Tag: Travail précaire

  • Deliveroo. Résistance contre la régression sociale et l’ubérisation de l’économie

    Les coursiers de Delivroo en action au Royaume Uni

    En octobre, la plateforme de livraison Deliveroo annonçait son intention de modifier le mode de rémunération et de condition d’emploi de ses livreurs. Elle veut imposer à l’ensemble de ses ‘‘partenaires’’ (comprenez : ses livreurs) de devoir passer au statut d’indépendant à partir du 31 janvier. Deliveroo ne souhaite plus les rémunérer à l’heure mais à la livraison, sans couverture sociale et sans rémunération minimale garantie.

    Par Nicolas M (Bruxelles)

    Pour le gouvernement et le patronat, le monde change et des réformes ‘‘courageuses’’ doivent être entreprises. La loi Peeters en Belgique et la loi travail de Macron en France donnent le ton. Les anciennes conquêtes sociales sont assaillies. Cette tempête de flexibilisation ne semble pas avoir de limite et, aujourd’hui, ce sont les coursiers de Deliveroo qui sont dans l’œil du cyclone. De telles sociétés mènent leur ‘‘modernisation sociale’’ au pas de charge.

    Organisation collective

    Depuis 2016 s’est constitué un Collectif des Coursier-e-s pour représenter et organiser les ‘‘partenaires’’ de différentes plateformes. L’initiative est à l’origine des différentes actions comme celle du 24 novembre ou encore des grèves des 8 et 13 janvier. Elle s’est montrée capable de coordonner des actions à Bruxelles, Liège, Malines, Anvers et Gand, avec le soutien de la CNE (centrale des employés de la CSC), de la CSC Transcom ou encore de l’ABVV (aile flamande de la FGTB). En Angleterre aussi, les coursiers ont lutté collectivement à diverses occasions lorsque Deliveroo a modifié les conditions de travail ou a licencié – pardon, ‘‘déconnecté’’ – certains livreurs justement actifs dans de tels comités. A Leeds (une grande ville du Nord de l’Angleterre), un collectif également soutenu par le syndicat local a été capable d’imposer la réintégration de 7 de leurs collègues mis hors-jeu par la direction car ils discutaient de leurs conditions de travail sur WhatsApp.

    Avec ce statut d’indépendant que Deliveroo veut imposer à l’ensemble de ses livreurs en Belgique, l’entreprise veut isoler ses travailleurs dans le but de réduire à néant la résistance collective. Les journées d’actions qui ont eu lieu ces dernières semaines illustrent à quel point l’union et la lutte collective sont cruciales face à l’avidité patronale.

    Quelles revendications ?

    Jusque ici, les livreurs peuvent être salariés via la coopérative SMART. De cette manière, les livreurs accèdent au statut de travailleurs salariés en CDD de courte durée (minimum 3 heures), ils sont couverts par une assurance en cas d’accident et des cotisations sociales sont payées. Mais cela permet aussi à Deliveroo de se cacher et d’éviter ses responsabilités en tant qu’employeur. De plus, la SMART ponctionne sur les prestations ses frais de fonctionnement en tant qu’intermédiaire. En n’étant pas l’employeur officiel des coursiers, mais bien l’employeur officieux, Deliveroo peut contourner des notions jugées dépassées telles que le salaire minimum, la convention collective de travail, la représentation du personnel, etc. Bienvenue dans le monde merveilleux de la ‘‘nouvelle économie de plateforme’’ !

    Les coursiers en Belgique revendiquent la possibilité de choisir entre le statut d’indépendant et celui de salarié via la SMART. Ils exigent également de recevoir une rémunération minimum horaire garantie. Ils demandent encore une concertation avec la direction. Ils ajoutent aussi que l’idéal serait d’être directement salarié par Deliveroo, avec de vrais contrats de travail. Ce dernier point est crucial.

    Pour de vrais emplois avec de vrais contrats et de vrais salaires

    A la RTBF, l’administrateur délégué de la SMART, Sandrino Graceffa, expliquait sa déception de voir sortir Deliveroo du giron de la SMART: ‘‘Nous étions en passe de réussir une expérimentation sociale qui permettait de démontrer qu’il était possible de trouver un modèle protecteur pour ces travailleurs ubérisés.’’ Le ‘‘modèle protecteur’’, c’est un contrat de travailleur salarié signé entre les travailleurs et leur employeur. L’expérience SMART permet à Deliveroo de pouvoir déconnecter n’importe qui n’importe quand puisqu’aucune obligation ou garantie n’est contractuellement signifiée avec des règles claires. Tout cela est jugé désuet, tout comme la période de travail, les horaires, le salaire brut, la durée de préavis, etc.

    Le manque d’emplois permet aux patrons de proposer n’importe quoi. Et comme il y a toujours des travailleurs et des étudiants à la recherche de quoi boucler leurs fins de mois, les plateformes instrumentalisent la situation pour brandir que ce sont les travailleurs eux-mêmes qui désirent travailler de manière flexible. Cette économie de plateforme représente un défi pour les travailleurs et leurs organisations syndicales. Il s’agit d’un secteur à bas salaires qui joue le rôle de laboratoire d’expérimentation dans le but de torpiller les conditions de travail de façon plus généralisée. Le soutien des syndicats est capital et la syndicalisation des coursiers s’impose. Ce dont il s’agit, c’est de résister à un modèle de société barbare par une lutte qui exige d’être unifiée : étudiants, travailleurs précaires et salariés, tous ensemble pour des emplois décents.

  • Élargissement des flexi-jobs : le gouvernement Michel poursuit sa casse des conditions de travail

    Dans le cadre des attaques néolibérales de l’accord d’été, le gouvernement Michel a décidé d’élargir la portée des flexi-jobs. Ce statut spécial fonctionne de la manière suivante : l’employeur propose à un travailleur un contrat dans lequel il n’y a pas de temps de travail défini, pas d’horaire et pas de rémunération conventionnée. Ces contrats permettent aux patrons de convoquer du personnel jusqu’à la dernière minute avant la prestation, sans durée limite basse ou haute, pour un salaire de 9,88€/h. Autrement dit, c’est un chèque en blanc en faveur du patron, sans la moindre garantie sur les conditions de travail ou de revenus pour le travailleur. En bonus pour le patron : les cotisations sociales sont restreintes à 25% d’ONSS !

    Par Baptiste (Hainaut)

    Jobs, jobs, jobs ?

    Ces flexi-jobs étaient déjà présents depuis 2015 dans l’horeca et accessibles pour les personnes travaillant en temps partiel à hauteur d’un 4/5e. Au 1er janvier 2018, les flexi-jobs s’appliqueront également au secteur du commerce et seront accessibles aux pensionnés. Et le gouvernement Michel a fait comprendre que ce n’était qu’un début. Officiellement, selon le secrétaire d’État à la fraude sociale Philippe De Backer (Open VLD), cette mesure devait permettre d’en finir avec le travail au noir présent dans l’horeca. En réalité, le gouvernement a instrumentalisé la problématique du travail au noir dans ce secteur non pas pour transformer le travail précaire en contrats décents, mais pour formaliser le travail précaire dans l’horeca et initier plus largement la constitution d’un secteur à bas salaires !

    Ces flexi-jobs ne créeront pas un seul emploi. Au contraire, les contrats standards seront mis sous pression avec ce nouveau dumping social. Dans les secteurs de l’horeca et du commerce, une majorité des emplois sont à temps partiel, car il y a une exploitation de la flexibilité horaire des temps partiels. Avec les flexi-jobs, le patronat n’a donc plus aucun intérêt à embaucher ou à améliorer les contrats existants, y compris en cas de surcroit de travail.

    Taillables et corvéables à merci ? NON !

    À défaut d’une lutte généralisée contre le gouvernement Michel, les syndicats s’en sont remis à une requête en annulation devant la cour Constitutionnelle pour bloquer les flexi-jobs dans l’horeca, en arguant l’introduction d’une discrimination entre travailleurs sur un même lieu de travail. La requête a été rejetée, et la faiblesse entrainant l’agression, le gouvernement en remet une couche à présent.

    La voie légale ne doit pas se substituer à la lutte, qui est la seule manière d’obtenir des acquis sociaux. Dernièrement, en Angleterre, les travailleurs des McDonald’s de Crayford et de Cambridge sont rentrés en grève pour rejeter les conditions de travail invivables des contrats ‘‘zéro heure’’, équivalents aux flexi-jobs. Ils revendiquent la fin des contrats ‘‘zéro heure’’ et un salaire horaire de minimum de 10£. De telles revendications offensives permettent de construire la solidarité avec les travailleurs d’autres McDonald’s, qui démultiplient des actions de solidarité pour accroître le rapport de force.

    Les flexi-jobs signifient une dégradation majeure des conditions de travail. Cette mesure ne peut être renversée que par la lutte. Une campagne de mobilisation syndicale dans les secteurs de l’horeca et du commerce est nécessaire pour construire la solidarité et pour partir en action pour défendre de vrais contrats de travail et relancer la lutte contre le gouvernement !

  • France. Une première journée de mobilisation réussie qui en appelle d’autres

    Selon la CGT, ce n’est pas moins de 400.000 personnes qui ont manifesté hier en France contre la nouvelle “loi travail XXL” et la politique de Macron. Les mobilisations du 12 septembre ont dépassé celles de la première journée organisée contre la loi El Khomri de Valls-Hollande. Un beau tremplin pour la suite !

    Toujours aux dires de la CGT, plus de 200 manifestations ont été recensées, de même que plus de 4 000 appels a? l’action d’entreprises. A Paris, ce sont plus de 50.000 personnes qui ont défilé. Pour nos camarades de la Gauche Révolutionnaire (section française du Comité pour une Internationale Ouvrière), c’était une “manifestation combative et déterminée à ne rien lâcher ! Le supplément spécial à l’Egalité que nous avions édité, avec comme slogan principal “IL FAUT UNE LUTTE DE MASSE DES JEUNES ET DES TRAVAILLEURS !” a été très bien reçu.”

    La CGT appelle à une nouvelle journée de mobilisation avec grèves le 21 septembre 2017, tandis que Mélenchon et la France insoumise (à laquelle la Gauche révolutionnaire participe) ont appelé à une manifestation nationale à Paris contre « le coup d’état social » de Macron le 23 septembre. En Belgique, c’est notamment le 10 octobre que s’exprimera la colère contre la nouvelle offensive antisociale de Michel et sa bande, autour de l’appel à la grève lancé par la CGSP. Ces luttes sociales pourront s’assister l’une l’autre par-delà la frontière.

    => En savoir plus “Contre la politique de Macron et sa nouvelle « loi travail »!”

    Quelques photos de la manifestation de Paris (Gauche Révolutionnaire)

    France. Première journée de mobilisation contre la "Loi travail XXL"

  • 6,57 euros de l’heure: l’esclave légal, ça existe en Belgique

    plopsa

    Le parc d’attractions Plopsaland De Panne est propriété de Studio 100, une entreprise belge (loin d’être dans le besoin) qui produit des émissions de télévision pour la jeunesse et possède cinq parcs d’attractions ainsi que des groupes de musique. Un de ses managers a récemment quitté le navire avec plusieurs millions. D’où provient tout cet argent ? Aucun mystère, cela découle directement de la stratégie commerciale de l’entreprise liée à des salaires très bas pour le personnel. Plopsaland De Panne recourt ainsi à des étudiants jobistes payés aux minimums légaux. Pour un étudiant de 16 ans, il s’agit de 6,57 euros de l’heure. Un porte-parole de Plopsaland s’est récemment vanté que l’entreprise était flexible au point de permettre à ses jobistes de se rendre aux festivals qu’ils souhaitent. Il aurait pu rajouter : «Vous devez travailler tout un mois pour vous payer le billet d’entrée d’un festival.»

    Les salaires des étudiants jobistes diffèrent beaucoup. Dans l’horeca et les parcs d’attractions, ils sont très faibles : 6.57 euros de l’heure à 16 ans ; 7,07 euros de l’heure à 17 ans et 9,30 euros de l’heure pour les plus de 18 ans. Selon l’entreprise spécialisée dans l’intérim Manpower, la moyenne est de 10,46 euros de l’heure. Cette estimation ne tient naturellement pas compte du travail non déclaré, parfois encore moins bien payé que le salaire minimum. Pour les étudiants, cela représente peu, mais encore moins pour les employeurs puisque la contribution à la sécurité sociale est minimale. Le salaire brut et le net sont à peu près égaux. La même chose vaut pour les flexi-jobs dans l’horeca, qui concernent déjà 10.000 travailleurs alors que cette possibilité n’existe que depuis le début de cette année (voir notre article à ce sujet). En gros, il s’agit de salaires au rabais qui n’implique que rarement que quelque chose soit payé à la collectivité. Le secteur du travail à bas salaires connait donc une progression conséquente.

    Le gouvernement a décidé d’augmenter le nombre d’heures que les jobistes sont autorisés à prester jusqu’à 475 heures par an. L’Open-VLD a voulu aller encore plus loin, jusqu’à 550 heures. Selon Benoit Lannoo, ancien porte-parole de Joëlle Milquet (CDH), la mesure ne vise «qu’à choyer les patrons avec une main-d’œuvre plus flexible.» Cela n’a rien à voir avec le fait de permettre aux étudiants de gagner plus d’argent. D’autre part, la politique qui sévit dans le secteur de l’enseignement comme ailleurs pousse de plus en plus de jeunes à devoir travailler afin de pouvoir faire face aux coûts de leurs études. L’objectif principal de ces salaires réduits à la portion congrue est bien entendu d’offrir aux patrons une main-d’œuvre non qualifiée toujours moins chère alors que le chômage touche plus particulièrement les travailleurs non-qualifiés.

    Dans une carte blanche du 8 juillet à deredactie.be, Benoit Lannoo n’y va pas par quatre chemins: «Dans notre pays, il y a des milliers de demandeurs d’emploi peu qualifiés. Une étude menée par le Service Public Fédéral de la Sécurité Sociale a récemment calculé leur nombre: «Alors que le taux d’emploi global dans notre pays en 2015, avec 67,5%, reste au niveau de ceux des années précédentes suite, on observe une diminution du taux d’emploi des personnes avec un faible niveau d’éducation – en Flandre et en Wallonie – de 49% en 2007 à 45% en 2015.» La logique actuelle est de les mettre en concurrence avec des étudiants dont le travail est sans cesse plus flexible. Est-ce qu’un patron de l’horeca va prendre le temps de coacher des travailleurs peu qualifiés alors qu’il peut faire appel à un étudiant qui reviendra à moins cher en termes de sécurité sociale pour le faire travailler deux heures de plus ?»

    Selon Lannoo, la modification du régime de travail des étudiants coûtera 8.000 emplois réguliers. Il note aussi qu’il n’est plus question de dialogue social: «Avant, les patrons et les commerçants devaient patiemment supporter le dialogue social, maintenant, ils reçoivent gratuitement ce qu’ils veulent du gouvernement-Michel.»

    Souvent, l’opposition sociale à la politique antisociale est présentée comme une chose des temps anciens, typique d’une génération qui défend ses privilèges sans accorder d’attention à l’avenir de la jeunesse. Mais il semble bel et bien que la politique des autorités affecte très durement la jeunesse. Récemment, il a été dévoilé que le nombre de bénéficiaires du RIS (le Revenu d’insertion sociale accordé par les CPAS) a augmenté de 13,2% l’an dernier pour toucher 116.146 personnes. Parmi eux se trouvent 30,9% de personnes âgées de moins de 25 ans. «Il est désolant de constater que c’est en particulier le groupe des jeunes qui est le plus durement touché. Cela peut mettre un lourd fardeau sur leur avenir», a déclaré Julien Van Geertsom, du service public fédéral de l’intégration sociale.

    Dans le secteur le moins bien payé du pays, l’horeca où les flexi-jobs ont vu le jour, l’âge moyen du personnel est également le plus bas, 34,8 ans en moyenne. Et les jeunes accepteront encore plus facilement des emplois flexibles et précaires s’ils y sont préparés durant leurs études. C’est le seul type d’emplois que réserve aujourd’hui le capitalisme à la majorité de la population. Et ceux qui tomberont à l’eau et émargeront aux CPAS ne sont pas encore au bout de leurs peines (voir notre article à ce sujet :).

    Cette politique antisociale prive les jeunes de leur avenir. Il est grand temps de riposter. Non pas en interdisant le travail des étudiants, les étudiants peuvent gagner un peu d’argent en toute sécurité. Mais pourquoi ne pas le faire aux conditions des travailleurs ordinaires? Nous défendons également un enseignement gratuit et de qualité accessible à tous ainsi que le développement de structures et institutions de loisirs abordables. Retirons nos festivals des mains des multinationales ! Ensemble, jeunes et moins jeunes, luttons avec acharnement contre la politique antisociale du gouvernement !

  • L’ère des nouveaux esclavagistes

    Flexi-jobs, service d’intérêt général pour les chômeurs, malades au boulot,…

    Bart De Wever n’a pas son pareil pour nous faire oublier la période des fêtes. L’anti-père Noël par excellence a commencé l’année 2016 en sortant de sa hotte une attaque frontale contre la sécurité sociale, dans les pages du journal économique De Tijd : ‘‘il est bien clair que si nous ne faisons pas davantage d’économies sur le budget de la sécurité sociale, nous n’épargnons alors plus du tout. Il n’y a que là que nous pouvons encore grignoter de l’argent.’’

    Par Nicolas Croes, dossier tiré de l’édition de février de Lutte Socialiste

    Travailler jusqu’à en crever. Littéralement.

    Il s’agit quand même de bien plus qu’un grignotage… Aux dires de Di Rupo (PS), qui se base sur les calculs de la Banque Nationale, le gouvernement fédéral devrait encore trouver 6 milliards d’euros pour atteindre un budget en équilibre d’ici 2018. Ou alors reporter l’effort austéritaire, ce qui ne ferait pas sourire la Commission européenne.

    Bart De Wever n’a jamais fait mystère de son admiration pour les recettes des Conservateurs britanniques. Le thatchérisme est la pierre angulaire de sa philosophie politique : le ‘‘compassionate conservatism’, le principe d’insister sur les devoirs des hommes plutôt que sur leurs droits. De Wever estime ainsi qu’il est impossible de laisser tranquille les malades de longue durée : ils doivent retourner au plus vite au boulot ! Voilà une bonne manière d’épargner sur le budget de la sécurité sociale. On peut aussi accélérer la cessation progressive de la prépension, limiter les allocations de chômage dans le temps, ne pas rembourser certains traitements onéreux, diminuer les pensions,…

    Un regard par-delà la Manche nous permet d’apprécier les conséquences de cette joyeuse idée. Le gouvernement conservateur britannique de David Cameron y a instauré le programme ‘fit for work’ (‘apte au travail’) qui, dès décembre 2011, a commencé à exclure des allocations les malades de longue durée pour les pousser à travailler. Les autorités ont ensuite systématiquement évité de rendre publics les chiffres concernant le nombre de décès survenus peu de temps après la remise au travail. ‘‘Le nombre de décès va plus que probablement être mal interprété’’, s’est maladroitement défendu le Département du travail et des pensions. Ce n’est que suite à une pétition qui a recueilli pas moins de 250.000 signatures que les Conservateurs ont finalement publié les chiffres en août 2015.

    De ces données, il ressort que 2.650 bénéficiaires d’allocation de maladie ont trouvé la mort peu de temps après avoir été déclarés ‘aptes au travail’ entre décembre 2011 et février 2014, soit à peine plus de deux ans. Faire travailler les gens jusqu’à leur mort, c’est aussi une méthode ingénieuse d’économiser sur le budget de la sécurité sociale.

    Le 12 janvier dernier, la ministre Maggie De Block (Open VLD) a aussi abordé ce thème lors d’un débat organisé par la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) : ‘‘Nous allons mettre sur pied un mécanisme responsabilisant pour les malades de longue durée’’, a-t-elle expliqué, dans la droite ligne de l’accord gouvernemental. C’est que, des malades, il y en a de plus en plus. De très nombreuses études parlent de l’augmentation des douleurs physiques, de l’épuisement professionnel et des dépressions,… C’est la conséquence logique du fonctionnement du marché du travail actuel.

    Combien d’entreprises – privées ou publiques – ont économisé sur le remplacement des travailleurs partis en pension ? Combien de recherches ont été réalisées pour gagner la moindre minute de travail, jusqu’à imposer des pauses-toilettes réduites au maximum? Qu’espèrent-ils en forçant nos ainés à rester au travail ? ‘‘La hausse des dépenses pour les malades de longue durée est en partie la résultante de la décision de détricoter le système de prépension, ce qui fait que l’incapacité de travail agit comme une sorte de vase communicant avec le chômage’’, ont ainsi expliqué Pieter Blomme et Jasper D’Hoore dans les pages du Tijd.

    Une offensive contre tous les travailleurs

    De Wever ne s’arrête pas là : ‘‘Nous devons réfléchir à l’introduction des flexi-jobs en dehors du secteur de l’horeca. Nous pourrions peut-être également aller plus loin en ce qui concerne le travail de nuit dans l’e-commerce. Et, bien sûr, nous devons oser assouplir notre marché du travail parfois trop rigide. Je pense aux règles en matière de licenciement, mais également aux primes d’ancienneté. Et à la réintroduction de la période d’essai pour les contrats à durée indéterminée.’’ Wow… On savait déjà que De Wever estimait que les chômeurs et les malades étaient des profiteurs, mais à ses yeux, ce sont visiblement tous les travailleurs qui seraient de furieux privilégiés.

    Pour améliorer ‘‘notre’’ compétitivité, De Wever & Co veulent s’en prendre à tous les travailleurs, en essayant du même coup, si possible, de les monter les uns contre les autres. Là aussi, la N-VA n’est pas seule. En parlant, en juillet dernier, des contrats aux salaires et conditions de misère que constituent les flexi-jobs dans l’horeca, Gwendolyn Rutten (Open Vld) avait clairement laissé savoir que ce secteur représentait un test : ‘‘si ce statut flexible fonctionne, d’autres secteurs pourront également s’en servir.” N’oublions pas que l’accord gouvernemental contenait encore quelques perles qui n’ont plus beaucoup fait parler d’elles depuis, comme l’introduction d’un service d’intérêt général pour les chômeurs de longue durée.

    S’en prendre aux syndicats

    Le rêve de la coalition gouvernementale, c’est l’extension des secteurs à bas salaire ; un monde des plus accueillants pour le patronat, où les travailleurs n’auraient aucun droit, seulement des devoirs envers les employeurs et ce contre un salaire de misère et sans la protection de la sécurité sociale. Reste à faire passer la pilule en affaiblissant la résistance sociale, c’est pourquoi De Wever n’a pas manqué de lancer parallèlement une charge contre les syndicats.

    De Wever a souligné dans la même interview au Tijd que les syndicats et les mutualités reçoivent des millions d’euros pour la gestion du paiement des prestations. Sauf qu’il n’y aura pas beaucoup à économiser parmi ces 227 millions d’euros. Recourir à la Caisse auxiliaire de l’État (CAPAC) revient plus cher que les syndicats, qui réalisent une perte sur l’organisation du paiement des prestations. Qu’importe, l’occasion était trop belle de donner une petite claque aux syndicats venue par-dessus les discussions sur le service minimum et la limitation du droit de grève.

    Certains estiment que son arrogance va trop loin, même à droite. De Wever considère toujours les syndicats comme des coquilles vides. Il ne les craint pas, car il ne croit pas en la force que représente toujours aujourd’hui le mouvement organisé des travailleurs. Mais d’autres, même s’ils approuvent le chemin à suivre, estiment préférable d’éviter de jeter de l’huile sur le feu. C’est pourquoi la Fédération des entreprises de Belgique (FEB), tout en saluant la remarque visant à sabrer dans la sécurité sociale, a expliqué que la N-VA allait trop loin sur le registre des malades de longue durée. Pareil pour l’association patronale flamande VOKA, organisation qui ne nous a pourtant jamais habitués à la modération. Comme l’a fait remarquer le journaliste Luc Van der Kelen dans Het Laatste Nieuws : ‘‘Le président de la N-VA a rappelé aux syndicats qui était leur pire ennemi. Et tout porte à croire que grâce à lui, ils formeront demain à nouveau bloc.’’ Et ça, personne n’en a envie dans l’establishment.

    Il est à espérer que ce bloc de résistance soit bel et bien présent, dans un plan d’action crescendo tel que celui que nous avons connu à l’automne 2014 et qui a fait vaciller le gouvernement. C’est sur cela qu’il faut prendre exemple et non pas sur les actions sans perspectives de l’année 2015. Une occasion de faire chuter le gouvernement fin 2014 a été gâchée, mais ce n’est pas pour autant que tout est perdu. Hélas, ils sont quelques-uns dans les sommets syndicaux à penser qu’il vaut mieux attendre la fin de la législature. Cette logique équivaut à laisser les agressions antisociales se succéder et ravager notre quotidien. C’est en outre un pari très dangereux. Cette ‘‘stratégie’’ fut celle des directions syndicales britanniques mais, faute d’alternative politique et dans un contexte général de démoralisation, les Conservateurs ont à nouveau remporté les élections en 2015. Et ont rempilé au pouvoir.

  • Horeca: flexi-jobs à 9,5 euros de l’heure sans sécurité d’emploi

    keuken-300x160Cet été, le conseil des ministres a décidé de prendre des mesures sur l’emploi dans l’Horeca. Avec des flexi-jobs et des heures supplémentaires bon marché, les employeurs reçoivent énormément de possibilités. Pour Gwendolyn Rutten (Open Vld), ce n’est qu’un début : ‘‘L’Horeca sert de test, pour la nouvelle économie aussi. Si ce statut flexible fonctionne, d’autres secteurs pourront également s’en servir.”

    Un flexi-job est possible pour ceux qui, sur trois trimestres, travaillent ou ont travaillé au moins quatre cinquièmes ailleurs. Sous le prétexte d’arrondir ses fins de mois dans l’Horeca, il est donc possible de travailler pour une rémunération horaire de misère de minimum 9,50… pour laquelle il n’y a pas d’augmentations barémiques possibles et aucune cotisation à la sécurité sociale ou précompte professionnel versée. L’employeur ne paie qu’une cotisation spéciale. L’argument étant qu’il a déjà largement contribué à la sécurité sociale dans l’emploi précédent d’au moins quatre cinquièmes…

    Il n’y a pas de délai minimum pour prévenir le travailleur quand il doit travailler, on peut regarder au jour le jour si des flexi-travailleurs doivent être appelés et combien sont nécessaires. Un contrat pour un flexi-job ne doit pas nécessairement être écrit, un contrat verbal avec une déclaration journalière est également possible. On n’est vraiment plus très loin des contrats zéro heure qui n’offrent aucune garantie d’heures de travail et du salaire y afférent…

    Même le personnel temps plein de l’Horeca est mis sous pression. Le nombre d’heures supplémentaires que ce personnel peut effectuer a été relevé à 360 par an. Ce qui représente presque 2 heures par journée de travail normale. Le sursalaire pour ces heures est supprimé et même le sursalaire pour travail des dimanches et jours fériés disparaît. La règle d’un tarif salarial plancher s’étend donc petit à petit à l’ensemble du secteur.

    Ces propositions constituent une attaque contre la protection des travailleurs, des salaires et de la sécurité sociale. C’est un élément de l’introduction d’un secteur à bas salaires toujours plus étendu dans lequel les travailleurs n’ont aucun droit mais où ils doivent être à la disposition de leur employeur jour et nuit contre un salaire de misère.

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