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Tag: Syrie
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Accuser l’impérialisme. “La Grande Guerre pour la Civilisation : La Conquête du Moyen-Orient”
Qui donc porte la responsabilité de la catastrophe au Moyen-Orient ? Dans ce livre, le journaliste Robert Fisk tente de retracer tous les événements qui se sont déroulés dans cette région au cours des 30 dernières années.
Revue par Per-Ake Westerlund.
Fisk a connu plus d’aventures que la plupart des héros de films. Parmi les gens qu’il a interviewés en tant que reporter figurent l’Ayatollah Khomeini et Oussama ben Laden, l’un pour le Times, l’autre pour The Independant. Il se trouvait en Iran pendant et après la révolution de 1979. Il a visité plusieurs fois la ligne de front des deux côtés pendant la guerre entre l’Iran et l’Iraq, en 1980-88. Il a accompagné les troupes russes dans les années 80’s jusqu’en Afghanistan, et y a été battu par une foule en colère après les bombardements américains de 2001. Il est arrivé à Bagdad par le dernier avion juste avant que Bush ne lance ses premiers missiles en mars 2003.
Fisk est toujours volontaire pour prendre des risques afin de se faire sa propre opinion sur ce qui se passe réellement. Il a de plus en plus défié la majorité des médias, par sa critique de la guerre d’Iraq et de l’oppression des Palestiniens par l’Etat d’Israël. Par conséquent, ce qu’il écrit vaut toujours la peine d’être lu, et c’est encore plus le cas pour ce livre, qui comprend plus de 1000 pages sur l’histoire récente du Moyen-Orient. Si le point de départ est la propre expérience de l’auteur, le thème n’en est pas moins la responsabilité des puissances occidentales dans la guerre, la souffrance et la dictature dans cette partie du monde. Une de ses conclusions est que « historiquement, il n’y a jamais eu d’implication de l’Occident dans le monde arabe sans que s’ensuive une trahison ».
Fisk écrit que le 11 septembre n’est pas la raison de ce livre, mais plutôt une tentative d’expliquer l’enchaînement des événements qui a mené aux fameux attentats. Comment Oussama ben Laden a-t-il pu remporter tous les sondages de popularité ? D’où vient-il ? La réponse se trouve dans l’histoire. Tout au long du 20ème siècle, les puissances occidentales ont démarré des guerres, occupé des pays, et renversé des régimes au Moyen-Orient, encore et encore. Selon Fisk, tout Arabe raisonnable serait d’accord de dire que les attentats du 11 septembre sont un crime, mais demanderait aussi pourquoi le même mot n’est pas employé lorsqu’on parle des 17 500 civils tués par l’invasion du Liban par Israël en 1982. Alors que les régimes du Moyen-Orient – l’Egypte, l’Arabie Saoudite, la Jordanie, la Palestine actuelle de Mahmoud Abbas – sont en excellents termes avec les Etats-Unis, ben Laden et d’autres islamistes ont rappelé aux masses toutes les guerres contre les musulmans dirigées par les USA et Israël. Avec l’échec sur le plan international des partis communistes staliniens et du mouvement social-démocrate à montrer la voie à suivre pour la lutte, c’est la religion qui est apparue comme un facteur politique. C’est le même facteur qui a également été utilisé par des régimes qui se prétendaient comme étant des musulmans authentiques – parmi lesquels le régime de Saddam Hussein des dernières années n’était pas des moindres.
A la suite du 11 septembre, George Walker Bush, avec le soutien des « dirigeants mondiaux », a décidé de bombarder ce pays déjà dévasté qu’était l’Afghanistan. Lorsque ce pays a été envahi par l’Union Soviétique en 1980, cela était le début d’une guerre qui allait durer 16 ans, avec plus d’un million de morts et six millions de réfugiés. Le régime stalinien déclinant de Moscou fut forcé à une retraite en 1988, après une longue guerre contre les « saints guerriers » moudjahiddines, que le président Reagan saluait en tant que « combattants de la liberté ». Parmi eux se trouvait un contingent saoudite, mené par le milliardaire ben Laden, financé et encadré par la CIA, la monarchie saoudite, et le Pakistan. A partir de 1988, le pays sombra dans la guerre civile entre différentes troupes de moudjahiddines, avant la prise du pouvoir par les Talibans en 1966. Les Talibans étaient des enfants de réfugiés afghans vivant dans la misère, élevés dans des écoles islamistes de droite au Pakistan, et armés par les services secrets pakistanais. Les Talibans prirent rapidement le contrôle du pays et établirent un régime islamiste fortement réactionnaire, notoire pour sa répression des femmes, son interdiction de la musique, etc. Oussama ben Laden, en conflit avec les Saoudites et les Américains après la première guerre d’Iraq en 1991, fut accueilli par les Talibans avec tous les honneurs.
Malgré le caractère du régime taliban, Fisk avait prévenu à quoi allaient mener les bombardements de Bush Jr. L’Alliance du Nord, les troupes au sol alliées de Bush, était elle aussi constituée d’assassins islamistes de droite – bien qu’opposés aux Talibans. Le nouveau président, Hamid Karzai, est un ancien employé d’Unocal, une compagnie pétrolière américaine qui essayait d’obtenir un contrat avec les Talibans au sujet d’un pipeline reliant l’Asie Centrale au Pakistan. Les avertissements de Fisk s’avérèrent rapidement fondés, de sorte qu’aujourd’hui la population locale se retrouve de nouveau piégée dans une guerre entre les troupes menées par les Etats-Unis d’une part, et les nouvelles forces des Talibans de l’autre.
Fisk nous fournit également un important récit des développements en Iran depuis1953, lorsque le Premier Ministre élu, Mohammad Mossadegh, fut renversé après qu’il ait nationalisé les installations de la Compagnie Pétrolière Anglo-iranienne (aujourd’hui devenue British Petroleum – BP). Dans les années 1980’s, Fisk a interviewé un des agents britanniques qui, avec la CIA, avait dirigé le coup d’Etat et installé le régime du Shah et de sa répugnante police secrète, la SAVAK. Le Shah devint un allié de confiance pour l’impérialisme américain en tant que fournisseur de pétrole et soutien militaire. A la base, cependant, le nationalisme iranien et la haine des Etats-Unis n’en furent que renforcés.
La situation finit par exploser lors de la révolution de 1979. Fisk cite Edward Mortimer, un de ses amis reporters, qui avait décrit ce mouvement en tant que « révolution la plus authentique de l’histoire mondiale depuis 1917 ». La principale faiblesse de Fisk est qu’il ne comprend pas le rôle de la classe salariée, bien qu’il insiste sur le fait que « les pauvres des villes » furent la principale force de la révolution. Les slogans et les espoirs des travailleurs et des organisations de gauche pour une « démocratie populaire » entrèrent bientôt en conflit avec les intentions des islamistes et des mollahs. La classe salariée dans le nord de l’Iran avait confisqué la propriété capitaliste, tandis que le régime de Khomeini, basé sur des couches urbaines plus riches, était contre toute forme d’expropriation. Pendant une longue période, la gauche pouvait se rallier un large soutien. Fisk décrit la manière dont un demi-million d’étudiants manifestèrent avec le Fedayin, alors illégal, en novembre 1979. Khomeini dut agir petit à petit pour écraser la gauche et les organisations de la classe salariée. Il exploita au maximum le conflit avec l’impérialisme américain, conduisant les partis communistes pro-Moscou, comme le Tudeh, à soutenir Khomeini jusqu’à ce qu’ils soient démantelés de force en 1983. Même alors, le régime au pouvoir en Russie ne voyait aucun problème à fournir des armes à Téhéran. Des purges massives furent menées pendant la guerre contre l’Iraq, parfois sur base d’informations « anti-communistes » fournies par l’Occident. Au cours de l’année 1983, 60 personnes par jour ont été exécutées, parmi eux de nombreux jeunes.
Lorsque la machine militaire de Saddam attaqua l’Iran en 1980, le sentiment dans les médias et chez les « experts » était que l’Iraq remporterait une victoire rapide. Mais les troupes se retrouvèrent rapidement bloquées sitôt passée la frontière, et l’armée iraqienne commença à envoyer des missiles sur les villes iraniennes, y compris des armes chimiques. Fisk donne des rapports détaillés et émouvants en provenance du front, décrivant les horreurs qui s’y passent et interviewant des enfants soldats, enrôlés pour devenir des martyrs.
Les puissances occidentales ne remirent à aucun moment en cause leur confiance en Saddam – c’est en 1983 que Donald Rumsfeld, alors secrétaire à la défense aux Etats-Unis, comme en 2003, rendit sa fameuse visite à Saddam – même si certains d’entre eux vendirent des armes à chacun des deux camps tout au long du conflit qui dura huit ans et coûta plus d’un million de vies. Plus de 60 officiers américains opéraient en tant que « conseillers militaires » auprès de Saddam, lequel bénéficiait également des données satellites de Washington. L’Arabie Saoudite paya plus de 25 milliards de dollars pour financer les frais de guerre de Bagdad. Le Koweït et l’Egypte furent eux aussi des mécènes enthousiastes. Même lors de l’Anfal, la terrible guerre que Saddam mena contre les Kurdes en Iraq du Nord, personne en Occident ne protesta. Rien qu’à Halabja, 5000 Kurdes furent tués par des armes chimiques les 17 et 18 mars 1988.
La marine américaine était mobilisée dans le Golfe Persique, afin de menacer l’Iran. Un missile américain fut tiré sur un avion civil iranien qui transportait des passagers civils. L’hypocrisie américaine, cependant, fut révélée à tous lors de l’affaire Iran-Contra, en 1986. Les USA avaient vendu 200 missiles en secret à l’Iran dans l’espoir de pouvoir récupérer des otages américains qui avaient été capturés au Liban par des groupes liés à l’Iran. L’argent obtenu par la vente des armes fut ensuite envoyé aux troupes réactionnaires des Contra, au Nicaragua.
Lorsque Saddam Hussein envahit le Koweït en 1990, il avait rendu visite à l’ambassadeur américain à Bagdad qui lui avait donné l’impression que Washington n’allait pas réagir. Il était toujours l’agent de l’Occident. En juin 1990, le gouvernement britannique avait encore approuvé la vente de nouvel équipement chimique à l’Iraq. Le Koweït avait fait partie de la même province de l’Empire Ottoman que l’Iraq jusqu’en 1889, et avait failli être à nouveau rattaché à l’Iraq en 1958, ce qui avait été empêché par les troupes britanniques.
Mais l’enjeu ici était le pétrole, et les intérêts des autres alliés des Américains. Le régime saoudite invita les troupes américaines dans le plus important des pays islamiques, ce qui eut plus tard d’importantes répercussions. L’escalade qui mena à la guerre se forma sous l’illusion d’une alliance avec le drapeau des Nations-Unies, mais dans la pratique ce fut la plus grosse intervention américaine depuis la retraite humiliante du Vietnam. Mais cette fois-ci, la guerre démarra par un bombardement massif, qui dura 40 jours et 40 nuits, avec 80 000 tonnes d’explosifs, plus que pendant toute la seconde guerre mondiale. Parmi les cibles se trouvaient des ponts, des centrales électriques, et des hôpitaux. Les troupes de Saddam devaient se contenter de rations de survie, et fuirent de panique au moment où l’offensive au sol fut lancée. Entre 100 000 et 200 000 iraqiens furent massacrés par les attaques des avions, tanks et troupes américains.
George Bush père appela alors à une grande insurrection contre Saddam, mais laissa les rébellions kurdes et chiites se faire réprimer ddans le sang. Fisk cite un officier américian disant "mieux vaut le Saddam que nous connaissons" que n’importe quel autre régime dont on serait moins certain. Plus de gens moururent lors de l’étouffement des émeutes qu’au cours de la guerre en elle-même, et deux millions de Kurdes devinrent des réfugiés.
Les mêmes Etats arabes qui, quelques années plus tôt, avaient financé la guerre de Saddam en Iran, payèrent également la nouvelle facture, de 84 milliards de dollars. Et dans les deux années qui suivirent, les Etats-Unis vendirent des armes d’une valeur de 28 milliards de dollars à tous les pays de la région.
Contre cet Iraq à l’infrastructure détruite et à la population appauvrie, les Nations Unies décidèrent d’appliquer toutes sortes de sanctions, qui conduisirent à ce que « 4500 enfants meurent chaque jour », selon Dannis Halliday, représsentant de l’Unicef en octobre 1996. Robert Fisk raconte la manière dont les enfants, victimes de munitions à l’uranium appauvri, souffrent de cancers – un mal dont souffrent également beaucoup de soldats américains. En plein milieu de la crise humanitaire, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne poursuivirent leurs raids de bombardements aériens, notamment le jour du Nouvel An 1999.
Après le 11 septembre et les attaques sur l’Afghanistan, il était clair que Bush, Rumsfeld et leurs conseillers néoconservateurs visaient l’Iraq. Fisk énumère chacun des arguments qu’ils inventèrent pour se justifier, des « armes de destruction massive » aux « connections » avec al-Qaïda. De plus, George W Bush promettait « la démocratie pour tout le monde musulman », un objectif pour lequel il ne consulta que très peu ses amis d’Arabie Saoudite, d’Egypte et du Pakistan. L’appareil de propagande exigea alors que le soutien de l’Occident à Saddam soit oublié. La « guerre contre la terreur », à ce stade, signifiait aussi le soutien à Israël et à la guerre que la Russie menait en Tchétchénie. Les critiques de Fisk firent en sorte qu’il fut montré du doigt en tant que partisan du régime de Saddam.
Cette guerre, que Fisk suivit à partir de Bagdad, signifiait encore plus de bombardements que 12 ans plus tôt. Fisk contraste les missiles dirigés par ordinateur aux hôpitaux sans ordinateurs qu’il visita. Les Etats-Unis lâchaient également des bombes à fragmentation contre les civils, ce qu’Israël a aussi fait par deux fois au Liban.
Fisk demeura à Bagdad après sa « libération », le 9 avril 2003, lorsque le pillage de masse fut entamé. Les troupes américains ne protégeaient que le pétrole et les bâtiments du Ministère de l’Intérieur. A Bagdad, des documents vieux de plusieurs millénaires furent détruits lorsque les généraux américains pénétrèrent dans les palais de Saddam. Les Américains agirent comme le font tous les occupants, écrit Fisk. Les manifestants furent abattus ; Bremer, le consul américain pendant la première année, interdit le journal du dirigeant chiite Moqtada al-Sadr ; des soldats américains paniqués fouillèrent des maisons. Avec les prisons d’Abu Ghraïb et de Guantánamo, les Etats-Unis ont également copié les méthodes de torture chères à Saddam, allant jusqu’à réemployer le même médecin-en-chef. Les USA « quitteront le pays. Mais ils ne peuvent pas quitter le pays… », est le résumé que Fisk nous donne de la crise de l’impérialisme en Iraq, une description qui est toujours exacte aujourd’hui.
Le livre de Robert Fisk contient beaucoup d’action, mais aussi de nombreux sujets d”analyse intéressants. Il écrit au sujet du génocide arménien de 1915 ; de la guerre de libération et de la guerre civile des années 90’s en Algérie ; de la crise de Suez en 1956. Il suit à la trace les producteurs du missile Hellfire utilisé par un hélicoptère Apache israélien qui tua des civils dans une ambulance au Liban. Il dit que le coût d’une année de recherche sur la maladie de Parkinson (qui emporta sa mère) est équivalent à cinq minutes de la dépense mondiale d’armes dans le monde. Il analyse la Jordanie et la Syrie ; il écrit au sujet de son père, qui était un soldat dans la première Guerre Mondiale. Ses critiques massives et bien fondées, toutefois, ne deviennent jamais des critiques du système, du capitalisme ni de l’impérialisme. A chaque fois qu’il parle des attaques militaires britanniques ou américaines, il dit « nous ».
Les travailleurs et les socialistes eu Moyen-Orient et partout dans le monde doivent tirer les conclusions nécessaires de l’histoire de la région et des événements qui s’y déroulent actuellement. La classe salariée, alliée aux pauvres des villes et aux paysans, a besoin d’un parti révolutionnaire et socialiste, capable d’unifier la classe dans la lutte contre le capitalisme, l’impérialisme et la dictature, au-delà des différences religieuses et ethniques.
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La menace d’invasion augmente l’instabilité régionale
Le combat sanglant entre les troupes turques et les guérilleros séparatistes kurdes du PKK sur la frontière Turquie/Irak a énormément attisé les tensions entre les deux pays. Le Parlement turc a décidé par 509 votes contre 19 d’accepter les exigences des chefs militaires du pays pour envahir la région Kurde au nord de l’Irak. Ils veulent débusquer des unités du séparatiste et interdit Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK).
Kevin Parslow, Socalist Party (section anglaise du Comité pour une Internationale Ouvrière).
Une invasion pourrait être lancée d’un moment à l’autre, avec de graves conséquences sur la population principalement Kurde de la région. Elle saperait aussi les puissances impérialistes occupant l’Irak, alors que Bush plaide actuellement pour un retrait des troupes. Economiquement, les marchés mondiaux ont déjà réagi avec inquiétude, le prix du pétrole a ainsi récemment atteint $90 le barril.
La minorité kurde de Turquie établie dans le sud-est du pays a, comme leurs compatriotes de Syrie, d’Iran et d’Irak, jusqu’à récemment, peu ou pas du tout de droits depuis que l’impérialisme a partagé l’ancien Empire Ottoman suite à sa chute durant la Première Guerre Mondiale.
Les Kurdes forment la plus grande nationalité sans Etat au monde. Historiquement, en Turquie, ils n’ont eu aucune reconnaissance jusqu’à tout récemment : ils ont maintenant des droits linguistiques et d’éducation limités. Leurs droits politiques ont été sévèrement réduits et les partis politiques kurdes sont souvent exclus des élections ou sont enfermés s’ils soutiennent publiquement l’indépendance ou même l’autonomie.
Le PKK, formé en 1978, a mené une campagne contre l’armée turque et des cibles économiques depuis 1984, mélangeant des combats de guerilla et des attaques ciblées – 17 soldats turques sont ainsi décédés dans une embuscade la semaine dernière. Mais l’incapacité du PKK à battre la puissance militaire turque a mené à des doutes sur ces tactiques et a conduit à un cessez-le-feu effectif entre 2000 et 2004.
Mais avec des réformes limitées et aucun mouvement vers l’autonomie (le PKK a laissé tomber la revendication d’indépendance), le PKK a repris ses activités militaires. Son dirigeant, Abdullah Öcalan, est arreté depuis 1999 et est emprisonné dans une prison turque d’où il aurait apparemment appelé a un cessez-le-feu.
Pourtant, durant ces derniers mois, le PKK a repris ses attaques sur des cibles en Turquie. L’armée turque croit qu’elles sont lancée depuis des bases au Kurdistan irakien. Les chefs militaires veulent entrer dans cette zone et tenter de battre le PKK avec le soutien du Parlement. A cause des méthodes du PKK, il y a parmi la population turque une légère approbation pour les propositions de l’armée et une grande hostilité contre les revendications nationales des Kurdes.
La Turquie est la seconde puissance armée de l’OTAN, derrière les USA et l’armée se considère comme la gardienne de la constitution laïque turque. Elle a mené quatre coups contre des gouvernements élus depuis 1960 à des moments où l’instabilité politique et économique menaçait leur position dominante dans la société.
Mais les militaires ont reçu un camouflet en juillet 2007 quand ils ont appelés à une élection générale après s’être opposés à la proposition de l’AKP – Parti de la Justice et du Développement, parti à l’origine islamiste avant que ses dirigeants ne prennent leurs distances avec cette idéologie – qui voulait qu’un de ses membres, Abdullah Gul, soit nommé au poste de président. L’AKP a facilement gagné ces élections principalement sur base de la croissance économique du pays et a donc pu nommer son candidat.
La volonté de s’attaquer au PKK provient assurément en partie de la nécessité de reconstituer le prestige de l’armée dans la société. De plus, tant l’armée que le gouvernement craignent la création d’un Etat kurde indépendant dans le nord de l’Irak. Une étape importante vers ce nouvel Etat vient d’être franchie avec la signature de contrats pétroliers directements passés entre le gouvernement régional kurde irakien et les multinationales pétrolières.
Une bonne partie de l’irak a déjà été dévastée par l’invasion américano-britannique et ses conséquences. Si la Turquie envahit elle aussi le pays, la partie de l’Irak a pour l’instant le moins souffert subira davantage de dévastations.
Certains dirigeants kurdes irakiens veulent d’ailleurs que le PKK se retire vers la Turquie pour empêcher la catastrophe, mais d’autres veulent que le gouvernement irakien empêche physiquement l’armée turque d’envahir la région tandis que les chefs arabes estiment que c’est aux forces kurdes de défendre leur région.
Le peuple kurde est descendu dans les rues de villes irakiennes telles qu’Irbil pour protester contre la décision prise par le Parlement turc. La plupart des Kurdes n’accepteraient pas une attaque de la part de l’armée turque. Nombreux sont ceux qui sont persuadés que l’armée turque interviendrait dans le nord de l’Irak pour des intérêts politiques et économiques sur le dos des ethnies de la région.
Les intérêts américains
Les relations entretenues entre les Etats-Unis et la Turquie étaient par le passé très amicales, mais se sont refroidies ces dernières années. Bien que les USA soutiennent l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne, l’hostilité du peuple turc envers l’impérialisme américain a empêché le gouvernement de permettre à Bush et Blair d’employer le territoire turc pour envahir le nord de l’Irak en 2003.
Les tentatives actuelles des USA pour empêcher toute incursion turque en Irak n’ont pas été aidées par une note déposée devant le Congrès américain selon laquelle la mort de jusqu’à un million et demi d’Arméniens turcs entre les mains de l’Empire Ottoman entre 1915 et 1917 était un « génocide ».
Aucun doute n’existe sur l’existence de ce massacre, mais c’est une offense criminelle de soulever ce fait en Turquie. Un nationaliste de droite turc a ainsi récemment assassiné le principal journaliste arménien turc Arat Dink. Le fils de ce dernier a d’ailleurs aussi été, avec un autre journaliste arménien, condamné à un an de prison avec surcis pour provocations contre l’histoire officielle turque.
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Impérialisme américain. Un colosse aux pieds d’argile
La décision de Bush d’envoyer 21.500 soldats supplémentaires en Irak est une fuite désespérée en avant. La seule puissance militaire n’est pas suffisante pour ‘stabiliser’ un pays. Quel contraste avec la situation qui a suivi immédiatement les attentats du 11 septembre ! Bush était alors au summum de son soutien populaire et s’en est servi pour envahir l’Afghanistan et chasser le régime intégriste des talibans qui accueillait et protégeait Ben Laden.
Peter Delsing
Enlisement au Moyen-Orient
Les Talibans éjectés, Karzaï, ami des Etats-Unis, est arrivé au pouvoir. A ce moment-là déjà, les Etats-Unis auraient dû savoir que le « changement de régime » ne disposait pas d’une base économique et politique suffisante pour assurer un régime stable. Mais il va de soi que les capitalistes américains et afghans n’ont pas utilisé les millions de dollars pour élever le niveau de vie de la population.
Aujourd’hui la culture d’opium est redevenue la ressource principale du pays tandis que les Talibans ont entamé une nouvelle offensive. Au cas où cela intéresserait encore Bush, le « terroriste n°1 » Ben Laden n’a toujours pas été retrouvé. Aucune amélioration sociale n’est possible dans des pays qui, comme l’Afghanistan, restent sous la coupe de l’impérialisme malgré un vernis d’indépendance.
Le nouveau front ouvert par Bush contre le terrorisme s’est révélé être un terreau fertile pour de futurs terroristes. L’invasion militaire de l’Irak était destinée à redessiner la carte du Moyen-Orient, à obtenir le contrôle des richesses pétrolières et à enrégimenter la classe ouvrière américaine en lançant un cri de guerre.
En guise de contrôle sur le Moyen-Orient, la région est maintenant devenue une véritable poudrière. En Irak, ce sont des groupes chiites liés à l’Iran qui portent le régime. Le pays sombre dans une guerre civile plus ou moins ouverte entre chiites et sunnites. Les deux camps recourrent aux attentats et à la purification ethnique des quartiers. 15% de la population a fui le pays ou s’est réfugiée dans une autre région.
L’armée américaine, dont plus de 3.000 soldats ont trouvé la mort en Irak, est transformée en cible ambulante. Les soldats sont chargés de traquer et « d’éliminer » activement les groupes rebelles, selon les propres paroles de Bush. Une telle politique déplacera les problèmes plutôt que de les résoudre. S’il est vrai que les partisans du dirigeant chiite radical Al Sadr se sont partiellement retirés de Badgad, cela ne sera qu’un phénomène temporaire.
Bush est de plus en plus isolé avec les débris de sa politique. Lors des récentes élections de mi-mandat, son parti a été châtié par les électeurs. Tony Blair, son plus fidèle allié, vient d’annoncer un premier retrait de 1.600 soldats d’Irak. C’est un aveu significatif, le gouvernement britannique reconnaît avoir fait fausse route.
Ailleurs dans la région, l’impérialisme a perdu du terrain. La Palestine est au bord d’une guerre civile entre le Fatah et les fondamentalistes du Hamas au pouvoir. Les deux factions palestiniennes se sont ‘réunies’ dans un gouvernement d’unité nationale instable. Au Liban, les islamistes du Hezbollah ont renforcé leur position après avoir mené une résistance réussie contre l’armée israélienne. La population craint qu’une nouvelle guerre civile n’accentue les tensions ethniques et religieuses dans le pays.
Du changement de régime au retour du «containment»?
Le plan des néoconservateurs selon lequel un changement de régime en Irak conduirait à un scénario où les régimes de la région non alignés sur les USA (Syrie, Iran,…) tomberaient les uns après les autres comme une chaîne de dominos sous la pression militaire américaine s’est embourbé dans le sable irakien.
Entretemps, en Amérique Latine, le « jardin des Etats-Unis », un processus révolutionnaire pointe à l’horizon. Au Vénézuela, par exemple, des couches larges de la population discutent du socialisme. La seule superpuissance sortie de la guerre froide n’a pas les moyens d’intervenir, l’effet serait trop radicalisant.
Récemment, Bush a même dû conclure un accord avec la Corée du Nord stalinienne, qui recevra du pétrole en échange de l’arrêt et du démantèlement de son programme nucléaire. L’Iran, soupçonnée également d’ambitions nucléaires militaires, attend sans doute un accord économique similaire.
L’illusion d’un impérialisme américain capable d’envahir plusieurs pays et de les « occuper » s’est effondrée durablement. La Corée du Nord a donc reçu l’ancien traitement de « containment » (contenir un régime en maniant à la fois le bâton et la carotte)
Cependant l’envoi d’un porte-avions US en direction de l’Iran montre que l’influence des néoconservateurs n’a toujours pas disparu. Une attaque aérienne sur les installations nucléaires, au lieu d’une attaque terrestre, n’est pas exclue.
Une telle attaque aurait pourtant des conséquences extrêmement dangereuses au Moyen-Orient et dans le monde entier. Mais la guerre connaît ses dynamiques propres et la clique autour de Bush n’est pas spécialement réputée pour son attention au contrôle des dégâts.
La réalité oblige Bush à appliquer une politique un peu plus pragmatique. Mais tout reste possible.
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Liban : l’arène perpétuelle des luttes inter-impérialistes
Les derniers événements choquants au Liban, ont démontré inébranlablement le degré d’implication des puissances mondiales et régionales dans la scène politique libanaise, caractérisée, depuis sa création par un décret colonial français en août 1920, par des implosions et des guerres interminables.
Sofiene C., sympathisante du CIO
La récente invasion israélienne des territoires libanaises, commencée le 12 juillet dernier, montre, tout à la fois et simultanément, la fragilité du système politique au Liban et son aliénation et attachement envers les pays étrangers, ainsi que la complaisance des régimes de la « communauté internationale » avec Israël dans sa destruction systématique du « pays du Cèdre ».
L’offensive israélienne au Liban n’est pas la première. On dénombre maintes reprises de déploiements de forces israéliennes dans ce pays. En 1978, pendant la guerre civile inter-confessionnelle, Israël occupût le sud de Liban, pour mettre en place une zone-tampon contrôlée par une milice libanaise armée par lui. C’était, lors, pour soutenir les milices de l’extrême droite, représentantes de la bourgeoisie chrétienne maronite, à travers le Parti des Phalangistes ; contre les troupes palestiniennes et musulmanes libanaises, guidées par les communistes libanais et le Parti Démocratique Progressiste de Kamel Joumblatt.
Puis, en 1982, profitant de la faiblesse et la discorde entre les pays arabes, l’armée israélienne envahit tout le Liban et atteint les faubourgs de Beyrouth, chassant les milices palestiniennes et imposant le Chef des Phalangistes, Bechir Gemayl en tête du pouvoir, qui a été rapidement assassiné par ordre de la Syrie. Tout le monde se rappel, lors de son retrait, le massacre du camp palestinien du Sabra et Chatila en septembre 1982, sous l’ordre direct de Sharon.
Cependant, les milices du Hezbollah, contrôlaient de plus en plus la région à majorité chiite au Sud Liban et à Bayrouth-Sud. Appuyé et financé par l’Iran et la Syrie, ce parti ultraconservateur, conservait une popularité grandissante, en menant une politique sociale et culturelle de solidarité et de gestion locale (constitution des mosquées et des écoles relieuses, création des hôpitaux et de services d’aides sociales…). Il a pu s’invétérer dans les couches populaires réclament le chiisme révolutionnaire (communément, le chiisme était, durant l’histoire des musulmans, dans la conscience imaginative, une source et propulseur des révoltes des opprimés contre l’ordre dominant. On illustre plusieurs révolutions des nègres et des esclaves à travers l’histoire de la région). C’est un Etat dans l’Etat.
En Outre, le « PARTI DE DIEUX » se réclame de l’anti-communisme. Citons comme titre de preuve l’assassinat de l’intellectuelle progressiste Mehdi Amel, sous L’ordre Cheikh Nassrallah.
En revanche, profitant des disputes entre les partis libanais, notamment entre la coalition dite de 14 Mars, qui rassemble les forces anti-syrienne ; d’un coté, et d’autre coté les pro-syrien, y inclus Hisbollah, l’armée israélienne ravagent le territoire au Liban. Sous l’effet des bombardements incessants par des tires d’aviations et d’artilleries israéliennes, l’infrastructure délicate au Liban a été, catégoriquement, détruite. On estime jusqu’à maintenant 2 milliards de dollar la somme de perte. Une vague de la diaspora massive vers les pays étrangers comptant environ 1 million de réfugiés sur 4 millions habitants. Parallèlement, on estime proximativement 1000 morts, de majorité civile. Les représailles israéliennes absurdes et odieuses, n’ont pas, le plus souvent, de limites.
L’invasion, israélienne engendre, une autre fois, le désastre et la mort dans la zone, et cela, sous le silence et la compromission des puissances mondiales.
Une communauté internationale à coté d’Israël
Les Etats-Unis continue à soutenir la politique expansionniste d’Israël. En empêchant, la proclamation d’une résolution du conseil de sécurité pour un cessez de feu, et en fournissant, avant la date préalable, des armes ultra-modernes, les Etats-Unis approuve, incontestablement, sa relation organique avec Israël. A cet égard, le Chef du Hezbollah, a indiqué, vraisemblablement, en faisant référence à la visite de la Chef de la diplomatie américaine en région que les Etats-Unis essaye « d’imposer ses conditions au Liban pour servir son projet de nouveau Moyen Orient et servir Israël » Submergé dans le chaos irakien, les Etats-Unis n’a de force pour ouvrir un autre front militaire. Et pourtant, sa volonté d’ancrer sa mainmise dans le monde n’a jamais cessé. Elle se croit invincible.
En fait, elle cherche à affaiblir les deux puissances de la région qui n’ont pas, jusqu’ à maintenant, étaient mises en place sous sa tutelle directe. Suite aux pressions politico-médiatiques et diplomatiques envers ces deux pays, une attaque contre leurs bras tendus au frontière nord israélienne, le Hezbollah ; est exigeante pour les anéantir. C’est à Israël de jouer le rôle de l’écrasement de la milice libanaise.
Et alors ?
Fondamentalement, aucun des pions politiques au Liban ne reflète, clairement les couches sociales opprimées qui subissent-elles seules les répercussions des guerres qui ne sont pas leurs siennes. Les conflits confessionnels et les terribles guerres entre les pays n’ont causé que, essentiellement, des bains de sang et, généralement, ont renforcé la haine entre les peuples et les déshérités. Ni Hezbollah, ni le parti Amel chiite, ni le front du Bristol (composé principalement par Walid Joumblatt et Saâd Al Hariri), qui soutient cyniquement la résistance islamique ne peuvent exprimer les vraies ambitions des libanais. Nul n’ignore la nécessité et l’importance de la lutte armée contre l’intrusion israélienne mais qu’elle doit, obligatoirement, sous l’égide d’un mouvement enraciné dans les classes populaire, dépassent toutes les divisions inter-religieuses et les survivances moyenâgeuses, et promettant une perspective et alternative socialiste pour toute la région.
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Manifs massives contre les caricatures de Mahomet
Ces dernières semaines, des manifestations contre la publication des dessins représentant Mahomet dans divers journaux européens ont montré l’énorme colère provoquée parmi les musulmans par « la guerre contre le terrorisme » de Bush et l’invasion de l’Irak. Beaucoup voient ces dessins comme les dernières provocations et actes agressifs d’une longue série: l’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak, l’extension d’Israël dans de plus en plus de territoires palestiniens, etc. Dans les pays européens, un ressentiment se développe parmi des musulmans contre les politiques de plus en plus racistes des gouvernements occidentaux et l’augmentation perçue des sentiments anti-islamiques.
Ces développements sont un avertissement des tensions et des divisions qui peuvent se développer en l’absence d’un mouvement ouvrier socialiste fort, offrant une alternative de classe.
Dans un certain nombre de pays arabes, les manifestations ont pris un caractère anti-impérialiste. Bien qu’il s’avère dans un pays tel que la Syrie que le régime a utilisé les manifestations pour ses propres intérêts, afin de donner un avertissement à l’Occident et réaffirmer en même temps ses intérêts au Liban.
Toutefois, le caractère de certaines de ces manifestations, venant après une série d’attaques terroristes sur les cibles civiles occidentales, a renforcé la tendance des divisions entre les musulmans et les non-musulmans dans plusieurs pays.
Cette situation se développe alors qu’il y a déjà des pressions au niveau européen et des tensions produites par le transfert du travail et la migration forcée – résultant des effets de la mondialisation capitaliste et de l’offensive néo-libérale.
Tous les opportunistes, que ce soient les religieux sectaires ou les racistes, veulent exploiter la situation. Les gouvernements des puissances occidentales utilisent cette situation pour renforcer leur politique sécuritaire et raciste, comme par exemple au Danemark ou en France, où les lois sur l’immigration se durcissent.
Dans les pays arabes, les chefs religieux islamiques de droite ont saisi l’occasion de renforcer leur position d’« opposition » à l’impérialisme et également leur pouvoir sur la société.
Le manque d’une opposition de classe se voit partout au Moyen-Orient. Les élections en Palestine en sont un exemple clair. Le vote massif pour le Hamas montre un ras-le-bol complet dans la population palestinienne face à la politique d’occupation israélienne, mais également face à l’énorme corruption qui s’est développée dans le Fatah.
Le Hamas n’est absolument pas une réelle alternative à la politique menée aujourd’hui en Israël-Palestine. Mais sa victoire montre clairement l’incapacité de l’impérialisme à construire une stabilité dans la région et, plus généralement, la faillite du capitalisme à trouver une solution au conflit au Moyen-Orient.
Ce qui est absent, est une voix socialiste puissante qui peut intervenir et empêcher l’exploitation de cette situation par les religieux sectaires ou les racistes. Mais, à moins que le mouvement ouvrier internationalement puisse offrir une alternative, la prochaine période de la crise pourrait voir des sociétés déchirées par des divisions impliquant des conflits religieux, ethniques et nationaux.
C’est pourquoi nous luttons contre toute oppression basée sur la religion, la race, la nationalité, l’orientation sexuelle, et soutenons le droit des opprimés à se défendre. EGA, le MAS, et ses sections-sœurs à travers le monde, travaillent pour construire un mouvement uni des jeunes et travailleurs pour lutter contre l’oppression et le capitalisme, et commencer à créer une société socialiste.
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Le Liban en ébullition
L‘assassinat de l’ex-Premier ministre Raffic Hariri le 14 février a plongé le Liban dans une crise de régime qui couvait déjà depuis quelques mois. La classe dirigeante a étalé ses divisions tandis que des centaines de milliers de Libanais manifestaient tour à tour pour ou contre le gouvernement et la puissance tutélaire syrienne. La polarisation est telle dans ce pays de 3,5 millions d’habitants qu’une nouvelle guerre civile n’est pas à exclure.
Thierry Pierret
L’origine de la crise remonte à septembre 2004. Raffic Hariri, alors Premier ministre, démissionnait avec fracas pour protester contre la prolongation anti-constitutionnelle du mandat du président pro-syrien Emile Lahoud. Avant d’entrer en politique, Hariri avait amassé une fortune colossale en investissant dans la reconstruction d’un pays ravagé par 15 ans de guerre civile. L’énorme chantier de la reconstruction a fait affluer les capitaux de la diaspora libanaise et la main d’œuvre syrienne.
Mais la reconstruction n’en a pas moins creusé les inégalités sociales. Si les grandes infrastructures et le centre commercial de Beyrouth ont connu une véritable résurrection, les quartiers populaires et les camps de réfugiés palestiniens n’ont pas fini de panser leurs plaies béantes. Le marché de la reconstruction a généré des fortunes colossales et une corruption galopante qui a arrosé les politiciens de tous les partis. Le Liban est également devenu la plaque tournante de toutes sortes de trafics illégaux avec la complicité des militaires et des services de renseignement libanais et syriens qui se sucrent au passage. Cette situation a nourri l’exaspération des nombreux laissés-pour-compte du " miracle libanais " envers le régime et l’occupant syrien. L’assassinat de Hariri est l’étincelle qui a mis le feu aux poudres.
Quelle issue à la crise?
Nombre de Libanais accusent la Syrie. A l’appel de l’opposition, des centaines de milliers de Libanais de toutes confessions sont descendus dans la rue à plusieurs reprises, provoquant la démission du Premier ministre pro-syrien. L’opposition se sent pousser des ailes dans le dos depuis le vote l’année passée de la résolution 1559 de l’ONU qui exige le retrait des troupes syriennes. La France espère bien reprendre pied au Liban tandis que les Etats-Unis y voient un levier pour renverser le régime ba’thiste syrien. En effet, un Liban libéré de la tutelle syrienne priverait Damas de tout moyen de pression sur Israël en mettant le Hezbollah au pas et expulserait sans doute tout ou partie du million d’immigrés syriens qui contribuent à maintenir l’économie syrienne à flot en envoyant une partie de leur salaire au pays.
Mise sous pression, la Syrie a commencé le retrait de ses troupes. Mais elle n’hésitera pas à déstabiliser le Liban si l’opposition devait gagner les élections prévues en mai. Des attentats ont déjà eu lieu dans des quartiers chrétiens et ils vont sans doute se multiplier à l’approche des élections. La Syrie a commencé à allumer des contre-feux en mobilisant ses partisans libanais. A l’appel du Hezbollah, 500.000 Chiites manifestaient le 8 mars à Beyrouth en soutien à la Syrie. Si la capacité de mobilisation du Hezbollah repose davantage sur le clientélisme que sur l’adhésion, le risque de confrontation intercommunautaire n’en est pas moins réel. D’autant plus que certaines composantes de l’opposition attisent délibérément la haine contre les immigrés syriens et les 400.000 réfugiés palestiniens du Liban. Cette attitude ne peut que pousser ces communautés à faire bloc avec Damas. D’autres états, avec ou sans le soutien de l’impérialisme, chercheront alors des relais au sein de l’une ou l’autre communauté libanaise pour contrer la Syrie. Le Liban risque de redevenir ce champ de bataille où tous les protagonistes du Proche-Orient règlaient leurs comptes par Libanais interposés.
L’absence d’une opposition ouvrière et socialiste crédible se fait cruellement sentir. Une opposition qui lie la lutte contre l’occupation syrienne à la lutte contre les capitalistes libanais et la classe politique corrompue. Une opposition qui défende l’égalité politique et sociale des travailleurs libanais, syriens et palestiniens pour forger l’unité de toute la classe ouvrière du pays.
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Une bombe à retardement sort des urnes irakiennes
Les élections du 30 janvier peuvent apparaître à première vue comme un succès pour l’Administration Bush avec un taux de participation honnête (59%) et un nombre limité d’attentats. Pourtant, à y regarder de plus près, le verdict des urnes irakiennes est lourd de menaces pour la stabilité de l’Irak et du Moyen-Orient.
Thierry Pierret
Les Arabes sunnites ont largement boycotté le scrutin et leur représentation dans l’Assemblée nationale sera quasiment anecdotique. Le haut taux de participation des Arabes chiites et des Kurdes est tout aussi lourd de menaces. En effet, les uns et les autres ont toujours été minorisés politiquement, non seulement dans l’Irak moderne, mais même depuis des siècles. Les premiers n’ont pas voulu manquer l’occasion de traduire leur majorité numérique en majorité politique dans l’Assemblée nationale. Les seconds se sont mobilisés pour donner un maximum de poids à leurs revendications autonomistes. Les Kurdes organisaient d’ailleurs un référendum parallèle sur l’indépendance de leur région…
Le résultat des élections confirme ces tendances lourdes. L’Alliance irakienne unifiée, qui regroupe plusieurs partis chiites et qui est parrainée par le Grand Ayatollah Ali Sistani, obtient 48,01% des voix et la majorité absolue dans l’Assemblée nationale. Le cartel des deux grandes formations kurdes, l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) et le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), arrive en seconde position avec 25,7% des voix. La liste du Premier ministre sortant Iyad Allaoui essuie un échec cuisant avec seulement 13,8% des voix. Le gouvernement intérimaire est donc désavoué et ne pourra être reconduit. Le poste de Premier ministre devrait échoir à l’Alliance irakienne unifiée dont les représentants seront moins dociles envers les Etats-Unis. Il n’est pas exclu qu’ils prônent un rapprochement avec la Syrie et l’Iran que les Etats-Unis viennent pourtant de classer parmi les « avants-postes de la tyrannie ».
Le résultat des élections provinciales, qui avaient lieu simultanément, n’annonce rien de bon pour la stabilité du pays. Le cartel kurde du PDK et de l’UPK a obtenu 58,4% dans la province de Taamim dont Kirkouk est le chef-lieu. Si on sait que Kirkouk fait l’objet d’une lutte intense entre Kurdes, Arabes et Turcomans (minorité turcophone d’Irak) pour son contrôle, on mesure mieux le caractère explosif de ce résultat. Les Kurdes vont invoquer ce résultat pour exiger le rattachement de Kirkouk à leur région autonome. En effet, un tiers du pétrole irakien est produit dans les régions de Kirkouk et Mossoul (que les Kurdes revendiquent également).
Le rattachement de Kirkouk et de Mossoul à la région autonome kurde fournirait la base économique à un futur Kurdistan indépendant. Les velléités indépendantistes kurdes se heurteront à la volonté des Arabes irakiens de maintenir l’intégrité territoriale du pays, mais aussi aux minorités non-kurdes du Kurdistan qui craignent pour leurs droits dans un Kurdistan indépendant. La Turquie, qui redoute plus que tout un tel scénario et qui convoite les richesses pétrolières du Kurdistan irakien, pourrait prendre prétexte de la défense des Turcomans pour intervenir militairement.
Le Parti communiste irakien n’obtient que trois sièges dans l’Assemblée nationale. C’est largement dû à des décennies de répression sanglante de la part du régime baasiste qui ont démantelé ce qui fut le plus puissant parti communiste du Moyen-Orient dans les années cinquante et soixante.
Mais c’est aussi dû à sa stratégie réformiste qui l’a amené à participer aux institutions intérimaires mises en place par les Etats-Unis. Le PC y a perdu ce qui lui restait de crédit parmi les travailleurs et les paysans. Faute d’alternative de gauche crédible, l’Alliance irakienne unifiée a vu s’ouvrir à elle un boulevard dans ce Sud irakien qui était jadis un bastion du PC.