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  • “We live in a political world” Le Parti Communiste et Bob Dylan

    Cet automne s’est éteint Irwin Silber, membre de la Ligue américaine de la jeunesse communiste et rédacteur en chef du magazine américain de musique folk Sing Out ! dans les années 60. C’est lui qui avait initié la campagne contre Bob Dylan l’accusant d’avoir prétendument trahi les mouvements radicaux de l’époque. Frank Riley, un ancien député travailliste du Lancashire, s’est penché sur la relation entre Dylan et le Parti Communiste.

    Jamais un artiste populaire n’avait reçu autant d’attaques virulentes et de critiques que Bob Dylan lors de son apparition au Newport Folk Festival en mai 1965 et, par la suite, lorsqu’il est passé à l’électrique. Cette polémique a perduré pendant des années et fait même encore écho aujourd’hui. La performance de Dylan à Newport a eu des répercussions considérables, pas seulement dans le monde de la musique folk, mais aussi sur la musique populaire basée sur les traditions américaines, en particulier la musique rock.

    Bob Dylan a ramené les paroles pleines de sens dans les chansons populaires. En plus de cela, il a produit de véritables textes poétiques et a été, pour le meilleur ou le pire, l’inspirateur d’une multitude d’auteurs-compositeurs. Même les Beatles ont déclaré s’être écartés de paroles niaises sous l’influence de Dylan. Mais le rôle du Parti ‘‘Communiste’’ (CP) – aux Etats-Unis et, plus tard, en Grande-Bretagne – qui dans un premier temps l’a porté aux nues pour ensuite tenter de le démolir, n’a pas été correctement expliqué. Les partis ‘‘Communistes’’ étaient les alliés du régime bureaucratique d’Union Soviétique, soutenant l’Etat totalitaire comme étant le véritable socialisme et justifiant toutes les dérives de la politique soviétique.

    Lorsque Dylan est monté sur scène à Newport avec un groupe de rock électrique et a entamé la chanson Maggie’s farm, une adaptation d’une vieille chanson folk, Penny’s Farm, il a créé un véritable tollé au sein des traditionalistes folk. Pete Seeger, qui était à l’époque (et toujours maintenant d’ailleurs) le leader vétéran de la scène folk américaine et qui a figuré sur liste noire durant l’ère Maccarthiste, a quasiment fait une attaque. Il y a beaucoup de légendes concernant cette journée : on raconte notamment que Seeger aurait tenté de couper les fils électriques avec une hache et que lui et le manager de Dylan, Albert Grossman, se seraient battus dans la boue.

    Seeger a admis que s’il avait eu une hache, il aurait coupé les câbles et les tensions entre les organisateurs et l’équipe de Dylan dans les coulisses seraient avérées. Ce qui est certain, c’est que Dylan a été hué par une grande partie du public. L’ordre a dû être rétabli et, finalement, Dylan est revenu sur scène avec une guitare acoustique et a chanté certaines de ses chansons « acceptables ».

    Dans quelle mesure l’explosion de Newport a été organisée et préparée, personne ne le sait vraiment. Mais il semblait bien y avoir une véritable organisation derrière les protestations qu’il a reçues à tous les concerts de sa tournée mondiale qui a suivi. Sa conversion à l’électrique n’était pourtant pas si étonnante. Son album Bringing It All Back Home, mi acoustique mi électrique, sur lequel figurait la chanson Maggie’s Farm, était en vente depuis des mois.

    En fait, Dylan avait commencé à jouer du rock’n roll à l’école. Il avait même joué du piano à quelques concerts avec Bobby Vee. Dans le ‘‘yearbook’’ de son école, dans lequel les étudiants écrivent ce qu’ils comptent faire après leurs études, même si ses projets étaient d’aller à l’Université du Minnesota, il a écrit : ‘‘Rejoindre Little Richard’’. Sa prétendue ‘‘trahison’’ était simplement un retour aux sources. Il a d’ailleurs changé plusieurs fois de style au cours de sa longue carrière, ce qui a souvent ravi, troublé ou irrité les fans, ses homologues et les critiques.

    Le jeune Robert Allen Zimmerman, devenu par la suite Bob Dylan, originaire de Hibbing, une ville minière du Minnesota, est rapidement devenu célèbre en 1962-63 grâce à plusieurs chansons contestataires qu’il avait écrites dans la tradition populaire, notamment Blowin ‘in the Wind et The Times are A-Changin. Depuis lors, Dylan a écrit et interprété toutes sortes de chansons populaires américaines à partir de diverses traditions – folk, rock, blues, country, gospel, même jazz – devenant, sans doute, l’auteur-compositeur et interprète le plus influent dans l’ère de l’après-guerre. Bien qu’il ait été initialement présenté comme une sorte de Messie politique, et soigneusement entretenu par le Parti Communiste américain inconsciemment et contre sa volonté, il est soudainement devenu un ‘‘traître’’.

    Un nouveau Woody Guthrie?

    Dylan est arrivé à New-York en 1961 alors qu’il était âgé de 19 ans. Il était passionné par la musique du chanteur folk Woody Guthrie auquel il avait rendu visite avant sa mort dans un hôpital du New Jersey. Guthrie était un proche sympathisant du Parti Communiste. Ses collègues, dirigés par Pete Seeger, ont repopularisé ce qu’ils considéraient comme des chansons du peuple dans le cadre de leur activité politique. Bien que Guthrie n’ait probablement jamais rejoint officiellement le Parti Communiste, il acceptait la ligne du parti tout autant que ses camarades qui étaient membres. Il a d’ailleurs eu, pendant un moment, une colonne dans le journal du Parti Communiste, le People’s Daily World. Il a également écrit et chanté des chansons de paix entre 1939 et 1941, pendant la période du pacte Hitler-Staline, lorsque les partis Communistes en Grande Bretagne et aux Etats-Unis s’opposaient à la guerre.

    En fait, selon Seeger, c’est Guthrie qui a en premier changé la ligne quand Hitler a envahi l’Union Soviétique. Seeger raconte : ‘‘Woody a eu un sourire sur le visage. Il m’a dit ‘‘Bon, je suppose que nous n’allons plus chanter de chansons pacifistes’’. Je lui ai dit ‘‘Quoi ? Tu veux dire que nous allions supporter Churchill ?’’. Il m’a dit ‘‘Churchill a retourné sa veste. Nous allons retourner notre veste’’. Il avait raison’’. (Interview de Phil Sutcliffe, Mojo n°193, décembre 2009). Il est intéressant de constater qu’ils n’ont pas dit que c’était Staline, mais Churchill, qui a été obligé de retourner sa veste.

    Guthrie est devenu célèbre aux Etats-Unis particulièrement avec sa chanson This Land is Your Land qu’il concevait comme un hymne radical, une alternative au God Bless America de Irving Berlin. Cependant, le fond de sa chanson correspondait plus au rêve américain qu’à une revendication pour la collectivisation des terres. Il a d’ailleurs été engagé par les organismes gouvernementaux pour promouvoir le New Deal de Roosevelt. Il a été payé pour chanter dans les villes touchées par la crise et dans les villages qui allaient être détruits pour faire place à des projets hydroélectriques, notamment le barrage de Grand Coulee, qui est devenu le titre d’une de ses chansons.

    Dylan fréquentait le Greenwich Village à New York, un quartier ouvrier et bohémien. Talent précoce, il a été nourri par beaucoup d’artistes plus âgés qui gravitaient autour de Seeger. Il est tombé amoureux de Suze Rotolo, une artiste de 19 ans qui militait dans le mouvement pour les droits civiques (elle apparait sur la couverture du deuxième album de Dylan Freewheelin’). Ses parents ayant été des ouvriers communistes militants, Rotolo était ce qu’elle appelait ‘‘un bébé à couche-culotte rouge’’. Elle a grandit dans ce milieu.

    Les membres du Parti Communiste, Seeger et Irwin Silber, éditeurs de Sing Out !, un magazine qui présentait les nouvelles chansons, étaient constamment en contact avec Rotolo, faisant en sorte qu’elle garde leur protégé sous la main. Mais il semble qu’elle n’était pas vraiment consciente de ce qu’ils faisaient. Pour ce qui la concernait, elle voulait juste aider Bob. Ils espéraient que Dylan deviendrait le nouveau Woody Guthrie et contribuerait à la diffusion de leur version du socialisme en devant la grande star du monde folk.

    Dylan a avoué : ‘‘Elle vous dira combien de nuits je suis resté éveillé pour écrire des chansons que je lui montrais en lui demandant si c’était juste. Parce que je savais que son père et sa mère étaient associés aux syndicats et elle était familière aux concepts d’égalité et de liberté depuis plus longtemps que moi. On vérifiait les chansons ensemble.’’ (Robert Shelton, No Direction Home : The Life and Music of Bob Dylan). Plus tard, il a dit qu’il ne savait pas qu’ils étaient communistes et que même si il l’avait su, il n’en aurait pas tenu compte. Dave von Rong, chanteur folk qui se surnommait lui-même ‘‘le maire troskyste de la rue McDougall’’ (Greenwich Village), est également devenu l’ami de Dylan et a rapidement découvert que celui-ci était apolitique.

    Un explorateur musical

    Ceci ne veut pas dire que Dylan n’était pas sincère dans ses chansons sur les droits civiques et ses actions. Son amour de la musique afro-américaine et son éducation juive ont fait de lui un antiraciste naturel. Les artistes noirs avaient également un très bon rapport avec Dylan – il n’a jamais été considéré comme un libéral blanc qui se donne bonne conscience. Les artistes noirs américains, de la famille Staples, en passant par Stevie Wonder à Jimi Hendrix, ont enregistré des chansons de Dylan. Bobby Seale (un des fondateurs du Black Panther Party For Self Defense) a consacré un chapitre de son livre Seize the Time à une discussion avec Huey P Newton, le leader des Black Panthers, sur le morceau Ballad of the thin man de Dylan. Ironiquement, pendant que le Parti Communiste attaquait cette chanson et d’autres, Columbia records a failli ne pas la sortir sous prétexte qu’elle était communiste.

    Harry Belafonte, un chanteur noir qui avait connu le succès dans le mainstream (style de jazz apparu dans les années ‘50), a consacré beaucoup de son temps et de son argent à promouvoir de nouveaux artistes noirs. Néanmoins, il a permis à Dylan de connaitre sa première expérience d’enregistrement en lui permettant de jouer de l’harmonica sur son album Midnight special. Dylan recourt encore occasionnellement à des commentaires politiques dans ses chansons.

    Dylan a été grandement sous-estimé par ceux qui cherchaient à l’exploiter, y compris par le PC. Loin d’être le plouc de Hibbing, Dylan profitait sans scrupule de ceux qui pouvaient être bénéfiques à sa carrière. Ses camarades d’école et ses amis musiciens de Saint Paul et de Minneapolis l’avaient bien compris. Il ‘‘absorbait’’ tout ce qui pouvait être utile plus tard, d’où son surnom ‘‘d’éponge’’ pour ses ‘‘emprunts’’ de tout ce qu’il pourrait utiliser musicalement : les idées, les chansons et les arrangements. Il tente toujours de justifier cela en disant qu’il était un ‘‘explorateur musical’’.

    Ce à quoi les musiciens folk autour de Seeger se sont vraiment opposés en 1965 n’était pas le passage de Dylan aux instruments électriques, mais son refus d’écrire plus de chansons ‘‘qui pointent du doigt’’ (tel que Dylan appelait les chansons protestataires). Ils l’ont accusé d’être ‘‘introspectif’’ et donc implicitement d’être réactionnaire. C’était, en fait, un écho du ‘‘réalisme socialiste’’ et de la ‘‘culture prolétaire’’ stériles qu’avait adopté Staline et qui se manifestaient dans les instances folks de la pureté musicale.

    La scène folk britannique

    En Grande-Bretagne, un développement similaire s’est développé dans le monde de la musique folk. En 1951, le Parti Communiste de Grande-Bretagne (le CPGB) a publié une brochure ‘‘La menace américaine sur la culture britannique’’. La menace perçue sur la musique britannique a été prise avec sérieux par les membres du Parti Bert Lloyd (mieux connu comme le folkloriste A. L. Lloyd) et par le chanteur folk Ewan MacColl (de son vrai nom Jimmy Miller), auteur de la chanson populaire Dirty Old Town qui parle de sa ville natale, Salford.

    MacColl, après avoir rencontré le folkloriste américain et membre du Parti communiste Alan Lomax, dont la secrétaire s’est révélée être Carla Rotolo, la sœur de Suze, a changé son attention vis-à-vis de la musique folk. MacColl et Loyd ont entrepris, avec succès, d’instaurer un ‘‘revival’’ folk en Grande-Bretagne. Il y avait beaucoup d’échanges créatifs entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Effectivement, il est évident que Pete Seeger, dont la sœur Peggy, chanteuse folk, est devenue par la suite la compagne de MacColl, a modelé le revival folk aux Etats-Unis sur le travail de Lloyd et MacColl.

    Cette année a également été celle de la rédaction du programme du CPGB, La Route Britannique du Socialisme, une affirmation complètement réformiste de la théorie stalinienne du ‘‘socialisme dans un seul pays’’. Les théories musicales de MacColl découlaient directement de cela. Un débat sur ce qu’étaient les chansons ‘‘pures’’ et ‘‘ouvrières’’ a fait rage dans le monde folk britannique, avec MacColl en chef d’orchestre. Il a finalement adopté la position absurde que si un chanteur était anglais, alors la chanson devait être anglaise, un chanteur américain, la chanson devait être américaine et ainsi de suite. Ils ont également précisé les définitions de ‘‘traditionnel’’, ‘‘commercial’’, ‘‘ethnique’’, ‘‘amateur’’, etc. Cela a été adopté en tant que politique dans une majorité groupes sur lesquels MacColl et ses supporters avaient de l’influence.

    Entre alors, dans ce champs miné, Bob Dylan. En 1962, Dylan vient en Grande-Bretagne. Après quelques difficultés à entrer dans le Club de Singer, installé dans le pub Wakefield de Londres, on l’a autorisé à chanter trois chansons, dont deux à lui. Des témoignages contemporains disent que MacColl et Peggy Seeger, qui tenaient le club, étaient hostiles. Comme Dylan était peu connu, une explication pourrait être qu’Alan Lomax leur ait parlé de lui. La relation entre Dylan et Carla Rotolo battait de l’aile, une relation immortalisée dans le morceau Ballad in Plan D : ‘‘Pour sa parasite de sœur, je n’avais aucun respect’’, ce qui peut l’expliquer. Ou cela pourrait être qu’ils ne considéraient pas ses propres chansons comme du folk ‘‘combatif’’. Plus tard, quand Dylan a été déclaré traitre par le PC, MacColl a été un pas plus loin et a annoncé que le travail précédent de Dylan n’avait pas été de la vraie musique folk.

    La campagne pour les droits civiques

    Dylan n’a été impliqué que rarement dans les actions politiques publiques. Il s’est rendu dans les états du sud aux Etats-Unis avec Pete Seeger pour supporter la campagne de droit de vote des noirs. Il a également chanté, avec Joan Baez, aux côtés de Martin Luther King sur la plateforme de la Marche sur Washington – là ou a été prononcé le fameux discours ‘‘J’ai fait un rêve’’. (L’activité politique de Baez provient d’un mouvement Quaker de paix : son père était un éminent physicien qui a refusé de travailler sur des projets liés aux armes et ses chansons traditionnelles folks lui viennent de sa mère moitié écossaise moitié américaine).

    Quand il était dans le sud avec Seeger, Dylan a chanté une nouvelle chanson, Only a Pawn in Their Game, sur le récent meurtre du leader du mouvement des droits civiques, Megdar Evers. Tout le monde savait que le coupable était Byron De La Beckwith, un membre du Ku Klux Klan. Mais cela a pris 30 ans (jusqu’en 1994…) pour trouver un jury du Mississipi prêt à le condamner. Dans sa chanson, Dylan accuse fermement le capitalisme, en montrant que les blancs pauvres sont utilisés comme des pions par la classe dirigeante pour diviser la classe ouvrière. ‘‘Le pauvre homme blanc est utilisé dans les mains de ceux-là comme un outil’’, un extrait qui résume le contenu de cette chanson.

    Seeger a affirmé avoir trouvé ce nouveau point de vue intéressant (No Direction Home, film documentaire de Martin Scorsese (2005)). Cela montre la position libérale du PC: voir le racisme simplement comme une question de blancs et de noirs. Les mots de Dylan, au contraire, reflètent une certaine conscience de classe.

    The « Judas » protest

    Un mois après la débâcle de Newport, le 28 aout 1965, Dylan a joué à Forest Hills avec un groupe de rock nouvellement formé basé sur The Hawks et qui prendra plus tard le nom de The Band. Une foule de 14.000 personnes a applaudi les 45 premières minutes acoustiques du concert et a ensuite hué la deuxième moitié du concert quand le groupe est monté sur scène. Le 24 septembre 1965, à Austin aux Texas, Dylan a débuté une tournée autour de l’Amérique et puis du monde qui a durée une année entière. L’évènement de Forest Hills s’est répété partout. Jamais encore on avait vu des gens acheter des tickets de concert pour exprimer un tel mécontentement sonore. Levon Helm, le batteur, a été tellement dégouté qu’il a renoncé avant la fin de la tournée américaine et a été remplacé.

    Alors que la tournée avait atteint la Grande-Bretagne en mai 1966, la tendance était installée. A Edinburgh, la Ligue des Jeunes Communistes a débattu et a décidé d’organiser une grève quand les instruments électriques sont apparus sur scène. Des évènements similaires sont arrivés à Dublin et à Bristol. La presse a très peu couvert cela, excepté pour le Melody Maker qui a fait la une le 14 mai. Avant le concert à Manchester, la société universitaire de Folk a tenu un meeting lors duquel a été voté le boycott du concert.

    C’était dans ce contexte que s’est déroulé l’extraordinaire concert au Free Trade Hall de Manchester le 17 mai 1966. Lors de la première partie du concert, il n’y a eu comme d’habitude aucun problème. Après trois chansons dans le second set – ironiquement, immédiatement après la chanson ‘‘communiste’’ Ballad of a Thin Man – les protestations ont commencé. Une fille s’est approchée de Dylan et lui a donné un bout de papier, sur lequel était écrit, on l’apprendra plus tard, ‘‘Dis au groupe de rentrer chez eux’’. Ensuite, dans un moment de silence entre deux chansons, on a pu clairement entendre le cri de protestation ‘‘Judas !’’. Dylan était visiblement et audiblement furieux et secoué – ce concert figure à présent officiellement sur un cd, après des années de contrebande.

    Bien que cela soit généralement vu comme le summum de cette période bizarre, les choses sont devenues bien plus sérieuses à Glasgow, ou un fan, armé d’un couteau, a tenté de pénétrer dans la chambre d’hôtel de Dylan. Personne ne peut véritablement accuser le Parti Communiste à propos de ce dernier évènement, mais il y a toujours un doute sur le fait que ses membres dirigeaient les évènements extraordinaires de la tournée de 1965-66, basées sur une interprétation stalinienne déformée de la culture prolétaire mêlée à une dose malsaine de nationalisme.


    Note:

    ‘‘Nous vivons dans un monde politique’’ est la première ligne de la chanson Political World qui ouvre l’album O Mercy (1989) de Bob Dylan

  • Ecole d’été. Meeting : 90 ans après la révolution russe, quelle est son actualité ?

    Si nous avons tenu un tel meeting durant notre école d’été, c’est parce que nous basons nos méthodes sur l’expérience passée du mouvement ouvrier. A travers celle-ci, nous pouvons acquérir une meilleure vision de la manière dont un mouvement se développe. D’une façon générale, cette expérience passée nous a démontré l’importance de la classe ouvrière et de la construction de ses instruments de lutte. Quant à la révolution russe, elle nous a montré qu’il était possible de briser les chaînes du capitalisme.

    Durant ce meeting, quatre orateurs ont pris la parole : Lucy Redler, de notre organisation-sœur en Allemagne, Sandi Martinez, de notre organisation-sœur au Venezuela, Denis Youkovitch, de notre organisation-sœur en Russie et enfin Peter Taaffe, de notre Secrétariat International.

    Lucy Redler : « La révolution russe ne fut pas seulement un événement russe : l’exemple de l’Allemagne »

    « John Reed a eu bien raison d’appeler son livre-reportage sur la révolution russe « Les 10 jours qui ébranlèrent le monde » : l’enthousiasme créé par cet événement unique a été gigantesque. D’emblée, la révolution russe est devenue un point de référence crucial pour tous ceux qui voulaient en finir avec le capitalisme et la guerre.

    L’écho formidable de la Révolution russe en Allemagne

    En Allemagne, comme dans d’autres pays, ce n’est pas seulement le front qui a été touché par l’onde de choc de la révolution, l’arrière également en a subit l’influence. Mais dès avant 1917 existait déjà une couche de militants radicaux qui n’avaient pas accepté la trahison direction du SPD, le parti social-démocrate allemand qui s’était aligné sur sa bourgeoisie dans la guerre. Ces militants radicaux sortirent peu à peu de l’isolement et l’on a vu, par exemple, une grève se développer en avril 1916 contre les souffrances et les privations imposées par la guerre. Les principales figures parmi ces militants radicaux étaient Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg, les fondateurs du groupe Spartakus qui a rassemblé les révolutionnaires.

    La révolution russe eut pour effet de radicaliser la classe ouvrière allemande, ce qui entraîna une vague de grèves et de protestations diverses. L’aile gauche du SPD scissionna et créa un nouveau parti, l’USPD, centriste et pacifiste. Tant parmi les masses que parmi les révolutionnaires, le slogan bolchévique de « paix sans annexions » avait un gigantesque échos. Deux mois à peine après l’Octobre Rouge russe, une grève réclamant la fin de la guerre fut menée par les deux tiers des travailleurs allemands. Des travailleurs allaient jusqu’à saboter dans les usines les tanks qui étaient destinés à être envoyés en Russie pour soutenir les contre-révolutionnaires durant la guerre civile.

    Le développement des idées révolutionnaires en Allemagne revêtait une importance particulière pour les bolcheviks. Quand, en septembre 1917, Lénine déclara que l’on se dirigeait vers une chaîne de révolutions, il ne faisait qu’exprimer une certitude répandue chez tous les révolutionnaires : ils ne croyaient pas au « socialisme dans un seul pays ». Dans la Pravda, le journal des bolcheviks, Lénine salua les révolutionnaires russes qui avaient enclenché la révolution mondiale. A ce moment, l’Allemagne avait la classe ouvrière la plus organisée au monde. Nadeja Kroupskaïa, la femme de Lénine, raconta que les premiers jours de la révolution allemande furent les plus beaux de la vie de Lénine.

    Très rapidement, Karl Liebknecht proclama la naissance de la république socialiste allemande du balcon du palais du Kaiser Guillaume II en tendant la main aux révolutionnaires du monde entier pour qu’ils continuent la révolution.

    Hélas, la vieille machine d’Etat était encore sur pied et grâce à l’aide de l’armée et à la trahison de la direction des sociaux-démocrates, la révolution a été noyée dans le sang. Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg ont été exécutés, ce qui a laissé la classe ouvrière allemande et le tout jeune Parti Communiste allemand sans direction.

    En fin de compte, lors de la révolution allemande, les soviets et conseils ouvriers n’étaient pas assez organisés, il n’y avait pas une direction révolutionnaire reconnue par la classe ouvrière et l’influence du groupe Spartakus le jour où éclata la révolution était hélas trop faible.

    La défaite de la révolution allemande et ses monstrueuses conséquences

    Malgré tout, le processus révolutionnaire dura jusqu’en 1923. Cette défaite de la révolution allemande a eu des répercussions énormes au niveau international et pour l’Allemagne même. Si la révolution avait triomphé, l’histoire aurait été totalement différente. Le nazisme n’aurait jamais vu le jour, la Deuxième Guerre Mondiale non plus. D’autre part, l’isolement des révolutionnaires russes dans un pays arriéré a ouvert la voie à la réaction et à la dictature bureaucratique. En 1924, Staline mit en avant le « socialisme dans un seul pays », à la fois pour se débarrasser de la tâche de la construction de la révolution mondiale ainsi que pour protéger les intérêts de la bureaucratie et ses privilèges, y compris en empêchant le développement d’une autre révolution qui aurait remis tout cela en cause.

    Ainsi, quand le nazisme gagna en importance et en influence, les directions du Parti Communiste stalinisé et du Parti Social-Démocrate ont refusé le front unique ouvrier pour empêcher la prise du pouvoir par le fascisme, comme l’avait préconisé Léon Trotsky.

    Après la Deuxième Guerre Mondiale, une économie planifiée a été instaurée en RDA, mais sans contrôle démocratique de la classe ouvrière.

    Malgré tout ça, les Allemands croient encore dans une certaine mesure au socialisme. Malgré le stalinisme et la propagande actuelle contre le socialisme, 48% des anciens Allemands de l’Est pensent que le socialisme et la démocratie sont possibles. »

    Sandi Martinez : « Au Venezuela : le Socialisme ou la mort ! »

    « Notre révolution doit être internationale. A ce titre, deux points sont particulièrement importants pour la révolution russe.

    • La conscience des travailleurs. En Russie, l’évolution de cette conscience entre 1905 et 1917 a été fort grande.
    • Le rôle de Lénine et Trotsky dans le cadre du développement de cette conscience pour que les travailleurs prennent le pouvoir pour construire une société socialiste.

    Il y a un parallèle à faire avec le Venezuela. Aujourd’hui, la conscience que les travailleurs doivent prendre le pouvoir par eux-même n’existe pas. Une des tâches les plus importantes de notre organisation au Venezuela est de faire prendre conscience de cette nécessité aux travailleurs vénézuéliens. Les conditions existent pour effectuer cette prise de pouvoir, mais il manque encore un instrument – une organisation – et une direction. Construire cet outil de lutte est une tâche cruciale.

    Nous pensons que le parti révolutionnaire de masse dont les masses vénézuéliennes ont besoin n’a rien à voir avec le nouveau parti de Chavez qui ne se construit pas à partir du bas de la société. Ce que nous voulons est un véritable parti révolutionnaire, pas un mélange des anciennes organisations plutôt réformistes qui ont récemment fusionné. Il est absolument nécessaire d’avoir une idéologie claire.

    Quoi qu’il puisse arriver à l’avenir, nous devons nous assurer que le thème du parti des travailleurs ne tombe pas à l’eau.

    Le socialisme ou la mort ! »

    Denis Youkovitch : « Les acquis de la révolution ont été dégénérés par Staline et la bureaucratie »

    La révolution russe a été le tournant le plus fondamental dans l’histoire humaine. Pour la première fois de l’Histoire, ce sont les travailleurs qui ont pris le pouvoir entre leurs mains en montrant qu’un autre monde était possible.

    Malheureusement, cette expérience n’a pas été aussi loin que ce que nous voulions.

    Le premier des acquis obtenus par la révolution russe, l’économie planifiée, a permis à la Russie arriérée de faire des bonds gigantesques en avant. Il faut ajouter à cela bien d’autres acquis dont l’un des plus importants a été le droit laissé aux minorités à disposer d’elles-mêmes.

    Mais tout cela a été dégénéré par Staline et la bureaucratie. Aujourd’hui, la bourgeoisie russe, qui descend de la bureaucratie, tente de récupérer l’Histoire à son avantage. Mais le capitalisme créé lui-même ses fossoyeurs.

    Jeunes et travailleurs remettent actuellement de plus en plus en cause le système d’exploitation capitaliste.

    Pour en finir avec la pauvreté : en avant vers la révolution socialiste mondiale ! »

    Peter Taaffe : « Faisons du 21e siècle celui de la révolution socialiste ! »

    « Durant cette semaine d’école d’été, nous avons déjà beaucoup discuté, mais il est absolument correct de prendre le temps de regarder cet événement qui a été le plus grand de l’histoire.

    Comment les capitalistes voyaient-ils la révolution russe ?

    Un général russe s’étonnait, et s’indignait, de voir par exemple un concierge devenir ministre, de voir des travailleurs prendre en main leur destinée. Mais sur le coup, la classe capitaliste n’a cependant pas accordé beaucoup d’importance à l’événement. L’ambassadeur de France déclara même qu’un régiment de cosaques suffirait à faire revenir l’ordre. Même l’écrivain Maxime Gorki, pourtant compagnon des bolcheviks, estimait que la révolution russe ne durerait pas deux semaines.

    Ce n’est que par après que s’est enclenchée la plus grande campagne réactionnaire de tout les temps.

    Le grand quotidien bourgeois anglais The Times titrait régulièrement « Lénine assassiné par Trotsky », « Trotsky assassiné par Lénine »,… et même une fois en première page « Trotsky a assassiné Lénine au cours d’une bagarre d’ivrognes ». Mais cette campagne est restée sans effet !

    Pour les masses, la révolution russe n’était pas vue comme un désastre, mais comme une porte ouverte vers un avenir meilleur. Suite au manque d’effet de cette propagande, c’est la pression militaire qui s’est exercée sur la Russie, à tel point qu’à un moment, il ne restait presque plus que Moscou et Petrograd sous le contrôle des soviets. Si ces derniers ont réussi à aller jusqu’à la victoire, ce ne fut pas grâce à la puissance militaire, mais bien grâce au fait que les révolutionnaire surent gagner à eux les masses exploitées de Russie. Car la guerre civile fut en premier lieu politique.

    Après la guerre civile, la campagne menée par les capitalistes fut une campagne de distorsion de l’histoire. Jusqu’à la chute du Mur de Berlin et l’effondrement de l’Union Soviétique, c’était assez logique. Mais pourquoi continuer après ?

    C’est que les capitalistes du monde entier craignent que cela se reproduise un jour.

    Tirons les leçons de la révolution russe !

    Nous ne vivons pas du passé, nous apprenons de lui. Marx et Engels avaient ainsi analysé la révolution française pour comprendre le flux et le reflux révolutionnaire. Lénine et Trotsky ont quant à eux regardé la Commune de Paris en 1871 ou encore la première révolution russe de 1905. De la même manière que les généraux regardent les batailles passées pour améliorer leur technique, nous devons apprendre de l’expérience de la classe ouvrière.

    Les bourgeois ne comprennent pas que la révolution est un processus qui englobe de larges masses et dans lequel les révolutionnaires agissent par la propagande et l’agitation. La révolution ne se fait pas sous l’action de « grands hommes ».

    C’est la guerre impérialiste de 14-18 qui a accéléré le rythme de la révolution. Mais il n’y eut que deux hommes qui ont compris ce qui se passait en Russie dès le mois de février 1917, l’un à Zurich, l’autre à New-York : Lénine et Trotsky. A l’opposé des autres Bolcheviks, y compris Staline, ils ne voulaient accorder aucun soutien au Gouvernement Provisoire qui succéda au Tsarisme et qui défendait en dernière instance les intérêts de la bourgeoisie. Il y a là un parallèle à faire avec Bertinotti et Refondacione Comunista actuellement en Italie, qui sont entrés dans le gouvernement de Prodi. Quand Lénine est arrivé à la gare de Saint Petersbourg et qu’un jeune lui déclara son désir de le voir intégrer le Gouvernement Provisoire, il l’écarta et s’adressa à la foule en saluant les travailleurs russes pour avoir commencé la révolution mondiale.

    Les Bolcheviks n’avaient au début que peu d’influence mais, malgré cela, les pressions qu’ils eurent à subir de toutes parts furent gigantesques. Mais ils sont allés vers les masses en ignorant les querelles parlementaires. Aujourd’hui, agissons de même : ignorons les bureaucrates syndicaux et allons nous adresser à la base !

    Mais Lénine ne disait pourtant pas directement qu’il fallait renverser le Gouvernement Provisoire : il fallait que la classe ouvrière apprenne peu à peu sous la propagande bolchévique dont les slogans étaient : « Tout le pouvoir aux soviets » et « A bas les 10 ministres capitalistes ».

    Nous ne pourrons pas ici entrer dans tous les détails et tous les niveaux de la révolution russe mais cet événement doit être étudié avec la plus grande attention.

    En juillet 1917, à Petrograd, la classe ouvrière est descendue dans la rue : après avoir fait la révolution, les travailleurs se sont aperçu qu’on leur volait les fruits de leurs luttes. Et cette question reste d’actualité : comment faire pour aller jusqu’à la victoire ? Il ne faut pas s’arrêter, on ne peut pas faire la révolution aux trois-quarts.

    Faire la révolution jusqu’au bout

    Quand en 1936, suite à la tentative de coup d’Etat fasciste, les travailleurs espagnols sont passés à l’offensive dans les rues, les capitalistes sont partis, il ne restait plus que leurs ombres. Les 4/5 de l’Espagne étaient aux mains des travailleurs. Hélas, cela se termina pourtant par un échec car le processus révolutionnaire n’est pas allé jusqu’au bout et avait été freiné sous le mot d’ordre de « lutter d’abord contre le fascisme ». En définitive, ce sont les fascistes qui remportèrent donc la victoire.

    Le 20e siècle a été un siècle de révolutions : en Russie en 1905 et 1917, en Chine en 1926-27, en Allemagne en 1918-23, en Espagne en 1936, mai ’68 en France,…

    En 1968, De Gaule avait même quitté le pays et imaginait marcher sur la France avec le général Massu. Pourquoi cet événement fut-il un échec pour les travailleurs ? Il n’y avait pas de parti révolutionnaire de masse, le Parti Communiste stalinisé jouant le jeu de la réaction.

    Les historiens bourgeois disent que le stalinisme découle du léninisme. L’objectif est de détruire le bolchévisme. Mais Staline représentait la réaction totalitaire de la bureaucratie contre l’émancipation libératrice du socialisme. Trotsky a passé le reste de sa vie à lutter contre Staline et l’a payé de sa vie.

    Rendons hommage à la révolution russe : Organisons-nous pour la prochaine révolution !

    Dans la période où nous entrons, l’expérience de la révolution russe ressurgira. Il s’agissait d’une révolution dans un pays arriéré et, dans un certain sens, il était peut-être plus facile de prendre le pouvoir dans un tel pays où la bourgeoisie était très faible que dans un pays capitaliste développé. Mais ce pouvoir était par contre plus difficile à garder. Aujourd’hui, les conséquences d’une révolution dans un pays comme l’Inde ou le Brésil seraient beaucoup plus grandes qu’à l’époque.

    Quand la Deuxième Internationale s’est effondrée suite au vote des crédits de guerre, Lénine et Trotsky ont dit qu’il fallait une autre Internationale. C’est pour réaliser cet objectif que se déroula en 1915 la conférence de Zimmerwald. Trotsky a dit à cette occasion que les internationalistes tenaient en deux voitures. Nous avons aujourd’hui un peu plus de voitures. Mais, deux années plus tard, il y avait la révolution russe. Ce qui ne veut évidemment pas dire qu’il y aura une révolution dans deux ans !

    Notre objectif est de créer une Internationale révolutionnaire de masse. Le Comité pour une Internationale Ouvrière pourrait en être l’embryon. Nous ne proclamons pas ce que nous ne sommes pas mais, en comparant nos idées à celles des autres, nous pouvons être marqués par le potentiel et l’accumulation de cadres que nous avons déjà réalisés.

    Cela ne fait aucun doute que le capitalisme ne peut pas dépasser ses limites. Ce n’est pas du dogmatisme, c’est de l’analyse. La question est de savoir si nous allons être capables de ne pas reproduire les erreurs du passé.

    A l’occasion de l’anniversaire de la révolution russe, pensons aussi à ces milliers et milliers d’anonymes qui ont fait cette révolution. Mais saluons aussi, entre autres, Karl Marx, Friedrich Engels et Rosa Luxembourg, la plus grande femme révolutionnaire de tous les temps. Faisons du 21e siècle celui de la révolution socialiste ! »

  • Le rôle d’un parti révolutionnaire, à la veille de la création d’un nouveau parti des travailleurs en Belgique

    Trotsky expliquait dans son ‘Programme de transition’ en 1938 : « La crise historique de l’humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire ». Cette phrase est tout aussi valide aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a 70 ans. Les 150 années qui nous précèdent sont jalonnées de luttes gigantesques et héroiques menées par le mouvement ouvrier et, ponctuellement, d’explosions révolutionnaires qui ont fait trembler sur ses bases le régime bourgeois.

    Dossier par Cédric Gérôme

    Quelques exemples…

    En Espagne en 1936, au lendemain du coup d’Etat des généraux franquistes, il s’est présenté une situation révolutionnaire exceptionnellement favorable, durant laquelle les travailleurs et les paysans ont contrôlé pendant un moment les ¾ du territoire espagnol.

    Durant l’immense mouvement de masse qui a traversé l’Italie en 1969 (= ‘l’automne chaud’), un banquier originaire de Milan expliquait qu’il avait testé à plusieurs reprises le meilleur moyen de s’enfuir à pied par la frontière suisse à travers les montagnes, paniqué qu’il était à l’idée que la classe ouvrière puisse prendre le pouvoir dans son pays !

    Au Portugal en 1974, le mouvement révolutionnaire était tel que le journal anglais « The Times » avait déclaré que le capitalisme était mort au Portugal…

    De nombreux autres exemples peuvent encore être cités ; cependant, malgré les nombreuses tentatives que le mouvement ouvrier a initiées durant l’histoire pour renverser le capitalisme et établir une société socialiste, cette tâche est toujours devant nous, et non derrière nous. Les raisons expliquant la capacité de la bourgeoisie à avoir pu systématiquement rétablir son autorité ne sont pas à chercher dans une faible conscience de la classe ouvrière ou dans une invincibilité des forces du capitalisme, mais bien plutôt dans la trahison, l’incapacité ou l’impréparation de la direction du mouvement ouvrier à mener à bien la tâche que lui posait l’histoire : diriger les travailleurs jusqu’à la prise du pouvoir.

    L’exemple des Bolchéviks

    A la question de savoir comment la société doit être transformée dans un sens socialiste, Lénine et les révolutionnaires russes nous ont procuré la réponse en construisant le Parti Bolshévik, qui a fourni à la classe ouvrière l’outil nécessaire pour prendre le pouvoir, et établir pour la première fois dans l’histoire un Etat ouvrier basé sur une économie planifiée. Les Bolchéviks ont fait passer la question de la révolution socialiste du domaine de l’abstraction au domaine de la réalité vivante, et ont démontré l’importance vitale d’un parti révolutionnaire pour réaliser cette tâche.

    La révolution d’octobre 1917 fut suivie d’une tempête révolutionnaire dans toute l’Europe. Mais Trostky expliquait que « Sans organisation dirigeante, l’énergie des masses se volatilise comme de la vapeur non enfermée dans un cylindre à piston. » Par l’absence précisément de cylindres à piston suffisamment solides, toutes ces révolutions vont se terminer en défaites sanglantes. Ces échecs successifs vont contribuer à isoler la Russie soviétique sur le plan international, et créer les conditions pour l’avènement d’une bureaucratie totalitaire qui sera elle-même le facteur de nouvelles défaites et entachera le drapeau du socialisme pendant des décennies.

    La chute du stalinisme

    Le poids parasitaire que représentait la bureaucratie sur le développement de l’économie planifiée dans les régimes staliniens finira par précipiter leurs chutes, à la fin des années ’80-début des années ’90. En ce sens, la chute du stalinisme fut un point tournant : la période qui suivit directement le retour à l’économie de marché dans les pays de l’ex-bloc de l’Est fut marquée par un recul des luttes des travailleurs sur le plan mondial et, parallèlement, par un recul de la conscience ouvrière. Beaucoup de militants et d’organisations de gauche ont succombé à l’atsmosphère ambiante d’attaques idéologiques contre les idées socialistes, se sont mis à penser que le développement du capitalisme était relancé pour une longue période, à remettre en question la possibilité même d’une transformation socialiste de la société, ou à repousser cette tâche à un avenir lointain et indéfini.

    Au lendemain de la chute du mur de Berlin, le journal bourgeois ‘The Wall Street Journal’, reflétant au mieux l’état d’esprit des milieux d’affaires, avait en première page le titre : « We won ! » (=nous avons gagné !). Le MAS-LSP, ainsi que son organisation internationale, le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) ont toujours considéré que ce triomphalisme de la part de la bourgeoisie serait de courte durée, que le capitalisme n’avait pas pour autant effacé ses contradictions et que pour cette raison, il donnerait lieu à de nouvelles explosions de luttes massives au sein de la classe ouvrière et remettrait les idées socialistes à l’ordre du jour. Pour résumé, alors que certains pensaient que la lutte des classes était définitivement mise à la poubelle, nous pensions simplement qu’elle avait temporairement été mise au frigo.

    Les développements de ces dernières années nous ont indéniablement donné raison. Dans ce cadre, des luttes telles que la grève générale contre le pacte des générations en Belgique au mois d’octobre dernier, ou la lutte contre le CPE en France ne sont qu’un léger avant-goût des explosions sociales qui nous attendent dans les 5, 10, 15 années à venir. C’est pourquoi nous pensons que la discussion sur la nécessité et le rôle d’un parti révolutionnaire n’est pas une discussion du passé mais une discussion qui reste d’une brûlante actualité.

    « Les révolutions sont les locomotives de l’histoire » (Karl Marx)

    La révolution n’est pas une création « artificielle », préparée dans un bureau et apportée de l’extérieur par une poignée de fanatiques de la révolution. Un mouvement révolutionnaire est un processus objectif, qui naît périodiquement et spontanément des contradictions de classes présentes dans la société capitaliste. C’est pourquoi, bien entendu, la révolution n’attendra pas les révolutionnaires. Marx disait que « les révolutions sont les locomotives de l’histoire ». Mais celui qui rate la locomotive le paie généralement très cher…

    Le développement d’une conscience socialiste révolutionnaire et la compréhension de la nécessité d’un parti révolutionnaire au sein de larges couches de travailleurs n’est pas quelque chose d’automatique, qui se développe de manière linéaire en un seul mouvement dans une seule direction. Dans le même sens, le processus qui part de l’élaboration d’un programme révolutionnaire et de l’accumulation des premiers cadres jusqu’à la construction de partis révolutionnaires de masse est un processus long et complexe, qui s’accomplit à travers divers stades d’évolution et de développement. En dernière instance, ce n’est que lorsque les contradictions du système atteignent leur point culminant et apparaissent au grand jour que l’espace et les conditions se créént pour une large pénétration des idées révolutionnaires au sein des masses.

    De nombreux exemples dans l’histoire illustrent comment un tout petit parti peut rapidement se développer en une force de masse lorsque les événements sont avec lui. Le Parti Bolshévik est ainsi passé d’un parti de 8000 membres à la veille du mois de février 1917 jusqu’à un parti d’un quart de millions de membres en octobre de la même année. Pendant la révolution espagnole, le POUM (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste) a quadruplé ses effectifs en six semaines.

    Pourquoi un « Nouveau Parti des Travailleurs » ?

    Bien sûr, nous sommes encore loin d’une situation révolutionnaire en Belgique aujourd’hui. Le réveil de la classe ouvrière n’en est encore qu’à ses balbutiements, et à l’heure actuelle, peu de travailleurs sont déjà enclins à tirer des conclusions révolutionnaires de leur situation. Un long chemin à travers l’école de la pratique, long chemin parsemé de luttes -dont beaucoup encore se solderont par des défaites-, sera nécessaire avant que les idées révolutionnaires d’un parti comme le MAS-LSP puissent gagner une audience de masse. Et pour cela, il ne suffira pas simplement de crier sur tous les toits que la révolution socialiste est nécessaire et que nous devons construire un parti révolutionnaire. Si tel était le cas, nous vivrions sous une société socialiste depuis longtemps déjà.

    Nous devons être capables, à chaque étape de la lutte, de construire une sorte de pont qui puisse permettre de rendre notre programme révolutionnaire accessible aux larges couches de travailleurs. C’est de l’incompréhension de cette tâche que découle l’accusation que certains nous portent en nous qualifiant de « réformistes » du fait que nous appelons à construire un nouveau parti pour les travailleurs et que nous collaborons au projet « Pour une Autre Politique » lancé par l’ex-parlementaire du SP.a, Jef Sleeckx. Ces gens ne font en réalité que camoufler derrière un discours ultra-radical une incapacité à orienter celui-ci vers des couches larges de travailleurs. C’est ce que Lénine appelait le « gauchisme ». Ce dernier expliquait que le gauchisme n’est rien d’autre que « traduire sa propre impatience révolutionnaire en une doctrine politique » ou encore « prendre son propre niveau de conscience pour celui de l’ensemble de la classe ouvrière ».

    Un proverbe dit : « c’est ceux qui en parlent le plus qui en font le moins ». En effet, pour nous, être révolutionnaires n’est pas une simple question de termes et ne se résume pas à greffer mécaniquement les formules du passé à la situation actuelle, car cela tout le monde est évidemment capable de le faire. L’histoire porte plusieurs exemples de partis qui portaient l’étiquette « révolutionnaires » sur le front, mais qui ont fini par plier les genoux devant la bourgeoisie au moment fatidique. La force d’un parti révolutionnaire se mesure notamment à sa capacité à pouvoir appliquer les leçons absorbées du passé dans des circonstances radicalement différentes, c’est-à-dire à pouvoir s’adapter aux changements qui ont lieu dans la situation objective et dans la conscience des travailleurs et à traduire son programme différemment en fonction de ces changements.

    C’est dans cette mesure que nous pensons qu’aujourd’hui, le mouvement ouvrier a besoin d’un outil intermédiaire à travers lequel chaque travailleur puisse faire sa propre expérience sur le terrain politique. La bourgeoisification accélérée de la social-démocratie (PS et SP.a) dans les années ’90 implique qu’à l’heure d’aujourd’hui, les travailleurs ne disposent même plus d’un tel instrument. Dans une période où le patronat multiplie ses attaques sur tous les terrains, la situation des travailleurs qui ne disposent pas d’un tel parti est un peu comparable à quelqu’un qui se fait gifler mais qui est incapable de riposter car il a les deux mains ligotées derrière le dos. C’est dans le but de délier les mains des travailleurs et de leur donner cet outil, qui leur permettent de riposter et de repartir à l’assaut contre les attaques de la bourgeoisie, que nous défendons depuis 1995 la nécessité d’un nouveau parti de masse pour les travailleurs.

    Cependant, nous avons toujours dit que l’émergence du potentiel politique nécessaire afin de lancer de telles formations allait dépendre des événements, des luttes concrètes qui allaient se manifester dans la société. Aujourd’hui, l’intensification de la lutte des classes est un processus perceptible à l’échelle de la planète entière. La naissance de nouvelles formations larges dans différents pays est l’expression politique de ce processus, la première réponse à la recherche parmi des couches plus importantes de travailleurs et de jeunes d’une alternative, d’un relais politique à leurs luttes. La grève générale contre le pacte des générations ainsi que la naissance de l’initiative « Pour une Autre Politique » ne sont en fait que la contribution belge à ce processus.

    Le MAS ne veut pas se contenter de saluer du balcon la naissance de ces partis, mais veut y jouer un rôle actif. Nous comprenons que ces partis peuvent servir de point de rassemblement pour tous les jeunes, les travailleurs et les militants syndicaux qui veulent se battre contre la politique néo-libérale. Cependant, nous sommes tout aussi conscients du fait que s’opposer à la politique néo-libérale n’est pas en soi une condition suffisante pour régler tous les problèmes posés par la société capitaliste aujourd’hui. En effet, l’histoire a très bien démontré que dans le cadre du système capitaliste, la bourgeoisie finit toujours par reprendre de la main droite ce qu’elle a pu donner ou lâcher comme concession de la main gauche. C’est pourquoi la question de l’orientation d’un tel parti large est une question de la plus haute importance.

    Le parti révolutionnaire et le Nouveau Parti des Travailleurs : deux tâches contradictoires ?

    Un parti ne se développe évidemment pas dans le vide : il ne peut donc pas échapper à l’influence et à la pression sociale exercée par l’environnement dans lequel il évolue ; cet environnement, c’est le système capitaliste : cela signifie que pour un parti sensé défendre les travailleurs, il s’agit d’un environnement hostile. Si cela est déjà vrai pour un parti révolutionnaire, c’est encore plus vrai pour une formation large rassemblant différents courants et individus, et qui, de par ses structures et son caractère, est nécessairement plus « perméable » à l’entrée d’éléments qui peuvent s’avérer étrangers à la défense de la cause des travailleurs. C’est une des raisons pour laquelle nous défendons l’idée que les représentants élus d’un tel parti ne peuvent percevoir un salaire mensuel dépassant ce que gagne un travailleur moyen. Le cas échéant, c’est laisser la porte grande ouverte aux politiciens carriéristes et à la course aux postes.

    Au sein d’une telle formation, les révolutionnaires devront inévitablement faire face à des pressions de toutes sortes d’individus et de courants qui tenteront de pousser cette formation dans une direction réformiste. Autrement dit, de gens qui se baseront sur les illusions réformistes encore présentes parmi les travailleurs pour se construire une position au sein du parti et qui par la suite, se serviront de cette position pour dévier le parti de ses objectifs. Cette éventualité sert d’ailleurs d’argument à certains pour tourner le dos à une telle initiative. Pour nous, c’est un argument supplémentaire pour y construire en son sein une fraction marxiste révolutionnaire avec ses propres structures, assez solide que pour être capable de constituer un contrepoids par rapport à ce type d’éléments et d’orienter cette nouvelle formation dans un sens révolutionnaire. Cela non pas en imposant notre programme comme un ultimatum à tous ceux qui rejoignent ce parti, mais bien à travers un travail patient d’actions et de discussions orientées vers la base de ce parti.

    Des expériences enrichissantes

    En ce sens, l’expérience apportée par l’évolution de partis larges dans d’autres pays doit nous servir de leçon et de mise en garde. Même si le processus de création et d’évolution de ces partis a pris des chemins différents et des spécificités dans chacun des pays concerné, nous pouvons malgré tout en tirer certaines conclusions générales. Nous ne pouvons pas ici aborder dans les détails chacune de ces expériences. Pour en savoir plus, nous vous conseillons de vous référer aux nombreux articles et documents qui ont déjà été écrits sur le sujet.

    Quoiqu’il en soit, ces expériences nous montrent que de telles formations sont très rapidement confrontés à un choix crucial : le choix entre l’inféodation progressive aux limites imposées par le système capitaliste ou celui de la défense d’un programme socialiste conséquent. L’absence ou la faiblesse du facteur révolutionnaire à l’intérieur de ces formations a à chaque fois signifié le choix de la première option.

    En Italie, le « Partito della Rifondazione Comunista » avait, au moment de sa création, non seulement attiré la majorité des anciens membres de l’ex-Parti Communiste Italien, mais également toute une nouvelle couche d’activistes au point qu’au milieu des années ’90, il comptait dans ses rangs plus de 130.000 adhérents. Ce parti avait obtenu en 1996 jusqu’à 8,6% des voix aux élections, et beaucoup de travailleurs et de jeunes avaient placé leurs espoirs en lui. Après avoir participé à plusieurs reprises à des plans d’austérité sur le plan local, la direction de ce parti a finalement décidé d’entrer en avril de cette année, au nom de l’unité anti-Berlusconi, dans la coalition néo-libérale de Romano Prodi. Cette coalition s’apprête à la rentrée à lancer un plan d’attaques néo-libérales sans précédent, comprenant une nouvelle restructuration du système des pensions ainsi que des coupes sombres dans l’éducation, les soins de santé et la fonction publique.

    pour plus d’infos :

    > http://www.lsp-mas.be/mas/archives/2005/12/28/italie.html

    > http://www.lsp-mas.be/mas/archives/2006/03/19/rome.html

    > http://www.lsp-mas.be/mas/archives/2006/03/26/italie.html

    > http://www.lsp-mas.be/mas/archives/2006/04/21/italie.html

    En Ecosse, la majorité de la direction du Scottish Socialist Party, après avoir orienté au fil des années ce parti vers une ligne de plus en plus droitière, a mené, sur base de fausses rumeurs parue dans la presse bourgeoise sur la vie sexuelle de Tommy Sheridan (=ancien membre du CIO qui était devenu le principal dirigeant et la figure publique du SSP) une campagne de diffamation digne des pires méthodes staliniennes, et a contribué ainsi à traîner le nom du SSP dans la boue. Cette crise et les méthodes de sabotage utilisés par la direction du SSP ont fini par convaincre notre section écossaise d’arrêter de faire un travail désespéré au sein du SSP. Nos camarades ont estimé sur cette base que le mieux qu’ils avaient à faire était de mettre leur énergie dans la construction d’une nouvelle formation. Cependant, la crise qu’a traversé le SSP est pour nous une crise politique qui trouve ses racines dans l’abandon, par la majorité de notre ancienne section écossaise, de la construction du parti révolutionnaire et de la dissolution de celui-ci au sein du SSP au moment de sa création.

    pour plus d’infos :

    > http://www.cwiscotland.org/ (en anglais)

    > http://www.marxist.net/scotland/index.html (en anglais)

    En Allemagne, sur base des mobilisations massives menées contre l’agenda 2010 néo-libéral du gouvernement de Schröder, une nouvelle formation de gauche lancée à l’initiative de militants et de délégués syndicaux (le WASG : Wahlalternative – Arbeit und soziale Gerechtigkeit; Alternative électorale pour l’Emploi et Justice Sociale) avait ouvert une brèche sur la scène politique allemande. Cette formation avait obtenu, ensemble avec le PDS (=héritier de l’ancien parti communiste dirigeant de l’Allemagne de l’Est) le score significatif de 8,7% des voix aux élections régionales l’année dernière. Notre organisation soeur joue un rôle déterminant dans la bataille acharnée qui se mène actuellement contre la direction nationale du WASG pour préserver les principes fondateurs qui ont été à la base de sa création, dans le but entre autres de contrecarrer les manoeuvres auxquelles ont recours les éléments droitiers du WASG pour fusionner celui-ci avec le PDS, ce dernier étant mouillé depuis plusieurs années dans la politique d’austérité. Nos camarades expliquent très justement qu’ils ne sont pas opposés à l’unité, mais que celle-ci est impossible avec le PDS tant qu’il se rend coresponsable des attaques anti-sociales contre lesquelles le WASG a été mis sur pied.

    pour plus d’infos :

    > http://www.lsp-mas.be/mas/archives/2005/09/09/allemagne.html

    > http://www.lsp-mas.be/mas/archives/2005/10/01/allemagne.html

    > http://www.lsp-mas.be/mas/archives/2005/10/20/allemagne.html

    > http://www.lsp-mas.be/mas/archives/2005/11/12/wasg.html

    > http://www.lsp-mas.be/mas/archives/2006/07/04/allemagne.html

    > http://www.lsp-mas.be/mas/archives/2006/08/25/lucy.html

    Conclusion

    Tous ces exemples montrent que si la naissance de nouveaux partis des travailleurs peut être un pas gigantesque en avant, cela ne nous offre en rien une garantie sur leur évolution future. Le rôle des révolutionnaires marxistes ne doit donc pas se limiter à aider à construire ces partis et à se laisser « emporter par le courant », mais bien à construire, renforcer et défendre consciemment leur programme révolutionnaire au sein de telles formations.

    Le fait que nous plaidions pour une approche large à travers notre participation à la construction d’un nouveau parti des travailleurs ne nous décharge en aucun cas de la nécessité de défendre de manière ouverte notre programme socialiste révolutionnaire à l’intérieur de ce parti, bien au contraire. Pour nous, cela n’a aucun sens de s’atteler à la tâche de construire un nouveau parti des travailleurs, qui puisse servir de tremplin pour permettre à des couches larges de travailleurs et de jeunes de se lancer dans la lutte politique, si c’est pour abandonner en même temps la tâche de poursuivre la bataille pour la plus grande clareté politique – et donc pour la défense des idées révolutionnaires- au sein même de cette formation. En réalité, nous voyons ces deux tâches comme inséparablement liées.

    Notre travail au sein d’un tel parti sera une combinaison de deux éléments, qui ne sont qu’une adptation aux conditions actuelles des principes du Front Unique Ouvrier élaborés par le Troisième Congrès de l’Internationale Communiste en 1921, et très bien résumés dans la fameuse phrase : ‘Marcher séparément, frapper ensemble’ : d’une part, systématiquement veiller à adapter notre approche, notre orientation et notre discours vers des couches larges et être prêts à s’engager dans des campagnes et des actions communes ; d’autre part, maintenir une clareté programmatique dans la discussion en déployant en toute circonstance notre drapeau du marxisme révolutionnaire.

    La situation d’un révolutionnaire qui rentre dans une formation large sans un parti révolutionnaire solidement structuré et préparé à cette tâche est comparable à celle d’un joueur de tennis qui vient sans sa raquette sur le terrain ou à celle d’un soldat qui débarque sur le champ de bataille sans ses munitions : autrement dit, il est désarmé et a déjà perdu la bataille d’avance…

    Tout cela n’a pour nous rien à voir avec l’idée d’établir quelque chose comme une « pureté idéologique » au sein de la nouvelle formation ; c’est tout simplement une question vitale pour son évolution future.

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