nullement que de telles armes ne pourraient être déclenchées par un dirigeant malade ou par accident. Dans le cas de la Corée, cette nouvelle instabilité est à replacer dans le contexte qui suit la mort de Kim Jong-il, dont le “règne” a vu la majorité de la population nord-coréenne plonger dans la misère et la famine. La menace provenant du niveau de vie supérieur dans le Sud et l’“infection” causée par certains droits démocratiques durement acquis (comme le droit d’utiliser internet) – posent un risque pour le régime du Nord. C’est pourquoi Kim Jong-un aujourd’hui fait tellement de bruit au sujet de la menace extérieure et de la nécessité d’utiliser des armes nucléaires en guise d’auto-défense.

    Le régime nord-coréen semble ne se soucier d’aucune loi. Avec ses 600 000 soldats postés juste derrière la frontière, il est en position d’anéantir en un clin d’?il la capitale du Sud, Séoul, qui se trouve à moins de 60 kilomètres. Il a récemment effectué un certain nombre d’attaques sur des navires sud-coréens, et pourrait cette semaine envoyer un missile qui irait jusqu’à atteindre la base militaire américaine sur l’ile de Guam.

    Le soutien chinois pour Pyongyang s’amenuise

    Tout affairé dans sa lutte pour l’hégémonie dans la sous-région et en interne, le parti “communiste” chinois n’est pas contre l’idée d’organiser ses propres interventions militaires dans la région – il y a eu récemment des accrochages avec le Vietnam, le Japon et les États-Unis. Mais sur sa route vers la restauration capitaliste, la Chine n’accourra plus automatiquement à l’aide de son voisin comme par le passé. Le régime nord-coréen n’a de toute façon lui non plus rien de communiste, même pas en nom. Son idéologie dominante, le “Juche”, est une invention de son premier “grand dirigeant”, Kim Il-sung, qui était au départ un dirigeant communiste dans la guerre de résistance contre l’occupation de la Corée par le fascisme japonais, pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce petit État de 25 millions d’habitants est né à la suite de la guerre dévastatrice de 1950-53 entre les forces de l’impérialisme et la Chine de Mao Zedung. Cette guerre s’est achevée sur un “match nul” qui a mené à la division de la Corée entre un Nord stalinien et un Sud capitaliste sous régime militaire pro-américain.

    Aujourd’hui, le flux constant de touristes qui voyagent jusqu’à la zone démilitarisée qui divise le pays afin de jeter un ?il par-dessus la frontière apprennent de la part des guides officiels que cela fait 60 ans que les “loups communistes” du Nord menacent le Sud démocratique. Mais cela n’est pas correct. Tout d’abord, bien que les secteurs-clés de l’économie dans le Nord appartiennent au gouvernement, il n’y existe aucun élément de démocratie ouvrière pour la masse affamée et miséreuse de la population, alors que la petite clique dirigeante au somment du gouvernement et de l’armée vit dans un luxe scandaleux. Pour les capitalistes, la Corée du Nord sert d’épouvantail visant à discréditer les idées du communisme et du socialisme, alors que ce régime n’est en réalité qu’une déformation grossière de nos idées et n’a pas la moindre ressemblance d’un État ouvrier socialiste démocratique.

    Deuxièmement, on voit mal de quel “Sud démocratique” on parle, vu que l’impérialisme américain y a consacré des ressources gigantesques afin de soutenir les cruelles dictatures militaires qui s’y sont succédées pendant plus de 30 ans, y compris celle de Park Cheung-he, le père de la nouvelle présidente récemment élue. Les États-Unis y maintiennent un large arsenal et des dizaines de milliers de soldats. Depuis que Pyongyang a menacé d’oblitérer Hollywood (alors qu’il est peu probable qu’il en ait la capacité), les États-Unis ont à leur tour menacé d’accroitre leurs “actifs” sur la péninsule – ce qui n’est pas du tout du gout de la Chine, qui s’acharne maintenant à réconcilier les deux camps. (En 1994, l’administration de Bill Clinton avait sérieusement considéré de lancer une invasion du Nord, mais a annulé son plan vu le cout estimé de 100 milliards de dollars et un million de morts).

    Le capitalisme des chaebols

    L’économie de Corée du Sud est dominée par une petite poignée de grands cartels appartenant à de riches familles, nommés les “chaebols”. Les militants syndicaux y sont constamment réprimés et emprisonnés pour le simple fait d’exprimer leur droit démocratique à s’organiser et à entrer en grève (voir notre article du 26 février 2013 sur la situation en Corée du Sud – en anglais). La lutte pour la construction d’une voix politique indépendante pour la classe laborieuse sud-coréenne devient de plus en plus pressante. À cause du régime monstrueux du Nord qui est faussement présenté comme étant communiste, beaucoup de personnes ont été détournées de nos idées, et il est très difficile de construire une force véritablement socialiste dans le pays capable de lutter contre le règne des multinationales et des banques.

    Aujourd’hui, à cause de l’immense gouffre entre le niveau de vie au Nord et celui dans le Sud, la plupart des gens du Sud considèrent que la réunification de la Corée leur coutera personnellement énormément d’argent. Toute lutte visant à réunifier la péninsule dans l’intérêt de la population laborieuse doit lier la lutte contre la dictature et la folie nucléaire du Nord avec la lutte contre les chaebols du Sud. La lutte pour la planification socialiste démocratique de l’industrie, des banques et des grandes fermes sous propriété collective permettrait de jeter les bases pour la réunification longtemps attendue du peuple coréen.

  • Leçons de la lutte des droits des femmes aux USA pour les mobilisations d’aujourd’hui

    Le mouvement de libération des femmes des années ‘60 et ‘70 a atteint son sommet quand les femmes ont gagné le droit à l’avortement. Les femmes ont fait du droit à l’avortement une revendication centrale de leur mouvement car celles-ci avaient compris qu’elles ne seraient jamais égales aux hommes tant qu’elles ne pourraient avoir le contrôle de leur vie reproductive. Le droit à l’avortement est nécessaire dans une société qui attend de la femme qu’elle soit, financièrement et émotionnellement, responsable de l’éducation des enfants alors que celle-ci occupe un statut social inférieur à l’homme et est en général moins payée pour un même travail. La décision de mener sa grossesse à terme ou de l’interrompre doit être un choix qui ne doit appartenir qu’à la femme et non aux instances religieuses ou au gouvernement.

    Par Mandy (Liège)

    L’avortement reste à conquérir

    La moitié des avortements dans le monde sont illégaux et non sans dangers pour la femme. Il y a quelques mois, en Irlande, une jeune femme est décédée suite à des complications de grossesse. Sa mort aurait pu être évitée si l’avortement avait été légalisé dans ce pays. De plus, les acquis ne sont pas éternels et dans les quelques pays où l’avortement est un droit, comme aux États-Unis, des pressions sont faites sur celui-ci.

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    8 mars : Journée internationale des femmes

    A l’origine de la Journée internationale des femmes, il y a une grève des ouvrières textiles à New York, le 8 mars 1908, pour obtenir la journée des 8 heures, de meilleures conditions de travail et le droit de vote des femmes. L’année suivante, un appel du Socialist Party a donné lieu à un combat d’une semaine qui a impliqué 30.000 femmes pour de meilleurs salaires.

    La journée des femmes la plus célèbre et la plus tumultueuse, avec le plus d’impact, fut celle du 8 mars 1917 (le 23 février selon le calendrier russe de l’époque) : ce fut le début de la Révolution de Février, qui devait conduire à Octobre Rouge. Mais il a fallu attendre 1922 et un appel de l’Internationale Communiste pour que la journée internationale des femmes soit partout célébrée à une même date.

    Cela fait bien longtemps que cette date n’a plus été célébrée comme une journée de lutte des organisations de femmes du mouvement ouvrier. La mobilisation n’a cessé de faiblir depuis lors. Il nous faut refaire de cette journée une véritable journée de lutte pour les droits des femmes !

    Avec un approfondissement de la crise économique et le désarroi qui l’accompagne, nous devons nous attendre à ce que les forces réactionnaires tentent d’instrumentaliser ce thème. Chez nous, il existe le mouvement ‘‘pro-vie’’ dont la principale revendication est l’abrogation de la loi du 4 avril 1990 autorisant l’avortement. Ce mouvement rassemble ses troupes avec une ‘‘marche pour la vie’’ qui se déroule chaque année et tient également des piquets devant les centres d’avortement dans le but d’intimider et de culpabiliser les femmes.

    Nous pensons qu’il ne faut pas laisser le champ libre à ces idées réactionnaires et pour ce, nous devons organiser la résistance. Quoi de mieux pour organiser celle-ci que de tirer des leçons des luttes qui nous ont précédées telle que la lutte pour un avortement gratuit aux États-Unis dans les années ‘60 et ‘70 ?

    La lutte pour le droit à l’avortement aux USA

    A la fin de la deuxième guerre mondiale, un nombre important de femmes avaient remplacé les hommes au sein des usines. Cette présence des femmes dans le monde du travail est un des éléments cruciaux qui va préparer l’émergence du mouvement de libération des femmes.

    Le gouvernement américain, dans l’espoir que les hommes puissent reprendre leur place et leur statut supérieur, se lance alors dans une campagne de glorification des joies de la maternité et du travail domestique. Cependant, le fait de travailler ensemble et de gagner leur propre salaire amène les femmes, plus indépendantes économiquement et dont la conscience collective s’est développée, à ne plus vouloir retourner à la maison.

    L’idée de maternité et de femmes au foyer reste cependant très prégnante au cours des années ‘50 et ne commencera à reculer qu’au début des années ‘60 avec l’apparition d’une nouvelle génération de jeunes femmes qui ne veulent plus vivre comme leurs mères. La légalisation, dès 1960, de la pilule contraceptive va également jouer un rôle considérable dans la révolution sexuelle des femmes et pour accroître leur autonomie face au devoir de maternité.

    Cette prise de conscience des femmes se déroule dans un contexte de luttes intenses et rien ne va plus les inspirer que le mouvement des noirs et le mouvement contre la guerre du Vietnam. La détermination des Afro-Américains pour parvenir à l’égalité va pousser les femmes à se radicaliser et à s’interroger sur la manière d’éradiquer le sexisme.

    En 1966, est créée la ‘‘National Organisation for Women’’ (NOW). Cette organisation, qui comptera plus de 40.000 membres en 1974, organise des protestations, engage des procès pour discrimination contre des entreprises et popularise des revendications telles que des crèches gratuites et le droit à l’avortement. A côté de la NOW, des jeunes femmes plus radicales forment des groupes de libération des femmes qui s’étendent dès 1969 sur plus de 40 villes.

    Appel à l’action contre la marche "pour la vie" du 24 mars 2013 et la marche européenne "pour la vie et la famille du 21 avril 2013

    Ne laissez pas passer cette attaque contre les droits des femmes !

    Nous sommes inquiets. Depuis quelques années, le mouvement soi-disant ‘‘pro-vie’’ organise une Marche pour la Vie défendant l’abolition du droit à l’avortement. En plus de cette manifestation annuelle, des actions sont menées devant des centres pratiquant des avortements au nom du groupe “Sinterklaas”. Présents aux portes des centres, ses militants intimident et culpabilisent les femmes qui s’y rendent notamment à l’aide de photos de fœtus. Ils jettent même parfois de l’eau bénite sur les patientes ! Que les femmes soient attaquées de cette façon dans un moment où elles sont si vulnérable est inacceptable ! Hors de question de laisser passer ça !

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    Les termes de ‘‘libération’’ et ‘‘conscientisation’’, inspirés du mouvement des noirs et des idées socialistes, se retrouvent dans la bouche de ces jeunes radicales. Elles se réunissent pour parler franchement du sexisme et des stratégies pour l’éradiquer. Celles-ci considèrent les positions et activités de la NOW comme étant trop conservatrices et, à sa place, organisent des manifestations avec pour revendication le changement de la société dans l’intention de développer la conscience des autres femmes.

    Rien ne semble pourvoir arrêter le mouvement, ce qui rend amère la hiérarchie catholique et les leaders protestants qui, du coup, font pression sur le gouvernement. Afin de répondre à ces attaques antiféministes intensives, la NOW appelle à une grève des femmes le 26 août 1970. Un débat s’ouvre alors sur ce que pourraient bien être les revendications des femmes. Alors que l’aile libérale se limite à demander une réforme des lois sur l’avortement existantes, les plus radicales réclament le droit à l’avortement gratuit, un salaire égal, la médecine gratuite,… L’appel pour une simple réforme est rejeté et, à sa place, les militantes insistent sur l’abrogation de toutes les lois interdisant l’avortement afin qu’une seule concernant l’avortement gratuit et accessible pour toutes soit créée par le gouvernement.

    Entre 1969 et 1973, des centaines de protestations et conférences publiques sont organisées. Celles-ci, en plus d’être un outil intéressant d’organisation, sortent le thème de l’avortement du placard dans lequel on le cachait honteusement afin d’en faire une discussion publique.

    La persistance du mouvement des femmes va pousser, début 1970, onze États, dont New-York et la Californie, à faire des concessions et à libéraliser leur loi sur l’avortement, qui est alors permis sous certaines conditions. Il va de soi que les militantes les plus radicales n’abandonnent pas leur revendication de gratuité de l’avortement. En effet, New-York attire de nombreuses femmes pour avorter et le prix de l’avortement grimpe pour devenir, au final, inaccessible aux femmes les plus pauvres.

    Finalement, le 22 janvier 1973, la Cour Suprême abrogera les lois existantes sur l’avortement et établira une loi instituant l’avortement gratuit pour toutes! Le vote de cette loi s’est fait dans un contexte de lutte croissante et la classe dirigeante a senti que si elle ne faisait pas quelques concessions afin de pacifier les mouvements, elle courrait le risque de changements sociaux menaçant le sort même du capitalisme.

    La lutte paye !

    Les femmes ont eu à se battre pour obtenir des avancées en construisant leur propre mouvement de masse. Elles ont décuplé la force de leur mouvement en liant ses luttes à celles d’autres mouvements sociaux. Elles n’auraient jamais gagné le droit à un avortement gratuit s’il n’y en avait pas eu des millions d’autres qui protestaient contre le racisme, la guerre, l’homophobie, les conditions de travail déplorables,…

    La victoire de femmes nous a prouvé que malgré la pression des politiciens, des médias et des entreprises, une minorité déterminée a été capable de construire un mouvement de masse qui a gagné à ses côté la majorité de la population. Le mouvement grandissant et apprenant de son expérience, les ailes socialistes et radicales ont rapidement obtenu du soutien et la stratégie libérale pour des changements graduels et temporaires a été écartée pour laisser place à la stratégie socialiste de lutte des masses qui a conduit à la victoire.

    Aujourd’hui, toutes les attaques sociales et économiques et les atteintes à nos libertés orchestrées par les gouvernements nous montrent que les réformes sous le capitalisme sont toujours limitées et temporaires. C’est pourquoi nous pensons que la véritable libération de la femme ne pourra se faire que si celle-ci s’insère dans le mouvement révolutionnaire dont le socialisme constitue l’horizon.

  • Ford Genk : Après la “Marche pour l’avenir”, la lutte doit aller de l’avant !

    La fermeture de Ford a été annoncée le 24 octobre. L’incertitude et la confusion ont régné les semaines qui ont suivi. Mais le potentiel pour un combat déterminé afin de sauvegarder l’emploi était bien présent, illustré par les dizaines de milliers de personnes réunies pour la Marche pour l’avenir du 11 novembre. Mais si nous ne voulons pas que ce potentiel soit gaspillé, les syndicats doivent faire mieux que d’organiser une ‘‘promenade’’ et mettre au point un plan d’action offensif.

    Par OK (Limbourg)

    Après l’annonce de la fermeture, survenue en plein chômage économique pour les travailleurs, l’incertitude était grande. Comment s’opposer à cette annonce ? Certains ont suggéré qu’il valait mieux tout arrêter, d’autres ont pensé qu’il fallait reprendre le travail pour emmagasiner le plus gros ‘‘trésor de guerre’’ possible. La direction a fait une proposition de prime de départ qui a été rejetée, mais le travail a finalement repris le 15 novembre, avec la production normale de 1.000 voitures par jour.

    Cette confusion a largement été aggravée du fait de l’absence de mot d’ordre clair. La manifestation du 11 novembre était une excellente occasion d’offrir une perspective à la lutte, avec la journée d’action européenne contre l’austérité du 14 novembre. L’occasion fut manquée et, pire, le travail a repris le lendemain après la période de chômage économique sans que rien ne soit mis en avant pour la lutte des travailleurs.

    Les directions syndicales se sont limitées à donner pour seule perspective l’obtention de la prime de licenciement la plus élevée possible. Mais une prime, aussi conséquente soit elle, n’est pas une solution pour l’avenir des jeunes de la région. De plus, le personnel des sous-traitants passe à la trappe avec cette approche. Ces travailleurs, principalement des jeunes, se sont dès le début sentis laissés de côté, un sentiment menaçant l’unité d’action. Heureusement, les délégués syndicaux les plus combatifs ont restauré cette unité. Les revendications et les actions doivent avoir pour objectif de fermement unir les travailleurs de Ford et des sous-traitants.

    Le Limbourg menace de devenir un désert social. Les dernières données affirment que la fermeture de Ford aurait pour répercussion la perte de 15.800 emplois au total ! Dans le passé, l’action du gouvernement s’est limitée à accorder la possibilité du chômage économique. A consentir à la création d’une véritable armée de chômeurs et de pauvres en somme…

    Un groupe de 12 ‘‘experts’’ a été constitué pour se pencher sur un plan de relance pour le Limbourg. Après deux semaines, leur première idée est sortie : que les primes de licenciement ne soient pas payées individuellement, mais versées dans un fonds destiné à la reconversion du site. En clair, il s’agit de totalement briser la solidarité pour laisser les travailleurs à la rue sans rien en les faisant payer pour la reconversion ! Qu’est-ce que c’est que ce projet de misère ? Mais il n’y a rien d’autre à attendre de la part d’un gouvernement qui a organisé la dégressivité des allocations de chômage, rendu plus difficile de partir en retraite anticipée et qui s’est attaqué à notre pouvoir d’achat.

    Luttons pour le maintien de chaque emploi !

    Bien sûr, les syndicats travaillent à un bon plan social pour les travailleurs les plus âgés. Ils ont plus que mérité leur repos et leur retraite anticipée. Mais Ford a réalisé plus de 30 milliards de dollars de profit ces trois dernières années à travers le monde. L’année 2012 ne dérogera pas à la règle. Il n’y a absolument aucune raison de ne pas exiger de grosses indemnités de départ pour tous les travailleurs de Ford et les sous-traitants.

    Mais cela ne règle pas une question plus fondamentale : tous les bons emplois disparaissent dans la région. Comment les jeunes générations peuvent- elles se construire un avenir ? Après la fermeture des mines du Limbourg, la présence d’une entreprise telle que Ford, qui engageait 17.000 travailleurs à l’époque, avait permis de relativement atténuer le choc. Mais aujourd’hui, il n’existe pas d’alternative.

    Comment sauver l’emploi ? Les travailleurs de Ford avaient accepté de perdre 12% de leur salaire, mais ça n’a pas suffit. Faut-il en arriver aux salaires des pays de l’Est, d’Inde ou du Vietnam ? D’autre part, il est irréaliste d’attendre l’arrivée d’un repreneur, le secteur automobile mondial est en surproduction. Répartir la production entre les différents sites peut sembler positif, mais la question des pertes d’emploi restera toujours posée si on laisse le patronat décider : ce sera une répartition de la misère.

    Nationalisation et reconversion

    La seule solution à long terme, c’est la nationalisation du site. Divers gouvernements européens ne se sont pas gênés pour nationaliser les banques ou pour leur lancer des milliards. Si les autorités ont sauvé les spéculateurs, pourquoi ne pas sauver l’emploi et la production ? Mais si on laisse le gouvernement et les patrons décider, une nationalisation ne sera que temporaire, avant d’être bradée au privé par la suite. Pour eux, il est toujours question de nationaliser les pertes et de privatiser les profits.

    C’est pourquoi nous sommes pour la nationalisation de l’entreprise, mais sous le contrôle et la gestion démocratique de la collectivité. Ainsi, les capacités du site pourraient être utilisées au bénéfice de la collectivité. Ford Genk est une entreprise puissante avec une grande richesse en termes d’expérience et de savoir-faire. L’usine est tellement flexible qu’il y est possible de construire n’importe quoi avec des modifications minimes. Pourquoi ne pas utiliser tout ce potentiel pour aider au développement d’un bon service de transport en commun, abordable et écologiquement responsable ?

    Continuons le combat !

    Une telle nationalisation ne tombera pas du ciel, cela dépend de la volonté de lutte des syndicats. C’est une question de rapport de forces. Les 11, 14 et 15 novembre ont été autant d’occasions manquées. Mais il n’est pas trop tard. Les syndicats doivent de toute urgence clairement défendre le maintien de chaque emploi par la nationalisation du site et construire un rapport de force avec un bon plan d’action.

  • USA : les électeurs ont rejeté le programme de la droite

    Le 9 novembre, un soupir de soulagement a parcouru le monde à l’annonce de la réélection d’Obama. Mitt Romney n’allait pas devenir le nouveau président américain. Les républicains avaient réussi à terrifier le monde avec leur rage d’ultra-droite. Mais l’enthousiasme pour ce nouveau mandat d’Obama est considérablement plus faible qu’en 2008. Ces 4 dernières années, Barack Obama a été vu tel qu’il est : une marionnette de Wall Street et de l’élite américaine, avec un agenda simplement plus doux que celui des républicains.

    Par Bart Vandersteene

    De ‘l’espoir’ de ‘changement’ au ‘moindre mal’

    Par rapport aux élections de 2008, il y a eu 12 millions d’électeurs en moins. Cela déjà en dit long sur le déclin de l’enthousiasme de la population américaine. En 2008, on considérait Obama tel un sauveur qui apportait ‘‘espoir’’ et ‘‘changement’’. Bien des choses se sont passées depuis lors, et il ne représente plus aujourd’hui que le ‘‘moindre mal’’. Il a finalement remporté ces élections malgré son propre bilan présidentiel. Les banques se sont vu offrir des centaines de milliards de dollars, les services sociaux ont été amputés et des millions de familles ont perdu leurs maisons. De nombreux militants anti-guerre avaient voté pour Obama, même s’il a poursuivi l’œuvre guerrière de Bush, et la prison de Guantanamo n’est toujours pas fermée, en dépit de toutes ses promesses.

    Près de la moitié de la population (146 millions d’Américains) vit sous le seuil de pauvreté, ou se situe à peine au-dessus. Ce nombre était moindre avant l’arrivée d’Obama. Les riches, par contre, sont devenus encore plus riches. En 2010, 93% de l’augmentation du revenu a été empochée par les 1% les plus riches.

    Austérité

    La crise a déjà fait de sérieux ravages aux États-Unis, mais le pire est encore à venir. De dramatiques programmes d’assainissement ont jeté à la rue des centaines de milliers de travailleurs des services publics et de l’enseignement en particulier. Mais malgré tous ces efforts budgétaires, le déficit pour 2012 représente environ 7% du PIB du pays. Le gouvernement fédéral a donné toutes sortes de cadeaux fiscaux aux riches, mais n’a pas encore osé présenter toute la facture à la population. Chaque année, les dépenses excèdent les recettes à hauteur de plus de 1.000 milliards de dollars. Obama ne sera plus en mesure de continuer à jouer à cache-cache, il devra appliquer l’austérité et l’agenda de Wall Street, et essayera de faire passer la pilule avec quelques mesures contre les riches, essentiellement de l’ordre de la symbolique. Cela ne suffira toutefois pas pour éviter des manifestations, de larges mouvements sociaux et la radicalisation.

    Obama était-il le meilleur à élire ?

    Le large soutien dont Obama a encore pu bénéficier est dans une large mesure comparable à celui sur lequel les sociaux-démocrates européens peuvent encore compter, encore et encore, mais avec un succès de moins en moins éclatant. Leur argument principal est la peur de la brutalité de la droite dure. Cette logique a été poussée à son paroxysme aux USA, où l’establishment laisse le choix entre voter pour Pepsi ou pour Coca-Cola, deux variantes d’une seule et même politique. Accepter cette logique aurait signifié à Anvers de mener campagne pour Patrick Janssens afin d’éviter l’élection de Bart De Wever. L’argument porte constamment moins loin.

    Tout comme chez nous, il existe aux USA des positions politiques qui pourraient rassembler un très large soutien, mais qui ne sont défendues par aucun grand parti. Il suffit de penser à la défense des soins de santé, de l’augmentation des taxes sur les riches, de la réduction des dépenses en matière de défense ou d’un véritable programme de création d’emplois. Pas moins de 72% des Américains ont déclaré qu’ils envisageraient de voter pour un troisième parti si ce parti reprenait ces questions à son compte, 22% se sont déclarés certains de voter pour lui. Les syndicats ont dépensé environ 500 millions de dollars pour la campagne d’Obama. Ce montant rendrait capable de réaliser une campagne gigantesque pour un candidat qui défendrait réellement le programme des syndicats. Les Démocrates, fossoyeurs du mouvement social

    Toutes les réformes majeures obtenues dans l’Histoire américaine n’ont pas été le fruit de l’activité des Démocrates, mais bien le résultat de mouvements de masse. Le Parti Démocrate est devenu un obstacle pour les réformes progressistes de grande envergure et, concrètement, il tente de faire taire les protestations sociales à la première occasion.

    Il suffit de comparer le bilan des gouvernements du républicain Richard Nixon et du démocrate Bill Clinton. La politique appliquée par le premier serait considérée comme une politique de gauche aujourd’hui. Il a pris des mesures de protection de l’environnement (création de l’Environmental Protection Agency) et de la sécurité au travail, a mis un terme à l’intervention américaine au Vietnam, a étendu la sécurité sociale et a mis fin à la ségrégation raciale dans les écoles publiques du sud. Le second, quant à lui, s’est attaqué à la sécurité sociale, a laissé carte blanche au secteur financier, a signé une loi défavorable aux homosexuels, a refusé de ratifier de Protocole de Kyoto,…

    Ce n’est pas que Richard ‘‘Watergate’’ Nixon était un bon gars comparativement à Clinton. La différence est entièrement due au climat politique et social du moment. Nixon était sous la pression constante et gigantesque d’un mouvement de masse. Clinton, par contre, est devenu président dans les années 90, à l’époque du règne incontesté et sans partage du néolibéralisme. Les conséquences de ses politiques et la déception qui en a résulté constituent la raison par excellence qui explique l’élection de Bush en 2000 et sa réélection par la suite. La logique de soutien au candidat du ‘‘moindre mal’’ entraîne souvent de devoir taire ses critiques, chaque opposition étant de nature à affaiblir la position du ‘‘moindre mal’’ pour ouvrir la voie au ‘‘plus grand mal’’. Cette logique musèle tous les mouvements sociaux. Par conséquent, notre organisation-sœur aux USA, Socialist Alternative, défend le rassemblement de toutes les forces de gauche afin de bâtir un instrument politique indépendant de Wall Street et défendant les intérêts des travailleurs et de leurs familles.


    29% pour un candidat marxiste à Seattle !

    Kshama Sawant était la candidate de Socialist Alternative dans l’État de Washington. Elle a atteint un résultat réellement historique aux USA en étant capable de regrouper sous son programme 29% des voix de son district au cours d’une âpre lutte électorale pour un siège au parlement de l’Etat.

    Sawant a défendu un programme explicitement socialiste, et s’est attiré plus de 20.000 voix. Aux USA, il s’agit du meilleur résultat obtenu depuis de très nombreuses années par un candidat de gauche indépendant. Son résultat constitue une base sur laquelle construire. Après les élections, Socialist Alternative a lancé un appel à tous les militants de gauche (militants du mouvement Occupy, des syndicats, des mouvements sociaux,…) afin de se regrouper sur une liste unitaire dans le cadre des élections municipales de 2013.

    Le résultat de Sawant est aussi une réponse fantastique face à l’argument selon lequel les Américains seraient tous de droite et allergiques au socialisme. Nos camarades américains ont réussi à concrétiser les idées du socialisme démocratique et à les populariser en défendant un programme de lutte contre les coupes budgétaires et contre les cadeaux fiscaux pour les riches, la revendication de la nationalisation de Boeing, Microsoft et Amazon (dont les sièges sont à Seattle), etc.

    Le journal local The North Star a déclaré le 11/8/12. “Ne nous trompons pas: Sawant et Socialist Alternative ont écrit l’Histoire à Seattle.”

    Les autres candidats à ces élections n’ont pas fait le poids face à la machine à fric électorale des Démocrates et des Républicains. Jill Stein du Parti Vert a obtenu 400.000 voix. Le populiste de droite Gary Johnson, candidat du Parti libertarien, a reçu un million de voix. Tout comme les victoires du Tea Party en 2010, ce dernier résultat illustre le potentiel également présent pour les idées populistes de droite.

    La polarisation est croissante dans la société. Les contradictions entre classes sociales sont de plus en plus ouvertes et le désespoir est explosif parmi des dizaines de millions de familles de travailleurs. En l’absence d’alternative, il est à craindre que l’extrême droite ne puisse obtenir plus de soutien au cours de la prochaine période. Mais si une initiative de gauche conséquente se développe, alors la polarisation peut aussi conduire à un plus grand soutien pour les solutions réellement socialistes.

    www.socialistalternative.org

  • Taiwan : Les travailleurs du Textile occupent l’usine Hualon

    Trois cents travailleurs du textile de l’usine de la Hualon Corporation, dans la région de Miaoli, à Taiwan, ont déclenché une grève illimitée il y a maintenant plus d’un mois, le 6 juin dernier. Depuis lors, leur usine est occupée. Ils sont entrés en lutte afin de récupérer l’argent qui avait été épargné sur leurs salaires et leurs pensions depuis plus d’une décennie.

    Socialist Action, (CIO-Taiwan)

    Le 25 juin, les 300 travailleurs s’étaient rendus à Taipei, la capitale, pour y protester contre l’inaction du gouvernement, sans qu’ils ne puissent à nouveau recevoir de réponse de la part des autorités. Le 26 juin, les travailleurs ont bloqué l’accès à la villa de leur patron, qui avait déclaré la faillite de l’usine mais vit toujours dans une maison luxueuse et conduit des voitures de sports européennes extrêmement chères. Les grévistes avaient alors subi une répression policière très brutale à l’extérieur de la villa, et des étudiants venus les soutenir avaient eux aussi été blessés. Les travailleurs occupent toujours leur usine afin d’empêcher que les machines ne puissant être déplacées ailleurs.

    Au cours de ces 15 dernières années, les attaques antisociales de la part des propriétaires de Hualon n’ont jamais stoppé. Depuis 1997, l’entreprise a bloqué toute augmentation de salaire. En 1999, l’entreprise a stoppé de payer les bonus annuels auxquels avaient droit les travailleurs. Ensuite, en octobre 2001, la direction a commencé à opérer des coupes de salaire. Les travailleurs ont alors tenté de s’organiser, mais ont finalement été trahis par des jaunes. A ce moment, une dirigeante des travailleurs a été jusqu’à se suicider suite aux pressions exercées par le management. Ce tragique incident a été un sérieux coup porté au mouvement ouvrier local. Une travailleuse du secteur textile a ainsi déclaré à ce sujet que “…après que Chiu [la dirigeante des travailleurs] ait été poussée à la mort, plus personne n’osait se lever et riposter…”.

    Il a fallu attendre que les travailleurs reprennent le contrôle de leur syndicat, tout récemment, pour qu’ils osent repartir à la contre-offensive. Trois ans après le drame, en 2004, l’entreprise a à nouveau diminué les salaries, de 30%. En 2008, la direction est repartie à l’attaque, en obligeant les travailleurs à augmenter la production jusqu’à 130% pour préserver l’entièreté de leurs salaires. Environ 50% des travailleurs sont tombé sous le seuil du salaire minimum, alors qu’il s’agit d’un droit légal.

    Les plupart des travailleurs de Hualon sont des femmes, en moyenne âgées d’une cinquantaine d’années. Leurs conditions de travails sont incroyablement mauvaises. Chacun doit travailler en heures supplémentaires et les journées de 12 heures sont la moyenne afin de réaliser l’objectif de 130% de productivité. Les travailleurs n’ont que trois journées de congé par mois.

    Le changement de direction n’a rien change

    Après la déclaration de la faillite du patron, le vice-président du conseil local a acheté l’entreprise. Les actions des travailleurs ont alors plus encore déchaîné l’hostilité du gouvernement local. “Le gouvernement nous a totalement déçu”, a déclaré un des travailleurs. “Maintenant je comprends que le gouvernement et la loi sont du côté des patrons. Le gouvernement ne nous aidera pas et la loi est inutile. Nous, les travailleurs, ne pouvons compter que sur nous-mêmes. Si nous ne nous organisons pas pour nous battre, nous n’obtiendrons rien !”

    Maintenant, la direction essaye de vendre les machines et les terres afin de rembourser les dettes, tandis que les travailleurs se retrouvent sans rien. De son côté, le patron en faillite a toujours un train de vie luxueux et il semble qu’il soit en train de lancer une nouvelle usine au Vietnam.

    Nous soutenons les revendications des travailleurs selon lesquelles les capitalistes doivent rembourser l’argent des salaires et des pensions qui a été volé ces dernières années. Nous soutenons leur occupation destine à empêcher la vente des machines et des terres au bénéfice des banques.

    Nous appelons les camarades du Comité pour une Internationale Ouvrière et les syndicalistes d’autres pays à envoyer des messages de solidarité aux travailleurs de Hualon et des lettres de protestation au gouvernement de Taiwan. Vous pouvez envoyer vos protestations au gouvernement taïwanais via votre consulat local et au ministère du travail à parti de son site internet : http://tinyurl.com/cj2ntko.

    Envoyez également vos messages de solidarité aux travailleurs de Hualon à :- hu1152@yahoo.com.tw avec des copies à :- twsocialist@gmail.com

    Envoyez s’il vous plait le message suivant en chinois dans votre email:

    ‘We support your struggle. The Taiwan government is showing itself to be the enemy of working people and the defender of corrupt capitalists by its shocking refusal to listen to Hualon workers and meet your demands. By solidarity and struggle you can win your rights. Demand the TW government to nationalize Hualon and guarantee workers’ jobs, pensions and owed wages. Demand the company’s books are open to public inspection and to representatives of the workers. International solidarity with Hualon workers!’

    Cela signifie : ‘Nous soutenons votre lutte. Le gouvernement taïwanais se met en avant comme l’ennemi des travailleurs et le défenseur des capitalistes corrompus avec son refus choquant d’écouter les revendications des travailleurs de Hualon. Mais vous pouvez gagner l’obtention du respect de vos droits par la lutte et la solidarité. Exiger des autorités la nationalisation de Hualon pour garantir vos emplois, vos pensions et vos salaires. Exigez que les livres de compte de l’entreprise soient rendus publics pour une inspection effectuée par des représentants des travailleurs. Solidarité internationale avec les travailleurs de Hualon!’

  • Grande-Bretagne: Nationalisation du groupe Murdoch !

    Le ‘Murdochgate’, c’est le Watergate de Grande Bretagne. En politique existe également ‘‘l’effet papillon’’, tout comme dans la nature. Un tout petit événement – un battement d’ailes de papillon selon la célèbre métaphore – peut entraîner toute une chaîne d’évènements jusqu’à des conséquences jamais vues. Dans le cas de l’affaire du Watergate, cela a conduit jusqu’à la chute et au discrédit total de Richard Nixon, le président du pays le plus puissant sur terre, les Etats-Unis. Cameron et son gouvernement pourri et corrompu font face au même processus aujourd’hui.

    Editorial du Socialist, hebdomadaire du Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    Le Watergate a exposé la pourriture présente au Cœur même de l’administration américaine et a menacé le système social sur lequel il est basé : le capitalisme. La classe dirigeante américaine a été prise d’effroi et en particulier le régime quasiment hors de contrôle et semi-dictatorial de Nixon et de ses acolytes, qui avaient notamment poursuivi et amplifié l’aventure US au Vietnam, guerre qui n’était pas encore terminée lors de son éviction de la Maison Blanche. Le Watergate a exposé la toile complexe de mensonges et de conspirations qui entremêle les politiciens capitalistes, les criminels et l’Etat. Ce n’est que grâce au travail de quelques journalistes et que Nixon avait lié ses crimes les uns aux autres que la vérité a finalement pu éclater au grand jour. Il est maintenant question de révélations similaires. Cameron, l’empire Murdoch et la police sont impliqués dans une tentative de renverser les droits démocratiques du people britannique.

    Au départ, il y a eu l’émoi suscité par la divulgation du numéro de portable de Milly Dowler, une écolière assassinée, par un employé du journal News International, qui fait partie de l’empire Murdoch. L’outrage de masse qui s’est développé a bouleversé les projets de Murdoch et d’autres comme Cameron et son gouvernement, qui n’ont pas réussi à stopper le scandale. Quelques jours plus tôt, il était clair que le Secrétaire à la Culture, Jeremy Hunt, était prêt à accepter de céder à Murdoch la majorité de la propriété du satellite BSkyB, ce qui lui aurait livré le contrôle de 40% des moyens de communication britanniques. Il est maintenant fort peu probable, voire clairement exclu, que Cameron puisse ratifier cet accord face à la colère de masse qui se développe contre l’empire Murdoch et ses acolytes. Une campagne de masse destinée à s’opposer au contrat, largement organisée par les nouveaux medias tels que les réseaux sociaux, a très vite mobilisé 170.000 objections à la prise de contrôle de BSkyB par Murdoch!

    D’autres révélations d’accès illégal à des systèmes de messagerie vocale personnels, en particulier ceux de victimes et de leurs proches, n’ont par la suite fait qu’amplifier l’atmosphère de colère. Politiciens, journalistes et chroniqueurs capitalists ainsi que la police, qui a remis les preuves aux employés de Murdoch, ont ainsi été pris dans la tourmente, y compris la dirigeante de News International, Rebekah Wade, et le fils de Murdoch, James. Tous se sont chargés les uns les autres de façon extrêmement hypocrite et nauséabonde pour se distancer de leur ancien patron.

    Tous ceux qui ont lutté contre le capitalisme ont été impitoyablement vilipendés par Murdoch et par les médias de droite en général. Ainsi, Tony Benn (une des principales figures de l’aile gauche du parti travailliste dans les années 1970 et 1980) a été comparé à Hitler lorsqu’il s’est présenté comme candidat pour la présidence du parti, tout comme avant lui Arthur Scargill (ancien dirigeant du syndicat des mineurs) durant la longue grève des mineurs de 1984-85. La tendance Militant de Liverpool ainsi que ceux qui ont remporté une victoire contre Thatcher dans la lutte épique contre la Poll-tax (la tendance Militant étant le nom du Socialist Party lorsqu’il était encore l’aile marxiste du parti travailliste) n’ont pas reçu un autre traitement. Tommy Sheridan (militant de gauche radicale écossais, ancien parlementaire et fondateur du SSP, puis de Solidarity) est aujourd’hui en prison à cause de la vendetta personnelle de Murdoch pour ‘virer ce petit communiste’. Dernièrement, il a été démontré que ce sont Murdoch et ses témoins qui ont menti et qui ont même fait disparaître des preuves qui auraient aidé Tommy Sheridan lors de son procès.

    Maintenant, le Premier Ministre David Cameron et le reste du gang qui domine la Coalition au pouvoir ne peut pas tout simplement se distancer de Murdoch. Cameron et sa femme ont des relations étroites avec Rebekah Wade et James Murdoch faites de soupers, d’équitation,… ‘Dis moi qui tu fréquentes et je te dirai qui tu es’

    Mais le plus important est bien entendu que cette affaire démontre la poigne d’acier virtuelle de Murdoch qui a pesé sur la politique des différents gouvernements britanniques et sur les principaux aspects de la vie de la population au cours de ces dernières décades. Un des responsables de Murdoch avait été jusqu’à dire à John Major – ancien Premier Ministre Tory (le parti conservateur) – qu’il recevrait un ‘gros seau de merde sur la tête’ s’il ne se pliait pas aux ordres de Murdoch. Tony Blair avait vole jusqu’en Australie pour quémander le soutien de Murdoch avant les élections de 1997. Une fois que Blair a été élu, on parlait parfois de Murdoch comme du ‘24e membre du cabinet du Premier Ministre’ ! Murdoch a personnellement visité Blair à trois reprises dans le but de faire pression sur lui au nom de George Bush afin de soutenir l’invasion de l’Irak. Ce n’est pas que Blair avait tellement besoin d’être persuadé, mais c’est un fait que la masse de la population britannique avait démontré sa claire opposition à cette guerre. Mais les diktats de l’impérialisme américain par l’intermédiaire du magnat de la presse Murdoch passaient largement devant cela. Il a aussi été publiquement révélé que lorsque Blair se préparait à quitter le 10 Downing Street en 2007 (le logement de fonction du Premier Ministre Britannique), Murdoch était déjà dans sa Bentley, attendant l’arrivée du nouveau Premier Ministre Gordon Brown pour déjà faire pression sur lui !

    Quelle honte pour les dirigeants ‘travaillistes’ que ce soit à des personnalités des medias comme Hugh Grant ou Steve Coogan de dire les meilleures choses à propos de News of the World et de l’empire Murdoch. Coogan a ainsi déclaré le 8 juillet dernier: “Les gens dissent que c’est une mauvaise journée pour la presse. Mais c’est une journée merveilleuse pour la presse: une petite victoire pour la décence et l’humanité…’’

    Encore maintenant, le dos au mur, Murdoch a prévenu le nouveau dirigeant travailliste Ed Miliband que News Corporation ‘va s’engager contre lui et son équipe’ pour avoir eu la témérité de demander la démission de Rebekah Wade tout en s’opposant au contrat BSkyB. Mais Miliband n’a adopté cette position qu’après que le scandale ait éclaté.

    Précédemment, il avait siroté du champagne aux soirées de Murdoch, jusqu’à quelques semaines avant le scandale. Il affirme maintenant qu’une simple ‘‘occasion sociale’’, mais rien ne saurait être plus éloigné de la vérité. Tout démontre que les invites de Murdoch le sont pour que ce dernier puisse s’assurer que les dirigeants politiques des principaux partis restent en accord avec sa ligne. Si ce n’est pas le cas, les contrevenants doivent s’attendre à une campagne de dénigrement. Murdoch a même tenté d’utiliser Tony Blair sur Gordon Brown quand il était Premier Ministre afin de faire taire le depute travailliste Tom Watson, qui avait courageusement été en première ligne avec le journaliste Nick Davies pour exposer le scandale au grand jour.

    Tout cela en dit long sur le caractère de la ‘démocratie’ britannique. Comme l’a déclaré le quotidien The Observer : “Durant 40 ans, Murdoch a convaincu l’establishment qu’il était capable de faire et défaire les réputations politique et de garantir les succès électoraux, ou de leur barrer l’accès. De cette façon, il s’en est pris aux droits des citoyens et a miné la démocratie.” Tout le monde peut voter ce qu’il veut tant que les grands capitalistes et les menteurs de la presse peuvent décider de ce qui doit arriver. Murdoch n’est pas le seul à exercer un contrôle dictatorial sur l’opinion publique en Grande Bretagne. Paul Dacre, du groupe Mail, est exactement le même genre de personnage dégoûtant, dont la plume est remplie de rage contre le mouvement des travailleurs.

    La concentration des medias a entraîné une situation où 10 entreprises contrôlent 75% des médias du Royaume-Uni. Les pertes d’emplois nt été nombreuses dans ce processus. 200 journalistes et autres travailleurs ont perdu leur emploi avec la fermeture de News of the World. Nous pouvons très honnêtement dire que nous ne regrettons pas la fin de ce journal. Mais personne ne peut soutenir que, particulièrement dans une période de chômage de masse, des gens puissent ainsi être jetés à la porte de façon aussi arbitraire. Combien de capitalistes ont pensé aux 1.400 travailleurs qui ont perdu leur emploi quand Murdoch avait déplacé ses stocks à Wapping en 1986?

    Cependant, l’actuelle situation antidémocratique de la presse et des medias en Grande Bretagne ne peut pas être résolue avec quelques mesures domestiques comme le ‘renforcement du comité de plaintes de la presse’. Nous ne pouvons pas non plus demander, comme certains à gauche l’ont fait, à la division de l’empire Murdoch. Nous ne voulons pas de mini-Murdochs pour remplacer l’ancien monstre. Tous les responsables de violations de droits individuels doivent être jugés et, s’ils sont jugés coupables, doivent recevoir un châtiment approprié. Mais même dans ce cas, cela ne serait pas suffisant pour contrôler les forces antidémocratiques présentes dans les médias.

    De nouveaux medias alternatifs et socialistes doivent être construits par les syndicats et les travailleurs. Mais cela doit être accompagné de la revendication de la nationalisation de la presse, de la télévision et de la radio sous le contrôle et la gestion démocratiques de la population – en commençant par l’expropriation par l’Etat des avoirs de News Corporation, qui a largement démontré qu’elle constituait un danger pour la démocratie. Mais nous n’avons pas besoin de reprendre les feuilles de choux que sont le Sun ou le Daily Mail.

    Nous nous opposons toutefois au monopole d’Etat sur l’information qui prévalait dans les Etats staliniens. La réelle alternative est le contrôle démocratique et populaire de la classe des travailleurs sur la presse et les médias en général. Cela ne signifierait pas un monopole d’Etat ou d’un parti, mais donnerait un accès aux médias en proportion du soutien politique. Le capitalisme et le stalinisme défendent un contrôle antidémocratique des médias par une minorité alors que nous voulons retirer la ‘production d’informations’ des mains d’une minorité pour les placer dans les mains de la majorité, avec liberté totale de discussion et de prise de décision.

  • La “zone d’exclusion aérienne” et la gauche

    Les puissances impérialistes ont mis en place une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye afin de protéger leurs propres intérêts économiques et stratégiques et de restaurer leur prestige endommagé. Il est incroyable de voir que certaines personnes de la gauche marxiste soutiennent cette intervention militaire.

    Peter Taaffe – article paru dans Socialism Today, le magazine mensuel du Socialist Party (CIO – Angleterre et Pays de Galles)

    La guerre est la plus barbare de toutes les activités humaines, dotée comme elle l’est dans l’ère moderne de monstrueuses armes de destruction massive. Elle met aussi à nu la réalité des relations de classe, nationalement et internationalement, qui sont normalement obscurcies, cachées sous des couches d’hypocrisie et de turpitude morale des classe dirigeantes. Elle est l’épreuve ultime, au côté de la révolution, des idées et du programme, non seulement pour la bourgeoisie, mais égalemet pour le mouvement ouvrier et pour les différentes tendances en son sein.

    La guerre en cours en ce moment en Libye – car c’est bien de cela qu’il s’agit – illustre clairement ce phénomène. Le capitalisme et l’impérialisme, déguisés sous l’étiquette de l’“intervention militaire à but humanitaire” – totalement discréditée par le massacre en Irak – utilisent ce conflit pour tenter de reprendre la main. Pris par surprise par l’ampleur de la révolution en Tunisie et en Égypte – avec le renversement des soutiens fidèles de Moubarak et de Ben Ali – ils cherchent désespérément un levier afin de stopper ce processus et avec un peu de chance de lui faire faire marche arrière.

    C’est le même calcul qui se cache derrière le massacre sanglant au Bahreïn, perpétré par les troupes saoudiennes, avec un large contingent de mercenaires pakistanais et autres. Aucun commentaire n’est parvenu du gouvernement britannique quant aux révélations parues dans l’Observer au sujet d’escadrons de la mort – dirigés par des sunnites liés à la monarchie – et au sujet de la tentative délibérée d’encourager le sectarisme dans ce qui avait auparavant été un mouvement non-ethnique uni. Les slogans des premières manifestations bahreïniennes étaient : « Nous ne sommes pas chiites ni sunnites, mais nous sommes bahreïniens ».

    De même, les “dirigeants du Labour” – menés par le chef du New Labour Ed Miliband, qui a promis quelque chose de “différent” par rapport au régime précédent de Tony Blair – sont maintenant rentrés dans les rangs et soutiennent la politique de David Cameron en Libye et l’imposition de la zone d’exclusion aérienne. 

    Il est incroyable de constater que cette politique a été acceptée par certains à gauche, y compris quelques-uns qui se revendiquent du marxisme et du trotskisme. Parmi ceux-ci, il faut inclure Gilbert Achar, qui a écrit des livres sur le Moyen-Orient, et dont le soutien à la zone d’exclusion aérienne a au départ été publié sans aucune critique dans International Viewpoint, le site internet du Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale (SUQI). Son point de vue a toutefois été répudié par le SUQI par après.

    Mais on ne peut par contre pas qualifier d’ambigüe la position de l’Alliance pour la liberté des travailleurs (Alliance for Workers’ Liberty, AWL). Les cris stridants de cette organisation, en particulier dans ses critiques d’autres forces de gauche, sont en proportion inverse de ses faibles forces et de son influence encore plus limitée au sein du mouvement ouvrier. L’AWL a même cité Leon Trotsky pour justifier l’intervention américaine avec la zone d’exclusion aérienne. Un de leurs titres était : « Libye : aucune illusion dans l’Occident, mais l’opposition “anti-intervention” revient à abandonner les rebelles » Un autre titre impayable était : « Pourquoi nous ne devrions pas dénoncer l’intervention en Libye » (Workers Liberty, 23 mars).

    Ces derniers exemples sont en opposition directe avec l’essence même du marxisme et du trotskisme. Celle-ci consiste à insuffler dans la classe ouvrière et dans ses organisations une indépendance de classe complète par rapport à toutes les tendances de l’opinion bourgeoise, et à prendre les actions qui en découlent. Ceci s’applique à toutes les questions, en particulier pendant une guerre, voire une guerre civile, ce dont le conflit libyen comporte clairement des éléments.

    Il n’y a rien progressiste, même de loin, dans la tentative des puissances impérialistes que sont le Royaume-Uni ou la France de mettre en place une zone d’exclusion aérienne. Les rebelles de Benghazi ne sont que menue monnaie au milieu de leurs calculs. Hier encore, ces “puissances” embrassaient Mouammar Kadhafi, lui fournissaient des armes, achetaient son pétrole et, via Tony Blair, visitaient sa “grande tente” dans le désert et l’accueillaient au sein de la “communauté internationale”. Ce terme est un complet abus de langage, tout comme l’est l’idée des Nations-Unies, utilisée à cette occasion en tant qu’écran derrière lequel cacher que l’intervention en Libye avait été préparée uniquement en faveur des intérêts de classe crus de l’impérialisme et du capitalisme.

    Il ne fait aucun doute qu’il y a des illusions parmi de nombreux jeunes et travailleurs idéalistes qui attendent de telles institutions qu’elles résolvent les problèmes que sont les guerres, les conflits, la misère, etc. Certains sont également motivés dans leur soutien à la zone d’exclusion aérienne parce qu’ils craignaient que la population de Benghazi serait massacrée par les forces de Kadhafi. Mais les Nations-Unies ne font que rallier les nations capitalistes, dominées de manière écrasante par les États-Unis, afin de les faire collaborer lorsque leurs intérêts coïncident, mais qui sont de même fort “désunis” lorsque ce n’est pas le cas. Les guéguerres de positionnement et les querelles entre les différentes puissances impérialistes quant à l’intervention libyenne illustre bien ceci.

    Éparpillement américain et incertitude

    Les révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ont tout d’abord révélé l’incertitude – voire la paralysie – de la plus grande puissance impérialiste au monde, les États-Unis, quant à l’intervention adéquate. L’administration de Barack Obama a été forcée de tenter de se distinguer de la doctrine de George Bush d’un monde unipolaire dominé par l’impérialisme américain, avec son écrasante puissance militaire et économique. Les USA conservent toujours cet avantage militaire comparés à leurs rivaux, mais il est maintenant sapé par l’afaiblissement économique des États-Unis.

    Il y a aussi le problème de l’Afghanistan et la peur que cela ne mène à un éparpillement militaire. C’est ce qui a contraint Robert Gates, le secrétaire à la défense américain, à dès le départ déclarer son opposition – et, on suppose, celle de l’ensemble de l’état-major américain – par rapport à l’utilisation de troupes américaines terrestres où que ce soit ailleurs dans le monde. Il a aussi affirmé être “certain“ qu’Obama n’autoriserait aucune troupe au sol américaine à intervenir en Libye. Il a souligné cela lors de son interview où il se déclarait “dubitatif par rapport aux capacités des rebelles”, décrivant l’opposition comme n’étant en réalité rien de plus qu’un groupe disparate de factions et sans aucun véritable “commandemet, contrôle et organisation”. (The Observer du 3 avril).

    Obama, a sur le champ cherché à formuler une nouvelle doctrine diplomatique militaire, en ligne avec la nouvelle position des États-Unis sur le plan mondial. Il a tenté de faire une distinction entre les intérêts “vitaux” et “non-vitaux” de l’impérialisme américain. Dans les cas “vitaux”, les États-Unis agiront de manière unilatérale si la situation le requiert. Cependant les États-Unis, a-t-il proclamé de manière arrogante, ne sont plus le “gendarme du monde”, mais agiront dans le futur en tant que “chef de la gendarmerie” mondiale. Ceci semble signifier que les États-Unis accorderont leur soutien et seront formellement à la tête d’une “coalition multilatérale” tant que cela ne signifie pas le déploiement effectif et automatique des troupes.

    Malgré cela, la pression qui s’est effectuée pour empêcher un “bain de sang” a obligé Obama à signer une lettre publique avec Nicolas Sarkozy et Cameron, déclarant que ce serait une “trahison outrageuse” si Kadhafi restait en place et que les rebelles demeuraient à sa merci. La Libye, ont-ils déclaré, menace de devenir un “État déchu”. Ceci semble jeter les bases pour un nouveau saut périlleux, en particulier de la part d’Obama, qui verra l’emploi de troupes terrestres si nécessaire. Lorsqu’il a été incapable d’intervenir directement, à cause de l’opposition domestique par exemple, l’impérialisme n’a pas hésité à engager des mercenaires pour renverser un régime qui n’avait pas sa faveur ou pour contrecarrer une révolution. Telle était la politique de l’administration Ronald Reagan lorsqu’elle a employé des bandits soudards, les Contras, contre la révolution nicaraguayenne.

    L’impérialisme a été forcé dans la dernière intervention par le fait que Kadhafi semblait sur le point de gagner ou, en tous cas, d’avoir assez de force militaire et de soutien résiduel pour pouvoir éviter une complète défaite militaire, à moins d’une invasion terrestre. Les rebelles ne tiennent que l’Est, et encore, une partie seulement. L’Ouest, dans lequel vivent les deux tiers de la population, est toujours en grande partie contrôlé par Kadhafi et par ses forces. Ce contrôle n’est pas uniquement dû à un soutien populaire par rapport au régime. Ses forces possèdent la plupart des armes, y compris des armes lourdes, des tanks, etc. Il a toujours surveillé l’armée régulière de peur qu’un coup d’État n’en provienne. Patrick Cockburn a écrit dans The Independant du 17 avril : « L’absence d’une armée professionnelle en Libye signifie que les rebelles ont dû se fier à de vieux soldats à la retraite depuis longtemps pour entraîner leurs nouvelles recrues». Kadhafi est aussi capable d’attirer un soutien de la part des tribus, de même que du capital politique qu’il a accumulé pour son régime grâce au bon niveau de vie en Libye (avant le conflit) par rapport aux autres pays de la région.

    La révolution espagnole

    De nombreux partisans de la zone d’exclusion aérienne ont pris cette position en supposant que l’impérialisme ne serait pas capable d’aller plus loin que ça. Mais que feront-ils si, comme on ne peut l’exclure, des troupes au sol sous une forme ou une autre sont déployées avec la complicité des puissances impérialistes que sont les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ?

    Lors du débat à la Chambre des Communes (House of Commons) du 21 mars, Miliband (le nouveau chef du Parti travailliste) a accordé un soutien enthousiaste pour l’action militaire de Cameron. Voilà encore une nouvelle confirmation de la dégénerescence politique du Labour Party, qui d’un parti à base ouvrière, est devenu une formation bourgeoise. Les rédacteurs de la classe capitaliste reconnaissent eux aussi platement cette réalité : « Il fut un temps où le Labour party était le bras politique de la classe ouvrière organisée. Tous les trois principaux partis constituent maintenant le bras politique de la classe capitaliste organisée. Ce phénomène n’est pas propre à la Grande-Bretagne. Presque chaque démocratie avancée, surtout les États-Unis, lutte pour contrôler le monde des affaires » (Peter Wilby, The Guardian du 12 avril).

    Comparez seulement la position du dirigeant “travailliste” actuel avec celle de son prédécesseur Harold Wilson au moment de la guerre du Vietnam. Au grand regret de Lyndon Johnson, le président américain de l’époque, Wilson – bien qu’il n’aurait pas été contre l’idée de soutenir des actions militaires à l’étranger s’il avait cru pouvoir s’en tirer après coup – a refusé d’impliquer les troupes britanniques. Toute autre décision aurait provoqué une scission du Labour de haut en bas, ce qui aurait probablement mené à sa démission. En d’autres termes, il avait été forcé par la pression de la base du Labour et des syndicats à refuser de soutenir l’action militaire de l’impérialisme américain.

    Aujourd’hui Miliband soutient Cameron, en provoquant à peine un froncement de sourcils de la part des députés Labour ou de la “base”. Il a invoqué le cas de l’Espagne pendant la guerre civile afin de justifier le soutien au gouvernement, déclarant ceci : « En 1936, un politicien espagnol est venu au Royaume-Uni afin de plaider notre soutien face au fascisme violent du général Franco, disant “Nous nous battons avec des bâtons et des couteaux contre des tanks, des avions et des fusils, et cela révolte la conscience du monde qu’un tel fait soit vrai” » (Hansard, 21 mars).

    Le parallèle avec l’Espagne est entièrement faux. C’était alors une véritable révolution des travailleurs et des paysans pauvres qui se déroulait, avec la création (tout au moins au cours de la période initiale après juillet 1936) d’un véritable pouvoir ouvrier, de comités de masse et avec l’occupation des terres et des usines. L’Espagne était confrontée à une révolution sociale. Cette révolution a surtout été vaincue non pas par les forces fascistes de Franco, mais par la politique erronnée de la bourgeoisie républicaine qui a fait dérailler la révolution, aidée et soutenue par le Parti communiste sous les ordres de Staline et de la bureaucratie russe. Ceux-ci craignaient à juste titre que le triomphe de la révolution espagnole ne soit le signal de leur propre renversement.

    Dans une telle situation, la classe ouvrière du monde entier se rassemblait pour soutenir la revendication d’envoyer des armes à l’Espagne. Alors l’impérialisme, et en particulier les puissances franco-anglaises, ont tout fait pour empêcher l’armement des travailleurs espagnols. Pourtant, le député Tory Bill Cash était entièrement d’accord avec Miliband pour affirmer qu’il y a en effet “un parallèle avec ce qui s’est passé en 1936”, et soutenait donc “l’armement de ceux qui résistent contre Kadhafi” à Benghazi. Cela n’est-il pas un indicateur de la nature politique de la direction actuelle à Benghazi et à l’Est, qui inclut d’anciens partisans de Kadhafi tels que l’ancien chef des forces spéciales Abdoul Fattah Younis ? Si la tendance au départ à Benghazi (des comités de masse avec la participation de la classe ouvrière) s’était maintenue, il n’y aurait maintenant pas la moindre question d’un soutien de la part des Tories de droite ! Miliband a donné une nouvelle justification pour son soutien de la zone d’exclusion aérienne : « Il y a un consensus international, une cause juste et une mission faisable… Sommes-nous réellement en train de dire que nous devrions être un pays qui reste sur le côté sans rien faire ? »

    Aucune force de gauche sérieuse ne peut prôner une politique d’abstention lorsque des travailleurs sont soumis aux attaques meurtrières d’un dictateur brutal tel que Kadhafi. Il est clair qu’il fallait donner un soutien politique à la population de Benghazi lorsqu’elle a éjecté les forces de Kadhafi de la ville par une insurrection révolutionnaire – et ceci était la position du CIO dès le départ. Voilà une réponse suffisante pour ceux qui cherchent à justifier le soutien à l’intervention militaire de l’extérieur, sur base du fait que la population de Benghazi était sans défense. Les mêmes personnes ont utilisé les mêmes arguments au sujet de l’impuissance du peuple irakien qui se trouvait sous l’emprise d’un dictateur brutal pour justifier le bombardement puis l’invasion de l’Irak, avec les résultats criminels que nous voyons à présent. Mais cet argument a été mis en pièces par les révoltes des populations tunisienne et égyptienne qui ont écrasé les dictatures, sous leurs puissants millions.

    Les gens de Benghazi ont déjà vaincu les forces de Kadhafi une fois. Cela a été réalisé lorsque des méthodes révolutionnaires ou semi-révolutionnaires ont été employées. Ces méthodes semblent maintenant avoir été reléguées à l’arrière-plan par des forces bourgeoises et petites-bourgeoises qui ont mis de côté les forces véritablement révolutionnaires. Sur base de comités ouvriers de masse, une véritable armée révolutionnaire – plutôt que le ramassis de soudards qui soutient le soi-disant “gouvernement provisoire” – aurait pu être mobilisée afin de capturer toutes les villes de l’Est et d’adresser un appel révolutionnaire aux habitants de l’Ouest, et en particulier à ceux de la capitale, Tripoli.

    Il y a dans l’Histoire de nombreux exemples victorieux d’une telle approche, en particulier dans la révolution espagnole à laquelle Miliband se réfère mais qu’il ne comprend pas. Par exemple, après que les travailleurs de Barcelone aient écrasé l’insurrection fasciste de Franco en juillet 1936, José Buenaventura Durruti a formé une armée révolutionnaire qui a marché à travers la Catalogne et l’Aragon jusqu’aux portes de Madrid. Ce faisant, il a placé les quatre-cinquièmes de l’Espagne entre les mains de la classe ouvrière et de la paysannerie. C’était bel et bien une guerre “juste” de la part des masses qui défendaient la démocratie tout en luttant pour une nouvelle société socialiste, plus humaine. En outre, cette guerre bénéficiait d’un réel soutien international de la part de la classe ouvrière européenne et mondiale. Les critères utilisés par Miliband pour décider de ce qui est “juste” ou pas se situent dans le cadre du capitalisme et de ce qui est mieux pour ce système, et non pas pour les intérêts des travailleurs qui se trouvent dans une relation opposée et antagoniste par rapport à ce système, et de plus et plus aujourd’hui.

    Le “deux poids, deux mesures” des puissances occidentales

    Notre critère pour mesurer ce qui est juste et progressiste, y compris dans le cas de guerres, est de savoir dans quelle mesure tel ou tel événement renforce ou non les masses ouvrières, accroit leur puissance, leur conscience, etc. Tout ce qui freine cette force est rétrograde. L’intervention impérialiste capitaliste, y compris la zone d’exclusion aérienne, même si elle devait parvenir à ses objectifs, ne va pas renforcer le pouvoir de la classe ouvrière, ne va pas accroitre sa conscience de sa propre puissance, ne va pas la mener à se percevoir et à percevoir ses organisations comme étant le seul et véritable outil capable d’accomplir ses objectifs. Au lieu de ça, l’intervention attire l’attention des travailleurs de l’Est vers une force de “libération” venue de l’extérieur, abaissant ainsi le niveau de conscience des travailleurs de leur propre puissance potentielle.

    Comme l’ont fait remarquer même les députés Tory lors du débat à la Chambre des Communes, Miliband semble complètement adhérer à la “doctrine Blair” – une intervention militaire soi-disant humanitaire en provenance de l’extérieur – dont il avait pourtant semblé se distancier lorsqu’il avait été élu dirigeant du Labour. Ceci revient à justifier les arguments de Blair comme ceux de Cameron concernant le où et quand intervenir dans le monde. Miliband s’est rabattu sur la vague affirmation suivante : « L’argument selon lequel parce que nous ne pouvons pas faire n’importe quoi, alors nous ne pouvons rien faire, est un mauvais argument ». “Nous” (c’est-à-dire l’impérialisme et le capitalisme) ne pouvons pas intervenir contre la dictature en Birmanie, ne pouvons pas hausser “notre” ton contre les attaques meurtrières de la classe dirigeante israélienne contre les Palestiniens de Gaza. “Nous” sommes muets face aux régimes criminels d’Arabie saoudite et du Bahreïn. Néanmoins, il est “juste” de “nous” opposer à Kadhafi – même si “nous” le serrions encore dans “nos” bras pas plus tard que hier – et d’utiliser “notre” force aérienne (pour le moment) contre lui et son régime.

    C’est le journal “libéral” The Observer qui a fait la meilleure description de l’approche hypocrite arbitraire du capitalisme : « Pourquoi ce régime du Golfe (le Bahreïn) a-t-il le bénéfice du doute alors que d’autres dirigeants arabes n’y ont pas droit ? Il est clair qu’il n’est pas question d’intervenir au Bahreïn ou dans tout autre État où les mouvements de protestation sont en train d’être réprimés. L’implication en Libye ne laisse aucun appétit pour le moindre soutien actif, diplomatique ou militaire, pour les autres rébellions. S’il fallait choisir de n’attaquer qu’un seul méchant dans l’ensemble de la région, alors le colonel Kadhafi était certainement le meilleur candidat. » (The Observer du 17 avril)

    Ce qui est par contre entièrement absent de cette argumentation, ce sont les véritables raisons derrière l’intervention en Libye, qui sont les intérêts matériels du capitalisme et de l’internationalisme, pour le pétrole avant tout – la Libye comporte quelques-unes des plus grandes réserves de toute l’Afrique. Certains ont nié cet argument – ils ont dit la même chose à propos de l’Irak. « La théorie de la conspiration pour le pétrole … est une des plus absurdes qui soit » affirmait Blair le 6 février 2003. Aujourd’hui, The Independant (19 avril) a publié un mémorandum secret de l’Office des affaires étrangères datant du 13 novembre 2002, à la suite d’une rencontre avec le géant pétrolier BP : « L’Irak comporte les meilleures perspectives pétrolières. BP meurt d’envie de s’y installer ».

    Un soutien honteux pour l’intervention militaire

    Tandis que la position de Miliband et de ses comparses n’est guère surprenante étant donné l’évolution droitière des ex-partis ouvriers et de leurs dirigeants, on ne peut en dire de même de ceux qui prétendent s’inscrire dans la tradition marxiste et trotskiste. Sean Matgamna de l’AWL cite même Trotsky pour justifier son soutien à l’intervention militaire en Libye : « Un individu, un groupe, un parti ou une classe qui reste “objectivement” à se curer le nez tout en regardant des hommes ivres de sang massacrer des personnes sans défense, est condamné par l’Histoire à se putréfier et à être dévoré vivant par les vers ». Dans ce passage tiré des écrits de Trotsky sur la guerre des Balkans avant la Première Guerre mondiale, celui-ci dénonce les porte-paroles du capitalisme libéral russe qui restaient silencieux face aux atrocités commises par la Serbie et la Bulgarie à l’encontre des autres nationalités.

    Il ne justifiait pas le moins du monde le moindre soutien en faveur des dirigeants d’une nation contre l’autre. Cela est clair à la lecture de la suite de ce passage, que Matgamna ne cite pas : « D’un autre côté, un parti ou une classe qui se dresse contre chaque acte abominable où qu’il se produise, aussi vigoureusement et décidément qu’un organisme réagit pour protéger ses yeux lorsqu’ils sont menacés par une blessure externe – un tel parti ou classe est pur de cœur. Le fait de protester contre les outrages dans les Balkans purifie l’atmosphère sociale dans notre propre pays, élève le niveau de conscience morale parmi notre propre population… Par conséquent, une opposition obstinée contre les atrocités ne sert pas seulement l’objectif d’autodéfense morale au niveau de l’individu ou du parti, mais également l’objectif de sauvegarde politique de notre peuple contre l’aventurisme caché sous l’étendard de la “libération”. »

    Le dernier point de cette citation ne peut être à tout le moins compris qu’allant à l’encontre de la position de l’AWL, qui soutient l’intervention impérialiste cachée sous l’étendard trompeur de la “libération”. Et pourtant, nous trouvons ici l’affirmation surprenante selon laquelle : « La soi-disant gauche s’emmêle encore une fois dans un faux dilemme politique : la croyance selon laquelle il est obligatoire de s’opposer de manière criarde à l’“intervention libérale” franco-britannique en Libye au sujet de chacun de ses actes (ou au moins de chacun de ses actes militaires), sans quoi cela reviendrait à lui accorder un soutien général. En fait, ce dilemme n’est que de leur propre invention ». Tentant de trouver la quadrature du cercle, Matgamna ajoute ensuite que : « Bien entendu, les socialistes n’accordent aucun soutien aux gouvernements et aux capitalistes au pouvoir au Royaume-Uni, en France et aux États-Unis, ni aux Nations-Unies, ni en Libye, ni nulle part ailleurs ».

    Même un enfant de dix ans se rendrait compte que le fait de soutenir la moindre forme d’action militaire est une forme de “soutien politique actif”. L’AWL prétend pouvoir nettement séparer le soutien pour ce type d’action des perspectives plus globales concernant les puissances qui entreprennent ce type d’action. Mais elle agit dans la pratique comme un défenseur de la France et du Royaume-Uni : « L’ONU, se servant du Royaume-Uni et de la France, a fixé des objectifs très limités en Libye. Il n’y a aucune raison de croire que les “Grandes Puissances” veulent occuper la Libye ou sont occupées à quoi que ce soit d’autre que d’effectuer une opération de police internationale limitée sur ce qu’elles perçoivent comme constituant la “frontière sud” de l’Europe ». L’AWL ajoute même gratuitement que : « Les âpres leçons du bourbier iraqien sont encore très vives dans la mémoire de ces puissances ». Et poursuit avec ceci : « Au nom de quelle alternative devrions-nous leur dire de ne pas utiliser leur force aérienne pour empêcher Kadhafi de massacrer un nombre incalculable de ses propres sujets ? Voilà quelle est la question décisive dans de telles situations ». Et quiconque ne s’aligne pas sur ce non-sens est selon l’AWL un pacifiste incorrigible.

    Pour montrer à quel point ces annonciateurs “trotskistes” sont éloignés de la réelle position de Trotsky par rapport à la guerre, regardons sa position au cours de la guerre civile espagnole concernant la question du budget militaire du gouvernement républicain. Max Shachtman, qui était en ce temps un de ses partisans, s’est opposé à Trotsky qui défendait en 1937 le fait que : « Si nous avions un membre dans le Cortes [le parlement espagnol], nous voterions contre le budget militaire de Negrin ». Trotsky a écrit que l’opposition de Shachtman à sa position « m’a étonné. Shachtman était prêt à exprimer sa confiance dans le perfide gouvernement Negrin ».

    Il a plus tard expliqué que : « Le fait de voter en faveur du budget militaire du gouvernement Negrin revient à lui donner un vote de confiance politique… Le faire serait un crime. Comment expliquer notre vote aux travailleurs anarchistes ? Très simplement : Nous n’accordons pas la moindre confiance en la capacité de ce gouvernement à diriger la guerre et à assurer la victoire. Nous accusons ce gouvernement de protéger les riches et d’affamer les pauvres. Ce gouvernement doit être broyé. Tant que nous ne serons pas assez forts que pour le remplacer, nous nous battrons sous son commandement. Mais en toute occasion, nous exprimerons ouvertement notre méfiance à son égard : voici la seule possibilité de mobiliser les masses politiquement contre ce gouvernement et de préparer son renversement. Toute autre politique constituerait une trahison de la révolution » (Trotsky, D’une égratignure au risque de gangrène, 24 janvier 1940). Imaginons maintenant à quel point Trotsky dénoncerait le soutien honteux de l’AWL à l’intervention impérialiste en Libye aujourd’hui.

    Une position de classe indépendante

    On reste sans voix devant le fait que l’AWL, avec son apologie de l’intervention impérialiste, prétende défendre par-là une “politique ouvrière indépendante”. Mais il n’y a pas le moindre atome de position indépendante de classe dans son approche. Nous nous opposons à l’intervention militaire, tout comme s’y sont opposées les masses de Benghazi au cours de la première période. Les slogans sur les murs proclamaient en anglais : « Non à l’intervention étrangère, les Libyens peuvent se débrouiller par eux-mêmes ». En d’autres termes, les masse avaient un instinct de classe bien plus solide, une suspicion par rapport à toute intervention militaire extérieure, en particulier par les puissances qui dominaient autrefois la région – le Royaume-Uni et la France. Elles craignaient à juste titre que la zone d’exclusion aérienne, malgré les grands discours proclamant le contraire, ne mènent à une invasion, comme cela a été le cas en Irak.

    Cela signifie-t-il que nous nous contentons de rester au niveau de slogans généraux, que nous restons passifs face à l’éventuelle attaque de Kadhafi sur Benghazi ? Non. Mais dans une telle situation, nous insistons sur la nécessité d’une politique de classe indépendante, sur le fait que les masses ne doivent avoir confiance qu’en leur propre force, et ne pas accorder le moindre crédit à l’idée que l’impérialisme agit pour le bien des masses. Il est tout à fait vrai que nous ne pouvons en aucun cas répondre à l’argument du massacre potentiel par des affirmations du style : “La triste réalité est que les massacres sont une caractéristique chronique du capitalisme. La gauche révolutionnaire est, hélas trop faible pour les empêcher » (Alex Callinicos, un des dirigeants du SWP britannique).

    Les forces du marxisme peuvent être physiquement trop faibles pour empêcher des massacres – comme dans le cas du Rwanda par exemple. Nous sommes néanmoins obligés de défendre le fait que le mouvement ouvrier large adopte la position la plus efficace afin de défendre et de renforcer le pouvoir et l’influence de la classe ouvrière dans toute situation donnée. Par exempe, en Irlande du Nord en 1969, les partisans de Militant (prédécesseur du Socialist Party) se sont opposés à l’arrivée des troupes britanniques pour “défendre” les zones catholiques nationalistes de Belfast et de Derry contre l’attaque meurtrière des milices B-specials à prédominance loyaliste. Le SWP, bien qu’il l’ait plus tard nié, soutenait le débarquement des troupes britanniques. Lorsque les troupes sont arrivées, elles ont protégé ces zones des attaques loyalistes et ont été accueillies en tant que “défenseurs”. Mais, comme nous l’avions prédit, à partir d’un certain point ces troupes se transformeraient en leur contraire et commenceraient à être perçues comme une force de répression contre la minorité catholique nationaliste. Et c’est exactement ce qui s’est passé.

    Toutefois, confrontés au massacre potentiel de la population catholique, nous n’avons pas adopté une position “neutre” ou passive. Dans notre journal Militant de septembre 1969, nous appelions à la création d’une force de défense unitaire ouvrière, au retrait des troupes britanniques, au démantèlement de la milice B-specials, à la fin des discriminations, à la création d’emplois, de logements, d’écoles, etc. pour tous les travailleurs. En d’autres termes, nous étions donc en faveur d’une unité de classe et pour que les travailleurs se basent sur leurs propres forces et non pas sur celles de l’État capitaliste. Une approche similaire, basée sur l’indépendance de classe la plus complète, et adaptée au contexte concret de la Libye et du reste de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, est la seule capable de mener à la victoire de la lutte des travailleurs dans une situation aussi compliquée.

    Nous ne pouvons suivre Achar non plus, lorsqu’il dit : « Selon ma conception de la gauche, quiconque prétend appartenir à la gauche ne peut tout bonnement ignorer la demande de protection émanant d’un mouvement populaire, même de la part des ripoux impérialistes, lorsque le type de protection demandé n’en est pas un par lequel le contrôle sur leur pays peut être exercé. Aucune force progressiste ne peut se contenter d’ignorer la demande de protection provenant des rangs des insurgés ».

    Il est erroné d’identifier “les insurgés”, qui provenaient au départ d’un authentique mouvement de masse – comme nous l’avons fait observer – à leur direction actuelle, bourrée d’éléments bourgeois et pro-bourgeois, y compris de renégats en provenance du régime de Kadhafi. Qui plus est, il est entièrement faux – comme certains l’ont fait – de comparer l’acceptation de la part de Lénine de nourriture et d’armes fournies par une puissance impérialiste pour en repousser une autre, sans aucune condition militaire ou politique liée, à un soutien à la zone d’exclusion aérienne. La question pour les marxistes n’est pas de ce qui est fait, mais de qui le fait, comment et pourquoi.

    Défendre la révolution

    Au final, l’objectif de l’intervention impérialiste est de sauvegarder sa puissance, son prestige et son revenu de la menace de la révolution qui se développe dans la région. Comme l’a bien expliqué un porte-parole de l’administration Obama, la principale source d’inquiétude n’est pas ce qui se passe en Libye, mais bien les conséquences que cela pourrait avoir en Arabie saoudite et dans les États du Golfe, où sont concentrées la plupart des réserves pétrolières desquelles dépend le capitalisme mondial. Les impérialistes considèrent une intervention victorieuse en Libye comme étant un rempart contre toute menace de révolution dans ces États et dans l’ensemble de la région. Ils sont aussi inquiets de l’influence régionale de l’Iran, qui s’est énormément accrue en conséquence de la guerre d’Irak.

    La situation en Libye est extrêmement fluide. La manière dont se résoudra le conflit actuel est incertaine. En ce moment, il semble que cela se termine par une impasse, dans laquelle ni Kadhafi ni les rebelles ne sont capables de porter un coup décisif pour s’assurer la victoire dans ce qui est à présent une guerre civile prolongée. Ceci pourrait mener à une réelle partition du pays, ce qui est déjà le cas dans les faits. Dans cette situation, toutes les divisions tribales latentes – qui étaient en partie tenues en échec par la terreur du régime Kadhafi – pourraient remonter à la surface, créant une nouvelle Somalie au beau milieu de l’Afrique du Nord, avec toute l’instabilité que cela signifie, en particulier en ce qui concerne la lutte pour les réserves de pétrole de la Libye. D’un autre côté, l’impérialisme cherche désespérément à éviter de donner l’impression que Kadhafi ait obtenu une victoire partielle dans cette lutte, ce qui renforcerait la perception d’impuissance des puissances impérialistes à pouvoir décider de l’issue des événements.

    Mais la responsabilité du mouvement ouvrier au Royaume-Uni et dans le monde est claire : opposition absolue à toute intervention impérialiste ! Que le peuple libyen décide de son propre destin ! Soutien maximum de la part de la classe ouvrière et du mouvement ouvrier mondial aux véritables forces de libération nationale et sociale en Libye et ailleurs dans la région, y compris sous la forme d’un approvisionnement en nourriture et en armes !

    L’impérialisme ne sera pas capable d’arrêter la marche en avant de la révolution en Afrique du Nord et dans le Moyen-Orient. Certes, comme le CIO l’avait prédit, il existe une grande déception parmi les masses, qui estiment que les fruits de leurs victoires contre Moubarak et Ben Ali ont jusqu’ici été volées par les régimes qui les ont remplacés. L’appareil de sécurité et la machine d’État tant haïs qui existaient auparavant demeurent largement intacts, malgré les puissantes convulsions de la révolution. Mais ceux-ci sont en train d’être combattus par des mouvements de masse.

    Les révolutions tiennent bon, et des millions de gens ont appris énormément de choses au cours du mouvement. Espérons que leurs conclusions mèneront à un renforcement de la classe ouvrière et au développement d’une politique de classe indépendant. Un tel renforcement serait symbolisé par le développement par les travailleurs de leurs propres organisations, de nouveaux et puissants syndicats et partis ouvriers, avec l’objectif de la transformation socialiste de la société, accompagnée par la démocratie en Libye et dans l’ensemble de la région.

  • Comment Gustave Dache réécrit l’histoire de la grève de 60-61

    Suite à la publication du livre de Gustave Dache sur la grève générale de 60-61, la LCR avait fait une critique de l’ouvrage sur son site. Voici cette réponse de la LCR et dans les liens ci-dessous celle de Gustave dache.

    Par A. Henry, L. Perpette, G. Leclercq, G. Dobbeleer le Mardi, 30 Novembre 2010

    Comment Ernest Mandel a empêché la victoire de la révolution socialiste en 60-61» : tel devrait être le titre du livre que Gustave Dache, militant ouvrier et vétéran carolo de la grève du siècle, a intitulé « La grève générale révolutionnaire et insurrectionnelle de 60-61 ».(1) Dache y défend l’idée que la Belgique connut à cette période une situation ouvertement révolutionnaire au cours de laquelle la classe ouvrière fut à deux doigts de s’emparer du pouvoir politique par une insurrection. L’échec, selon Dache, est dû au fait que les travailleurs furent trahis par leurs directions traditionnelles ainsi que par la gauche renardiste au sein de la FGTB, qui dévia le combat vers le fédéralisme.

    Mais le livre constitue avant tout une dénonciation extrêmement violente d’Ernest Mandel et de ses partisans qui, à l’époque, pratiquaient « l’entrisme » dans la social-démocratie. Pour Dache, la révolution aurait triomphé si « le groupe Mandel » avait été révolutionnaire en pratique ; or, selon lui, il s’est avéré qu’il ne l’était qu’en théorie. Chapitre après chapitre, l’auteur martèle que « les mandélistes » ne sont en vérité et par essence que des « capitulards », des « liquidationnistes », des « réformistes », des « pseudo marxistes », de « faux trotskistes », des « suivistes » et des « opportunistes » visant pour la plupart à « faire carrière ». Ces accusations sont grotesques mais on connaît l’adage : « calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ».

    Gustave Dache ayant trouvé le moyen de faire imprimer ce qu’il répète sans succès depuis 50 ans, nous sommes bien obligés de mettre un certain nombre de choses au point par écrit. Nous ne serons pas exhaustifs, cela nous entraînerait trop loin, tant l’ouvrage fourmille d’inexactitudes, de demi-vérités et de mensonges purs et simples (un chapitre entier est carrément repris d’un auteur lambertiste de l’époque, spécialiste du genre). Au-delà des querelles d’anciens combattants, notre souci est de donner une image correcte de ce que furent la grève du siècle et l’intervention de la section belge de la Quatrième Internationale dans cet événement. Car une conscience anticapitaliste se construit sur une interprétation juste des faits historiques, pas sur des mythes, des caricatures et des insultes.

    1. La Belgique connut-elle une situation révolutionnaire et insurrectionnelle au cours de l’hiver 60-61 ?

    Gustave Dache répond sans hésiter : « oui ». Nous ne partageons pas cette appréciation. Rappelons que, pour Lénine, une situation est révolutionnaire lorsque trois conditions sont remplies simultanément : 1°) ceux d’en bas ne veulent plus être gouvernés comme avant ; 2°) ceux d’en haut n’en sont plus capables ; 3°) les classes moyennes hésitent entre les deux camps. La deuxième condition n’a jamais été remplie en 60-61. La classe dominante resta unie et déterminée, elle ne perdit jamais le contrôle de la situation et fut loin d’épuiser toutes ses cartouches. La Belgique de 60-61 ne connut même pas une vacance temporaire du pouvoir, comme lors du Mai 68 français, quand De Gaulle disparut en Allemagne pour consulter ses généraux. Après cinq semaines, les travailleurs reprirent le travail sans avoir été battus, le gouvernement Eyskens tomba en avril, et le PSB, revenu au pouvoir, appliqua la « Loi Unique » par morceaux. Gustave Dache ne conteste pas cet enchaînement des faits. Or, celui-ci conduit à s’interroger aussi sur la première des trois conditions citées par Lénine.

    Il ne s’agit pas de minimiser la portée de 60-61 mais de prendre la juste mesure de l’événement. En effet, si la majorité des travailleurs était invaincue et avait vraiment perdu toute illusion sur la social-démocratie au cours de la grève, comment expliquer qu’elle ne soit pas repartie au combat quelques mois plus tard? La classe ouvrière aurait-elle été écrasée entre-temps ? Historiquement, les situations révolutionnaires qui n’ont pas débouché sur la prise du pouvoir par les travailleurs ont toujours et nécessairement abouti à la victoire de la contre-révolution, c’est à dire à l’écrasement du mouvement ouvrier organisé. Où Dache voit-il un tel écrasement dans la période qui a suivi la grève ? Quand et comment la situation révolutionnaire prétendument ouverte par la grève générale s’est-elle refermée ?

    Ici, une clarification s’impose. Dans sa préface au livre de G. Dache, Eric Byl, dirigeant du PSL, parle des « six grèves générales » qui auraient eu lieu en Grèce au cours des premiers mois de cette année… A cette aune, on comprend que 60-61 constitue pour lui une révolution ! Cependant, confondre une grève générale et un arrêt de travail généralisé de 24 heures constitue une erreur sérieuse. Le marxisme révolutionnaire parle de grève générale quand le fleuve ouvrier déborde les digues et inonde la société au point que plus personne ne sait quand et comment le faire rentrer dans son lit. C’est en ce sens, et en ce sens seulement, que toute grève générale ouvre une situation potentiellement révolutionnaire, donc potentiellement insurrectionnelle.

    De plus, entre une situation potentiellement révolutionnaire, une situation pré-révolutionnaire, une situation réellement révolutionnaire, et une situation où les conditions pour une victoire révolutionnaire sont réunies, il y a encore tout un chemin à parcourir. (2) L’expérience pratique doit amener la masse des travailleurs mobilisés à se détourner successivement des directions collaborationnistes, réformistes, réformistes de gauche ou « centristes » (3), permettant ainsi le développement d’un parti révolutionnaire qui commence à être reconnu comme une direction alternative crédible à l’échelle de masse. L’expérience historique enseigne que ce processus est intimement lié à l’auto-organisation des travailleurs. C’est pourquoi le niveau de développement des organes de pouvoir des travailleurs est un bon indicateur du caractère révolutionnaire ou prérévolutionnaire d’une situation donnée, quelle qu’elle soit.

    Or, que montre la grève générale de 60-61 à cet égard ? Dans plusieurs localités du Hainaut, des comités élus par les grévistes ont pris en charge le combat et même certains aspects de la vie quotidienne, tels que la circulation des véhicules, etc. Mais il s’agissait généralement de structures territoriales, formées dans les Maisons du Peuple, et pas de véritables comités de grève, élus en assemblée générale des travailleurs, au niveau des entreprises. Ces structures territoriales sont restées relativement isolées et n’ont pas commencé à se coordonner. Pourquoi sont-elles apparues dans le Hainaut ? Parce que l’appareil FGTB s’y opposait ouvertement à l’aile gauche renardiste. A Liège, où Renard assumait le mouvement, les comités étaient inexistants. Ils n’existaient pas non plus en Flandre, où les grévistes, confrontés au sabotage de la CSC, se regroupaient derrière la FGTB en tant que telle. « La Gauche » a appelé à former des comités de grève, elle a même avancé la perspective d’un congrès national de ces comités ; mais cette revendication restait très propagandiste, contrairement à ce qu’écrit Dache.

    Concrètement, la seule manifestation généralisée de pouvoir des travailleurs fut la désignation, par le syndicat, des travailleurs autorisés à entrer dans les entreprises pour l’entretien de l’outil. C’est important, mais cela ne suffit pas à caractériser la situation comme révolutionnaire. Ou alors il faudrait conclure qu’une révolution pourrait se dérouler sans que l’appareil syndical perde le contrôle des masses, ce qui est absurde.

    Dache prend systématiquement ses souhaits pour des réalités. Il ne tient pas compte du fait que la grève générale n’était certainement pas perçue comme « révolutionnaire » ni « insurrectionnelle » en Flandre. Il affirme que le saccage de la gare des Guillemins et les affrontements qui ont suivi, à Liège le 6 janvier, constituaient une « insurrection prolétarienne ». C’est confondre émeute et insurrection : une insurrection ne consiste pas à casser les vitres des gares mais à s’emparer des lieux du pouvoir politique et des points stratégiques, tels que les bâtiments officiels, les parlements, la radio et la TV, les centrales électriques, les nœuds de communication, les centrales téléphoniques, etc. Rien de tel ne s’est produit en 60-61. Les nombreux actes de sabotage mentionnés par Dache n’apportent pas non plus une preuve du caractère révolutionnaire de la situation. La grève du siècle a montré le potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière, mais la situation n’a jamais été révolutionnaire. Telle est la vérité historique.

    2. Le « groupe Mandel » est-il resté à la remorque de Renard ?

    Dache dénonce André Renard, mais il est bien obligé d’admettre que celui-ci était vu et reconnu unanimement comme l’âme de la grève et comme son dirigeant incontesté. Partout, les grévistes réclamaient Renard, y compris et surtout dans les régions qui connurent des formes d’auto-organisation. Renard incarnait la gauche de la FGTB en lutte ouverte contre la droite social-démocrate, son autorité resta intacte jusqu’au bout et il garda le contrôle du mouvement même après l’avoir fait dévier vers l’objectif du fédéralisme.

    Ce n’était certainement pas un révolutionnaire, mais ce n’était pas non plus un réformiste, et encore moins un partisan de la cogestion du capitalisme ! Il était auréolé du prestige de la Résistance, apparaissait comme un partisan du socialisme par l’action et semblait porter le combat pour les réformes de structure adoptées lors des congrès de 54 et 56 de la FGTB. C’est dire qu’il y avait pour le moins fort peu d’espace politique à gauche de Renard en 60, et qu’il convenait d’agir intelligemment. Se couper radicalement de lui, comme Dache le prône, aurait signifié se couper radicalement de la grande masse des grévistes et de toute leur avant-garde. Il n’y a aucun doute à ce sujet. Même après la grève, le prestige de Renard était tel que le Mouvement Populaire Wallon, qu’il avait fondé, compta plus de vingt mille adhérents. L’immense majorité des travailleurs radicalisés dans le combat contre la Loi Unique furent membres du MPW.

    Pour autant, il est complètement faux et grossier d’affirmer, comme le fait Dache, que la section belge de la Quatrième Internationale serait restée à la remorque de Renard. Les tensions furent très vives, au contraire. En février 1959, Mandel et Yerna (qui ne fut jamais trotskyste) rompirent avec Renard parce que celui-ci avait fait volte-face dans la solidarité avec la grève des mineurs du Borinage. Une certaine réconciliation intervint par la suite, avant la grève, mais elle resta superficielle. Les désaccords étaient nombreux. Contrairement à Renard, qui ne se prononça jamais sur ce point, « La Gauche » mena campagne pour que les réformes de structure soient clairement anticapitalistes. La surenchère de Dache à ce sujet est complètement déplacée. Il prétend que notre courant défendait des réformes néocapitalistes et en veut pour preuve que « La Gauche » ne mit pas en avant l’exigence du contrôle ouvrier. Mais il se contredit en citant sa propre intervention lors d’une assemblée de travailleurs du verre au cours de laquelle, de son propre aveu, il ne dit mot de ce contrôle ouvrier, si indispensable à ses yeux !

    Outre Mandel lui-même, plusieurs militants de notre courant se heurtèrent sérieusement à Renard. Ce fut notamment le cas d’Edmond Guidé, qui fit arrêter tout Cockerill à Liège dès le 20 décembre 1960 et que Renard, pour cette raison, démit sur-le-champ de son mandat syndical. Un autre membre notoire de notre organisation, Gilbert Leclercq, fut un des principaux animateurs du comité de grève de Leval, une des expériences les plus avancées en matière d’auto-organisation. Quant à la Jeune Garde Socialiste (le mouvement de jeunes du PSB à l’époque), le seul groupe qui trouve grâce aux yeux de Gustave Dache, les militant-e-s de la Quatrième Internationale y jouaient un rôle de premier plan. Surtout, « La Gauche » fut le seul courant politique à mener campagne pour la marche sur Bruxelles. On apprit par la suite, de bonne source, qu’il aurait suffi que les renardistes reprennent ce mot d’ordre pour qu’Eyskens abandonne la loi unique.

    La marche sur Bruxelles était vraiment la revendication centrale pour celles et ceux qui voulaient que le combat progresse dans un sens révolutionnaire. Mais Renard n’en voulait pas. Notre camarade Lucien Perpète fut dans le collimateur pour avoir scandé ce mot d’ordre lors d’un meeting à Yvoz-Ramet. S’il faut encore une preuve pour démontrer la rupture de « La Gauche » avec Renard, il suffit de mentionner qu’à partir du 24 décembre 1960, lorsque « La Gauche » appela à créer partout des comités de grève et à les coordonner, notre journal dut se faire imprimer à Bruxelles, car Renard interdit qu’il puisse encore être tiré sur les presses du quotidien « La Wallonie », contrôlé par la Centrale des Métallurgistes.

    Il est exact que certaines positions du journal « La Gauche » furent parfois floues, voire approximatives. Mais « La Gauche » était l’organe de la tendance de gauche au sein du PSB, pas de la section belge de la Quatrième Internationale. Bien qu’Ernest Mandel en fût le rédacteur en chef, elle n’exprimait pas toujours des positions marxistes-révolutionnaires, loin de là. On peut certes estimer que les trotskystes auraient dû mettre davantage l’accent sur leur apparition autonome en tant que section de l’Internationale. Mais « grise est la théorie, vert est l’arbre de la vie ». Nos camarades menaient de front le travail politique dans La Gauche, dans les JGS et la participation aux réseaux de soutien au Front de Libération Nationale pendant la guerre d’Algérie. Ils étaient si peu nombreux qu’ils durent se contenter de diffuser leurs positions via un supplément au mensuel de la section française, La Vérité des Travailleurs. Exemple de cette faiblesse: lorsque Georges Dobbeleer commença à travailler comme ouvrier à la FN en 1953, il était le seul militant trotskyste dans la région liégeoise…

    On peut estimer aussi que nos camarades auraient dû claquer la porte du PSB après l’entrée de celui-ci au gouvernement, au lieu d’attendre leur expulsion en 1964. C’est notre opinion et, que nous sachions, c’était, jusqu’à présent, celle de Gustave Dache. Nous nous demandons donc pourquoi il ne l’a pas exprimée dans son ouvrage… Serait-ce pour ne pas gêner ses amis du PSL, qui, eux, sont restés dans la social-démocratie jusqu’en 1993, soit plus de 30 ans après la grève générale de 60-61?

    3. Où s’arrête la critique, où commencent la calomnie et l’insulte ?

    Les points abordés jusqu’ici relèvent du débat politique. Ils peuvent donner lieu à des échanges très vifs, et même à des polémiques. C’est la tradition dans la gauche en général, entre marxistes en particulier. Gustave Dache est virulent dans sa critique de la politique du Parti Communiste, sans déraper pour autant dans l’invective ou la calomnie. Mais il réserve celles-ci à notre courant. Les « mandélistes » sont sa cible principale, sinon exclusive. Deux chapitres leur sont consacrés et le ton extrêmement violent qui est utilisé ne sied pas à un débat entre révolutionnaires. Dache ne nous qualifie pas de « traîtres » mais, de toute évidence, c’est le fond de sa pensée. Ces dernières années, les accusations de ce genre ont disparu des échanges entre organisations de la gauche radicale car le PTB qui y recourait a rangé ses outrances staliniennes au placard. Il est déplorable que le flambeau soit repris par un militant qui se réclame du trotskysme ! Dache fait inévitablement penser à un article de Trotsky concernant Georges Vereecken : « Des sectaires en général et des indécrottables en particulier ». Ce titre s’applique parfaitement à son cas.

    Non seulement le ton et le vocabulaire employés rendent le débat politique difficile (serait-ce le but : empêcher le débat ?), mais en plus Gustave Dache colporte un certain nombre de contre-vérités qui attentent à l’intégrité morale de militant-e-s révolutionnaires. Pour montrer à quel point les « entristes » ont mal tourné, il écrit par exemple que Georges Dobbeleer aurait « fait carrière » comme secrétaire syndical de la CGSP-Enseignement de Liège. Outre le fait qu’il n’est pas déshonorant d’être élu secrétaire syndical par ses camarades de travail, c’est une contre-vérité pure et simple : notre camarade a enseigné jusqu’à sa retraite, à 65 ans ! Est-ce cela « faire carrière » ?

    D’autres affirmations calomniatrices concernent des personnes qui n’ont plus la possibilité de se défendre. Arthur Henry, par exemple, est tombé après la grève dans un guet-apens tendu par le président de l’Union Verrière (un syndicat corporatiste qui existait encore à l’époque, et dont Henry proposait le ralliement pur et simple à la Centrale Générale). Par une manœuvre, le dirigeant de l’UV fit croire que notre camarade refusait d’intégrer au personnel de l’usine de Gilly, dont il était délégué, deux militants d’une autre entreprise de la région, qui étaient victimes de la répression patronale pour faits de grève. Gustave Dache, qui était à l’époque pour le maintien du syndicat corporatiste, prend la version du dirigeant de l’UV pour argent comptant… Il omet de signaler qu’Arthur Henry démissionna de son mandat en guise de protestation contre la cabale! Il omet aussi de préciser que cet incident fut à la base de la formation de la gauche syndicale regroupée autour du bulletin « La Nouvelle Défense », qui allait conduire au renversement des délégations droitières dans plusieurs entreprises verrières de la région…

    Notre dénonciateur de « mandélistes capitulards » donne tellement de leçons de marxisme, de mise en œuvre du programme de transition et de syndicalisme anticapitaliste, et il le fait avec tant de prétention, que nous sommes amenés à poser la question : qu’a-t-il gagné, lui, quelles victoires a-t-il remportées pour la classe ouvrière ? Qu’a-t-il construit sur la durée? Nous l’ignorons et aucun syndicaliste carolorégien n’a pu nous renseigner à ce sujet … Ce que nous savons, par contre, c’est que certains « capitulards mandélistes » eurent à leur actif des réalisations et des luttes exemplaires.

    Le « mandéliste » André Henry dirigea les luttes du secteur verrier dans les années 70, notamment la grève avec occupation, maintien de l’outil sous contrôle ouvrier, élection de comités de grève dans les treize entreprises de Glaverbel au Pays Noir, et centralisation des comités en un comité régional de grève, dont il fut le président. Ce fut l’expérience la plus avancée de mise en pratique du Programme de transition dans l’histoire de notre pays après la deuxième guerre mondiale. Notre camarade était à ce point encombrant que la direction de Glaverbel (Philippe Bodson) lui offrit dix millions de francs belges pour qu’il abandonne le combat, ce qu’il refusa.

    Louis Goire et Armand Dams, délégués de l’aciérie Thomas à Cockerill Liège, eurent à leur actif d’innombrables combats, notamment deux grèves internationalistes d’un quart d’heure pour protester contre les bombardements américains au Cambodge, durant la guerre du Vietnam. Ces délégués syndicaux furent d’ailleurs bureaucratiquement éliminés au début des années 70 par Robert Lambion, un ancien bras droit de Renard. Lucien Perpète joua un rôle très actif dans la première grève des employés de la sidérurgie liégeoise, en 1970-71. Gilbert Leclercq fut, dans sa région du Centre, le principal dirigeant de la grève nationale du secteur de la construction, en 1968. Pierre Legrève, qui échappa miraculeusement à la mort lors d’un attentat dirigé contre lui par l’extrême-droite colonialiste en raison du rôle central qu’il jouait dans le soutien au Front de Libération Nationale algérien, parviendra à renverser la bureaucratie syndicale social-démocrate dans la CGSP-Enseignement à Bruxelles et à y animer pendant deux décennies une équipe de militants syndicaux combatifs s’appuyant sur des assemblées syndicales démocratiques.

    Georges Dobbeleer , outre qu’il fut condamné à trois ans de prison par contumace par la bureaucratie polonaise, pour son travail de solidarité avec les militants ouvriers indépendants, fit adopter la revendication de l’école unique au congrès national de la CGSP enseignement en 1982. Après 1960, les militants de la Quatrième Internationale jouèrent un rôle de plus en plus important dans la JGS, qui mobilisa 6.000 personnes à La Louvière contre le militarisme et l’OTAN, les 14 et 15 octobre 1961, pour le 40e anniversaire du « fusil brisé ». Etc., etc. Dache réussit le tour de force d’évoquer les suites de la grève du siècle jusqu’au milieu des années septante sans dire un mot de ces contributions de nos camarades à la lutte des classes. Craindrait-il la comparaison ?

    André Henry, Lucien Perpette, Gilbert Leclercq, Georges Dobbeleer


    Notes:

    (1) Gustave Dache, « La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de 60-61 », ed. marxisme.be

    (2) « La pensée marxiste est dialectique: elle considère tous les phénomènes dans leur développement, dans leur passage d’un état à un autre. La pensée du petit bourgeois conservateur est métaphysique: ses conceptions sont immobiles et immuables, entre les phénomènes il y a des cloisonnements imperméables. L’opposition absolue entre une situation révolutionnaire et une situation non-révolutionnaire représente un exemple classique de pensée métaphysique, selon la formule: ce qui est, est – ce qui n’est pas, n’est pas, et tout le reste vient du Malin. Dans le processus de l’histoire, on rencontre des situations stables tout à fait non-révolutionnaires. On rencontre aussi des situations notoirement révolutionnaires. Il existe aussi des situations contre-révolutionnaires (il ne faut pas l’oublier !). Mais ce qui existe surtout à notre époque de capitalisme pourrissant ce sont des situations intermédiaires, transitoires : entre une situation non-révolutionnaire et une situation pré-révolutionnaire, entre une situation pré-révolutionnaire et une situation révolutionnaire ou… contre-révolutionnaire. C’est précisément ces états transitoires qui ont une importance décisive du point de vue de la stratégie politique. Que dirions-nous d’un artiste qui ne distinguerait que les deux couleurs extrêmes dans le spectre? Qu’il est daltonien ou à moitié aveugle et qu’il lui faut renoncer au pinceau. Que dire d’un homme politique qui ne serait capable de distinguer que deux états: "révolutionnaire" et "non-révolutionnaire" ? Que ce n’est pas un marxiste, mais un stalinien, qui peut faire un bon fonctionnaire, mais en aucun cas un chef prolétarien. »  Léon Trotsky, « Où va la France »

    (3) Les marxistes révolutionnaires qualifient de « centristes » les courants de gauche qui oscillent entre réforme et révolution.

  • Quel avenir pour Cuba ?

    Ce 8 septembre, Fidel Castro a accordé une interview au magazine américain ‘‘The Atlantic’’ dans laquelle il a affirmé que ‘‘le modèle cubain ne fonctionne plus’’. Après cela, le 14 septembre, le syndicat cubain a annoncé la suppression de quelques 500.000 emplois dans la fonction publique d’ici mars 2011. Effectivement quelque chose ne fonctionne plus…

    Par Pablo N. (Bruxelles)

    Bien sûr, l’Ile doit faire face à une aggravation conjoncturelle de sa situation notamment due aux 3 cyclones qui ont ravagé l’économie cubaine en 2008 et à la crise internationale qui frappe aussi là-bas, bien évidemment. Mais à côté de ces éléments se trouvent des problèmes structurels comme le blocus économique imposé par l’impérialisme américain, la productivité et le marché noir.

    Le régime cubain riposte par des mesures d’austérité dignes de nos politiciens néolibéraux : suppression des cantines dans les entreprises d’Etat, diminution des bourses universitaires, augmentation de l’âge de départ à la retraite, etc. Et maintenant, ce licenciement massif. Cuba fournira encore à tous ces gens les meilleurs systèmes de santé et d’éducation de tout le continent américain, mais rien ne garantit que les salaires seront les mêmes.

    Au-delà de cela se pose surtout l’idée du gouvernement cubain de jeter tous ces gens dans le secteur privé en créant ainsi un embryon de marché du travail et restaurer avec patience le système capitaliste, avec en exemple la Chine ou le Vietnam. En réaction s’élèvent plusieurs voix d’intellectuels, de militants du Parti Communiste Cubain (PCC) et des Jeunesses Communistes.

    Par exemple, lors du dernier congrès du PCC en 2009 (celui qui a entériné cette politique pro-capitaliste), une plateforme de ‘‘communistes et révolutionnaires cubains’’ a proposé des points programmatiques comme la constitution de conseils ouvriers contrôlant les décisions dans les centres de travail, la modification du système électoral dans le sens d’une démocratie plus participative ou encore la possibilité de construire des courants au sein du Parti.

    Bref, à Cuba, rien n’est encore joué et les masses vont intervenir dans le processus actuel.

  • Malaisie – Trois jours de protestations de plus 5.000 travailleurs immigrés

    Plus de 5.000 travailleurs immigrés de JCY Co. Ltd., une usine électronique dans la région industrielle de Tebrau à Johor Baru, ont protesté dans les quartiers ouvriers contre la négligence de leurs patrons. Un travailleur népalais est décédé au travail le 16 août, le paton refusant de l’envoyer à l’hôpital. Un autre travailleur népalais serait également décédé le 4 août de n’avoir pas reçu de traitement suffisament tôt.

    Par des correspondants du CIO en Malaisie

    Les travailleurs issus du Népal, du Myanmar, du Vietnam, du Bangladesh et d’Inde se sont unis pour manifester suite à la mort de leur camarade tout en protestant également contre les bas salaires et l’absence de structures de soins dans cette entreprise de 8.000 travailleurs. La direction a fait appel à plus de 200 policiers pour contrôler les travailleurs en colère. Ces derniers avaient un programme de 4 revendications comprenant une hausse des salaires et demandaient aussi à l’ambassade népalaise d’intervenir dans les négociations.

    Après trois jours, les travailleurs ont pu crier victoire. La direction a accepté de payer une compensation de 10.000 Ringgit à la famille du travailleur défunt, d’augmenter le salaire mensuel de 428 à 546 Ringgit, de mettre en place un service d’ambulance d’urgence et d’installer une clinique à l’usine.

    Cette lutte a révélé que lorsque les travailleurs sont unis, ils peuvent obtenir des victoires, même si les patrons essayent d’instrumentaliser les différences de race, de pays ou de religion pour diviser les travailleurs. Ces derniers temps, de plus en plus de travailleurs immigrés sont entrés en lutte en Malaisie pour combattre pour leurs droits.

    L’exploitation des travailleurs immigrés n’est que le sommet de l’iceberg. La plupart des 3 millions de travailleurs immigrés (près de 10% de la population malaisienne) ne gagne que de très petits salaires et travaille de longues heures dans des conditions de travail et de vie déplorables. Selon l’ambassade népalaise, en 2009, 183 travailleurs népalais ont perdu la vie en Malaisie, et 81 autres travailleurs sont également décédés sur les six premiers mois de cette année, la plupart pour cause de maladie ou de suicide. D’autres cas concernent des accidents de travail mortels.

    Pendant ce temps, les employeurs utilisent les bas salaires des immigrés pour menacer les travailleurs malaisiens et les décourager de demander de meilleurs salaires. Les syndicats, très faibles et dont la direction bureaucratique est un frein pour les luttes, ne sont pas capables de jouer un rôle de direction pour des luttes communes entre travailleurs locaux et immigrés. Environ 90 pourcents des travailleurs ne sont pas syndiqués, et la législation malaisienne favorise beaucoup les patrons et mine les droits des travailleurs.

    Même si les travailleurs ont pu obtenir une augmentation salariale, avec le haut taux d’inflation, leur salaire est insuffisant. De nombreux travailleurs sont obligés d’avoir deux emplois. Une récente étude du gouvernement a mis en lumière que sur les 1,3 million de travailleurs concernés, près de 34 pourcents gagnent moins de 700 Ringgit par mois, alors que le seuil de pauvreté est de 720 Ringgit par mois.

    Seule l’unité des travailleurs peut les libérer du capitalisme. Il est nécessaire de construire des syndicats combatifs, de même qu’un parti des travailleurs de masse, pour se diriger vers une société basée sur les besoins de la majorité de la population et sur la démocratie des travailleurs, une société socialiste.

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