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Économie mondiale : ''Les banques centrales naviguent dans le noir''
La grave récession de 2008-2009 a fait de l’économie mondiale un véritable laboratoire d’expérimentations. Mais ni l’austérité extrême ni les trillions injectés dans les banques n’ont conduit à une véritable reprise. Les politiciens et les économistes sont désormais de plus en plus préoccupés.
Per-Åke Westerlund, Rättvisepartiet Socialisterna (CIO-Suède)
Au centre des préoccupations, la crise européenne. Au début de 2012, l’Italie et l’Espagne étaient proches du défaut souverain (fait pour un gouvernement de ne pas pouvoir payer sa dette), une situation qui, à son tour, aurait pu voir le projet euro entier s’effondrer. Les dirigeants et les institutions européennes, par crainte, ont du prendre des mesures extrêmes.
La Banque Centrale Européenne (BCE) a promis un ”accès illimité” au capital pour les États et les banques. Depuis lors, la BCE a prêté 360 milliards d’euros aux banques espagnoles et 260 milliards aux banques italiennes. Une grande partie de ces sommes a été utilisée pour racheter leurs obligations d’État respectives. L’écart de taux d’intérêt – ce qui coûte en plus à l’Espagne et à l’Italie pour emprunter par rapport à l’Allemagne – a chuté de 6-7% à 2-3%.
La générosité de la BCE est compensée par les autres banques centrales. La Réserve Fédérale Américaine (FED) est à sa quatrième phase d’assouplissement quantitatif, ce qui signifie que la FED rachète des parts de la dette publique à raison de 85 milliards de dollars par mois.
Le nouveau gouvernement de droite du Japon s’est lancé dans une politique monétaire ”quantitative et qualitative”, une double mesure par rapport à celle de la FED. En deux ans, la banque centrale (la Banque du Japon, BOJ) va utiliser l’équivalent d’un quart de son PIB – le Japon est la troisième plus grande économie mondiale – pour acheter des obligations d’État, des actions et des biens immobiliers.
Les Banques centrales
Mais désormais, il y a une inquiétude croissante quant à savoir si les interventions des banques centrales sont bel et bien la solution ou au contraire aggraveraient la crise. ”Certaines figures de proue des Banques centrales avouent qu’ils naviguent dans le noir dans le pilotage de leur économie” a rapporté le Financial Times (18 avril) après la dernière réunion du Fonds Monétaire International (FMI).
Selon Lorenzo Samgh de la direction de la BCE : ”Nous ne comprenons pas entièrement ce qui se passe dans les économies avancées”. Le chef de la Banque d’Angleterre, Mervyn King, a affirmé que personne ne pouvait être sûr que la politique monétaire expansionniste était correcte et s’est interrogé sur le fait qu’elle pouvait ”courir le risque d’attiser les problèmes qui ont conduit à la crise préalablement”.
L’intervention de la Banque centrale a assoupli la crise immédiate pour les banques et les États les plus vulnérables. Mais ils n’ont pas reboosté l’économie – les investissements dans les pays capitalistes avancés sont toujours au record le plus bas.
Cependant, la nouvelle politique a initié des conflits plus nets entre les Etats-Nations. La monnaie japonaise, le Yen, a chuté de 25% depuis l’année dernière. Cela a profité à l’industrie d’exportation japonaise au détriment, entre autres, des industries allemande et sud-coréenne.
Les rapports semi-annuels d’avril du FMI (le Rapport du Stabilité financière global et des Perspectives économiques mondiales) notent que les actions des Banques centrales ont provoqué un ”large rassemblement de marché” mais ont aussi créé de nouveaux risques. Le capital passe maintenant des pays les plus riches vers les pays en développement, créant une instabilité potentielle. Le patron de la FED, Ben Bernanke, a récemment averti que la spéculation des banques pourrait augmenter.
Le FMI
Mais ce qui inquiète véritablement le FMI est ce qui se passera quand la politique d’assouplissement se terminera. Il n’y a pas de précédents historiques sur lequel se baser. ”Des améliorations continues nécessiteront un redressement du bilan du secteur financier et un déroulement harmonieux des sur-endettements public et privé. Si nous ne relevons pas ces défis à moyen terme, les risques pourraient réapparaitre. La crise financière mondiale pourrait se transformer en une phase plus chronique marquée par une détérioration des conditions financières et des épisodes récurrents d’instabilité financière”, écrit le FMI. Mais tout a jusqu’ici échoué, la situation tend vers une crise plus chronique.
La deuxième étape de la politique de crise – les mesures d’austérité extrêmes – ont eu de pires effets immédiats. 19,2 millions de personnes sont actuellement au chômage dans la zone euro, dont six millions en Espagne seulement. En Grèce, le chômage des jeunes s’élève à 59,1%. Le New York Times a rapporté dans un article sur les écoles grecques que les enfants s’évanouissaient de faim et fouillaient les poubelles pour trouver de la nourriture.
Le premier ministre portugais, Pedro Passos Caolho – un fervent partisan de l’infâme austérité de la Troïka (FMI, UE et BCE) – a promis en 2011 que ces ”deux terribles années” seraient suivies par une reprise. Mais en raison de l’austérité extrême, en 2013, le Portugal ”fait face à une récession plus profonde et plus longue que celle prévue par le gouvernement et les prêteurs internationaux.” (Financial Times).
Le FMI a estimé en avril que le risque de récession (le fait que l’économie se contracte) dans la zone euro était de 50%. Depuis lors, le président de la BCE, Mario Draghi, a averti que même la France s’était engouffrée plus profondément dans la crise. L’UE a accordé à l’Espagne et à la France deux années supplémentaires pour se conformer à la règle selon laquelle les déficits budgétaires ne doivent pas dépasser 3% du PIB. Selon les nouvelles règles, ces deux pays auraient, aussi non, été condamnés à une amende.
Dans une grande enquête effectuée par l’agence de notation Fitch auprès des capitalistes et des investisseurs financiers en Europe, une grande majorité pense que le calme qui règne cette année en Europe n’est que passager. ”Fitch met en garde dans un communiqué qu’elle [l’année 2013] peut revoir un été marqué par la crise de l’euro, tout comme ce fut le cas en 2011 et 2012, car il y a une forte contradiction entre le récent rallye boursier et la montée du chômage” (Dagens Industri, quotidien suédois).
Pas de solution capitaliste
Aucune institution capitaliste n’a de solutions. Beaucoup avertissent que l’austérité est allée trop loin, mais continuent de souligner la nécessité d’un budget équilibré pour le ”moyen terme”.
En combien de temps la crise chypriote qui menace de s’étendre montrera que les pays de l’UE ont besoin d’une union bancaire, écrit le FMI dans son rapport ? Et avant que les flux de capitaux illimités de la BCE n’atténuent la crise, les politiciens dirigeants de l’UE comme Angela Merkel et le président de la Commission européenne Barroso déclaraient que l’UE avait besoin d’une politique budgétaire beaucoup plus stricte et synchronisée.
Mais les intérêts nationaux et les conflits rendent spécialement les dirigeants allemands hésitants. Le risque, à leurs yeux, est que l’Allemagne devienne définitivement le garant des banques à travers l’Europe.
En parallèle avec les contradictions croissantes au sein des États membres de l’UE, il y a une méfiance grandissante contre l’Europe elle-même. Aujourd’hui, en Espagne, 72% de la population est critique par rapport à l’Europe contre 23% avant la crise. En Allemagne, cette méfiance est passé de 36 à 59%.
La crise a été utilisée pour pousser en avant les contre-réformes néolibérales dont rêvaient les capitalistes. Des pensions encore pires en Italie, des facilités pour licencier les travailleurs en Espagne, des réductions de salaire de 50% en Grèce et ainsi de suite. De la même façon, les capitalistes augmentent leur pression sur le président français François Hollande. Il a déjà aboli l’impôt sur les gains en capital et a promis de réduire les allocations de chômage, des pensions et des municipalités.
En même temps, la pression politique par le bas est de plus en plus forte. Dans un sondage d’opinion français, 70% des sondés pensent qu’une ”explosion sociale” est possible dans les prochains mois.
Le FMI, en avril, a à nouveau abaissé ses prévisions pour la croissance économique mondiale de cette année à 3,3% (3,5% néanmoins en Octobre). Le commerce mondial ne devrait augmenter que de 3,6% cette année après 2,5% l’année dernière.
L’indice des directeurs d’achats des grandes entreprises européennes et japonaises est encore en dessous de 50, ce qui indique que l’économie ne se développe pas. Mais même dans le cas de la Chine, ce chiffre ne dépasse pas beaucoup les 50.
La Chine
L’économie de la Chine – la deuxième plus grande au monde mais dont on estimera qu’elle dépassera les États-Unis d’ici 2020 – est en train de ralentir fortement. Le grand plan de relance de 2009, qui a tenu la croissance grâce à des investissements massifs, frappe désormais de son revers avec force. Les dettes des municipalités et des provinces sont estimées à entre 20 et 40% du PIB du pays. Au cours du premier trimestre de cette années, ces dettes ont augmenté deux fois plus vite que dans la même période en 2012.
Le FMI et les politiciens occidentaux parlent de la façon dont la consommation en Chine devrait augmenter et l’investissement diminuer. Mais l’abaissement de la part de l’investissement dans le PIB de 50 à 30%, dans une situation ou la croissance économique sera de 6% au lieu des 10% précédents, ”provoquerait une dépression à lui tout seul” conclut le chroniqueur économique du Financial Times, Martin Wolf. La demande s’effondrerait avec un impact considérable sur l’économie mondiale.
Les gouvernements et les classes capitalistes mettent désormais davantage de pression sur d’autres États. Les États-Unis veulent voir une plus grande demande en Allemagne et en Europe, tandis que les politiciens européens exigent que les déficits des États-Unis et du Japon soient réduits. Le déficit budgétaire du Japon cette année est à près de 10% du PIB, pour la cinquième année consécutive. La dette publique devrait être à 255% du PIB en 2018.
Le déficit américain est de 5% du PIB et la dette s’élève à 110% de celui-ci. La croissance cette année aux États-Unis devrait être la plus élevée dans les pays capitalistes développées, soit 1,2%. Mais les prévisions sont incertaines puisque les coupes automatiques, la mise sous séquestre, n’auront effet que dans la seconde moitié de l’année.
Avec l’échec des ”méthodes peu orthodoxes”, de plus en plus de gens se rendent compte qu’il n’y a pas de solution dans le cadre du système capitaliste. La résistance des travailleurs et des pauvres va augmenter, comme l’ont montré les manifestations de masse au Portugal au début de mars qui étaient les plus importantes depuis la révolution de 1974. La tâche des socialistes est de construire de nouveaux partis des travailleurs avec une réponse socialiste claire face à la crise.
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Grèce : Le premier ministre George Papandreou chassé du pouvoir
Nouveau gouvernement d’“unité nationale” = “coalition d’austérité”
Le premier ministre grec George Papandreou s’est vu contraint de quitter le pouvoir le week-end passé, et de remplacer son gouvernement PASOK (parti “social-démocrate” au pouvoir) par un gouvernement de coalition d’“unité nationale”. Cette nouvelle “coalition de l’austérité” PASOK/Nouvelle Démocratie va signer un plan de sauvetage qui impliquera encore plus d’austérité punitive, telle que celle qui a déjà poussé des millions de Grecs dans la misère.
Andreas Payiatsos, Xekinima (CIO-Grèce) et Niall Mulholland, CIO
Papandréou a été forcé de quitter le pouvoir après plusieurs jours de troubles civils qui ont suivi sa décision – maintenant annulée – d’organiser un référendum sur le plan de sauvetage prévu par l’UE pour renflouer la Grèce, percluse de dettes.
Les nouveaux premiers ministres potentiels incluent des candidats à la réputation de maitres de l’austérité prouvée : il s’agit de Lukas Papademos, ancien vice-président de la Banque centrale européenne (BCE), et du ministre des Finances Evangelos Venizelos. Le nouveau gouvernement de coalition démissionnera après de nouvelles élections, attendues en février prochain.
L’accord conclu le mois passé entre la BCE, l’UE et le FMI (la fameuse “Troïka”), accorderait au gouvernement grec la somme de 130 milliards d’euros, effacerait la moitié des dettes grecs dues à des détenteurs privés, et inclurait une nouvelle série de mesures d’austérité profondément impopulaires.
L’économe réduite de -15%
La politique de la Troïka a déjà poussé l’économie grecque à se contracter de 15% au cours des trois dernières années. Le gouvernement PASOK a voté toute une série de lois dictées par la Troïka, qui ont poussé dans la misère les deux-tiers de la population grecque. Les salaires des travailleurs du secteur public ont été tranchés de 50% (par rapport à ce qu’ils gagnaient début 2010), et le salaire minimum “légal” baissera à 500€ par mois (mais même cela, vu que les “négociations collectives” ont été abolies, n’est plus contraignant pour les employeurs). Plus de 40% de la jeunesse est au chômage. La Troïka exige que 250 000 personnes soient virées du secteur public – plus du tiers du personnel total. Les services publics sont pilonnés. Dans les hôpitaux, le nombre de lits a déjà été réduit de 30%, et une nouvelle réduction de 20% est prévue (pour une réduction totale de 50%, donc). Les nouvelles taxes, couplées aux coupes dans les salaires et les allocations, signifient la perte de centaines d’euros par mois par travailleur et par famille. Les enfants vont à l’école le ventre vide, certains allant jusqu’à s’évanouir en classe. Même les “classes moyennes”, qui auparavant vivaient relativement bien, se voient maintenant poussées vers une vie de privations.
Si Papandréou a fait sa proposition désespérée de référendum, c’est parce que la résistance de la population grecque à sa politique d’austérité s’est avérée absolument insurmontable. Il a réalisé que son gouvernement PASOK menaçait d’un effondrement total. Le 19 octobre, la Grèce a connu sa plus grande grève générale de 48 heures et manifestation syndicale de toute son histoire d’après-guerre. Le 28 octobre, qui est la journée annuelle de “fierté nationale” et de parades destinées à commémorer l’occupation de la Grèce durant la Seconde Guerre mondiale, s’est cette année mué en une journée de colère et de manifestations antigouvernementales.
Chantage
Le référendum de l’ex-premier ministre était une tentative de faire chanter la population grecque, en la plaçant devant l’alternative : « Soit vous votez pour le plan de “sauvetage” du 26 octobre, soit la Grèce fait faillite, quitte la zone euro, et vous crevez tous de faim ».
Mais le projet de référendum de l’ex-premier ministre grec se sont rapidement vus mis sous une énorme pression de la part des dirigeants européens, en particulier de l’Allemagne et de la France, qui ont vivement critiqué ce référendum, sous prétexte que cela causerait l’extension de la crise grecque aux autres pays européens, en particulier au pays vulnérable qu’est l’Italie.
Démontrant qu’eux aussi s’y connaissent en matière de chantage, la Chancelière allemande Merkel et le président français Sarkozy ont exigé que ce référendum porte sur la question de savoir si la Grèce devrait rester membre de l’UE ou non. La tranche suivante du plan de sauvetage actuellement en train d’être administré à la Grèce, d’une valeur de 8 milliards d’euros, a elle aussi été suspendue afin d’ajouter à la pression sur Papandréou pour qu’il retire sa proposition.
D’immenses divisions se sont ouvertes au sein du PASOK autour du projet de référendum : le ministre des Finances Evangelos Venizelos et d’autres figures cruciales du gouvernement s’y sont ainsi publiquement opposées, déclarant le 4 novembre que ce projet devait être annulé. Certains membres du cabinet ont exigé la démission de Papandréou en faveur d’un gouvernement d’“unité nationale”.
Après ces coups politiques fatals, Papandréou a survécu à un vote de défiance au Parlement le 4 novembre, mais seulement à condition qu’il visite le Président de l’État grec le lendemain pour lui remettre sa démission, en faveur d’un gouvernement de coalition dirigé par un nouveau premier ministre (non-élu). Papandréou a donc comme promis démissionné le 5 novembre. Cela démontre une nouvelle fois l’existence d’une crise politique extrêmement profonde au sommet de la “classe politique” et de l’establishment grecs.
Dimanche soir (6 novembre), le PASOK et l’opposition de la Nouvelle Démocratie (qui avait précédemment refusé toutes les offres de former un gouvernement de coalition avec le PASOK) se sont mis d’accord pour former un gouvernement de coalition, dirigé par une tierce “personnalité”, pour une période de quelques mois jusqu’à la tenue de nouvelles élections. Le gouvernement de coalition sera composé des deux principaux partis pro-capitalistes du pays et de deux plus petits partis, dont l’extrême-droite populiste du LAOS (Aube dorée).
Une propagande impitoyable
Les travailleurs et classes moyennes grecs se sont également retrouvés bombardés par une propagande impitoyable de la part de l’UE, des patrons et des médias grecs autour de la question du référendum. On leur a dit qu’à moins d’accepter encore plus d’austérité, la Grèce serait forcée de quitter la zone euro et l’UE, et subirait une chute encore plus grande du niveau de vie.
Les principaux partis de gauche, tels que le KKE (Parti communiste grec) et Syriza (une alliance de gauche large) n’ont mis en avant aucune alternative à cette brutale offensive de propagande pro-capitaliste.
Tout cela a eu un impact sur la perception de la population grecque. Des sondages d’opinion ont montré qu’une large majorité des Grecs était contre l’idée d’un référendum. Ce sentiment a changé après la propagande massive de la part de la classe dirigeante et des médias. Une large majorité, de plus de deux tiers, était également en faveur du maintien de l’appartenance à la zone euro, et pas plus de 15% se disaient en faveur du départ de celle-ci (ces données proviennent de divers sondages d’opinion réalisés par téléphone au même moment, de sorte qu’il n’y a pas de chiffre exact, bien que la tendance soit la même dans chacun de ces sondages).
Les résultats de ces sondages sont une réelle expression du désespoir qui vit en cette époque désespérée – il vit encore “un espoir contre toute attente” que d’une certaine manière le gouvernement de coalition parvienne à trouver une solution à la crise économique profonde de la Grèce. En réalité, la plupart des travailleurs ne voient aucune issue à la crise ni à l’austérité, et toute illusion qu’une certaine section de la population détient dans la nouvelle coalition ne sera certainement que de courte durée. Des sondages plus récents ont tous montré qu’un bon 90% de la population grecque est contre les coupes d’austérité du PASOK – la même politique qui sera poursuivie par le gouvernement d’“unité nationale”.
Depuis le début de la crise en 2008-9, les travailleurs grecs ont démontré à maintes reprises qu’ils sont prêts à riposter contre l’austérité et pour une alternative à ce système perclu de crises. Pas moins de quinze journées de grève nationale (dont deux grèves de 48 heures) ont été organisées en moins de deux ans, sans compter les grèves étudiantes, les sit-ins et les occupations de bâtiments publics et d’écoles, en plus de la campagne de non-paiement contre les taxes iniques. Les actions industrielles et les mouvements de masse ont culminé avec la magnifique grève générale de 48 heures des 19-20 octobre. Entre 500 000 et 800 000 personnes sont descendues dans la rue à Athènes ce jour-là – formant ainsi la plus grande manifestation syndicale de toute l’histoire d’après-guerre en Grèce.
Mais les dirigeants bureaucratiques et conservateurs des syndicats n’ont pas utilisé l’immense puissance de la classe ouvrière organisée pour intensifier la résistance de masse afin d’en finir une fois pour toute avec le gouvernement PASOK, afin de mettre un terme à la politique d’austérité et d’aller vers la mise sur pied d’un gouvernement des travailleurs. Tout au long des 18 derniers mois, la direction syndicale n’a appelé à des actions que parce qu’elle y était contrainte par l’immense pression des masses – elle n’a aucun plan ni stratégie pour gagner quoi que ce soit, sans même mentionner un programme politique alternatif.
Les occupations et l’action industrielle
Depuis la grève de 48 heures des 19-20 octobre, les occupations et grèves sectorielles se sont fait moins fréquentes. Mais cela ne veut pas dire que la lutte industrielle de masse est terminée : il ne s’agit que d’une pause temporaire après des mois de grève frénétique et autres activités de masse. Il est possible que les jeunes et les travailleurs se tournent maintenant vers d’autres formes de résistance de masse. Des campagnes de non-paiement de masse pourraient ressurgir, de même que des actions de masse autour de thèmes environnementaux. La nouvelle vague de coupes budgétaires promise par la “coalition d’austérité” signifie que la lutte de classe est inévitable, de même que de nouvelles vagues d’action industrielle.
Certains syndicats, comme le syndicat du personnel communal, celui des instituteurs/trices, celui des travailleurs du rail et celui des télécoms, se sont battus de manière plus déterminée, et ont rompu leurs connexions avec le PASOK. Toute une section du mouvement ouvrier est en train de virer dans une direction plus radicale et plus combative. Bien que ces syndicats aient rompu avec le PASOK, leur direction se refuse toujours à donner à sa base un plan d’action clair et résolu. Xekinima, la section grecque du CIO, appelle la base de ces syndicats à rompre de manière définitive avec le PASOK et à contribuer à la construction d’un nouveau parti ouvrier, armé d’un programme socialiste radical.
Xekinima s’oppose au nouveau gouvernement d’“unité nationale” du PASOK et de Nouvelle Démocratie. Cette coalition présidera à encore plus d’austérité qui mènera à une misère encore plus profonde. La politique qui sera appliquée par le nouveau gouvernement de coalition sera la même que celle qui a été appliquée jusqu’ici. Le nouveau gouvernement suivra à la lettre les dictats de Merkel et de Sarkozy. Il n’y a absolument rien de “positif” dans ce gouvernement, mis à part, si l’on peut dire, le fait que Nouvelle Démocratie (ND) sera maintenant lui aussi mouillé devant tous les Grecs en tant que responsable de la politique d’austérité. Jusqu’à présent, le dirigeant de ND, Samaras, a de la manière la plus cynique qui soit joué un rôle populiste en critiquant la politique du gouvernement et en accusant le PASOK de trop se laisser faire par les dictats de l’UE.
Un espace politique pour la Gauche
Les illusions parmi certaines sections de la population que les choses pourraient aller “un peu mieux” sous la coalition d’“unité nationale” ne vont guère durer. Dans la situation politique qui s’ouvre à présent, les partis de la Gauche auront une opportunité unique et historique de croitre et de jouer un rôle décisif. Mais pour pouvoir concrétiser le type de changements fondamentaux qui sont requis pour apporter des solutions réelles et durables aux immenses problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs grecs et l’ensemble de la société, il est nécessaire que la Gauche adopte un programme socialiste et se batte de manière décisive pour un changement de système. Jusqu’à présent, les principaux partis traditionnels de la Gauche grecque que sont le KKE (Parti communiste) et SYN (Synaspismos, une coalition de mouvements de gauche et écologiques) – refusent de faire le moindre pas dans cette direction. La nécessité de bâtir et de développer les mouvements de masse, et de construire de nouvelles forces de Gauche, armées d’un programme radical et socialiste, se pose aujourd’hui plus que jamais.
Xekinima met en avant une perspective et un programme socialistes. Xekinima dit : Nous ne paierons pas la dette, non à l’austérité ! Xekinima appelle à la formation d’un gouvernement qui représente les travailleurs, la classe moyenne appauvrie, les pauvres et les jeunes. Un gouvernement ouvrier signifierait un emploi, un logement à prix abordable, un enseignement et des soins de santé correctement financés. Un tel gouvernement ferait passer au domaine public les secteurs-clés de l’économie, sous contrôle démocratique, pour le bénéfice de la majorité et non de l’élite de riches.
Xekinima rejette l’argument selon lequel les Grecs doivent subir la destruction de leur niveau de vie afin de pouvoir rester dans la zone euro. Xekinima explique aussi que personne ne doit semer la moindre illusion dans une éventuelle “nouvelle politique monétaire souveraine et progressiste”, comme certaines sections de la Gauche grecque le mettent en avant. Sous le capitalisme, et dans le cadre national, il n’y a aucune solution. Xekinima appelle à un véritable internationalisme – pour une alternative ouvrière à la crise et à l’austérité capitaliste qui s’étend à toute l’Europe. Ce n’est qu’avec la perspective d’une lutte commune avec les travailleurs de tout le reste de l’Europe que nous pourrons trouver une alternative à l’Europe du Capital, des banquiers et du FMI, et nous battre pour une Europe socialiste !
Extrait de l’interview de notre camarade Andreas Payiatsos, de Xekinima, publiée sur socialistworld.net :
La presse internationale insiste sur le fait que la Grèce est minée par la taille de son secteur public et par la corruption – quelle est la situation reélle ?
Les travailleurs grecs sont confrontés à une incroyable campagne de diffamation dans la presse internationale et de la part des représentants de la classe dirigeante en Europe et dans le monde. C’est révoltant !
Le cout des salaires dans le secteur public en Grèce est inférieur à la moyenne européenne de ces couts comparés au PIB (en Grèce, les couts salariaux du secteur public représentent 9% du PIB, contre 10% en moyenne en Europe-27). Les salaires du public coutent à peine la moitié de ce que coutent les salaires du public en Scandinavie, ce qui est encore bien inférieur à la situation en France, Allemagne, etc., en termes de part du PIB toujours. C’est un secteur public “bon marché”. Mais cela, ils ne le disent jamais, malgré le fait que ces chiffres soient tirés de leurs propres statistiques européennes !
À propos de la “paresse” et de l’évasion fiscale, les travailleurs grecs, selon une recherche organisée par l’UE en juillet dernier, sont les plus laborieux de toute l’Europe, avec 108 heures de travail par an en plus que la moyenne européenne – plus que les travailleurs d’Europe de l’Est par exemple qui ne travaillent “que” 103 heures par en plus que la moyenne européenne.
La presse pro-capitaliste ne dira jamais la vérité. Ces gens vont toujours tout déformer afin de pouvoir mieux faire passer leur propre politique.
L’évasion fiscale en Grèce n’est pas quelque chose qui est perpétré par les travailleurs, qu’ils soient du public ou du privé. Leurs revenus sont déclarés à l’Etat, qui est responsable de les taxer. L’évasion fiscale est le fait des strates les plus riches de la société, de professionnels qui sont capable d’organiser la fraude et de s’en tirer. Pourquoi alors faire payer les travailleurs ? À part l’évasion fiscale illégale, il y a aussi toutes les procédures légales mises en place par le gouvernement et votées au Parlement. Par exemple, la couche la plus riche de la classe dirigeante grecque, qui sont les armateurs (propriétaires de compagnies de navires marchands), bénéficie de 58 lois d’exemption fiscale différentes (aucune ne concerne le personnel de ces compagnies, bien entendu). Voilà en réalité le nœud du problème : non pas la fraude fiscale illégale (sans vouloir sous-estimer son rôle bien réel), mais tous ces transferts légaux de richesses prises aux travailleurs pour les donner aux riches, afin soi-disant de “promouvoir l’investissement” et autres balivernes. C’est là le facteur décisif qui explique tout le bordel dans lequel l’économie se retrouve en ce moment.
Pourquoi la dette atteignait-elle déjà les 120% du PIB avant la crise ?
La dette grecque a toujours été relativement élevée, à un niveau de 100-110% du PIB, comme celle de la Belgique ou de l’Italie. La raison pour laquelle elle reste élevée est le fait que tous les revenus “supplémentaires” de l’État grec ont été utilisé pour “soutenir” les capitalistes, banquiers, armateurs, constructeurs, etc. grecs afin qu’ils puissent accroitre leurs profits, faire face à la concurrence internationale et, surtout, s’étendre aux Balkans et à l’Europe de l’Est dans les années ’90… Cette politique s’est poursuivie jusqu’en 2007.
Ce qui a déclenché tout le chaos a été la crise économique qui a frappé la Grèce en 2009 en tant que répercussion de la crise mondiale, poussant l’économie dans la récession, rendant impossible le paiement de la dette. Les banques ont été menacées et, afin de sauver les banques, les divers gouvernements ont suivi une politique d’immenses plans de renflouement, ce qui a forcé l’État à emprunter de colossales sommes d’argent, comme nous le savons tous. Puis il s’en est “logiquement” suivi une austérité terrible pour les travailleurs, afin de pouvoir donner l’argent aux grands banquiers.
En 2009, la dette se tenait à près de 115-120% du PIB. Au printemps 2010, elle avait grimpé à 140-160% du PIB. Le gouvernement grec se voyait alors demander un taux d’intérêt de 7% de la part des “marchés” pour pouvoir emprunter de l’argent auprès d’eux, argent qui était prêté à ces mêmes “marchés” par la BCE à un taux de 1% ! C’est carrément du vol ! Et aujourd’hui, ce serait à nous de payer pour ce pillage !
C’est alors qu’est arrivée la fameuse Troïka pour nous “sauver”. La politique du FMI et de l’UE a fait chuter l’économie grecque de 15% en trois ans. Sous cette politique, la dette a bondi à 170% du PIB aujourd’hui, et on prévoit qu’elle atteigne les 198% du PIB d’ici la fin de l’an prochain – et encore, selon les statistiques officielles ! C’est ce qui les a forcé à lui donner une “coupe de cheveux”. Comme les médias internationaux l’ont répété encore et encore, un tel effondrement du PIB ne s’est auparavant jamais produit en temps de paix dans aucun pays “développé” (je rappelle au passage qu’avant la crise, la population grecque était considérée comme faisant partie des 8% les plus riches de la planète – bien qu’elle était perçue comme relativement pauvre selon les standards européens). L’économie ne pouvait plus générer plus d’argent, et il n’était plus possible non plus d’en presser plus d’argent. Du coup, la dette a continué à monter et monter. En d’autres termes, la hausse de la dette au cours des deux dernières années est un résultat direct de l’intervention du FMI et de l’UE.
La soi-disant “coupe de cheveux” de la dette grecque s’élève-t-elle réellement à 50% de sa valeur ? Quels sont les termes exacts ?
La “coupe de cheveux” de 50% de la dette étatique grecque ne concerne que la partie privée de cette dette. La dette grecque est en effet divisée en deux parts : le montant total actuel est de 360-370 milliards d’euros. De cette somme, 200 milliards proviennent d’institutions et banques privées ; le reste, qui vaut 160-170 milliards d’euros, provient essentiellement de la BCE et du FMI. L’argent qui a été prêté par la Troïka ne sera pas concerné par la coupe. Lorsqu’ils parlent de cette coupe, ils ne se réfèrent qu’aux 200 milliards dûs au privé, ce qui touchera des bons d’État détenus par des particuliers qui expireront d’ici une décennie, càd en 2020. Les 160 milliards restant sont des bons d’État à long terme – 15-30 ans – ou de l’argent prêté par le FMI et qui ne sont soumis à aucune réduction.
Tout ceci signifie que la dette grecque diminuera d’environ 100 milliards d’euros sur les 360 milliards (pour peu que les banquiers acceptent cette coupe – parce qu’elle est censée être une coupe “volontaire” !..).
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Le gouvernement grec va économiser 100 milliards, mais devra emprunter 130 milliards d’euros en plus afin de pouvoir rembourser la dette restante et de couvrir les pertes des banques grecques. Donc, on coupe la dette grecque pour pouvoir lui permettre de monter encore !
Pour résumer, la fameuse “coupe de cheveux” permet au gouvernement grec d’économiser 100 milliards, et nous force à de nouveau emprunter 130 milliards ! Ces 130 milliards d’euros proviendront de la Troïka et seront versés au cours des deux prochaines annéees (et cet emprunt, évidemment, ne sera pas non plus soumis à la moindre “coupe de cheveux”). La dette sera réduite pour passer de 170% du PIB à l’heure actuelle, à 150%, puis elle va recommencer à croitre à nouveau. En théorie, après avoir monté, elle commencera à décliner, tandis que l’économie reprendra petit à petit. L’objectif officiel est d’arriver à une dette valant 120% du PIB d’ici 2020, c’est à dire, son montant de 2009. Pour le dire plus simplement donc : ils veulent passer une décennie entière à démolir l’ensemble de la société grecque, uniquement dans le but de ramener la dette au niveau qu’elle avait déjà atteint en 2009.
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Grèce : La politique d’austérité sauvage est passée malgré le mouvement de masse
Lâchant les gaz lacrymogènes et toutes sortes de menaces, le gouvernement Pasok (social-démocrate, parti-frère de notre PS) en Grèce a voté en faveur de nouvelles mesures d’austérité pendant une grève générale de protestation de 48 heures et durant l’action du mouvement des “Indignés”. Des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues d’Athènes le 28 juin pendant les manifestations syndicales en direction de la place Syntagma (place de la Constitution), non loin des bâtiments du Parlement. Pendant la soirée, près de 50 000 personnes se sont rendues à un concert de “rébellion”. Mercredi 29 juin, des dizaines de milliers de gens ont convergé dans le centre d’Athènes pour y exprimer leur colère. Les confédérations syndicales avaient appelé à une grève de 48 heures. Le soutien était absolument massif. Les transports publics étaient à l’arrêt – sauf le métro, à qui on avait demandé d’amener les gens aux manifestations –, et la participation du secteur public était écrasante.
Stephan Kimmerle, CIO, Athènes
Toutefois, la réaction de la police était brutale. Leur objectif était clair – briser le mouvement. Même les médias capitalistes ont déploré la sauvagerie de l’État grec. Encore et encore, la place Syntagma et les rues avoisinantes ont été englouties dans un nuage de gaz lacrymos. Les “forces spéciales” de la police ont attaqué les manifestants, allant jusqu’à leur lancer des pierres. Le concert du soir du 28 juin a été enseveli sous un bombardement de grenades à gaz. Le 29 juin a commencé par l’attaque de la police sur les manifestants à coups de matraques et de gaz tandis que ceux-ci se rassemblaient en vue d’encercler le Parlement comme il avait été décidé.
La police n’a cette fois pas attendu les provocations de la part de collègues en civil infiltrés ou d’anarchistes. Rien que le 29 juin, 2250 cartouches de gaz lacrymo ont été utilisées contre les manifestations. Et même le soir, tandis que les manifestants tentaient de se remettre des événements en s’asseyant aux terrasses du coin pour se manger un petit souvlaki (kebab grec), ils ont encore dû subir des raids de la “police delta” – escadron spécial de deux flics sur une moto, un qui conduit, l’autre qui donne des coups de matraque et qui balance des lacrymos.
Mais cette tentative de “donner une bonne leçon” à la nouvelle couche de militants s’est retournée contre l’État. Encore et encore, les manifestants ont tenté de reprendre la place centrale d’Athènes. Une nouvelle couche de militants a développé une réelle détermination, et ceci sera important dans les luttes futures.
Le mémorandum est passé
L’objectif du mouvement des Indignés et des syndicats était clair : Non à un “second mémorandum”, c’est à dire à un nouvel énorme plan de coupes budgétaires brutales et d’autres attaques contre la classe ouvrière – un plan dicté par la “troïka” de l’UE, de la BCE et du FMI (Union européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international). C’était la nouvelle étape de la résistance. Les opposants ne voulaient pas que la majorité des dirigeants syndicaux (dont la plupart sont toujours liés au parti Pasok au pouvoir) se contente d’appeler à une autre petite grève générale d’une journée dans le seul but de laisser échapper la vapeur, puis de renvoyer tout le monde à la maison en espérant que ça leur ait suffi. Le mouvement des Indignés est donc parvenu à forcer une intensification des actions de résistance afin de tenter d’empêcher les plans des capitalistes européens et grecs et de leurs agents politiques.
Toutefois, malgré les énormes protestations de rue au cours de la grève générale du 15 juin, qui a vu 250 000 personnes défiler dans les rues d’Athènes, de même que des manifestations partout dans le pays et le mouvement d’occupation des Indignés dans diverses villes majeures, auxquelles il faut ajouter la grève générale de 48 heures et la détermination de dizaines de milliers d’opposants face au gaz lacrymo et à la brutalité policière, le parti Pasok au pouvoir a utilisé sa majorité au Parlement pour voter en faveur du plan d’austérité drastique. 154 des 155 députés Pasok “socialistes” et un député du parti libéral Nouvelle Démocratie ont voté pour, donnant ainsi une majorité de 155 voix “pour” sur 300 députés. Le seul député Pasok qui a osé voté “contre” a été immédiatement exclu de son parti.
La Frankfurter Allgemeine Zeitung, qui est un des principaux journaux allemands, a cité dans son édition du 30 juin le ministre grec des Finances, M. Venizelos : « Nous faisons ce qui nous est ordonné et ce qu’on nous permet ». Un peu plus loin, ce journal rapportait aussi le fait qu’un député Pasok avait demandé à savoir à quoi sert son travail, si toutes les décisions sont de toutes manières prises par le FMI, l’UE et la BCE. Commentaire du journal : « En fait, à l’avenir, la Grèce ne sera plus qu’une démocratie limitée. La population grecque peut voter – mais cela ne changera en réalité pas grand’chose ».
En suivant cette approche, le Parlement a également voté le 30 juin en faveur d’une législation permettant au gouvernement de mettre en pratique le programme de coupes. Cela inclut la création d’une agence de privatisation, dont l’objectif sera de privatiser les compagnies du public et de vendre les actifs détenus par l’État, pour un total de 50 milliards d’euro et ce, d’ici 2015. On a également voté de nouvelles hausses d’impôts, la destruction de 150 000 nouveaux postes dans le public, et une nouvelle coupe dans le budget de la sécurité sociale (qui n’était déjà pas grand chose au départ). Par conséquent, les nouveaux chômeurs grecs devront “vivre” avec un maximum de 450€ par mois (cela étant le plafond maximum d’allocation de chômage), alors que les prix à Athènes sont toujours bel et bien comparables à ceux de Londres. Et cette allocation ne sera versée que pour les premiers douze mois de chômage – après cela, il n’y aura plus aucune allocation sociale, et il faudra aux chômeurs et à de nombreuses autres personnes aller demander l’aumône à l’église, à moins d’avoir une famille et des amis capables de les soutenir.
Avec les mesures d’austérité qui ont déjà été mises en vigueur jusqu’ici, les conditions de vie des travailleurs, des chômeurs et des pensionnés ont été gravement endommagées. Dans le secteur privé, les salaires ont été baissés de 10-20%.
Les nouvelles mesures adoptées la semaine passée au Parlement grec préparent le terrain pour encore plus d’instabilité économique, sociale et politique.
Les effets économiques de la crise et de la politique d’austérité sont dévastateurs. Loin d’initier la reprise tant promise, le chômage continue à augmenter (un nouveau pic est maintenant atteint avec 20% de chômage, dont 39% des moins de 25 ans). La “croissance” économique grecque est d’un misérable +0,2% – bien en-dessous de la moyenne de la zone euro. Les mesures drastiques mises en œuvre sapent en réalité toute possibilité de reprise et poussent la société de plus en plus près de l’effondrement.
Pour reprendre les termes du magazine britannique The Economist (30/06/2011), ce programme « va très certainement condamner la Grèce à la récession, aux troubles et au final, à la faillite »
Même les analystes capitalistes considèrent maintenant la stratégie de la troïka plus comme un “avertissement” aux autres pays de la zone euro qui ont des problèmes similaires, plutôt que comme une tentative de résoudre la crise grecque. Cela fournit également aux multinationales une bonne occasion de s’emparer des entreprises d’État grecques, comme la compagnie des télécoms OTE ou la compagnie électrique DEI, selon des termes plus qu’avantageux pour les “investisseurs” étrangers, à seulement 20-30% de la valeur d’avant-crise de leurs actions.
Wolfgang Münchau dans le Financial Times (27/06/2011, avant le vote du Parlement) faisait ce commentaire : « La stratégie de l’UE réduit le choix des Grecs à ceci : la faillite le mois prochain, ou l’an prochain ».
Ce délai d’un an semble bien optimiste, comme l’explique l’éditorialiste de The Economist (30 juin) : « Chaque trimestre, avant que les pays de la zone euro et le FMI ne donnent leur paquet d’aide suivant, ils doivent décider si oui ou non la Grèce est sur la bonne voie. Et chaque trimestre il sera de plus en plus clair que la réponse est : non ».
Le non-paiement de la dette par la Grèce aurait des répercussions gigantesques, et remettrait en question l’ensemble du projet de l’euro et mènerait à de nouveaux revirements économiques et politiques spectaculaires. Mais le non-paiement, tout en offrant au capitalisme grec un certain espace pour pouvoir respirer, n’est pas une issue pour les travailleurs, pour les jeunes, les pauvres et les classes moyennes, à moins que cela ne soit lié à une rupture avec le capitalisme. De même, quitter l’euro tout en restant dans le cadre du capitalisme signifierait une chute du niveau de vie sur base de la dévaluation de l’extérieur plutôt que de l’intérieur.
Un programme d’austérité forcé à coups de lacrymo
Pour pouvoir mettre en œuvre les dernières mesures d’austérité, une pression énorme de la part de l’UE et des institutions capitalistes, ainsi qu’une vaste campagne de propagande médiatique ont été utilisées. Ollie Rehn, Commissaire européen pour l’Économie, a bien expliqué son point de vue : « La seule manière d’éviter la faillite immédiate consiste en l’acceptation par le Parlement du programme économique révisé ». Les politiciens des principales puissances européennes ont bien souligné le fait qu’il n’y a pas de “plan B” pour éviter la faillite dans les jours qui viennent. Le gouverneur de la Banque centrale grecque, M. Georgios Provopoulos, a lui aussi déclaré : « Refuser de voter en faveur de ce plan serait un crime de la part du Parlement », car cela signifierait que « Le pays serait en train de voter son suicide ».
Le Vice-Premier Ministre grec Theodoros Pangalos, a dépeint ce tableau de cauchemar : « Retourner à la drachme signifierait que le lendemain, les banques seraient prises d’assaut par des hordes de gens terrifiés cherchant à reprendre leur argent ; l’armée se verrait obligée de les protéger avec des tanks, parce qu’il n’y aurait pas assez de policiers … Il y aurait des émeutes partout, les boutiques seraient vides, des gens se jetteraient par les fenêtres ».
Ayant communiqué cet avertissement, le gouvernement Pangalos a donc organisé des émeutes de lui-même par en-haut, avec des ordres clairs demandant à la police de lancer une attaque chimique – les lacrymos – contre les manifestants dans la capitale grecque. Les actions de la police ont été si néfastes que le président de la fédération des pharmaciens d’Athènes – lui-même membre du parti libéral Nouvelle Démocratie – a jugé dangereux l’usage des gaz lacrymos, irresponsable et complètement hors de toute limite. Le syndicat des médecins a confirmé ceci en déclarant qu’une telle intensité dans l’utilisation de ces gaz va même à l’encontre de la Convention de Genève !
Les attaques brutales perpétrées par la police ont été ordonnées afin d’accomplir les souhaits des grandes puissances capitalistes en Europe et ceux des hommes d’affaires grecs, qui veulent s’assurer que les sommes gigantesques en bons d’État et autres produits de spéculation troqués par les banques, les grosses boites et des pays comme la France, l’Allemagne, les USA, et d’autres, seront protégées ne serait-ce que pour la courte période à venir.
État du mouvement de résistance
Après l’échec des espoirs d’empêcher le vote du Parlement en faveur du mémorandum, 10 000 manifestants ont rempli la place Syntagma le soir du 30 juin, ce qui est jusqu’ici une des plus grandes assemblées. Ceci a en soi grandement redonné de la confiance aux participants. Le sentiment de solidarité mêlé aux rapports des batailles des deux derniers jours, tandis que des nuages de gaz flottaient toujours dans l’air, a grandement accru la détermination de nombreux participants.
Toutefois, le mouvement des Indignés doit faire face à des difficultés et à un revers. Si nous ressassons le fil des événements des dernières semaines, il est clair que la grève générale du 15 juin était le pic mouvement, où toutes les questions cruciales se sont posées.
Le gouvernement Pasok était comme suspendu. Le mouvement des Indignés et les actions de grève montraient leur force. Mais quelle était l’alternative aux plans du gouvernement ? Tout le monde voulait se débarrasser du gouvernement, et très peu de gens voulaient aussi un retour de Nouvelle Démocratie au pouvoir – mais quelle est l’alternative ? Tandis que la journée du 15 juin se terminait dans les émeutes et les nuages de gaz, forçant la masse des gens à quitter la place Syntagma (bien que des dizaines de milliers soient revenus quelques heures plus tard !), une autre question cruciale se posait : comment le mouvement de masse peut-il se développer de sorte à permettre à la classe ouvrière d’y participer ?
Étant donné la tactique de frein employée par les dirigeants syndicaux, le rôle des partis de gauche de masse et la faiblesse du mouvement d’opposition de masse, aucune réponse n’a été donnée à ces questions. Un programme pour mettre fin à la dictature des marchés, de la troïka et du capitalisme grec était nécessaire, mais n’a pas été mis en avant par ces forces.
Une stratégie d’intensification de la lutte après la grève générale de 48 heures était nécessaire afin de montrer la route à suivre, même au cas où le Pasok ferait quand même passer le mémorandum en faveur de la nouvelle politique d’austérité. Les idées et les tactiques sur la manière de construire un véritable mouvement de masse avec la participation active de la classe ouvrière sur les lieux de travail et avec une structuration des assemblées par l’élection de représentants à des organes de masse et par une démocratie complète – tous ces points urgents étaient absents.
Pour cette raison, et aussi du fait du soutien sans faille à la grève de 48 heures, le taux de participation aux manifestations a été bien plus bas que celui de la semaine passée, au moment de la grève générale du 15 juin. L’humeur a changé au cours des deux semaines qui ont mené à la grève générale de deux jours. Les immenses frustration, amertume et colère quasi-universelles sont toujours bien présentes – contre la vente des services publics à des compagnies internationales et grecques, contre la hausse des taxes et les coupes salariales, et contre une autre chute catastrophique du niveau de vie. Toutefois, le sentiment de victoire qui avait suivi l’annonce de sa démission par Giorgios Papandreou (le Premier Ministre et dirigeant du parti Pasok) pendant la grève générale du 15 juin a été remplacé par une certaine déception lorsque Papandreou est revenu sur cette proposition. Le gouvernement Pasok a été réarrangé, certains ministres ont changé de place. La direction du Pasok tente de restabiliser ses députés, de les forcer à se regrouper afin d’éviter des élections anticipées et de pouvoir s’accrocher au pouvoir.
Cela a suscité une remise en question dans l’esprit des gens, quant à la possibilité qu’ont le mouvement d’opposition, les assemblées de masse sur les places partout dans le pays, les grèves générales et les manifestations de masse de bloquer les attaques et de changer quoi que ce soit.
Bien sûr, comme l’Histoire l’a démontré à maintes reprises, la résistance déterminée de la classe ouvrière et la lutte des masses pour leurs propres buts peut forcer les gouvernements et les capitalistes à faire toutes sortes de concessions, voire briser leur pouvoir. Cependant, des méthodes victorieuses doivent être redéveloppées et redécouvertes au cours des nouvelles batailles qui émergent de la crise capitaliste mondiale. Les marxistes peuvent jouer un rôle dans ce processus, et même aider à l’accélérer, afin d’assurer le fait que les leçons cruciales des luttes du passé soient toujours présentes pour la nouvelle génération de combattants de classe.
Défendre les manifestations
Un important enjeu auquel a été confronté le mouvement, a été l’utilisation inconsidérée de gaz lacrymos et autres armes chimiques par la police le 15 juin, et la certitude que cela se reproduirait. Cela a été confirmé par la détermination de la police à briser le mouvement et à empêcher les masses de rester sur la place.
Cela a compliqué la mobilisation pour les manifestations pendant la grève générale de deux jours. Les masses avaient besoin d’une stratégie claire permettant de répondre aux émeutes et à la brutalité policière, de même que d’une alternative politique pour faire chuter le gouvernement, liée à la lutte contre le capitalisme. Au final, le mouvement n’est pas parvenu avant la grève générale de 48 heures à répondre à la question des provocateurs policiers et du petit nombre d’anarchistes qui continuaient à trouver des arguments en faveur de leurs émeutes.
Après que les 250 000 manifestants du centre d’Athènes aient été expulsés de la place Syntagma le 15 juin par la police, seulement quelques dizaines de milliers ont réoccupé la place plus tard dans la journée. Il était évident que les émeutes avaient joué un rôle en faveur du gouvernement. Clairement, l’État a de bonnes raisons d’envoyer des flics en civil parmi les manifestants pour y démarrer des émeutes, et cela est largement compris en Grèce.
Une majorité des participants aux assemblées qui ont suivi ont défendu le droit à l’auto-défense par les manifestants, mais ont insisté sur l’appel à des manifestations pacifiques, pour les rendre attractives et pour donner la possibilité à la masse des travailleurs de s’y rendre. Ce n’est que lors des plus petites assemblées sur la place Syntagma qu’une majorité s’est prononcée en faveur des émeutes – les assemblées plus larges ont rejeté cet argument.
Cependant, toutes les propositions aux assemblées et aux syndicats en faveur de l’organisation d’un véritable service d’ordre pour défendre les manifestations contre la police et contre les provocateurs n’y ont dans la pratique pas trouvé de réponse. Au final, la décision des principales assemblées de la place Syntagma était assez floue pour la plupart des travailleurs et des jeunes.
Le manque d’une alternative politique
De nombreux travailleurs et jeunes ont ressenti de la sympathie envers le mouvement, mais ont également vu les risques que comporte la participation aux manifestations, face à une police déterminée et violente. Les travailleurs n’ont pas reçu un programme et des revendications de classe clairs qui puissent les amener à participer au mouvement de manière active. La tactique d’intimidation et le chantage du gouvernement Pasok, son affirmation que l’alternative à son programme serait les tanks dans les rues pour protéger les banques, l’arrêt immédiat des salaires et des allocations des travailleurs du public et des retraités, etc. semblent avoir partiellement fonctionné, parce qu’aucune force alternative de masse – ni les syndicats, ni les grands partis de gauche – n’a proposé la moindre alternative de classe viable.
Les principaux dirigeants syndicaux sont membres du Pasok, et ce n’est que sur base de l’immense pression de la base qu’ils se sont sentis obligés d’appeler à une grève générale de 48 heures. GENOP, le syndicat des travailleurs de l’électricité de la compagnie DEI (qui appartient toujours jusqu’à présent à 51% à l’État) est parti en grève contre la privatisation. Toutefois, cette action était une grève “silencieuse”. Les grévistes n’ont pas été mobilisés par le syndicat pour participer aux mouvements et aux manifestations, et sont à la place restés chez eux. Leur dirigeants ont également annoncé à l’avance, avant la grève générale de 48 heures, que leur grève ne durerait que jusqu’au 30 juin. L’effet de ce genre de grève a par conséquent été extrêmement limité.
Le KKE (Parti communiste grec) a décrété que le mouvement d’occupation est “petit-bourgeois” et ne met en avant “aucune proposition” – ni politiquement, ni en tant que stratégie sur la façon de mener la lutte. Il y a un élément de vérité dans cela, mais en l’absence d’une véritable alternative militante, le mouvement des Indignés a fourni un point de référence pour ceux qui voulaient riposter. Les dirigeants du KKE ont été incapables d’appeler au-delà de leurs propres sympathisants, et tout en parlant de manière abstraite de la fin du capitalisme, n’ont fait absolument aucune proposition sur la manière de développer la lutte, ont refusé d’appeler au renversement du gouvernement, et ont insisté sur le fait qu’un éventuel retrait de la zone euro serait “mauvais” pour la Grèce.
Le dirigeant de Syriza, Tsipras, et sa plus grande composante, Synaspismos (“euro-communiste”), n’ont pas appelé au non-paiement de la dette souveraine due aux banquiers ni à la nationalisation des banques. Synaspismos a tenté de défendre l’institution européenne de manière abstraite, et a aussi défendu le fait qu’il faut selon lui rester dans la zone euro. Le parti reste cloitré dans une logique qui ne sort pas du cadre du capitalisme, un système qui impose la misère et le chômage à la population laborieuse grecque.
Xekinima, la section grecque du CIO, n’a défendu ni le fait de rester membre de l’UE ou de la zone euro, qui représentent toutes deux l’Europe des patrons, ni le fait de retourner au drachme, l’ancienne monnaie grecque. Seule une lutte unie des travailleurs et des jeunes à travers toute l’Europe et dans le monde entier, contre la politique d’austérité et contre le capitalisme, et une lutte pour une Europe unifiée en tant que membre d’une confédération d’États socialistes, peut apporter une solution définitive à la crise. Cela verrait une véritable coopération internationale entre les travailleurs, sur base d’une économie démocratiquement planifiée.
Si les travailleurs et la jeunesse grecs parviennent à mettre un terme aux mesure d’austérité draconiennens qui leur sont imposées par les capitalistes européens et grecs, cela pourrait mener à la tentative d’expulser la Grèce hors de la zone euro. Toutefois, cela ouvrirait la porte à une nouvelle étape de résistance de masse à l’échelle européenne afin de forcer les grandes puissances et les classes capitalistes à faire de nouvelles concessions et de remettre en question leur règne en général. Plutôt qu’une “solution nationale” avec le retour à la drachme – ce qui engendrerait une hausse subite des prix et de l’endettement des travailleurs, et des réductions de salaire dues à la dévaluation de la monnaie nationale – il nous faut une stratégie socialiste internationale. Et comme l’a montré la récente résistance de masse à l’échelle internationale – en Égypte, en Tunisie, en Espagne, au Portugal et en Grèce – le potentiel pour une riposte unie existe, tout comme la création instinctive de liens entre ces luttes.
Les Indignés
Le mouvement des Indignés a connu un développement rapide depuis l’occupation de la place Syntagma le 25 mai. Les résolutions adoptées par les assemblées ont souvent été contradictoires. Souvent, un pas en avant était suivi par un demi-pas en arrière le lendemain. Cependant, en général, ces résolutions ont reflété un développement de la compréhension des militants : nombre d’entre eux ont vu la nécessité de relier leur mouvement à celui des travailleurs et des grévistes, et cela a été de plus en plus mis en avant. Les revendications politiques se sont développées jusqu’au point où il est maintenant accepté non seulement le refus du paiement de la dette, mais aussi d’appeler à la nationalisation des banques. Des propositions pour aller plus loin, y compris la nationalisation des principales entreprises sous contrôle et gestion des travailleurs, ont été discutées.
Les premières tentatives d’étendre les assemblées sur le plan local ont été couronnées de succès – organisées par des militants de gauche, des assemblées allant jusqu’à 200 personnes se sont rassemblées dans différents quartiers d’Athènes. Un appel à former des assemblées sur les lieux de travail a lui aussi été lancé, mais a rencontré des difficultés et n’a pas jusqu’ici reçu de véritable réponse, bien que le concept général ait été mis en avant.
Une première tentative de former un comité de représentants des assemblées locales, des dirigeants syndicaux les plus combatifs représentant les travailleurs communaux, et de l’assemblée de la place Syntagma a échoué. Toutefois, cela a montré la direction à suivre pour aller de l’avant. Un tel comité aurait pu exercer une pression sur les principaux dirigeants syndicaux pour aller plus loin, et aurait pu les mettre en question quant à leur approche.
En ce qui concerne d’autres enjeux, l’assemblée a été à chaque étape naïve et n’a jamais pris en compte le rapport de forces. Malgré ses annonces, l’assemblée n’a jamais été capable de mobiliser pour des grèves ou des occupations d’entreprise. Il aurait fallu une approche plus habile afin d’attirer les militants syndicaux combatifs et d’exercer une pression plus intense encore sur les appareils.
À côté de ça, la plus grande faiblesse du mouvement des Enragés a été son incapacité à gérer les émeutes et l’approche soi-disant “apolitique” de certains opposants.
Comme nous l’avons dit plus haut, une position claire d’auto-défense des manifestations contre la police et les agents provocateurs était nécessaire afin de permettre une participation plus large de nouvelles couches de travailleurs et de jeunes, et d’accroitre la force du mouvement de masse. Au cours des discussions des assemblées, la discussion sur la dynamique politique de centaines de milliers de participants au actions, par exemple, du 29 juin, a reçu très peu d’attention par rapport à l’espace qui a été donné à l’élaboration de plans pour bloquer telle ou telle route, dont aucun ne s’est de toute manière concrétisé faute de participants.
Bien que les arguments “apolitiques” et l’opposition à “tous les partis” ont en partie perdu du terrain au cours des débats, cette attitude était toujours présente et a agi comme un obstacle par rapport aux besoins et aux développement du mouvement de masse.
Des mesures telles que le refus de payer les dettes ou la nationalisation des banques, par exemple, sont dirigées contre les intérêts des capitalistes et sont politiques. La nécessité de formuler une alternative au chantage et à la tactique d’épouvantail du gouvernement Pasok et des médias capitalistes exige ne serait-ce que l’ébauche d’une perspective politique claire.
Le sentiment “contre tous les partis” est compréhensible, étant donné le niveau de corruption, l’hypocrisie et la politique de tous les partis de l’establishment. Les grands partis de gauche ont eux aussi tout fait pour renforcer la méfiance dans les organisations de parti ou dans les “concepts politiques”.
Toutefois, la revendication de rester “apolitique” a entravé le mouvement et sa progression – au moment où la situation était la plus urgente. La possibilité d’une chute du gouvernement a immédiatement soulevé la question d’une alternative, basée sur l’implication active des travailleurs via leurs assemblées, avec l’extension de ces organes sur le plan local et sur les lieux de travail, avec l’élection de délégués qui représentent l’ensemble du mouvement, à condition de rendre des comptes en permanence aux assemblées qui les ont élus, et être révocables à tout moment.
L’argument du gouvernement Pasok comme quoi “il n’y a aucune alternative” a mis en évidence la nécessité d’un programme viable, qui place les immenses ressources de la société entre les mains des travailleurs, afin de développer un plan démocratique pour surmonter la crise économique.
Le fait est qu’il n’y a réellement absolument aucune solution au problème de la Grèce, et à la crise mondiale du capitalisme. Les attaques internationales sur les travailleurs mettent exactement le doigt sur la nécessité d’une réponse de la part de la classe ouvrière, sur la nécessité d’une coopération internationale pour combattre le capitalisme.
Ces développements mettent en relief la nécessité pour les Indignés et pour les militants syndicaux combatifs, dans les appareils comme sur les lieux de travail, de transformer leur mouvement en une nouvelle force de masse des travailleurs, qui offre une alternative. Ceci pourrait contribuer à éjecter les dirigeants syndicaux qui sont toujours liés au parti pourri qu’est le Pasok, et à revigorer le débat sur le programme et la stratégie à adopter pour mettre un terme à la misère capitaliste, une bonne fois pour toutes.
Cependant, avec les assemblées, les contours d’un nouveau centre du mouvement a été vu, qui pourrait aider la lutte à franchir les barrières des structures syndicales conservatrices et bureaucratiques, et de la faillite des partis de gauche. Le mouvement et les assemblées ont été qualifiées de “petit-bourgeois” par certaines personnes à gauche – surtout par le KKE. Il est vrai que la classe ouvrière n’a pas encore imprimé sa marque de manière décisive sur l’orientation principale du mouvement d’opposition. Mais les assemblées sont bel et bien parvenues à défier les dirigeants syndicaux et à remettre en question leur monopole sur les décisions quant au cours que devrait suivre le mouvement ouvrier. Cette tendance pourrait s’avérer extrêmement puissante à l’avenir, si des assemblées de travailleurs de la base devaient se créer dans les usines et les bureaux, en organisant un débat franc et ouvert, en prenant des décisions collectives et en élisant des représentants pour faire appliquer les décisions des travailleurs et pour former la base d’une nouvelle démocratie ouvrière !
Préparons-nous pour septembre !
Puisque les méthodes traditionnelles de lutte de masse – via les syndicats et les partis de gauche de masse – sont soit semées d’embuches, soit pas viables du tout, les travailleurs, les jeunes et les chômeurs en Grèce ont été forcés d’inventer, encore et encore, de nouvelles manières d’exprimer leur colère et de chercher une manière de riposter. On a vu cela avec le mouvement du “non-paiement” des péages routiers, qui a duré les trois premiers mois de cette année. Les péages routiers ont été démantelés par des manifestants, et des campagnes de non-paiement ont été organisées dans les bus et dans les trains. Le développement des assemblées et du mouvement des Enragés a vu de nouvelles tentatives d’auto-organisation être mises à l’épreuve. Quelle nouvelle expression de la colère des travailleurs sera créée dans les mois qui viennent ?
Pour Xekinima, la section grecque du CIO, il faut utiliser la détermination des militants qui refusent d’abandonner la lutte, pour discuter des leçons du mouvement et de la manière de le développer. Après la défaite qu’a été le vote du mémorandum au Parlement, nous allons sans doute assister à une pause dans le mouvement, jusqu’à la fin de la vague de chaleur estivale et des vacances en aout. Mais les membres de Xekinima sont convaincus du fait qu’il est nécessaire d’organiser cette pause de manière ordonnée, de discuter dans les assemblées de l’opportunité d’une éventuelle pause, de sorte à éviter une nouvelle vague de démoralisation qu’engendrerait un déclin désordonné du taux de participation. Pour Xekinima, cette période devrait être utilisée pour préparer de nouvelles assemblées des militants enragés dans les quartiers et sur les lieux de travail, pour prendre un nouveau départ sur base de plans concernant les prochaines étapes du mouvement de la base.
Xekinima met en avant la revendication selon laquelle le mouvement des Indignés et d’opposition de masse à l’austérité devrait jeter les bases d’un nouveau mouvement ou formation politique, basé sur des revendications anticapitalistes radicales. Selon de récents sondages, seules 47% des masses grecques se disent prêtes à aller voter pour l’un ou l’autre des partis existants, de droite comme de gauche, ce qui illustre le potentiel pour une alternative socialiste déterminée.
Ce n’est pas que le gouvernement Pasok qui a été pris de court par le mouvement de masse, mais les gouvernements de toute l’Europe. Le mouvement a inspiré les travailleurs et les jeunes à travers toute l’Europe, et dans le monde entier – de la même manière que la rébellion espagnole et la vague révolutionnaire en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ont inspiré le mouvement grec. Si les Indignés parviennent à organiser une nouvelle série d’assemblées afin de débattre et de clarifier les idées, et à revenir dans les rues après l’été pour reprendre la lutte contre de nouvelles attaques et contre chacune des tentatives de mettre ce mémorandum en application, alors les possibilités sont là pour que ce mouvement de masse aille beaucoup plus loin.