Tag: Valence

  • Industrie. Ne jamais gâcher une bonne crise ?

    L’annonce de la fermeture de Ford Genk a donné du travail aux médias dominants : comment sauver l’industrie en Belgique ? Le quotidien Flamand De Tijd a proposé un plan d’action de 10 points, Le Soir a proposé 10 mesures de relance avec toute une série de dossiers consacrés à ces mesures d’urgence. On retrouve ce thème décliné de diverses manières dans tous les médias. Mais on n’y trouve rien de neuf. Toutes ces propositions se résument à dérouler le tapis rouge pour les investisseurs industriels. Est-ce vraiment un début de solution ? Le drame de Ford-Genk n’illustre-t-il plutôt pas une fois encore ce qui arrive quand on se plie en quatre pour les désirs du patronat ?

    Par Eric Byl

    Salaires

    La direction de Ford a réfuté l’argument selon lequel ce drame arrivait en conséquence du coût du travail en Belgique, et ça, les patrons ne l’ont pas apprécié. Même la fédération patronale du métal, Agoria, a dû admettre que les salaires à Genk sont actuellement inférieurs de 5% à ceux d’Allemagne (1). Peter Leyman, l’ancien président de l’organisation patronale flamande Voka et ancien directeur-général de Volvo-Gand, a lui-même admis que les coûts de production ne représentent que 10 à 15% du prix d’une voiture à l’achat. Le reste est absorbé par la logistique, le marketing et le développement. Les coûts de travail ne représentent que 6 à 8% (2). Le spécialiste du secteur automobile Vic Heylen affirme quant à lui que les coûts salariaux dans l’assemblage ne représentent que 5,5% des coûts totaux. Mais malgré toutes ces données, l’establishment quasiment au grand complet se mobilise pour nous convaincre que le grand problème, ce sont les coûts salariaux.

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    Remplacer l’industrie par une économie de connaissance?

    Depuis 1995, le nombre d’emplois industriels a diminué de 134.000 postes pour arriver atteindre les 585.000. En 1995, 18,6% de la population active travaillait dans l’industrie, contre 12,6% maintenant (10).

    Contrairement à 2003, lors de la dernière grande restructuration de Ford Genk, les médias pensent aujourd’hui que c’est alarmant. Dans le temps, les spécialistes disaient encore que c’en était fini avec l’industrie en Europe de l’ouest et que l’on devait miser sur les centres de connaissances. Les marxistes n’étaient pas d’accord avec cette position. Nous avons souligné l’importance de l’industrie. Nous avons écrit et défendu que si la production se déplace, il ne faudra pas longtemps avant que les centres de connaissance suivent le même chemin. Toute cette idée de l’économie de la connaissance n’a pas encore complètement disparu. Mais, heureusement, ce n’est plus considéré comme une solution magique. Les médias doivent avouer que l’exportation des marchandises est encore beaucoup plus importante que l’exportation des services et que c’est à l’industrie que l’on consacre le plus de recherches et de développements.

    Les travailleurs et leurs familles, ainsi que les nombreux militants du PSL, voient tous les jours que l’industrie prend des coups. Pourtant, nous voulons souligner qu’une partie considérable des pertes d’emplois résulte de l’externalisation des activités non-essentielles des entreprises industrielles. La maintenance, le nettoyage et l’administration qui appartenaient à l’industrie sont externalisés et sont maintenant souvent considérés comme étant des services. De plus, les pertes d’emploi ne s’accompagnent pas d’une baisse de la valeur produite. Selon un rapport publié par le Centre pour l’Economie Régionale de l’université de Louvain, l’emploi industriel en Flandre a diminué de 20% entre 2001 et 2010. Mais dans la même période, la valeur ajoutée a augmenté de 40%. Toujours dans cette période, la productivité du travail a augmenté de 50%, avec même avec 200% d’augmentation dans le secteur chimique. (11)

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    Pour le gouvernement Di Rupo, la priorité centrale du budget 2013 n’est pas la lutte contre la pauvreté, mais la lutte contre notre prétendu handicap salarial par rapport aux pays voisins. Le Soir et De Tijd en ont fait l’axe central de leur programme en 10 points. Dans son dernier rapport annuel, celui de 2011, la Banque Nationale a calculé que depuis l’introduction de la loi sur la protection de la compétitivité en 1996, les salaires ont en Belgique augmenté 4,6% plus vite que la moyenne pondérée de l’Allemagne, de la France et des Pays-Bas (3). Mais ce n’est le cas qu’à cause de la situation en Allemagne car, durant cette même période, les salaires hollandais ont augmenté 14% plus vite que chez nous. En France, c’était 3% plus vite. Ça, De Tijd ne le dit pas. Toute son attention est concentrée sur l’Allemagne, parce que les salaires y ont augmenté 14% moins vite qu’en Belgique. Et alors, pas un mot sur l’unification allemande et sur la pression à la baisse qui en a résulté pour les salaires. Quand on compare nos salaires avec ceux des pays voisins, il n’est également pas question de prendre en compte les subventions salariales et les autres avantages fiscaux. Ces montants représentent déjà plus de 10 milliards d’euros par an, soit plus de 5,5% de la masse salariale totale. Si ces avantages sont intégrés dans le calcul, notre soi-disant handicap n’est plus que de 1%.

    La productivité

    Les salaires horaires, ce n’est encore qu’une partie de l’histoire. Selon l’OCDE, un travailleur belge a en moyenne produit une valeur de 59,2 dollars par heure en 2011, contre 59,6 dollars aux Pays-Bas, 57,5 dollars en France et en 55,3 dollars en Allemagne. (4) Ce chiffre prend en compte l’ensemble des secteurs économiques. En mars dernier, PriceWaterCoopers a publié une étude comparant les entreprises privées de plus de 250 travailleurs. Les entreprises du secteur financier, du non-marchand et de l’intérim n’étaient volontairement pas reprises. Pour obtenir le même chiffre d’affaires que 100 travailleurs en Belgique, il en faut 126 aux Pays-Bas, 131 en France, 132 en Allemagne et même 175 en Grande-Bretagne (5).

    Au cours des récentes discussions budgétaires, les médias et les politiciens ont évoqué la possibilité de supprimer un jour férié ou d’aller de trouver d’autres manières de prolonger le temps de travail. Sur cet élément également, l’OCDE dispose de données intéressantes. Aux Pays-Bas les salariés travaillent annuellement 200 heures de moins qu’en Belgique en moyenne. En France il s’agit de 100 heures et de 150 heures en Allemagne. (6) Les travailleurs grecs ont peu de temps pour se reposer au soleil, ils travaillent en moyenne 460 heures par an de plus qu’en Belgique. Comme il n’y a quasiment pas de grandes entreprises en Grèce, la productivité y est plus basse. La productivité n’y est qu’à peine plus élevée que dans la majorité des petites entreprises de moins de 10 travailleurs chez nous (34 dollars par heure).

    Pourquoi fermer Ford Genk alors ?

    Quelles sont les raisons données par les vrais spécialistes du secteur automobile concernant la fermeture des sites à Genk et Southampton ? Ferdinand Dudenhöffer, professeur à l’institut CAR de l’université de Duisburg-Essen : ‘‘Fermer d’autres sites européens était beaucoup plus difficile. A Valence il est difficile de licencier des travailleurs. Là c’est fortement réglementé. Et en Allemagne, c’était aussi impossible au vu des engagements courant jusqu’en 2015 ou 2016.’’ (7) L’analyste Colin Lagnan d’UBS a déclaré que le choix de Genk était logique : ‘‘Fermer un site en Allemagne sera plus difficile sur le plan social’’ (8) The Wall Street Times a dit que la Belgique est un pays ‘‘avec des syndicats plus dociles dans l’automobile.’’ (9)

    Des alternatives

    Nier que la soif insatiable de compétitivité conduit à la surcapacité serait inutile. L’usine de Genk est une entreprise ultramoderne. Cela vaut aussi pour d’autres entreprises en cours de restructuration ou de fermeture. Les entreprises comprennent des laboratoires modernes, des outils de productions qui peuvent facilement être adapté et toute une machinerie robotisée assistée par ordinateurs. Avec quelques reprogrammations, on y peut produire presque tout.

    Pourquoi sacrifier ces richesses à la soif de profit privé et utiliser les moyens de la collectivité pour dérouler le tapis rouge aux requins du profit ? Exproprier ces installations et ces terrains et faire usage des nombreux centres de connaissance de nos universités ainsi que du savoir-faire technique et des travailleurs expérimentés nous permettrait de répondre aux besoins réels : une mobilité écologiquement responsable et rationnellement planifiée, un plan de construction de logements sociaux, de bâtiments scolaires et d’autres infrastructure. Voilà la base d’une véritable politique industrielle. C’est à l’opposé de cette logique de compétitivité où les moyens de la collectivité sont utilisés pour monter les travailleurs les uns contre les autres au détriment de leurs conditions de travail, de leur revenu et de leur environnement.


    1. De Tijd 24/10/2012. “Zoek de autosector in Europa’s plan voor een industriële revolutie”
    2. Le Soir 24/10/2012. Leyman: ‘‘chaque centime d’euro compte”
    3. Un groupe de travail technique du gouvernement pour accompagner le budget 2013 a déclaré que le handicap salarial est de 5,2%. Les détails de ce chiffre ne nous sont pas encore connus. C’est possible mais, comme d’habitude, ces données devront être corrigées lorsque les chiffres véritables arriveront.
    4. http:/stats.oecd.org/Index.aspx?usercontext=sourceoecd
    5. Rapport dans ‘De Tijd’ du 28/03/2012. ‘Belg presteert, maar rendeert niet’
    6. Voire note 4
    7. De Tijd 30/10/2012 ‘Dudenhöffer: ‘Ford kon enkel Genk sluiten’
    8. De Tijd 23/10/2012 ‘Sluiting lost overcapaciteit bij Ford op’
    9. De Tijd 14/09/2012 ‘Autobouwers willen steeds dichter bij hun markt zitten’ (10) De Tijd 25/10/2012 ‘Belgische industrie smelt weg’ (11) Beleidsrapport STORE-B-12-001 ‘Sectoranalyse van de Belgische economie – 3 juli 2012’
  • Bruxelles : Manifestation de solidarité avec les luttes en Espagne

    Hier, à Bruxelles, plus de 200 personnes ont manifesté contre le paquet d’austérité du Gouvernement espagnol de Rajoy et en solidarité avec la lutte qui se déroule en Espagne. Le même jour, environ 2 millions de travailleurs, de jeunes et de pensionnés ont défilé dans pas moins de 80 villes espagnoles, avec une grande colère au vu des nombreuses attaques antisociales que la société espagnole est en train de vivre. L’appel de solidarité à Bruxelles est venu du Comité Action Europe, de l’UGT et du CCOO. Ce deux derniers, des syndicats espagnols, portaient le calicot de tête avec le slogan qu’on a vu dans les villes espagnoles : ‘Quieren arruinar el país, hay que impedirlo, somos más’: ils veulent ruiner le pays, nous devons l’arrêter, nous sommes plus nombreux.

    Rapport par Clara Aguila, candidate de ”Gauches Communes” à Saint-Gilles

    La manifestation est partie de la place Luxembourg vers l’Ambassade Espagnole, en réaction aux mesures déjà votées au Parlement telles que l’augmentation de la TVA de 3%, la diminution des allocations de chômage (Rajoy a déclaré sans aucune honte que les chômeurs auraient ainsi plus d’énergie pour trouver un travail !), la suppression du bonus de fin d’année pour les fonctionnaires et encore plus des diminution des pensions.

    Un des facteurs qui est en train de changer les luttes en Espagne est l’adhésion des policiers à ces manifestations, ce qui illustre à quel point est grande la haine contre les politiciens. Les policiers sont eux aussi touchés par les mesures qui s’attaquent aux conditions de travail. La police a notamment manifesté, par exemple à Valence, avec des slogans tels que "No hay bastante Policía para tanto chorizo" et "Políticos ladrones, la Policía hasta los cojones" (‘‘Pas assez de policiers pour autant de voleurs’’ et ‘‘politiciens voleurs, la police elle en a marre.’’) Un représentant de la police a déclaré qu’ils étaient environ 1500 policiers dispersés dans les manifestations.

    Il faut poursuivre la lutte, avec une grève général prolongée, en commençant par une grève générale de 48 heures dans le cadre d’un plan d’action visant à faire chuter le Gouvernement et pour construire une réelle démocratie qui vient de la base, du peuple !

    Clara Aguila, candidate de ”Gauches Communes” à Saint-Gilles et Anja Deschoemacker, qui sera tête de liste dans la même commune.

    Les mêmes, accompagnées de Paul Murphy, député européen du Socialist Party (parti-frère du PSL en Irlande) et de son collaborateur au Parlement européen Finghin Kelly.

  • SOLIDARITE INTERNATIONALE avec les luttes des étudiants en Espagne !

    • NON à la répression policière des jeunes à Valencia !
    • NON aux coupes budgétaires dans l’enseignement !

    Nous publions ici une lettre de solidarité avec les étudiants de Valencia et de l’Etat espagnol, signée par diverses organisations de gauche (ATTAC-ULB, EGA/ALS, JOC, Etudiants FGTB-Bruxelles, FEWLA et JAC).

    Cher étudiants de Valencia et de l’Etat Espagnol en lutte pour votre enseignement et votre avenir,

    En tant qu’organisations étudiantes syndicale et de gauche à Bruxelles, nous vous apportons tout notre soutien ainsi que notre solidarité dans le cadre de cette vague de lutte qui prend actuellement place contre cette répression policière brutale et contre les coupes budgétaires dans l’enseignement.

    Nous sommes scandalisés. Scandalisés que des jeunes doivent suivre leurs cours sans chauffage à Valence, sans manuels scolaires en Grèce ou encore qu’ils ne trouvent pas de place dans les écoles comme c’est le cas en Belgique, tout cela à cause des coupes budgétaires. Nous soutenons pleinement votre lutte pour un enseignement public, gratuit et de qualité accessible à tous !

    Apparemment, votre gouvernement a quand même suffisamment de moyens pour acheter 1,5 millions d’euros de gaz lacrymogènes afin de violement réprimer les manifestations quotidiennes, les occupations, les blocages routiers et les grèves. Cette répression brutale à coups de matraques, de tirs de balles en caoutchouc et d’arrestations illustre l’absence de possibilité pour une démocratie réelle dans le cadre du système capitaliste. Elle démontre à quel point est ferme leur volonté de nous imposer cette dictature des banquiers et des patrons.

    Nous organisons ce mercredi 29 décembre une action de solidarité devant les locaux de la région de Valence situés dans le quartier européen de Bruxelles afin d’exprimer que nous soutenons vos grèves et manifestations. Vous n’êtes pas nos ennemis, nos ‘‘concurrents’’, mais nos amis et nos camarades. Nos ennemis communs serons de l’autre côté du Rond point Schuman dès le lendemain, le 1er mars, quand les chefs d’Etats Européens se réuniront pour discuter de la manière de nous imposer leurs plans d’austérité et de nous faire payer les dettes des banques et des spéculateurs.

    Votre lutte inspire des milliers de jeunes en Belgique, comme l’avaient fait avant vous les révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, les grèves générales en Grèce et ailleurs ou encore le mouvement du 15M et #Occupy. Face à l’offensive des capitalistes et de leurs politiciens, nous devons élaborer ensemble un plan européen d’action coordonné, combatif et démocratiquement élaboré par la basse, par la jeunesse et les travailleurs.

    • ATTAC-ULB
    • Etudiants de Gauche Actifs Secondaires & Supérieur – Actief Linkse Studenten & Scholieren (EGA-ALS)
    • Jeunesse Ouvrière Chrétienne – Bruxelles (JOC)
    • Section Bruxelloise des Etudiants FGTB
    • FEWLA (soutien actif à la lutte du peuple Mapuche)
    • Jeunes Anticapitalistes (JAC)
  • Valencia : Le système s'arme

    Le capitalisme en crise a commencé à ôter son masque, dévoilant ainsi son vrai visage de répression. Il ya une semaine, les étudiants manifestaient à Valence en riposte aux scandaleuses mesures de réduction budgétaires dans l’enseignement public en conséquence de la politique de casse sociale des néo-conservateurs du gouvernement local de Valence, dirigé par le PP. La violence des forces de ‘‘l’ordre’’ a indigné le monde entier.

    Tract de Socialismo Revolucionario (CIO-Espagne)

    Tout a commencé avec l’absence de chauffage dans les classes. Les étudiants ont décidé de mener des actions et ont occupé les rues. En réponse, le gouvernement a ordonné aux organes de ‘‘sécurité’’ de faire ce qu’ils font le mieux : obéir aux ordres venant d’en haut. Ils sont intervenus dans la manifestation avec une brutalité policière sans précédent qui rappelle toutefois celle utilisée il y a longtemps lors de plusieurs manifestations contre le processus de Bologne par la police catalane et d’autres organes de répression de l’État.

    Les images disponibles montrent la police trainer des gens par les cheveux pour les embarquer en camionnette afin d’être interrogés et détenus. On voit également des garçons de 14 ans à peine recevoir des coups de matraques.

    Après une seconde répression, la police a brutalement investi une école secondaire avec coups de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc. 500 étudiants ont alors décidé de s’enfermer dans la Faculté d’Histoire de l’Université Blasco Ibáñez. Ils ont occupé le bâtiment et ont écrit un manifeste de protestation. Après avoir décidé de rester là, accompagnés d’une poignée d’enseignants et de plusieurs parents, les policiers leur ont demandé de partir. Comme le doyen de l’université a refusé, la police est intervenue, des combats très durs ont eu lieu durant la journée et une partie de la nuit qui a suivi. Enfin, suite à une nouvelle vague de répression, le chef de la police de Valence, accompagné par un délégué du gouvernement, est apparu devant la presse en daclarant : Ils sont l’ennemi !

    À mesure que la crise se poursuit et que s’accumulent les politiques antisociales et les coupes budgétaires, l’État capitaliste recourt à toutes sortes de tactiques répressives pour dissuader les gens d’entrer en résistance, même avec une opposition limitée et timide. N’oublions jamais ce que défendent les matraques : ces politiques antisociales sont en train d’épuiser les conditions de vie de la classe ouvrière. Ces politiques facilitent aux patrons l’exploitation du travail par la baisse des salaires, l’augmentation des heures de travail et la poursuite précarisation du travail.

    Comme nous le savons, la récente réforme du travail, facilite les licenciements de différentes manières et favorise la flexibilité du travail. Les récentes coupes budgétaires qui ont frappé l’enseignement et la santé minent encore plus la qualité des services sociaux, situation qui n’est que le prélude à une future privatisation. En conséquence, il est inévitable que les protestations sociales se développent.

    En réaction, le gouvernement central et les administrations locales ont recours à des mesures répressives et nous imposent l’état d’urgence. Ils veulent nous faire croire que la démocratie se limite à aller voter tous les 4 ans pour quelques parlementaires des grands partis établis en leur donnant carte blanche pour légiférer contre l’ensemble des travailleurs. Ils veulent faire passer toutes sortes de politiques antisociales, à la demande des banques et du FMI, et garder leur légitimité aux yeux du public en écrasant toute rébellion.

    ASSEZ ! Il est nécessaire que les gens sortent en rue afin de protester contre les tactiques répressives des gouvernements. Il faut protester contre le caractère profondément antidémocratique des institutions parlementaires, et dénoncer ce système, le montrer à l’opinion publique tel qu’il est véritablement : UNE DICTATURE TOTALITAIRE DES BANQUES, QUI FAIT SAIGNER LA SOCIETÉ POUR UNE POIGNÉE DE RICHES.

    Dès lors, Socialismo Revolucionario (section du Comité pour une Internationale Ouvrière) vous appelle à ne pas rester bras croisés à regarder les évènements de votre canapé pendant qu’ils attaquent vos enfants, vos voisins et vos collègues. Vous devez sortir en rue et vous mobiliser.

    Nous appelons tous les travailleurs à s’organiser, avec les moyens à leur disposition, dans les syndicats combatifs, dans les assemblées de quartier, les comités de grève, les associations de voisins, les organisations et les partis politiques anticapitalistes, les mouvements des citoyens, etc.

    Rester chez soi n’est pas une option lorsque la classe dirigeante croit avoir la légitimité de justifier la répression contre le peuple.

    • Non à la brutalité policière contre les jeunes.
    • Libération immédiate des étudiants détenus injustement.
    • Non aux coupes budgétaires.
    • Défendons l’enseignement public.
    • Appelons à une grève générale des étudiants dans l’État espagnol.
    • Unité des travailleurs et des étudiants.
    • Pas de licenciement des enseignants.
    • Des fonds publics pour l’éducation publique.

    29F Action à Bruxelles en Solidarité avec le "Printemps de Valencia"!

    Ce mercredi 29 février, à 11h, devant les locaux de la région de Valencia à Bruxelles, situés dans le quartier européen de Bruxelles au Rond point Schuman, 227 rue de la Loi

    • NON à la répression policière des jeunes à Valencia !
    • NON aux assainissements dans l’enseignement !
    • SOLIDARITE INTERNATIONALE avec les luttes des étudiants en Espagne !

    Action organisée à l’initiative d’ATTAC-ULB, des Etudiants de Gauche Actifs Secondaires & Supérieur – Actief Linkse Studenten & Scholieren (EGA-ALS), de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne – Bruxelles (JOC), de la section Bruxelloise des Etudiants FGTB, de la FEWLA (soutien actif à la lutte du peuple Mapuche).

    D’autres actions sont également prévues ce 29 février à Bruxelles:

    • 12h action de la CES, Rond point Schuman
    • 13h30 action des syndicats devant la banque nationale
  • Solidarité avec le "printemps de Valence"

    La solidarité internationale et l’action en opposition à la violence d’état et à l’austérité!

    Dans la ville espagnole de Valence, une campagne concertée de répression policière brutale s’est abattue sur les étudiants, y compris sur des mineurs, entre le 15 et le 20 février. Les sites internet et les médias regorgent d’images brutales de protestants ensanglantés au cours de cette incroyable lutte des étudiants de deuxième et de troisième année contre les coupes budgétaires et la dégradation de l’enseignement public.

    Cependant, cette barbarie des gouvernements (central et régional) pourrait être une erreur stratégique. Plutôt que de briser le mouvement, les provocations ont mit le feu aux poudres, comme l’illustrent les dizaines de milliers de manifestants dans les rues de Valence dans les jours qui ont suivi. Leur cri était encore plus fort en faveur des revendications étudiantes, contre les coupes budgétaires et pour la démission des policiers responsables des attaques policières. A la manière du mouvement des ‘Indignados’ en mai dernier, les manifestations de solidarité se sont développées dans tout le pays, avec des milliers de manifestants dans toutes les grandes villes espagnoles, remplissant les quartiers et bloquant les routes.

    Les membres de Socialismo Revolucionario (section du CIO en Espagne) ont été actifs dans ces protestations. Ils soulignent la nécessité d’intensifier le mouvement et de s’orienter vers la classe ouvrière dans la lutte contre le gouvernement Rajoy, qui est soumis aux marchés et à l’Union Européenne, et contre les mesures d’austérité que le gouvernement impose. Comme nos camarades l’ont suggéré, une grève générale étudiante a été appelée pour le 29 février par différentes organisations étudiante. C’est ce jour-là que les travailleurs iront dans la rue dans le cadre de la journée d’action européenne. Ceci a le potentiel de montrer le pouvoir que peuvent avoir les jeunes et les travailleurs quand ils s’unissent.

    La grève générale des étudiants, qui devrait être suivie par une escalade d’actions, est aussi capable d’envoyer un puissant message au mouvement ouvrier. Elle peut servir d’argument pour les syndicalistes luttant contre l’aile droite des directions syndicales qui essaye d’éviter de mobiliser pour une grève générale, après les manifestations qui pouvaient atteindre 2 millions de personnes dimanche dernier, le 19 février.

    La prochaine grève étudiante devrait être accompagnée d’une grève générale contre l’austérité, les réformes du travail, les brutalités policières et pour une politique alternative à la dictature des marchés. Une telle grève pourrait amener l’économie à être bloquée toute une journée, en tant qu’étape vers de nouvelles actions. Cela pourrait clairement montrer quel est le pouvoir de la classe ouvrière organisée.

    Les motions et messages de solidarité avec ce mouvement magnifique, appelé ‘Printemps de Valence’, sont importants. Ceux-ci peuvent renforcer la détermination des militants, mais aussi souligner l’importance d’une lutte organisée internationalement contre l’austérité et la dictature des spéculateurs et des grandes entreprises partout en Europe.

    Les politiciens capitalistes espagnols ont honteusement répondu aux évènements de Valence en disant que les étudiants protestants étaient des "ennemis"! La solidarité et la lutte internationale peuvent montrer aux jeunes et aux travailleurs d’Espagne, de Grèce et du Portugal que nous comprenons qui est notre ennemi véritable: l’élite capitaliste déterminée à envoyer notre niveau de vie aux égouts pour payer leurs dettes et "résoudre" la crise des super-riches.

    Envoyez s’il vous plaît les messages de solidarités aux manifestations, campagnes, organisations, etc. à info@mundosocialista.net


    29F Action à Bruxelles en Solidarité avec le "Printemps de Valencia"!

    Ce mercredi 29 février, à 11h, devant les locaux de la région de Valencia à Bruxelles, situés dans le quartier européen de Bruxelles au Rond point Schuman, 227 rue de la Loi

    • NON à la répression policière des jeunes à Valencia !
    • NON aux assainissements dans l’enseignement !
    • SOLIDARITE INTERNATIONALE avec les luttes des étudiants en Espagne !

    Action organisée à l’initiative d’ATTAC-ULB, des Etudiants de Gauche Actifs Secondaires & Supérieur – Actief Linkse Studenten & Scholieren (EGA-ALS), de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne – Bruxelles (JOC), de la section Bruxelloise des Etudiants FGTB, de la FEWLA (soutien actif à la lutte du peuple Mapuche).

    D’autres actions sont également prévues ce 29 février à Bruxelles:

    • 12h action de la CES, Rond point Schuman
    • 13h30 action des syndicats devant la banque nationale
  • Théorie. La révolution espagnole 1931-1939

    D’emblée, certains se demanderont pourquoi nous parlons de « révolution » espagnole. Et effectivement, lorsque nous parcourons les manuels d’histoire, on évoque le plus souvent ces événements sous le terme de « guerre d’Espagne » ou « guerre civile espagnole ». Il ne s’agit cependant pas d’une simple querelle de termes ; il s’agit d’une déformation consciente de l’idéologie dominante visant à éluder tout le caractère de classe de ce conflit. C’est donc volontairement que nous utilisons le mot « révolution ». Ce mot a le mérite d’éviter tout malentendu et de mieux cerner ces événements dans leurs justes proportions.

    Cédric Gérôme

    La révolution espagnole est pour nous une expérience historique extrêmement riche en leçons. Il s’agit tout en même temps d’une confirmation éclatante de la théorie de la révolution permanente développée par Trotsky, d’une démonstration pratique, si besoin en est encore, de la faillite des méthodes anarchistes dans la lutte du mouvement ouvrier révolutionnaire, et enfin, d’un exemple de plus du rôle objectivement contre-révolutionnaire qu’a joué le stalinisme dans la lutte des classes.

    Trotsky disait que l’héroïsme des travailleurs espagnols était tel qu’il eût été possible d’avoir 10 révolutions victorieuses dans la période 1931-1937. Pour exemple, on a dénombré pas moins de 113 grèves générales et 228 grèves partielles en Espagne rien qu’entre février et juillet ’36 ! Malheureusement, par le manque d’un parti révolutionnaire à même d’amener le mouvement à ses conclusions logiques, la politique du « Front Populaire » prônée par les staliniens va ouvrir la voie à 40 ans de régime fasciste pour la classe ouvrière espagnole. Il est donc plus qu’important d’étudier les leçons de cet épisode de l’histoire pour éviter de reproduire les mêmes erreurs.

    L’Espagne: le maillon faible

    Dans les années ’30, l’Espagne est un des maillons les plus faibles de la chaîne du capitalisme européen. L’Espagne reste à cette époque un pays arriéré, agricole, où 70% de la population vit dans les campagnes. Dans l’ensemble du pays, la terre appartient essentiellement à la classe des propriétaires fonciers ; 50.000 d’entre eux possèdent la moitié du sol. Le poids de l’Eglise catholique espagnole donne une image assez claire de ce monde rural médiéval : à côté de la masse paysanne qui compte encore 45% d’illettrés, on dénombre plus de 80.000 prêtres, moines ou religieuses, ce qui équivaut au nombre d’élèves des écoles secondaires et dépasse de 2 fois et demi le nombre d’étudiants…Si l’Espagne a connu un « âge d’or », période de floraison et de supériorité sur le reste de l’Europe au 15è-16ème siècle, cette situation s’est transformée en son contraire suite à la perte de ses positions mondiales, celle-ci s’étant achevée au 19ème siècle par la perte des dernières colonies en Amérique du Sud.

    Dans le courant du 19ème siècle et durant le 1er tiers du 20ème siècle, on assiste en Espagne à un changement continuel de régimes politiques et à des coups d’état incessants (les « pronunciamentos »), preuve de l’incapacité aussi bien des anciennes que des nouvelles classes dirigeantes de porter la société espagnole en avant. En réalité, la société de l’ancien régime n’avait pas encore fini de se décomposer que déjà la société bourgeoise commençait à ralentir. Trotsky analysait la situation comme suit : « La vie sociale de l’Espagne était condamnée à tourner dans un cercle vicieux tant qu’il n’y avait pas de classe capable de prendre entre ses mains la solution des problèmes révolutionnaires ».

    Cependant, la période de la première guerre mondiale et le rôle neutre que va y jouer l’Espagne, vont amener de profonds changements dans l’économie et la structure sociale du pays, créer de nouveaux rapports de force et ouvrir de nouvelles perspectives. Cette période va en effet voir s’amorcer une industrialisation rapide du pays, et son corollaire : l’affirmation du prolétariat en tant que classe indépendante. Les années 1909, 1916, 1917, 1919 seront des années de grandes grèves générales en Espagne, mais dont les défaites successives vont préparer le terrain pour la dictature militaire bonapartiste du Général Primo de Riveira. Il s’agira par là de mettre un terme à l’agitation ouvrière et paysanne, en s’en prenant aux principales conquêtes ouvrières et aux relatives libertés démocratiques qui permettaient, dans une certaine mesure, l’organisation des ouvriers et des paysans.

    Cependant, cette dictature n’assure aux classes dominantes qu’un bref répit. L’inflation galopante qui dévore les salaires et le niveau de vie, puis la crise économique de ’29 qui mine profondément la base du régime vont obliger le roi, pour préserver la monarchie, à se débarasser de Primo de Riveira en 1930. Et de la même manière, un an plus tard, les classes possédantes obligeront le roi Alfonso XIII à faire ses bagages et sacrifieront la monarchie dans le but de sauver leur propre peau ;autrement dit, dans le but de ne pas faire courir au pays le risque d’une révolution « rouge »…

    La République : portier de la révolution

    Le 14 avril 1931, la République est donc proclamée. Il ne s’agit toutefois que d’un changement de façade, du remplacement d’un roi par un président, d’une opération à laquelle ont recours les classes possédantes afin de bénéficier d’un nouveau sursis et de calmer les ardeurs des masses. Mais cela aura l’effet inverse : la proclamation de la République nourrit les aspirations des masses et ouvre un processus révolutionnaire qui s’étendra sur plusieurs années. Pendant toute cette période cependant, le facteur subjectif (la direction du mouvement ouvrier) restera en retard par rapport aux tâches du mouvement : c’est la faiblesse de ce facteur qui conduira le mouvement à sa perte.

    L’anarchisme dispose à l’époque d’une influence beaucoup plus importante en Espagne que dans les pays industrialisés d’Europe Occidentale. La CNT (Confédération Nationale du Travail), de tendance anarcho-syndicaliste, rassemble autour d’elle les éléments les plus combatifs du prolétariat espagnol, même si elle n’a aucune perspective et aucun programme à offrir à sa base. En 1918, elle réunit déjà plus d’un million de syndiqués. Cette prépondérance des anarchistes en Espagne s’explique par plusieurs raisons :

    – le rôle de premier plan qu’a joué la CNT dans l’organisation de la grève générale insurectionnelle de 1917 <br- le tournant à droite que connaît le PSOE (Parti Socialiste Ouvrier Espagnol) après la première Guerre Mondiale, suivant la tendance générale de toute la social-démocratie en Europe. Cela va se marquer fortement en Espagne par le fait que le PSOE et la centrale syndicale qu’il contrôle, l’UGT (Union Générale des Travailleurs) se prononcent en 1923 pour une collaboration avec la dictature militaire. Le secrétaire général de l’UGT, Francisco Largo Caballero, celui que d’aucuns qualifieront par la suite, et à tort, de « Lénine espagnol », sera même conseiller d’Etat sous Primo de Riveira !

    – l’inconsistance du Parti Communiste Espagnol, qui sera affaibli tant par la répression systématique qu’il subit sous la dictature que par sa politique sectaire qui l’isole des masses. En effet, à partir de ’24, le PCE subit le même sort que tous les PC, soumis mécaniquement aux ordres et zigzags de la bureaucratie stalinienne en URSS. Pour exemple, lors de la proclamation de la République, le PCE, suivant la ligne ultra-gauche de l’Internationale, reçoit la consigne de lancer le mot d’ordre de : « A bas la République bourgeoise ! Tout le pouvoir aux soviets ! » dans un pays et à une période où il n’existe pas l’ombre d’un soviet ou d’un organisme semblable. Le résultat de cette politique désastreuse est qu’en avril ’31, moment de l’avènement de la République, le PCE ne compte pas plus de 800 membres dans l’ensemble de l’Espagne.

    Le premier gouvernement républicain est formé d’une coalition entre les Socialistes et les Républicains. Ces derniers sont les principaux représentants politiques de la bourgeoisie et se caractérisent par un programme social extrêmement conservateur. Trotsky expliquait : « Les républicains espagnols voient leur idéal dans la France réactionnaire d’aujourd’hui, mais ils ne sont nullement disposés à emprunter la voie des Jacobins français, et ils n’en sont même pas capables : leur peur devant les masses est bien plus forte que leur maigre velléité de changement. » Et de fait, cette coalition républicano-socialiste, à cause de la crise mondiale du capitalisme, est bien incapable de tenir ses promesses et de réaliser les tâches élémentaires, bourgeoises, qui se posent au pays : la réforme agraire, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, et la résolution de la question nationale. Celle-ci est particulièrement aigüe en Espagne, dans la mesure où, l’unification nationale n’étant pas arrivée à son terme, deux régions –bastions de l’industrie-, la Catalogne et le Pays Basque, manifestent de sérieuses tendances séparatistes. Cela rajoute un élément explosif au contexte de crise générale que traverse la société espagnole.

    L’impuissance du nouveau gouvernement face aux problèmes historiques du pays alimente les contradictions sociales et les divergences au sein du mouvement ouvrier. Celui-ci s’engage dans une série de grèves qui sont réprimées sans ménagement. Parallèlement, la paysannerie s’engage dans des tentatives de saisir la terre, mais là aussi , la seule réponse du gouvernement est d’envoyer les troupes. La CNT, à la tête de laquelle domine le courant aventuriste, putschiste et anti-politique de la FAI ( Fédération Anarchiste Ibérique), s’engage quant à elle dans une série d’insurrections locales, éphémères et désorganisées qui sont violemment réprimées dans le sang. Quant au PC, il continue d’appliquer mécaniquement les analyses et les mots d’ordre élaborées dans le cadre de la politique dite « de la 3ème période », caractérisée par son sectarisme et son refus de l’unité ouvrière.

    La définition de la social-démocratie comme « social-fasciste », qui aboutira en Allemagne à la victoire sans combat des bandes hitlériennes, est appliquée à la situation espagnole. Mais ici, les staliniens vont encore plus loin : ils étendent cette définition aux anarchistes, désormais qualifiés d’ « anarcho-fascistes » ! Il est évident que cette politique contribue davantage à les isoler.

    Pendant ce temps, les communistes oppositionnels s’efforcent de promouvoir une autre politique. Sous l’impulsion d’Andrès Nin, ancien cadre de la CNT et ami personnel de Trotsky, ainsi que d’autres militants trotskistes, l’opposition de Gauche, appelée « Izquierda Comunista » (=Gauche Communiste) est créée officiellement en Espagne en 1932. A peu près à la même période se crée également le Bloc Ouvrier et Paysan, dirigé par d’anciens membres du PCE, et dont le principal dirigeant, Joacquin Maurin, ne cache pas ses tendances boukhariniennes. Ce parti refuse de prendre position entre trotskistes et staliniens, et adopte une ligne très opportuniste sur la question nationale, se déclarant « séparatiste » en Catalogne et soutenant, sans distinction, tous les mouvements indépendantistes catalans.

    Le fascisme : la réaction bourgeoise en marche

    Les élections d’octobre ’33 donnent l’avantage à la droite, qui profite de la faillite de la coalition socialiste-républicaine des 2 années précédentes. Pour ce nouveau gouvernement, il ne s’agit plus simplement d’une alternance de pouvoir, mais d’un début de contre-attaque contre le mouvement ouvrier, pour laquelle d’autres moyens qu’électoraux seront employés si nécessaire. Le nouveau gouvernement, présidé par un certain Lerroux, donne d’exorbitantes subventions au clergé, diminue les crédits de l’école publique, engage massivement dans la police et l’armée. Les groupes d’extrême-droite descendent dans la rue avec la protection ouverte des autorités ; les fascistes commencent à attaquer locaux et journaux ouvriers.

    Mais la victoire de la droite n’est pas la seule conséquence de la politique de collaboration de classes des socialistes. Dans les rangs du PSOE, et plus particulièrement de la Jeunesse Socialiste, se dessine un courant qui remet radicalement en question la défense de la démocratie bourgeoise et l’optique réformiste de la direction. Ce développement aura d’importantes répercussions par la suite…

    Après plusieurs hésitations, le gouvernement Lerroux décide d’intégrer dans son cabinet 3 membres de la CEDA, parti catholique d’extrême-droite. La CEDA est sans cesse menacée d’être débordée sur sa droite, soit par sa propre organisation de jeunesse , la Juventud de Accion Popular (J.A.P.) que dirige Ramon Serrano Suner, beau-frère de Franco, admirateur d’Hitler et de Mussolini, grand pourfendeur de « juifs, franc-maçons et marxistes », soit par la Phalange, au programme et aux méthodes typiquement fascistes, que dirige José Antonio Primo de Riveira, fils du dictateur et agent du gouvernement fasciste italien.

    L’épisode de la « Commune Asturienne »

    La nouvelle composition du gouvernement, comprenant 3 ministres d’extrême-droite, est considérée comme une déclaration de guerre par le mouvement ouvrier. Elle provoque sa réaction immédiate ; les travailleurs espagnols sont en effet bien décidés à ne pas subir le même sort que leurs camarades allemands et autrichiens, qui viennent de succomber sous la botte du régime nazi. L’UGT lance le mot d’ordre de grève générale, tandis que la CNT, sur le plan national, ne bouge pas. Finalement, 3 foyers insurrectionnels se déclarent : Barcelone, Valence et les Asturies. A Barcelone et à Valence, le gouvernement rétablit facilement son autorité, du fait que la CNT s’est positionné contre la grève et a ainsi brisé le front unique.

    Dans les Asturies en revanche, la CNT rejoint la lutte, ce qui donne à celle-ci un autre impact. Dans tous les villages miniers se constituent des comités locaux qui prennent le pouvoir. Etant sûr de tenir le reste de l’Espagne, le gouvernement central emploie les grands moyens et écrase dans le sang ce que l’on appellera la «Commune Asturienne ». La répression est féroce : plus de 3000 travailleurs tués, 7000 blessés et plus de 40.000 emprisonnés. L’instigateur de cette répression n’est autre que Francisco Franco.

    Création du POUM et entrée en scène des staliniens

    Après cet épisode, on assiste à des reclassements rapides au sein du mouvement ouvrier. Trotsky préconise l’entrée de la Gauche Communiste dans le PSOE afin d’opérer la jonction avec l’aile gauche des Jeunesses Socialistes en train de se radicaliser. Nin, comme la majorité des dirigeants de la GC, refuse le conseil de Trotsky, rompt avec celui-ci et s’oriente vers une fusion avec le Bloc Ouvrier et Paysan. Cette fusion aboutira à la création du POUM (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste) en 1935, qui compte alors quelques 8000 militants et une base ouvrière réelle, surtout en Catalogne, mais qui ne dispose pas d’un caractère national. C’est là une lourde responsabilité et une grave erreur qu’ont pris sur eux les dirigeants de l’Opposition de Gauche, laissant sans perspectives cette jeunesse socialiste qui se cherche et qui, comme le disait Trotsky, « en arrivait spontanément aux idées de la 4ème Internationale ».

    Car dans le même temps, l’Internationale Communiste stalinienne opère un tournant radical à 180° et adopte une ligne complètement nouvelle lors de son 7ème congrès, préconisant la politique du Front Populaire, à savoir une coalition programmatique avec les républicains bourgeois. Rompant ainsi son isolement et jouant sur le prestige de la révolution russe dans cette période de troubles révolutionnaires, le PCE va ainsi réussir à attirer vers lui l’aile gauche du Parti Socialiste. Cela aboutit, en avril ’36, à la fusion entre la minuscule Jeunesse Communiste et la puissante organisation de la Jeunesse Socialiste, donnant naissance à la JSU (Jeunesse Socialiste Unifiée) qui constitue dès lors le levier principal de l’influence stalinienne en Espagne. En Catalogne, le PCE et le PSE fusionne carrément pour former le PSUC (Parti Socialiste Unifié de Catalogne) qui adhère, dès sa fondation, à la 3ème Internationale. De plus, le « tournant politique » de 1935 et les circonstances particulières de la guerre civile redonnent au communisme un visage attractif auquel cèderont, au moins dans un premiers temps, bien des libertaires endurcis.

    Le Front Populaire : une combinaison politique pour tromper les travailleurs

    A l’approche de nouvelles élections, alors que la polarisation de classes est à son plus haut niveau et que le danger fasciste se fait de plus en plus menaçant, un pacte d’alliance électorale – le futur Front Populaire- est signé entre les Républicains, le Parti Socialiste, le Parti Communiste, l’Esquerra catalane (parti nationaliste bourgeois) …et le POUM. Le programme du Front Populaire mentionnait pourtant explicitement le refus de la nationalisation des terres et des banques, le refus du contrôle ouvrier, l’adhésion à la Société des Nations,…bref, un programme qui, en toute logique compte tenu de ses principaux signataires, ne dépassait pas le cadre de la société bourgeoise. Les socialistes le qualifient d’ailleurs sans ambages de « démocratique bourgeois ».

    Le Front Populaire, présenté comme une alliance nécessaire avec la soi-disante bourgeoisie « progressiste » pour constituer le front le plus large contre le fascisme, va en réalité servir à freiner l’action révolutionnaire des masses et donner un sérieux coup de pouce à la victoire du fascisme. Le rôle du Front Populaire est clairement exprimé par cette déclaration du Secrétaire Général du PC de l’époque, José Diaz : « Nous voulons juste nous battre pour une révolution démocratique avec un contenu social. Il n’est pas question de dictature du prolétariat ou de socialisme mais juste d’une lutte de la démocratie contre le fascisme ».

    En réalité, la prétendue bourgeoisie « progressiste » n’existait que dans la tête des staliniens. La bourgeoisie industrielle de Catalogne avait été le plus fervent soutien à la dictature militaire de Primo de Riveira. La bourgeoisie espagnole était une bourgeoisie largement dépendante des capitaux étrangers, et entretenant des liens étroits avec l’aristocratie et les propriétaires terriens. Pour exemple, l’Eglise était simultanément le plus gros propriétaire de terres et le plus gros capitaliste du pays ! Difficile dans ces conditions d’admettre que « la bourgeoisie était dynamique et très intéressée par un changement politique. » (1). Pour tout dire, la bourgeoisie espagnole avait très bien compris que le fascisme était le seul et ultime rempart contre la montée du mouvement ouvrier. C’est pourquoi, déjà à cette époque, elle s’était rangée comme un seul homme derrière Franco…De la même manière que la montée révolutionnaire ne pouvait être véritablement vaincue que par la réaction fasciste, le fascisme ne pouvait être combattu que par la voie de la lutte révolutionnaire. Opposer un barrage légal au fascisme ne pouvait donc servir qu’à endormir les masses et à paralyser leur action ; en d’autres termes, à sauver la bourgeoisie.

    Dès la victoire du Front Populaire en février ’36, la classe ouvrière va montrer dans la pratique sa détermination à aller plus loin que le programme plus que modéré de celui-ci ; autrement dit, à éclater les cadres trop étroits du succès remporté aux urnes. Sans attendre le décret d’amnistie, les travailleurs espagnols ouvrent les portes des prisons et libèrent les milliers de prisonniers de la Commune Asturienne. Des défilés monstres et des grèves éclatent dans tout le pays, pour la réintégration immédiate des ouvriers licenciés, le paiement d’arriérés de salaires aux travailleurs emprisonnés, contre la discipline du travail, pour l’augmentation des salaires et de meilleures conditions de travail. Les cheminots exigent la nationalisation des chemins de fer. A la campagne, les occupations de terre se multiplient, les fermiers refusent de payer leurs fermages. Le gouvernement de Front Populaire, lui, multiplie les appels au calme, demande aux travailleurs de « rester raisonnables afin de ne pas faire le jeu du fascisme », et reste passif, incapable d’apporter la moindre réforme digne de ce nom dans l’intérêt des ouvriers et des paysans.

    De plus, même si deux généraux suspects de conspiration sont éloignés de la capitale (Franco est nommé aux Canaries, Goded aux Baléares), le gouvernement fait preuve d’une grande tolérance vis-à-vis des éléments fascistes présents dans l’armée et l’appareil d’état. « Quelles sont les mesures drastiques qui ont été prises contre les provocateurs fascistes et contre les criminels ? Aucune.», reconnaît après coup Jiminez Asua, député socialiste à Madrid en ‘36. Le contraire eût d’ailleurs été étonnant. S’attaquer aux officiers fascistes de l’armée signifiait s’attaquer à la machine d’état sur laquelle se reposait la classe dominante, avec laquelle les représentants du Front Populaire n’étaient nullement prêts à rompre.

    La contre-révolution déclenche la révolution

    Mais alors que le gouvernement se porte garant de la fidélité des officiers à la république, le coup d’état des Généraux se prépare dans les hautes sphères de l’armée, tandis que Hitler et Mussolini fournissent argent et armes aux fascistes espagnols. Le coup d’état militaire éclate dans la nuit du 16 au 17 juillet 1936. Le chef du gouvernement prononce alors cette phrase célèbre, nouveau témoignage de toute la détermination du Front Populaire à combattre le fascisme : « Ils se soulèvent. Très bien. Et bien moi, je vais me coucher. »

    Contre toute évidence, le gouvernement nie la gravité de la situation, et refuse de distribuer des armes à la population, qui envahit par milliers les rues des grandes villes pour les réclamer. Il est clair que les politiciens bourgeois au gouvernement craignaient mille fois plus une classe ouvrière armée qu’une Espagne fasciste.

    Dès lors, la classe ouvrière prend l’offensive et commence à organiser la lutte armée. Dans la plupart des grandes villes, le peuple assiège les casernes, érige des barricades dans les rues, occupe les points stratégiques. On raconte que dans certaines régions, la population laborieuse se lançait à l’assaut des bastions franquistes avec des armes de fortune tels que des canifs, couteaux de cuisine, fusils de chasse, pieds de chaise, dynamite trouvée sur les chantiers, poêles, fourches,…bref, avec tout ce qu’elle pouvait trouver, et parfois même à mains nues ! La situation est très bien décrite par Pierre Broué (2) : « Chaque fois que les organisations ouvrières se laissent paralyser par le souci de respecter la légalité républicaine, chaque fois que leurs dirigeants se contentent de la parole donnée par les officiers, ces derniers l’emportent…par contre, ces mêmes officiers sont mis en échec chaque fois que les travailleurs ont eu le temps de s’armer, chaque fois qu’ils se sont immédiatement attaqués à la destruction de l’armée en tant que telle, indépendamment des prises de position de ses chefs, ou de l’attitude des pouvoirs publics légitimes ». Bien souvent, les travailleurs peuvent compter sur le soutien ou dumoins la sympathie d’une frange importante des soldats. C’est le cas dans la marine de guerre où la quasi-totalité des officiers sont gagnés au soulèvement, mais où les marins, sous l’impulsion de militants ouvriers, se sont organisés clandestinement en « conseils de marins ». Ces derniers se mutinent ; certains, en pleine mer, exécutent les officiers qui résistent, s’emparent de tous les navires de guerre et portent ainsi au soulèvement des généraux un coup très sérieux. « Au soir du 20 juillet, sauf quelques exceptions, la situation est clarifiée. Ou bien les militaires ont vaincu, et les organisations ouvrières et paysannes sont interdites, leurs militants emprisonnés et abattus, la population laborieuse soumise à la plus féroce des terreurs blanches. Ou bien le soulèvement militaire a échoué, et les autorités de l’Etat républicain ont été balayées par les ouvriers qui ont mené le combat sous la direction de leurs organisations regroupées dans des « comités » qui s’attribuent, avec le consentement et l’appui des travailleurs en armes, tout le pouvoir. » (3)

    La lutte armée ne représente effectivement qu’un aspect de ce vaste mouvement d’ensemble initié par la classe ouvrière : en réalité, la contre-révolution avait déclenché la révolution. Le putsch des chefs militaires ne réussit qu’à accélérer le processus de transformation de la société déjà commencé dans les faits. L’Espagne se couvre de comités ouvriers qui entreprennent la remise en marche de la production et la direction des affaires courantes. Pour exemple, à Barcelone, les travailleurs, dès les premiers jours, prennent en main les transports en commun, le gaz, l’électricité, le téléphone, la presse, les spectacles, les hôtels, les restaurants , et la plupart des grosses entreprises industrielles. Le même processus apparaît dans les campagnes : les paysans non plus n’avaient pas l’intention d’attendre en vain que le gouvernement légifère. Entre février et juillet ’36, la prétendue « réforme agraire » initiée par le Front Populaire avait fourni de la terre à 190.000 paysans…sur 8 millions ! (moins d’un sur 40). A ce rythme, il eût fallu plus d’un siècle pour donner de la terre à tout le monde…C’est pourquoi, rapidement, les villageois se débarassent de leurs conseils municipaux et s’empressent de s’administrer eux-mêmes. Se met alors en place un profond mouvement de collectivisation de la terre, jamais vu dans l’histoire. En Aragon, les ¾ de la terre sont collectivisés.

    Grâce à cette furia et à cette combativité populaire exemplaire, non seulement l’échec de l’insurrection militaire est consommé en quelques jours, mais en outre, les masses détiennent pratiquement le pouvoir entre les mains. La situation qui se crée en Espagne n’est en effet rien d’autre qu’une situation de double-pouvoir. Lorsque les autorités se remettent de leur stupeur, elles s’aperçoivent tout simplement qu’elles n’existent plus. L’Etat, la police, l’armée, l’administration, semblent avoir perdu leur raison d’être. Le gouvernement est suspendu dans les airs et n’existe plus que par la tolérance de la direction des différents partis ouvriers. Fin juillet, les masses contrôlent 2/3 du pays. Elles exercent le pouvoir, mais celui-ci n’est pas organisé ni centralisé. Les « comités » (ou « conseils », « juntes », ou « soviets », qu’importe le nom), organes d’auto-administration de toutes les couches de la population laborieuse, et élus par celle-ci, auraient dû être élargis à chaque entreprise, chaque lieu de travail, chaque district, en y incluant la population paysanne ainsi que les milices ouvrières. Ces comités auraient dû être reliés via des délégués dans le but de former des comités locaux, régionaux, et national. Cela aurait constitué les bases d’un nouveau régime, jetant définitivement par-dessus bord le vieux gouvernement impuissant et passif : la dictature du prolétariat, Etat de type nouveau reposant sur la représentation directe des travailleurs et rompant une fois pour toute avec la « légalité bourgeoise ». Les masses voulaient abattre le capitalisme, tentaient d’imposer une politique révolutionnaire à leurs dirigeants qui étaient trop aveugles, trop malhonnêtes, trop peureux ou trop sceptiques que pour appréhender la situation correctement. Ceux-ci seront les principaux obstacles sur la voie d’une prise de pouvoir effective : la révolution va s’arrêter à mi-chemin.

    Le mouvement ouvrier : analyses

    Anarchistes et anarco-syndicalistes refusent d’engager une lutte pour un pouvoir dont ils ne sauraient que faire vu qu’il serait contraire à leur principe. Ils affirmeront par la suite qu’ils auraient pu prendre le pouvoir mais qu’ils ne l’ont pas fait, non parce qu’ils ne le pouvaient pas mais parce qu’ils ne le voulaient pas. Cela n’empêchera pourtant pas les anarchistes d’accepter finalement des portefeuilles dans les 2 gouvernements : celui de la Généralité de Catalogne d’abord, celui de Madrid ensuite ! Autrement dit, de collaborer à un gouvernement bourgeois et qui plus est, à un moment où sa base dans le rapport de force a disparu…On cerne ici toute la faillite de la théorie anarchiste, prise au piège de ses propres contradictions : n’ayant pas d’alternative et de stratégie pour contrer la politique de la classe dominante, les anarchistes font la politique A LA PLACE de la classe dominante. En renonçant à exercer la dictature du prolétariat, ils acceptent dans les faits à exercer la dictature…de la bourgeoisie. Comme le disait Trotsky, renoncer à la conquête du pouvoir, c’est le laisser dans les mains de ceux qui le détiennent, c’est-à-dire aux exploiteurs.

    Le POUM était quant à lui l’organisation la plus honnête et la plus à gauche en Espagne. Mais bien qu’ils se dénommaient marxistes, les dirigeants du POUM resteront à la traîne des anarchistes pendant tout le conflit, et les suivront jusqu’à entrer dans le gouvernement de Catalogne avec eux. Au moment où l’heure a sonné de préparer la prise du pouvoir par les masses, Andrès Nin affirme que la dictature du prolétariat existe déjà en Espagne. Ensuite, alors que les dirigeants bourgeois profitent de la passivité des organisations ouvrières pour restaurer l’appareil d’Etat bourgeois, celui-ci devient ministre de la Justice en Catalogne. En couvrant ainsi l’aile gauche du Front Populaire, le POUM préparera la voie à sa propre destruction. Pourtant, le POUM avait d’énormes possibilités. Il était passé d’un parti de 1000-1500 membres à plus de 30.000 membres en 6 semaines. Selon certaines sources, il aurait atteint jusqu’à 60.000 membres. Proportionnellement, il était donc numériquement plus fort que le Parti Bolchévik au début de la révolution russe. Malheureusement, oscillant entre le réformisme et la révolution, le POUM commettra toute une série d’erreurs qui lui seront fatales : au lieu de faire un travail dans la CNT, syndicat le plus puissant d’Espagne, les poumistes créeront leurs propres syndicats, laissant ainsi les travailleurs de la CNT dans les mains d’une direction aveugle et minée par la bureaucratie. Au lieu de faire un travail dans l’armée, ils créeront leurs propres milices. Cherchant ainsi des raccourcis dans la lutte des classes, ils isoleront l’avant-garde de la classe et laisseront les masses sans direction.

    Quant aux staliniens, il n’est sans doute pas exagéré de dire qu’ils constitueront l’avant-garde de la contre-révolution espagnole. Pendant tout le conflit, les staliniens nageront complètement à contre-courant de la dynamique révolutionnaire, allant jusqu’à nier le fait qu’une révolution prenait place en Espagne. Il est clair que le but poursuivi à l’époque par Staline dans ce pays n’était pas la victoire de la révolution, mais seulement l’assurance de se constituer de bons alliés contre l’Allemagne nazie pour la 2ème guerre mondiale qui s’annonçait. Staline ne voulait à aucun prix du triomphe d’une révolution sociale en Espagne, parce qu’elle eût exproprié les capitaux investis par l’Angleterre, alliée présumée de l’URSS dans la « ronde des démocraties » contre Hitler. D’ailleurs, les staliniens ne le cachent pas. Dans un livre écrit par Santiago Carillo, président du PCE dans les années ’70, on peut lire : « Il est clair qu’à l’époque, la bourgeoisie européenne n’aurait pas toléré qu’un petit pays comme l’Espagne puisse victorieusement porter une révolution socialiste. A cette époque, nous ne parlions pas de révolution socialiste et nous critiquions même ceux qui le faisaient, car nous voulions neutraliser les forces bourgeoises des démocraties européennes. » Ce qu’on ne précise pas dans ce passage -très instructif, au demeurant-, c’est que les staliniens ne se contentaient pas de « critiquer » ceux qui parlaient d’une révolution socialiste, mais les arrêtaient, les emprisonnaient, les torturaient dans des prisons spéciales du GPU, les assassinaient…En outre, on a beaucoup de mal à croire que les classes dominantes anglaise et française étaient assez dupes pour ne pas se rendre compte qu’une révolution était en train de menacer leurs intérêts capitalistes en Espagne, et cela du simple fait que les staliniens refusaient d’en parler !

    Pour les staliniens, la lutte n’était pas entre révolution et contre-révolution mais entre démocratie et fascisme, ce qui rendait nécessaire le maintien du Front Populaire et de l’alliance avec les républicains bourgeois, le respect des institutions légales, de la démocratie parlementaire et du gouvernement. Le journal « L’Humanité » (journal du PCF) du 3 août 1936 affirmait : « Le peuple espagnol ne se bat pour l’établissement de la dictature du prolétariat mais pour un seul but : la défense de la loi et de l’ordre républicain dans le respect de la propriété. » Un argument souvent utilisé par les staliniens pour justifier la politique du Front Populaire est que celui-ci visait à « avancer un programme plus modéré capable d’attirer la petite-bourgeoisie vers le mouvement ouvrier ». S’il entendait cela, Lénine se retournerait dans sa tombe ! L’histoire du bolchévisme est l’histoire d’une guerre sans relâche contre de telles notions. Le moyen de gagner les couches moyennes à la cause du mouvement ouvrier n’est pas de lier les mains de ce dernier aux politiciens bourgeois, mais bien au contraire de faire tout pour les démasquer , de faire tout pour montrer l’incapacité de la bourgeoisie et de son système politique à résoudre la crise, de faire tout pour démontrer dans l’action que la seule issue se trouve du côté des travailleurs. En Russie en 1917, c’est cette politique de classe intransigeante qui a permis de gagner la confiance de la paysannerie et a ainsi assuré le succès de la révolution. La petite-bourgeoisie, de par sa position intermédiaire dans la société, a tendance, dans la lutte des classes, à se ranger du côté du « cheval gagnant », c’est-à-dire du côté de la classe qui se montrera la plus résolue et la plus à même de gagner la bataille. En Espagne en 1936, la politique de Front Populaire a seulement réussi à pousser la paysannerie et la petite-bourgeoisie des villes dans l’indifférence, voire dans les bras de la réaction fasciste.

    La réaction « démocratique »

    Dans ces conditions, les premiers succès des milices restent sans lendemain. Une machine de guerre moderne entre en action, la situation se renverse : les fascistes reprennent du terrain et procèdent à des massacres féroces. En septembre ’36, tous les comités sont dissous et remplacés par des conseils municipaux à l’image du gouvernement. Le corps des magistrats est remis en fonction, les milices placées sous le contrôle du Ministère de l’Intérieur. Les conseils de soldats qui avaient vu le jour pendant la révolution sont supprimés, les grades, les galons et l’ancien code de Justice Militaire sont remis en vigueur.

    Le gouvernement, selon sa propre expression, « légalise les conquêtes révolutionnaires », ce qui constitue en réalité un moyen d’empêcher leur extension. Le coup d’arrêt porté à la révolution coïncide avec l’arrivée de l’aide matérielle russe (chars, tanks, avions…et police politique), qui s’était jusqu’ici engagée dans un pacte de « non-intervention », et l’entrée en scène, à l’initiative et sous le contrôle des différents partis communistes du monde, des « Brigades Internationales », formées de volontaires de tous pays venus combattre le fascisme.

    La contre-révolution stalinienne, la défaite et son prix

    La « réaction démocratique » fait ensuite place à la contre-révolution stalinienne dans toute sa cruauté, mettant la touche finale à l’étranglement de la révolution. L’Espagne devient un laboratoire pour la prochaine guerre mondiale où Staline va pouvoir démontrer aux puissances occidentales qu’il est un allié solide capable d’arrêter une révolution. Le mot d’ordre principal du PC est qu’il faut « d’abord gagner la guerre », et remettre à plus tard les questions sociales. Ce qu’il faisait mine de ne pas comprendre est qu’on ne pouvait gagner la guerre sans gagner la révolution. Il n’y avait évidemment pas de solution intermédiaire, à partir du moment où l’on admet la structure de classe de la société.

    Les staliniens vont exceller dans un travail consistant concrètement à aider le fascisme à triompher. En novembre ’36, le consul général d’URSS à Barcelone dénonce le journal du POUM « vendu au fascisme international ». La presse stalinienne se déchaîne contre les révolutionnaires, le POUM est dissout et tous ses dirigeants sont arrêtés. Andrès Nin et de nombreux militants trotskistes sont exécutés par la police politique ;on les accuse d’être « des fascistes déguisés qui emploient un langage révolutionnaire pour semer la confusion » (4).

    Le décret de collectivisation en Catalogne est suspendu, les propriétaires récupèrent les terres et les usines. Fin ’37, les premiers conseillers russes seront rappelés : la plupart seront à leur tour exécutés en URSS. Les envois d’armes diminuent rapidement. L’Espagne devient le théâtre d’une guerre classique où un camp se trouve en situation d’infériorité militaire et technique. Le calvaire durera jusqu’en ’39 ; il se terminera par de nombreux supplices et exécutions et par la victoire définitive de Franco.

    Conclusion

    Il s’est présenté en Espagne une situation révolutionnaire exceptionnellement favorable. Malheureusement, il n’y avait pas un parti révolutionnaire avec une direction capable de faire une analyse correcte de la situation, d’en tirer les conclusions nécessaires et de mener fermement les travailleurs à la prise du pouvoir. Trotsky disait que pour la solution victorieuse des tâches révolutionnaires qui se posaient à l’Espagne, il fallait trois conditions : un parti, encore un parti…et toujours un parti. Cette même conclusion peut être tirée de nombreux mouvements révolutionnaires qui jalonnent l’histoire du capitalisme. C’est pourquoi nous pensons que les leçons à tirer de cette expérience sont d’une importance cruciale et conservent toute leur actualité.


    (1) extrait d’une interview de Santiago Carillo, président du PCE dans les années ’70

    (2) voir Pierre Broué, « La Révolution et la Guerre d’Espagne » (p.87-88)

    (3) voir Pierre Broué, « La Révolution Espagnole 1931-1939 » (p.70)

    (4) José Diaz, discours du 9 mai 1937, « Tres Anos de Lucha » (pp.350-366)

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